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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 novembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 11) (Présidence de M. Vervoort, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor fait l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Niel, gendarme pensionné, demande, pour lui et pour ses collègues, une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Pecq demandent l'abolition des barrières. »

- Même renvoi.


« Le juge de paix et le greffier de la justice de paix de Bouillon demandent la révision de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791 concernant la police rurale. »

- Même renvoi.


« Le sieur Lovenfosse, ancien tirailleur liégeois, congédié pour infirmité contractée au service, demande une pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Vanheere soumet à la Chambre un projet de révision de la loi sur la chasse. »

-Même renvoi.


« Le sieur Nys prie la Chambre d'ordonner une enquête sur des faits concernant la marine militaire. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Poperinghe prient la Chambre de donner cours légal à la monnaie d'or de France. »

« Même demande de propriétaires, industriels et commerçants de Comines. »

M. Van Renynghe. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la commission avec invitation de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« L'administration communale de Saint-Génois demande l'établissement d'un bureau de poste dans cette commune. »

M. H. Dumortier. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Quoitin, facteur des postes à Rochefort, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« Le sieur Rose, gendarme pensionné, demande que la loi du 4 juillet 1860 relative aux pensions de la gendarmerie lui soit rendue applicable, ou du moins qu'un supplément de pension lui soit accordé. »

« Même demande du sieur Coen, gendarme pensionné. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs officiers pensionnés demandent que leurs traitements de réforme soient mis en rapport avec la valeur actuelle de l'argent. »

- Même renvoi.


« M. le ministre des travaux publics propose des modifications au budget de son département. »

- Impression, distribution et renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces à l'appui, plusieurs demandes en naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 116 exemplaires d'une brochure contenant les rapports et documents officiels relatifs à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines d'après le procédé de M. le docteur Willems. »

- Distribution aux membres.


« M. de Rive fait hommage à la Chambre de 120 exemplaires de sa dernière publication : Paroles d'un Belge, 1860. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.


« M. Dechamps, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Allard, obligé de se rendre à Tournai, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Savart, retenu à Tournai par une affaire urgente, demande un congé. »

- Accordé.


« M. David, retenu par des affaires de famille, demande un congé. »

- Accordé.

Composition des bureaux de sections

Les bureaux des sections pour le mois de novembre ont été constitués ainsi qu'il suit :

Première section

Président : M. d’Hoffschmidt

Vice-président : M. Laubry

Secrétaire : M. Mouton

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Deuxième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. Guillery

Secrétaire : M. Goblet

Rapporteur de pétitions : M. Hymans


Troisième section

Président : M. de Ruddere de Te Lokeren

Vice-président : M. David

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. de Paul


Quatrième section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. Muller

Secrétaire : M. Van Humbeeck

Rapporteur de pétitions : M. Pirmez


Cinquième section

Président : M. Deliége

Vice-président : M. Coomans

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Notelteirs


Sixième section

Président : M. Moreau

Vice-président : M. de Rongé

Secrétaire : M. de Gottal

Rapporteur de pétitions : M. Royer de Behr

Composition des commissions permanentes

Commission de comptabilité

MM. J. Jouret, Grandgagnage, Ansiau, Jacquemyns, Van Iseghem, Rodenbach.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer l'exposé de la situation du trésor au 1er septembre 1860 et le budget des voies et moyens pour l'exercice 1861.

- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt qu'il vient d'effectuer ; la Chambre ordonne l'impression et la distribution des pièces déposées.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice, pour la construction de l’église monumentale de Laeken

Discussion générale

MpVervoortµ. - Sur cette demande, la Chambre a alloué un crédit provisoire de 400,000 francs, tenant en réserve 50,000 francs, pour soumettre à un examen approfondi les questions soulevées par la construction de l'église de Laeken.

M. Hymans, rapporteur. - Messieurs, avant que la Chambre aborde la discussion qui est à l'ordre du jour, je désire donner deux mots d'explication à propos d'un fait consigné dans mon rapport ; ces explications sont d'autant plus nécessaires qu'il s'agit d'une affaire personnelle.

Il est dit, page 4 de mon rapport, que la section centrale a vivement critiqué l'indemnité annuelle de 3,400 francs accordée à un membre de la commission de surveillance, touchant déjà un traitement à charge de l'Etat.

Ce fait a été puisé dans le dossier de la section centrale qui a précédé celle dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur. Il résulte d'une communication officieuse qui m'a été faite par le département de la guerre que le fonctionnaire dont il s'agit, le lieutenant-colonel Demanet se trouvait en congé sans solde, au moment où il a été chargé de la surveillance des travaux de l'église de Laeken. Ce congé a duré jusqu'au mois d'avril 1856 ; à cette époque le colonel Demanet a été mis en non-activité. En 1859, quelque temps après l'entrée de M. le général Chazal au ministère de la guerre, M. le lieutenant-colonel Demanet a obtenu son congé définitif, ou pour mieux dire, sa démission. Il a été rayé des contrôles de l'armée. Par conséquent M. le lieutenant-colonel Demanet a joui de son traitement de non-activité, c'est-à-dire de la demi-solde de lieutenant-colonel d'infanterie, depuis le mois (page 12) d’avril 1856 jusqu'en 1859, époque à laquelle il a obtenu son congé définitif.

Cette explication me paraît nécessaire avant la discussion, afin qu'on ne donne pas une interprétation fausse et trop étendue aux faits énoncés à la page 4 de mon rapport.

Comme j'ai la parole, je profiterai de l'occasion pour faire remarquer à la Chambre qu'il y a, dans le rapport de la section centrale, plusieurs fautes d'impression. Ces fautes proviennent de l'empressement que j'ai mis l'année dernière à faire imprimer mon rapport, dans l'espoir que la Chambre s'en occuperait avant la fin de laà session.

Un erratum a déjà été distribué à la Chambre, mais je dois lui faire remarquer qu'à la page 7, ligne 16, au lieu de : « à l'architecte est adjoint un inspecteur au traitement de 18,000 francs, » il faut lire « 1,800 francs ».

Qu'à la page 13, ligne 21, au lieu de la date du 29 juin, il faut lire la date du 20 juin, et qu'à la même page, ligne 23, au lieu de 1857, il faut lire 1858.

Cette rectification doit être agréable à M. le ministre de la justice ; elle le dispensera de commettre des erreurs. Cela dit, j'attendrai les explications de M. le ministre de h justice pour défendre mon rapport.

MpVµ. - Il s'agit d'un crédit de 50,000 fr. ; la section centrale propose de le réduire à 25,000 fr. M. le ministre de la justice se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non, M. le président.

MpVµ. - En conséquence, la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la construction de l'église de Laeken a donné lieu à tant d'erreurs et à tant d'accusations, que je suis réellement heureux d'avoir l'occasion de rétablir la véritable situation de cette affaire et de restituer aux faits leur caractère.

La Chambre pourra avoir d'autant plus de confiance dans mes paroles que je n'ai pas un acte personnel à défendre, que tous les faits qui font l'objet de critiques dans cette enceinte et en dehors de cette enceinte se placent entre l'époque où nous quittions le pouvoir en 1852 et notre rentrée en 1857.

La première chose que je fis, lorsque j'eus un crédit supplémentaire à demander pour continuer la construction de l'édifice, fut d'établir la situation telle qu'elle était véritablement. C'est ce qui fait l'objet de l'exposé des motifs présenté à la Chambre le 3 février 1859, et cette situation, je maintiens qu'elle est parfaitement exacte.

La Chambre sait, messieurs, que le programme publié pour le concours de l'église de Laeken portait que la dépense n'excéderi't pas 800,000 francs. Mais il est bon, messieurs, de ne pas perdre de vue que cette somme de 800,000 francs ne devait comprendre que la construction proprement dite de l'église, sans rien compter pour l'ameublement, les vitraux, les travaux de peinture et de sculpture, dont la dépense devait être imputée sur des crédits spéciaux.

Les devis ne devaient pas tenir compte non plus de l'acquisition des terrains ni des dépenses qui pouvaient être la conséquence du choix de remplacement.

Un grand nombre de plans furent fournis ; le jury crut devoir accorder la préférence, sur tous les plans produits, à celui qui portait le n°41 et qui est, en ce moment, en voie d'exécution.

Je dis, messieurs, « sur tous les plans produits » ; je réponds ainsi à une partie du rapport de l'honorable M. Hymans qui déclare que des plans ont été écartés parce que les devis excédaient la somme fixée par le programme.

Le devis de M. l'architecte Poelart, dont les plans avaient été adoptés, était inférieur à la somme de 800,000 fr.

Le jury signala dans ces plans quelques défauts, il demanda qu'ils fussent revus et il exigea qu'un devis très exact fût fourni par l'architecte.

Les plans furent, en effet, revus, des devis nouveaux furent produits, s'élevant alors à la somme de 871,000 francs. C'est à ces plans et à ces devis, qui furent examinés en janvier et en février 1853, que le jury donna définitivement son adhésion. Mais en donnant cette adhésion, il signala au gouvernement différents changements qu'il serait opportun de faire pour la beauté du monument.

Ces changements, messieurs, étaient les suivants :

Augmentation, d'abords de, dimensions de l'édifice.

Substitution de pignons ornés au couronnement horizontal des galeries funéraires et dépendances.

Adoption d'une façade entièrement en pierre très mouvementée et ornée, percée de trois portails et avec trois flèches en pierre sculptées de la base au sommet.

Enfin l'adoption d'un revêtement extérieur entièrement en pierres blanches.

Voilà, messieurs, quelles étaient les modifications recommandées par le jury au gouvernement.

Le jury ne laissa pas ignorer au gouvernement que ces changements donneraient lieu à une augmentation de dépenses et que ce n'était qu'é raison de cette augmentation qu'il n'avait pas cru pouvoir les adopter lui-même.

Dans le rapport de l'honorable M. Hymans, on reproche au jury d'avoir procédé ainsi. Ce reproche, messieurs, me paraît peu fondé : il rentrait évidemment dans les attributions du jury de recommander au gouvernement toutes les modifications qui lui semblaient utiles ; c'était au gouvernement à accepter ou à refuser.

Le gouvernement donna son assentiment à ces modifications et s'enquit de l'augmentation de dépenses qui devait en résulter.

