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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 26 juin 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 1639) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe, secrétaire, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Moor, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Par 13 messages en date du 23 juin, le Sénat infore la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de loi :

« Modifiant les lois provinciale et communale en ce qui concerne le serment ;

« Qui autorise la concession d'un chemin de fer de Morialmé à la frontière de France ;

« Contenant le budget des recettes et des dépenses pour ordre de 1861 ;

« Contenant le budget des dotations pour 1861 ;

« Contenant le budget des non-valeurs et des remboursements pour l’exercice 1861.

« Qui met à la disposition du ministre des finances un crédit de 3,190 fr. 87 c, destiné à bonifier une partie des droits d'entrée payes sur des marchandises avariées par suite de l'incendie qui a éclaté à l'entrepôt d'Anvers, le 30 octobre 1859 ;

« Qui alloue aux budgets des finances pour 1859 et 1860 des crédits supplémentaires jusqu'à concurrence de fr. 31,913 11 cent. ;

« Qui autorise le gouvernement à vendre à main ferme à la ville de Spa une partie du bois domanial de Heid-Fanard ;

« Qui établit un conseil de prud’hommes dans la commune de Tournai ;

« Portant prorogation de la loi du 1er mai 1851, concernant le tarif des correspondances télégraphiques.

« Qui alloue au département des travaux publics un crédit de 40,000 fr. pour solder diverses créances afférentes à la construction des chemins de fer de l'Etat ;

« Qui approuve la convention entre l'Etat et la province de Brabant au sujet de l'hôtel du gouvernement provincial, rue du Chêne, à Bruxelles

« Qui ouvre un crédit de 275,000 fr. au département de l'intérieur.»

- Pris pour notification.


« M. Ancion fait parvenir à la Chambre 36 exemplaires d'un exposé des motifs tendant à une pétition pour demander l'abolition des logements militaires chez l'habitant ou l'augmentation de l'indemnité accordée en payement. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Allard-Pecquereau informe la Chambre qu'il lui est impossible d'assister à la séance. »

- Pris pour information.


« M. Beekman, retenu pour affaires de famille, demande un congé. »

- Adopté.

Motion d’ordre

M. J. Jouret. - Lors de la discussion du grand projet de travaux publics en 1859, une somme de 2 500,000 fr. fut votée pour la canalisation de la Dendre et éventuellement. c'est-à-dire pour le cas où l'on aurait trouvé des concussionnaires, pour un canal partant d'Ath vers un point à déterminer du couchant de Mons.

Le projet de canalisation de la Dendre, voté dans cette circonstance, quelque favorable qu'il fût à une partie de l’arrondissement que je représente, n'exerça, je puis le dire, aucune influence sur le vote que j’émis sur les travaux d’Anvers. Ces travaux, nous eussent-ils été demandés seuls, y, les aurais patriotiquement votés.

Cependant, messieurs, la position que le gouvernement a prise dam cette occasion nous donne le droit de réclamer, je ne dis pas l’exécution dans un temps plus ou moins rapproché, ce qui est hors de doute, mais l’exécution immédiate, simultanée des travaux compris dans l’ensemble de la loi.

M. le ministre des finances s'en exprimait d'une manière formule : « Si nous proposons l'exécution de 90 millions de travaux de toute nature, nous proposons également une combinaison à l'aide de laquelle ces travaux peuvent ête exécutés simultanément et d'une manière très favorable aux intérêts du trésor.

« Nous donnons immédiatement au pays les satisfactions qu,. sans cela, il devrait attendre pendant un temps plus ou moins long, et nous le faisons en ménageant convenablement les finances de l'Etat. »

Messieurs, l'opinion publique dans la partie du pays que cette question intéresse commence à se préoccuper, non sans quelque raison, des longs retards apportés à l'exécution des travaux de canalisation de la Dendre.

Je dis non sans quelque raison, parce que la question de la Dendre ne date pas d’hier, ni de la loi des travaux publics de 1859, mais fait l’objet des études et des préoccupations de l’administration depuis un grand nombre d'années, et que réellement il est plus que temps d'en finir.

Les Chambres ont déposé leur volonté dans la loi de 1859, et il faut que cette loi soit exécutée.

J'ai, au surplus, la plus entière confirme dans les dispositions du gouvernement à cet égard, et particulièrement dans celles de M. le ministre des travaux publics. Je me rappelle les paroles formelles qu'il a prononcées à l'occasion de la discussion de son budget pour 1860 : « Quand les plans seront dressés, disait M. le ministre, comme je l’ai déclaré dans le temps, s'il n'y a pas de concessionnaire, le gouvernemnt exécutera lui-même et sans retard les travaux de la Dendre.»

Je me borne donc à demander à M. le ministre à quoi nous en sommes de ces interminables travaux préparatoires. Sont-ils achevés ou vont ils l'être, et quand sera-t-il possible enfin de mettre, selon son expression, énergiquement la main à l'œuvre ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, il m’est impossible de répondre d’une manière catégorique à l’interpellation de l’honorable préopinant. J’ai déjà déclaré, dans la séance de samedi dernier, que le corps des ponts et chaussées s’occupe activement de l’étude des travaux votés en 1859, mais il serait difficile de préciser avec rigueur l’époque à laquelle tel ou tel travail pourra être mis en adjudication.

Quant aux travaux de la Dendre spécialement, il faut remarquer qu'ils doivent être étudiés en même temps par l'ingénieur en chef du Hainaut et par celui de la Flandre orientale.

Dans ces deux provinces, il y a beaucoup d'autres travaux à exécuter. Ainsi, en ce qui concerne la Flandre orientale, il n'y a pas seulement les travaux de la Dendre, il y a encore les travaux de 1 écluse d'Astene ainsi que les travaux du canal de Schipdonck.

Pour le Hainaut, il n'y a pas non plus que les travaux de la Dendre, il y a ceux de la Sambre et de 1 Escaut.

On comprend que tous ces travaux ne peuvent pts être étudiés à la fois. J'ai fait cependant tout ce que j'ai pu pour faire achever les études. Ainsi, au point de vue des travaux à la Dendre et des travaux en général dont est chargé M. l'ingénieur en chef du Hainaut, je n'ai pas hésité à mettre à la disposition de ce fonctionnaire un personnel supplémentaire.

Je ferai une remarque générale sur les observations que vient de présenter l'honorable M. J. Jouret ; c'est qu'en supposant qu'a l'heure qu'il est, l'étude de tous les travaux à exécuter fùt complète, je ne pourrais pas immédiatement les adjuger tous ; car une question domine l'exécution de la loi du 8 septembre 1859, c'est la question d’argent.

Les crédits dont dispose mon département pour les travaux dont il s'agit sont répartis sur plusieurs exercices ; qu'on veuille bien ne pas l'oublier.

Ce que je puis déclarer, c'est que je ne serai jamais en demeure de dépenser largement les crédits afférents à un exercice et même d'anticiper un peu sur ces crédits ; mais il m'est impossible d'employer en trois ou quatre ans ce qui, d'après la loi, doit être échelonné sur sept exercices.

Du reste, je promets à l'honorable M. Jouret d’activer autant que possible l’étude des travaux de la Dendre, dont je suis le premier à reconnaître toute l’importance.

Projets de loi accordant des crédits supplémentaires aux budgets des ministères des finances, des travaux publics et de l’intérieur

Dépôt

(page 1640) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, d'après les ordres de Roi, j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la Chambre les projets de loi dont l'analyse suit :

1° Projet de loi qui alloue au département des finances des crédits supplémentaires jusqu'à concurrence de 13,472 fr. 58 c.

2° Projet de loi qui alloue au département des travaux publics un crédit de 105,000 fr. pour l’établissement d'un pont définitif sur la Sambre à Oignies.

3° Projet de loi qui alloue au même département un crédit d'un million de fr. destiné à l'extension du matériel d'exploitation des chemins de fer de l'Etat.

4° Projet de loi qui alloue au même département deux crédits s'élevant ensemble à fr. 360,000, et destinés à pourvoir au payement des travaux d'achèvement de la 3ème section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut et de l'embranchement de ce même canal vers Hasselt.

5" Projet de loi qui alloue au département de l'intérieur des crédits supplémentaires, s'élevant ensemble à la somme de fr. 170,853 21 à imputer sur les budgets des exercices 1859 et 1860.

M. le président. - Les projet de loi, ainsi que les exposés des motifs qui les accompagnent seront imprimés et distribués. De quelle manière la Chambre entend-elle les examiner ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On pourrait les renvoyer à l'examen des sections centrales des budgets auxquels ces crédits s’appliquent respectivement. Il y a qu'un seul crédit important : c'est celui d'un million de francs, destiné à l'extension du matériel du chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Parmi les projets que l'honorable ministre des finances vient de présenter, il y en a trois qui concernent mon département. C'est d'abord le crédit d'un million de francs pour augmenter le matériel du chemin de fer. Voici, messieurs, pourquoi ce projet est présenté d'une manière aussi tardive. Nous avons parlé, samedi dernier, du projet complémentaire de travaux publics que j'avais promis de présenter. J'avais dessein de comprendre dans ce projet le crédit d'un million pour le matériel des chemins de fer ; mais, comme je l'ai dit, ce n’est que dans ces derniers jours que j'ai reconnu l’impossibilité de présenter ce projet dans le cours de la présente session.

J'ai pensé alors qu'il aurait été avantageux de détacher cet objet du projet de loi dont il s'agit, que je me conformerais ainsi au vœu même de la Chambre. Il m'était impossible de m'assurer de la durée probable de la session et de savoir jusqu'à quel point il aurait convenu à la Chambre de discuter ce crédit spécial avant de se séparer. Je n'insiste donc pas pour que la Chambre le vote d'urgence, et je ne puis que me rallier d'avance à sa décision.

Mais il y a deux autres projets qui sont extrêmement urgents. C'est d'abord le crédit de 360,000 francs pour l'achèvement du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut ; nue grande partie de ce crédit est destinée à la construction des musoirs des nouveaux bassins à Anvers.

Il m'a été naturellement impossible de présenter plus tôt cette demande de crédit, parce que ce n’est que tout récemment qu’il m'a été donné d'apprécier le chiffre auquel le crédit devait s'élever. Ce crédit est urgent, à ce point que si le projet de loi n'avait pas pu être déposé aujourd’hui, je crois que je me serais décidé à prendre sous ma responsabilité d'adjuger néanmoins les travaux, sauf à réclamer plus lard de la Chambre un bill d'indemnité. Si les musoirs ne sont pas achevés, il est impossible à la ville d'Anvers d'exploiter convenablement les nouveaux bassins pour lesquels elle a dépensé des millions.

Enfin, il y a un dernier crédit également très urgent ; c'est celui de 105,000 fr. pour la construction d’un pont sur la Sambre.

La nécessité de ce travail n'a été reconnue qu'il y a peu de temps ; il a été constaté que le pont existant, était dans un état de détérioration telle qu'il y a véritablement danger pour la circulation des convois.

