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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 30 mai 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1412) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le conseil communal de Ghoy demande que le projet de loi relatif aux octrois supprime l'impôt de capitation ou d'abonnement dans les communes rurales. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Des habitants de Flavion présentent des observations sur le projet de loi relatif aux octrois. »

« Mêmes observations d'habitants d'Andenne. »

- Même décision.


« Des propriétaires et cultivateurs à Quevaucamps présentent des observations contre le projet de loi relatif aux octrois. »

« Mêmes observations de propriétaires et cultivateurs de Grandglise, Stambruges, Ville-Pommeroeul, Pommeroeul, Harchies, Blaton, Bernissart, Peronnes, Hornu, Estinnes-au-Val, Rouveroy, Vellereille-le-Sec, Givry, Haulchin, Estinnes-au-Mont, Basècles, Tirlemont. »

- Même décision.


« Plusieurs sucriers à Blaton prient la Chambre de rejeter la partie du projet de loi supprimant les octrois qui est relative aux sucreries indigènes. »

« Même demande d'ouvriers sucriers à Grandglise, Tirlemont, Peronnes, Visé, Estinnes au-Val, Estinnes-au-Mont, Bray, Villers-St-Ghislain, Rouveroy, Haulchin, Gembloux. »

- Même décision.


« Par dépêche du 26 mai M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre les tableaux de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire pendant l'année 1858 tant par le gouvernement que par les provinces et les communes. »

- Renvoi à la section centrale et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« M. le ministre de la justice transmet avec les pièces de l'instruction les demandes en naturalisation des sieurs Burette, Félicien-Ferdinand-Fançois, négociant domicilié à Evrehailles et Sury, Edouard, hôtelier. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le comité des fabricants de sucre de betteraves adresse 120 exemplaires de sa réponse au rapport de la section centrale. »

- Distribution à MM. les membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.


M. le président. - A la fin de la séance d'hier, vous avez chargé le bureau de la nomination de la commission qui sera chargée d'examiner le projet de loi déposé par M. le ministre des finances, relativement à l'acquisition d'un hôtel rue Ducale. Le bureau a nommé MM. Ernest Vandenpeereboom, De Fré, Tack, Hymans, de Boe, Orban et Van Volxem.

Projet de loi supprimant les octrois communaux

Discussion générale

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le tableau qui a été demandé dans la séance d'hier et qui indique par commune, pour 1859, le produit net des octrois et des taxes communales perçues dans les parties extra muros de quelques villes, ainsi que du principal des trois contributions mentionnées dans le projet de loi. Le tableau se trouve ainsi plus complet qu'on ne l'avait demandé, et l'on pourra plus facilement y puiser les renseignements dont on a besoin.

Je fais remarquer que quelques erreurs, de peu d'importance, du reste, se sont glissées dans les états de recettes des administrations communales et que les chiffres ne sont donnés que comme simples renseignements, sans qu'ils puissent servir de base à l'établissement du minimum.

Il ne faut pas que les communes puissent se prévaloir de ces chiffres sur lesquels il y aura peut-être quelques diminutions à faire opérer.

- Le tableau sera imprimé et distribué.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de présenter un projet de loi ayant pour objet d'allouer au ministère de la justice un crédit d'un million de francs, pour faire face dans les prisons au travail pour l'exportation pendant l'année courante. Une somme d'un million sera également portée au budget des voies et moyens.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoie à la section centrale du budget de la justice.

Projet de loi supprimant les octrois communaux

Discussion générale

M. de Renesse. Messieurs, la question de l'abolition ou de modifications essentielles à apporter aux octrois communaux avait depuis quelques années attiré l'attention toute particulière du gouvernement et de quelques personnes politiques et autres s'occupant d'études économiques afin de trouver une solution favorable à la suppression de cet impôt d'un autre âge qui, jusqu'ici, malgré les différentes commotions que notre pays a eues à subir, avait néanmoins presque toujours été maintenu.

Cet impôt d'un autre âge, si peu conforme à nos mœurs, à nos libertés actuelles, avait été octroyé anciennement aux communes par des chartes d'institution ; il était particulièrement destiné à procurer à nos communes des moyens de recettes pour faire face à leurs dépenses.

Divers systèmes furent successivement présentés pour parvenir à la suppression totale ou partielle de ces octrois communaux ; mais leur mise à exécution avait constamment rencontré certaines difficultés d'application pratique.

Sous le ministère libéral de 1847, une commission d'Etat fût instituée par arrêté royal du 9 novembre 1847, afin d'étudier, sous toutes ses faces, la question du remplacement, ou des modifications à apporter à ces octrois, qui, comme l'indiquait le rapport au Roi du 22 octobre 1847, de l'honorable ministre de l'intérieur, M. Rogier « exerçaient une influence marquée sur la consommation de plusieurs denrées de première nécessité, et même, sur la situation de plusieurs industries, notamment sur les brasseries et les distilleries. »

Cette commission avait établi d'une manière évidente, dans le remarquable et si lumineux rapport de son honorable président, feu notre si regretté collègue, M. Charles de Brouckere : « que les octrois communaux sont injustes, vexatoires et onéreux, qu'ils nuisent au libre développement de l'industrie, et par conséquent à la richesse nationale ; qu'ils détruisent l'égalité de droits entre les citoyens, et portent atteinte à la prospérité ; » et, cependant, malgré cette description si exacte, si fondée, des grands inconvénients, résultant du maintien des octrois, de ces impôts communaux, si peu conformes à toutes nos libertés, à l'égalité de chacun devant le fisc, 12 années se sont encore passées avant qu'un projet de loi d'ensemble, dû à l'initiative du gouvernement, ait saisi la législature de la solution complète de cette importante question de la suppression de 78 douanes intérieures.

Nous devons donc être reconnaissants envers le ministère actuel, et particulièrement à l'honorable ministre des finances, M. Frère-Orban, de ce que la question de l'abolition des octrois ait été élucidée de manière à permettre aux Chambres d'examiner avec attention et en connaissance de cause la combinaison proposée, par le gouvernement, afin de parvenir à une solution favorable de tous les différents intérêts qui s'y rattachent.

Nous sommes d'accord, je le pense, que la suppression totale des octrois est une nécessité ; qu'il est désirable qu'elle puisse s'effectuer sans grand froissement et sans substituer les charges actuelles des uns aux autres.

Si l'on peut toutefois différer sur les moyens d'exécution, nous devons reconnaître que l'intérêt général du pays est gravement lésé par le maintien de nos 78 lignes de douanes au milieu du pays, et notamment par l'accroissement continuel de ces impositions communales si onéreuses, si vexatoires, frappant actuellement 65 objets différents, et qui, par leurs droits d'entrée, d'expédition, de passe-debout, de centimes additionnels aux octrois par des droits d'entrepôt et de timbre, peuvent s'appliquer à 136 espèces de marchandises.

L'on ne peut méconnaître que ces droits d'octroi, parfois trop protecteurs pour certaines industries locales, portent en outre un préjudice notable à d'autres productions industrielles similaires du pays, et, qu'en accordant de véritables primes d'exportation, ils détruisent la concurrence entre les industries de nos diverses localités.

L'industrie agricole, la plus importante de toutes, est plus particulièrement frappée, dans presque tous ses produits ; aussi voyons-nous, par l'inspection du tarif des douanes des communes à octroi, que, non seulement les denrées les plus nécessaires à l'alimentation publique sont soumises à des taxes locales, mais encore les bois, les matériaux et autres produits de la terre indispensables aux constructions et aux autres besoins matériels, ainsi que le combustible et d'autres produits industriels, tombent sous l'application de ces douanes intérieures.

D'après les relevés statistiques de 1858, les droits perçus par les communes à octroi sur les bestiaux, les grains et les farines, le beurre, les œufs, la viande dépecée, les bois, les charbons de bois, les engrais, les fourrages, les fromages, les fruits et les vinaigres, etc., tous produits (page 1413) de l'industrie agricole, s'élevaient à près de cinq millions de francs ; tous ces produits vont être rendus à la libre circulation, sans entraves aucune, sans payement d'aucun droit ; il y aura donc, sous ce rapport, un bénéfice réel et incontestable pour les intérêts de l'agriculture.

L'on objecte à la proposition du gouvernement, que tout en procurant de grands avantages aux communes à octroi, l'on semble trop favoriser ces localités au détriment surtout des communes rurales, par l'aggravation des droits sur certains produits industriels, qu'elles auraient plus spécialement à supporter, afin de combler le déficit résultant dans les ressources du trésor de l'Etat, par le payement que, chaque année, le gouvernement aura à effectuer pour indemniser les communes à octroi, de la perte de leurs moyens financiers actuels et accorder une certaine compensation à toutes les communes indistinctement, quoiqu'elles aient ou non des taxes personnelles.

Si l'on ne considérait, en effet, qu'isolément la suppression des octrois, l'on pourrait soutenir qu'il y a réellement une certaine augmentation de charges pour les communes rurales ; mais l'abolition de ces droits tracassiers, étant surtout fondée sur une utilité générale incontestable, devra nécessairement profiter dans une assez grande mesure à l'industrie agricole, par suite de la suppression des droits dont sont frappés actuellement la plupart des produits de la terre, et par la cessation de toutes les entraves à la liberté commerciale dans l'intérieur du pays ; sous ces rapports, les agriculteurs et les habitants des campagnes doivent trouver une juste compensation et en outre qu'ils ne seront plus eux-mêmes soumis à contribuer aux charges de ces douanes particulières, pour toutes les dépenses, achats et consommations, qu'ils sont parfois obligés de faire dans ces localités à octroi ; l'on peut donc prétendre, avec un certain fondement, que si d'un côté il y a une augmentation de charges, de l'autre il y aura aussi à compenser des bénéfices assez marquants, pour ne plus devoir reculer devant une mesure généralement réclamée depuis longtemps, et qui fera honneur au ministère qui aura obtenu une solution favorable à cette grave question, si longtemps controversée.

Ayant toujours défendu dans cette enceinte les véritables intérêts de l'agriculture, industrie procurant au trésor public la plus forte partie de ses ressources les plus certaines, je ne donnerais, certes, pas la main à charger d'une augmentation d'impôts les habitants de nos communes rurales, sans une compensation équitable ; mais, ayant l'intime conviction que cette abolition des octrois provoquera une augmentation dans la consommation des produits agricoles, nécessitera une plus forte production, poussera à une meilleure culture des terres et qu'ainsi de grands avantages résulteront dans un avenir rapproché pour le bien-être général du pays, qui, pour nous, les représentants de la nation, doit être notre principal guide dans l'appréciation des projets de loi soumis à nos délibérations, je crois qu'il est de notre devoir d'accueillir avec faveur la proposition du gouvernement avec les modifications qui pourraient l'améliorer, de manière à donner, autant que possible, satisfaction à des objeciions formées contre certaines dispositions du projet actuellement en discussion.

Si je crois devoir donner, en grande partie, mon assentiment à l'ensemble de la combinaison financière proposée par le gouvernement et aux modifications indiquées dans l'excellent et si lucide rapport de la section centrale, afin de parvenir à la suppression des octrois communaux, j'ai cependant des observations à présenter sur les augmentations de l'accise sur le sucre indigène et surtout sur la bière, cette boisson si saine, si nécessaire à nos populations ouvrières, lorsqu'elles ont des travaux parfois très pénibles à exécuter ; il faudrait, au contraire, chercher à réduire l'accise sur la bière, de manière à en permettre un usage plus général. Il est incontestable que l'établissement des sucreries de betteraves a eu, dans plusieurs de nos provinces, une très grande influence sur les progrès de l'industrie agricole, par l'amélioration de la culture des terres, par l'augmentation de leur rendement, qu'il a provoqué, en outre, l'élève et l'enseignement du bétail, et procure du travail bien rémunéré à de nombreux ouvriers campagnards, pendant une grande partie de l'année.

