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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 14 décembre 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 219) (Présidence de M. E. Vandenpeereboom, premier vice-présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Snoy, secrétaire, procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des officiers pensionnés prient la Chambre de mettre le montant de leur pension en rapport avec la valeur actuelle de l'argent de manière à les rétablir au taux où ils étaient proportionnellement en 1814. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Warneton demandent l'établissement d'un service de poste concordant avec le premier train partant de Comines. »

- Même renvoi.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition, datée de Bruxelles, le 17 septembre 1860, le sieur Theys demande que, dans le traité de commerce à négocier avec la France, l'industrie bronzière soit traitée sur un pied d'égalité.

Messieurs, le pétitionnaire fait valoir plusieurs griefs : ainsi, l'industrie des bronzes est traitée sur un pied tel, que toute faveur est accordée aux bronzes français, tandis que nos bronzes sont repoussés à la frontière française.

Nos passementiers sont placés dans des conditions d'infériorité vîs-à-vis des passementiers français et anglais.

Les orfèvres se plaignent, eux, d'être obligés de travailler l'argent au titre de 830 millièmes, tandis que les orfèvres allemands et français introduisent leurs ouvrages au titre de 813 et 800 millièmes. En outre, nos orfèvres ont un contrôle fort élevé à payer tandis que leurs concurrents vendent avec le simple appoint d'un poinçon de fabricant.

Les carrossiers demandent pourquoi la France refuse nos voitures fabriquées avec des ressorts français, de la soie française, des passementeries et des plaqués français. Les libraires ne savent pas pour quelle raison ils sont obligés de payer à la France un droit d'entrée de 20 fr. les 100 kilog. de livres, tandis que celle-ci n'en paye que 10 à la Belgique dans les mêmes conditions.

Les typographes, enfin, qui reçoivent de France de l'encre d'imprimerie surchargée du simple droit de deux francs, sont forcés d'en payer 20 s'ils introduisent de leur encre en France. Les pétitionnaires terminent en disant :

« Nous ne demandons pas de nous protéger contre la France, nous n'en avons pas besoin, mais faites lever la prohibition qui pèse sur nos produits et traitez-nous sur un pied d'égalité parfaite avec les Français. Sinon que désormais leurs bronzes ne paraissent pas plus en Belgique, que les nôtres ne paraissent en France. »

Messieurs, la pétition est conçue en termes tels, qu'elle n'a point paru à votre commission de nature à pouvoir être renvoyée à M. le ministre ; toutefois elle a cru pouvoir user d'indulgence et faire un appel à l'indulgence de la Chambre, en proposant à l'assemblée le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai lieu de croire que le gouvernement a connaissance des doléances faites par un grand nombre d'industriels. Il me paraît assez étrange et irrationnel que la France prohibe nos bronzes,-nos pianos, nos passementeries, orfèvreries, voitures, livres, typographies et une foule d'autres objets, ou si elle ne les prohibe pas d'une manière absolue, les frappe du moins de droits exorbitants et équivalant à une prohibition en règle, tandis qu'en Belgique on reçoit les objets similaires français moyennant 5, 10 ou 15 p. c. Pourquoi nos livres, pour entrer en France, payent-ils 20 p. c, tandis que les livres français, pour entrer en Belgique, ne payent que 10 p. c. ?

Puisque le gouvernement connaît ces griefs qui sont très fondés, je pense qu'il doit y avoir égard dans le traité de commerce qu'il est à la veille de conclure avec la France.

Par les motifs qui viennent d'être exposés par l'honorable rapporteur, je ne m'oppose pas à ce que la pétition soit simplement déposée au bureau des renseignements ; mais je recommande l'objet de cette pétition à toute la sollicitude du gouvernement. Car trop d'intérêts y sont engagés, et nos libraires, nos typographes et surtout nos facteurs de pianos, ont à se plaindre du tarif actuel de douane en France.

M. Jamar. -Messieurs, les faits que signale la pétition dont l'analyse vient de nous être présentée, méritent de fixer l'attention du gouvernement. Je suis convaincu, du reste, que sa sollicitude a déjà été éveillée sur la situation de l'industrie des bronzes.

Depuis dix à quinze ans, cette industrie a pris des développements considérables. Des établissements importants, disposant de capitaux suffisants, ont offert au talent de nos artistes et à l'intelligente activité (page 220) de nos ouvriers l'occasion de se produire dans les meilleures conditions.

Une seule cause entrave l'essor complet de cette industrie ; c'est celle que signale la pétition : l'inégalité choquante des tarifs douaniers belge et français. Ainsi, tandis que les bronzes français ne payent, à l'entrée en Belgique, que 6 p. c, les bronzes belges sont prohibés en France. Il suffit, messieurs, d'indiquer une semblable situation pour la condamner.

Je ne demande pas de protection pour notre industrie des bronzes je ne demande qu'une réciprocité équitable.

Messieurs, la pétition signale également la situation fâcheuse faite la typographie belge. Je ne puis m'empêcher de signaler à M. le ministre des finances ce que cette situation offre d'anomal.

La convention littéraire conclue avec la France en 1854 a jeté un perturbation sérieuse dans cette industrie. Lors des discussions qui eurent lieu dans cette enceinte, à cette époque, plusieurs orateurs notamment l'honorable M. Verhaegen, sur les bancs de la gauche et l'honorable M. Dumortier, sur les bancs de la droite, signalèrent au gouvernement les droits que cette situation créait pour l'industrie de la typographie à la sollicitude du gouvernement. Jusqu'à présent, je dois le dire, cotte sollicitude ne s'est pas traduite en fait. En attendant, je crois qu'il est équitable de voir disparaître la protection dont jouissent toutes les industries françaises qui tiennent à la typographie. Ainsi, les droits qui grèvent nos livres, nos caractères, nos papiers, nos encres d'imprimerie à l'entrée en France sont doubles de droits que les produits similaires français payent à l'importation en Belgique et cela sans aucune raison d'être.