Dans ces circonstances, je prie instamment la Chambre de renvoyer au moins ces deux derniers projets de crédit à des commissions spéciales.

Il s'agit, je le répète de mettre le gouvernement à même de faire exécuter des travaux d'une urgence extrême. J'espère d'ailleurs que ces projets ne soulèveront guère d'objections de la part de la Chambre et peut-être serait-il possible aux commissions de terminer leur examen assez tôt pour permettre le vote des crédits dont il s'agit avant la fin de la session.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les sections centrales qui ont examiné respectivement les budgets des finances, des travaux publics et de l’intérieur pourraient s'occuper des projets qui concernent chacun de ces documents.

M. le président. - Insiste-t-on pour l'examen en sections ?

- Plusieurs voix. Non ! non !

- La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi allouant un crédit spécial ay budget du ministère de la justice

Vote des articles

M. le président. - La section centrale propose, à l'unanimité, l'adoption du projet de loi.

- La discussion générale est ouverte.

Personne ne demandant la parole, l'assemblée passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Le budget des dépens-s du ministère de la justice, pour l'exercice 1859, fixé par la loi du 8 juillet 1858 (Moniteur, n° 192), est augmenté d’une somme de sept cent vingt francs, dont est majorée l'allocation chapitre IV, article 17 : « Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 720. »

- Adopté.


« Art. 2. Le budget des dépenses du département de la justice, pour l'exercice 1860, fixé par la loi du 27 décembre l859 (Moniteur, n°363), est augmenté :

« 1° D'une somme de cinquante mille francs, qui sera ajoutée à l'allocation chapitre X, article 53 : Prison centrale cellulaire à Louvain :

« Travaux complémentaires : fr. 50,000.

« 2° D'une somme de dix-huit cents francs, qui sera ajoutée à l'allocation chapitre XII, article 63 :

« Dépenses non libellées au budget : fr. 1,800.

« 3° D'une somme de vingt-deux mille quatre cent quatre-vingts francs, destinée à la liquidation au payement des dépenses concernant les exercices clos de 1858 et années antérieures, sous un chapitre XIII nouveau, conformément au détail ci-après :

« Chapitre XIII.

« Paragraphe premier. Administration centrale.

« Art. 64. Traitement d'employés en 1858 : fr. 7 20.

« Art. 65. Matériel, en 1858= fr. 52 38.

« Paragraphe 2. Frais de justice

« Art. 66. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, années 1858 et antérieures : fr. 700.

« Paragraphe 3. Etablissements de bienfaisance.

« Art. 67. Frais d'entretien et de transport en 1858 et années antérieures, d'indigents dont le domicile de secours est inconnu, ou qui sont étrangers à la Belgique : fr. 15,000.

« Paragraphe 4. Prisons.

« Art. 68. Entretien des détenus en 1857 et 1858 : fr. 106 80.

« Art. 69. Frais d'habillement des gardiens en 1858 : fr. 2,578 99.

« Art. 70. Honoraires et indemnités de route des architectes en 1858 : fr. 1,053 16.

« Art. 71. Achat de matières premières et ingrédients pour la fabrication : fr. 264.

« Paragraphe 5. Dépenses diverses.

« Art. 72. Défenses diverses de toute nature et catégorie, mais antérieures à 1859 : fr. 2,717 47.

« Total : fr. 75,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Les allocations qui font l’objet de la présente loi, s'élevant ensemble à soixante-quinze mille francs (fr. 75,000.) seront couvertes au moyen des ressources ordinaires des exercices 1859 et 1860. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 75 membres présents.

(page 1641) Ce sont : MM. de Renesse, de Ruddere de Te Lokereo, Desmaisières, de Terbecq. Devaux, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d’Ursel, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Loos, Magherman, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Pierre, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Tack, Tesch, Thienpont, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeek, Van Iseghem, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Liedekerke, Deliège, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts et Orts.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances

Vote des articles et vote sur l’ensemble

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1. Il est ouvert au département des finances un crédit supplémentaire de quarante-sept mille cinq cents francs ( fr. 47,500), pour frais de confection et d'essai des nouveaux types des monnaies d'appoint, pour l'augmentation du matériel et l'appropriation des locaux de la monnaie.

« Ce crédit formera l'article 7bis du chapitre premier du budget des finances pour l'exercice 1860. »

- Adopté.


« Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit de trois cent mille francs (fr. 300,000 ), pour achat de matières et frais de fabrication des monnaies de nickel.

« Ce crédit formera l'article 8bis du chapitre premier du budget des finances pour l'exercice 1860. »

- Adopté.


« Art. 3. Une somme de sept cent vingt-huit mille francs (fr. 728,000) sera portée au budg.et des voies et moyens de l'exercice 1860, sous la rubrique : Produit de la fabrication des monnaies de nickel. »

- Adopté.


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain du jour de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 72 membres qui ont répondu à l’appel. Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, Dolez, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Koeler, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Loos, Magherman, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Orban, Pierre, A. Pirson, V. Pirson, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Tack Tesch, Thienpont, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Ansiau, Carlier, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, De Fré. De Gottal, de Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts et Orts.

Projet de loi relatif à l’enseignement agricole

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'enseignement agricole.

La section centrale propose de modifier le texte de l'article 6 en ce sens, que chaque année jusqu'en 1863 un rapport sur l'état de l’enseignement agricole serait présenté par le gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à l’amendement ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.

M. le président. - En conséquence h discussion s'ouvre sur le projet de la section centrale.

La discussion générale est ouverte.

M. de Renesse. - Messieurs, après les nombreux essais infructueux faits par le département de l'intérieur depuis 1849, pour fonder, aux frais du trésor ou avec ou secours, des écoles d’instruction agricole dans les diverses parties du pays, sans aucun résultat pour l'amélioration ou le progrès de l'agriculture, tout devait supposer que le gouvernement, mieux éclairé par une expérience coûteuse et négative, se serait abstenu de saisir les Chambres législatives de la nouvelle proposition de créer, sous sa direction immédiate, un institut agricole, une espèce d'université, où seraient formés des docteurs en agronomie, comme si nous n'avions pas déjà assez de diplômés sous diverses dénominations fournies par les deux universités de l'Etat, par les universités libres et par les différentes écoles supérieures, dont beaucoup sont à la recherche d'une condition sociale ou demandent à vivre aux dépens du budget du trésor ; et, en effet, par cette intervention directe du gouvernement en toutes choses, l'opinion s'accrédite dans le public que c'est au gouvernement surtout que l’on doit s’adresser pour se créer une condition d’existence, si l’on n’a pas les moyens de se procurer une autre condition, soit par son travail, soit par son intelligence.

Déjà en 1846, sous le ministère de l'honorable comte de Theux, un projet de loi fut présenté à la séance du 13 novembre de ladite année, pour l'établissement d'un institut agricole du premier degré et une école d'agriculture pratique à subsidier par le gouvernement dans chaque province ; ce projet ne fut pas discuté, et cependant si la grande utilité de ces diverses écoles avait été réellement reconnue, il est plus que probable que la Chambre des représentants, comptant alors un assez grand nombre de ses membres, très zélés défenseurs des intérêts de l'agriculture, se serait empressée d'accueillir avec faveur ce projet du gouvernement ; mais déjà en 1846 comme aujourd'hui, il y avait beaucoup de membres de la législature qui croyaient que, sons le rapport de l'instruction agricole, le gouvernement n'avait pas à intervenir directement.

Sous le ministère de 1 intérieur de l'honorable M Piercot, un nouveau projet plus modeste fut présenté le 11 novembre 1853 ; ce projet créait une école d'agriculture du degré supérieur, et deux écoles d'agriculture du degré inférieur. etc.

La proposition de l'école du degré supérieur reçut si peu d'accueil favorable dans les sections, et à la section centrale, qu'elle fut rejetée presque à l’unanimité des suffrages, et la grande majorité de la section centrale, conformément à la demande d'une section, proposa l'ajournement di projet de loi, afin que le gouvernement pût encore continuer les essais de quelques écoles inférieures dont les baux n'étaient pas encore expirés ; toutefois, la section centrale, pour le cas où la Chambre n'adopterait pas la proposition d'ajournement, continua l'examen du projet de loi, et conformément à son voie négatif sur l'établissement, aux frais de l'Etat, d'une école d'agriculture du degré supérieur, ne proposa à la Chambre que de maintenir deux écoles d'agriculture.

La discussion sur le rapport du projet de loi commença à la séance du 12 février 1855, et dura pendant plusieurs séances.

Cette discussion, à laquelle ont pris part un certain nombre de membres de la Chambre, très versés dans toutes les questions intéressant l'agriculture, fit particulièrement ressortir que la majorité n'était pas favorable à l'établissement direct, aux frais du trésor de l'Etat, d'un institut agricole supérieur ; que, si quelques-uns reconnaissaient une certaine utilité à une institution agricole du degré supérieur, l'on désirait cependant que le gouvernement n'y intervînt pas directement, mais plutôt, fût autorisé à traiter avec une ou plusieurs personnes associées, pour l'établissement d'une pareille école supérieure, eu leur assurant un subside annuel sur le budget de l'intérieur.

L'on dut reconnaître alors et le gouvernement lui-même, que la plupart des écoles agricoles créées depuis 1849 n’avaient nullement répondu au but de leur institution ; que l’on avait dépensés beaucoup d’argent sans utilité aucune, pour les intérpets et les progrès de l’agriculture et qu’un très grand nombre de jeunes gens qui avaient plus ou moins longtemps fréquenté ces écoles rétribuées par l’Etat, ne s’occupaient plus de cette industrie après leur sortie, mais cherchaient plutôt à se créer d'autres moyens d'existence ; et par la discussion il fut en outre établi que la fréquentation de presque toutes ces écoles n’avait été maintenue qu’au moyen de bourses d’études ; en effet, d’après les documents fournis alors à la Chambre, il fut constaté que les bourses figuraient pour 48,000 fr. dans le chiffre de 124,000 fr. alloué pour les écoles agricoles au chapitre de l’agriculture du budget de l’intérieur.

L'on a critiqué surtout la dépense extraordinaire que coûtait chaque élève diplômé de ces écoles ; c'est ainsi que l'honorable comte de Liedekerke avait établi dans son excellent discours que chaque élève diplômé à l'école de Chimai avait coûté à l'Etat 16,000 fr., à celle de Leuze,8,600 fr., à celle de la Trappe 7,800 fr., à celle de Verviers 6,300 fr., à celle de Tirlemont 4,250 fr. et à celle de Thourout 2,700 fr.

L’honorable ministre de l'intérieur, M. Piercot, chercha toutefois à contester l'exactitude des chiffres avancés par le comte de Liedekerke ; il disait que cet honorable membre n'avait pas opéré sur l'ensemble des douze écoles du gouvernement ; qu'il y avait eu, en six ans, 121 élèves diplômés et non les 39 cités par cet honorable représentant d'après les renseignements fournis par M. le ministre Piercot, chaque élève diplômé n'avait coûté qu'environ 5,000 fr.