Il serait donc à désirer que le droit sur le sucre indigène ne soit pas élevé au taux fixé pour le sucre exotique, et cela d'autant plus que les bas produits du sucre de betterave ont une moins-value réelle de 5 à 7 p. c. D'ailleurs, il est de l'intérêt du pays que cette industrie toute nationale soit maintenue prospère ; elle permet même à l'industrie du raffinage des sucres, de pouvoir conserver un chiffre assez élevé de sucres ratffinés pour l'exportation, vu la cherté actuelle des sucres exotiques.

L'augmentation trop considérable de l'accise actuelle sur la bière frappera plus directement les habitants de nos campagnes, et la taxe étant doublée, il est incontestable que les brasseurs des communes rurales auront un désavantage réel contre ceux des villes, dont déjà, actuellement, ils supportent avec peine la concurrence, et qui, par la suppression des droits d'octroi sur le charbon, le bois et les fourrages, pourront, à plus forte raison, lutter avec succès et porter un préjudice assez notable à nos brasseries des campagnes. Il me semble que pour remplacer l'augmentation d'impôt demandée surtout à la bière, il eût été préférable de rechercher d'autres ressources ; je me permettrai de les indiquer, ainsi que je l'ai déjà fait dans des discussions antérieures.

Et en premier lieu, il eût été plus convenable d'exiger un plus fort produit d'une matière essentiellement imposable : le tabac, qui n'est pas un objet de première nécessité, et ne rapporte actuellement pas un million au trésor de l'Etat, tandis que, dans d'autres pays, il y procure des ressources très importantes.

N'étant pas partisan du monopole à exercer par l'Etat, je ne conseillerai pas la régie du tabac ; mais l’on pourrait toutefois trouver une ressource plus marquante de cette matière très imposable, par un droit de fabrication sur les tabacs, par une licence de plantation du tabac indigène, par un accroissement raisonnable des droits à l'entrée des tabacs étrangers, et par une augmentation, surtout, du droit de débit sur les cigares.

Je ferai remarquer à la Chambre que, d'après un projet de loi sur les tabacs, présenté à la séance du 16 janvier 1844 (n°151), par l'honorable M. Mercier, alors ministre des finances, il y aurait moyen de tirer de cette matière si imposable, un plus fort revenu pour le trésor public ; il était évalué pouvoir s'élever au-delà de 3 millions de fr. ; l'on aurait ainsi pu éviter de devoir doubler les droits sur la bière, et de proposer l'égalité de droits sur les sucres : Il ne faut pas toujours frapper plus particulièrement les augmentations d'impôts sur des produits exerçant une influence heureuse sur les intérêts de l'agriculture, et s'il fallait encore d'autres voies et moyens, soit pour augmenter le fonds communal ou pour accroître les ressources financières du pays, il y avait encore d'autres bases imposables à trouver, et que l'on semble vouloir constamment ménager-, au détriment de la classe peu aisée de nos petits propriétaires ; en effet, nous devons constater qu'il y a une inégalité peu justifiable entre les charges publiques, frappant les revenus fonciers et ceux des revenus mobiliers qui, actuellement, ne contribuent, dans les voies et moyens du trésor, qu'à raison de 1/4 p. c, 1 1/2 p. c. ou 2 p. c. tout au plus.

Pour qu'il y ait égalité d'impôts devant le fisc, il faut dorénavant chercher à atteindre plus spécialement, toutes ces richesses financières, industriels et commerciales qui, actuellement échappent pour ainsi dire à vos lois fiscales, et alors les impôts de l'Etat étant plus équitablement répartis, il en résultera nécessairement un abaissement des charges publiques, entre la masse des contribuables. A la séance du 15 janvier 1849, l'honorable ministre des finances M. Frère-Orban, en parlant des sociétés anonymes, reconnaissait lui-même qu'elles jouissent d'immenses privilèges, surtout en ne contribuant aux ressources de l'Etat qu'autant qu'elles fassent des bénéfices, tandis que le propriétaire foncier doit payer, bon an mal an, s'il a bénéfice ou non, non seulement une forte contribution à l'Etat, mais encore à la province et à la commune.

L'exposé de la situation du royaume, période décennale de 1841-1850, indique qu'il y avait alors 191 sociétés anonymes au capital de 880,247,298 fr. ; depuis, il y en a encore d'autres qui ont été constituées ; de sorte que l'ensemble de leurs capitaux peut être évalué au-delà d'un milliard.

Depuis 1849, la redevance de ces sociétés a été fixée au taux minime de 1 2/3 p. c ; en 1822, elle était de 2 p. c, et d'après le rapport de la section centrale du budget des voies et moyens de 1859, ces redevances n'ont donné à l'Etat, pour l'exercice 1857, que la somme peu importante de fr. 494,931-75.

L'impôt étant de 1 2/3 p. c. ou 1/60, les bénéfices déclarés, par le bilan, se sont donc élevés, en 1857, à la somme de fr. 29,695,860

En 1851, ces bénéfices n'étaient évalués qu'à fr. 14,000,000

11 y avait ainsi une augmentation de bénéfices, en six ans, de fr. 15,695,860, soit une augmentation annuelle de fr. 2,600,000.

Si cette progression continuait, les bénéfices, pour 1860, se monteraient à plus de fr. 37,500,000.

Et, même d'après des renseignements que je viens de recevoir, il y a tout lieu de croire que ces bénéfices seraient, pour l'exercice courant, d'au-delà de fr. 41,000,000.

Il en résulte à l'évidence que, d'un côté, ces richesses des sociétés anonymes industrielles, financières et commerciales, n'interviennent dans les ressources du trésor public que pour 1 2/3 p. c, et encore, si elles ont des bénéfices, tandis que les propriétés foncières y contribuent pour au-delà de 10 p. c.

La redevance de ces sociétés devrait être portée au moins à 5 p. c. de leurs bénéfices ; cela rognerait un peu, à la vérité, les gros traitements de leur état-major ; car il est de ces fonctionnaires qui reçoivent des émoluments hors de proportion avec leur travail réel, et qui cumulent des traitements de plusieurs sociétés industrielles, financières et commerciales ; et alors même ces sociétés seraient encore privilégiées devant le fisc comparativement à la propriété immobilière.

Aussi la patente pour l'exercice de certaines grandes industries et professions est aujourd'hui dérisoire, si on la compare à celle de certains artisans et boutiquiers, et, à cet effet, l'on n'a qu'à parcourir les listes électorales des villes industrielles. Il faut pareillement une plus juste application de la patente, et même plusieurs professions libérales ; les agents des banques et certains hauts fonctionnaires des sociétés anonymes, largement rétribués, ne sont peu ou point imposés.

(page 1414) Une réforme essentielle de la loi des patentes, qui avait été élaborée pour une toute autre époque, est surtout réclamée pour faire cesser cette inégalité choquante existant actuellement entre les différents patentables ; il faut dorénavant que tout individu soumis à la patente soit imposé d'après la valeur réelle de ses bénéfices présumés et d'après l'importance de la profession exercée ; il faut, en outre, que la loi des patentes atteigne certaines professions qui, aujourd'hui, ne payent rien à l'Etat pour leurs charges ; de ces modifications à la loi des patentes, et à la redevance des sociétés anonymes, l’Etat pourra retirer des ressources notables.

La comparaison que l'on doit nécessairement faire entre la modicité de la redevance des sociétés anonymes et l'inégalité de la patente de certaines industries et professions, avec d'autres impositions de l'Etat, doit frapper péniblement tous ceux qui, dans un véritable intérêt de justice distributive des charges publiques, demandent une plus équitable répartition des contributions de l'Etat, et, certes, si d'un côté, nous voyons une taxe microscopique pour les privilégiés de l'impôt, nous trouvons, sous un autre rapport, une inégalité injustifiable dans l'application de nos fois fiscales.

C'est ainsi que l'impôt sur le sel pèse plus particulièrement sur les classes ouvrières et peu aisées, en frappant cet objet de première nécessité d'un droit exorbitant de plus de 300 p. c. de la valeur du sel brut ; dans notre système actuel d'impôts, il y a presque toujours privilège pour le riche financier, industriel et commerçant, que l'impôt n'atteint que légèrement, et une charge comparativement plus onéreuse pour celui qui est peu favorisé de la fortune.

Cet état de choses ne doit plus être toléré ; aussi, j'ose espérer qu'une fois les droits si vexatoires, si onéreux des octrois communaux abolis, le gouvernement s'empressera de rechercher les moyens, soit de supprimer le droit si fiscal sur le sel, ou du moins d'effectuer une forte réduction de son taux naturel et d'établir une plus équitable répartition des charges publiques ; car, dans un pays où il y a égalité devant la loi, il faut aussi l'égalité devant le fisc : il ne doit plus y avoir de privilèges en matière d'impôts ; il faut que l'article 112 de la Constitution reçoive, dorénavant, une plus juste application.

Je crois devoir faire remarquer à la Chambre qu'en Angleterre, dès 1825, l'impôt sur le sel a été supprimé et que sa consommation qui, sous le régime de la taxe, était d'environ 7 kilos par tête, s'est successivement élevée jusqu'au-delà de 16 kilos.

D'autres richesses financières très importantes, notamment les obligations des chemins de fer, des mines et autres industries, produisant parfois un intérêt an-delà de 5 p. c. pour leurs possesseurs, ne rapportent rien à l'Etat ; les chemins de fer concédés ont émis des obligations pour une valeur de 137,000,000 fr., les mines et les diverses industries, etc., de 13,000,000 fr. Ensemble 150,000,000 de francs.

Les mines, minières, carrières, les briques et le papier, imposés dans d'autres pays, ne payant aucune taxe à l'Etat en Belgique, pourraient aussi concourir à l'augmentation des ressources du trésor ; l'on parviendrait ainsi à trouver des voies et moyens qui permettraient d'augmenter le fonds communal, afin de pouvoir supprimer à bref délai les capitations personnelles dans nos communes rurales et ainsi faire droit à de justes réclamations.

Un autre produit national qui, depuis 1830, a presque décuplé, ne fournit actuellement que peu de ressources à l'Etat, comparativement à la valeur extraite, c'est l'industrie houillère ; avant notre régénération politique, cette grande industrie ne produisait que 1,500,000 tonneaux de houille, et payait jusqu'en 1819 au gouvernement des Pays-Bas plus de 1,500,000 fr. La redevance fut peu après fixée à 5 p. c., conformément à la loi du 21 avril 1810, et ce n'est qu'après la révolution de 1830 que cette redevance a été réduite à 2 1/2 p. c.

Depuis notre émancipation politique, cette richesse nationale s'est considérablement développée ; d'après les renseignements statistiques recueillis par le département des travaux publics pour 1858, la production houillère de nos différents bassins est portée à près de neuf millions de tonnes (8,925,714), d'une valeur brute de 103,577,121 fr. ; et néanmoins la redevance des mines, d'après les évaluations du budget des voies et moyens de 1860, n'est renseignée que pour la minime somme de 577,000 fr.

Cette ressource de l'Etat est tout à fait insuffisante pour une industrie de cette richesse de production, et dont l'exportation a pris une extension très considérable, puisqu'elle est portée à plus de trois millions de tonneaux.