L'exposé des motifs du projet de loi approuvant la convention littéraire avec la France indiquait la différence de main-d'œuvre entre Bruxelles et Paris pour justifier de cette inégalité.

Eh bien, cette différence n'existe pas en réalité entre la Belgique e tla France ou, si elle existe, elle est tout à l'avantage de la France.

Ainsi, dans 20 localités reliées à Paris par des chemins de fer, à Saint-Cloud, à Versailles, à Sceaux, il existe d'importants établissements typographiques dont les prix de fabrication sont inférieurs aux prix payés en Belgique, à Bruxelles même.

Deux autres villes de France, Tours et Limoges, ont presque le monopole du marché européen pour certaines catégories de livres par suite de leurs conditions de fabrication.

Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet plus longuement. Du reste, je ne veux pas me placer, sur cette question, au point de vue industriel seulement.

Le congrès de la propriété littéraire, réuni à Bruxelles au mois de septembre 1858, exprimait à l'unanimité le vœu de voir disparaître toute entrave douanière à la circulation des livres et des objets d'art.

La Chambre elle-même s'est associée à un vœu analogue, exprimé par la section centrale chargée de faire le rapport sur la convention littéraire conclue entre la Sardaigne et la Belgique et dont l'honorable M. Hymans était rapporteur.

Je crois que le traité avec la France nous offre l'occasion de réaliser une pensée grande, généreuse, digne de la sympathie de tous les hommes d'intelligence et de cœur.

C'est à ce titre aussi que je crois pouvoir demander à M. le ministre des finances de faire tous ses efforts, dans le nouveau traité de commerce avec la France, pour faire consacrer ce principe, si fécond pour les progrès de la civilisation, de la libre circulation des œuvres de l'intelligence humaine.

M. de Haerne. - Messieurs, je m'associe au vœu exprimé par l'honorable préopinant ainsi que par l'honorable M. Rodenbach.

Je crois qu'on a raison d'insister pour que dans le traité qu'on espère conclure avec la France, on obtienne l'égalité de traitement réciproque dans l'intérêt des deux nations, et je reconnais que cette égalité n'a pas été introduite dans le traité précédent, comme l'a constaté très bien l'honorable M. Jamar.

Mais je vois que l'on confond le grand traité commercial, le traie proprement dit, avec la convention littéraire qui a été conclue à la même époque, et qui avait pour mesure corrélative et en quelque sorte pour correctif, la convention dite commerciale.

Il est vrai que ces deux dernières conventions ont été présentées ensemble avec le traité et par le même projet de loi ; mais comme le traité principal, le grand traité de commerce, expire avant les deux conventions, qui ont encore cinq ans à courir, l faut distinguer.

Je me rallie cependant, pour le fond, aux observations de l'honorable membre, en ce sens que je reconnais que des inégalités ont été consacrées dans la convention littéraire vis-à-vis de la Belgique en faveur de la France. C'est là une raison d'insister pour obtenir des conditions plus équitables dans le traité de commerce à conclure et dont on s'occupe sérieusement en ce moment.

Quelle est la compensation qui nous a été donnée pour la convention littéraire ? cette compensation, qui certes n'était pas suffisante pour la Belgique, mais qui a été considérée comme telle par la France, c'est qu'au lieu de la prohibition qui existait précédemment sur les articles coton et laine ou mélangés, on nous a fait espérer, par la convention commerciale, qui devait servir de compensation à la convention littéraire, un placement sérieux pour ces articles, sur le marché français, à la faveur d'un droit qu'on appelait modéré.

On a établi un droit de 25 p. c., prétendant qu'avec ce droit les étoffes belges dont il s'agit auraient pu se placer en France. Alors déjà, ayant eu l'honneur d'être rapporteur de la section centrale qui avait examiné les trois arrangements diplomatiques, j'ai eu l'occasion de dire, au nom de cette section, dans le comité secret qui eut lieu à ce sujet dans la Chambre que je pensais que ce droit était beaucoup trop élevé, surtout d’après la méthode alors appliquée en France, pour le compte-fils, quant à la distinction à faire entre le fil simple et les autres. On nous a donné alors quelques assurances à cet égard, assurances puisées dans les bureaux, par la voie administrative, mais dont je doutais un peu ; car elles ne me paraissaient guère fondées. Eh bien, l’expérience nous a prouvé que nous n’avions eu que trop raison de nous mettre en garde contre le langage qui nous a été tenu à cette époque.

Tous ceux qui sont engagés dans cette industrie dont les sièges principaux sont établis à Bruxelles, à Tournai, à Courtrai, à Roulers et dans une bonne partie de la Flandre occidentale, tous savent que ces étoffes ne parviennent guère à pénétrer en France, parce que le droit de 25 p. c. doit être considéré comme un véritable droit prohibitif.

J'en conclus donc qu'il n'y a pas eu égalité de traitement dans la convention littéraire et dans la convention commerciale qui devaient en quelque sorte s'équilibrer. Maintenant qu'on est sur le point de conclure un nouveau traité avec la France, il faut espérer qu'on parviendra à faire disparaître cette inégalité de traitement, qui est un des plus grands arguments qu'on puisse invoquer pour obtenir de meilleures conditions dans ce grand traité de commerce, qui est en voie de négociation.

- Le dépôt de la pétition au bureau des renseignements est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Lierre, en juin 1860, des bateliers, propriétaires de bateaux et négociants, à Lierre, demandent que le tarif du canal de Lierre à Grobbendonck soit mis sur le même pied que celui des autres canaux, et spécialement du canal d'Anvers à Grobbendonck, en tenant compte des longueurs comparées de ces deux voies de navigation.

Messieurs, les pétitionnaires se plaignent surtout de ce qu'un droit de passe est encore perçu à l'écluse du Moll établie à la bifurcation des deux Nèthes.