Si j'en crois le rapport que l'honorable M. de Haerne a fait en 1853 sur le premier crédit dû à l'initiative de la section centrale, un devis proposé par la commission des monuments et adopté par le gouvernement portait la dépense à 1,100,000 francs. Cependant il résulte de toutes les pièces du dossier qu'à cette époque il n'y a pas eu de devis et que surtout il n'a pu y avoir un devis fait par la commission des monuments qui n'a jamais eu à s'occuper de cette affaire.

Ainsi que je l'ai dit, un jury spécial avait été nommé. C'est ce jury qui a apprécié les plans, qui a fait examiner le devis de 871,000 fr. ; et nulle part, ni dans les bureaux du département de l'intérieur, ni dans ceux du département de la justice, il ne se trouve de trace d'un devis de 1, 100,000 fr. qui aurait été fait à l'époque oùla Chambre votait le premier crédit.

M. Hymans, rapporteur. - J'ai la pièce.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si vous voulez me la communiquer, je vous en saurai gré ; je la verrai pour la première fois ; car je ne la connais pas.

Messieurs, je viens de dire que le devis n'existe pas, qu'il n'y en a pas de trace ; la Chambre va voir que c'est à bon droit que je m'expliquais ainsi.

Ce devis n'existait pas au département de la justice, je demandai au département de l'intérieur s'il n'existait pas dans les bureaux de cette administration ; et voici ce qui me fut répondu, sous la date du 16 juin 1860, par mon honorable collègue de l'intérieur :

« Je m'empresse de vous transmettre les renseignements qui suivent, en réponse à votre lettre du 14 de ce mois, 1ère division, 1er bureau, n° 8266, c. prov.

« C'est probablement par erreur qu'il est dit dans l'annexe B du rapport de M. de Haerne, du 10 juin 1853, qu'un devis avait été proposé par la commission des monuments pour l'érection de l'église de Laeken

« La commission des monuments n'a pas eu à s'occuper de cette affaire, attendu qu'un arrêté ministériel du 15 mai 1852 avait institué un jury spécial chargé de procéder à l'examen et au jugement des projets envoyés au concours.

« Ce jury rendit son jugement le 25 juin 1852 et un arrêté ministériel du 30 juillet suivant ratifia sa décision.

« Ce fut le même jury qui, l'année suivante, proposa l'agrandissement et le développement de l'édifice.

« a commission des monuments n'a été consultée que sur la question d'emplacement du monument et sur une question spéciale d'hygiène.

« Elle a donc été aussi parfaitement étrangère à l'appréciation des devis et des plans que la commission administrative instituée par arrêté du 25 juin 1853, alors que l'agrandissement de l'église avait été décidé par le gouvernement.

« Dans le cas où le devis dont il est parlé dans l'annexe B du rapport de M. de Haerne existe réellement, ce doit être le jury et non la commission des monuments qui a examiné ce document.

« Il résulte d'ailleurs du procès-verbal d'ouverture des billets joints aux plans envoyés en concours que c'est le jury spécial, institué par arrêté du 15 mai 1852, qui a procédé au jugement des plans.

« Quant à un devis détaillé qui aurait été fait par l'architecte et examiné par le jury, il faut croire qu'il n'existe pas, puisque le ministre de l'intérieur (M. Piercot) écrivait, le 25 avril 1853, 5ème division, n° 5852, (page 13) au département de la justice, que l'exécution du plan adopté donnerait lieu à une dépense évaluée grosso modo (sic) à 1,100,000 ou 1,200,000 francs.

« Le ministre de l'intérieur, Ch. Rogier. »

Voilà comment s'exprimait M. le ministre de l'intérieur de l'époque dans une lettre du 25 avril 1853 ; l'évaluation faite grosso mode à onze ou douze cent mille francs est exclusive de l'existence d'un devis détaillé.

Quant à l'architecte, voici la seule chose qui ait pu être constatée, et encore n'en existe-t-il aucune trace par écrit.

L'architecte auquel on n'a laissé guère de temps, car c'est sur l'initiative de la Chambre que le premier crédit a été voté et c'est à cette époque qu'on a demandé les renseignements nécessaires, a évalué approximativement, et sans faire de travail de détail, l'augmentation de la dépense à 450,000 francs, de sorte que dans la pensée de l'architecte à cette époque, le devis primitif qui était de 871,000 francs aurait dû être augmenté de 450,000 francs, c'est-à-dire que les travaux, comprenant ce qui avait été prévu au programme primitif, auraient dû coûter 1,321,000 francs.

Voilà l'appréciation avant qu'on eût mis la main à l'œuvre.

Aujourd'hui, d'après des devis contrôlés, vérifiés, ce que l'architecte a évalué en 1853, à 1,321,000 francs, coûterait 1,726,000 francs.

C'est-à-dire une différence de 405,000 fr. en plus.

Voilà la véritable situation, c'est-à-dire qu'il y a une augmentation sur les prévisions, dont le détail n'a pas même été fait, d'une somme de 400 et des mille francs, soit environ 30 p. c.

Mon rôle, messieurs, n'est pas de défendre ici les erreurs qui peuvent être commises par des architectes, mais je dois cependant faire observer qu'il est très peu de constructions, qu'elles soient faites par des particuliers, qu'elles soient faites par le gouvernement ou par d'autres administrations publiques, qui ne donnent lieu à des augmentations de dépenses.

Il n'est pas de particulier qui ait construit et qui n'ait supporté de semblables augmentations de dépense.

Or, il n'est pas possible que le gouvernement et les administrations publiques échappent à une loi à laquelle sont soumis tous les particuliers, qui soignent et surveillent leurs intérêts mieux qu'il n'est possible aux administrations publiques de le faire.

11 y a ici quelques circonstances particulières qu'il est encore utile de faire remarquer.

Il est évident que l'architecte qui faisait son devis en 1852 et en 1853 ne pouvait prévoir l'énorme augmentation de la main-d'œuvre qui a été la conséquence de la reprise des affaires en 1853, 1854 jusqu'en 1857.

Il est certain qu'à cette époque les matériaux et la main-d'œuvre ont augmenté de valeur dans une proportion plus grande que celle de l'augmentation que nous avons aujourd'hui sur la dépense\de la construction de l'église de Laeken.

Il est une chose, messieurs, qu'il faut encore observer, c'est qu'en réalité l'architecte n'a pas eu le temps de faire un devis, et la preuve, c'est qu'il ne se trouve ds devis nulle part.

M. J. Jouret. - C'est un tort qu'on a eu.

M. Hymans, rapporteur. - J'ai ce devis.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous dites que vous l'avez, nous verrons ; mais il est un fait certain, c'est qu'il n'y a pas de trace non seulement d'un devis, mais même d'une correspondance à l'effet d'en obtenir un, ni au département de la justice ni au département de l'intérieur.

M. Coomans. - C'est un mal.

M. Hymans, rapporteur. - Il fallait en présenter un à la Chambre.

M. le ministre de la justiceµ. - Mais tenez donc compte des circonstances.

En 1853, c'est la Chambre qui a pris l'initiative du crédit. Le gouvernement avait demandé, à cette époque, un crédit pour la colonne du Congrès ; la Chambre a voulu faire marcher de front les deux constructions, l'église de Laeken et la colonne du Congrès ; et c'est sur l'initiative de la Chambre que le premier crédit a été voté. On a dû nécessairement se presser : on était à la veille de la clôture de la session ; et c'est dans ces circonstances, alors qu'on voulait associer la construction de ces deux œuvres que, pressé par le temps, on a demandé plutôt des appréciations qu'un devis ; et ce sont ces appréciations qui, en définitive, ont été dépassées.

Or, je le demande, y a-t-il quelque chose de si extraordinaire à ce qu'il en ait été ainsi, alors que nous voyons des devis, même dressés par des gens d'une parfaite bonne foi, dépassés dans une égale proportion ?

Je ne veux certes pas, je le répète, défendre, justifier toutes ces augmentations de dépenses, mais tout en étant complètement étranger à ce qui s'est passé en 1853, je ne puis blâmer avec la sévérité qu'on pourrait y mettre, si les choses s'étaient passées dans d'autres circonstances, car, je le répète, c'est principalement au désir de la Chambre de faire continuer ensemble les deux monuments, l'église de Laeken et la colonne du Congrès qu'il faut reporter jusqu'à un certain point la responsabilité de ce qui s'est passé.

La section centrale a proposé un crédit ; elle a demandé quelle était l'évaluation de l'architecte ; celui-ci n'a pu donner qu'une évaluation in globo, et c'est cette évaluation qui se trouve dépassée aujourd'hui. Voilà, messieurs, la vérité sur l'affaire de Laeken.

En dehors de là, il n'y a rien, et si l'on veut bien répartir la responsabilité de cette situation, on reconnaîtra qu'il en revient une partie à la Chambre et une partie au gouvernement de l'époque.

On a cédé alors à un mouvement qui s'explique parfaitement par le souvenir que cette église avait pour objet de consacrer ; et je ne pense pas qu'il nous convienne de nous montrer si sévères pour ceux qui s'y sont laissé aller.

La véritable faute qui a donc été commise, c'est qu'en 1853, avant d'adopter des changements, l'on n'ait pas fait faire un devis détaillé ; mais encore y eût-il eu des augmentations de dépense, car en 1852 il était impossible de prévoir l'augmentation qui devait résulter de la reprise des affaires en 1853, 1854 et 1855.

M. Hymans, rapporteur. - Cela peut-il faire une différence d'un million ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a pas une différence d'un million.

M. Hymans, rapporteur. - Je le prouverai tout à l'heure.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ferai remarquer d'abord que je ne crois pas à vos preuves. J'ai examiné toutes les pièces et je puis certifier que cette différence n'existe pas. Ah ! si vous voulez mettre à la charge de l'architecte de n'avoir pas apprécié, par exemple, le prix d'achat des terrains et des choses qui n'entraient pas dans le programme primitif, vous arriverez peut-être à une différence d'un million.

Mais c'est une manière de calculer, de raisonner qui n'est pas admissible ; il faut voir ce que l'architecte devait, d'après le programme, comprendre dans ses évaluations. Or ces constructions devaient, d'après son appréciation coûter 1,321,000 francs et, en réalité, elles s'élèveront à dix-sept cent et des mille francs et, comme je l'ai dit, la différence sera de 400 mille francs ; voilà la vérité.