Il me paraît qu'une pareille dépense est encore trop élevée pour les trois années que l’élève agricole devait passer à l'école, afin d'obtenir le diplôme ‘ agronome ; l'on aurait ainsi dépensé chaque année, depuis 189 à 1855, au-delà de 1,600 fr. pour chaque élève diplômé.

En définitive quel est le bon résultat de la grande dépense que le pays s'est imposée depuis 1849 pour toutes ces écoles agricoles, fondées par le gouvernement ? Quelles traces utiles aux divers intérêts de (page 1642) l’agriculture ont laissées un assez grand nombre de ces jeunes gens qui ont passés par ces écoles ; quel est l'agronome distingué méritant d'être cité avec un certain orgueil pour ses travaux et ses écrits sur l'industrie agricole et qui aurait puisé sa science, et sa pratique agricole perfectionnée dans ces institutions de l'Etat ?

Je crois que l'on aurait beaucoup de peine de répondre à ces différentes questions, et la discussion de 1855 est là pour prouver que l'on avait réellement dépensé alors déjà beaucoup d'argent, sans grande utilité pour l'agriculture.

Dans cette discussion, mon honorable collègue et ami, M. de Naeyer, avec sa logique si serrée, et par ses connaissances théoriques et pratiques en agriculture, a battu en brèche l'intervention directe du gouvernement, surtout dans l'enseignement de la pratique agricole ; il s'exprimait ainsi :

« Messieurs, rien ne serait plus funeste, selon moi, que d'accréditer, parmi nos populations rurales, cette idée radicalement fausse : qu'il appartient au gouvernement de créer des établissements où l'on enseignerait une science capable de remplacer en quelque sorte ces conditions de succès que je viens d'indiquer. Non, cela est impossible ; mais, ce qui peut se faire, ce qui serait inévitable avec une intervention exagérée de l'Etat, c’est d'ériger des établissements où l’éducation des jeunes cultivateurs sera complètement gratuite, parce qu'ils auront été élevés pour ainsi dire en serre chaude, parce que, isolés des dures réalités de la vie agricole, on leur aura appris, dans les conditions du budget, parce que la sainte loi du travail aura perdu pour eux une partie de son importance, et que leur esprit sert imbu de prétentions, qui ne pourront être guéries que par des mécomptes. Je le dis franchement ; oui, sous ce rapport, nous sommes en présence d'un danger ; il y a des tendances qui m'effrayent. »

Un autre honorable collègue d'alors, M. Mascart, si juste appréciateur des intérêts de l'agriculture, par sa longue pratique, par son expérience personnelle, refusant aussi au gouvernement l'aptitude de donner un bon et utile enseignement agricole pratique, disait :

« Messieurs, on est d'accord sur un point ; c'est que les écoles d'agriculture actuellement existantes n'ont pas produit de résultat assez satisfaisant, pour que l’on continue à les maintenir au prix de 119,000 fr. par an ; le discrédit dans lequel elles sont tombées en très grand nombre, malgré la protection dont le gouvernement les entourait et malgré les sacrifices considérables faits en leur faveur, prouve à l’évidence qu’il est temps d’entrer dans une autre voie si, toutefois, l’on veut encore que l’Etat continue à faire les frais d’un enseignement agricole

« Il ne faut pas croire, ajoutait-il , que le progrès agricole soit impossible sans écoles d'agriculture. »

J'avais été moi-même assez partisan d'une certaine intervention directe du gouvernement dans l'enseignement agricole, je croyais même qu'un institut du degré supérieur aurait pu avoir une certaine utilité ; mais lorsque j'ai pu me convaincre que le gouvernement était peu apte pour diriger avec fruit les établissements d'instruction agricole, j'ai dû, comme d'autres honorables collègue, changer d'opinion, et cela d'autant plus que le gouvernement a dû reconnaître lui-même que la plupart de ces écoles laissaient beaucoup à désirer et ne répondaient nullement aux sacrifices imposés au pays ; aussi, successivement, ces institutions éphémères n'ayant pas de vie ni de direction utile, se soutenant à peine malgré les subsides budgétaires, devaient nécessairement tomber.

Des cendres de toutes ces écoles agricoles défuntes, le gouvernement voudrait voir renaître, aux frais du trésor de l’Etat, un institut de premier ordre, une espèce d'université agricole. Toutefois, d'après le projet de loi, cela n'augmenterait guère l'allocation accordée depuis quelques années au budget de l'intérieur pour l'enseignement professionnel de l'agriculture et de l'horticulture ; mais je crois devoir faire remarquer à la Chambre que depuis 1850 où le budget de l'intérieur a été voté au chiffre de 6,862,074 fr., il a été successivement augmenté d'année en année à la somme postulée de 8,587,198 fr. pour l’exercice 1861, ainsi un accroissement de 1,700,000 fr.

Je reconnais qu'une grande partie de cette augmentation de dépenses du budget de l'intérieur provient des sommes allouées pour l'instruction primaire, moyenne et universitaire, et que, sous ce rapport, tous ceux qui, comme moi, portent le plus vif intérêt aux améliorations à apporter à l'enseignement public, doivent approuver de pareilles augmentations du budget ; mais il reste surtout beaucoup à faire pour fortifier l'instruction primaire dans nos communes rurales et pour y pousser la construction des bâtiments d'école dont beaucoup d'entre elles sont encore privées ; d'après les documents, fournis par le département de l'intérieur, il faudrait que toutes les communes eussent des bâtiments d'école convenables, pouvoir disposer d'une somme d'au-delà de 8 millions de francs ; il me semble que s'il y a encore des dépenses aussi urgentes et surtout si utiles, pour fortifier et améliorer l'instruction primaire, il est indispensable que l'Etat se réserve des ressources financières plutôt pour augmenter les subsides annuels à accorder aux communes, ne pouvant, avec leurs seuls moyens, parvenir à se construire des maisons d'école et satisfaire à leur obligation pour cet enseignement, que de dépenser actuellement une somme assez importante pour l’établissement d'un institut d'agriculture du degré supérieur dont l'utilité, surtout sous la direction immédiate de l'Etat, est fortement contestée par ceux-là mêmes qui ont toujours eu à cœur de défendre les véritables intérêts de l'industrie première du pays ; cet institut doit nécessairement entraîner, peu après, à des dépenses plus considérables que celles indiquées dans l'exposé des motifs du projet de loi ; c'est ainsi que. presque toujours, s'accroissent les crédits lorsqu'il s'agit d'une intervention directe du gouvernement ; l'on commence par demander une somme assez limitée, mais, successivement, les dépenses augmentent, et il faut bien alors y faire face et accorder les crédits postulés, il me semble que le budget de l'intérieur s’est déjà assez notablement accru depuis quelques années ; il est donc à désirer dans l'intérêt des contribuables, que ce budget ne prenne pas une plus grande extension, qu'il se renferme dans un chiffre normal, comme la plupart des autres budgets de l'Etat.

En examinant ensuite le contrat provisoire passé avec le propriétaire de l'abbaye de Gembloux, l'on peut aussi en conclure qu'il est onéreux sons plusieurs rapports et qu’il nécessitera par la suite une augmentation assez importante de la dépense pour l'institut agricole.

Nous voyons, en effet, par le contrat annexé au projet de loi, que la location annuelle des bâtiments existants et dépendants, est fixée à la somme très élevée de 3,000 fr. ; qu'il est nécessaire, en outre, de faire des travaux d’appropriation aux bâtiments à exécuter par M. Piéton ; il fera l'avance des frais, dont le tiers restera à sa charge ; les deux autres tiers seront supportés par l'Etat, qui en payera les intérêts à 5 p. c, conformément aux stipulations de l'article 12 de la convention.

D'après l'article 10, le propriétaire, de l'abbaye de Gembloux fera construire, en faisant l'avance des fonds, une ferme avec toutes les dépendances nécessaires à l'usage de l'institut ; à la fin du bail, tous les bâtiments nouvellement construits resteraient la propriété de M. Piéton ; un tiers des frais est à sa charge, les deux autres tiers lui seront remboursés par l'Etat, et, en attendant ce remboursement à effectuer, suivant la stipulation de l'article. 12, le propriétaire de Gembloux recevra un intérêt annuel de 5 p. c. La dépense qui doit en résulter est évaluée à 45,976 fr. 50 c ; il est incontestable qu'avec une pareille somme, l'on ne pourra guère construire qu'une ferme qui serait insuffisante, si le gouvernement, conformément à l'article 5 de la convention, voulait étendre l'exploitation agricole de cet institut ; dans ce cas, il faudrait faire de nouveaux frais d'agrandissement.

L'article 13 impose, en outre, à ce propriétaire, l'obligation d'élever aux mêmes conditions des articles 10, 11 et 12, d'autres constructions qui, par la suite, pourraient être reconnues nécessaires à cet institut agricole.

D'après l'article 4 de la prédite convention, M. Piéton loue en même temps au gouvernement, pour le terme de vingt-deux années, 37 hectares 20 ares 98 centiares de terres labourables, vergers, prés et étangs, à raison d'un loyer annuel assez cher, de 180 fr. par hectare, plus les contributions et impôts directs, et d'après l'article 5, l'Etat pourra, en cas de résiliation ou d’expiration de bail de la ferme de l'abbaye de Gembloux, louée à MM. Ledocte et Cie, reprendre en tout ou en partie, la location de ladite ferme, au prix annuel de 180 fr. par hectare.

La section centrale croit, sous ce rapport, devoir faire une réserve, en ce que le gouvernement ne pourra reprendre cette ferme sans faire ratifier la convention nouvelle par la Chambre.

Pour que l'exploitation agricole de cet institut puisse se faire utilement et surtout fructueusement, il est cependant indispensable que la ferme annexée à cet établissement ait au moins cent hectares à cultiver ce n'est pas par la petite culture de 37 hectares que l'on peut espérer d’obtenir une recette agricole assez importante pour compenser les frais d’expérience de toute nature que l’on sera obligé de faire, afin d’y donner une bonne instruction théorique et pratique.

L'on peut aussi objecter contre l'établissement d'un institut supérieur d'agriculture à Gembloux, que cette localité n'est réellement pas bien propre pour y créer cette école agricole ; pour pouvoir faire toutes les expériences pratiques et utiles, il est indispensable qu'il y ait une grande variété de terrains et des propriétés boisées, afin d'entreprendre des améliorations dans la culture de ces différentes natures de terres. Cette variété de terrains ne paraît pas se rencontrer à Gembloux, situé dans l'une des meilleures parties de nos terres cultivées.

Toutes les différentes conditions de la convention doivent à la suite augmenter d'une manière notable les dépenses à supporter par le budget de l'intérieur pour cet institut agricole, sans avoir toutefois la garantie que, par la direction de l'Etat, cet établissement puisse rendre des services réels à l'amélioration pratique et aux autres progrès de l'agriculture et compenser ainsi ces fortes dépenses.

