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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 15 juin 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1555) (Présidence de M. Dolez, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Des cultivateurs à Wansin prient la Chambre d'augmenter le droit sur la fabrication du sucre, qui est proposé dans le projet de loi relatif aux octrois, et de diminuer d'autant le droit d'accise sur la bière. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Des habitants de Malonne présentent des observations sur le projet de loi relatif aux octrois. »

- Même décision.


« Des habitants de Rumbeke prient la Chambre de rejeter le projet de loi portant abolition des octrois communaux. »

- Même décision.


« Le conseil communal de Diest prie la Chambre de réduire le droit d'accise sur la bière, qui est proposé dans le projet de loi relatif aux octrois. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal de Wielsbeke demandent que le projet de loi relatif aux octrois abolisse l'impôt de capitation ou d'abonnement dans les communes rurales. »

- Même décision.


« Le sieur Clermont prie la Chambre de retirer le produit net des postes du fonds communal formé par le projet de loi sur les octrois ; d'abolir l'impôt du sel, d'imposer le tabac et les cigares au profit du fonds communal, de déclarer que les impôts destinés à faire partie de ce fonds ne seront point frappés d'immobilisation et de décider que l'impôt de capitation devra être remplacé par des centimes additionnels aux contributions de l'Etat. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Van Beveren, ancien notaire démissionné, demande une indemnité. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame Colle, veuve du sieur Couturiaux, ancien gendarme, demande une pension. »

- Même décision.


« Le sieur Denot, ancien maréchal des logis de la gendarmerie, demande que le projet de loi qui apporte une modification à la loi sur les pensions militaires, accorde aux sous-officiers de la gendarmerie la pension attribuée aux adjudants sous-officiers de l'armée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« La dame Franck, ayant perdu sa fortune par suite des retards apposés au payement de créances à charge de l'Etat, en 1814, demande un secours. »

-Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Winckel, ancien capitaine, demande la révision de sa pension. »

- Même décision.


« Les curés du canton d'Erezée demandent une augmentation de traitement. »

- Même décision.


« M. le général Trumper adresse à la Chambre 118 exemplaires d'un écrit sur les musiques militaires et l'avenir des jeunes compositeurs belges. »

- Distribution et dépôt à la bibliothèque.


« La chambre de commerce de l'arrondissement de Mons adresse 20 exemplaires de son rapport sur la situation du commerce et de l'industrie dans son ressort, pendant l'année 1859. »

- Même décision.


« M. le ministre de la justice transmet 2 exemplaires de la liste chronologique des états et ordonnances de la principauté de Liège, de 1507 à 1684. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Wasseige, rappelé chez lui par l'état de santé de Mme Wasseige, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à la composition des jurys d’examen et au grade d’élève universitaire

Rapport de la section centrale

M. Devaux dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatifs l'examen d'élève universitaire et à la prorogation de l'article 24 de la loi du 1er mai 1857.

- Le rapport sera imprimé et distribué et le projet de loi qu'il concerne, mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi supprimant les octrois communaux

Discussion des articles

Chapitre II. Modifications à quelques droits d'accise

Sucres
Article 10

M. le président. - Messieurs, nous sommes arrivés à l'article « sucres. »

Le bureau a reçu un amendement signé de M. de Brouckere et de quelques autres collègues. Cet amendement est ainsi conçu :

« Les soussignés proposent à la Chambre de décider :

« l° Que le produit de l'impôt sur les sucres sera porté de 4,500,000 fr. à 5,200,000.

« 2° Que les 700,000 fr. d'augmentation seront prélevés d'abord par la suppression de la décharge accordée aujourd'hui à la sortie des sucres et, en outre, au moyen de surtaxes à répartir entre les deux sucres de manière à laisser subsister l'écart actuel.

« 3° Que la législation sur les sucres sera traitée, au plus tard, dans la session de 1861-1862 en prenant pour base le produit de 5,200,000 fr.

« (Signé) H. de Brouckere, Lange, Carlier, Van Leempoel, Savart, Laubry, Frison, Allard, Crombez, de Lexhy et de Paul, »

M. H. de Brouckere. - Messieurs, j’ai expliqué, dans une séance précédente, quels sont les principaux motifs qui m'ont engagé et qui ont engagé mes honorables amis à déposer sur le bureau l’amendement dont il vient de vous être donné lecture.

Je demanderai à la Chambre la permission d'ajouter quelques mots à ces premiers développements.

Je m'occuperai spécialement, messieurs, de deux points, le premier : quel est l'intérêt que le commerce belge extérieur peut avoir dans la question ; le second : quel est le degré d'influence que peut avoir la nouvelle législation française sur le commerce et l'industrie des sucres en Belgique.

La Chambre aura remarqué que le principal but de l'amendement est d'obtenir un ajournement pour la révision de la législation sur les sucres ; que du reste le chiffre n'est pas mis en question ; qu'ainsi l'amendement n'apporte aucune entrave à l'adoption et à la mise à exécution du projet de loi sur la suppression des octrois, tel que M. le ministre des finances l'a présenté.

Comme c'est particulièrement l'ajournement que nous aurons à discuter, je m'engage à ne pas dire un mot sur le fond de la question, pas un seul mot. Je démontrerai seulement qu'il y a lieu à ajourner la révision de la législation sur les sucres.

Messieurs, il n'y a pas la moindre analogie entre la question des bières que nous avons vidée hier et la question que nous entamons aujourd'hui.

Quant aux bières, il s'agissait de déterminer quel serait le chiffre de l'augmentation d'impôt dont nous voulions les grever. Ici, comme je l'ai fait remarquer, le chiffre n'est pas en question ; le gouvernement demande que les sucres produisent en plus que par le passé, 700,000 fr. et personne ne s'y oppose. La question, la seule question que je soulève est celle-ci : Est-il convenable qu'à l'occasion d'une loi très importante, d'une des lois les plus importantes que nous ayons eu à voter, est-il convenable que nous entamions une discussion incidentelle sur une législation spéciale ?

Voilà, messieurs, la question que je vous soumets. On aurait pu, messieurs, tout aussi bien qu'on a soulevé la question des sucres, en nous présentant un projet de loi sur les octrois, demander la réforme de notre législation sur les autres accises, de notre législation sur la contribution personnelle, sur la contribution foncière, sur l'enregistrement ; en un mot, sur tous les impôts qui figurent à notre budget de recettes.

Je ne comprends pas pourquoi les sucres seuls ont eu le malheureux privilège d'appeler l'attention spéciale du département des finances. Y a-t-il une raison qui réclame plus impérieusement aujourd'hui la réforme de la législation sur les sucres que la réforme sur toute autre espèce de matière ? Je l'ai déjà dit : il n'y a aucune espèce de raison.

J'ai démontré, dans une séance précédente, que le trésor est tout à fait désintéressé dans la question. Il suffit d'examiner le mécanisme de notre législation, pour avoir la certitude que le gouvernement ne court aucun péril, que la recette qu'il va obtenir des sucres lui est parfaitement assurée.

J'ajouterai seulement un mot à ce que j'ai dit il y a quelques jours ; c'est que la réserve qui doit garantir au trésor la recette qu'il veut obtenir est encore aujourd'hui, si je ne me trompe, de 4,500,000 fr.

(page 1556) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Un peu moins.

M. H. de Brouckere. - Mettons 4 millions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, c'est plus.

M. H. de Brouckere. - Ainsi, vous j'entendez, à l'heure où je parle la réserve qui garantit au trésor sa recette est encore aujourd’hui de plus de 4 millions. Ainsi, le trésor est complètement désintéressé. La navigation nationale, je l'ai démontré à toute évidence, y est également désintéressée. Le commerce, j'y viendrai tout à l'heure. Mais je dois dire deux mots de la position respective des deux industries.

Sous la législation actuelle, le sucre indigène et le sucre exotique marchaient côte à côte sans se heurter ; le sucre indigène était satisfait ; le sucre exotique ne se plaignait pas ; tout le monde paraissait content. « Deux coqs vivaient en paix ; une poule survint et voilà la guerre allumée. » La poule, messieurs, c'est le projet de loi. Depuis l’apparition du projet de loi, la guerre est allumée entré les deux sucres ; mais je m'empresse d'ajouter que le désir de faire des conquêtes, le désir d'améliorer sa position est venu de la part du sucre de canne.

Quant au sucre de betterave, il ne fait que se défendre ; il demande qu'on lui laisse sa position, position que personne n'attaquait jusqu'au jour où le projet de loi sur les octrois a paru.

Maintenant j'arrive au commerce extérieur ; j'avais dit que le commerce extérieur n'avait plus aujourd'hui, à beaucoup près, le même intérêt dans la question, qu'en 1843. J'ai trouvé des contradicteurs en dehors de cette Chambre.

D'abord, mes honorables contradicteurs ne font valoir aucun argument quelconque ; ils disent tout simplement : On a avancé tel fait, c'est une erreur ; si on s'était adressé à nous, on aurait tenu un autre langage. Voilà tout ce que dit la requête.

Il y a un malentendu entre les signataires de la pétition et moi. Ou ils ne m'ont pas compris, ou ils n'ont pas voulu me comprendre.