Depuis que l'Etat a repris ces deux rivières et depuis qu'elles ont été canalisées, des arrêtés royaux les ont mises sur un pied de parfaite égalité avec toutes les autres voies navigables de la Belgique. Il ne semble donc pas équitable de maintenir ce droit de passe à l'écluse du Moll, qui a été établi autrefois par la ville de Lierre lorsqu'elle avait l'administration de la rivière dont il s'agit. C'est du moins ce que prétendent les pétitionnaires.

Votre commission, messieurs, conclut au renvoi de leur pétition à MM. les ministres des finances et des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 26 novembre 1860, le sieur Stainier, combattant de 1830 demande la pensions dont jouissent les décorés de la croix de Fer.

Par pétition datée de Bruxelles, le 29 novembre 1860, le sieur Furnémont, blessé de 1830, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une récompense.

Par pétition sans date, les sieurs Van den Wouwere et de Laet demandent qu'il soit accordé une marque de distinctions particulière à tous les citoyens qui n'ont pas été récompensés pour la part active qu'ils ont prise à la conquête de l’indépendance nationale.

Messieurs, votre commission a entendu comprendre ces trois pétitions qui oui beaucoup d'analogie et tendans même but, dans un même rapport.

(page 221) La première est celle du sieur Stainier ; il paraît que dans la répartition qui a été faite il y a un malentendu, parce qu'il y a eu deux frères qui ont été combattants de 1830, dont l'un a obtenu la pension, l'autre à cause de la similitude de nom a été écarté ; il demande aujourd’hui à la Chambre de vouloir recommander sa pétition au ministre de l'intérieur.

La deuxième est celle du sieur Furnémont qui a reçu à Namur deux blessures, l'une au genou, l'autre à la main, pour lesquelles il se croit en droit de réclamer la pension comme tous les autres blessés et combattants de Septembre ; c'est surtout à Namur qu'il s'est distingué en 1830, dans la défense de la ville contre les Hollandais.

La troisième pétition est celle des sieurs Van den Wouwere et de Laet qui demandent qu'il soit accordé une marque particulière de distinction ou la pension de 250 fr., ce qui est bien le but de tous les frères d'armes qui n'ont pas jusqu'à présent obtenu de récompense nationale. La commission vous propose de renvoyer toutes ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach. - Tout en appuyant les conclusions de l'honorable rapporteur, je dirai que je suis convaincu qu'on rendra justice à ces pétitionnaires, d'autant plus que, lors de la discussion du budget de l'intérieur, M. le ministre a fait entendre que les fonds consacrés aux blessés de Septembre et aux décorés resteront affectés à cet objet et que les 250 fr. seront accordés, d'après les paroles du ministre de l'intérieur, à tous ceux qui y auront droit, et je crois que les pétitionnaires cités par le rapporteur sont dans ce cas.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loi autorisant un transfert au sein du budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Gobletµ. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi présenté, le 22 novembre 1860, et relatif à un transfert de 600,000 francs dans le budget de la guerre.

- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du jour.

Projet de loi portant le budget des travaux publics de l’exercice 1861

Discussion générale

(page 231) M. H. Dumortier, rapporteur. -Messieurs, il y a quelques années, le chemin de fer était l'objet de longues discussions dans cette Chambre ; depuis deux ou trois ans les discussions sur cette importante question sont singulièrement écourtées ; cependant à côté des grandes questions agitées autrefois, entre autres celle de savoir si l'exploitation de notre réseau doit être maintenue à l'Etat ou si, dans l'intérêt public, il faut la livrer à l'industrie privée, beaucoup de points méritent encore de fixer notre attention ; une de ces questions a été traitée à la fin de la séance d'hier par l'honorable M. Vermeire : c'est la question des tarifs.

L'honorable membre a dit avec beaucoup de raison que les tarifs des chemins de fer devraient être simplifiés et que le gouvernement devrait adopter pour taux de ces tarifs une progression descendante à mesure que les distances parcourues et les quantités transportées deviennent plus considérables. Ce principe est le véritable principe qui devrait être mis en pratique, maintenant que notre réseau nationale est à peu près achevé.

Mais il ne suffit pas d'indiquer en théorie, d'une manière générale, certains principes, certaines formules et certaines propositions. Il serait bon aussi de donner quelques indications, quelques renseignements pratiques qui pourraient être utiles au gouvernement pour faire passer ces principes du domaine de la théorie dans les faits, dans l'administration. Je suis persuadé que mon honorable collègue et ami serait en mesure de fournir sur ce sujet beaucoup de renseignements utiles, et je l'engage, quand il parlera encore des tarifs, d'entrer un peu plus dans le côté pratique de la question. Je vais avoir tout à l'heure l'honneur de vous fournir quelques indications qui me semblent de cette nature.

A côté de la question générale des tarifs vient une question d'une très grande importance, c'est celle des tarifs spéciaux. L'honorable membre en a parlé également hier.

Vous le savez, messieurs, autrefois, le gouvernement faisait avec certains particuliers des contrats par lesquels il accordait des réductions sur les prix de transport. Ce mode de procéder fut vivement attaqué. On disait, et non sans quelque raison, que la plupart de ces contrats étaient secrets, qu’ils ne pouvaient pas être contrôlés par l’opinion public et par les concurrents des industries qui obtenaient ces faveurs.

Cependant le principe en lui-même était bon, était efficace. Car, comme le disait avec beaucoup de sens l'année dernière l'honorable M. Sabatier, il est impossible que, dans une exploitation aussi considérable que celle-là, qu'elle soit dirigée par l'Etat ou qu'elle soit dirigée par l'industrie privée, il est impossible, pour avoir une exploitation fructueuse, de maintenir des tarifs inflexibles, inamovibles, qui ne laissent aucune espèce de marge à l'administration.

Ceci avait amené le gouvernement, lorsque l'honorable ministre des finances remplissait les fonctions de ministre des travaux publics, a décider en principe la suppression de tous ces contrats particuliers pour les remplacer par des tarifs spéciaux ; c'est-à-dire que, tout en adoptant le principe de certaines réductions à cause de la quantité et de la fréquence des transports qui se faisaient sur tel ou tel point, en admettant ce principe, on rendait ce bénéfice général. Ce n'étaient plus des contrats particuliers, c'étaient des tarifs spéciaux. Celui qui se trouvait dans les conditions exigées par le gouvernement pouvait obtenir la faveur ; elle était accordée au vu et au su de tout le monde.