Maintenant j'ai à reprendre les différents griefs administratifs qui ont été articulés par l'honorable M. Hymans. Je crois qu'il n'en est pas un seul qui soit fondé.

L'honorable rapporteur constate d'abord que les terrains nécessaires à la construction de l'église que la fabrique de Laeken avait été autorisée à acquérir au prix de 77,500 fr. avaient coûté 99,615 francs.

C'est de la part de l'honorable M. Hymans une très grave erreur. Les terrains que la fabrique de Laeken a été autorisée à acheter 77,500 fr. n'ont coûté que 77,500 fr., c'est-à-dire le prix indiqué dans l'arrêté royal.

Mais l'ensemble des terrains acquis, les frais divers relatifs à ces acquisitions, montent comme cela est indiqué, à 99 mille et des cents francs ; et voici de quoi se compose ce chiffre.

Au prix principal de 77,500 fr. il faut ajouter les frais de l'acte qui se sont élevés à 5,916 fr. 14 c ; lorsqu'il a été décrété qu'une avenue serait construite du pont de Laeken à l'église, un nouveau terrain est devenu nécessaire ; il a été acquis pour une somme de 13,700 fr. C'est un arrêté en date du 9 octobre 1853 qui a autorisé cette acquisition, qui est parfaitement régulière. Les frais d'acte ont coûté 1,574 fr. 11 c, les contributions et réparations à la toiture, les frais de levée des plans complètent les 22,115 fr. 75 c. qui portent la somme de 77,500 fr. à 99,600 fr.

Il est donc tout à fait inexact de prétendre que les terrains dont l'acquisition a été autorisée au prix de 77,500 fr. ont coûté 99,500.

Messieurs, un autre objet des critiques de l'honorable M. Hymans est relatif au tantième attribué à l'architecte.

L'honorable membre nous dit que le ministre, dans sa lettre du 14 février 1859, a appris à la section centrale que l'architecte reçoit 5 p.c. du prix des travaux, sauf déduction de la prime de 5,000 fr., qu'il a touchée comme auteur du plan adopté au concours.

(page 14) Il est étonnant que ce soit ma lettre qui ait appris ce fait à la section centrale ; il résulte de l'arrêté du ministre de l'intérieur et de la justice qui porte : Art. 1, La direction des travaux est confiée à M l'architecte Poelaert. Il lui est attribué à titre d'honoraires et sous la réserve établie dans l'article 13 du programme du concours, une remise de 5 p. c. sur le prix des travaux approuvés et exécutés. (Interruption.)

Cet arrêté règle donc la position des parties quant à l'indemnité, c'est une convention à laquelle elles doivent se soumettre.

La somme de 5 p. c. est-elle exagérée ? Je ne le pense pas ; on vous a cité différents monuments qui ont été construits en Belgique et où les architectes ont reçu une rémunération moins élevée, et on en a conclu qu'il y avait, dans le tantième attribué à M. Poelaert, une très grande exagération.

Je ne puis pas partager cette manière de voir. Il n'y a pas de comparaison à faire entre les bâtiments cités par l'honorable M. Hymans et l'église de Laeken.

On a parlé de l'entrepôt de Bruxelles ; on ne peut pas comparer cette construction au monument artistique dont nous nous occupons.

La construction qui a le plus de rapport avec l'église de Laeken, quant aux difficultés qui se présentent et quant aux soins à donner, c'est l'hôpital St-Jean ; or les honoraires de l'architecte étaient fixés à 5 p. c. pour les premiers 1,500,000 francs et à 3 p. c. pour le reste.

L'église de Laeken offre des difficultés beaucoup plus grandes que la construction d'un hôpital et la rémunération n'est guère plus élevée. Quand on se borne à calculer 5 p. c. sur une somme de 1,500,000 fr. à deux millions, sans réfléchir à la difficulté du travail, à sa durée, aux dépenses auxquelles l'architecte est exposé, on peut trouver la somme très élevée. Mais quand on se dit que la construction doit durer 10 ans, et que l'architecte doit avoir constamment quatre ou cinq employés à son service, il faut reconnaître qu'il n'y a absolument rien d'exagéré dans la somme allouée par l'arrêté du 23 juin 1855 à l'architecte Poelaert.

Du reste, la somme de 5 p. c. est celle qui se paye ordinairement.

On a cité un arrêt de la cour de Bruxelles ; mais que constate cet arrêt ? Il constate qu'il est d'usage d'allouer 5 p. c. à l'architecte.

On a cité aussi ce qui se passait en France, mais en citant ce qui se passait en France, on a oublié beaucoup de choses. L'honorable M. Hy mans a cité un arrêté du 22 juillet 1852.

M. Hymans, rapporteur. - Une loi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Une loi ? Voulez-vous me dire où est cette loi ?

M. Hymans, rapporteur. - Elle est dans le Recueil des lois.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Du tout. C'est un arrêté du ministre des travaux publics, M. d'Argout, et il est du 22 juillet 1852.

Ajoutons que l'honorable M. Hymans a encore oublié de dire que les règles relatives à cet objet sont rapportées.

M. Hymans, rapporteur. - Sous l'empire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non ! Sous la république. Et il a encore oublié de dire autre chose : c'est que ces dispositions n'ont jamais été applicables aux constructions de lia nature de celle dont il s'agit. En 1849 on a abandonné ce système de l'échelle descendantes et l'on a rétabli un tantième à raison des sommes dépensées, et cela s'appliquait exclusivement au département des travaux publics.

Pour le département des cultes, il y a des architectes diocésains, dont l'indemnité a été réglée d'une toute autre manière. Il y a un traitement fixe ; il y a 3 1/2 p. c. ;il y a en outre des frais de déplacement et de séjour, lorsque l'architecte ne demeure pas sur les lieux. Evidemment tous ces avantages réunis équivalent à celui auquel consentaient les honorables MM. Piercot et Faider en 1853.

On a encore cité Daloz. Eh bien, Dalloz constate qu'il est d'usage à Paris d'allouer 5 p. c. aux architectes, et pour les travaux hors de la banlieue, 10 p. c.

Voilà ce que constate Dalloz.et cela n'a pas été cité. Enfin Dalloz, qui défend l'échelle descendante, fait encore une exception, lorsque, comme ici, il s'agit d'un travail artistique.

Ainsi, en allouant en 1853 la somme de 5 p. c. sur les sommes véritablement dépensées, les ministres se conformaient aux usages qui existent en Belgique, qui existent en France, qui existent partout.

Messieurs, la surveillance et les frais auxquels elle donne lieu, ont également fait l'objet des critiques de l'honorable M. Hymans.

Celte surveillance n'a pas été organisée par la commission. Ce sont les ministres de l'intérieur et de la justice qui l'ont fait en 1853, qui ont, d'un commun accord, déterminé le traitement du surveillant pris de l'église de Laeken.

A la date du 30 novembre 1853, M. le ministre de l'intérieur écrivait à M. Poelaert :

« Une décision devant être prise sous peu pour l'exécution des travaux relatifs à la construction des fondations et de la crypte de la nouvelle église de Laeken, il conviendra que des mesures soient arrêtées en temps utile pour organiser la surveillance des travaux.

« Je vous prie de m'adresser, dès que vous le pourrez, vos propositions à cet égard.

« Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.

« Le Ministre de l'intérieur, Piercot. »

En réponse à cette lettre, une proposition fut faite par M. Poelaert, communiquée à la commission, et c'est ensuite que MM. les ministres de l'intérieur et de la justice se mirent d'accord pour la nomination et la fixation du traitement du surveillant qu'ils attachaient à l'église de Laeken. Voici la lettre du 10 septembre à la commission :

« Nous vous autorisons, selon la proposition que vous nous en avez faite, par votre lettre du 17 juillet dernier, n° 10/3, à employer le sieur Bernard Van Agtmael, en qualité de surveillant des travaux à la nouvelle église de Laeken et à lui payer, en cette qualité, une indemnité annuelle de dix-huit cents francs, à compter de son entrée en exercice lors du commencement des nouveaux travaux, après l'approbation, etc.»

Messieurs, le gouvernement était-il tenu de payer un surveillant ? C'est encore une de ces questions qui doivent, je crois, se régler par l'usage. La commission des monuments, consultée depuis sur la question, répondit ce qui suit :

« Bruxelles, le 6 juillet 1857.

« Monsieur le Ministre,

« En réponse à votre dépêche du 5 juillet courant, 1ère division, n°8266, nous avons l'honneur de vous faire connaître que, d'après l'usage généralement adopté, l'architecte doit, moyennant le tantième de 5 p. c., payer les employés chargés de faire tous les plans, dessins, épures, etc., nécessaires pour guider les entrepreneurs et de tenir la comptabilité, mais n'est pas tenu de payer les conducteurs auxquels la surveillance constante des travaux est confiée. »

Certes, messieurs, la commission des monuments est composée des hommes les plus au courant des usages en fait de constructions et tel est son avis.

M. Hymans, rapporteur. - Elle vous a donné tort.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne sais ni où ni quand, mais je constate une chose >c'est que la commission des monuments ; déclarait que l'architecte, moyennant les 5 p. c., était obligé de payerl'es employés chargés de faire les plans, dessins et épures, mais qu'il n'est pas tenu de payer les conducteurs auxquels la surveillance des travaux est confiée. Voilà ce que je constate par une lettre formelle de la commission.

Je passe, messieurs, aux griefs articulés dans le rapport contre la commission qui, elle, a rempli son mandat avec autant d'intelligence que de dévouement et de désintéressement.

Le premier grief, messieurs, qu'on fait à h commission, c'est de n'avoir fait son premier rapport qu'en 1856, alors que, d'après l'arrêté qui l'instituait, elle devait faire un rapport tous les trois mois.

Messieurs, l'explication de ce fait se trouve dans le premier rapport de la commission, en date du 31 décembre 1856. Je crois qu'il suffit de citer. Voici ce qu'elle déclare au début de ce rapport.