Il faut donc que je tienne un langage plus clair. Si j'avais dit que les négociant faisant des affaires en sucre exotique, ceux qui achètent et vendant des sucres exotiques à Anvers ou à .Bruxelles, n'avaient pas d'intérêt dans la question, j'aurais dit une chose ridicule. Il est évident que ceux qui achètent du sucre exotique pour le vendre et ceux qui le raffinent ont intérêt à ce qu'on achète et vende le plus de sucre exotique possible et à ce que l'on fabrique et vende le moins de sucre indigène possible.

Cela est évident. Je n'ai pas dit ou pas voulu dire un mot qui concernât telle ou telle catégorie de négociants. Quand j'ai parlé de commerce extérieur, j'ai eu en vue le commercé qui seul nous préoccupait en 1845.

De quelles opérations commerciales s'agissait-il alors ? De ces opérations qui consistent à exporter les produits de l'industrie belge, les fabricats du pays, à les exporter dans les contrées lointaines et à rapporter de ces contrées des produits de leur sol.

Voilà le seul commerce dont j'ai parlé dans mon premier discours. Je le dis encore, ce commerce est très peu intéressé dans la question ; je vais le démontrer à toute évidence.

Premièrement à l'époque que je viens de rappeler, on importait eh Belgique environ 20 millions de kil. de sucre exotique. Ces 20 millions de kil. nous arrivaient des lieux de production pour la plus grande partie.

Le sucre indigène, comme je l'ai dit, commençait à se développer ; le commerce, non pas quelques négociants, mais le commerce, le grand commerce extérieur concevait des craintes et nous disait : Arrêtez ce développement progressif du sucre de betterave. Laissez-nous notre commerce extérieur ; il est sérieusement menacé. Car si vous allez nous ôter les marchandises de retour, comment voulez-vous que nous continuions à exporter les produits belges ? Ces produits ne nous font pas défaut ; mais ce que l'intérêt du pays demande ; c'est que le commerce trouve des retours, lorsque les bâtiments reviennent des contrées lointaines où ils ont porté nos produits.

Voilà ce qu'on nous disait en 1843 ; voilà ce que moi-même je soutenais et ce que je soutiendrais encore dans la même position. Mais aujourd'hui tout a changé. On importe encore 20 millions de kilog. de sucre exotique ; mais d'où vient la plus grande partie de ce sucre exotique ? Je vous l’ai dit, la plus grande partie est achetée à Londres, à Rotterdam ou sous voile à Cowes, à Falmouth et dans d'autres ports.

Une certaine partie, je ne le dissimulerai pas, arrive encore des lieux de production.

Cette partie est de 6 à 7 millions, 8 millions si vous le voulez. Ainsi il vient encore pour 6, 7 ou 8 millions de sucre exotique directement des lieux de production. Mais les bâtiments qui nous importent ces sucres, sont-ce des bâtiments partis des ports belges, avec des marchandises belges et rapportant du sucre exotique ? Non, messieurs, ce sont des bâtiments quelconques de toutes les nations, affrétés dans les ports étrangers, et affrétés pour où ? Pour la Belgique ? Rarement. Affrètes d'abord pour les ports d’Angleterre.

On charge à la Havane un navire de sucre exotique. La plupart du temps, ce navire va d'abord dans un des ports de l'Angleterre et ne vient à Anvers que s'il ne trouve pas en Angleterre de placement convenable

Suis-je dans le vrai ? Je ne pense pas qu'on me contredira.

Vous voyez donc que, comme je l'ai dit, les choses ont complètement changé. Il ne s'agit plus de favoriser le commerce que, passé quinze, dix-huit, vingt ans, nous avions surtout grand intérêt à favoriser.

Il ne s'agit plus de ce commerce qui exporte nos fabricats et rapporte directement des marchandises de retour. Non, le commerce qui est intéressé aujourd'hui dans cette question, c'est le commerce de sucre qui achète et qui vend. Eh bien, ce n'est pas par ce commerce que la métropole commerciale d'Anvers, que le port d'Anvers doit prospérer ; c'est quelque chose de très accessoire.

Voulez-vous que je vous donne une preuve, une preuve palpable, péremptoire qu'il n'y a pas la moindre corrélation entre les exportations de nos produits et les importations de sucre exotique ? .

Je vous prie de me permettre de vous donner quelques chiffres.

Je commence par le Brésil, et aujourd'hui il ne vient plus directement un kilog. de sucre à Anvers. Il n'en vient plus des colonies françaises et anglaises, cela va sans dire. Il n'en vient pas des colonies hollandaises par la raison toute simple qu'elles ont intérêt à faire leurs exportations dans la mère patrie ; il y a un droit différentiel de sortie.. Le sucre qui arrive à Anvers, est du sucre de la Havane. Je vais cependant vous donner les chiffres des importations de sucre du Brésil pendant les années antérieures et celles du sucre de la Havane en Belgique et des exportations de nos marchandises au Brésil et à la Havane. Ces chiffres sont péremptoires.

En 1850 nous avons importé à Anvers du sucre du Brésil pour 402,000 fr., en 1851 pour 270,000 fr., en 1853 pour 1,202,000 fr., en 1854 pour 2,919,000 fr., en 1855 pour 941,000 fr., en 1855 pour 1,340,000 fr., en 1856 pour 792,000 fr. en 1857 pour 886,000 fr et en 1858 pour 0 fr.

Voici maintenant nos exportations vers le Brésil.

En 1850. nous avons exporté pour 3,672,000 fr. en 1851 pour 4,454,000 fr., en 1852 pour 4,920,000 fr., en 1853 pour 3,685,000 fr., en 1854 pour 4,547,000 fr., en 1855 pour 5,209,000 fr., en 1856 pour 5,117,000 fr., en 1857 pour 6,069,000 fr. et en 1858 pour 5,663,000 fr.

Ainsi, je prends les deux chiffres extrêmes : quand nous importions du sucre du Brésil pour 402,000 francs, nous exportions au Brésil pour 3,672,000 francs de marchandises, et quand nous n'importons plus un seul morceau de sucre du Brésil, nous exportons au Brésil pour 5,663,000 francs de marchandises.

Est-ce clair ? Est-il établi qu'il n'y a pas la moindre corrélation entre les importations de sucre exotique et les exportations de nos fabricats ?

Mais ce n'est là qu'une seule des deux contrées avec lesquels nous avons été en rapport pour le sucre et la moins importante. La contrée principale, c'est la Havane.

Voulez-vous me permettre de vous donner les chiffrés ? Ils sont tout aussi concluants :

En 1850, nous avons importé du sucre de la Havane, pour 16,458,000 fr., en 1851 pour 12,587,000 fr., en 1852 pour 12,124,000 fr., en 1853 pour 13,737,000 fr., en 1854 pour 13,196,000 fr., en 1855 pour 12,901,000 fr., en 1856 pour 7,753,000 fr., en 1857 pour 6,787,000 fr. et en 1858 pour 8,102,000 fr.

(addendum, page 1562) Et voici le relevé des exportations des produits belges vers la Havane : en 1850 2,121,000 fr., en 1851 1,864,000 fr., en 1852 3,134,000 fr., en 1854 3,506,000 fr., en 1855 4,388,000 fr., en 1856 6,990,000 fr., en 1857 6,727,000 fr. et en 1858 6,724,000 fr.

Je vais prendre les chiffres des exportations et les mettre en regard des importations.

En 1850 nous importions pour 16,458,000 fr. et on n'exportait que pour 2,121,000 fr.

En 1858 nous n'importons plus que pour 6,786,000 francs et nous exportons pour 6,727,000 francs de marchandises. Je vous le demande, ces chiffres sont-ils ou ne sont-ils pas péremptoires, et n'ai- je pas le droit de répéter ce que je disais il y a quinze jours : le commerce extérieur, le commerce qui consiste à transporter à l'étranger les produits de là Belgique et à rapporter des contrées lointaines les produits du sol de ces contrées, ce commerce n'est que médiocrement intéressé dans la question ; j'aurais pu dire qu'il ne l'est pas, d'après les chiffres que je viens de citer.

Ainsi vous voyez, messieurs, que je ne me suis pas avancé trop loin en disant que la question a complètement changé de face depuis 1843, qu'alors nous voulions surtout favoriser les exportations de nos fabricats et vous vous rappelez qu'à cette époque nous en étions encombrés, que nous ne savons comment parvenir à nous en défaire. Aujourd'hui notre grand commerce d'exportation n'est plus en relation, en quelque sorte, avec les quantités de sucre exotique que l'on importe.

Messieurs, je passe à ce qui concerne la nouvelle législation française.

Après vous avoir exposé qu'aucun grand intérêt ne réclamait la (page 1557) réforme immédiatement de la législation sur les sucres, je vous ai dit qu'il existait plusieurs motifs pour lesquels cette réforme devait être ajournée ; le premier motif que je vous ai donné est un motif qui nous touche personnellement.

Il y a près de trois semaines que nous discutons la loi des octrois ; elle est bien près de son terme, cette discussion, si nous ajournons les articles qui concernent les sucres.

Si, au contraire, nous abordons ces articles nous en aurons encore pour longtemps, et je crois que nous désirons tous voir arriver la fin de cette longue session.

Je vous ai dit encore, messieurs, que les fabricants de sucres indigènes ne pouvant pas prévoir les intentions du ministère des finances, avaient fait tous leurs préparatifs, pris tous leurs engagements, acheté toutes leurs provisions pour la campagne prochaine ; qu'il est donc convenable de ne pas les prendre au dépourvu et de les prévenir quelque temps d'avance de la menace qui pèse sur leur tête, d'un changement complet de la législation.