Lorsque l'honorable ministre des travaux publics actuel a pris la direction de ce département, c'est dans cet état qu’il a trouvé cette importante question.

Dans une des dernières séances de l'année 1859, si je ne me trompe, l'honorable ministre nous avait promis de l'examiner à fond et de faire des efforts pour nous apporter une solution.

Je désirerais savoir si l'honorable ministre est arrivé à une solution satisfaisante. Toutefois, je n'aurais pas de reproches à lui adresser s'il répondait que les études ne sont pas terminées, car je reconnais que c'est là une des questions les plus épineuses, les plus difficiles qui puissent se présenter.

Non seulement, le gouvernement a à prendre garde de porter la perturbation dans un grand service publis, mais à côté de l'intérêt du public et de l'intérêt du trésor, il y a l'intérêt des transports par les canaux et rivières qui doit aussi être pris en sérieuse considération. Je me déclarerai donc satisfait si l'honorable ministre répond que les études sont sérieusement poursuivies et que, dans un avenir qui ne sera pas trop éloigné il espère arriver à la solution de cette importante question.

Messieurs, pour pouvoir établir un tarif qui décroisse en raison de la distance parcourue et de la quantité de marchandises transportées, il faut chercher à introduire certaines réductions dans les dépenses d'exploitation.

Je crois que l'on pourrait arriver à diminuer ces dépenses entre autres par ce moyen-ci.

Ce serait de faire construire en plus grande quantité des waggons de 15 tonnes au lieu de waggons de 5 et de 10 tonnes. Permettez-moi, à ce sujet, de vous présenter quelques chiffres ; je tâcherai d'être aussi bref que possible.

Ce genre de discussion n'est pas très attrayant, mais en fait de chemins de fer on ne peut pas éviter les chiffres.

Un waggon de 5 tonnes (T) pèse 3,200 kil., coûte 2,100 et a une longueur de 5 mètres.

Un waggon de 10 tonnes (T) pèse 4,000 kil., coûte 2,460 et a une longueur de 6 mètres.

Un waggon de 15 tonnes (T) pèse 5,000 kil., coûte 2,600 et a une longueur de 6 mètres.

Pour transporter 500 tonnes, il faut :

60 waggons de 5 tonnes, coûtant 126,000 fr.

ou 30 waggons de 10 tonnes, coûtant 72,000 fr.

ou 20 waggons de 15 tonnes, coûtant 52,000 fr.

Supposant un trajet de 100 kil. et tenant compte de ce fait qu'en moyenne plus de la moitié des retours s'effectue à vide, on trouvera que pour un transport utile de 30,000 tonnes-kilomètres, on a dans le premier cas transporté un poids mort ou inutile de 28,800 tonnes-kilomètres ou 83 p. c. du poids utile ;

Dans le deuxième cas, 18,000 tonnes-kilomètres ou 60 p. c ;

Dans le troisième cas, 15,000 tonnes-kilomètres ou 50 p. c.

La partie de voie nécessaire pour remiser le matériel employé dans les gares de chargement, d'évitement, de déchargement, sur les quais et dans les magasins, serait, dans l'hypothèse précitée, respectivement de 500 mètres, de 180 et de 120 mètres ; si donc il n'existait pas de considérations qui fissent désirer le maintien des waggons de 5 et de 10 tonnes, il est évident qu'il y aurait tout avantage à n'employer que des waggons de 15 tonnes.

Aussi sur les canaux et les rivières, voyons-nous les bateaux prendre la forme qui permet de transporter la plus grande charge, eu égard aux dimensions des écluses et à la profondeur du tirant d'eau.

Quelques essais qui ont été faits de waggons de 15 tonnes ont donné de bons résultats.

On ne doit d'ailleurs pas perdre de vue que les waggons de 15 tonnes ne pèsent guère plus que ceux de 10 tonnes ; que leur prix de revient est également à peu près le même, et finalement que la longueur est identique. On pourrait donc souvent même les utiliser avec avantage au transport des charges de 10 tonnes.

On demandera peut-être : Pourquoi s'arrêter au chiffre de 15 tonnes pourquoi ne pas aller au-delà ?

La raison en est simple. Le waggon de 15 tonnes, pesant avec sa charge 20 tonnes, on obtient 10 tonnes pour chaque essieu ; poids qui se rapproche de celui supporté par les axes des locomotives.

On peut admettre que de même que la capacité des bateaux est déterminée par les dimensions des écluses et par le tirant d'eau, de même le poids maximum des waggons devrait être déterminé par celui qui est supporté par les axes des locomotives.

D'autres moyens ont été indiqués pour faire transporter avec moins de frais une plus grande quantité de marchandises. L'un de ces moyens consiste à approprier deux caisses à chaque waggon, de cette manière lorsqu'une caisse a subi des avaries, le train continue son service et la caisse seule reste à l'arsenal pour être réparée.

Je crois qu'à cet égard des essais ont été faits en France, mais je n'en connais pas encore les résultats. C'est un point que je me borne à indiquer au gouvernement.

Un autre point qui est également essentiel, c'est la comptabilité. Il est fort difficile dans l'état actuel des choses, pour les membres de la Chambre et pour toutes les personnes qui s'occupent de l'étude des chemins de fer, de se faire une idée exacte de la situation. Les chiffres fournis n'indiquent très souvent que des prévisions, mais les dépenses réelles ne peuvent que très difficilement être constatées.

Pour faire comprendre l'anomalie qu'offre cette situation, permettez-moi de vous citer quelques exemples.

On travaille quelquefois à l'arsenal de Malines soit pour l'industrie privée belge, soit pour l'étranger.

Je suppose que l'arsenal figure au budget de l'exercice 1860 pour une somme de 100,000 francs de dépenses et que d'autre part en (page 232) fournissant certains travaux à l'industrie privée il est réalisé un bénéfice de 10,000 francs.