« L'article 5 de l'arrêté ministériel du 23 juin 1853 nous prescrit d'adresser, tous les trois mois, au gouvernement un rapport général sur h marche des travaux de l'église monumentale de Laeken, dont la haute surveillance nous a été confiée.

« Jusqu'à présent cette prescription n'a pas été exécutée, parce que jusque dans ces derniers temps l'ensemble des faits que nous aurions eu à vous exposer n'offrait pas assez d'intérêt. Nous nous sommes bornés à vous tenir au courant par notre correspondance journalière et des rapports spéciaux de toutes les affaires de quelque importance qui se sont produites. »

Ainsi, messieurs, le gouvernement était parfaitement tenu au courant ; il recevait des rapports spéciaux sur tous les faits, il y avait une correspondance journalière, la preuve en est dans le volumineux dossier que j'ai devant moi.

L'honorable M. Hymans reproche aussi à la commission d'avoir (page 15) délégué pour la surveillance journalière un de ses membres, M. le colonel Demanet, avec un traitement de 3,400 fr. ; c'est encore une erreur de la part de l'honorable M. Hymans. Ce n'est pas la commission qui a délégué le colonel Demanet, c'est le ministre de la justice lui-même et voici, messieurs, la lettre écrite par mon honorable prédécesseur :

« Messieurs, malgré tout le zèle dont vous faites preuve et dont je me plais à vous témoigner ma satisfaction, il vous est impossible d'exercer une surveillance continue et de chaque jour, telle que l'exige, cependant, la grande importance des travaux dont la belle, bonne et économique exécution est confiée à vos soins.

« En effet, messieurs, il est indispensable de s'assurer toujours de la stricte exécution des entreprises et dans les délais établis ; de la qualité et de la quantité voulues des matériaux livrés et de leur bon emploi ; de la sculpture et taille des pierres ; de réclamer et faire produire assez tôt les nouveaux plans, dessins, devis, cahiers des charges et conditions pour pouvoir être examinés, adoptés et les entreprises faites en temps utile, en sorte que les travaux n'éprouvent plus d'entrave regrettable, de veiller très attentivement à ce que les fonds affectés à la dépense ne soient pas dépassés et à ce que les règles prescrites par la loi de comptabilité soient exactement observées, etc., etc.

« Pour atteindre ce but si nécessaire, j'ai pensé, messieurs, qu'il convient que l'un de messieurs les membres de votre commission soit spécialement délégué pour exercer une surveillance permanente et journalière et préparer pour les soumettre à votre commission, et par celle-ci à mon approbation, toutes les mesures nécessaires à l'effet d'assurer la marche régulière, économique et prompte de la construction dont il s'agit.

Je me suis assuré que M. le colonel Dcmanet consentirait à accepter cette mission ; mais, avant de l'instituer, j'ai désiré, messieurs, m'éclairer de votre avis, et je viens, par la présente, vous prier d'avoir l'obligeance de me le faire connaître dans le plus court délai possible.

Recevez, messieurs, l'assurance de ma haute considération très distinguée.

« Le ministre de la justice. « (Signé) Alp. Nothomb. »

M. Hymans, rapporteur. - Quelle date ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - 3 avril 1856.

M. Hymans, rapporteur. - Il a été nommé en 1853.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je dis qu'jl a été nommé en 1856, et voici la réponse qui fut faite, à la date du 11 avril, par la commission au ministre de la justice :

« Monsieur le ministre,

« La commission de surveillance et d'exécution des travaux de l'église de Laeken s'est occupée, dans sa séance d'hier, de la proposition contenue dans votre dépêche du 5 de ce mois, lrc division, 1er bureau, n°8266. Elle a unanimement reconnu la nécessité et l'opportunité de la mesure que vous avez bien voulu soumettre à son avis et elle a l'honneur, en conséquence, de vous prier de prendre les dispositions nécessaires pour sa mise à exécution dans le plus bref délai possible. »

Il est donc impossible que M. Demanet ait été nommé commissaire délégué en 1853. Cela est complètement impossible, à moins que toutes les pièces du dossier n'aient été falsifiées.

On reproche aussi à la commission de ne pas avoir vérifié les devis. Eh bien, c'est encore un reproche qui tombe devant la simple citation des dates.

La commission a été nommée le 25 juin 1853, après que tous les changements avaient déjà été adoptés.

La commission n'a pas eu de devis à vérifier.

La commission n'a jamais été saisie de devis ; c'était simplement une commission de surveillance et pas autre chose ; les devis, s'ils avaient existé, eussent dû être vérifiés avant la nomination de la commission, car son mandat ne date que d'une époque où déjà tous les plans avaient été adoptés et toutes les modifications admises par le gouvernement et par les Chambres.

Ce reproche donc ne se soutient pas plus que les autres.

M. Hymans accuse la commission d'avoir ratifié des dépenses toujours croissantes et d'avoir laissé grossir le déficit. Rien, messieurs, n'est moins exact. Cela est contraire à tous les faits.

L'augmentation des dépenses d'où procède-t-elle ? Mais elle procède des modifications qui ont été adaptées aux plans, avant même que la commission n'existât, elle n'en est donc responsable à aucun degré.

La commission, messieurs, n'a pas proposé d'autres dépenses que celles que j'ai signalées dans l'exposé des motifs, et qui se montent à la somme de 7,950 fr.

Chaque fois que dans une adjudication dépassait ce qui d'après le devis global devait être affecté à la dépense, la commission signalait le fait au gouvernement, et la commission, bien loin de pousser aux dépenses, a toujours cherché à les diminuer

C'est ainsi qu'après la première adjudication qui avait porté les pierres de taille à un prix exagéré, la commission a voulu faire le revêtement extérieur en briques blanches, ce qui eut produit une notable économie.

Elle a fait plus encore : la proposition du jury était d'augmenter de 50 centimètres la grandeur de tous les entre-axes ou entre-colonnements, la commission a proposé de réduire cet agrandissement à 25 centimètres.

Si je ne craignais de fatiguer la Chambre, je pourrais énumérer six ou sept occasions dans lesquelles la commission a cherché à réaliser des économies sur la dépense.

Enfin, messieurs, on reproche à la commission d'avoir passé un année à rechercher quelles étaient les pierres qui convenaient le mieux. Eh bien, loin de faire de ce chef un grief à la commission, il faut lui en savoir gré ; car, grâce à ses nombreuses recherches, elle a économisé une somme considérable.

A la première adjudication des pierres pour la construction de la crypte, les soumissions pour la fourniture de la pierre de Gobertange portaient les prix de celle-ci à 275 fr. ; pour d'autres pierres du côté de Soignies, 140 et des francs ; si on avait continué à employer les pierres au prix où elles avaient été soumissionnées, il y aurait eu une différence en plus de 657,500 fr. Aussi, comme je l'ai dit, en présence de la somme énorme qui était demandée, la commission proposait de revenir à la construction en briques blanches qui simulent assez bien la pierre de taille.

Cette proposition ne fut pas accueillie par le gouvernement. Que fit alors la commission ?

Elle a cherché en Belgique, en France, en Prusse et en Angleterre où elle pouvait trouver les pierres les plus solides et les moins coûteuses, provenant de carrières suffisantes pour fournir les quantités énormes dont on avait besoin.

Je le répète donc, il faut savoir gré qu'à la commission du temps qu'elle a mis à cette recherche ; dans l'intervalle, les travaux de construction n'ont nullement été interrompus ; la crypte achevée, d'autres travaux ont pu être mis en adjudication, et au lieu des pierres à 140, 160 et 275 fr. le mètre cube, on a employé de pierres de France dont la fourniture a été adjugée à 115 fr.

Les recherches faites par la commission ont donc tourné au profit de l'Etat. Il est bien certain que si la commission n'avait pas fait ces recherches, si elle s'était bornée à accepter les pierres qui sont employées ordinairement pour les petites constructions, elle aurait entraîné le gouvernement dans une dépense beaucoup plus considérable encore que celle qui a été faite.

Messieurs, on a dit dans le rapport, qu'il eût fallu savoir, avant de faire un devis ,quelles étaient les pierres qu'on emploierait.

Et on a oublié que dans le projet primitif, la construction ne devait pas être faite en pierres ; que c'était en briques qu'elle devait avoir lieu ; que ce n'est que postérieurement, au moment de mettre la main à l'œuvre, que le gouvernement, sur la proposition du jury, a décidé de remplacer le revêtement primitif en brique par un revêtement en pierres de taille.

Une autre critique dirigée contre la commission, c'est d'avoir fait fournir des pierres en régie.

Ici encore on n'a tenu compte ni des circonstances dans lesquelles la régie a été proposée par la commission et autorisée par le gouvernement, ni des résultats de cette régie qui ont été des plus avantageux

Les pierres pour la construction de l'église avaient été adjugées à un nommé Cordier au prix de 115 fr. ; quelque temps après, on mit en adjucation la pose de ces pierres, la maçonnerie, plus les moulures.

Après ces deux adjudications, le sieur Cordier souleva des difficultés et refusa de continuer à livrer les pierres au prix convenu de 115 fr.

Ce refus du sieur Cordier exposait le gouvernement, d'un côté à voir retarder la construction de l'église, de l'autre, à des demandes de dommages-intérêts de la part de ceux qui avaient entrepris la maçonnerie, la pose des pierres et les moulures, puisqu'ils avaient sur les lieux des ouvriers qui attendaient les matériaux dont ils avaient besoin pour les travaux qu'ils avaient entrepris.

(page 16) Dans cet état de chose, la commission crut devoir proposer au gouvernement de faire fournir le restant des pierres en régie : proposition qui fut adoptée par le gouvernement.

Comme je l'ai dit, les résultats de cette régie ont été des plus avantageux ; ils sont constatés par des documents qui ne souffrent pas la moindre contradiction. Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire, les pierres avaient été adjugées an sieur Cordier, au prix de 115 francs le mètre cube. Par suite de la fourniture en régie, ces mêmes pierres ne coûtent que 84 fr.40 c.

Il y a plus : ces pièces ont subi des opérations de moulure grossière et de moulure unie qui étaient adjugées elles-mêmes au prix de 12 fr. à d'autres entrepreneurs, de sorte qu'on a aujourd'hui pour fr. 84-10, ce qui, d'après l'adjudication, coûterait certainement bien au-delà de 127 fr.