Pourquoi n'imposerait-on pas à cette richesse souterraine l'ancien droit de 5 p. c, ainsi qu'il avait été établi par la loi du 21 avril 1810, qui, à son article 37, stipulait formellement : « Que la redevance proportionnelle serait imposée et perçue comme la contribution foncière. » Aussi, ce droit a été maintenu en France et dans la Prusse rhénane ; si, notamment en France, ce taux primitif a été conservé, quoique ce pays soit tributaire de l'Angleterre, de la Prusse et de la Belgique, pour l'approvisionnement de plus de cinq millions de tonnes, indispensables à ses diverses industries, nous pouvons réclamer, avec un certain droit, que cette redevance soit rétablie au chiffre fixé par la loi précitée, et si, pour le moment, ce droit ne pouvait pas être reporté à p. c, du moins l'Etat aurait dû maintenir à son profit le revenu actuel des octrois sur la houille, et qui est estimé valoir au-delà d'un million (1,074,276), ainsi qu'il se réserve les revenus des octrois sur les vins, eaux-de-vie et bières. Pourquoi avoir deux poids et deux mesures, et imposer plus spécialement deux produits industriels, ayant des relations directes avec l'amélioration de l'agriculture ?

Ces quelques considérations, que j'ai cru devoir présenter à la Chambre, en acquit d'une conviction intime, afin de provoquer une plus équitable répartition des charges publiques, et pour faire contribuer aux ressources du trésor un très grand nombre de capitaux et d'autres richesses nationales, presque pas atteints par l'impôt, me semblent prouver qu'il y a des voies et moyens suffisants à indiquer pour ne pas devoir toucher, actuellement, aussi fortement à l'accise de la bière et de chercher à former, en partie, les fonds communaux par d'autres ressources plus directes.

Si, d'un côté, le gouvernement propose la suppression totale d'un impôt vicieux et tracassier, occasionnant des embarras réels pour l'application de nos lois fiscales, pour l'exécution des traités, et par le retard que les octrois apportent actuellement à une plus large réforme douanière, il serait aussi à désirer, conformément au vœu de presque toutes les sections, que l'on pût augmenter en même temps le fonds communal, de manière à parvenir aussi à supprimer totalement les capitations personnelles de la plupart de nos communes rurales qui, en définitive, auraient à supporter une certaine augmentation de leurs charges actuelles, si des modifications n'étaient apportées aux propositions du gouvernement et même à celles de la section centrale.

D'après les propositions du projet de loi et de la section centrale qui, cependant, améliorent celles du gouvernement, en augmentant le fonds communal de plus d'un million, la suppression totale de ces taxes personnelles, parfois si vexatoires, surtout pour les forains, qui n'habitent qu'une partie de l'année les communes soumises à un pareil impôt, ne pourrait avoir lieu que successivement, à mesure de l'amélioration et de la progression des ressources du trésor de l'Etat ; pourquoi ne pourrait-on pas actuellement rechercher les moyens de donner une entière satisfaction à ceux qui réclament que les communes à capitation soient traitées de la même manière que les communes à octroi ?

Alors il est plus probable que le projet de loi sur l'abolition de ces douanes intérieures serait accueilli avec plus de faveur dans nos campagnes où l'on craint l'accroissement de certaines charges qui pourraient résulter pour elles de la suppression des octrois.

Du reste, si le gouvernement croyait ne pas pouvoir admettre la proposition que je soutiens dans un intérêt d'équité, en faveur surtout des communes à taxes personnelles, il est du moins à espérer que dans un avenir très rapproché l'abolition de ces capitations pourra avoir lieu, puisque l'augmentation constante des recettes de l'Etat, sans accroissement d'impôts nouveaux, ne peut être réellement contestée, et en effet le rapport de la section centrale sur le budget des voies et moyens de 1860 nous renseigne que par la comparaison entre les revenus de l'Etat de 1854 à 1858 inclus, il y a eu une augmentation de plus de 18,000,000 de fr.

Cette augmentation constante des impôts et autres revenus du trésor doit être attribuée en grande partie au développement de la prospérité publique, à l'accroissement de la population, et nullement à une augmentation corrélative des charges des contribuables.

La progression des revenus de l’Etat devra, d'après moi, surtout résulter d'une plus équitable répartition des charges publiques, en faisant contribuer les nombreux capitaux qui y échappent actuellement presque complètement, et qui peuvent être évalués à environ deux milliards, ainsi que d'autres matières imposables qui ne donnent que peu ou point de ressources au trésor.

Des améliorations à introduire dans l'exploitation commerciale et économique du chemin de fer de l'Etat, pourront aussi concourir à augmenter les recettes financières du pays ; déjà, depuis quelques années, l'accroissement des ressources procurées par le railway national suit une marche régulière. L'on voit, en effet, que ce grand et utile domaine public, d'après le compte rendu de ses opérations pendant 1858, a produit pour cet exercice 4.85 p. c. d'intérêt et d'amortissement sur les capitaux utilisés, et qu'en outre, il a donné un dividende de 0.83 1/2 p. c. ; il a donc rapporté au trésor public une somme de 1,618,000 francs au-dessus des dépenses de l'exploitation, des intérêts des emprunts et de l'amortissement, etc.

Nous avons donc lieu d'espérer, lorsque les nouveaux chemins de fer concédés, actuellement en construction, seront mis en communication avec le réseau de l'Etat, et que l'on aura introduit certaines modifications pour améliorer le trafic de ce domaine national d'utilité générale, il donnera, en peu d'années, un résultat plus favorable encore pour les ressources du trésor public, et que ses recettes pourront être évaluées à près de 35 millions de fr.

La situation financière de l'Etat étant actuellement dans une position satisfaisante, surtout comparativement à d'autres pays de notre continent, j'ai lieu de croire que l'honorable ministre des finances, M. Frère-Orban, a choisi le moment très opportun pour procéder à la solution de (page 1415) cette si importante question de l'abolition des octrois communaux, et de la diminution et même de la suppression, dans un avenir très rapproché, des capitations personnelles, si onéreuses pour des communes rurales de plusieurs de nos provinces.

Lorsqu'il s'agit cependant de décréter un nouveau système financier pour les communes à octroi ; système qui pourrait grever le trésor de l'État si la combinaison proposée par le gouvernement ne s'appuyait sur le bon état de nos finances et sur l'augmentation constante de nos ressources, sans accroissement de charges publiques, il peut être utile d'attirer l'attention publique sur notre situation financière. Ayant examiné scrupuleusement cette situation, je crois devoir présenter à la Chambre quelques courtes observations sur l'état de nos charges constituées, et sur les nouvelles ressources extraordinaires créées depuis 1830.

Depuis notre régénération politique, la Belgique a dû établir une dette constituée très considérable pour l'organisation du pays, et surtout de l'armée, pour le remboursement de notre part dans la dette du royaume des Pays-Bas, et pour les grands travaux publics décrétés (chemins de fer, routes, canaux, etc.). Cette dette constituée avait été portée jusqu'à la somme de 839,988,565 fr. 74 c.

D'après l'état de la situation du trésor, au 1er septembre 1853, une somme de 240,248,616 fr. 45 c., a été successivement amortie. Il ne restait ainsi à amortir qu'un capital de 599,347 fr. 29, auquel, il faut ajouter actuellement le dernier emprunt de fr. 45,000,000.

Si, d'un côté, nous avons une dette nationale de 600 et quelques millions, par contre, au moyen de cette ressource extraordinaire, nous avons aussi, créé, depuis 1830, des revenus nouveaux très importants, pour le trésor public, par l'établissement du réseau de nos chemins de fer, par le rachat, par la construction, et l'amélioration de nos canaux et autres voies navigables, par la construction d'une grande quantité de routes nouvelles, par un système général de voirie vicinale, par l'acquisition de la forêt de Soigne, et des actions du chemin de fer rhénan, ainsi que, d'autres grands travaux publics, qui ont dû nécessairement avoir une influence heureuse sur la prospérité publique et sur les revenus de l'Etat.

Toutes ces ressources nouvelles, en y comprenant l'amélioration des recettes, résultant de la plus grande facilité de communication, et de la plus-value vénale des propriétés, peuvent être évaluées, annuellement, sans exagération, à plus de 32,000,000 ; il en résulte qu'avec ces moyens nouveaux l'on peut faire face, en grande partie, au service des intérêts de la dette publique et de son amortissement, et que les autres revenus ordinaires du pays suffisent pour assurer la marche régulière des différentes administrations de l'Etat.

Nous pouvons donc, par suite de notre bonne situation financière et de la progression constante, depuis quelques années, des recettes du trésor, accueillir avec faveur la proposition du gouvernement de supprimer nos 78 lignes de douanes intérieures et de réduire et d'abolir même, dans un délai très rapproché, lcapitations personnelles de nos communes rurales.

Par la suppression des octrois, le gouvernement aura rendu au pays un service incontestable, eu améliorant son bien-être général, en faisant disparaître toutes les entraves au libre développement de la richesse nationale ; en outre, il aura par ce moyen provoqué l'accroissement de toutes les diverses productions agricoles qui, par la libre concurrence, progresseront indubitablement, et ainsi il aura contribué au bien-être de nos nombreux cultivateurs et travailleurs campagnards, quoique par un certain esprit de parti l'on ait cherché à égarer l'opinion publique, surtout dans nos communes rurales, sur les effets de cette suppression. Si toutefois nos douanes intérieures vont être abolies, le gouvernement aura encore un autre devoir à remplir envers les contribuables et les consommateurs du pays. C'est de saisir les Chambres législatives, au commencement de la session prochaine, de la révision générale de notre si vieux et si défectueux tarif douanier.

Depuis de longues années la question de cette révision a été mûrement étudiée ; elle est réclamée non seulement dans l'intérêt financier de l'Etat, mais surtout dans celui de la masse des consommateurs ; elle ne doit plus être ajournée ; il faut, sous ce rapport, que la Belgique ne reste pas en arrière des pays voisins ; aussi, j'ose espérer que le gouvernement tiendra à honneur de terminer le plus tôt possible cette grande question d'économie sociale ; il aura doublement bien mérité du pays par la suppression de l'impôt si odieux et si tracassier des octrois et par l'accomplissement de sa promesse de modifier notre régime douanier dans un sens plus libéral et plus fiscal que protecteur outre mesure.

(page 1419) M. Royer de Behrµ. - Messieurs, qu'il me soit permis d'abord d'exprimer un sentiment que j'éprouve au plus haut degré, celui d'un légitime et juste orgueil national, en voyant la Belgique discuter les questions économiques les plus importantes et les discuter avec ce calme et cette sagesse qui caractérisent les nations habituées de longue date à se gouverner elles-mêmes.

En modifiant la loi de 1810 sur les coalitions, nous avons assuré la liberté du travail, la liberté de cet agent de la production, source primitive, selon la belle expression d'Adam Smith, de toute prospérité morale et matérielle.

En supprimant les dispositions pénales sur l'usure, nous avons dégagé le capital des entraves qui l'enchaînent, le capital, cet autre agent de la production, concourant avec le travail et les forces naturelles que la Providence a réparties avec tant de profusion autour de nous, à procurer à nos populations le bien-être, la force, l'activité et l'énergie.

Continuons, messieurs, continuons notre œuvre de progrès. Le progrès, c'est réellement la vie des nations. Renversons, si cela est possible, les 78 lignes de douanes municipales qui étreignent nos principales villes, enrayent la libre circulation des hommes et des choses, amènent l'inégale répartition des charges publiques, créent l'antagonisme le plus préjudiciable entre les villes et les campagnes et, enfin, élèvent le prix des choses les plus indispensables à la vie humaine et à la vie industrielle.

Quand je vois le législateur aborder de semblables débats, alors cependant que les incertitudes politiques les plus cruelles planent sur l'Europe entière, je ne puis le nier, j'éprouve une juste et légitime satisfaction nationale, et je sens vibrer en moi toutes les fibres du patriotisme.