Je crois que le département de l'intérieur a assez étendu ses interventions et attributions de toutes espèces depuis 1848, et sous ce rapport, les notes explicatives que l’honorable ministre vient de joindre à son budget pour l'exercice 1861, nous fournissent la preuve que les attributions de ce département, entiuré de ses quinze comités et commissions consultatifs, ne sont déjà que trop nombreuses pour devoir les étendre aujourd'hui et pousser encore plus à la centralisation administrative ; faire enfin du chef du département de l'intérieur le dispensateur de la manne terrestre, le denier des contribuables, qui devra officiellement féconder dorénavant l'amélioration de la culture du sol de notre pays.

Le gouvernement peut, d'ailleurs, activement intervenir en faveur des intérêts agricoles, en continuant à encourager les comices agricoles (page 1643) nouvellement réorganisés et leur accorder quelques subsides pour les expositions, et des prix pour l'amélioration des animaux domestiques les plus utiles à l’agriculture, que, par ses agents politiques et consulaires à l’étranger, il se fasse renseigner sur toutes les inventions et améliorations intéressant cette première de toutes les industries et qu’il en donne connaissance aux sociétés agricoles de nos différentes provinces, il aura rendu plus de services au pays que de fonder un établissement d'instruction supérieure, pour les fils d'une certaine classe de la société qui a les moyens de leur faire étudier l'agronomie théorique et pratique, partout ailleurs, si cela était réellement indispensable, pour provoquer en Belgique le progrès de l'agriculture ; il est, au contraire, avéré que l’on a envoyé, dans le temps, des jeunes gens de l'Allemagne dans ce pays, pour y étudier, dans les Flandres, la bonne culture des terres, et, d'ailleurs, l'on ne pourra contester que, depuis un certain nombre d'années, l'agriculture et l’élève du bétail ont progressé dans la plupart de nos provinces et certes ce ne sont pas les écoles agricoles, subsidiées par l'Etat, qui ont poussé à l'amélioration de la première industrie du pays, mais plutôt l'accroissement successif de la richesse et du bien-être du pays, qui a permis d'employer plus de capitaux à la meilleure culture des terres ; aussi des moyens de communication plus faciles, et notamment la bonne voirie vicinale qui rattache presque toutes nos communes, contribue aux progrès de l’agriculture ; je préférerais donc voir augmenter le chiffre pour cette voirie au budget de l’intérieur que d’accorder actuellement une allocation pour l’établissement d’un institut agricole supérieur, dont l’indispensable utilité ne m’a pas été démontrée jusqu’ici.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable membre ayant rencontré dans son discours la plupart des objections qui probablement se produiront à l'égard du projet de loi, je crois devoir prendre la parole pour lui répondre et apporter les motifs qui ont déterminé le gouvernement à présenter ce projet.

Messieurs, l'enseignement agricole, comme tous les autres enseignements donnés aux frais de l'Etat, doit être, aux termes de la Constitution, réglé par la loi.

Depuis 1832 nous avons un enseignement agricole, touchant au moins à l'agriculture, qui n'est pas encore réglé par la loi. Dès 1832, l'école vétérinaire, qui avait été entreprise par l'initiative de quelques particuliers dès 1832, à deux années de date de notre émancipation, l'honorable M. de Theux faisait passer dans le domaine de l’Etat l'école vétérinaire que les particuliers ne pouvaient plus continuer.

Voilà donc l'Etat en possession de l'école vétérinaire dès 1832.

En 1835, cette école, qui avait été établie à Bruxelles, fut transférée à Cureghem, et en 1836, un projet de loi fut présenté à la Chambre pour régler cet enseignement conformément à la Constitution. Mais depuis 1836 la Chambre n'a pas fait de loi pour régler 1'enseignement de l'école vétérinaire. Il est indispensable qu'une loi intervienne pour cela.

L'enseignement agricole proprement dit resta longtemps négligé dans le pays. On ne s'en occupa guère, le gouvernement et les Chambres au moins s'en occupèrent très peu jusqu'à l'année 1845, époque à laquelle on peut faire, je pense, remonter la naissance de l'enseignement agricole officiel dans le pays.

En 1845, un honorable membre, qui siège encore parmi nous, prononça, eu faveur de l'enseignement agricole, une série de discours qui exposent et qui résument tout ce qu'on a jamais dit, tout ce qu'on pourrait dire de mieux en faveur de cet enseignement donné par l'Etat. Cet honorable membre reprochait, avec l'énergie qui le caractérise, au gouvernement son apathie, son indifférence pour les campagnes. Il faisait un appel à l'équité, à la justice. Il demandait si le gouvernement continuerait à laisser les campagnes livrées à cet état d'ignorance, à cette routine aveugle, contraire à toute espèce de progrès. Il y a eu plusieurs discours des plus éloquents, des plus énergiques, et probablement des plus convaincants, car dès l'année suivante, l'honorable M. de Theux, en 1846, vint apporter un projet de loi qui avait pour but d'investir le gouvernement du droit d'établir un enseignement agricole sur d'assez larges basses.

Ce travail de l'honorable M. de Theux était très remarquable. Le projet de loi était accompagné d'un exposé des motifs modèle, et je crois qu'il a été beaucoup lu ; car il se trouve complètement épuisé à la bibliothèque, ce qui est un bon signe.

L'honorable M. de Theux proposait en 1846 un système complet, c'est-à-dire un institut supérieur et neuf écoles provinciales ; un institut supérieur établi sur de très larges bases, ainsi que le demandait l'honorable M. de Naeyer que je nommerai maintenant, plus une école agricole par province.

L'institut supérieur devait coûter, je pense, 78,000 fr. par an. Mais il y avait des dépenses de premier établissement qui étaient portées au projet à la somme modeste de 390,000 fr. comme première évaluation.

Ce projet resta dans les cartons de la Chambre ; ou n'y donna pas suite, et il est peut-être regrettable que dès 1846 on n'ait pas établi l'enseignement agricole sur de larges bases, ainsi que le demandait l'honorable M. de Naeyer.

En 1848 et 1849, domine par les discours, cédant à l'impulsion non seulement de l'honorable membre que je viens de citer, mais de beaucoup de membres de cette Chambre, de beaucoup d'hommes pratiques d’opinion très compétente, le gouvernement s’occupa de l’enseignement agricole. J’introduisis cette innovation à titre d’essai. Des crédits furent demandés à la Chambre, la Chambre sanctionna les essais qui avaient été proposés en allouant les crédits ; mais sous la réserve que plus tard l’enseignement agricole serait réglé par la loi, aux termes de la Constitution, ce qui avait toujours été dans les intentions.

Le gouvernement, au moyen de ces crédits, établit successivement un certain nombre d'écoles dans le pays.

Il ne faut pas croire que l'enseignement agricole répugne au pays. Dès que ces essais furent tentés, de tous les cantons il arriva des réclamations pour obtenir un enseignement agricole. Le gouvernement dut résister à l'entraînement du pays vers cet enseignement

On en établit un certain nombre, les unes pratiques, les autres théoriques. Ces essais se faisaient à peine depuis deux ou trois ans qu'ils firent l'objet de critiques très violentes au sein de cette Chambre. Toutefois les opposants ne parvinrent jamais à faire disparaître du budget les crédits qui avaient été alloués pour encourager ces commencements d'une instruction si utile, proclamée si indispensable dès l'année 1845.

Cet enseignement continua donc à titre d’essai. Je ne veux pas dire que tout a été parfait, que tout a été irréprochable dès le commencement. Il y a eu des mécomptes, il y a eu des erreurs commises. Je n'entends pas dire que nous avons tout d'un coup improvisé un système d'enseignement agricole sur des bases parfaitement irréprochables. Non ; plusieurs de ces écoles ont laissé à désirer ; cela n'est pas douteux ; je ne le nie point. Mais ces expériences qui, en plusieurs points, n'ont pas réussi, ont servi à éclairer le gouvernement à éclairer l'administration ; de manière qu'aujourd'hui on marche sur un terrain mieux éclairé ; on voit mieux ce qu'on a à faire et par suite des faits constatés, on est arrivé à un système qui, je crois, paraîtra acceptable à la grande majorité de la Chambre.

Je dis, messieurs, que l'enseignement agricole ne répugne pas au pays, loin de là. Je ne comprendrais pas d'ailleurs comment dans un pays comme le nôtre, où tous les genres d'enseignements, l'instruction dans toutes les directions, reçoit de toutes parts de si grands encouragements, comment il serait fait une exception pour l'agriculture.

Le gouvernement, dont on vient, d'une manière quelque peu injuste, d'attaquer encore la prétendue manie d'intervenir en toutes choses, le gouvernement lui-même a été poussé par les Chambres à développer l’enseignement public à tous les degrés, dans toutes les directions ; et l'on a bien fait, c'est le devoir du gouvernement, c'est l'honneur et la force du pays que de répandre à pleines mains l'instruction publique.

Nous dépensons des sommes considérables pour les universités, pour former des médecins, des avocats, pour l'enseignement moyen, pour l'enseignement industriel, pour renseignement artistique.

Toutes ces catégories d'enseignement entraînent des dépenses au budget de l’Etat ; l'Etat intervient et je crois qu'il aurait grand tort de ne pas intervenir. Faut-il que l'agriculture, ‘ est-à-dire une industrie plus forte à elle seule que toutes les autres réunies ; faut-il que l'agriculture soit abandonnée parce que c'est dans les campagnes qu'elle s'exerce, faut-il qu'elle reste sans aucune espèce de patronage de la part de l'Etat ? Faut-il ou ne faut-il pas un enseignement agricole dans lequel l'Etat intervienne ? Voilà la question. Je ne pense pas qu'une Chambre belge vienne jamais déclarer que le trésor public ne peut pas encourager et répandre utilement l'enseignement agricole dans les campagnes.

Ces écoles, que l'on a souvent attaquées, ont été fréquentées par mi très grand nombre d'élèves.

J'en ai fait le relevé, en 5 ans elles ont été fréquentées par 1,400 élèves, dont une centaine ont été diplômés. Je veux bien reconnaître que tous ces élèves n'ont pas été des Thaër, des Feilenberg, des Mathieu de Dombasle, mais si toutes les écoles réunies ne produisaient par année que dix, que cinq, qu'une seule sommité agricole, elle ne serait pas payée trop cher. Est-ce que vous attaquez l’enseignement universitaire parce qu’il ne sort pas chaque année de nos universités des avocats et des médecins de premier ordre ?

Certainement il y a déperdition d'efforts et de capitaux ; tous les élèves ne peuvent pas devenir des hommes distingués. Il en est de l'enseignement agricole comme de l'enseignement littéraire et de l'enseignement scientifique.

Le pays, messieurs, depuis que l’enseignement agricole a été introduit, y a pris un goût marqué. Las écoles ont été fréquentées par un grand nombre d'élèves.

Des conférences se donnent dans les différentes parties du pays ; ces conférences sont suivies avec beaucoup d'empressement par un grand nombre de personnes. On donne à l'école de Vilvorde et à l'école de Gendbrugge des conférences sur des matières spéciales, sur l’horticulture, sur la taille des arbres. Savez-vous combien de personnes de tous les points du royaume viennent entendre ces conférences ?