Ces 10,000 fr. rentreront dans ce que l'on désigne sous le nom de produits indirects du chemin de fer, ils seront versés dans les caisses du ministère des finances ; mais dans les pièces officielles qui nous sont fournies aucun changement ne sera porté au chiffre de 100,000 francs qui sont censés représenter la dépense réelle qui en 1860 aura été affectée à l'arsenal.

Autre exemple : l'Etat aura acheté une certaine quantité de billes qui auront été transportées sur un point de la voie. Cette acquisition sera parfaitement constatée dans les livres de la comptabilité, mais ce qui ne sera pas constaté c'est l'emploi de ces billes.

Les machinistes obtiennent une prime pour l'économie qu'ils mettent dans la consommation du charbon. Si un machiniste avait employé une partie de ces billes à chauffer sa locomotive, cette soustraction ne pourrait pas être constatée par la comptabilité actuellement en usage.

Il faudra donc chercher à vérifier ce mode de comptabilité ou plutôt à étendre à tout le service le système récemment adopte pour le contrôle du combustible. Il faudra s'efforcer d'y introduire une comptabilité qui se rapproche autant que faire se pourra de celle de l'industrie privée.

Actuellement, il faut bien le reconnaître, certaines dispositions de la loi du 15 mai 1846, sur la comptabilité de l'Etat, sont un obstacle à la réforme que j'indique.

Il serait bien difficile d'appliquer aux fonctionnaires du chemin de fer toutes les dispositions de cette loi ; l'article 52 entre autres porte :

« Les agents des administrations générales commis à la garde, à la conservation et à l'emploi du matériel appartenant à l'Etat, sont responsables de ce matériel et ils en rendent compte annuellement à la cour des comptes.

« Les comptes renseignent : les quantités et valeurs en magasin, les entrées, les sorties, la mise en consommation, en vente et au rebut, et les parties anéanties.

« Des procès-verbaux constatent ces divers mouvements et mutations dans cette partie du service.

« Ces agents sont soumis, comme les comptables en deniers, à un cautionnement envers l'Etat. »

Or, messieurs, quand on considère que le magasin central renferme des valeurs pour une somme d'environ 4 millions, l'arsenal pour une somme de 5 millions et qu'en outre l'Etat a une vingtaine de dépôts d'une valeur moyenne de 70,000 à 80,000 francs ; quand on considère qu'à la rigueur les fonctionnaires sont responsables même de l'emploi de toutes ces valeurs.il faut reconnaître que c'est là une responsabilité de nature à effrayer beaucoup de fonctionnaires. J'appelle toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cet important objet et je l'engage vivement à faire faire les études les plus sérieuses sur le meilleur système de comptabilité et de contrôle qui pourrait être introduit dans le service du chemin de fer.

Je crois que le meilleur système à adopter pour arriver le plus promptement à une solution, ce serait de nommer une commission peu nombreuse et composée des hommes les plus compétents qui examineraient à fond cette question.

Je dis peu nombreuse, car j'ai toujours remarqué que ce sont les commissions de ce genre qui font les meilleurs travaux.

Je dois à la vérité de reconnaître que l'administration n'a pas été sans s'occuper de la réforme de la comptabilité. La nouvelle comptabilité-matière appliquée au combustible en est la preuve ; mais il arrive souvent aujourd'hui que les projets des uns entravent ceux des autres et que ces complications retardent ou empêchent d'aboutir à un système complet.

Messieurs, j'ai encore quelques autres considérations à présenter mais il n'entre pas dans mon intention de les exposer en ce moment. Il faut éviter de compliquer la discussion générale de toute espèce de questions secondaires et de détail. Il est nécessaire que nous maintenions de l'ordre dans le débat. Je me réserve donc de reprendre la parole lorsque nous en serons aux articles.

Messieurs, je ne puis m'asseoir sans constater que le rapport sur les opérations du chemin de fer, tel qu'il nous est fourni depuis deux ou trois ans, est un travail extrêmement remarquable, recherché avec avidité, non seulement par l'industrie privée en Belgique, mais encore à l'étranger. J'ai cru faire chose utile en présentant, dans le rapport de la section centrale, d'une manière très sommaire, quelques-unes des données que l'on trouve dans ce remarquable document.

(page 221) M. Vermeire. - Messieurs, mon intention n'est pas de prolonger ce débat. Ainsi que l'a constaté l'honorable rapporteur de la section centrale, il serait désirable qu'on fît examiner, promptement, toutes les questions qui concernent le transport des marchandises par le chemin de fer. L'honorable membre croit qu'on atteindrait facilement ce but en nommant une commission peu nombreuse qui se chargerait de formuler des propositions et de les présenter, soit au gouvernement, soit à la Chambre. Je pense que ce serait plutôt au gouvernement qu'à la Chambre que des propositions devraient être faites.

Déjà, et à plusieurs reprises, des commissions se sont occupées de l'examen de toutes les questions qui se rattachent à l'exploitation du chemin de fer.

J'ai moi-même fait partie d'une commission, laquelle était assez nombreuse, et s'était subdivisée en sous-commissions ; une de ces sous-commissions devait s'occuper principalement des travaux à exécuter au chemin de fer ; une autre, de la traction ; une troisième, de toutes les questions qui intéressent la tarification des transports. J'ai même, au nom d'une de ces commissions fait un rapport qui a été publié par le gouvernement, rapport dans lequel nous concluions à ce qu'on présentât promptement un projet de loi pour régler la tarification des transports des marchandises par chemin de fer. Nous nous basions principalement sur cette considération que la loi constitutive des chemins de fer dispose que les péages doivent être perçus en vertu d'une loi, et que ce n'est que provisoirement qu'on avait délégué au gouvernement le pouvoir de fixer lui-même les tarifs.