Ces paroles vous montrent assez que je suis un adversaire convaincu et décidé des octrois communaux. Cependant, s'il fallait acheter la suppression de cette institution par le mépris ou par la négation d'un des principes les plus sacrés de l'état social, du principe de la justice distributive, je dirais : Si je n'ai pas la force, si je n'ai pas l'habileté de résoudre moi-même la question, j'aurai du moins le courage, la patience d'attendre ; j'attendrai qu'un novateur animé, du reste, des intentions qui inspirent l'honorable ministre des finances, nous arrive avec une solution différente et plus heureuse.

La tâche est ardue et difficile, je le sais ; le gouvernement a fait appel à notre concours ; je réponds à cet appel, avec franchise et loyauté ; j'entrerai dans la discussion avec une intention préconçue, arrêtée, celle de reconnaître les erreurs que je pourrais commettre, et aussi de laisser se dissiper les doutes existants dans mon esprit.

Je n'aborderai pas toutes les questions soulevées par le projet de loi. Je me renfermerai dans un cercle plus restreint. J'examinerai l'intérêt des habitants des villes et celui des habitants des campagnes. J'exposerai les griefs que j'articule contre le projet de l'honorable M. Frère, et enfin, pour qu'on ne puisse pas m'accuser d'une opposition stérile, je développerai devant la Chambre les idées qui me paraissent les plus rationnelles pour arriver à la solution de la question qui nous est soumise, sans méconnaître ce principe d'éternelle justice, que l'impôt rémunérant un service est le seul impôt légitime.

Messieurs, il faut se garder d'exagérer les avantages que les campagnes doivent retirer de l'abolition des octrois. Ces avantages sont considérables, je suis loin de le nier ; mais je prétends qu'en cette matière tout est relatif et que les villes sont bien plus intéressées que les campagnes dans la solution de la question qui nous occupe.

L'honorable M. Frère, dans son discours d'hier que je regrette, je l'avoue, de n'avoir pu lire au Moniteur, l'honorable M. Frère a discuté très longuement la question de savoir sur qui retombe l’impôt. Il a cité de nombreuses autorités à l'appui de son opinion. Je ne ferai pas de très longues citations ; qu'on se rassure : je ne remonterai pas à Turgot, bien que je professe une grande estime pour cet économiste ; je citerai quelques autorités modernes en faveur de la thèse que je vais soutenir et qui est celle que l'impôt retombe sur le consommateur.

Je lis dans les Eléments d'économie politique de M. Garnier :

« Ricardo, qui a fait de profondes études sur l'impôt, pense que les taxes, quelles qu'elles soient, sont toujours payées par le consommateur, le producteur les faisant toujours entrer dans les frais de production et appliquant ses capitaux et son industrie à d'autres branches, lorsqu'il ne peut les y comprendre. »

Le temps m'a manqué, messieurs, pour consulter l'ouvrage de Mill. Je pense que cet ouvrage a été indiqué hier. Mais, messieurs, Garnier dans son traité dit formellement que Mill partage l'opinion de Ricardo. Je suis donc en présence des témoignages de l'honorable M. Frère et de Garnier et je m'abstiens.

Quant à Say, ses opinions sont quelque peu éclectiques.

D'après Say, les producteurs et les consommateurs supportent l'impôt dans des proportions variables.

« Tout impôt, dit Jean-Baptiste Say dans son Catéchisme d'économie politique, porte réellement soit sur les revenus de tous genres des consommateurs qu'ils diminuent en rendant les produits plus chers, soit sur les revenus des producteurs en rendant les profits moins considérables. »

Les producteurs, messieurs, nous le savons, sont toujours en même temps consommateurs ; mais si l'impôt porte exclusivement sur le revenu, cela équivaut à dire qu'il atteint les consommations de toute espèce et je pourrais encore invoquer l'opinion de J.-B. Say en faveur de ma manière de voir.

Voyons ce que dit Droz. Savez-vous quelle est sa conclusion ? Elle est analogue a peu près à celle de Say ; mais il ajoute ;

« Après avoir réfléchi sur les impôts, on voit qu'ils ont tous des inconvénients graves, et l'on finit par dire que le meilleur ministre des finances est celui qui fait le moins payer. »

Adam Smith pense que de quelque nature que soient les taxes mobilières, elles retombent sur le consommateur. Franklin partage cette opinion.

J'ai consulté, messieurs, l'ouvrage de Ricardo. Je ne puis résister à vous lire un paragraphe de cet ouvrage. L'opinion de ce célèbre économiste est nette et formelle sur la question. La voici :

« Des impôts sur les choses qu'on nomme en général objets de luxe, ne tombent que sur ceux qui en font usage. Un impôt sur le vin est payé par le consommateur. Un impôt sur les chevaux de luxe ou sur les voitures, est payé par ceux qui se donnent de pareilles jouissances, et dans la proportion exacte de la quantité de ces objets. Des impôts sur les choses de première nécessité n'affectent pas les consommateurs seulement à proportion de la quantité qu'ils en peuvent consommer, mais souvent au-delà. Un impôt sur le blé, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, affecte le manufacturier, non seulement en proportion du blé que lui et sa famille peuvent consommer, mais cet impôt change encore le taux des profits du capital, et par conséquent il porte sur le revenu.

« Tout ce qui augmente les salaires des travailleurs diminue les profits du capital, et tout impôt assis sur des objets consommés par le travailleur, tend à faire baisser le taux des profits.

« Un impôt sur les chapeaux en fera monter le prix ; un impôt sur les souliers fera renchérir les souliers, et si cela n'était pas ainsi, l'impôt tomberait en dernier résultat sur le fabricant ; ses profits baisseraient au-dessous du niveau des autres profits, et il serait forcé de quitter le métier. Un impôt partiel sur les profits fera hausser le prix de la marchandise sur laquelle il porte. Par exemple, un impôt sur les profits du chapelier augmentera le prix des chapeaux, car s'il n'y avait que les profits du chapelier imposé à l'exclusion de tout autre commerce, à moins que le chapelier n'augmente le prix de ses chapeaux, ses profits seront au-dessous du taux de tous les autres genres de commerce, et il se verra forcé de quitter son métier pour un autre.

« De la même manière, un impôt sur les profits du fermier ferait hausser le prix du blé ; un impôt sur les profits du fabricant de draps ferait renchérir le drap ; et si on mettait un impôt proportionnel sur tous les commerces, toutes les marchandises hausseraient de prix. »

Je pourrais citer encore un grand nombre d'économistes ; mais il me semble inutile d'allonger le débat.

J'invoquerai pour finir le témoignage de notre honorable président, M. Orts, que je regrette vivement de ne pas voir parmi nous. M. Orts a professé l'économie politique à l'Université de Bruxelles. Eh bien, j'ai sous les yeux le cahier, je ne dirai pas recueilli, mais dicté, m'a-t-on dit, par l'honorable professeur lui-même aux étudiants de l'Université de Bruxelles. Voici ce que je lis dans ce cahier, intitulé : Catéchisme résumé. « Quelle sorte de contribuables frappent ces contributions appelées contributions indirectes ? Les contributions indirectes, répond M. Orts, frappent l’individu qui achète un objet à un autre en vue de le consommer (erratum, page 1431) improductivement. » En d'autres termes les contributions indirectes frappent la consommation, purement et simplement.

Après avoir invoqué les témoignages de tant d'économistes, je me permettrai de raisonner un peu moi-même.

Voyons donc, messieurs, sur qui retombent les taxes communales ? Toute la question est là. Je prétends que c'est une question en quelque sorte élémentaire et que c'est une question parfaitement décidée. D'abord, est-il possible de soutenir que les octrois frappent toujours le consommateur ? Non, messieurs, je ne le crois pas. Est-il possible, d'un autre côté, de prétendre qu'ils atteignent d'une manière absolue le producteur ? Pas davantage. Si l'on raisonne à un point de vue purement spéculatif, on constatera le premier fait ; si l'on tient compte des circonstances extrêmement exceptionnelles se présentant sur le marché, on verra que cette règle est parfois susceptible d'exceptions.

Je ne suis pas de ceux, messieurs, qui recherchent la solution des questions sociales à la manière des mathématiciens : m'étayant sur l'opinion d'un économiste cité souvent dans cette Chambre, non seulement comme économiste mais encore comme criminaliste, je dirai avec Rossi que celui qui ne tiendrait pas compte des circonstances qui modifient les résultats de la science pure, tomberait bientôt dans de graves erreurs. Or, la règle est que l'impôt tombe sur le consommateur ; l'exception, qu'il atteint le producteur.

(page 1420) Dans la deuxième section, dont je faisais partie, un honorable membre a soutenu que le prix se réglant en vertu de la loi de l'offre et de la demande, il fallait bien admettre que quand l'offre est abondante sur le marché, le vendeur en souffrait. Cela est vrai, messieurs ; mais on a négligé d'ajouter que le prix se détermine également par les frais de production. Or, je prétends que la loi de l'offre et de la demande agit d'une part et que les frais de production exercent, d'autre part, aussi leur influence. L'impôt fait partie des frais de production, je crois me rappeler que M. le ministre des finances l'a dit hier. Du reste il connaît trop les faits industriels pour ne pas admettre que tout prix de revient qui négligerait une semblable donnée serait un prix de revient inadmissible, inintelligent, pour ne pas dire plus.

J'ai posé quelques principes, messieurs ; j'entre plus directement maintenant dans le domaine des faits.

Des denrées agricoles ou des produits manufacturés soumis aux taxes sont importés dans n'importe quelle ville, je suppose dans la ville de Bruxelles, quel a été le calcul de l'importateur ? Il a évalué tous ses frais pour établir son prix de revient et ensuite il a fixé son prix de vente. S'il vend à ce prix, le doute n'est pas possible, la taxe tombe directement sur le consommateur ; si la concurrence sur le marché de la ville de Bruxelles est telle, que le prix courant descende au niveau du prix de revient, évidemment encore l'impôt tombe sur le consommateur, puisque l'impôt fait partie du prix de revient ; mais la concurrence entre les vendeurs prend un plus haut degré d'intensité et fait descendre le prix courant au-dessous du prix de revient ; dans ce cas, qu'arrive-t-il ?

De deux choses l'une, ou l'importateur ne vend pas ou il vend à perte ; s'il vend à perte, le consommateur est exonéré de l'impôt, mais ce fait est très exceptionnel ; pour s'en convaincre il suffit d'admettre une vérité presque triviale, tant elle est évidente. Si l'importateur importait généralement à perte et si le producteur produisait presque toujours à perte, alors l'importateur n'importerait plus, le producteur ne produirait plus ; or, je vois toutes nos villes parfaitement approvisionnées et nos industries en pleine voie de prospérité.

Si ces faits sont exacts, j'en déduis cette conséquence logique : les taxes communales pesant bien plus sur les villes que sur les campagnes, les villes ne doivent pas emporter la part du lion dans le gâteau communal.

J'ai constaté que les campagnes avaient un très grand intérêt dans la mesure proposée. En effet les campagnes ont intérêt à voir abolir tous les obstacles qui s'opposent à la circulation de leurs produits ; les campagnes ont intérêt à l'abolition des droits de transit ; enfin si tant est que les octrois agissent comme impôt protecteur, ce qu'un examen attentif ne m'a pas démontré, - M. le ministre des finances me fait un signe négatif, - je ne sais pas quels sont les articles soumis à l'impôt, sur lesquels pèse un droit de plus de 10 p. c, je ne pense pas que ce soit là un droit protecteur combiné avec les autres droits qui existent sur les divers articles.

Les taxes étant supprimées, les produits diminueront de valeur ; or qui ne sait que toute diminution de prix équivaut à une augmentation de consommation, que toute augmentation de consommation sollicite une augmentation de production ? Voilà l'intérêt vrai, l'intérêt sérieux pour les campagnes.

Enfin les campagnes, les villes, les étrangers, tous les Belges ont intérêt à voir supprimer les octrois.