Je vous ai dit, en outre, messieurs, et c'est sur ce point que je désire ajouter quelques mots, je vous ai dit qu'il est d'une grande importance de ne pas changer radicalement la législation sur les sucres, alors qu'un grand pays voisin vient de décréter une législation toute nouvelle qui modifie sensiblement la position des deux pays, l'un vis-à-vis de l'autre, en ce qui concerne la fabrication et le commerce des sucres.

Avant la mise en vigueur de la nouvelle loi française, les sucres belges se vendaient à meilleur prix que les sucres français. Je crois être bien près de la vérité en disant que le prix du sucre belge était de 140 à 148 fr. par 100 kilog. tandis que le prix du sucre français était de 155 à 160 francs. Il y avait donc en moyenne une différence de 15 fr. entre les deux sucres.

Qu'arrivait-il ? M. le ministre des finances, en vous démontrant, dans une séance précédente, qu'il était impossible d'établir au juste quelle était la consommation des sucres tant dans les villes que dans les campagnes, vous a dit, en vous donnant les motifs qui l'empêchaient d'établir cette proportion, qu'il y avait une certaine infiltration de sucres de Belgique vers la France.

Ainsi, messieurs, vous voyez que jusqu'à la mise en vigueur de la loi française on infiltrait une certaine quantité de sucres belges en France, bien qu'en France il y ait trois lignes de douanes et qu'il soit beaucoup plus difficile de faire la contrebande de Belgique en France qu'il ne l'est de la faire de France en Belgique.

Quelle est la position relative des sucres aujourd'hui ? Les sucres français sont à meilleur marché que les sucres belges. La différence du droit est de 14 à 15 francs. Les sucres français payent 25 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Plus les deux décimes.

M. H. de Brouckere. - Je passerai sur les deux décimes. Cela fait 30 francs. L'impôt est donc de 30 francs y compris les décimes.

Chez nous, le minimum est de 39 fr. ; différence 9 fr. ; par conséquent, tandis qu'auparavant le sucre belge était à meilleur marché que le sucre français, c'est le sucre français qui va être à meilleur marché, et vous comprenez combien de sucre français on va infiltrer en Belgique ! Cela n'est pas douteux.

Si, en présence des trois lignes de douane qui existent en France, on infiltrait du sucre belge sur le sol français, il est évident que lorsqu'on aura intérêt à infiltrer du sucre français en Belgique, on le fera plus facilement qu'on ne faisait l'opération contraire..

Voilà donc une influence positive que le changement de législation en France va opérer sur notre commerce et notre industrie des sucres.

Si je suis bien informé, on a depuis la mise en vigueur de la nouvelle loi française, annulé les marchés de sucre qui avaient été faits de Belgique pour la France.

Messieurs, voyons à présent d'une manière générale quelle est l'influence que peut avoir un changement de législation sur les sucres dans un pays voisin.

D'abord la Hollande ne manque jamais de modifier sa législation sur les sucres, quand nous changeons la nôtre. Touchez à votre législation sur les sucres ; vous êtes presque sûrs que la Hollande modifie la sienne ; pourquoi ? Parce qu'en Hollande on comprend que modifier la législation sur les sucres dans un pays voisin, c'est déranger la position dans son propre pays.

Mais il y a quelque chose de plus frappant que cela : c'est l'influence qu'ont eue sur nous les changements apportés à la législation commerciale de l'Angleterre. Il y a 15 ans, nous avions à Anvers un marché de sucre qui était assez important et qui paraissait devoir progresser.

Y a-t-il encore aujourd'hui un marché de sucre à Anvers ? Le marché, de sucre a presque disparu d'Anvers ; et où s'est-il transporté ? A Londres.

Avant les changement radicaux qui ont été introduits dans la législation commerciale de l'Angleterre, il n'entrait pas un seul morceau de sucre étranger dans ce pays. Voici maintenant quelques chiffres.

En 1848 on a importé en Angleterre 24,880 tonnes de sucre étranger brut et 765 tonnes de sucre raffiné soit 25,645 tonnes.

En 1859 on a importé 187,000 tonnes de sucre brut et 12,300 de sucre raffiné, soit environ 200,000 tonnes.

La consommation de l'Angleterre qui était en 1846 de 200 millions de kil. est arrivée aujourd’hui à 460 millions ; mais quel a été le résultat de ce nouvel état de choses ? Que le commerce belge a été bouleversé. Le marché n'existe pour ainsi dire plus à Anvers, il est à Londres. C'est là qu'on va surtout s'approvisionner de sucre étranger, et Anvers ne fait plus qu'un commerce extrêmement secondaire.

Est-il prudent, en présence de semblables faits, de changer notre législation sur les sucres sans nécessité, juste au moment où l'on vient de changer d'une manière aussi importante celle d'un grand pays voisin. Je prévois d'avance la réponse que me fera M. le ministre des finances. Il me dira : Quel est après tout le changement que je propose ? C'est un abaissement de droit. Le droit est aujourd'hui de 30 francs sur un sucre, il est de 45 francs sur l'autre ; terme moyen 42 francs. Je vous propose de le mettre à 40 francs, donc une diminution de droit.

Je. n'examine pas, messieurs, s'il y a diminution ou augmentation ; je dis qu'il est prudent d'attendre, avant de changer la législation sur les sucres, que nous puissions apprécier au juste quelle sera, en Belgique, l'influence de la nouvelle législation française. N'y tombons pas cette année, attendons un ou deux ans, car nous pourrions regretter amèrement les changements que nous aurions faits, et après avoir discuté ici pendant 6, 7, 8 jours, nous serions inondés l'année prochaine de plaintes et de réclamations de tout genre que nous serions obligés de repousser.

Je ne veux pas pousser ces explications plus loin.

J'ai tenu ma promesse ; je n'ai pas dit un mot sur le fond de la question. Je crois avoir démontré que rien ne réclame la réforme immédiate de la législation sur les sucres et que tout, au contraire, nous convie à ajourner cette réforme à une autre époque.

Messieurs, je pense avoir justifié, par les moyens conformes à la logique et à la raison, l'amendement que mes honorables amis et moi avons présenté.

Je terminerai maintenant par une considération d'une autre nature. Je fais un appel à vos sentiments généreux vis-à-vis de vos collègues. Dans quelle position nous mettriez-vous, mes honorables amis et moi, si vous n'acceptiez pas noire amendement ? Nous tenons tous à honneur de nous associer à l'œuvre patriotique, élaborée par M. le ministre des financés. Nous désirons vivement voter la loi qui supprime les octrois.

Mais voulez-vous nous mettre dans la position d'accepter, en même temps et par un même vote une législation spéciale qui n'a rien à voir dans l'affaire des octrois, que nous croyons injuste, que nous croyons mauvaise, voulez-vous d'autres termes ? que nous croyons inopportune, intempestive ?

Que devons-nous faire si vous persistez à mêler ensemble deux choses qui n'ont rien de commun : l'abolition des octrois, et une nouvelle législation sur les sucres ? Que devons-nous faire ?

Nous approuvons la suppression des octrois et tous les moyens, à l'aide desquels on veut les supprimer ; mais vous voulez que nous votions en même temps une législation nouvelle sur les sucres, que nous trouvons mauvaise ou au moins inopportune.

Je vous le demande, messieurs, quelle position nous faites-vous ?

Si nous votons pour, malgré notre répugnance, ne faites-vous pas, en quelque sorte, violence à nos convictions ?

Si nous votons contre le projet, on pourra croire dans le pays et à l'étranger que nous avons refusé notre assentiment à une œuvre que nous n'avons cessé d'approuver, dont nous avons loué M. le Ministre des finances et qu'il nous tarde de voir mise à exécution.

Mais, direz-vous : Abstenez-vous. Est-il possible, messieurs, que des députés sérieux, à moins de raisons exceptionnelles, s'abstiennent quand il s'agit d'une loi qui intéresse à un si haut degré toutes les classes de la population, les riches et les pauvres, les citadins et les campagnards et que la grande majorité du pays, dans mon opinion, attend avec impatience ?.

Ainsi nous ne pouvons ni voter pour ni voter contre, ni nous abstenir.

Je convie la Chambre à nous tirer de cette fâcheuse position en prononçant la disjonction des deux lois.

Votons la loi sur les octrois ; quant au chiffre, je l'ai déjà dit, il n'y a pas d'opposition, et puis qu'on s’occupe plus tard, aussitôt qu’on le voudra, de la révision de la législation sur les sucres.

M. le président. - L'amendement étant présenté par plus de cinq membres fait de droit partie de la discussion. Il sera imprimé et distribué.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le devoir est souvent très pénible à remplir, et je le sens plus que jamais en ce moment.

Je pouvais, me renfermant dans la formule de l'amendement, me décharger d'un fardeau assez lourd, celui de porter cette question devant la Chambre.

Mais en agissant ainsi, j'aurais servi l'intérêt privé et non l'intérêt public telle est, du moins, ma manière de voir.