Voilà quel a été le résultat de la régie.

Il y a eu, rien que pour la différence entre le prix des pierres que devait fournir le-sieur Cordier, et ce prix des pierres fournies en régie, une diminution de prix de 186,782 fr., sans tenir compte du travail qu'elles avaient reçu en plus et qui figurent dans ce prix de fr. 84-20.

L'opération de la régie a donc produit les plus exccllents résultats.

Dans son rapport, M. Hymans fait observer que lorsqu'on travaille en régie, il faut autant que possible faire travailler à la pièce. C'est le seul moyen d'avoir un travail économique.

L'honorable rapporteur aurait pu voir. dans un des rapports de la commission que c'était précisément ce qu'avait fait la commission qui dit tout au long dans son rapport du 6 juillet 1857 que les travaux de la régie ont marché de lz façon la plus satisfaisante et qu'on s'est attaché, surtout pendant ce trimestre, à organiser le travail à la pièce et qu'aujourd'hui ce mode de travail est presque le seul en vigueur.

Voilà ce qui se trouve tout au long dans le rapport de la commission du 6 juillet 1857. Elle avait donc devancé de quelques années les désirs de l'honorable rapporteur.

L'honorable rapporteur dit aussi qu'on ne manquera pas d'entrepreneurs, qu'il est, par conséquent, inutile de recourir à la régie.

Cela est peu en concordance avec les faits, car dans toutesl'es adjudications des prix exagérés ont été demandés.

M. Hymans. - C'est que les cahiers de charges étaient mal faits

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non, les cahiers de charges, les devis n'étaient pas mal faits. Et je puis citer un fait qui s'est produit sous mon administration, et qui prouve que ce n'est pas à ces documents que l'on peut attribuer ces demandes exagérées.

En 1856, il a été mis en adjudication une quantité de 10.264 mètres cubes de maçonnerie et adjugés au prix de 167,051 fr. 20c.

En 1859, 8,000 mètres cubes sont mis en adjudication et l'on demande 435,000 fr. C'est-à-dire que pour 8,000 mètres on demande 267,000 fr. de plus que pour les 10,000.

2,000 mètres cubes de moins et 267,000 francs de plus :|ce prix était exorbitant, quoique la maçonnerie dut être élevée à une plus grande hauteur ; la différence du cahier des charges est sans importance.

Sur la proposition de la commission, l'adjudication ne fut pas pas approuvée. Une seconde adjudication eût lieu. Dix soumissions furent déposées. Elles variaient de 450,000 à 435,000, sauf une seule qui était de 247,152 francs.

On a traité pour 229,000 francs. Il y a donc eu une différence entre les soumissions premières et l'adjudication de 206,000 francs et cependant le cahier des charges était resté le même.

Ce qui a pu influer sur la soumission, c'est que le travail exécuté pour la construction de l'église de Laeken n'a pas de précédent à notre époque, en Belgique nous n'avons eu dans ce genre que des restaurations de certains monuments et les entrepreneurs pouvaient craindre de s'engager dans une voie inconnue.

M. Hymans, rapporteur. - II fallait faire un devis de la dépense.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais il y avait des devis, mais les devis de celui qui fait construire ne détermine pas les prix de l'entrepreneur.

Pour établir encore d'une manière plus complète combien la régie a été utile, je vais citer quelques faits.

Pour la taille des pierres, pour les grosses moulures, le prix payé par suite d'adjudication a été de 12 fr. et la taille unie de 7 fr. 50 c.

Le prix en régie a été de 6 fr. 77 c. pour les moulures, pour la taille unie de 1 fr. 79 c.

Voilà la différence.

Pour le sciage, l'entrepreneur a demandé d'abord 4 fr. si l'on voulait lui assurer toute l'entreprise et 4 fr. 50 c. si on la limitait aux seuils des fenêtres. Il a réduit ensuite son prix à 3 fr. 65 c., et enfin à 3 fr. 40 c.

Ce même travail coûte en régie 83 c. tout compris.

Vous voyez donc que la régie a été plus avantageuses et que si elle n'avait pas existé, ce serait une somme bien plus forte que nous eussions dû demander pour achever l'église de Laeken.

Enfin, messieurs, l'on a posé comme règle de bonne comptabilité que les ingénieurs conducteurs ne devaient pas avoir le maniement des fonds.

Sous ce rapport encore on a devancé les désirs de l'honorable rapporteur, car il y aurait des comptalecs spéciaux pour tout ce qui s'est fait à l'église de Laeken et les membres de la commission n'ont pas eu le maniement des deniers.

Enfin, messieurs, le dernier grief que j'ai à relever est relatif à la construction d'un échafaudage.

L'honorable M. Hymans nous dit :

« D'après l'exposé des motifs, il avait été dépensé au 1er décembre 1858, pour échafaudages, 77,902 francs

« Il résulte du premier rapport que le 29 juin 1856, l'échafaudage avait été adjugé au sieur Billen, pour la-somme de 35,000 francs. Dans le rapport du 4 janvier 1857, il figure pour près du double c'est-à-dire 65,902 francs, sans autre explication. Le rapport du 6 avril 18'i8, nous apprend ensuite que l'on vient d adjuger l'exhaussement de l'échafaudage, au sieur Thion, au prix de 24,000 francs, et ce travail fut terminé pendant le trimestre suivant. Ces comptes nous donnent pour prix total des échafaudages une somme de 89,902 francs au lieu de 77,902 qui figurent à l'exposé des motifs. »

Ces différences ont évidemment besoin d'être expliquées.

Messieurs, l'explication de ce fait est des plus simples. D'abord, il ne résulte nullement du premier rapport, comme le dit l'honorable M. Hymans, que, le 29 juin 1856, la construction de l'échafaudage ait été adjugé au sieur Billen pour 35,000 fr. ; cela ne résulte d'aucun rapport. Il résulte, au contraire, de ce rapport que sur le prix de l'échafaudage adjugé au sieur Billen, il lui a été payé 35,000 fr. à titre d'à-compte.

M. Hymans, rapporteur. - Il y a « à compte soldé. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Sans doute, c'est un à-compte payé ; mais il ne résulte nullement du rapport invoqué, que tout l'échafaudage aurait été adjugé pour 35,000 francs.

Voici ce qui a eu lieu : L'entreprise a été faite à bordereau de prix, les bois pour l'exhaussement étaient fournis au fur et à mesure de l'avancement des autres travaux.

Lors de la rédaction du premier rapport de 1856, il avait été fourni du bois jusqu'à concurrence de 35,000 francs ; et plus l'échafaudage s'élevait, plus les fournitures de bois augmentaient ; et c'est ainsi qu'il a été payé au sieur Billen la somme de 65,902 fr. que comportait son adjudication. Plus tard, et le bâtiment s'élevant toujours, on a mis en adjudication l’exhaussement de l'échafaudage, et c'est ainsi que le sieur Tihon est devenu adjudicataire du surplus de la construction. Tout cela est donc parfaitement régulier. Et si l'honorable M. Hymans veut bien en faire la recherche, il trouvera, dans le rapport même de 1856, la preuve évidente que le prix de l'entreprise n'avait pas été soldé en entier à cette époque.

Voici, entre autres, ce qui se trouve dans le rapport de 1856 : « Les travaux de l'échafaudage ont été faits avec soin, mais ils ont éprouvé des retards considérables sur une partie desquels il reste encore à statuer. » Voilà donc la preuve que quand ce rapport a été fait, l'échafaudage n'était pas payé ; qu'il n'y avait de soldé qu'un à-compte, comme du reste le terme l'indique.

Je crois, messieurs, avoir rencontré tous les griefs, adressés et à la commission et au délégué ainsi qu'à mes prédécesseurs ; et je termine en rendant de nouveau hommage au zèle, au dévouement, à l'intelligence de la commission, et en particulier de M. Denanet, à qui M. Nothomb dans de nombreuses lettres au dossier a rendu les témoignages les plus éclatants. Je m'y associe avec d'autant plus de plaisir qu'après le rapport fait à la Chambre, M. Demanet a donné sa démission et que ce n'est qu'à mes pressantes sollicitations qu'il a consenti à la retirer et à conserver les fonctions qu'il a si consciencieusement remplies.

(page 17) Soyez bien persuadés, messieurs, que, sans le concours de la commission et de M. Demanet, des dépenses que déjà vous trouvez très élevées l'eussent été bien davantage.

MpVµ. - La parole est à M. J. Jouret.

M. J. Jouret. - Le rapport de l'honorableMl. Hymans ayant été attaqué assez vivement dans quelques-unes de ses parties, l'honorable rapporteur m'a témoigné le désir de le défendre immédiatement ; je lui cède donc volontiers la parole.

M. Hymans, rapporteur. - Messieurs, le discours que vous venez d'entendre m'a fait revenir à l'esprit un souvenir historique que je vous demande la permission de vous communiquer. Lorsque le 25 août 1559, Philippe II s'embarqua à Flessingue pour se rendre en Espagne, après avoir reçu des états généraux de nos provinces des marques non équivoques d'un mécontentement qui devait se traduire bientôt en une révolution, il se tourna vers le prince d'Orange et, lui montrant le poing, il s'écria avec une rage toute castillane : « Ce ne sont pas les états qui ont fait l'opposition ; mais vous, vous, vous seul ! »

Il est certes bien loin de ma pensée d'établir une analogie quelconque entre moi-même et le plus illustre libéral du XVIème siècle, entre M. le ministre de la justice et le plus illustre despote de cette époque. Mais je n'ai pu m'empêcher de trouver une grande similitude entre les deux situations.

Eh quoi ! voici une affaire qui, depuis son origine jusqu'à ce jour, n'a été qu'un tissu d'irrégularités d'abus de toute espèce ; une affaire qui a ému le pays : une affaire sur laquelle deux sections centrales successives et la Chambre elle-même se sont exprimées dans les termes les plus vifs et les plus amers, et dans tout cela il n'y a qu'un seul coupable : l'administration est innocente, sans reproche, vierge, immaculée, inviolable ; il n'y a qu'un seul coupable, c'est la section centrale ; que dis-je ? c'est son rapporteur.