N'est-il pas réellement incroyable, dans un pays où la Constitution proclame la garantie de la liberté individuelle, proscrit la confiscation des biens, garantit l'inviolabilité de la personne, n'est-il pas incroyable de voir ces grands principes méconnus à chaque instant dans noire existence sociale, èt cela non pas dans un intérêt de salut public, ce qui justifierait peut-être des mesures exorbitantes, non par raison d'Etat, ce qui excuserait jusqu'à un certain point des mesures d'exception, mais dans un simple intérêt fiscal ?

Et qu'on ne dise pas que j'exagère. Ouvrez les règlements d'octroi ; ouvrez en même temps la Constitution.

La confiscation est abolie, dit la Constitution. La confiscation est la peine de la fraude, répondent les règlements.

La liberté individuelle nous est garantie. Essayez donc de traverser une de nos cités soumises aux règlements de l'octroi. Mais vous serez arrêté, interrogé pour ainsi dire comme un malfaiteur ; heureux encore, si un simple préposé ne vous soumet pas à cette odieuse visite personnelle que, pour l'honneur du XIXème siècle, je voudrais voir aussi abolir à la frontière.

Le domicile est inviolable et je ne sais en vertu de quelle loi de 1819, si je ne me trompe, les préposés des taxes, après l'accomplissement de certaines conditions, s'arrogent le droit de pénétrer dans nos habitations, pour y découvrir la fraude.

On parle, messieurs, à propos du projet de M. Frère, de Constitution. Je dis que s’il existe une Constitution inconstitutionnelle, c'est celle de l’octroi.

J'ai démontré, messieurs, je le pense, suffisamment l'utilité de la grande mesure qui nous est proposée. Je regrette de devoir entrer maintenant dans le domaine ingrat de la critique.

Analysons, messieurs, le fonds communal, véritable boîte de Pandore, d'où peuvent sortir bien des maux. Qu'y voyons-nous ?

Le produit net actuel des postes est abandonné aux communes, d'après M. le ministre des finances ; 40 p. c. de la recette brute, d'après la proposition de la section centrale.

Et pourquoi, messieurs, abandonne-t-on la recette des postes ? Je n'affaiblis pas l'argument : c'est parce que, nous enseigne M. le ministre des finances, la recette des portes est fournie presque en totalité par les villes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le produit net.

M. Royer de Behrµ. - Treize villes, si je ne me trompe, fournissent les deux tiers du produit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non ! non ! j'ai parlé du produit net.

M. Royer de Behrµ. - Oui, le produit net. Mais la conclusion, page 23 de l'exposé des motifs, est qu'il n'y a pas de charge de ce chef pour la généralité du pays.

Cette argumentation n'est qu'un simple sophisme. Je le prouverai à l'évidence et pour cela, messieurs, je n'irai pas puiser mes arguments dans les sciences d’un ordre supérieur. Je les puiserai dans la plus simple des sciences, dans la tenue des livres. M. le ministre des finances et tous les membres de cette Chambre, sans exception aucune, admettront, seront forcés d’admettre qu’un négociant, qu’un industriel ayant une tenue de livres irréprochable, se rend un compte exact de ses affaires aussi bien que peut le faire l’administration des postes. Eh bien, j’ouvre les livres d’un négociant placé dans ces conditions. J’ouvre ses livres au folio intitulé « frais généraux. » Qu’y trouvé-je ?

J'y trouve inscrits tous les frais généraux, et peut-être en première ligne, les frais de correspondance. Il faut bien inscrire ces frais de correspondance quelque part. Où les inscrira-t-on ? Mais le Code de commerce vous indique la marche à suivre. Vous les inscrivez au journal, et ensuite, pour votre facilité personnelle, au compte des frais généraux.

Quelle est la conséquence de ce fait ? Elle est très simple ; c'est que la taxe des lettres est un véritable impôt de consommation. C'est un impôt de consommation qui est d'abord payé, qui est avancé par l'industrie, par le commerce, mais que ceux-ci ont bien soin de se faire rembourser par les consommateurs. Les fiais de correspondance atteignent les bénéfices des commerçants ; ils ont cela de commun avec tous les autres. Ces frais, quels qu'ils soient, doivent être retrouvés par les producteurs par les vendeurs dans leurs prix de revient.

Je le demande maintenant, peut-on soutenir sérieusement que treize villes paient les deux tiers de la recette des postes ? Oui, mais elles ne la supportent pas.

En réalité la recette est payée par l'ensemble de la population ; la correspondance sur place est un fait d'exception. Les lettres s'expédient généralement de place en place, et encore une fois, c'est la consommation générale qui paye. Les villes consomment-elles plus que les campagnes ? C'est une question que je ne me charge pas de résoudre. M. le ministre des finances s'en réserve le soin ; mais quant à moi, et jusqu'à preuve de contraire, je prétends que 3,400,000 campagnards consomment plus que 1,122,000 citadins et j'avoue que l'idée contraire me paraît un peu imaginée pour les besoins de la cause. J'attendrai et j'écouterai avec infiniment de plaisir l'argumentation de l'honorable M. Frère sur ce point.

Je continue, messieurs, mon analyse.

Une part de 75 p. c. des droits d'entrée sur le café est abandonnée aux villes.

Et pourquoi pas, messieurs, la recette entière ? J'avoue que je ne le comprends pas. Pourquoi une retenue de 25 p. au bénéfice du trésor public ? La recette intégrale sur le café est de 2,705,708 fr. L'Etat abandonne aux communes 2 millions. Restent 700,000 fr. Si cette différence était cédée aux communes, et si l'on y ajoutait quelques autres bases de revenu, qui ne seraient peut-être pas bien difficiles à trouver, nous pourrions épargner la recette postale et je trouve que ce serait un grand avantage, car le système d'abandonner la recette postale aux villes, s'il ne doit pas empêcher la réforme postale dans le sens de l'abaissement du timbre à 10 centimes, aura, on voudra bien l'admettre, pour effet de la retarder. Cette réforme est possible, j'en trouve la preuve évidente dans le rapport de l'honorable M. Vandenpeereboom, qui nous déclare que le revenu postal est de sa nature essentiellement progressif. Or, cette déclaration démontre la possibilité de la réforme postale.

Je n'insiste pas sur ce point parce que je comprends parfaitement que dans l'avenir le fonds communal peut être modifié, peut être changé, qu'on peut y ajouter ou en retrancher certaines bases.

Après les postes et le café, nous voyons apparaître tous impôts de consommation ; c'est le vin, c'est le vinaigre, la bière, l'eau-de vie et le sucre, surtout le sucre.

Les sucres, messieurs, soulèvent les questions les plus difficiles. Des pétitions nombreuses nous ont été adressées, la plupart m'ont paru mériter l'examen le plus sérieux. Dans la discussion des articles, nous aurons l'occasion de discuter cette question à fond ; peut-être, (page 1421) messieurs, prendrai-je part au débat ; pour le moment, je me borne à dire qu'en égalisant les droits on inaugure peut-être (nous examinerons la question) le système protecteur à rebours. Si le sucre exotique est d'un rendement plus considérable en valeur, du moins mon observation ne manque pas de justesse. Or, je ne veux pas du système protecteur, pas même du système protecteur à rebours, et je ne veux de privilège d'accises ni de douanes pour aucun sucre.

J'éprouve, messieurs, un profond regret en voyant M. le ministre des finances se refuser à toute concession sur la bière. M. le ministre des finances a déroulé devant nous une nomenclature d'impôts abolis, nomenclature qui a excité et qui devait exciter les applaudissements de cette assemblée ; eh bien, s'il avait ajouté l'impôt sur la bière aboli et remplacé par un droit sur le cigare et sur les objets de luxe, nul doute que le projet n'eût été constitué d'une manière plus robuste.

Dira-t-on que le moyen d'imposer le cigare et le luxe est la pierre philosophale de la fiscalité ? que c'est la quadrature du cercle en finances ? L'honorable M. Frère a résolu des problèmes financiers plus difficiles que celui-là.

La bière, messieurs, c'est la boisson véritablement nationale ! Il ne faut pas marchander cette boisson salutaire à nos populations. Qui pourrait dire qu'il n'est pas désirable de voir se généraliser l'usage de la bière, au détriment même des alcools qui amènent pour tant de malheureux l'abrutissement des facultés mentales et souvent une mort prématurée ? L'hygiène, la morale, l'intérêt bien entendu du travail, tout repousse l'usage des alcools et tout appelle la consommation de la bière. Or, augmenter l'impôt sur la bière, l'augmenter, je me trompe, le doubler, mais c'est restreindre la consommation, et dans la discussion des articles je le démontrerai.

J'entre, messieurs, dans un autre ordre d'idées ; quels sont les principes qui doivent guider le législateur dans une circonstance semblable à celle qui nous occupe ? Un système d'impôts doit-il être empirique, doit-il reposer sur le hasard, sur le caprice ? Qui pourrait le prétendre ?

Qu'est-ce que l'impôt ?

C'est la quotité de la richesse privée que le gouvernement, soit de l'Etat, soit de la province, soit de la commune, prélève pour satisfaire, aux besoins sociaux.

Il s'agit donc de savoir en premier lieu ce que sont ou ce que doivent être les besoins de la société.

Il n'entre pas dans le cadre que je me suis tracé d'examiner semblable question. Je dirai seulement qu'un gouvernement peut être assimilé à un industriel, à un producteur, à un manufacturier. Le manufacturier produit des utilités qui s'attachent aux choses, des utilités matérielles si je puis m'exprimer ainsi ; le gouvernement produit des utilités pures, des utilités immatérielles. Je cite un exemple, le gouvernement produit la sécurité, produit l'ordre et lorsqu'il fonde des établissements d'instruction, il contribue au développement des facultés morales. Il ne faut pas prélever sur le revenu des contribuables, plus que la somme rigoureusement indispensable pour satisfaire aux besoins sociaux, et l'Etat ne doit pas faire payer plus qu'ils ne valent les services qu'il rend. Mais le chiffre de l'impôt étant déterminé, il reste à savoir en vertu de quelles règles cet impôt sera réparti sur les contribuables.

Je n'en citerai qu'une seule, la plus importante de toutes, ou plutôt je chercherai à résumer toutes les règles en une seule. Les contribuables doivent participer aux charges publiques, chacun dans la proportion des services qu'il reçoit et chacun, autant que possible, en proportion de ses revenus.

Je reproche au système du gouvernement de transgresser cette règle et je le prouve.

Dans notre système constitutionnel, les communes ont une existence qui leur est propre, qui leur est spéciale. Je ne répéterai pas le mot « autonomie », quoiqu'il soit devenu de mode. Les communes apprécient elles-mêmes leurs besoins et trouvent en elles-mêmes les moyens d'y satisfaire. Telle est la règle. Que fait le gouvernement ? Il fixe d'avance le budget des recettes des communes sans s'inquiéter du budget des dépenses.

Transitoirement, la quote-part attribuée à chaque commune sera égale, et ne pourra, dit le projet, « être inférieure aux revenus obtenus en 1859, déduction faite des frais de perception et des restitutions allouées à la sortie. » Mais pour l'avenir ? Pour l'avenir le hasard décidera. Si la population augmente, la consommation augmentera aussi. C'est un calcul des probabilités ; si la richesse publique s'accroît, le fonds communal s'accroîtra aussi. On nous fait voyager, messieurs, dans le royaume des « si », c'est un royaume très conditionnel. En attendant, les campagnes voient clairement qu'elles ne peuvent éprouver cette immense satisfaction que ressentent les auteurs du projet et que des partisans plus timides se bornent à escompter.