(page 1158) J'ai été appelé à opter entre ces deux situations : il fallait obtenir les 700,000fr. du sucre pour contribuer au fonds communal, ou bien par l'abaissement du droit, c'est-à-dire par la réduction de la prime, des avantages dont le sucre jouit ; ou bien en augmentant les deux droits, maintenant le système de la loi, c'est-à-dire en augmentant les avantages qui résultent de la législation actuelle, en d'autres termes, en accroissant dans une certaine mesure la prime.

J'ai préféré le premier système au second ; et voilà la raison que demandait tout à l’heure l'honorable préopinant lorsqu'il s'écriait : Je n'aperçois pas le motif qui a pu déterminer à choisir le système du projet du gouvernement plutôt que de s’en tenir à une formule analogue à celle de l'amendement.

Or, messieurs, dans mon opinion, toute mesure qui aurait pour effet d'accroître les avantages dont le sucre jouit aujourd'hui en Belgique serait une mesure déplorable et que le gouvernement doit nécessairement combattre de tout son pouvoir.

Tous les efforts doivent tendre à ce que, sans perturbation, l'impôt sur le sucre tourne exclusivement au profit du trésor, et non pas au profit des particuliers,

A cette première raison de préférence pour la proposition du gouvernement, vient s'en joindre une seconde : c'est que la législation, telle qu’elle existe aujourd'hui, doit être nécessairement révisée dans un temps donné. Cette législation a pour but de procurer un revenu au trésor en assurant la coexistence des deux industries.

Ce double but ne saurait être atteint si les prévisions du législateur se trouvaient renversées.

La loi a été faite en vue d'un état de choses qui était considéré comme très satisfaisant pour l'industrie de la betterave ; mais cet état de choses a notablement changé, il change de jour en jour et conduit nécessairement à une situation impossible à maintenir.

La loi actuelle, messieurs, suppose que le sucre de betterave fournira un quart de la consommation ; le sucre exotique trois quarts ; c'est sur cette hypothèse que repose la législation en vigueur.

En fait, le sucre indigène fournit aujourd'hui plus que toute la consommation et sa production ne cesse pas de s'accroître.

L'hypothèse de la loi étant un droit de 39 francs par 100 kil. de sucre de betterave et de 45 francs par 100 kil. de sucre de canne, il est clair que la substitution d'un million de kil. de sucre de betterave à un million de kil. de sucre de canne fait perdre 60,000 fr. au trésor ; 60,000 fr. qui ne peuvent être récupérés qu'aux dépens de l'autre élément qu'on a voulu maintenir par la loi, c'est-à-dire la présence du sucre exotique sur le marché intérieur.

Ce n'est pas, messieurs, que nous ayons l'intention de persévérera à faire de la législation sur les sucres ce qu'on a nommé une législation commerciale. Nous ne croyons pas que la législature ait encore à s'occuper de pareils expédients. C'est un système suranné que celui qui consiste à vouloir assurer un mouvement commercial par des primes. Mais, ce qui importe beaucoup, c'est qu'il n'y ait pas non plus dans notre loi une disposition, un principe qui soit destructif du commerce, qui soit de nature à empêcher le mouvement commercial d'exister. C'est, en un mot, la liberté qu'il faut vouloir ; il ne faut pas que notre loi soit un obstacle à la liberté des transactions ; il ne faut pas, surtout, que la loi consacre un monopole de fait au profit du sucre indigène.

La loi doit donc être modifiée ; on le reconnaît, on l'avoue implicitement par l'amendement qui marque un certain délai endéans lequel cette législation devra être révisée. Mais, on le devine aisément, si peu que puisse se prolonger la situation actuelle, extraordinairement favorable à l'industrie des sucres indigènes, on comprend que les intéressés s'y attachent avec frénésie et se portent aux violences que nous avons entendues et dont je ne veux pas, du reste, entretenir l'assemblée.

Messieurs, il importe que la Chambre fasse une juste idée des pertes que le trésor a subies depuis 1830 par l'industrie des sucres.

Ce fut d'abord la canne, c'est aujourd'hui la canne et la betterave réunies qui dévorent par la prime une bonne partie de l'impôt. On ne peut guère estimer à moins de 65 à 70 millions ce qu'il en a coûté de ce chef au Trésor depuis 28 ans. Non pas, messieurs, que ces 65 à 70 millions soient restés dans les mains des producteurs, des fabricants, mais ces 65 à 70 millions ont servi à favoriser l'exportation des sucres, à maintenir la concurrence sur les marchés extérieurs pour la vente des sucres raffinés. Cette situation semblait justifiée par une politique commerciale analogue suivie dans les autres pays. D'autres pays accordaient également des primes à l'exportation et l'on eût arrêté tout commerce de ce chef si cette protection à l'exportation avait été supprimée ici.

Mais les sacrifices ont été immenses, et, il faut le proclamer, absolument stériles.

Ce n'est pas, messieurs, pour les besoins de la cause actuelle que j’énonce ce fait ; il est connu de la Chambre. Il y a longtemps que le gouvernement a compris qu'il était indispensable de dire à la Chambre et au pays toute la vérité sur ce point.

Dans la session de 1854-1855, répondant à une demande de la section centrale chargée de l'examen du budget des voies et moyens, le gouvernement évaluait la perte occasionnée au trésor par l'exportation du sucre raffiné ; le gouvernement déclarait qu'à cette époque la prime qui existait au profit du sucre était 2,350.000 fr. par an.

Il s'exprimait ainsi : « Moyenne de la consommation pendant les campagnes 1851-1852 à 1853-1854, 14,022,383 kil., représentant en sucre brut 14,760,400 kil.

« Dans l'hypothèse où il n'y aurait plus de prime d'exportation, cette quantité, fournie à la consommation, rapporterait :

« Pour le sucre indigène, à concurrence de la totalité de la production, pouvant s'élever maintenant à 10,000,000 kil., à 37 francs, 3,700,000, pour le sucre de canne, 4,760,400 kil. à 45 fr., 2,142,180, soit ensemble, 5,842,180 fr. La recette moyenne, pendant la période ci-dessus, étant de 3,496,242 fr., les pertes qu'essuie le trésor par suite de l'exportation du sucre raffiné s'élèveraient annuellement à 2,345,938 francs. »

Cette évaluation n'a soulevé aucune critique, ni dans la Chambre, ni dans la section centrale.

En opérant de la même manière, on constate de 1831 à 1842, sous le régime des lois du 24 décembre 1829, du 8 février 1838 et du 25 mars 1841, pendant 12 ans, que la perte annuelle a été de près de 3 millions de francs. L'impôt était de 37 fr., et la consommation moyenne de 10 millions 800 mille kilogrammes ; il aurait dû produire 4,031,000 fr. le trésor n'a perçu que 1,198,000 fr., d'où une différence ou perte annuelle de 2,833,000 fr. De 1843 à 1846 sous le régime de la loi du 4 avril 1843, pendant trois ans, la perte a été de près de 2,000,000 par an. L'accise était de près de 45 fr. sur la canne et de 20 fr. sur la betterave. Pour une consommation de 11,000,000, elle aurait dû donner un produit de 4,598,000 fr. Au lieu de cela, on n'a perçu annuellement que 2,679,000 fr. Sous le régime des lois du 17 juillet 1846 et du 16 mai 1847, pendant trois ans, la perte annuelle a été de 2,500,000 fr. Est intervenue ensuite la loi du 18 juin 1849. Pendant sept ans, jusqu'en 1856, la perte moyenne a été de 2,300,000 fr. par an, chiffre à peu près semblable à celui que le gouvernement accusait en 1855 pour les trois dernières campagnes. Depuis la loi du 1856, la perte annuelle a été d'environ 2,100,000 fr.

En somme, depuis 28 ans, les pertes qu'a subies le trésor ne s'élèvent pas à moins de 65,000,000 à 70,000,000 de francs, et cela, sans compter les droits non perçus sur les quantités de sucre qui échappent à l'impôt, et dont je parlerai tout à l'heure.

C'est une pareille situation qui doit être successivement modifiée ; mais nous ne voulons pas même le faire par de trop brusques secousses ; la législation est vicieuse ; mais sous l'empire de cette législation vicieuse que les particuliers n'ont pas faite, des intérêts se sont créés, on y jetterait de grandes perturbations si on voulait la renverser tout à coup.

Que fait le projet de loi ? L'impôt étant de 40 fr. et la consommation en sucre brut de 16 millions de kil. au minimum, l'impôt devrait produire au moins 6,400,000 francs. Que demande-l-on par la loi ? 5,200,000 fr. Partant, nous laissons subsister une prime de 1,200,000 fr. par an ! C'est là la loi inique qu'on nous accuse, qu'on nous fait un crime d'avoir soumise à vos délibérations.

Mais, messieurs, ce ne sont pas les seuls avantages dont jouissent les sucres. Les primes que nous venons de calculer ne tiennent pas compte de certaines quantités de sucre qui échappent à l'impôt. Ainsi à l'importation du sucre exotique, on déduit pour tare une certaine quantité en vertu de la loi, et cette tare est supérieure à la tare réelle ; de là un avantage pour le sucre de canne, qui toutefois n'est pas très important ; pour la betterave les quantités indemnes du droit, sur lesquelles le fabricant perçoit le droit à son profit, peuvent être estimées à 6 ou 8 p. c. Pour la prise en charge, la législation a pris pour présomption légale que 100 litres de jus de betterave à un degré donnent 1,400 grammes de sucre. Si le fabricant obtient plus, il bénéficie au détriment du trésor, il a une quantité de sucre qui n'a pas payé de droit et qu'il livre à la consommation en prélevant l'impôt à son profit.