Maintenant, messieurs, beaucoup d'expériences ont été faites, et je crois qu'au département des travaux publics on doit être mieux à même, que ne pourrait l'être une commission, de formuler des conclusions et de présenter un projet ou du moins de dresser un tarif qui servirait de base, à l'avenir, au péage à prélever sur le chemin de fer.

M. H. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Vermeire. - Il est une autre question qui a été traitée par l'honorable rapporteur de la section centrale et sur laquelle je ramène un moment votre attention ; c'est celle qui concerne les tarifs spéciaux.

Pour moi, j'ai toujours pensé que le chemin de fer, exploité par le gouvernement, devait l'être à des conditions égales pour tous.

C'est en ce sens que si le gouvernement accorde une réduction pour le transport de certaines marchandises à une distance indiquée d'avance, et e même réduction dot être accordée à tous ceux qui, dans les mêmes conditions, feraient des transports identiques.

Eh bien, il n'en est pas ainsi aujourd'hui. Le chemin de fer n'est pas exploité dans ces conditions d'égalité, et il y a des stations de certaines lignes qui ont des faveurs alors que ces mêmes faveurs ne sont pas concédées à d'autres stations.

Je m'explique :

Sur le chemin de fer de Dendre et Waes, on accordait des faveurs à deux stations seulement, celles de Zele et de Lokeren. Aujourd'hui on a étendu ces avantages à la station de Termonde. Comme représentant de cet arrondissement, je devrais peut-être remercier le gouvernement, mais je crois que cela est inutile puisque je n'ai obtenu que l'application du droit commun et que d'autres endroits en sont encore exclus. Ainsi, comment se fait-il que, pour Alost, on n'accorde pas la réduction de prix, et qu'on laisse Grammont et d'autres villes de la Dendre dans la même situation.

Je ne comprends pas quels peuvent être les motifs de cette différence de traitement.

Je crois que le gouvernement en faisant des convois complets, comme je l'ai dit hier, et en augmentant le volume des voitures, comme vient de l'indiquer l'honorable rapporteur de la section centrale, pourrait, en se chargeant de ces nombreux transports, faire de très bonnes affaires, en ce sens que le capital de premier établissement serait employé plus activement, et, par conséquent, plus utilement, qu'il ne l'est aujourd'hui.

Messieurs, je ne veux pas entrer plus avant dans cette discussion.

Je crois que la question des tarifs du chemin de fer devrait être discutée à fond et que la Chambre devrait saisir un moment plus propice que le moment actuel pour se livrer à ce débat.

Les tarifs du chemin de fer sont discutés principalement à propos du budget des voies «t moyens, car dans le budget que nous examinons en ce moment nous ne nous occupons que des dépenses. Je me borne donc à appeler de nouveau l'attention du gouvernement sur cette considération que, tout en mettant sur la même ligne les transports par canaux et par chemins de fer, l'on tâche de nous donner les conditions les plus favorables possibles pour que les parties du pays où les houilles et les matières premières n'abondent pas puissent continuer de prospérer ; car, qu'on ne l'oublie pas, l'économie dans les transports de matières pondéreuses renferme dans son flanc clos éléments de prospérité pour le commerce et l'industrie en général.

M. H. Dumortier. - Je ne voudrais pas que l'honorable membre se trompât sur le sens que nous attachons aux tarifs en matière de chemins de fer ; nous avons eu, il y a quelque temps, dans cette Chambre, une discussion sur la question de savoir s'il serait utile, s'il serait convenable, s'il serait nécessaire pour le gouvernement de régler le tarif des transports du chemin de fer par la loi.

Messieurs, Fontenelle a dit que la vérité est un coin que l'on enfonce par le gros bout.

L'honorable membre, se croyant dans le vrai, en est au moins à son vingtième discours pour prouver que le gouvernement doit régler les transports de marchandises par une loi.

Je me rappelle que, l'année dernière, il m'a fait faire de nombreuses recherches pour trouver la loi qui, selon lui, oblige le gouvernement à faire une loi de ce genre.

Cette loi, messieurs, je n'ai pu la trouver. Cette loi n'a jamais existé, elle n'existe pas et très probablement elle n'existera jamais.

Ce que prescrit la loi organique de 1834, c'est que les transports du chemin de fer ne seront pas abandonnés à l'arbitraire ministériel et que l'ensemble des dispositions qui régissent les transports seront sanctionnées annuellement par la loi du budget.

Voilà le contrôle que le législateur a voulu appliquer à la conduite du gouvernement. Mais il n’est au pouvoir ni du gouvernement belge ni d'aucune compagnie de faire une loi pour une chose qui est tellement changeante qu'aucune prévision humaine ne pourrait la régler d'une manière stable et inamovible.

Il n'entre pas dans mes intentions, messieurs, d'ouvrir une nouvelle discussion sur ce point en ce moment.

J'ai déjà été à même de répondre un jour à l'honorable membre ce que je pense sur ce sujet. Je maintiens tout ce que j'ai dit alors. L'honorable membre n'a produit jusqu'ici aucun argument concluant pour prouver que le gouvernement doive régler par une loi les tarifs des transports des marchandises.

(page 222) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Dans la séance d'hier, les observations les plus disparates ont été produites dans cette Chambre, et il est impossible qu'il en soit autrement ; mon budget touche à tant d'intérêts divers, que chacun trouve naturellement l'occasion de présenter quelques considérations dans cette discussion.

Je ne relèverai pas toutes les recommandations qui m'ont été adressées par les différents membres. Je pense pouvoir me borner à déclarer qu'il en sera tenu compte dans la mesure de ce qui est possible et équitable.

Je m'occuperai donc des interpellations qui m'ont été adressées, en insistant quelque peu sur les plus importants des points qui ont été soulevés.

L'honorable député de Louvain, M. Beeckman, m'a demandé quelles sont les intentions du gouvernement quant au raccordement de la ville de Diest au réseau du chemin de fer de l'Etat.

Cette question, messieurs, est de celles que je prie la Chambre d'ajourner jusqu'au moment où elle sera appelée à discuter le prochain projet de loi de travaux publics.