Par centaines. Il y en a eu 500 cette année-ci à Vilvorde, dont 200 jardiniers, Il faut tenir compte de ces dispositions du pays et ce serait aller contre les instincts du pays que de supprimer l'enseignement agricole.

(page 1644) Maintenant, messieurs, si cet enseignement est voulu par le pays, il s'agit que de savoir dans quelles limites il faut établir, patronner cet enseignement.

Je ne viens pas demander d'établir neuf écoles, comme le projet de l'honorable M. de Theux, plus un institut supérieur. Voici à quoi se réduit le projet sur lequel vous avez à délibérer : une école supérieure, deux écoles d'horticulture et d'arboriculture, et le maintien de celles qui existent à Vilvorde et près de Gaud ; des conférences agricoles encouragées sur une large échelle. Voilà tout ce système.

Nous renonçons à toutes les anciennes écoles ; les conventions sont expirées. Nous supprimons, non sans regret, l'école de Haine-Saint-Pierre ; elle a donné lieu à des attaques, ce n'est pas pour cela que nous la supprimons, c'est parce que nous pensons pouvoir la remplacer en établissant cet enseignement dans une ville où il se donne déjà un enseignement analogue.

Voilà, je le répète, tout notre système : un institut supérieur, deux écoles pratiques d'horticulture et d'arboriculture, à Gand et à Vilvorde, des conférences agricoles dans tout le royaume, .le dis qu'il faut ou renoncer à l'enseignement agricole ou l'accepter dans des limites aussi modérées.

Faut-il-un enseignement supérieur à l'agriculture ?

Toutes les opinions émises dans cette enceinte, à toutes les époques, alors que l'on combattait l'enseignement fractionné, l'enseignement qui se donnait dans un assez grand nombre de localités, toutes les opinions se prononçaient en faveur d'un enseignement supérieur où viendraient se former les fils des propriétaires, les fils des grands cultivateurs, pour aller ensuite répandre dans les campagnes les trésors de science recueillis à l'institut supérieur.

Voilà le thème qui a été défendu par la plupart des orateurs. Je craindrais de prolonger trop mon discours si je citais toutes les autorités qui se sont prononcées dans cette enceinte en faveur d'un enseignement agricole supérieur.

Je dirai à l'honorable M. de Renesse qu'il est impossible à l'Etat de ne pas intervenir dans cette occurrence ; ce n'est pas moi qui ai inventé l'intervention de l'Etat en matière d'enseignement, mais je voudrais bien que l'honorable comte de Renesse, s'il est partisan d'un enseignement agricole quelconque, voulût m'indiquer le moyen de créer un semblable enseignement sans l'intervention de l'Etat.

M. de Renesse. - Une société pourrait le faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelle société ? Je n'en connais pas. En 1831, une société a créé l'école vétérinaire, mais la société n'a rien eu de plus pressé que de remettre l'école vétérinaire au gouvernement.

Il l'a reprise en 1832, et certes, s'il ne l'avait pas reprise, elle serait morte depuis longtemps.

Voulez-vous laisser à des sociétés qui se formeront ou qui ne se formeront pas, la mission de créer l'enseignement agricole ?

Déclarez-le frappé de mort dès aujourd'hui.

Il n'y a pas loin d'un pareil système à celui qui consisterait à dire au gouvernement : « Fermez vos universités ; fermez vos écoles moyennes ; ne vous mêlez pas de tout cela ; laissez aux sociétés particulières le soin d'instruire la nation. »

Je me suis attaché à renfermer l'intervention du gouvernement et, par suite, les dépenses de l'Etat dans les limites les plus étroites. Depuis 1849, il figure au budget une somme qui a varié de 120,000 à 75,000 fr. ; elle est encore aujourd'hui de 75,000 fr., plusieurs des établissements agricoles, soutenus par l'Etat, ayant disparu.

Je ne viens pas demander une augmentation démesurée, cette augmentation n'est que de 18,000 fr. ; elle sera particulièrement appliquée aux perfectionnements que nous proposons d'introduire dans l'organisation des écoles de Vilvorde et de Gendbrugge.

Voilà la faible dépense nouvelle qu'il s'agit d'ajouter au budget. Je ne puis donc pas accepter le reproche que l'honorable préopinant adresse au gouvernement d'augmenter successivement les allocations du budget de l'intérieur. Je constate avec plaisir à cette occasion que l'honorable membre a lu les notes explicatives que j'ai fournies à l'appui du budget de 1861.

Je crois que la Chambre saura gré au ministre de l'intérieur d'avoir mis à nu toute son administration, de manière qu'aucune des parties du service public qui lui est confié ne puisse échapper au contrôle de l’assemblée. L'honorable M. de Renesse a donc lu les notes explicatives du budget de l'intérieur ; je l'en remercie ; j'engage tous les membres de la Chambre à lire ce document qui contient des détails très intéressants ; et dussent-ils y trouver des sujets de critique à mon adresse, je me féliciterai de les avoir mis à même de voir clair dans mon administration.

Si l’honorable préopinant veut remonter à l'origine des accroissements de dépense qu'il signale, il verra que ce ne sont pas des dépenses vaines et sans but, que ce sont des dépenses utiles, dépenses qu'il a votées lui-même sans doute de grand cœur.

M. de Renesse. - Oui.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ne reprochez donc pas au ministre de l’intérieur d’avoir fait voter des augmentations qui ont eu un but utile.

Messieurs, si l'on venait à rayer du budget l'allocation destinée à répandre l’enseignement agricole, que dirait-on à l'étranger ? Que dirait-on dans le pays ? Que dirait-on surtout dans les campagnes ? Cet alors que le reproche sanglant qui était adressée au département de l'intérieur en 1845 renaîtrait avec une nouvelle vivacité. « Comment ! dirait-on, la Chambre consacre des millions à l'enseignement universitaire, à l'enseignement moyen, à l'enseignement primaire, à l'enseignement industriel, à l'enseignement artistique ; la Chambre distribue par millions les fonds du trésor pour toutes espèces d'enseignement, sauf pour l'enseignement de l'agriculture ; l'enseignement de l'agriculture n'a pas droit à 100,000 fr. sur un budget qui dépense plusieurs millions pour l'instruction publique.

Je demande ce qu'on pourrait répondre à un pareil reproche. Je charge de cette réponse les adversaires du projet de loi.

Messieurs je dis que je me suis enfermé dans des limites très restreintes quant au nombre d'établissements et quant à la dépense. Je ne veux en aucune manière incriminer mes honorables prédécesseurs ; mais il m'est permis de dire que les projets présentés avant celui qui est en discussion comportaient une dépense beaucoup plus considérable. Le projet de l’honorable M. de Theux devait occasionner une dépense annuelle de 114,000 francs, non compris une somme de près de 400,000 francs pour frais de premier établissement. Il y avait 78,000 fr. pour l’institut supérieur et 36,000 francs pour les neuf écoles provinciales. Je ne parle pas de l’intérêt du capital engagé : ce qui donnait encore une somme annuelle de 20,000 francs.

Dans le système que je propose, nous n'arrivons qu'à 93,000 francs : il faut y ajouter une dépense temporaire de 8,000 francs, qui doit servir à payer une des écoles supprimées, et à indemniser quelques professeurs mis en disponibilité.

Messieurs, on s'est livré à des critiques relativement à l'emplacement choisi pour l'établissement et au contrat qui a été passé avec le propriétaire.

Messieurs, nous avons dans la Flandre occidentale l'école de Thourout qui possède des hommes très distingués, dans laquelle se sont formés un bon nombre d'élèves ; ils ont tous reçu une destination conforme à l'éducation qui leur a été donnée ; beaucoup d'entre eux sont très bien établis. J'ai fait de très grands efforts pour maintenir l'école à. Thourout ; mais il y manque les terrains nécessaires à l'enseignement pratique. C'est un établissement purement théorique, n'ayant que deux hectares à sa disposition. Nous avons demandé à tous les gouverneurs de nous signaler les fermes, les propriétés quelconques où l’on pût établir un institut d'une manière utile et convenable.

Eh bien, je dois le dire, ces enquêtes ne nous ont fourni aucune désignation acceptable. Il s'est présenté l'ancienne abbaye de Gembloux et voici la situation nous l'avons choisie, pourquoi : au point de vue topographique il n'y a rien à lui reprocher, l'établissement est au centre du royaume, sur la frontière de la province de Namur, rapproché du Luxembourg, touchant au Brabant et au Hainaut. Cette situation est excellente, les bâtiments de l'école, plusieurs de ces messieurs ont visité Gembloux, sont admirables ; c'est une ancienne abbaye et les propriétaires de ces constructions-là s'y connaissent.

Le local de l'école est irréprochable, on pourrait dire qu'il est même trop beau ; nous en donnons trois mille francs. Il est occupé par une corporation religieuse qui en donne ce prix, et donnerait davantage si on voulait l'y laisser. Nous ne pouvions pas prétendre l'obtenir en payant un loyer moindre que les occupants.

La propriété est louée à une société ; ne pouvant pas nous substituer à la société il fallait construire une ferme ; deux moyens se présentaient ; ou construire soi-même cette ferme ou dire au propriétaire : Construisez ; je payerai le loyer.

En 1855 quand on a transporté le haras de l'Etat à Gembloux, qu'à-t-on fait ? Le gouvernement a dépensé, je crois, 60 mille francs pour approprier les locaux et il a payé 4 mille francs de loyer au propriétaire, je ne sais si ce mode aurait paru préférable à l'honorable M. de Renesse.

Il vaut mieux je pense que le gouvernement paye le loyer de la ferme qui sera construite par le propriétaire. La participation du gouvernement équivaut à un loyer, sa participation consiste en annuités à payer pendant 22 ans.

On dit que les terrains loués sont payés trop cher ; mais c'est le prix, des autres terres de la propriété et des propriétés voisines.

De plus le propriétaire s'engage à nous laisser ces terrains au même prix pendant 22 ans. En voyant la manière dont s'élèvent les prix des loyers, le gouvernement doit se trouver heureux de pouvoir louer des terrains au même prix pendant un temps aussi long. Un autre avantage très grand que présente cet emplacement, c'est qu'il se trouve annexe à l’école deux établissements industriels très importants, une distillerie et une sucrerie fondées sur une très large échelle qui prospèrent et qui, j'espère, en dépit de tout ce qu'on a pu dire dans la dernière discussion, continueront à prospérer ; c'est un avantage qui ne se présente pour aucune école agricole étrangère, d'avoir à côté d’elle deux établissements industriels importants. Le gouvernement a pris des arrangements avec les propriétaires de ces établissements pour que les jeunes gens puissent aller y chercher un enseignement pratique.

L'agriculture ne consiste pas seulement à cultiver la terre, elle consiste aussi à savoir utiliser ses produits, le champ d'exercice est donc (page 1645) complet ; il y a de plus le haras de l'Etat. Il n'est pas sans importance qu'une école agricole soit placée près d'un établissement comme celui-là.