Eh bien, il est constant, il est indubitable que la quantité de sucre obtenue de 100 litres de jus est supérieure à 1,400 grammes, qu'elle s'élève à 1,500 grammes dans de bonnes conditions de fabrication ; elle est en moyenne en France, officiellement constatée, de 1,478 grammes.

Les fabricants français ont payé l'impôt sur un rendement de 1,483 grammes. Par la loi actuellement en vigueur ils sont pris en charge provisoirement à 1,400 grammes ; s'il y a un excédant on le constate à leur compte, mais s'il y a du manquant, on ne déduit rien. Ils ont donc payé sur 1,483 grammes ; si je déduis les manquants, pour connaître le rendement réel, je trouve 1,478 grammes, comme moyenne entre les bonnes et les mauvaises fabrications. Le fait est irrécusable.

A la vérité, messieurs, il s'est présenté une fois en France un cas exceptionnel ; en 1857 et 1858, par suite de la mauvaise qualité des betteraves récoltées ; la prise en charge provisoire fut réduite à 1,300 grammes par décret du 13 avril 1858. Mais cette mesure ne changeait rien aux dispositions relatives aux excédants de fabrication.

Or, dans cette année calamiteuse, savez-vous quels ont été les excédants ? 7 millions 500 mille kil., et la prise en charge s'est élevée à 1,369 grammes. C'est là une preuve nouvelle que sauf, ce cas exceptionnel, la quantité de sucre produite par 100 litres de jus excède de beaucoup 1,400 grammes. Est-ce que le projet de loi modifie cet état de choses ?

Il maintient une prime de 1.200,000 fr., il continue à laisser aux fabricants cette faveur.

(page 1559) Maintenant il est fort vraisemblable qu'on est en dessous des évaluations réelles, quand on suppute les avantages dont jouissent les fabricants de sucre. Il faudrait connaître exactement la consommation, pour établir la prime. Ici nous n'avons pour base que la consommation officielle évaluée par le rendement calculé à 1,400 grammes. Mais la consommation réelle quelle est-elle ?

Il y a quelques jours nous avons montré les causes multiples qui rendent le fait de la consommation extrêmement obscur, mais si nous ne pouvons pas dire quelle est au juste la consommation du sucre e Belgique, nous pouvons dire au moins avec certitude que la consommation officiellement accusée est en dessous de la consommation réelle.

A quelle quantité par tête répond-elle ? A 3 kilog. 1/2 par tête d'habitant ; or, en Angleterre elle est de 15 kilog., aux Etats-Unis de 17 kilog., en France de 5 kilog. Je fais abstraction complète de ce qui a lieu en Angleterre et aux États-Unis ; il faut tenir compte des habitudes des populations ; il est clair qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, où l'usage du thé est très répandu dans toutes les classes de la population, la consommation du sucre doit être plus considérable que dans notre pays ; mais aussi il est indubitable pour nous tous qu'en Belgique où l'on consomme beaucoup plus de boissons chaudes qu'en France, où on fait un plus grand usage de café notamment, la consommation du sucre devrait y être plus considérable qu'en France. Or en France parce qu'on atteint les excédants de fabrication sur les prises en charge, par diverses causes que j'ai énumérées, on constate une consommation de 5 kil. par tête.

Nous n'avons opéré que d'après une consommation de 1/2 kil. Si vous prenez pour base la moyenne française ou si vous calculez les avantages que j'ai indiqués plus haut, vous n'avez plus une consommation de 16 millions de kilog, mais de 23 millions de kilogrammes.

Ce n'est pas tout encore. La fabrication et le raffinage du sucre, dans les conditions privilégiées que l'on connaît, ont en outre le monopole du marché intérieur pour les raffinés. La législation ne se borne donc pas à leur accorder les avantages que je viens d'énumérer ; mais elle contient un droit prohibitif qui s'oppose à l'entrée des raffinés étrangers en Belgique. Ainsi après les primes et les excédants, le monopole des raffinés à l'intérieur du pays ; et ce monopole est constitué, non pas dans l'intérêt public, mais au profit de 80 personnes au plus !

Et à tous ces avantages, je pourrais encore en ajouter un : c'est la jouissance des termes de crédit sur les sommes qui sont dues au trésor. Cet avantage n'est pas spécial à l'industrie du sucre. Il est commun à toutes les industries soumises à des droits d'accise ; mais pour être partagé, l'avantage n'en existe pas moins ; pour n'être pas un privilège spécial, ce n'en est pas moins un certain avantage que nous pouvons supporter.

Les prises en charge, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. de Brouckere, étaient, au 1er mai 1860, de 4,907,000 fr. ; c'est-à-dire que l'on devait au trésor 4,907,000 fr. Il est évident qu'une forte partie de sucre est livrée à la consommation, bien avant l'expiration des termes de crédit ; et si l'on suppose qu'en moyenne, la moitié seulement est livrée à la consommation, l'Etat donne sans intérêt à cette industrie, un crédit, un capital de plus de 2,500,000 francs.

Telle est, messieurs, la situation, tels sont les faits.

Que propose maintenant le gouvernement ? Propose-t-il de supprimer incontinent toute prime ? Non, il réduit la prime. Elle était de 2 millions, elle ne sera plus que de 1,200,000 fr. Il me paraît que ce chiffre est magnifique.

Propose-t-on de porter à 1,475, à 1,450, à 1,425 grammes la prise en charge pour les fabricants de sucre de betterave ? Point. Nous ne proposons aucune modification à la législation de ce chef ; la prise en charge continuera à être calculée au taux de 1,400 grammes.

Propose-t-on d'enlever le monopole du raffinage à l'intérieur ? Propose-t-on de supprimer ce droit prohibitif qui s'oppose à l'entrée des raffinés en Belgique ? Pas davantage. La législation sous ce rapport sera encore maintenue.

A quoi donc se réduit la proposition du gouvernement ? A établir l'égalité de l'impôt sur le sucre indigène et sur le sucre exotique. Le sucre brut exotique paye 45 fr. de droit d’accise et 1 fr. 20 c. de droit de douane ; soit 46 fr. 20 c. On propose de porter l'accise à 40 fr. sur les deux sucres, de telle sorte que le sucre exotique payera en plus le droit de douane, c'est-à-dire 1 fr. 20 c.

Les plaintes que l'on fait entendre sont-elles fondées ? Nous avons déjà pu en juger par l'exposé des faits.

Je sais, messieurs, que l'on obscurcit cette question comme à plaisir. Elle semble le privilège de quelques-uns. Il faut en quelque sorte être initié aux arcanes de cette mystérieuse affaire pour y comprendre quelque chose. Et l'on ajoute à l'obscurité qui semble naturelle à cette affaire, un langage tout particulier, un langage quelque peu barbare qu'on n'est pas accoutumé d'employer et qui rend encore la chose plus obscure, si c'est possible.

Nous tâcherons de la ramener à des termes fort simples et de la résoudre purement et simplement par des faits.

De quoi s'agit-il, en fait ? Il s'agit de savoir si l'industrie du sucre de betterave doit continuer à être protégée par un droit différentiel qui s'élève aujourd'hui à 6 fr. par 100 kil. de sucre brut. J'avertis les honorables membres qui font profession de défendre, de prêcher l'économie politique et qui déjà ont fait pressentir que d'après le système qui était proposé nous allions faire de la protection à retours, de la protection au profit des produits étrangers contre le produit national ; je les avertis qu'on les fourvoie. Il s'agit purement et simplement ici d'un droit protecteur, pas autre chose ; c'est ce qu'on cache sous cette formule : la différence des bas produits. Le public ne sait pas ce que c'est que les bas produits ; il n'y comprend rien ; il croit à ce sujet tout ce qu'il imagine. Eh bien, c'est la formule de la protection, rien de plus, rien de moins. Et voulez-vous en avoir la preuve incontestable ? Supposons pour un instant que le gouvernement et les Chambres reconnaissent que l'intérêt public commande qu'on ne frappe le sucre d'aucun impôt. Ce sera une denrée alimentaire de toute première nécessité qu'il importera au plus haut point de livrer à bas prix aux consommateurs. Que viendrait vous dire la betterave dans cette hypothèse ?

.M. Dechamps. - Elle ne serait pas née.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oh ! soyez tranquille ; elle est née, elle vit et prospère, non pas sous l'empire de l'égalité des droits, mais avec des surtaxes.

Elle serait née et parfaitement née.

M. de Brouckereµ. - Mort-née.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est vraiment incroyable que de pareilles assenions puissent se produire, comme si à nos portes nous n'avions pas la preuve vivante de la fausseté de pareilles affirmations ?

En Hollande, le droit existe et la betterave y naît.

- Un membre. - Un seul établissement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et les journaux annoncent la création d'une nouvelle fabrique.

M. de Brouckereµ. - Il n'y en a qu'une.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Plus d'une ; mais qu'importe ? Elle vit ; et puis, je vous conduirai dans un pays voisin ; je vous montrerai l'état de production en France, et vous aurez la preuve incontestable que la betterave y vit et prospère, s'y développe et produit trop avec une surtaxe.