Eh bien, messieurs, cette position, quelque difficile, quelque pénible qu'elle soit ; quelles que soient les conséquences qu'elle entraîne avec elle ; cette position, je l'accepte. J'accepte, vis-à-vis de la Chambre et du pays, la responsabilité tout entière de mon rapport ; et si la Chambre veut bien m'écouter avec quelque indulgence, j'espère bien parvenir à démolir tout l'échafaudage si habilement élevé par M. le ministre de la justice ; et cela, rien qu'avec le dossier très volumineux émané de son département.

Et d'abord, messieurs, permettez-moi de le dire, il ne s'agit pas ici pour moi d'une question personnelle ; je ne me suis pas préoccupé un seul instant, dans l'examen de cette affaire, de la question de savoir quel était le ministre en cause, que ce soit l'honorable M. Tesch, que ce soit l’honorable M. Nothomb, que ce soit l'honorable M Faider, peu m'importe ! J'ai devant moi le gouvernement, le gouvernement être moral et responsable.

Je n'ai vu dans l'exercice de ma mission que la pratique du droit accordé par la Constitution à la Chambre, de surveiller, de contrôler l'emploi des deniers publics. Si l'on devait me reprocher d'apporter trop de zèle à l'accomplissement d'une pareille tâche, je m'en consolerais, que dis-je ? j'en serais heureux et fier.

Je ne suivrai pas l'honorable M. Tesch sur le terrain où il a essayé de déplacer la question ; je ne dirai rien de désagréable à personne ; la raison en est simple : j'ai les mains tellement pleines d'arguments, qu'il n'y a-plus de place pour y mettre des personnalités.

Messieurs, je ne veux pas abuser des moments de la Chambre, j'entrerai immédiatement en matière.

Je demanderai la permission de reprendre cette affaire à son origine que l'honorable ministre n'a fait qu'indiquer, afin de démontrer la progression non arithmétique, mais géométrique, des abus qui se sont produits.

Le 14 octobre 1850, quatre jours après la mort de notre auguste Reine, un arrêté royal décida qu'une église serait construite à Lacken à sa mémoire.

Ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai vu que la qualification de « monumentale » ne se trouve que dans les pièces qui nous ont été communiquées depuis 1853 ; ce mot ne se trouve pas dans l'arrêté primitif ; il est dit dans l'arrêté du 14 octobre 1850 qu'une église sera érigée en commémoration de la Reine à Laeken, « pour tenir lieu de l'église paroissiale de cette commune, laquelle n'est plus en rapport avec le nombre des fidèles et se ressent de son état de vétusté. »

Il ne s’agit pas là d'ériger une cathédrale comme celle de Reims ou de Ste-Gudule, il ne s'agit pas de construire un St-Denis belge pour la sépulture de nos rois, mais de construire une église rurale à proximité de la résidence du souverain, pour satisfaire au vœu exprimé par la Reine d'être ensevelie à Laeken.

C'était plutôt un lieu de pèlerinage, une chapelle, qu'une église qu'il s'agissait de construire. J'ajoute que la dépense de ce monument dépendait en grande partie du concours qu'apporteraient les fidèles. On ouvrit une souscription, et le prix qu'on mettrait au monument dépendait de la somme que donnerait cette souscription.

Il s'agissait d'ériger à la mémoire de notre Reine si regrettée un monument qui fût l'expression exacte, sincère du regret de nos populations. En 1851, lorsqu'on sut ce que la souscription avait produit, on décida que l'on élèverait une église dont la dépense pourrait montera 800,000 francs. Dans le programme que l'on avait mis un an à étudier et dans lequel on avait été jusqu'à parler du nombre de personnes que l'église pourrait contenir, du nombre de clochers, de la sonnerie, du nombre de chaises qu'on pourrait placer, on avait eu soin de dire que l'architecte devrait joindre à son devis les métrés, indiquer la nature des matériaux, les nivellements, etc.

Dans cette appréciation du prix on ne tenait pas compte de la nature et de la situation des terrains, on ne tenait pas compte des travaux nécessaires à l'embellissement de la place environnante, de la direction ou de la surveillance des travaux, des frais de concours, du coût des cérémonies publiques auxquelles le commencement de la construction et la consécration du monument pourraient donner lieu un jour.

Il était facile de prévoir qu'un jour ou l'autre on devrait demander un crédit pour terminer l'édifice.

En effet, la nécessité de ce crédit fut indiquée en'1853, dans la discussion du budget de la justice, et au mois de juin de la même année, la Chambre spontanément, sur la proposition de M. de Haerne, qui avait été chargé de faire un rapport sur un crédit demandé pour l'achèvement de la colonne du Congrès, vota un crédit de 450,000 fr. pour parer aux éventualités et à l'achèvement du monument en cinq ans ; c'est ce qui se trouve formellement inscrit dans le rapport de l'honorable M. de Haerne. Dans quelles conditions ce crédit a-t-il été alloué ? C'est sur ce point que M. le ministre s'est perdu dans le vague le plus complet, c'est ici pourtant que commence l'histoire parlementaire de cette entreprise.

Le jury avait accordé le premier prix à M. Poelaert et il avait nécessairement exclu du concours (il le devait, c'était son devoir) les architectes dont les plans dépassaient les devis qui avaient été stipulés dans l'arrêté royal instituant le concours.

Cependant, après avoir couronné un plan dont l'auteur s'était renfermé strictement dans le devis de 800,000 francs, le jury déclara que ce plan était trop simple. M. Ic ministre de la justice trouve cette déclaration aussi simple que le plan. Pour ma part, je ne puis pas lui donner raison sur ce point. Il est évident qu’un jury établi pour juger un concours, dans certaines conditions, n’a pas à se préoccuper de ce qui se présente en dehors de ces conditions.

M. J. Jouret. - Ce n’était qu’un vœu.

M. Hymans, rapporteur. - Ce n'était qu'un vœu, me dit-on. Cela est exact. Seulement ce vœu était exprimé un an après le premier rapport du jury. Le rapport du jury accordant le prix à l'architecte Poelaert, était daté du mois de juillet 1852, et la lettre dans laquelle le jury réclamait l'adoption d'un plan plus riche, d'un plan entièrement nouveau, porte la date du 8 mars 1853.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a pas de plan nouveau.

M. Hymans, rapporteur. - Nous allons voir. Le jury émet le vœu que l'église soit moins simple, qu'on fasse des pignons, une façade riche, qu'on fasse en un mot une cathédrale là où il s'agissait de construire une simple chapelle. Le gouvernement donne raison à ce jury qui s'occupait évidemment de ce qui ne le regardait pas.

Qu'y a-t-il à faire dans cette circonstance ? Si le gouvernement était convaincu qu'il fallait une église qui coûtât 1,200,000 fr. au lieu de 800,000, que devait-il faire ? Il devait ouvrir un nouveau concours ou admettre au concours les auteurs des plans dont les devis s'élevaient au-delà de la somme de 800,000 fr. Il ne devait pas traiter, sans consulter personne, avec l'architecte qui n'avait obtenu le prix que parce qu'il s'était maintenu dans le devis primitif. Il y avait des plans admirables ; je les ai vus, je les ai étudiés ; et il résulte des faits de cette époque que des architectes ont été mis hors de concours et ont reçu des (page 18) primes extraordinaires, parce que leurs plans étaient remarquables, étaient dignes d'être exécutés, mais étaient hors des conditions du concours.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est inexact.

M. Hymans, rapporteur. - Lisez les journaux de l'époque.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Lisez le rapport du jury. Cela vaut beaucoup mieux que les journaux de l'époque.

M. Hymans, rapporteur. - Il fallait me le communiquer. Je ne l'ai pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est au Moniteur.

M. Hymans, rapporteur. - Du reste, ceci est un détail.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement, au lieu d'ouvrir un nouveau concours, s'entendit avec le lauréat et en outre avec la commission des monuments, et il se fabriqua ainsi, comment ? je l'ignore, un devis officiel sur lequel la Chambre se fonda pour accorder le crédit de 450,000 francs voté en juin 1853.

Ce crédit de 450,000 fr., qui élevait la dépense totale de l'église à 1,100,000 ou 1,200,000 fr., devait évidemment tout comprendre. Car il est bien évident que lorsque l'on fait le devis d'un bâtiment, de la construction d'un édifice, quel qu'il soit, que ce soit un particulier ou le gouvernement qui entreprenne cette construction, le prix du terrain, le prix de tous les acccssoires est nécessairement compris dans la dépense prévue. Et si le bon sens ne nous indiquait pas cela, nous en trouverions la preuve la plus formelle dans un document officiel du département de la justice que j'ai ici entre les mains.

Dans une lettre, adressée le 15 avril 1859 par M. le ministre de la justice à la section centrale chargée d'examiner cette déplorable affaire, il est dit : « Le rapport de l'honorable M. de Haerne fait mention d'un devis officiel de 1,100,000 fr. Mais ce doit être l'effet d'un malentendu. » Remarquez qu'on découvre ce malentendu en 1859, tandis que le chiffre du devis officiel se trouve dans les Annales parlementaires de 1853... Ce doit être l'effet d'un malentendu ! Il n'y avait qu'un devis officiel de 871,000 fr. ; mais la dépense était supposée grosso modo devoir s'élever au moins à 1,100,000 fr., en ne se bornant pas à la construction telle que la comportait le plan primitif.

On comprenait donc dans le devis définitif, le prix du terrain, le prix de la décoration, le prix de l'ameublement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais non.

M. Hymans, rapporteur. - Et en effet, lorsque la Chambre a décidé qu'elle votait un crédit pour achever l'église de Laeken dans le terme de cinq années, ce n'était pas pour construire les quatre murs. La Chambre voulait que l'église fût consacrée en même temps qu'on inaugurerait la colonne du Congrès, et cette volonté est indiquée de la manière la plus formelle dans le rapport de l'honorable M. de Haerne. Du reste, je vais vous donner lecture (car je tiens à mettre les points sur les i en présence des dénégations si formelles de M. le ministre de la justice) de ce que disait le rapport de l'honorable M. de Haerne (page 1688 des Annales parlementaires, session 1852 à 18535).