Ainsi excellents locaux, voisinage d'établissements industriels et du haras de l'Etat, position centrale, impossibilité de trouver un équivalent ailleurs, en supposant qu'on ait pu trouver des positions aussi avantageuses, Ce qui n'a pas été démontré. Tels sont les motifs qui nous ont déterminé en faveur de Gembloux.

Messieurs, l'institut supérieur aura en outre le grand avantage de trouver à sa disposition un corps de professeurs excellents. En enseignement agricole comme en toute espèce d’enseignement, ce qui fait la prospérité des établissements, c’est surtout la manière dont on enseigne, c’est le professeur qui fait la prospérité de l’établissement.

Sour ce rapport, nous avons l'avantage de posséder des professeurs et un directeur de premier ordre. J'ai donc la conviction que dans les conditions où cet établissement va fonctionner, il prospérera ; il ne va pas attirer des milliers d'élèves, nous ne demandons pas même qu'il arrive des élèves par centaines à cet établissement ; mais s'il forme tous les ans quelques bons agriculteurs, des hommes instruits et zélés qui pourront répandre les enseignements auxquels ils auront été initiés, l'établissement n'aura pas coûté trop cher.

Je ne parle pas des deux établissements de Vilvorde et de Gendbrugge, qui ne sont l'objet d'aucune attaque. Reste le mode d'enseignement recommande au gouvernement auquel il est sympathique, c'est l'enseignement nomade, les conférences par des hommes pratiques et instruits. Reste l'enseignement primaire agricole que le gouvernement continuera d'encourager.

Nos instituteurs dirigés par les inspecteurs dans leurs conférences trimestrielles s'occupent de questions relatives à la culture ; en général ces conférences sont suivies avec beaucoup de zèle et de plaisir par les instituteurs, on leur distribue des graines des plantes, qu'ils portent dans leur petit jardin, ils donnent de bons exemples de culture aux habitants, et trouvent dans ces occupations des distractions légitimes. Par ce procédé nous contribuons à répandre dans le pays les doctrines d'enseignement pratique en matière de culture.

Nous continuerons ce mode d'encouragement. Outre cela, messieurs, les comices sont aussi des écoles pratiques pour ainsi dire en mouvement qui enseignent aussi beaucoup de choses par l'exemple, par les seules expositions ; ils donnent aussi des conférences. Il y en a plusieurs des plus zélés qui ont obtenu d'hommes distingués ce service dedonner des conférences à tous les cultivateurs d'un canton qui s'y rendent aussi avec beaucoup d'empressement.

Ce mode de propagande agricole est très simple et pas coûteux. Cela existe ; cela continuera d'exister sans qu'on ait besoin d'augmenter le budget. Nous resterons dans les limites du budget actuel.

J'espère donc, messieurs, que, d'accord avec le gouvernement, la Chambre consentira à asseoir enfin sur des bases constitutionnelles restreintes et solides l'enseignement agricole. Il est indispensable, aux termes de la Constitution, que cet enseignement soit réglé par la loi. Une loi vous a été présentée en 1846 ; elle est restée sans résultat. Une loi vous a été présentée en 1855 ; elle est restée sans suite. Une loi vous est présentée en 1860 ; j'espère qu'elle n'aura pas le sort de ses devancières et que la session ne se clora pas sans que la Chambre ait donné au pays, à la suite de ce grand bienfait de la suppression des octrois, cet autre grand bienfait de répandre les lumières et l'instruction au sein des campagnes.

M. de Ruddere de Te Lokerenµ. - Messieurs, les écoles agricoles que le gouvernement avait créées ont cessé d'exister faute du concours des' cultivateurs. Le gouvernement nous propose de les remplacer à Gembloux par un institut agricole ou haut enseignement avec une ferme d'environ 40 hectares pour joindre la pratique et la théorie, dans l'espoir d'y attirer les fils des grands cultivateurs. Cet enseignement, d'après le programme, ne laissera rien à désirer et serait, j'en conviens, fort utile aux cultivateurs ; mais dans ma conviction, cet institut de Gembloux ne sera pas plus fréquenté que n'ont été les écoles agricoles. Nos cultivateurs ne sont pas sympathiques à cet enseignement ; leur prévention vient de ce qu'ils prétendent eu savoir plus en pratique que les professeurs de ces institutions, et je suis fondé à le croire, car nous voyons que l'agriculture n'est pas restée stationnaire et qu'elle fait au contraire des progrès de jour en jour. Ainsi je n'admets pas, avec l'honorable rapporteur de la section centrale, qu'elle n'occupe plus la place qu'elle avait il y a un demi-siècle ; je dirai que les Flandres peuvent être citées avec orgueil pour être des plus avancées dans cette branche ; elles ont une réputation européenne ; aussi les fils des grands cultivateurs allemands viennent chaque année dans les fermes de l'arrondissement d'Alost y apprendre la culture, ils y restent pendant deux ans.

Si l'Angleterre nous surpasse, je n'hésite pas à dire qu'elle doit ce grand développement a ses nombreux capitaux ; on ne peut pas l'attribuer à quelques écoles privées, et le gouvernement n'y possède pas d'écoles ; il y a dans les universités une chaire d'agriculture. Ainsi, messieurs, l’agriculture dans le spays le splus avancés a fait de grands progrès sans intervention d’écoles. Maintenant que l’essai fait a été très malheureux, convient-il de réorganiser de nouveau une école comme on nous le propose sur une grande échelle, à Gembloux ? Je ne le pense pas ; mais désirant un enseignement agricole pour aider l'agriculture à un plus grand développement, je voudrais qu'on l'établît à tous les degrés, dans les écoles moyennes primaires, et une chaire de haut enseignement dans les universités. Ce système me paraît préférable et doit produire un excellent résultat en initiant de bonne heure la jeunesse des campagnes au goût de l’instruction agricole. C'est par ce moyen qu'on arrivera au but que le gouvernement veut atteindre par les écoles, lesquelles, j'ose le prédire, ne réussiront jamais. L'enseignement que je vous propose a l'avantage qu’il ne coûtera presque tien au trésor, tandis que les écoles ont coûté un million quarante-quatre mille francs en pure perte.

Messieurs, si vous adoptez le projet de loi, vous aurez de nouvelles dépendes à supporter, lesquelles, je le crains, surpasseront celles qui ont eu lieu ; car la convention provisoire faite avec M. Piéton n'est pas à l'avantage du gouvernement ; ainsi d'un côté, surcroît de dépenses pour le trésor ; de l'autre, un établissement créé à grands frais sans résultat probable, car les fils des grands cultivateurs n'y viendront pas. Dans cette prévision il m'est impossible de voter le projet de loi.

M. de Montpellier. - Je partage l'opinion du gouvernement quant à la nécessité d'une institution agricole, et c'est surtout parce que les efforts tentés jusqu'ici n'ont pas abouti à un résultat satisfaisant que je pense que l'Etat a le devoir de donner une nouvelle et plus forte impulsion à ces études. Bien que je ne sais pas partisan de l'intervention de l’Etat en matière d'enseignement, je suis pourtant forcé de reconnaître qu'en Belgique, l’enseignement agricole a besoin d'être donné au moins temporairement avec le concours de l'Etat. Nous ne pouvons pas nous le dissimuler, le cultivateur belge, en général, est peu amateur des changements ; il aime peu à dévier de la route tracée par ceux qui l'ont précédé. Les propriétaires des grandes fermes dès lors que le fermier met de la régularité dans ses payements, s'occupent généralement fort peu de la question de savoir si leurs terres sont cultivées avec ou sans intelligence ; d'un autre côté, l'industrie privée s'inquiétant du peu de succès qu'ont obtenu jusqu'à ce jour les écoles agricoles du gouvernement n'oserait rien entreprendre en cette matière. Il est donc presque sûr que si le gouvernement ne se chargeait pas de cet enseignement, nous aurions à en déplorer l'absence complète.

Je regrette de ne pouvoir donner au projet du gouvernement une approbation pleine et entière ; et d'abord je me demande pourquoi l'Etat ne prend pas, pour y former un institut agricole, des terres qui lui appartiennent déjà. Il en a, j'aime à croire, de bonnes, comme je sais qu'il en a de mauvaises. Je me demande encore pourquoi, dans l'hypothèse où les terrains appartenant à l'Etat ne seraient pas dans les conditions voulues pour être annexées à une institution agricole, nous n'achetons pas une propriété, qui, si ce qu'à Dieu ne plaise, l'institution venait à ne pas réussir, resterait un immeuble rapportant des bénéfices à l'Etat. J'avoue qu'à mon sens ces deux façons de procéder me paraissant plus favorables que celle qui est soumise aujourd'hui à nos délibérations. Que fait, en effet, le gouvernement ? II nous propose de bâtir une ferme en rapport avec une culture de 37 hectares : ces constructions sont-elles nécessaires ? Je ne le pense pas, car enfin il faut bien peu de bétail et un personnel bien restreint pour une exploitation de 37 hectares ; puis, si comme nous le dit M. le rapporteur de la section centrale, le gouvernement et les locataires de la ferme sont en si grande harmonie, ces messieurs pourraient très bien louer à l'Etat une partie de ces bâtiments, et à la place du gouvernement j'aurais d'autant plus aimé à procéder de cette façon, que je remarque dans la convention provisoire un article par lequel le propriétaire actuel de l'abbaye de Gembloux consent à s'engager, dans le cas de résiliation du bail de la ferme de l'abbaye, à louer au gouvernement telle surface de terrain qu'il conviendra à M. le ministre de l'intérieur de lui indiquer, c'est à l'article 5, ceci veut dire que si les locataires de la ferme de l'abbaye viennent à résilier leur bail, le gouvernement la reprendra ; à qui ? à quoi servirait alors cette autre ferme dont nous aurions payé les deux tiers ?

Les avantages accordés au propriétaire sont trop considérables, on lui paye les deux tiers des bâtiments, c'est une indemnité qu'on lui accorde, soit, mais pourquoi lui payer les intérêts du cadeau qu'on lui fait ? N'aurait-il pas beaucoup mieux valu offrir à M. Piéton de lui prendre ses terres à 186 fr. l'hectare, et de lui payer pendant toute la durée du bail un intérêt de 5 p. c. sur toute la dépense qu'il aurait faite et nous en borner là.

Car il est bien plus naturel de payer à M. Piéton l'intérêt d'une somme qui ne doit plus lui revenir que de le lui payer sur une indemnité qu'on lui accorde, et franchement il est du reste bien compensé par l'élévation du prix du fermage.

Ce que j'admire dans les opérations du gouvernement, c'est cette manière large avec laquelle il procède et qui en réalité le distingue. Ici par exemple, on ne connaît pas exactement quelle sera la dépense à faire et cependant on s'engage à en payer les deux tiers.

L'Etat loue peur un prix exagéré des bâtiments et cependant dans les locations de ferme il est d’usage de ne pas comprendre les bâtiments daus le fermage.