Je puis cependant déclarer à l'honorable membre que les intérêts de Diest ne sont point perdus de vue ; le projet de loi auquel je viens de faire allusion prouvera que le gouvernement a eu soin de ces intérêts. Je pense que cette déclaration suffira pour le moment.

L'honorable membre m'a demandé aussi quelles sont les intentions du gouvernement, quant à un embranchement du canal à la Campine vers Diest. Il m'a spécialement interpellé sur le point de savoir s'il était vrai que le gouvernement eût terminé les études de cette voie.

Il y a des années que des études ont été faites sur cet embranchement.

Le corps des ingénieurs en a dressé ce qu'on appelle un avant-projet. Cet avant-projet évalue à trois millions la dépense de l'embranchement dont il s'agit. Les études n'ont pas été poussées plus loin, contrairement à ce que l'honorable membre paraît supposer, mais voici probablement quelle est la circonstance qui l'a induit en erreur.

J'ai fait également dresser un avant-projet de chemin de fer destiné à relier Diest au réseau du chemin de fer de l'Etat, indirectement par la ligne projetée de Louvain à Herenthals. Cet avant-projet m'est parvenu, mais j'ai ordonné des études dans une autre direction à l'effet de mieux sauvegarder, dans l'avenir, le raccordement de la section du chemin de fer dont il s'agit de Diest à Hasselt et au Camp, ainsi qu'à l'embranchement éventuel du canal dont a parlé l'honorable membre. Voilà les études que j'ai ordonnées dans ces derniers temps et qui se poursuivent en ce moment même.

Quant à l'exécution de cet embranchement, je n'hésite pas à déclarer que le gouvernement n'y songe pas pour le moment. Ce n'est pas qu'il méconnaisse l'utilité de ce nouveau canal, mais il y a des travaux plus urgents à exécuter avant celui-ci.

Il y a un autre embranchement, au canal de jonction de la Meuse à l'Escaut par la Campine, dont il a été souvent question. Je veux parler du canal de Turnhout à Anvers par Saint-Job ; et je crois devoir déclarer que, le cas échéant, le gouvernement donnerait la préférence à cet embranchement sur celui dont a parlé l'honorable membre. Si, messieurs, nous faisons quelque chose pour Diest par la construction d'un chemin de fer, ce serait certainement accumuler trop d'avantages à la fois sur cette localité que de lui donner en même temps un embranchement au canal de la Campine. Il y a une partie de la province d'Anvers qui est complètement déshéritée. Aujourd'hui, c'est à la partie nord de cette province qu'il s'agit de donner un canal, et je ne crois pas que personne songe à critiquer la préférence que nous lui donnons.

L'honorable M. Notelteirs a demandé quels travaux le gouvernement projette pour l'amélioration de la Grande-Nèthe. Voici, messieurs, comment cette affaire se présente : le gouvernement a obtenu, l'année dernière, un crédit de 1,400,000 fr., si je ne me trompe, pour l'Yser, pour les deux Nèthes et pour le canal de Plasschendaele à Nieuport par Furnes. Les provinces d'Anvers et de la Flandre occidentale, ainsi que les communes intéressées ont apporté leur concours aux travaux à exécuter, de sorte que le gouvernement dispose en totalité d'un crédit de 2 millions, crédit avec lequel nous aurons à pourvoir à l'amélioration des voies navigables que je viens de citer.

Les deux Nèthes sont comprises dans les travaux que le gouvernement projette.

Mais, messieurs, la ville de Lierre et les deux Nèthes ne peuvent pas prétendre à une part plus qu'équitable. A moins donc que les travaux que nous effectuons en ce moment même au-dessus de Lierre, n'absorbent pas la part légitime qui revient à cette ville, je ne puis pas promettra du tout que, dans l'avenir, il sera pourvu aux besoins signalés par l'honorable membre.

Quant à la Grande-Nèthe, je dois ajouter que ce cours d'eau ne rentre pas, je pense, dans les attributions de mon département ; c'est, si je ne me trompe, une voie provinciale à l'amélioration de laquelle nous ne sommes pas strictement tenus de pourvoir. C'est une question qui doit nécessairement être tenue en suspens.

L'honorable M. Jamar (je continue la série des interpellations se rapportant à des intérêts que j'appellerai d'ordre secondaire) s'est déclaré peu satisfait des explications que j'ai données à la Chambre en ce qui concerne l'organisation de la poste dans la circonscription de Bruxelles.

Je crois que l'honorable membre s'est montré trop exigeant. J'ai voulu me renseigner d'une manière bien exacte sur l'organisation du service de la poste dans les faubourgs, et je crois que, sauf une petite lacune que je vais signaler, cette organisation est très satisfaisante, grâce à une mesure que j'ai prise dans ces derniers temps.

A entendre l'honorable membre, les communes voisines de Bruxelles, les communes formant corps avec la capitale, seraient traitées à peu près d'une façon barbare ; elles seraient complètement abandonnées. Eh bien, messieurs, il n'en est absolument rien, et je crois, au contraire, que le service postal se fait aujourd'hui dans les faubourgs de Bruxelles de la manière la plus convenable. Voici, messieurs, les améliorations successives qui ont été apportées à ce service depuis quelques années.

Autrefois, les faubourgs de Bruxelles n'étaient desservis que deux fois par jour et seulement par six facteurs ; le nombre des levées a été porté plus tard à 5 par jour et le nombre des facteurs à 15, et ultérieurement à 19.

Depuis le mois de septembre 1860, j'ai pris personnellement une grande mesure, celle à laquelle je faisais allusion tout à l’heure : les correspondances dans les faubourgs sont distribuées par 25 facteurs et quatre fois par jour. Il me semble que, dans ces conditions, les faubourgs n'ont certainement pas à se plaindre.

Les boîtes aux lettres établies dans chacune des communes de la banlieue sont levées 4 fois par jour, et les lettres y recueillies sout immédiatement apportées au bureau principal.