« Après avoir examiné les plans, devis et comptes relatifs au monument à ériger en mémoire du Congrès, la section centrale s'est livrée à une étude semblable en ce qui concerne le monument commémoratif de la Reine. La section centrale, après avoir examiné les pièces fournies par le ministère, trouva qu'il y avait lieu de voter une somme de 450,000 fr. »

Les pièces fournies par le ministère de la justice ! Et M. le ministre de la justice prétend aujourd'hui qu'il n'y en a jamais eu. Quelles sont ces pièces ? Où les a-t-on prises ? Je n'en sais rien. Toujours est-il qu'en 1859, dans la première discussion de ce crédit, un honorable membre de la droite a dit qu'on avait trompé la Chambre, et je commence à croire qu'il avait raison.

Je continue la citation du rapport de l'honorable M. de Haerne. « La dépense pour le monument de la Reine est portée, d'après le devis officiel, à 1,100,000 francs. »

Cela se trouve en toutes lettres dans les Annales parlementaires, et il y a entre parenthèses. « Voir l'annexe B. » Je prends l'annexe B et j'y lis : « Le devis proposé par la commission des monuments et approuvé par le gouvernement porte la dépense à 1,100,000 francs. »

Aujourd'hui on vient dire qu'il n'y a pas de devis.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous avez dit que vous l'aviez.

M. Hymans, rapporteur. - Quand je vois l'affirmation qui n'a pas été démentie, d'un homme aussi digne de foi que l'honorable M. de Haerne, je dois croire à ses paroles.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). -Vous avez dit que vous aviez le devis.

M. Hymans, rapporteur. - J'ai dit que j'avais la preuve qu'il y avait un devis. Je ne comprends pas que M. le ministre de la justice vienne s'inscrire en faux contre les Annales parlementaires.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne me suis pas inscrit en faux contre les Annales parlementaires. J'ai cité moi-même ce qui se trouve dans le rapport de l'honorable M. de Haerne. Vous m'avez dit : J'ai le devis.

M Hymans, rapporteurµ. - Ce qui se trouve dans le rapport de l'honorable M. de Haerne est une erreur ou un mensonge ; et je n'oserais certes pas suspecter la bonne foi de l'honorable membre.

D'après le rapport de l'honorable M. de Haerne, on a soumis à la section centrale un devis. Donc il en est ainsi, et qu'aujourd'hui ce devis n'existe pas, qu'il ait été inventé pour la circonstance/cela ne me regarde pas.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai dit qu'il n'y avait pas de devis.

M. Hymans, rapporteur. - Le gouvernement a dit qu'il y en avait un ; s'il n'y en avait pas, ce n’est pas à moi qu'il faut s'en prendre.

Comme je le disais tout à l'heure, messieurs, c'est donc là, c'est en 1853 que commence pour la Chambre le droit d'examiner cette affaire. A partir de ce moment la Chambre a passé l'éponge sur tous les faits qui s'étaient présentés, elle a donné un bill d'indemnité au gouvernement qui avait ratifié les propositions du jury faites en dehors de l'accomplissement de son mandat ; la Chambre a voulu qu'une somme nouvelle de 450,000 fr. fût consacrée à l'achèvement de l’église de Laeken.

Si tout s'était arrêté là, personne n'aurait rien à dire ; mais que s'est-il passé ? De 1853 à 1859, c'est-à-dire pendant six années, la Chambre n'a plus entendu parler de cette affaire, personne ne s'est occupé de la question de savoir s'il y aurait une église à Laeken ou s'il n'y en aurait pas.

Du reste on ne doit guère s'étonner de voir traîner la construction d'une église quand on voit un escalier comme celui de Ste-Gudule rester en construction pendant sept à huit ans ; quand on a vu la colonne du Congrès à l'état de ruine pour ainsi dire avant d'avoir été commencée.

Ce qu'il y avait de plus clair, c'est qu'aux termes de la loi votée en 1853, l'église de Laeken devait être terminée en 1858, et loin que l'église soit terminée en 1858, le gouvernement vient demander en 1859 un nouveau crédit de 450,000 fr, non pour achever, mais pour continuer les travaux, et il déclare dans l'exposé des motifs, page 8 : « que ses prévisions ne reposent encore que sur des chiffres approximatifs. »

C'est ainsi, messieurs, qu'en 1859 le gouvernement (et je le répète encore une fois, quand je dis : « le gouvernement »' je ne dis pas l'honorable M. Tesch, je dis : « le chef du département de la justice »), c'est ainsi qu'en 1859 le chef du département de la justice vient déclarer qu'on a dépensé 1,010,853 fr. Il reste à dépenser pour la construction proprement dite, 1,047,765 fr., ce qui fait en tout 2,058,620 fr., soit une dépense supérieure de 858,620 fr. au devis existant ou non existant, mais soumis à la Chambre et approuvé par la commission des monuments en 1853.

Remarquez, messieurs, que je ne compte pas ici l'ameublement, la décoration, qui sont encore estimés d'autorité par l'exposé des motifs, je ne sais sur quelles données, estimés d'autorité à 889,432 francs, ce qui doit porter le total de la dépense à 2,948,052 francs, autant dire 3 millions.

Maintenant, messieurs, est-ce là un fait qu'on puisse faire considérer comme régulier ? Veut-on que, sans aucune discussion, la Chambre aille accorder un bill d'indemnité à de pareils abus ? Cela me paraît tout à fait impossible.

La Chambre en a jugé comme moi en 1859, et quoi que j'aie pu dire dans mon rapport, quoiqu'il puisse m'échapper dans la discussion, je ne dirai rien d'aussi énergique, d'aussi carré, d'aussi ferme, d'aussi désagréable au département de la justice que ce qui a été dit dans la discussion du 14 mai 1859.

C'est à cette époque que l'honorable comte de Renesse, dont personne, évidemment, ne révoquera en doute la modération, demandait que le gouvernement comminât des pénalités contre les architectes qui dépassaient dans une pareille proportion leurs devis. L'honorable comte ajoutait :

« Je ne crois nas qu'il appartienne à une commission directrice de faire de nouvelles extensions aux constructions qu'elle est chargée de surveiller. »

L'honorable M. Coomans disait qu'« on avait rusé avec la Chambre. » L'honorable M. Orts, disait (et l'honorable M. Orts avait présidé la (page 19) section centrale) : « La section centrale veut faire un exemple, elle veut punir quelqu'un, elle veut punir quelque chose. »

Enfin, l'honorable M. Dumortier disait avec cette verdeur, avec ce pittoresque qui caractérise son langage : « Cette affaire n'a été d'un bout à l'autre qu'un tripotage. »

Eh bien, messieurs, je n'ai certes rien dit d'aussi fort dans mon rapport. Et cependant, à l'époque où l'honorable ministre de la justice venait réclamer ce crédit de 450,000 francs, de quoi s'agissait-il ? Il s'agissait de mettre l'église sous toit. Il est dit page 8 de l'exposé des motifs :

« Il est plus que nécessaire de pouvoir comprendre dans les travaux de la campagne la couverture des nefs dont les plans sont à peu près terminés et dont la dépense est évaluée à 164,000 francs. »

Il s'agissait donc en 1859, lorsqu'on venait demander 450,000 fr., il s'agissait de mettre l'église sous toit avant la fin de la campagne. Eh bien, je me suis donné la peine, afin d'éviter des contestations inutiles, je me suis donné la peine d'aller voir et je n'ai pas aperçu la moindre toiture.

Non seulement il n'y a pas de toiture à la fin de 1860, alors que cette toiture aurait dû être terminée en 1858, mais il n'y a pas même de charpente pour la placer. (Interruption.) Le fait est là, que M. le ministre de la justice se donne la peine d'aller à Laeken ; il fait beau et il pourra constater l'exactitude de ce que j'avance.

En ce moment-ci on travaille à la construction des voûtes, mais, en définitive, pour dire ma pensée en un seul mot, quand il pleut, il pleut dans l'église.

Je demanderai encore à la Chambre quelques moments d'attention, puis je remettrai la fin de mon discours à demain. Je désire aborder aujourd'hui ce qui concerne la commission. (Parlez ! parlez !)

Messieurs, il se présente ici une question que nous avons à examiner tout d'abord et qui est, en définitive, la question principale. L'exagération de la dépense est aujourd'hui constatée, personne ne peut la nier ; autant vaudrait nier la lumière.

Mais par quels moyens est-on arrivé à cette exagération de dépense ? Voilà la question que nous avons à examiner.

Je ne suivrai pas l'honorable ministre de la justice dans une discussion où il a parlé de toute espèce de choses auxquelles la Chambre ne pouvait rien comprendre. L'exposé des motifs parle d'entre-axes, de voltiges, de baliveaux, de bardage, d'épannelage, de lits, de joints, de parements, de queue, etc.

Tout cela est une phraséologie, qui tient, dans l'exposé des motifs, la place qu'occupaient, selon la spirituelle remarque de M. le ministre des finances, les bas produits, les mélassess, les décharges, les arrière-produits dans la question des sucres !

Laissons là tous ces mots et entrons dans le fond de la question.

La commission a été nommée par un arrêté royal du 23 juin 1853. Quels sont les pouvoirs de cette commission ? Je vais en prendre la définition dans une pièce officielle signée par l'honorable ministre de la justice et adressée par lui, le 14 février 1859, à la section centrale de l'église de Laeken.

Les attributions de la commission sont d'examiner les plans, devis et cahiers des charges, de les soumettre avec son avis au gouvernement, d'assurer l'exécution de ces plans et conditions, après leur approbation, de veiller à la bonne qualité des matériaux, de délivrer des certificats de payement des travaux exécutés, et de rendre compte au ministre de toutes les difficultés qui peuvent survenir, en lui faisant des propositions motivées pour leur solution, etc.

Il s'agit donc de surveiller l'exécution des plans, de faire en sorte que l'architecte se tienne dans les limites du devis, de résoudre des questions contentieuses.

Maintenant s'il est vrai qu'en matière générale tout ce qui n'a pas été défendu par la loi est permis, on peut dire qu'en matière d'attributions un mandat est essentiellement limitatif ; je pourrais vous citer vingt autorités pour une, qui déclarent qu'une commission n'a pas d'autres règles à suivre que le mandat qui lui est donné.

Eh bien, je le demande, la commission est-elle restée dans son mandat, en adoptant les changements qui sont indiqués aux pages 3 et 4 de l'exposé des motifs ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les changements étaient décrétés avant que la commission existât.