L'établissement de Gembloux est appelé à recevoir des fils de grands propriétaires et de grande cultivateurs, la culture de 37 hectares ne paraît pas suffisante pour initier les élèves à la pratique de la grande (page 1646) culture ; j'aurais préféré voir l'Etat louer d'abord une centaine d'hectares et s'engager à ne plus augmenter la culture et à ne pas reprendre la ferme tout entière sans y être autorisé par les Chambres.

Maintenant, messieurs, dans la réponse faite à la première question posée par la section centrale au gouvernement, celui-ci me semble être quelque peu dans l'erreur. Je lis en effet à la page 4 du rapport : (L'orateur donne lecture de ce passage.)

Je voudrais bien savoir pourquoi cette indemnité reste un mystère pour nous ; car enfin, il est impossible que le gouvernement ne soit pas éclairé sur ce fait, et s'il l’est, pourquoi ne le sommes-nous pas ? Nous ne pouvons pas voter en aveugles. Eh bien, messieurs, si je suis bien informé, et j'ai tout lieu de croire que je le suis, il existe entre le gouvernement et les locataires de la ferme de l'Abbaye des contestations très sérieuses sur ce point. Voilà pourquoi on ne nous soumet pas ce chiffre. Ce qui n'empêche pas l'honorable rapporteur de nous dire, avec une confiance qui l'honore, qu'il est impossible qu'après cette entente préalable sur des points importants il se produise un conflit sur le montant de l'indemnité ; et moi j'ai l'honneur de dire à l'honorable rapporteur : Non seulement cela n'est pas impossible, mais cela est. J'espère que l'honorable ministre de l'intérieur voudra nous donner des explications à cet égard.

L'honorable rapporteur ajoute que l'indemnité sera prélevée sur le prix de la pension des élèves. Mais après cette soustraction la pension des élèves suffirait-elle pour subvenir à leur entretien et au payement du personnel ? Et à propos de personnel, je trouve que l'on pourrait très bien se passer de répétiteurs, car leur présence à l'institution prouverait de deux choses l'une, ou que les cours ne sont pas donnés d'une manière complète, ou bien que les élèves ne les suivent pas avec attention : la première hypothèse n'est pas admissible, et la seconde, si elle venait à se réaliser pourrait être combattue pas des moyens qui coûteraient moins chers à l'Etat.

Malgré donc, messieurs, que le projet qui est soumis à nos délibérations soit loin d'être parfait, tant s'en faut, je lui donnerai pourtant un vote approbatif parce que, à mon avis, l'institution agricole de Gembloux rendra les plus importants services au pays tout entier.

M. de Moor. - J'aurais une question à poser à M. le ministre de l'intérieur, et de la réponse qu'il voudra bien me faire dépendra mon vote pour ou contre la loi qui est soumise, en ce moment, à nos délibérations, et dont je recourais, tout d'abord, l'incontestable utilité.

Dans l'exposé des motifs, M. le ministre de l'intérieur nous dit :

« Le gouvernement reconnaît qu'un enseignement pareil (il s'agit de l'enseignement supérieur) n'est pas à la portée du plus grand nombre ; mais en agriculture, comme en toute chose, le plus grand nombre reçoit l'impulsion et il ne la donne pas, c'est d'en haut que viennent le progrès et les essais, comme les innovations utiles qui en sont les fruits s'exécutent par ceux qui possèdent et dirigent et non par ceux qui n'ont ni capitaux ni autorité.

« Les bons praticiens ne font d'ailleurs pas défaut en Belgique ; ils y sont au contraire plus nombreux que dans n’importe quelle contrée de l'Europe, sauf quelques localités à sol rebelle et à population clairsemée, l'habileté dans l'exécution des travaux agricoles de toute espèce est le signe distinctif de notre industrie rurale et, ajoutons-le, l'un des premiers éléments de sa prospérité et de son renom. »

Messieurs, comme je viens de vous le dire, je suis partisan de l'institut supérieur de Gembloux. Mais je voudrais que toutes les provinces pussent au même degré en retirer les fruits les plus heureux. Or, messieurs, je ne pense pas que le Luxembourg soit précisément dans cette position.

Je vois sourire M. le ministre de l'intérieur. Que voulez-vous, M. le ministre ! je ne puis admettre que vous ne donniez qu'aux riches.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'aime beaucoup le Luxembourg.

M. de Moor. - Vous en avez donné plus d'une preuve et notre province en garde le souvenir.

Je sollicite une chose : c'est que le Luxembourg fort éloigné, moins éloigné, cependant, du centre du pays depuis la construction du chemin de fer, puisse aussi retirer quelque chose de fort utile de l'enseignement agricole.

Vous le dites, M. le ministre, cet établissement n'est accessible en quelque sorte qu'aux riches. Or, nous ne sommes pas riches. Nous avons beaucoup de petits cultivateurs ; nous en avons peu de grands et dès lors peu de nos fils de cultivateurs pourront suivre les cours de l’établissement de Gembloux. Je demande donc que le gouvernement veuille bien prendre l'engagement de faire donner dans chaque chef-lieu de canton ou dans les communes, un plus grand nombre de conférences agricoles.

Depuis quelques années, ces conférences se sont déjà quelque peu multipliées, et je dois dire qu'on en a retiré les plus grands bienfaits. Un professeur, un homme éminent, donne avec un talent remarquable ces conférences. Il se met à la portée de tous. Ce ne sont pas seulement les leçons d'un professeur placé vis-à-vis d'agriculteurs ; ce sont de véritables causeries aussi utiles pour le fond que charmantes pour la forme. M. Joigneaux, je n'hésite pas à citer son nom, rend, sous tous les rapports, les plus signalés services à l'agriculture de la Belgique, et au nom des Luxembourg je lui en témoigne publiquement ma reconnaissance.

Eh bien, je demande que ces conférences agricoles qui portent de si bons fruits soient plus nombreuses.

Je désire, en outre, que le Luxembourg, qui jusqu'ici n'a pas pu profiter des leçons du savant professeur M. Leclerc, puisse avoir aussi des leçons de drainage, accompagnées d'expérience pratiques sur le terrain. Que l'on donne à M. Leclerc la mission de se rendre dans le Luxembourg ; que l'on convie à ses leçons, comme j'ai déjà eu l'honneur de le demander à la Chambre sous l'administration, je crois, de l'honorable M. de Decker, les ingénieurs et les conducteurs des ponts et chaussées, les commissaires voyers, et vous aurez plus tard des conseillers tout naturels chez lesquels on pourra se rendre pour avoir des renseignements sur ce travail d'utilité qui entraîne des opérations de nivellement.

Je rappellerai à M. le ministre de l'intérieur qu'à l'époque où M. Leclerc donnait son cours de drainage à Bruxelles, le département des travaux publics avait accordé sur le chemin de fer de l'Etat une remise de moitié du prix quant au parcours à faire. Nous n'avions pas encore de chemin de fer dans le Luxembourg et forcément nous avons dû renoncer au cours si intéressant de drainage.

Je demande qu'aujourd'hui que vous allez créer un grand et utile établissement agricole, vous nous permettiez à nous qui ne pouvons venir, qui ne viendrons pas à cet établissement, d'acquérir des connaissances spéciales en agriculture.

M. le ministre de l'intérieur peut-il prendre l'engagement de faire donner un plus grand nombre de conférences agricoles dans notre province et d'autre part peut-il nous promettre qu'un cours de drainage sera donné dans différentes localités du Luxembourg, soit. M. Leclerc, soit par un de ses aides de camp. S'il répond affirmativement, je voterai de grand cœur un projet de loi dont je reconnais la haute importance.

M. Faignart. - Messieurs, je dois tout d'abord dire à la Chambre que j'ai aussi été partisan de l'enseignement agricole aux frais de l'Etat ; je le reconnais très volontiers. Mais je m'empresse d'ajouter qu'en présence de l'insuccès, en présence des résultats fâcheux obtenus par les essais qui ont été faits, mon opinion est notablement changé. Je croyais, messieurs, que le gouvernement aurait renoncé à faire de nouvelles expériences.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comme celle qu'on a faite à Rollé.

M. Faignart. - Comme celle qu'on a faite à Rollé. M. le ministre me ferait plaisir en donnant une explication plus claire ; je ne comprends pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dis que des expériences comme celle qu'on a faite à Rollé, je ne les recommencerai pas.

M. Faignart. - A qui la faute ? Et celles qu'on a faites ailleurs t Ou en avez-vous fait qui aient réussi ? Dites-le-moi ; je serai charmé de pouvoir changer d'avis.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Elles ont été plus ou moins bonnes.

M. Faignart. - Elles ont été plus ou moins bonnes. Je soutiens qu'ici le moins l'emporte singulièrement sur le plus.

Je disais donc, messieurs, que je croyais que le gouvernement n'aurait pas insisté pour recommencer de nouvelles expériences, alors que les anciennes ont été si désastreuses. Mais il paraît que M. le ministre de l'intérieur veut employer d'autres moyens maintenant, c'est un institut central.

Eh bien, messieurs, je le regrette, mais je doute beaucoup qu'il soit plus heureux.

Pour ma part, j'aurais préféré que le gouvernement se bornât à faire donner l'enseignement agricole dans les établissements ordinaires d'instruction publique ; là les élèves auraient puisé des connaissances théoriques et, rentrés au sein de leur famille, ils auraient appliqué ces connaissances sous la direction de leurs pères. De cette manière il y aurait eu infiniment moins de mécomptes.

Mais l'honorable ministre veut autre chose. Il veut créer et créer à grands frais. C'est ainsi que pour une exploitation de 37 hectares il veut une ferme qui doit coûter 45,000 fr. On nous dit que le propriétaire fera lui-même la construction, et que, par conséquent, le devis ne sera pas dépassé, mais l'expérience est là, et M. le ministre de l'intérieur doit avoir eu l'occasion d'apprécier mieux que tout autre ce que c'est qu'un devis estimatif.

Le gouvernement paye 3,000 fr. pour location des bâtiments qui doivent être appropriés à l'usage de l'école et 7,000 fr. à peu de chose près pour la location de 37 hectares de terre, ensemble 10,000 fr. et cela pour une exploitation restreinte.

Maintenant, messieurs on nous dit que le propriétaire entre pour un tiers dans la dépense. Cela ne suffit pas, la section à laquelle j'appartenais a trouvé qu'il devrait intervenir pour moitié, et je l’approuve. D'ailleurs, nous y reviendrons dans la discussion de l'article.

Ainsi donc l'Etat se charge d'un loyer de 10,000 fr. et d'une (page 1647) dépense de 10,000 fr. une fois payés pour l'appropriation des bâtiments ; il paye en outre 30,000 fr., les deux tiers de 45,000 pour la construction de la ferme.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La part de l'Etat est de 45,000 fr. payable en 22 ans.

M. Faignart. - Eh bien, messieurs, je crois réellement que, pour ce que l'Etat veut faire, il dépense trop, car je ne cacherai pas à la Chambre que je suis dominé par la crainte que l'Etat ne s pas mieux dans l'expérience qu'il va tenter qu'en celles qu'il a faites précédemment.