En sections, nous avons longuement discuté le projet. Un de nos honorables collègues est venu nous apprendre que dans l'arrondissement de Charleroi on payerait une somme énorme pour accise sur la biere. Je n'ai plus le chiffre dans la mémoire ; mais, si je ne me trompe, on a parlé d'une somme de 800,000 fr. à 1 million.

Or, je pense qu'on restitue à l'arrondissement de Charleroi une somme d'environ 200,000 francs ; mais ce que je sais positivement, c'est que la somme qui sera payée par l'arrondissement de Charleroi en accise sur la bière, dépassera de beaucoup ce qu'on restituera à l'arrondissement de Charleroi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur ; elle a été démontrée.

M. Royer de Behrµ. - L’honorable membre qui en sections nous a signalé ce fait que j'ignorais, a déclaré que le système de l'honorable M. Frère était un système inique. Je dis que le système consiste à puiser dans la poche d'une commune pour verser dans la poche d'une autre commune...

M. B. Dumortier. - C'est cela ! Voilà le système.

M. Royer de Behrµ. - Que vous demandiez à un arrondissement un million ou deux millions ; soit, je le concède ; mais du moins rendez à cet arrondissement des services proportionnés à la somme que vous lui demandez. L'impôt n'est légitime que quand les contributions que les citoyens payent leur assurent de la part de l'Etat une somme de services en rapport avec ces contributions. Or, dans l'occasion présente, ce principe est-il respecté, non seulement pour Charleroi, mais pour les autres communes ? Je dis : Non, il ne l'est pas.

Notre système d'impôts en Belgique laisse beaucoup à désirer. Je sais qu'on peut le mettre en comparaison avec beaucoup d'autres systèmes financiers en Europe ; mais, je le répète, le système d'impôts en Belgique laisse à désirer ; c'est un fait évident, est-ce une raison d'aggraver le mal ?

Cherchons plutôt à remédier au mal, à corriger les imperfections de notre système financier, et ne créons pas des imperfections nouvelles.

Créer des impôts nouveaux de consommation, c'est envenimer le mal. Les impôts de consommation frappent d'une manière uniforme mais inégale.

Je ne viens pas me faire l'apologiste de l'impôt progressif. Cet impôt, on ne l'aime pas. Mais ce n'est pas une raison pour dire qu'il faut l'impôt progressif en sens inverse de ce qui doit être équitablement et logiquement.

Un exemple :

L'accise sur la bière sera de 4 francs. Je suppose un simple ouvrier ayant un salaire de 2 francs par jour et gagnant pour 300 jours de travail une somme de 600 francs. Cet ouvrier consomme de la bière : je n'examine pas la quantité ; je suppose qu'il paye 4 francs au fisc ; peu importe la somme ; on demande donc une somme de 4 francs à un revenu de 600 fr. A cet ouvrier j'oppose un rentier ayant 6,000 fr. de rente et consommant la même quantité de bière ; le dernier fait n'est pas improbable, car la classe des ouvriers consomme bien plus de bière que la classe des rentiers ; à un revenu de 600 fr. vous demandez la même somme de 4 fr. que vous demandez à un revenu de 6,000 ! et vous appelez cela de la justice distributive ! Au moins l'ouvrier reçoit-il plus de services que le rentier ? Pas du tout ; c'est le contraire qui a lieu.

Permettez-moi de vous présenter cet exemple sous une autre forme, plus saisissante peut-être.

L'ouvrier dont je parle gagne 600 fr. annuellement ; le rentier jouit d'un revenu de 6,000 fr. ; l'ouvrier et le rentier consomment la même quantité de bière ; il s'agit d'établir le rapport entre les parts d'impôts payés et les revenus des deux consommateurs mis en parallèle. Or, je trouve que le rentier ne payera que l/1500 partie de son revenu, tandis que l'ouvrier payera la 1/150 partie du sien, et, en d'autres termes, que le rentier n'est frappé que de 5 à 6 pour 10,000 fr., tandis que l'ouvrier est frappé de 5 à 6 pour l,000 r.

Messieurs, si mon calcul est exact, comprenez-vous le système qu'on nous propose ? C'est l’impôt progressif sur le travailleur, c'est l'impôt progressif sur la classe qui vit exclusivement de son salaire.

Arrière, arrière, un pareil système ! Quant à moi, je le repousse, et je ne veux pas aggraver encore le mal de notre système d'impôts en adoptant une proposition semblable.

L'on me dira peut-être : « Si votre désir de voir supprimer les octrois est sincère et si vous trouvez que les voies et moyens qu'on vous propose sont inacceptables, proposez d'autres voies et moyens. »

Messieurs, le reproche serait injuste. De ce que je ne trouve pas acceptables les voies et moyens qui nous sont proposés, je ne suis pas obligé d'en présenter d'autres. Mais si chaque contradicteur des idées de M. le ministre des finances était obligé de présenter un projet de loi, nous n'en finirions pas ; nous aurions ainsi peut-être une vingtaine de projets.

Et puis, messieurs, on viendrait nous reprocher les lenteurs, on viendrait nous dire : Vous voulez retarder la discussion.

Du reste, il eût été assez difficile d'étudier le système de l'honorable M. Frère et d'élaborer en même temps un système nouveau.

En effet, messieurs ce fut le 10 mars que M. le ministre des finances nous présenta la loi à laquelle personne ne s'attendait, et si mes souvenirs sont exacts, ce n'est que le 24 ou le 25 mai que le rapport de la section centrale nous a été présenté.

Ainsi donc, nous avons eu deux mois pour étudier le système de l'honorable ministre des finances, et l'on ne peut pas vouloir qu’en si peu de temps les membres de cette assemblée examinent le système et en présentent un autre, eux qui ne disposent pas, comme le gouvernement, de tous les documents de tous les rouages administratifs, on ne (page 1422) peut vouloir, dis-je, que l’initiative parlementaire produise un système en un semblable délai. Cela est impossible.

L'honorable M. Frère le sait mieux que personne. On assure que le projet de loi qui nous est soumis a exigé, de sa part, de longs travaux. Ce n'est donc pas en deux mois que l'initiative parlementaire, en ce qui me concerne du moins, aurait pu se produire.

Ce n'est pas vainement et pour satisfaire une simple curiosité qu'on vous a distribué le travail élaboré par les commissions de 1847. Cette commission était composée de MM. Ch. de Brouckere, de Waha, Loos, Troye, d'Archambeau et Lagrange, tous hommes ayant des connaissances spéciales sur la matière, tous hommes inspirant une grande confiance.

Je ne partage pas en tous points leur manière de voir, mais je dois avouer que je la préfère à celle de M. Frère.

La commission proposait d'abandonner aux communes les patentes et la contribution personnelle. Ces deux impôts pouvaient en effet être transformés sans inconvénients en impôts purement communaux. Il n'y avait pas à cela un grand obstacle ; mais la loi électorale ? dira-t-on. C'est un obstacle, je le veux bien ; mais la question est de savoir si c'est un obstacle invincible. Je ne pense pas que cet obstacle aurait pû arrêter le législateur.

Je pourrais donner lecture à la Chambre des opinions exposées par la commission sur ce point ; mais tous les membres de cette assemblée connaissent le travail de la commission ; ils peuvent du reste en prendre connaissance. Il est inutile, je pense, d'allonger le discours par de si longues citations. Je puis, si on le juge convenable, les faire insérer au Moniteur.

Mon opinion est qu'il n'y avait là aucune difficulté invincible. L'Etat pouvait abandonner aux communes l'équivalent des patentes et de la contribution personnelle.

Dans le système de la commission de 1847, on comblait le vide fait, dans le trésor public, par des voies et moyens plus ou moins admissibles, mais les ressources nouvelles créées avaient du moins cet avantage d'entrer dans le trésor public pour en sortir au bénéfice de la généralité des citoyens.

Voici du reste, messieurs, ce que j'aurais voulu. Au lieu de procéder par aggravation d'impôt, j'aurais voulu procéder par dégrèvement d’impôt.

Je m'explique. Nous avons à la frontière un code douanier dont M. le ministre des finances nous a promis de faire bientôt justice. Je le félicite sincèrement de ses intentions à cet égard et j'espère qu'elles se traduiront bientôt en fait. Or, j'aurais voulu faire marcher la réforme des octrois parallèlement à celle des douanes.

Il est certain que si les droits prohibitifs et les droits protecteurs étaient remplacés par des droits purement fiscaux, l'Etat trouverait dans cette transformation de notre politique douanière, de très grandes ressources.

Les prohibitions et les droits protecteurs ont pour but d'empêcher les produits de franchir la frontière ; l'Etat ne perçoit rien sur ces produits. Je ne veux pas dire, messieurs, que cette réforme ne devrait pas se faire graduellement. Il faut respecter les droits acquis. M. le ministre des finances vous a promis d'opérer cette réforme sans blesser pour ainsi dire aucun des intérêts engagé dans la question.

L'Etat est obligé de payer une véritable armée de douaniers pour surveiller nos frontières, de sorte que, comme il est infiniment plus facile et moins coûteux de percevoir de simples droits que d'empêcher les produits d'entrer, la surveillance étant moins coûteuse, plus économique, l'Etat gagnerait les droits perçus sur tous les produits qu'on empêche d'entrer, et l'économie des frais de perception.

Aux Etats-Unis d'Amérique le gouvernement central chargé de toutes les dépenses générales de la confédération (de la marine militaire, des relations étrangères, de tous les services), pourvoit à toutes les charges publiques uniquement avec le produit des douanes.

Il est même à re marquer que depuis plusieurs années ce gouvernement a toujours eu un excédant de recettes sur ses dépenses.

C'est aussi à partir des larges réformes douanières introduites par Robert Peel dans la Grande-Bretagne que ce pays a vu s'accroître ses ressources douanières concurremment avec le développement de la production industrielle et agricole.

Ne l'oublions pas, nous ne pouvons acheter à nos voisins sans leur vendre, et en définitive le commerce international ne se compose que d'échanges et c'est le grand nombre et l'importance de ces échanges qui accroît la richesse publique et alimente les caisses de l'Etat.

Je termine. Faire payer le luxe et le confort des villes par le labeur des campagnes et par une augmentation d'impôt sur la boisson de nos classes laborieuses ; grever le trésor public de rentes au profit des communes et faire de celles-ci, comme l'a dit certain journal, de véritables pensionnaires de l'Etat ; donner à celles qui ont le plus de besoins, à celles qui ont fait le plus de dépenses ; c'est du véritable socialisme et c'est en outre un danger sérieux pour nos franchises communales. Or, en mon âme et conscience, je ne puis pas, quel que soit mon désir de voir abolir les octrois, je ne puis pas adopter un semblable système.

(page 1415) M. Vermeire. - Messieurs, lorsque, dans la séance du 10 mars dernier, l’honorable ministre des finances montait à la tribune pour déposer, sur le bureau de la Chambre, le projet de loi qui propose de supprimer les octrois, toutes nos sympathies y étaient acquises. On était heureux de voir enfin introduire une réforme qui devait abattre les derniers débris de ces forteresses féodales dans lesquelles nos pères avaient gémi pendant des siècles. Et, de même que la proclamation des grands principes de 1789 avait été accueillie avec enthousiasme, parce qu'ils étaient destinés à asseoir le droit public sur des bases plus équitables, de même le projet de loi, déposé par le gouvernement rencontrait, chez nous, des sympathies non moins vives, parce qu'il nous paraissait devoir remplir un but tout aussi utile. Nous crûmes, à un moment, à une répartition plus équitable des charges et des avantages communs ; et nous avions conçu l'espoir que, par cette réforme, les conditions des classes laborieuses, les plus nombreuses de la société, auraient été sensiblement améliorées.