M. Hymans, rapporteur. - Permettez-moi de m'expliquer tout à fait, vous me répondrez ensuite.

La commission, vous l'avez dit tout à l'heure, n'a, de son autorité privée, ordonné des dépenses que pour une somme de 7,950 francs ; mais la commission a laissé porter à la somme de 868,700 fr., indiquée à la page 5 de l'exposé des motifs, les dépenses que le devis de 1853, devis qui peut-être n'a pas existé, mais qui, dans tous les cas, a été communiqué à la section centrale dont l'honorable M. de Haerne était rapporteur, évaluait à 450,000 fr.

D'après l'honorable ministre de la justice, le gouvernement a approuvé ces changements. Mais je demanderai comment il se fait que le gouvernement, qui avait approuvé ces changements, ne soit venu en demander la ratification à la Chambre qu'en 1859 ? C'est parce qu'il ne lui restait plus d'argent ; c'est poussé par la faim que le loup est sorti du bois. II n'y avait plus d'argent en caisse ; sans cela, on n'aurait réclamé l'approbation des Chambres que dans dix ans, dans vingt ans, et peut-être jamais.

C'est donc en 1859 que le gouvernement est venu demander la ratification de la législature.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une erreur ; c'est contraire aux faits...

M. Hymans, rapporteur. - Aux vôtres, mais pas aux miens. J'ajoute que, dans les rapports de la commission, il n'y a aucune trace de ces propositions ; je défie M. le ministre de la justice de m'en indiquer une.

La commission dit dans son rapport du 31 décembre 1856, rapport que je tiens ici et que je tiens à la disposition de mes honorables collègues qui veulent vérifier l'exactitude de mes paroles ; la commission dit qu'il ne s'est rien passé d'intéressant depuis 1853 ; et c'est précisément dans l'intervalle de 1853 à 1856 que la commission a décidé que la dépense primitive de 450,000 fr. serait majorée de 800,000 fr.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a pas tin mot d'exact.

M. Hymans, rapporteur. - J'ai ici la pièce et j'y lis : (L'orateur donne lecture de cette pièce).

Maintenant est-il vrai ou non que c'est en 1853, après le vote du crédit accordé par la Chambre, que la commission de l'église de Laeken a décidé cette augmentation ? Car enfin vous ne viendrez pas dire que la commission a mis en adjudication des fondations, des fournitures de pierres, des travaux de toute espèce, sans savoir à quoi elle s'engageait ; qu'elle laissait acheter un terrain par le conseil de fabrique, sans savoir ce qu'elle allait faire construire sur ce terrain. L'honorable ministre de la justice vous a dit tout à 1'heuro qu'on avait décidé que la dimension de l'église serait augmentée ; il était donc naturel que le terrain fût augmenté aussi.

L'honorable ministre de la justice a dit que la commission des monuments (interruption), ou n'importe quelle autre commission, car nous sommes dans un dédale de commissions, avait décidé qu'on augmenterait la dimension de l'église, que l'on construirait une façade riche au lieu d'une façade simple. Tous les travaux ne devaient coûter que 450,000 fr. ; or, jusqu'à présent, ils ont coûté plus d'un million.

Eh bien, c'est ce que la commission a décidé de son autorité privée, de 1853 à 1856. Si elle n'avait pas décidé cela, il eût été impossible de mettre en adjudication les fournitures nécessaires pour les travaux.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Tout cela n'a pas le sens commun.

M. Hymans, rapporteur. - Si j'avais perdu le sens commun, depuis que je me suis occupé de cette affaire de l'église de Laeken, cela n'aurait rien d'étonnant. Mais M. le ministre de la justice ne peut pas nier que je fonde mes assertions sur des pièces officielles.

La commission a été nommée, je tiens à m'expliquer complètement sur ce point, la commission a été nommée deux jours après la promulgation de la loi qui a accordé le crédit de 450,000 fr. Ce crédit étant voté, on décida une augmentation de dépense de 868,700 fr.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Par suite des changements que le jury avait indiqués.

M. Hymans, rapporteur. - C'est sur ce point même que roule toute la discussion entre vous et moi. Vous prétendez toujours qu'il n'y a pas eu de devis communiqué à la Chambre et quant à la preuve qu'il a existé c'est qu'il se trouve indiqué, renseigné aux Annales parlementaires, qu'il y est dit qu'il avait été fourni par la commission des monuments et que personne ne l'a contesté.

Et comment expliquerez-vous que ce devis global de 1,101,000 francs se soit trouvé être de 2 millions le jour où l'église de Laeken est entrée en construction ?

M. le ministre de la justiceµ. - C'est que les changements décrétés ont coûté plus qu'on ne s'y attendait.

M. Hymans, rapporteur. - Décrétés par qui ?

(page 20) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Par le gouvernement et les Chambres.

M. Hymans, rapporteur. - Les Chambres ont autorisé une dépense de 450 mille fr. pour achever l'église de Laeken en cinq ans, pour parfaire la construction tout entière avec la décoration et l'ameublement, et en somme, aujourd'hui il se fait que la dépense totale est de 3 millions, et il se trouvera que c'est le rapporteur de la section centrale qui est l'inventeur de cette augmentation incroyable !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce que j'ai dit, je le maintiens et je le prouverai demain par des pièces officielles. Je désire que sur ce point la Chambre réserve son opinion. Demain j'établirai les faits de manière à ne plus laisser de place à la discussion.

M. Hymans, rapporteur. - Je regrette que cela n'ait pas eu lieu en section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On ne m'a rien demandé.

M. Hymans, rapporteur. - Nous avons ici le dossier complet.

Dans sa lettre, M. le ministre dit : « J'ai l'honneur de vous adresser le dossier complet. »

Depuis lors M. le ministre a bien voulu ajouter les rapports qui vont jusqu'au commencement de 1860. S'il y a eu autre chose à son département, je m'étonne qu'il ne l'ait pas communiqué.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'aurais donc dû communiquer toute la correspondance ?

M. Hymans, rapporteur. - Evidemment.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On n'a rien demandé de semblable. Pas un mot n'a été dit à cet égard.

M. Hymans, rapporteur. - Ceci étant réservé pour demain, je dirai qu'il m'importe peu à moi de savoir qui est le principal coupable.

M. le ministre de Ja justice défend la commission de l'église de Laeken ; c'est son devoir et son droit ; mais la Chambre a aussi un devoir et un droit, c'est de constater les abus et de discuter les actes des fonctionnaires.

Cette théorie, je crois que M. le ministre de la justice la professe comme moi. Je me rappelle que l'année dernière, à propos d'une autre affaire qui avait aussi sa gravité, dans l'affaire de la garde civique d'Etterbeek, M. le ministre de la justice déclarait à ceux qui soutenaient la thèse opposée à la mienne, car j'étais alors d'accord avec lui, qu'il n'avait pas à se préoccuper de ce qu'avaient fait les fonctionnaires de l'Etat dans cette circonstance, que chacun avait rempli son devoir comme il l'entendait, qu'il n'y avait pas eu de réclamations contre les actes des fonctionnaires et qu'il n'avait pas à intervenir dans leur liberté d'action.

En somme, nous nous trouvons ici en présence de ce dilemme : Ou bien le gouvernement a ratifié les actes de la commission et alors il est coupable, car les Chambres ne lui avaient pas donné le droit de les ratifier, ou bien le gouvernement a maintenu la commission après avoir désapprouvé ses actes et alors il est plus coupable encore.

Du reste, je ne suis pas fâché d'avoir l'occasion de m'expliquer d'une manière bien franche et bien nette sur ce système des commissions, ce système commissionnel qui tend à tout envahir en Belgique et a supprimer en quelque sorte la responsabilité des ministres.

Les commissions sont des paravents très commodes derrière lesquels se cache la responsabilité ministérielle.

Quand en veut faire traîner une affaire, on nomme une commission.

Veut-on se soustraire à une obligation déplaisante, on nomme une commission.

Si la Chambre a décidé qu'une réforme est indispensable, soyez persuadés qu'on trouvera une commission pour déclarer qu'elle est impossible.

- Un membre. - On en trouvera même deux.

M. Hymans, rapporteur. - Les commissions sont composées presque toujours, je le reconnais, d'hommes éminents, irréprochables, placés au-dessus de tout soupçon et dont on peut attendre une direction utile et raisonnable pour les affaires publiques.

Mais, mon Dieu ! ces hommes sont nommés très souvent, je pourrais citer des exemples, de 3 ou 6 commissions à la fois, de sorte qu'il est impossible de s'occuper d'une seule des affaires dont ils sont chargés.

S'il arrive alors qu'il se trouve dans une commission un homme qui ait des loisirs, qui n'ait pas autre chose à faire que de s'occuper de la question en jeu, qui tienne à attacher son nom à une œuvrer, à traiter la question d'une manière approfondie, à signer quelque remarquable rapport, cet homme mènera la commission et en fera ce qu'il voudra.

Il arrivera, je ne veux rien dire de déplaisant à personne, ce qui a lieu ici à la Chambre dans la commission des pétitions avec notre excellent collègue M. Vander Donckt.

En matière d'art, messieurs, le système des commissions est un véritable fléau, et j'en ai la conviction intime, si les artistes de notre temps avaient en eux quelque chose de ces sentiments d'indépendance qu'avaient les artistes du temps passé, si les artistes de notre époque attachaient à la réalisation de leurs idées cette importance qu'y attachaient les artistes des siècles passés qu'on nous a appris à admirer, ces auteurs de tant de chefs-d'œuvre livrés au respect des âges, ils diraient : Nous ne voulons pas de vos commissions, nous récusons leur autorité. De deux choses l'une : ou nous sommes capables ou nous ne le sommes pas. Si nous sommes capables, laissez-nous la responsabilité de nos œuvres et de nos idées, laissez-nous-en l'honneur et la gloire. Si nous sommes incapables, ne nous confiez pas vos travaux.

Mais enfin si l'on veut nommer des commissions à tout prix, qu'elles restent dans le mandat qu'on leur confère. Je le répète avec une conviction profonde, la commission de l'église de Laeken est sortie de son mandat, et si le gouvernement a approuvé ses actes il est aussi coupable qu'elle.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.