J'ai été, je le répète, partisan de l'enseignement agricole donné par l’Etat ; mais je voudrais, avant de donner mon adhésion à un nouvel essai, que M. le ministre de l'intérieur nous expliquât les causes qui ont fait échouer les écoles créées précédemment afin que je pusse apprécier si l'on fait tout ce qu'il faut faire pour ne pas tomber dans les mêmes fautes.

Cet examen serait pour moi très intéressant, car je n'ai pas d'idées préconçues ; c'est l'expérience du passé qui me rend défiant.

M. le ministre de l'intérieur dit qu'il y a dans le pays un goût prononcé pour l'enseignement agricole ; c'est une erreur : cela a été, mais à l'heure qu'il est ces illusions sont passées. Chacun se demande : Que va-t-il advenir encore ? Cette école va-t-elle aboutir à de meilleurs résultats que ceux qu'on a obtenus jusqu'à présent ? Et je crois, messieurs, qu'on est bien en droit de se poser ces questions, car en définitive, vous avez eu dix écoles d'agriculture ; elles sont toutes tombées successivement comme un jeu de cartes. (Interruption.)

Je ne parle ni de l'école de Vilvorde, ni de l'école de Gand, ni de celle de Haine-St-Pierre, je parle des écoles d'agriculture proprement dites. Celles-là sont tombées, je le répète, comme un jeu de cartes, les unes après les autres. Il est impossible de le contester.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je le conteste formellement.

M. Faignart. - Vous niez l'évidence.

Messieurs, je voudrais avoir confiance, mais cela m'est impossible en présence des résultats auxquels on est arrivé.

Maintenant, messieurs, je demanderai ce que ces écoles d'agriculture ont produit. Quant à moi, je ne le sais pas, mais ce que je sais très bien, c'est que les écoles d'agriculture proprement dites ont coûté à l’Etat quelque chose comme 770,000 ou 775,000 fr. Et combien y a-t-il d’élèves de ces écoles employés utilement à l'agriculture ? Fort peu. L'honorable ministre de l'intérieur disait tantôt que si l'on faisait un bon élève tous les ans il serait satisfait. Je désire beaucoup, messieurs, que l'on fasse de bons élèves ; mais je trouve, cependant, qu'à ce prix ce serait un peu cher et je préférerais en faire faire ailleurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai dit un agriculteur de premier ordre.

M. Faignart. - Un agriculteur de premier ordre, cela est bien difficile à apprécier ; je ne sais qui de nous pourrait en décider.

Je suis convaincu, messieurs, que l'honorable M. Rogier est animé des meilleures intentions, je suis persuadé que tout ce qu’il fait, c'est dans l'intérêt de l'agriculture, mais je crois qu'il se trompe grandement.

On dit : Cela rendra des services immenses à l'agriculture. L'agriculture, messieurs, ne demande pas beaucoup de services, mus il arrive souvent que quand elle en demande, on les lui refuse. Ainsi, dans la discussion des octrois... (Interruption.) Je sais qu'elle est terminée, mais permettez-moi d'y revenir un instant. On dit : Il faut des écoles d'agriculture, l'intérêt agricole exige un institut central. Ce raisonnement, messieurs, je ne puis l'admettre.

Pour fertiliser les terres et leur faire produire beaucoup de matières alimentaires, il y avait un moyen bien simple, reconnu incontestable ; le département du Nord nous fournit une preuve évidente de l'influence heureuse que la culture de la betterave a sur l'industrie agricole. Eh bien, on n'y a pas eu égard, dans la loi sur la suppression des octrois, on n'a pas tenu compte des bienfaits de cette culture et on l'a sacrifiée.

M. E. Vandenpeereboom. - Il fallait engager vos honorables amis à vous soutenir et à ne pas sortir de la salle.

M. Faignart. - Je n'ai jamais demandé à aucun de mes amis de voter d'une façon ou d'une autre. Je laisse à chacun son entière liberté.

Messieurs, l'agriculture, comme on l'a dit tantôt, n'est pas aussi arriérée qu'on semble le croire. L'agriculture, au contraire, a fait beaucoup de progrès. Certes ce ne sont pas les écoles agricoles qui ont concouru à ce progrès. Je suis fâché de devoir le dire, mais c'est une vérité incontestable.

Il y aurait un moyen bien simple de faire du bien à l'agriculture. Je vais vous le dire. Peut-être m'interrompra-t-on encore, car à certains égards, cela touche encore à la loi sur les octrois. Par cette loi, on a supprimé les barrières des villes ; beaucoup de membres ont reconnu que cette suppression avait lieu au profit des villes à octroi. Eh bien, si on supprimait les barrières sur les grandes routes, on ferait certainement quelque chose au profit des campagnes...

- Des membres. - Sans doute.

M. de Moor. - Proposez-le, nous vous soutiendrons.

M. Faignart. - Je pense, que si, comme on m'y engage, je faisais cette proposition, la Chambre voterait la suppression des barrières sur les routes, comme elle a voté la suppression des barrières des villes et ce serait justice. Fort de cet encouragement, j'en ferai la proposition.

Je bornerai là, pour le moment, mes observations, me réservant de demander la parole lors de la discussion des articles.

M. H. Dumortier. - Messieurs je n'étais pas dans l'intention de prendre la parole dans cette discussion ; mais je ne veux pas laisser croire à la Chambre et au pays que tous les membres qui siègent de ce côté partagent entièrement les diverses idées émises tout à l'heure par d'honorables amis politiques et particulièrement par l'honorable M. de Ruddere.

Certes, s'il s'agissait de voter des dépenses très considérables pour renouveler des expériences qui n'ont pas eu le succès qu'on en attendait, je combattrais ouvertement le projet qui nous est soumis.

Mais tel n'est pas le cas. Si je n'ai jamais partagé les illusions que faisait concevoir un grand nombre d'écoles d'agriculture, je ne suis pas non plus de ceux qui disent que les dépenses faites jusqu'ici, l'ont été en pure perte. En toutes choses il faut rester dans le vrai.

Au dire de l'honorable M. de Ruddere, nos cultivateurs soutiennent qu'ils en savent plus que les professeurs qui enseignent dans les écoles du gouvernement.

Il est possible que, pour certains procédés de pratique agricole, nos paysans en savent plus que les professeurs. Mais l'agriculture n'est plus une simple routine ; elle est devenue une science, un art. Il ne suffit plus au cultivateur de dire : « Je travaillerai comme j'ai vu mon père et mon grand-père travailler. » Celui qui en agriculture, comme dans toute autre branche de l'activité social, ne veut pas suivre le progrès, doit inévitablement voir son industrie dépérir.

« Nos fermiers, dit-on, savent mieux préparer h terre qui les professeurs qui enseignent dans les écoles du gouvernement. »

Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Tous, nous devons nous efforcer de faire comprendre aux cultivateurs qu'il n'est plus question d'un simple travail pratique ; que ce n'est pas d'un pareil objet que le gouvernement veut et doit s'occuper ; mais que le gouvernement a en vue de les mettre au courant des inventions, des découvertes nouvelles, de les initier au progrès ; qu’il lui faut pour cela des intermédiaires, et que sans ces intermédiaires, ces découvertes ne parviendraient jusqu'à eux que très tardivement.

Il faut donc, selon moi, entre les simples cultivateurs isolés dans leurs villages, et le savant, l'agronome ; il faut, dis-je, un intermédiaire. Cet intermédiaire, c’est l’enseignement agricole renfermé, quant à la dépense, dans des limites raisonnables.

En Angleterre, dit l'honorable M. de Ruddere, il n’existe pas d'enseignement agricole.

Mais, messieurs, il est évident que sous ce rapport il n'y a aucune comparaison à établir entre ce qui se passe en Angleterre et ce qui se passe en Belgique.

En Angleterre, grâce à des fortunes colossales, on peut tenter toutes les expériences agricoles, mais en Belgique, nos petits cultivateurs se ruineraient à ces essais. Sous ce rapport donc, il n'y a aucune similitude à établir entre les deux pays.

L'honorable M. de Ruddere dit que des étrangers, des Allemands viennent à Alost et dans d'autres parties de la Flandre prendre des leçons d'agriculture. Mais quelle espèce de leçons viennent-ils y chercher ? Ils viennent y chercher des leçons d'agriculture pratique, mais ce n'est certainement pas dans le pays d'Alost ou dans d'autres parties des Flandres ou de la Belgique que les étrangers pourraient venir suffisamment s’initier à ces grands progrès que les sciences et ses arts réalisent tous les jours dans le domaine agricole.

Cet exemple est donc mal choisi, quand on veut l'appliquer à l'enseignement scientifique agricole. L'honorable membre nous dit : Vous ne réussirez pas ; vous n'avez pas réussi une première fois, donc vous ne réussirez jamais. L'honorable M. Faignart a exprimé la même opinion : J'ai des craintes, des appréhensions, j'entrevois des déceptions, comme vous en avez déjà eu.

Avec ces prophéties qui ne sont pas des arguments, on n'arrive à rien, il faut oser faire des essais ; si on avait fait des expériences nombreuses, complètes et qu'on ne fût arrivé à aucun résultat, si on voulut renouveler ces anciennes expériences dans les mêmes conditions, moi aussi je repousserais le projet de loi ; mais ce ne sont pas les expériences semblables qu'il s'agit de renouveler.

Messieurs, je ne veux pas entrer dans d'autres détails, l'heure est avancée, je ne veux pas répondre aux arguments produits quant aux détails de l'acquisition et de la location de l'institut agricole, sur la question de service, si on n'a pas payé 500 fr. trop cher les terres, si les bâtiments valent mille francs plus ou moins, ce sont là des (page 1648) questions d'administration. Il est impossible que nous allions contrôler ces détails ; de pareilles affaires il faut les abandonner au gouvernement ; s'il y avait eu erreur ou mauvaise appréciation sur tel ou tel point saillant, je comprendrais qu'on attirât sur ce point l'attention du gouvernement et de la Chambre ; mais en général la Chambre n'est guère à même d'apprécier en parfaite connaissance tous les détails d'une pareille affaire.

Si on voulait ainsi imposer à des ministres des avis sur toutes les questions secondaires de l'administration, le gouvernement finirait par se trouver dans la position de ce personnage de Lafontaine qui, à force de recevoir des conseils, ne savait plus où s'arrêter.

- Plusieurs voix : A demain ! à demain !

Projet de loi (titre à retrouver)

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui se rattache au projet en discussion. Si ce projet est adopté, il y aura un crédit à voter pour les frais d'administration. C'est ce crédit qui fait l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de déposer. Je demanderai le renvoi de ce projet à la section centrale qui a examiné le projet du projet de loi sur l'enseignement agricole.

- Il est donné acte à M. le ministre de l'intérieur de la présentation qu'il vient de déposer.

Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à la section centrale qui a examiné le projet principal.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.