Mais, je reprends ma proposition.Il1 ne s'agit pas de savoir si elle naîtra ou ne naîtra pas ; elle vit. Commençons par examiner une question de principe et demandons-nous : Est-ce ou non un droit protecteur ? Voilà la question. Il est clair que si dans l'hypothèse que j'ai posée, l'intérêt public paraissait commander de supprimer tout impôt sur le sucre, il faudrait, dans le système qu'on défend aujourd'hui, accorder 6 francs de protection à la betterave au détriment de l'intérêt public.

Ainsi ne nous laissons pas égarer par la multitude des chiffres et par les raisons spécieuses que l'on apporte dans ces débats. Tenez pour certain qu'il n'y a pas au fond d'autre question à examiner que celle-là : Faut-il oui ou non, un droit protecteur à la betterave ?

Mais, lorsque nous proposons d'établir l'égalité d'impôt dans les termes du projet du gouvernement, est-ce que nous laissons la betterave sans protection ? Elle a d'abord la protection du droit de douane de 1 fr. 20 c. Elle a en second lieu une protection de fait considérable, résultant de la différence entre le rendement légal et le rendement réel pour les prises en charge. Elle sera donc encore protégée de droit et de fait. Je ne parle pas de la prime qu'elle partage avec la canne.

Tout le langage de la betterave se réduit donc à ceci : La denrée que je produis a moins de valeur que la denrée similaire venant de l'étranger, et il faut que l'on compense cette différence à l'aide d'un prélèvement fait sur le public.

Mais, messieurs, s'il prenait fantaisie à un industriel d'extraire le sucre cristallisable du sorgho ou des carottes ou d'autres produits quelconques, au lieu de l'extraire de la betterave, il aurait, pour me servir de l'expression usitée, des bas produits absolument sans aucune espèce de valeur, ce qui revient à dire que ses hauts produits ou son sucre lui coûterait très cher. Eh bien, de ce que son sucre lui coûterait plus cher, il dirait : Accordez-moi une protection plus forte ; vous avez reconnu qu'il fallait une protection à la betterave sur la canne parce que ses bas produits avaient moins de valeur ; et comme mes bas produits ont infiniment moins de valeur que ceux de la betterave, que mes hauts produits coûtent infiniment plus cher, il me faut une protection beaucoup plus considérable.

Mais il y a plus. On suppose que tout sucre exotique vaut 6 fr. de plus qu'une quantité égale de sucre de betterave ; puisque l’on demande 6 fr. de différence entre l'un et l'autre sucre, c'est que l’on affirme que 100 kil. de sucre de betterave valent toujours 6 fr. de moins que 100 k. de sucre exotique.

Cela est complètement inexact ; cela est absolument contraire aux faits.

II y a des sucres exotiques qui valent beaucoup moins que le sucre de betterave, qui se vendent beaucoup moins que le sucre de betterave.

Voici le prix courant des sucres bruts d'après la revue commerciale d'Anvers.

Septembre 1859. Le havane n°12 est coté en entrepôt de 70 fr. 90 c. à 71 fr. 96 c ; en moyenne 71 fr. 43 c.

(page 1560) Le n°10, 66 fr., 66 fr. à 67 fr. 72 fr. ; moyenne, 67 fr. 19 c.

Le brésil moscovade, 52 fr. 91 c. à 63 fr. 49 c., soit en moyenne, 58 fr. 20 c. ; sucre brut de betterave, 64 fr.

Voilà donc du sucre exotique à 58 fr. 20 c, et le sucre de betterave indigène est coté à 64 fr.

M. B. Dumortier. - Quel numéro ? Il y a sucre et sucre, comme il y a fagot et fagot.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne vous dis pas autre chose, il y a sucre et sucre. Mais vous ne distinguez pas dans vos sucres de betterave ; ce sont tous les sucres de betterave qui jouissent de cette différence de 6 fr. Eh bien, cela suppose que tout sucre exotique a 6 fr. de différence. Or, cela n'existe pas. Voilà du sucre de betterave à 64 fr. et du sucre brésil moscovade à 58 fr. 20 c. .

Ainsi,, je le répète, et c'est une première démonstration, la question est ici exclusivement une question de protection.

Est-elle nécessaire ? Voilà ce que nous avons à examiner. Est-ce que la protection qui résulte du droit de douane ne suffit pas ? Est-ce que la protection qui résulte de la différence entre le rendement réel et le rendement légal ne suffit pas ? La betterave est déjà trop favorisée, selon nous.

Messieurs, si la protection était nécessaire, on pourrait nous citer quelques faits pour montrer qu'il est impossible que le sucre de betterave subsiste, s'il est frappé de l'égalité d'impôt.

On affirmera, on ne prouvera rien. Mais je vous montrerai des faits nombreux qui démentent une pareille assertion.

Nous n'avons pas à nous arrêter ici aux clameurs des intéressés. Chaque fois qu'on a touché à cette question, ils se sont déclarés frappés à mort ; ils devaient toujours périr indubitablement ! Je ne veux pas user de toutes les armes que j'ai ; mais je me permets de citer quatre lignes de ce qui se disait, lorsqu'on a voulu porter le droit sur le sucre de betterave, qui était de 20 fr., à 30 fr., et puis de 30 à 39 fr. tel qu'il existe aujourd'hui. Ecoutez ce langage !

« Nous croyons devoir vous prémunir, messieurs, contre les insinuations qui tendent à faire croire que nous pouvons supporter des charges plus fortes, et nous déclarons ici que l'adoption du chiffre de 30 fr. aurait pour conséquence inévitable la fermeture d'au moins la moitié des établissements qui existent dans le pays, comme l'adoption du chiffre de 38 fr. proposé par le gouvernement, amènerait la ruine entière de notre industrie. »

Le chiffre de 30 fr. a été adopté, et qu'est-il arrivé à cette malheureuse industrie ? Elle allait périr manifestement ; elle a doublé sa production !

Mais voici que, frappé de ce fait que la production avait été doublée, on porte le droit de 30 à 37 fr. et ensuite à 39 fr.

Savez-vous le malheur qui arrive à cette industrie, quand le droit est porté de 30 à 39 fr. ? Sa production est octuplée ! C'était ce droit qui devait amener la ruine entière de l'industrie ! (Interruption.)

C'est exactement le même langage aujourd'hui. Vous pouvez être parfaitement tranquilles en adoptant le projet de loi. Les producteurs de sucre de betterave continueront à très bien vivre et à se développer comme par le passé.

Je suis enclin à penser que chaque fois que les industriels dont nous nous occupons se sout exprimés de la sorte, ils étaient d'une entière bonne foi ; ils sont encore d'une entière bonne foi aujourd'hui ; seulement leurs alarmes sont exagérées, et nous ne devons pas nous y arrêter.

Messieurs, il a fallu chercher l'explication de ce fait extraordinaire d'une production toujours croissante et dans une proportion si considérable ; il a fallu chercher l'explication de ce fait, et pour essayer de nous satisfaire on a affirmé, dans des écrits qui ont été publiés, que le développement de la production du sucre indigène résultait de circonstances tout à fait extraordinaires qui, peut-être, cesseront bientôt. Les sucres ont augmenté de prix dans une proportion inouïe, à ce que l'on assure, et c'est ce qui explique comment la production du sucre indigène s'est développée, Mais c'est une situation qui ne peut pas durer. Examinons.

Il est vrai que la consommation des sucres s'est accrue depuis 15 ans. En 15 ans, après la réforme de Robert Peel en Angleterre, qui avait fait admettre simultanément non pas seulement une réduction considérable et successive de l'impôt sur le sucre, mais aussi qui avait appelé les sucres étrangers sur les marchés de la Grande-Bretagne, la consommation s'est élevée de 205 millions à 450 millions. Et pour le dire en passant, c'est la prospérité publique bien plus que la réduction de l'impôt qui a amené ce développement extraordinaire de la consommation, et ce qui le prouve, c'est que les prix de vente n'ont pas très notablement varié avant et après la réforme.

Le prix moyen à l'acquitté, qui était de 2 liv. 8 sch. 10 den. en 1844, était de 2 liv. 1 sch. 3 deniers en 1858. D'une année à l'autre, le prix moyen a donc seulement baissé de 7 sch. 7 den. ou de 18 fr. 60 cent. par 100 kil. Et pour être convaincu que cette baisse n'a pu exercer qu'une très faible influence sur la consommation, il suffit de remarquer que le prix moyen du sucre en 1858 était de 1 fr. 3 c. par kil. à l'acquitté en Angleterre et de 1 fr. 17 c. en Belgique, différence de 14 c. par kil., trop insignifiante pour expliquer la différence de la consommation dans l'on et dans l'autre pays. Une réduction de prix ne suffit pas pour accroître la consommation. Il faut d'autres causes encore : les habitudes de la population d'une part et d'autre part le développement de la richesse publique.

Mais l'argument que l'on tire de ce développement de la consommation pour expliquer le développement si rapide de la fabrication du sucre de betterave ; le prix élevé du sucre exotique, qui expliquerait aussi ce développement, tout cela ne résiste pas au plus simple examen des faits. Ce sont des assertions qui n'ont aucune base sérieuse.