Et, cependant, cette réforme, à laquelle nous étions si dévoué, examinée de près, ne remplit point les conditions sur lesquelles nous avions compté. Au lieu de substituer à l'injuste impôt indirect qui pèse d'un poids si lourd sur le travail, l'impôt direct qui ne frappe que celui qui possède l'objet imposé et qui, partant est plus juste parce qu'il ne réclame l'abandon que d'une faible partie de la fortune, en compensation de la garantie faite, de posséder en sécurité et de disposer librement de la propriété, on ne fait que déplacer le mal, l'étendre outre-mesure, jeter la perturbation dans les relations commerciales, menacer, dans leur existence même, des industries qui ont su s'élever et grandir sur la foi des lois existantes ; confondre, enfin, en les mêlant les unes aux autres, des choses d'une nature essentiellement différente et qui, par cela même, auraient dû rester dans l'isolement et être administrées séparément.

En confiant au gouvernement une administration aussi vaste ; en mettant, entre ses mains, toutes ou presque tontes les ressources de la province et de la commune ; en le chargeant d'en faire la distribution ; en rendant tous les intérêts solidaires les uns des autres, prenant les excédants où ils se trouvent pour s'en servir à combler les insuffisances où elles sont constatées, on commet, sinon une injustice, au moins une grande imprudence, parce que, sans le vouloir, sans doute, on crée un monopole entre les mains de l'Etat ; on semble appliquer ce principe dissolvante qui ne voit de saut pour la société qu'à condition que toutes les sources productives de l'activité humaine remontent vers l'Etat et en découlent pour aller se répandre, d'une manière aussi arbitraire que peu équitable, dans les couches individuelles de la société.

Les bases du projet de loi n'ont point été admises par la commission qui a été chargée, en 1847 et en 1848, d'examiner les questions que soulève une réforme d'un ordre aussi élevé.

Cette commission a reconnu que la réforme ne peut être utile qu'à la condition d'améliorer le sort du travailleur. Elle n'a point voulu que l'octroi fût remplacé par une extension de l'impôt indirect ; au contraire, elle a « reconnu qu'il fallait recourir à l’impôt direct pour renverser les barrières intérieures, pour donner à tous les citoyens une égale somme de liberté, pour rétablir la communauté d'intérêts matériels où il y avait communauté d'intérêts politiques. »

Qu'on n'oublie pas, messieurs, que si la condition des diverses classes de la société s'est améliorée d'une manière satisfaisante, celle de la classe ouvrière n'a point suivi, dans une proportion équivalente, le mouvement général ; qu'il est reconnu au contraire, que par suite du renchérissement des denrées alimentaires et de tous les objets de première nécessité, le salaire de l'ouvrier suffit à peine, dans les temps normaux, à satisfaire des besoins indispensables, et, par ce motif, au lieu d'aggraver sa situation par des impôts nouveaux qui frappent plus particulièrement les objets de sa consommation, on devrait, au contraire, tâcher de trouver le moyen de diminuer les impôts existants. Aussi, tous les économistes sont-ils d'avis que l'impôt direct est le seul équitable tandis que l'impôt indirect, s'il peut à certains égards se justifier par la facilité de perception et le produit important, n'en est point pour cela moins injuste, puisqu'il atteint directement le travail dans ce qu'il a de plus sacré, le salaire de l'ouvrier, qui souvent est la seule ressource ; et qu'il ne frappe point, dans une même mesure, les objets possédés par d'autres citoyens.

Si, donc, il était de la plus haute utilité, d'une nécessité incontestable de supprimer les octrois, de faire disparaître les 78 lignes de douane qui divisent la Belgique, sous le rapport fiscal, en autant de pays différents, d'abolir les impôts sur 136 espèces de marchandises ; s'il était désirable de cicatriser cette plaie de notre société, de guérir ce mal qui s'invétère et s'aggrave à mesure qu'il se prolonge et qui deviendra incurable si, l'on n'y prend garde ; si, dis-je, il importe, d'après l'honorable ministre des finances, de porter remède à un état de choses aussi désastreux au point de vue de la prospérité publique, on aurait dû, ce me semble, pour être juste, laisser à la commune le soin de proposer les voies et moyens directs pour remplacer le produit de son octroi, tout en lui facilitant, par certaines mesures, les moyens d'opérer cette transformation.

Dans tous les cas, on aurait dû s'abstenir de faire intervenir la généralité pour couvrir des dettes spéciales ; on aurait dû respecter l'individualité provinciale et communale en laissant à chacune d'elles le soin de pourvoir, par ses propres ressources, à ses propres besoins - car, quoi que l'on dise ou que l'on soutienne, les impôts provinciaux et communaux ne peuvent point être assimilés à des impôts généraux qui concernent l’Etat uniquement. Affectés à des services spéciaux et provenant d'autres sources, ils doivent suivre leur destinée propre et ne point être confondus avec les impôts de l'Etat avec lesquels ils n'ont aucun point de contact ni de connexité.

(page 1416) L'honorable ministre des finances me paraît faire chose peu équitable si, en faisant une subtile distinction entre la capitation et l'octroi, il croit dans la répartition des avantages, devoir favoriser l'un au détriment de l'autre. Si l'origine de ces deux impôts n'est pas la même, leur destinée, cependant, est commune ; car l'un et l'autre servent à couvrir des dépenses que les besoins de l'administration ont rendus nécessaires. Dès lors, pourquoi ne pas les traiter sur un pied également équitable et juste ? Pourquoi faire cette distinction contre la commune rurale, en faveur de la ville à octroi ?

La commission de révision des octrois communaux a émis, sur cette question, un avis qui nous paraît être plus conforme à la justice. « Nous avons résolu, dit-elle (page 28 de son rapport), non seulement le remplacement des octrois, mais encore celui des capitations communales par des impôts déterminés ;» et plus loin : « Les effets de cette loi (sur les capitations) atteignent, directement, les individus, en les frappant arbitrairement d'après des présomptions dont le principe lui-même est injuste. »

Pour justifier l'intervention des communes rurales dans la formation du fonds destiné à exonérer les villes de la perte que celles-ci essuieront de l'abolition des octrois, l'honorable ministre des finances commence par s'apitoyer sur le sort malheureux des cultivateurs dont la liberté individuelle serait, sans cesse, exposée à des atteintes plus on moins graves ; de plus, il soutient que l'octroi affectant bien davantage le producteur que le consommateur, le premier profitera de la mesure dans une proportion, sinon plus forte, au moins égale à celle du consommateur.

Je ne désire point, à cet égard, entrer dans une discussion théorique sur la part qui incombe, de ce chef, à l'un ou à l'autre. Je ferai remarquer, seulement, que, si le conseil supérieur de l'agriculture parle de réclamations qui auraient été faites par l'habitant de la campagne, aucune observation, cependant, n'a été faite à la Chambre pour demander un changement à l'octroi dans le sens de celui qui nous est présenté ; que, au contraire, des réclamations vives et soutenues sont parties des habitants des villes à octroi, par lesquelles ils font entendre ces plaintes amères au sujet de la surélévation des prix des denrées comparativement à ces mêmes prix dans les campagnes, attribuant ce surenchérissement à l'octroi auquel ces mêmes denrées sont soumises dans les villes. La commission de 1847, prenant ces plaintes en sérieuse considération, n'hésite pas à déclarer que « la taxe sur le pain et la viande, sur les combustibles et les matériaux, atteint l'ouvrier dans sa nourriture quotidienne et dans ses instruments de travail ; les premiers renchérissant la vie, les autres augmentant les difficultés de sa production (page 8 de son rapport). » Et plus loin (page 10) faisant allusion à la loi des patentes qui est plus élevée pour l'industriel de la ville que pour celui de la campagne, la même commission ajoute que : « Le commerce des villes est sacrifié aux grandes industries de la campagne. »

L'honorable ministre des finances dans le discours qu'il a prononcé, hier, a soutenu en étayant son opinion sur celle d'Adam Smith, de Turgot, et d'autres hommes éminents qui ont illustré la science, que l'impôt indirect était acquitté, en partie au moins, par le producteur. Je crois déjà avoir démontré que c'est là une erreur économique. Toutefois, pour raffermir davantage cette opinion, je l'appuierai encore sur celle d'nn homme éminent dont l'autorité ne sera, certes, point méconnue par l'honorable ministre des finances. M. H. Passy, membre de l'Institut de France et ancien ministre du commerce et des finances, émet sur cette question l'avis suivant : « Les impôts indirects pris dans leur généralité ont, comme tous les autres, leurs avantages et leurs inconvénients. L'avantage c'est que, d'ordinaire, ils sont acquittés avec facilité. En effet, ceux qui comptent avec l'Etat, fabricants ou marchands, sont assez éclairés pour savoir qu'ils ne sont obligés qu'à une avance dont ils recouvreront la valeur à l'instant où les produits, pour lesquels ils acquittent des droits, passeront à d'autres mains que les leurs... » ; et ailleurs : « Les taxes ont pour effet inévitable d'élever la valeur vénale des produits et ce sont les consommateurs qui, définitivement, en acquittent le montant. » Comme principe, M. Passy établit que « plus les produits dont l'impôt accroît le prix sont indispensables à la satisfaction des besoins de l'homme, et moins l'impôt qui les frappe se proportionne aux facultés de ceux qui le payent, plus il prend aux familles pauvres des faibles revenus dont elles jouissent. »

De ce qui précède il résulte, d'après moi, à la dernière évidence, que chaque aggravation d'impôt affecte le prix du produit dans une certaine mesure. Donc l'octroi, au lieu de frapper le producteur, atteint au contraire le consommateur d'une manière directe. La saine raison affirme cette vérité et les citations empruntées au rapport de la commission et à l'auteur éclairé que j'ai citées, le prouvent d'une manière péremptoire et incontestable.

Je pourrais borner ici les considérations que je viens d'émettre, cependant, il m'importe d'examiner d'une manière brève et succincte, quoique générale, les principes sur lesquels elle est basée.

Et d'abord, émettons un regret, celui d'avoir vu revêtir, en certain lieu, Je projet de loi d'un caractère politique. J'ai été heureux, cependant, d'entendre hier, de ia bouche de l'honorable ministre des finances que le projet de loi n'a pas cette portée, qu'il nous a été présenté en dehors de toute préoccupation politique et que, conséquemment, il mérite d'être examiné dans ces conditions.

En portant nos investigations sur les dispositions du projet de loi, en tâchant de les améliorer, nous répondons à l'invitation qui nous a été faite par le gouvernement alors qu'il fait appel à notre concours pour améliorer le plan qui, de son propre aveu, n'est point parfait.

Nous protestons donc, d'avance, contre toute insinuation malveillante que l'on pourrait donner aux observations que nous faisons valoir.

Plus d'une fois, nous l'avons dit en toute franchise, nous n'examinons point les projets de loi au point de vue des hommes qui les ont présentés, mais bien au point de vue des principes qu'ils renferment, des dispositions qu'ils contiennent, des faits qu'ils établissent. Nous le faisons sans animosité comme sans crainte, usant de cette liberté d'examen qui nous est garantie par les lois et ne rendant compte de nos actions qu'à notre conscience et à ceux qui sont appelés à les juger.

Ce que nous reprochons, surtout, au projet du gouvernement, et nous venons de nous en expliquer en termes généraux, c'est que les garanties qui nous sont octroyées par la Constitution et la loi communale, en matière d'impositions communales et' provinciales, ne sont pas respectées.

Certes, ces décisions doivent être soumises à l'approbation du Roi et des députations permanentes, mais cette approbation est acquise de droit, du moment que l'exercice qui en est fait ne blesse point les intérêts généraux. S'il pouvait en être autrement, l'administration publique deviendrait impossible, et notre droit public, qui prend sa base dans ce principe que tout pouvoir émane de la nation, serait de fait supprimé.