Londres est depuis un grand nombre d'années l'un des grands marchés du sucre colonial pour le continent. Un recueil qui fait autorité, l'Economist de Londres, a donné le prix moyen du sucre en entrepôt, par quintal anglais de 50 kil. 797 gr., depuis la réforme (1). Il résulte des chiffres qu'il a publiés, que le prix moyen était, en 1846, plus élevé qu'en 1856, à peu de choses près égal au prix de 1857 et que, enfin, le prix moyen était en 1859 de 1 sch. 5 p. moins élevé qu'en 1847.

Voilà, messieurs, à quoi se réduit la prétendue progression du prix des sucres, qui aurait expliqué et qui ne saurait certainement pas expliquer l'accroissement de production du sucre de betteraves.

La production du sucre de betteraves, messieurs, se développe par sa propre force.

C'est parce que la fabrication du sucre de betterave est une industrie vivace qui n'a pas besoin de protection et qui, en tant qu'industrie agricole, est vraiment indestructible. .

Certes si le gouvernement pouvait supposer que les mesures qu'il propose pourraient porter une atteinte grave à une industrie du pays, ilne le ferait point ; il procéderait avec ménagement.

Mais nous avons la conviction que les mesures que nous proposons sont tout à fait inoffensives pour l'industrie du sucre de betteraves. Voici où est son péril, messieurs. Toutes les industries qui sont privilégiées, qui sont dans une situation exceptionnelle, auxquelles, par la toi, on assure des bénéfices qui excèdent le bénéfice moyen qu'on a dans d'autres industries, appellent nécessairement à elles les capitaux ; la production s'accroît de plus en plus, elle s'accroît jusqu'au jour où il y a excès, jusqu'au moment où il y a crise ; et les protégés sont alors les premières victimes de la protection.

C'est ce que nous avons vu, messieurs, dans notre pays. La législation favorisait de droits protecteurs élevés l'industrie métallurgique ; eh bien, messieurs, les capitaux ont afflué vers cette industrie grâce à la protection, et nous avons vu, en peu d'années, une crise effroyable, crise dont cette industrie a très longtemps souffert.

Nous aurons, je le crains, une situation analogue pour les sucres ; je ne dis pas qu'on réussisse à y porter remède par la loi actuelle . mais au moins on atténuera le mal. Lorsqu'il apparaîtra, lorsque le sucre de canne sera à peu près exclu du marché, lorsque l'excès de la production avilira les prix, vous entendrez à la fois les protestations du commerce et les cris de détresse de l'industrie betteravière, et vous comprendrez alors la faute grave qui aurait été commise, si l'on ajournait aujourd'hui la révision de la législation sur les sucres.

Voyez, messieurs, comment cette industrie a marché, voyez quelle est sa production. En 1845-1846, elle produit (chiffre rond- 2,400,000 kil. ; l'année suivante à peu près le double. De 1845-1846 à 1855-1856, la production a quintuplé ; elle a doublé de 1856 à 1859 ; elle a décuple (page 1561) de 1846 à 1860 (21,000,000 kil. environ) et l'on ne cesse pas d'ériger de nouvelles fabriques et d'accroître les moyens de production dans les autres !

Voilà l'industrie qui déclare qu'elle a un besoin indispensable de protection !

Ainsi nous avons prouvé que ce n'est pas au prix élevé du sucre qu'est dû le développement ascendant de la production du sucre de betterave ; que cette production a décuplé de 1846 à 1860 et que cette industrie est dès lors dans des conditions telles, qu'un droit protecteur n'est plus qu'un déplorable abus.

Comme je le disais tout à l'heure, une expérience décisive a été faite ; qui prouve que la betterave n'a rien à redouter de l'égalité de l'impôt. L'expérience a été faite en France. Lorsque l'industrie du suce de betterave y prit certaine extension, ce fait préoccupa beaucoup le gouvernement français.

Le développement de cette industrie était de nature à troubler son système commercial et colonial, car c'est en faveur de ses colonies et de sa marine qu'existait une législation spéciale pour les sucres de ses concessions d'outre-mer.

Cependant le sucre de betterave allait grandissant de plus en plus. Il fallut aviser. On lui imposa d'abord un droit. Comme en Belgique, les producteurs français du sucre de betterave déclarèrent qu'avec ce droit ils ne pourraient pas vivre. On invoqua les intérêts de l'agriculture ; l'élève du bétail joua le rôle qui lui revient dans cette affaire ; mais, nonobstant la taxe, leur industrie se développa tant et si bien qu'en 1843 le gouvernement français vint proposer aux Chambres la suppression de l'industrie du sucre de betterave au profit des colonies, et moyennant une indemnité...

M. B. Dumortier. - Et ici sans indemnité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ah ! l'égalité d'impôt est une expropriation ! un droit de douane, les excédants de production ne suffisant pas avec une prime annuelle de 1,200,000 fr....

M. B. Dumortier. - D'après vos calculs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - D'après mes calculs, me dit l'honorable M. B. Dumortier ; il les croit erronés. Eh bien, j'offre à l'honorable membre un moyen excellent de les contrôler et de les mettre à l'épreuve ; l'honorable M. Dumortier peut proposer en deux lignes une modification à la loi ; ell, consistera à percevoir intégralement, au profit du trésor public, le droit de 40 francs sur les deux sucres bruts et à inscrire formellement au budget une somme du 1,200,000 fr. à distribuer annuellement pour l'exportation des sucres raffinés. (Interruption.)

L'honorable M. Dumortier à tort de m'interrompre ; je viens de formuler une proposition qu'il a déposée sur le bureau de la Chambre, il y a quelques années.

Ainsi donc, le gouvernement français proposa la suppression de l'industrie betteravière ; mais les chambres refusèrent, et que fit-on ? on décréta l'égalité d'impôts pour les deux sucres ; c'est ce que l'honorable M. Dumortier appelait tout à l'heure, en m'interrompant, une expropriation sans indemnité. Et qu'arriva-t-il ? C'est que l'industrie de la betterave, ainsi expropriée sans indemnité, a produit en 1844, 30 millions de kil. de sucres, et en 1847, 67 millions avec l'égalité de droits. Mais la révolution de 1848 éclate ; on décrète l'abolition de l'esclavage et par là une perturbation épouvantable est jetée dans les colonies françaises. Que fait-on ? La loi décrète une détaxe de 6 fr. sur le sucre colonial pendant un certain temps.

Eh bien, le sucre de betterave, non plus à égalité de droit, mais avec une surtaxe considérable, continue à se développer.

Je sais, messieurs, ce que l’on objecte. On dit : Il s'agit seulement du sucre colonial français ; la législation française considère le sucre de ses colonies comme un sucre national ; elle le respecte au moins autant que le sucre indigène ; mais elle ne traite pas le sucre étranger de la même façon ; il paye un droit plus élevé, et ce droit est plus ou moins considérable, selon que l'importation a lieu par navire français ou par navire étranger.

Messieurs, ceci n'a absolument rien, à faire à notre question. La question est de savoir si le sucre indigène, le sucre de betterave mis en présence du sucre de canne, qu'il soit national ou qu'il ne le soit pas, cela est indifférent ici, mis en présence du sucre de canne, ne peut vivre qu'à la condition d'avoir un droit différentiel en sa faveur. Que le sucre de canne provienne des colonies françaises ou des colonies anglaises, cela n'importe en aucune façon sous ce rapport. Il s'agit, je le répète, de savoir si ces deux sucres étant mis en présence, l'un empêche l'autre d'exister. Eh bien, ces deux sucres, qui ne s'aiment guère, continuent cependant à vivre l'un à côté de l'autre.

Mais une nouvelle législation vient de modifier l'état des choses. C'est cette loi dont nous a parlé l'honorable auteur de l'amendement en se fondant sur ce fait nouveau pour demander l'ajournement de la discussion. Jusqu'ici il m'a été impossible de comprendre comment on pouvait, à raison de cette législation, demander qu'on ajournât ici l'examen de la question des sucres.

De grâce, qu'on nous explique ce que peut faire à la législation des sucres en Belgique la législation nouvelle des sucres en France ? On ne saura pas nous le dire. On vous laisse dans le vague. On parle d'un air mystérieux ; nous ne savons, s'écrie-t-on, ce qui arrivera ; et s'il arrivait quelque chose, vous auriez eu tort. Je réponds : S'il arrivait quelque chose - mais je suis convaincu qu'il n'arrivera rien - il serait temps encore de changer notre législation.

Il y avait, dit-on, une certaine infiltration de sucres en France, et en raison du changement de droit, l'infiltration va se faire en Belgique. Soir, je le veux bien. Une certaine quantité passait de la Belgique en France ; mais cette quantité ne pouvait être considérable ; que pouvez-vous conclure de ce petit fait ? L'honorable membre a confondu d'ailleurs l'infiltration avec la fraude. Or, la fraude n'est pas à redouter de la France en Belgique.

Le droit sera en France de 30 fr. ; en Belgique de 40 fr. Par conséquent, différence de 10 centimes par kilo. Un fraudeur ne peut porter plus de 15 kilog. Pour 15 kil. le bénéfice serait de 1 fr. 50 c. ; or, on ne trouvera personne qui consente à faire la fraude à ce prix-là.

Je prie l'honorable membre et les intéressés à cette matière de se fier au gouvernement pour la répression de la fraude et de ne pas s'inquiéter sous ce rapport. Mais, voyez leur contradiction : ils proposent d'augmenter les droits tandis que je propose de les réduire !

Voyons, au surplus, si la nouvelle législation française est de nature à être invoquée par les intéressés. Est-elle, comme on l'a répété avec une assurance qui dépasse vraiment tout ce qu'on peut imaginer, est-elle faite pour assurer à la betterave des avantages sur la canne ?

La législation nouvelle maintient la situation précédente en l'affaiblissant un peu.

Une détaxe au profit du sucre colonial est conservée par la législation nouvelle en France. Le sucre de betterave, loin d'être mis sur le pied d'égalité, est frappé d'un droit plus élevé que le sucre exotique et il le payera pendant plusieurs années encore. Ainsi, au point de vue de la protection, nos adversaires n'ont pas d'argument à tirer d'une pareille situation.

Je n'ai pas à entrer dans tous les détails de la législation des sucres en France ; il me suffira de mettre en parallèle ce que nous proposons et ce qui est en vigueur en France, d'après la nouvelle législation, pour faire juger jusqu'à quel point on a été imprudent ou audacieux, en invoquant cette législation comme bienfaisante pour la betterave par rapport à la nôtre.

En Belgique la prise en charge continuera d'être de 1,400 grammes. En France, ou bien la prise en charge continuera à avoir lieu au rendement réel qui est de 1,483 grammes, ou bien il aura lieu par abonnement à 1,425 grammes, avec droit pour l'administration d'élever ce taux chaque année, si l’expérience en démontre la nécessité, et sauf encore à prescrire les conditions sous lesquelles l'abonnement pourra être contracté.

Sous ce rapport vous voyez la différence.

En Belgique, droit d'accise égal pour les deux sucres, plus 1 fr. 20 c. de droits de douane sur le sucre exotique. Protection pour le sucre de betterave.

En France, non pas égalité de droits, mais 3 francs de moins pour le sucre colonial français jusqu'au 30 juin 1866 ; 6 francs de moins pour le sucre de la Réunion jusqu'au 20 juin 1864 et 4 francs 50 centimes de moins jusqu'au 20 juin 1865. A cette époque, les sucres de la Réunion seront mis sur la même ligne que les sucres coloniaux français.

En Belgique, les fabricants ont la faculté d'exporter les raffinés de betterave avec prime, cette prime dont on connaît le taux .

En France, interdiction d'exporter les raffinés de betterave, tandis que les sucres coloniaux et les sucres étrangers jouissent d'une prime d'exportation.

La décharge en Belgique pour l'exportation des raffinés aura lieu, d'après le projet de loi, à raison d'un rendement de 80 kil.

En France, les betteraviers ont prié, sollicité, demandé avec instances la faculté de participer au bénéfice de l'exportation à raison d'un rendement de 85 kilog. Le gouvernement français a refusé, et pourquoi a-t-il refusé ? Vous allez l'entendre ; pour réserver la faveur de la prime aux sucres exotiques seulement.

(page 1562) Voici, dans cette dernière discussion, comment s'en expliquait l'organe du gouvernement.

« Il y a une difficulté à permettre l'exportation des raffinés indigènes ; 100 kilog. de raffinés représentent 110 ou 111 kilog. de sucre brut suivant les uns, 117 suivant les autres, de sorte que la restitution des droits pourrait, selon les bases sur lesquelles elle serait faite, ressembler à la prime payée par l'Etat à l'exportation des sucres coloniaux après raffinage. On s'exposerait en accordant l'exportation des raffinés indigènes, à accorder trop ou pas assez. »

Ainsi, messieurs, voilà la situation de l'industrie des sucres en France, la voilà dans les deux pays.

Vous pouvez juger de quels avantages énormes le sucre de betterave jouit en Belgique par rapport à sa condition sur le marché français.

Faveur sur la prise en charge ; protection d'un droit de douane ; rondement inférieur au rendement réel ; prime à l'exportation, voilà ce dont le sucre de betterave jouit en Belgique et ce qui lui est refusé en France.

Maïs, dit-on, s'il est vrai que le sucre de betterave paye plus en France que le sucre de canne des colonies françaises, il paye moins que le sucre étranger.

Les sucres étrangers payent, en effet, un droit plus élevé. Mais un seul chiffre fait justice de l'argument que l’on veux tirer de ce fait. Quelle est la quantité de sucre des colonies, tant françaises qu'étrangères, qui sont mis en présence sur le marché ? Sur 141 millions de sucre colonial introduit sur le marché français, 115 millions proviennent des colonies françaises.

Ainsi| le sucre de betterave se trouve presque exclusivement en présence d'un sucre qui payait 5 à 6 fr. de moins, qui continuera, pendant plusieurs années, à payer 3 fr. de moins que le sucre de betterave ; et dès lors il est impossible de prétendre sérieusement que la betterave, en Belgique, ne pourrait pas continuer à vivre, quand nous ne parlons que de l'égalité des droits d'accise et en lui maintenant toutes les faveurs que nous avons rappelées.

Eh ! messieurs, veuillez bien y penser : l'industrie du sucre de betterave, que je n'attaque pas, - je désire qu'elle prospère et je me garderai bien de rien faire qui puisse lui nuire assurément, - mais cette industrie opère un véritable déclassement dans la population agricole. Le fait a été signalé, ici même, il y a longtemps déjà, par un homme que nous respections tous, par le comte Félix de Mérode, autorité qui ne sera point suspecte à vos yeux.

« La culture de la betterave, disait-il, destinée aux sucreries, substituée aux cultures qui sont actuellement en vogue, tend à concentrer les petites exploitations rurales dans les mains de l'aristocratie industrielle, s'il m'est permis de me servir de ce mot. Elle tend à faire rentrer dans la classe ouvrière dépendante la classe des petits propriétaires ou fermiers indépendants, au moins d'une manière relative. »

Cela est vrai, messieurs ; vous avez sur votre bureau un grand nombre de pétitions de paysans qui vous tiennent ce langage, c'est un fait qui mérite de fixer votre attention. Or, si l'on peut, en le regrettant, laisser un pareil changement se produire sous le régime de la liberté, la situation serait intolérable, inique, odieuse, étant provoquée par le privilège, par les primes, par des avantages exceptionnels comme ceux dont la betterave jouit en Belgique.

M. Savart. - En adhérant à l'amendement que j'ai signé conjointement avec l'honorable M. de Brouckere, j'avais précisément pour but d'éviter le débat qui vient de s'élever. Je me disais : L'honorable M. Vandenpeereboom a déclaré, dans son rapport, que pour mettre la loi en vigueur, il fallait de l'argent, beaucoup d'argent. Eh bien, il suffisait, suivant moi, que les sucres produisissent le chiffre demandé par le gouvernement, pour que la loi pût être mise en vigueur. Je voulais avoir un résultat immédiat ; je voulais qu'on ne s'embarquât pas sur une mer immense, tempétueuse, pleine d'écueils, où l'on vogue maintenant à pleines voiles. Mon but ne pouvant plus être atteint, je renonce à la parole.

M. Faignart. - Bien que je sois intéressé dans la fabrication du sucre, j'espère que la Chambre ne trouvera pas mauvais que je prenne part à cette discussion, surtout quand elle saura que la province que j'habite renferme trente-neuf fabriques de sucre et que l'arrondissement qui m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte compte cinq de ces établissements.

Je ne suivrai pas M. le ministre des finances dans les détails où il est entré. Je dirai seulement que j'aurais espéré que l'amendement des honorables MM. de Brouckere et consorts aurait eu pour effet d'ajourner une discussion qui, selon nous, est tout à fait inopportune en ce moment.

Tout le monde conviendra, en effet, que, dans la discussion de la loi sur les octrois, on a à peine examiné la question des sucres jusqu’à présent ; et je dois déclarer que dans la section à laquelle j’appartiens, cette question n’a point été traitée.

Je crois qu'il en a été à peu près encore tout à fait de même dans les autres sections. La loi de suppression des octrois a absorbé la plus grande part de notre attention et je ne crains pas d'affirmer que ce qui concerne les sucres se présente ici sans avoir été l'objet d'un examen sérieux et en rapport avec l'importance du sujet.

M. le ministre des finances demande 700,000 fr. aux sucres pour aider à la suppression des octrois. Je veux bien qu'on les lui donne. Mais je demande aussi que l'on fasse de cette question l'objet d'une loi et d'une discussion spéciales. Depuis 1843 que la législation sur les sucres est en vigueur, on l'a, je pense, modifiée cinq fois, et ce n'est certainement pas incidemment que des modifications y ont été apportées : Elles ont été examinées et profondément étudiées avant d'être introduites.

Et aujourd’hui on vous propose de voter, sans examen préalable, une des lois les plus importantes qui puissent intéresser le pays, et qui intéresse si particulièrement la classe ouvrière.

J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, et en présence des considérations qu'il a développées, je crois, pour le moment, pouvoir me dispenser d'insister sur la nécessité de l'adopter.

M. le président. - Le bureau a reçu un amendement à l'article 9 proposé par M. Rodenbach. Il est ainsi conçu :

« Ajouter au litt. C : 10 centimes à prélever à l'extraction par tonneau de 1,000 kilog. de houille. »

Je vous proposerai, messieurs, d'en autoriser l'impression et la distribution quoiqu'il n'ait pas été développé.

- Adopté.

L'assemblée fixe sa séance de demain à 1 heure.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.