Ce que nous reprochons encore au projet, c'est de substituer à des impôts purement locaux, des impôts généraux, et d'enlever, par ce moyen, aux autorités communales et provinciales des prérogatives précieuses auxquelles les communes flamandes surtout ont été, de tout temps, si vivement attachées ; savoir, celles de créer les moyens et d'en régler l'emploi. Ce que nous reprochons, enfin, au projet, c'est de prendre, pour bases constitutives du fonds commun celles qui frappent principalement les provinces flamandes, et, pour bases de répartition, celles qui favorisent essentiellement les autres provinces.

Certes, le projet de la section centrale améliore celui du gouvernement, en ce que, en augmentant le multiplicateur de 2 p. c. sur la base du capital (30,975,000) et de 2 p. c. sur le revenu brut, au lieu du revenu net du produit des postes, on augmente de fr. 1,074,000 la somme à répartir entre les communes rurales. Mais cette augmentation n'est point suffisante pour éteindre complètement la capitation, et sous ce rapport, je regrette que le gouvernement ne se soit pas prononcé sur les amendements proposés par la section centrale.

Au raisonnement qu'on nous tiendrait que toutes les communes rurales doivent participer, dans la même proportion, au fonds général, nous répondrons que, si ce principe est vrai, il doit être appliqué également aux villes à octroi, les capitations personnelles qui en tiennent lieu dans les communes rurales devant y être assimilées, et, ainsi que je l'ai déjà prouvé, on ne peut, à cet égard, élever aucune objection sérieuse. Et puis, pourquoi fait-on, sous ce rapport, une distinction entre les capitations des villes perçues dans leur banlieue respective, et celles qui sont prélevées dans les autres communes du pays ? Comme si une et même chose pouvait changer de nature selon qu'elle s'appliquerait à une ville à octroi, ou à une commune où cet impôt n'existe pas.

J'ai dit, tantôt, que les Flandres étaient plus particulièrement frappées quand il s'agissait de constituer le fonds commun. Certes, nous ne pouvons établir d'une manière exacte quelle sera la part contributive (page 1417) de chacune de ces provinces, les éléments nous manquent pour le faire, mais nous ferons remarquer que la bière, entrant dans le fonds pour un accroissement de 6,100,000 fr., sur un total de 10,500,000 fr. ou de 3/5 environ, et cette boisson étant principalement consommée dans ces provinces, ce sont elles qui, conséquemment, apportent, de ce chef, la plus forte part dans la formation du capital.

Maintenant en prenant pour une des bases de répartition l'impôt sur les propriétés bâties, les provinces de Brabant, de Hainaut et de Liège sont favorisées par cette mesure, parce que c'est dans ces provinces que le bien-être général a pris de plus grands développements. Il en est de même de l'impôt personnel ou de la deuxième base de répartition ; et, en ce qui concerne la troisième base qui est l'impôt de la patente l'on sait que celui-ci est payé principalement dans les provinces où l'industrie s'exerce sur une grande échelle et où elle emploie beaucoup d'ouvriers. Or, ce n'est point dans les Flandres, mais bien, surtout, dans les provinces méridionales que cet accroissement prodigieux s'est produit.

La Flandre occidentale, pour une population de 624,912 habitants aura à pourvoir du chef des capitations à une insuffisance de 785,225 fr. ou par tête de 1-25 fr. ; la Flandre orientale à une insuffisance de 287,000 fr. ou par tête de 0-37 fr. ; les sept autres provinces, à une insuffisance de 3,427,589 fr. ou par tête de 0-12 fr.

Je dois, pour être juste, déclarer ici que cette situation serait considérablement atténuée si le gouvernement adhérait aux propositions de la section centrale et que l'insuffisance totale pourrait disparaître complètement, en faisant un pas de plus dans cette voie de justice et d'équité.

Je ne veux pas examiner jusqu'à quel point l'on pourrait soutenir l'inconstitutionnalité du projet de loi ; les nombreux jurisconsultes qui siègent dans cette assemblée pourront examiner cette question, mais je constate que l'inégalité qui, dans l'espèce, frappe les communes rurales d'une manière exceptionnelle, est flagrante et ne peut être contestée.

Citons un exemple qui prouvent, à la dernière évidence, la vérité de cette assertion.

D'après un document officiel qui m'a été délivré par M. l'inspecteur des contributions directes, douanes et accises de Termonde et qui y a été spécialement autorisé par l'honorable ministre des finances, l'augmentation sur la bière, dans cet arrondissement, sur une quantité déclarée de 80,181-58 hectolitres sera de 155,552-27 fr.

En prenant la moitié de la consommation moyenne du pays du vin et des spiritueux importés de l'étranger, l'augmentation de ce chef sera de 7,752 fr. 22.

En prenant également la moitié de la consommation individuelle du pays, sur les genièvres l'augmentation sera de 24,832 fr. 22

L'augmentation sur le sirop et le sucre sera de 7,563 fr. 11.

En tout, 195,699 fr. 82.

C'est-à-dire que la part des 25 communes de l'arrondissement, dans le fonds commun, s'élèvera à plus de 195,000 francs.

Les cotisations actuelles des 25 communes rurales s'élèvent à 126,391 fr.

Différence d'impôts à payer en plus : 69,308 fr. 82 c.

Nous recevons pour notre quote-part du fonds commun 83,078 fr.

Reste une insuffisance à combler par de nouvelles cotisations de 43,313 fr.

De manière que, comparativement aux impôts communaux actuels, les 25 communes rurales de l'arrondissement de Termonde payeront en plus d'une manière directe et indirecte 112,612 fr. 82 c.

Si j'applique le système du gouvernement à deux communes de mon arrondissement, d'après les bases que je viens d'indiquer, je constate que la commune de Zèle pour une population de 11,830 habitants payera en plus d'une manière indirecte 25,731fr. 86 c.

Ses cotisations étant de 23,000 fr. ; sa part dans la répartition de 11,624 fr. ; elle devra combler par de nouvelles cotisations personnelles ou par d'autres voies une somme de 11,376 fr.

De manière que sa situation économique sera aggravée de 37,107 fr. 86 c.

La commune de Hamme, 9,882 habitants, augmentation par l'accroissement de l'impôt indirect : 21,478 fr. 23.

Cotisations personnelles : 14,000 fr.

Sa part dans la répartition : 12,504 fr.

A combler par de nouvelles cotisations une insuffisance de 1,406 fr.

Aggravation de sa situation économique : 22,884 fr. 23 c.

D'où la conséquence que la commune de Zele, comparativement à celle de Hamme, apportera, dans le fonds commun une somme plus considérable, et que, dans la répartition des avantages, elle recevra moins que cette dernière commune.

Quand on compare ces diverses situations les unes aux autres, on est frappé de ce fait que la base, adoptée par le gouvernement, repose sur cette formule inverse de l'arithmétique, c'est-à-dire que plus donne moins et que moins reçoit plus.

En demandant d'augmenter la part des communes rurales afin que celles-ci puissent abolir leurs cotisations en même temps qu'on supprimerait les octrois des villes, je m'attends, de la part de l'honorable ministre des finances, à cette objection, qu'il ne demanderait pas mieux que de pouvoir nous satisfaire sous ce rapport, si les moyens ne faisaient point défaut. Eh bien, qu'il me soit permis de répondre d'avance à cette objection que, sur un budget qui, dans des temps ordinaires, augmente d'une manière assez sensible, on pourra, probablement, trouver un excédant suffisant pour combler cette insuffisance ; mais, ne le pourrait-on pas, on trouverait cette ressource en restreignant les dépenses, et sur l'observation qui serait faite par des employés que cette mesure est inapplicable, j'engagerais M. le ministre à prendre une décision semblable à celle que proposait Turgot à Louis XVI, dans une lettre noble et touchante, au moment de prendre possession de son ministère.

« Point d'augmentation d’impôts, point d'emprunts, disait ce digne fonctionnaire...Pour remplir ces points, ajoutait-il, il n'y a qu'un moyen, c'est de réduire la dépense au-dessous de la recette ... On demande sur quoi retrancher, et chaque ordonnateur, dans sa partie, soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons, mais toutes ces raisons cèdent devant la nécessité absolue de l'économie. »

Messieurs, lorsque en 1848, j'ai pris place, parmi vous, sur ces bancs, de grandes calamités avaient frappé les malheureuses provinces flamandes. Privées de ressources à cause du défaut de travail, en présence de la famine, suite d'une mauvaise récolte et de l'élévation extraordinaire du prix des denrées alimentaires, ces populations étaient décimées par la faim et la malade. Une grande partie d'entre elles mouraient le long des routes où elles traînaient une existence précaire, prête à s'éteindre.

Ce fut alors que le gouvernement, dont plusieurs membres sont encore assis au banc ministériel, nous fit des propositions pour venir en aide à nos frères malheureux. Les premières paroles que nous prononçâmes alors n'étaient que l'écho des sentiments de reconnaissance et de gratitude que nous ressentions.

Mais aujourd'hui par un revirement inexplicable, par ce triste retour des choses d'ici-bas, ces mêmes hommes dont, du reste, je respecte les intentions, nous présentent des lois dont les effets vont à l’encontre de ces mêmes intérêts des Flandres qui avaient su, jadis, réunir d'unanimes sympathies. Et, ainsi que je crois l'avoir prouvé, la situation qui est faite à ces provinces n'est point celle à laquelle, en équité et en justice, elles pouvaient prétendre.

En présence d'une situation pareille, pouvons-nous encore faire entendre des cris d'allégresse ? Nous voudrions le faire, que notre conscience ne nous le permettrait pas.

Messieurs, avant de conclure, je me permettrai de faire encore une observation.

En 1846, le parti libéral renaissait à la vie politique. Siégeant à l'hôtel de ville de Bruxelles, il y jetait les bases de son programme. Une des propositions de son programme portait « qu'il était nécessaire de réformer le système d'impôts publics et d'octrois communaux, de manière à effectuer la répartition des charges avec autant d'équité que possible, et à affranchir la classe ouvrière d'une partie des sacrifices qui pèsent sur elle. » Cette proposition, il est vrai, n'avait point été adoptée dans ces termes, mais l'article 6 du programme du congrès libéral porte, comme mesure d'application immédiate : « Les améliorations que réclame, impérieusement, la condition des classes ouvrière et indigente. »

En d'autres termes on avait admis que l'impôt, pour être réparti plus équitablement, devait être transformé de telle sorte qu'il atteignît moins directement le salaire de l'ouvrier. Le projet de loi remplit il ces conditions î Je ne le pense pas, et les motifs que je viens de développer le prouvent, selon moi, à toute évidence.

Certes, comme nous l'avons dit en commençant, nous eussions préféré que le gouvernement eût accepté l'impôt direct, au lieu de l'impôt indirect pour faire sa réforme ; et quoique nous ne puissions admettre les raisons qui ont été données par M. le ministre des finances sur (page 1418) l'inefficacité de ces mesures et l'impossibilité de substituer l'impôt direct à celui de l'octroi, nous devons reconnaître que ces observations méritent, à certains égards, d'être prises, cependant, en considération.

Mais, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, et surtout lorsque nous avons examiné le projet de loi en sections, je ne pourrais y donner mon assentiment qu'à condition que la part qui sera destinée aux communes rurales suffit pour éteindre les cotisations personnelles.

En conséquence, je propose de modifier le paragraphe premier du projet du gouvernement de la manière suivante :

« Les impositions communales directes et indirectes, connues sous le nom d'octrois et de cotisations personnelles, sont abolies. »

M. le président. - Voici l'amendement présenté par M. Vermeire :

« Les impositions communales directes et indirectes connues sous le nom d'octroi et de cotisations personnelles sont abolies. »

- L'amendement est appuyé. Il sera imprimé et distribué et fera partie de la discussion.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.