Indépendamment des boîtes établies dans ces communes, il en existe encore une à chacune des anciennes portes de la ville ; et les lettres qu'on y dépose sont levées 5 fois par jour. Ainsi, messieurs, quatre levées des boîtes établies dans les faubourgs, cinq levées des boîtes établies aux anciennes portes et quatre distributions par jour.

Je crois donc, je le répète, que les faubourgs n'ont nullement à se plaindre du service de la poste, et je ne comprendrais réellement pas la portée de la réclamation de l'honorable M. Jamar s'il n'avait signalé la nécessité, selon lui, d'établir des bureaux annexes destinés à servir de succursales du bureau principal pour les affranchissements et la remise d'articles d'argent. A cet égard aussi j'ai des renseignements intéressants à fournir à la Chambre.

Les bureaux dont parle l'honorable membre ont existé et ont été successivement supprimés à raison de la complète insignifiance de leur service. Je fais toutefois exception pour l'un de ces bureaux, pour celui du faubourg de Namur. Celui-là était moins insignifiant que les autres, et je verrai s'il y a lieu de le rétablir ; je verrai si, depuis qu'il a été supprimé, l'agglomération de la population du faubourg de Namur a acquis une importance qui légitime le rétablissement de ce bureau.

Quant à une succursale du télégraphe, il n'y aurait, je crois, qu'une seule mesure véritablement utile à prendre, ce serait le transfert du bureau principal au centre des grandes villes. J'examinerai également et, je le dis sincèrement, avec une très grande bienveillance, si ce transfert n'entraînerait pas une dépense trop considérable.

L'honorable M. Deliége a parlé des réclamations qui ont surgi au sujet du régime de l'Ourthe. Ces réclamations, messieurs, datent en effet de quelque temps, et ont été reconnues légitimes par mon département.

Je n'entrerai pas dans l'examen de toute cette affaire qui est assez compliquée, parce qu'elle remonte fort haut ; je puis me borner à déclarer qu'il a été fait droit, dans la mesure du possible, aux réclamations (page 223) lions dont il s'agit. Mon département surveille, depuis quelques mois, avec une sérieuse attention la compagnie concessionnaire du canal de l’Ourthe et il continuera à exercer cette surveillance avec la plus grande activité.

Des mesures ont été prises, l’honorable membre ne peut pas l'ignorer, et ces mesures ont déjà produit quelques résultats. Je veillerai soigneusement à ce que, dans l'avenir, la compagnie s'exécute d'une manière aussi complète que possible.

Si l'honorable membre le désire, j'entrerai dans les détails de cette affaire, mais je crois pouvoir, pour le moment, me borner à cette déclaration.

M. Deliége. - Je m'en rapporte complètement à vous, M. le ministre.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Barthélemi Dumortier est revenu sur la question de la Mandel. Nous avons déjà, et même souvent, traité cette affaire ; je n'y reviendrai pas, excepté à un point de vue spécial. J'ai fait examiner la question de la jonction de la Lys à l’Yperlée par la Mandel ; j'ai fait connaître le résultat de l'étude comparative à laquelle le département des travaux publics s'est livré, pour arriver aune solution. J'ai fait examiner aussi la canalisation de la Mandel prise isolément, ou l'amélioration de la Mandel, de manière à pouvoir y établir une navigation devant aboutir à Roulers ; mais je ne m'engage aucunement à proposer quelque chose à la Chambre, à exécuter quelque travail.

Je me borne à dire qu'il y a lieu de diriger les études des ingénieurs sur ce point ; je crois qu'après cette troisième étude nous aurons un examen complet et que le gouvernement et les Chambres pourront prendre une résolution.

L'honorable député de Roulers a demandé que la discussion de mon budget ne fût pas close, sans qu'une proposition fût faite pour l'acquisition d'un bateau dragueur pour l'approfondissement de l'Escaut et le service des canaux intérieurs.

Il ne pourra pas être satisfait à ce désir : je ne sais pas, à quelques centaines de mille francs près, ce que peut coûter la construction d'un bateau dragueur au point de vue de la nécessité de remédier aux atterrissements de l'Escaut.

J'ai chargé un ingénieur distingué d'aller étudier le draguage en vigueur en Angleterre ; ce fonctionnaire a rapporté les renseignements les plus complets, les plus intéressants ; mais comme la situation n'est pas la même, les éléments recueillis ne peuvent nous conduire à aucune conclusion. Dans les canaux, les fleuves et les ports de l'Angleterre, les bateaux dragueurs ne sont employés que pour enlever la vase à 4 ou 5 mètres de profondeur.

Or, dans l’Escaut, la vase qu'il s'agit d'enlever, se trouve à 7 mètres sous marée basse.

On ne peut pas travailler constamment à marée basse, mais souvent à mi-marée et à marée haute ; il faudrait une machine capable de travailler à 10 et 11 mètres de profondeur ; par conséquent, les éclaircissements obtenus au point de vue de la dépense qu'entraînerait l'acquisition d'un bateau dragueur sont de peu de valeur.

Je dis que je ne sais pas, à quelques centaines de mille francs près, ce que peut coûter un bateau dragueur ; en effet, je trouve, dans les renseignements recueillis, qu'il y a dans le port du Havre un atelier de draguage qui n'a pas coûté moins de 1,400 mille francs d'installation. Il s'agit donc d'une dépense très importante ; en présence de cette incertitude sur le chiffre auquel elle pourrait s'élever, le gouvernement ne peut engager la question de principe.

Il faut attendre le résultat des études que j'ai ordonnées. Un ingénieur très capable est chargé de rédiger un programme ; quand ce programme sera dressé, nous connaîtrons la dépense que peut entraîner l'acquisition d'un bateau dragueur. Jusque-là la question doit être tenue en suspens.

Les questions les plus intéressantes traitées dans cette discussion ont été soulevées par MM. de Naeyer et Loos.

L’honorable M. de Naeyer, à la suite, je pense, th l'honorable M. Goblet, a parlé du rachat par l'Etat des chemins de fer concédés.

L'honorable M. Loos a parlé de la nécessité de venir au secours d'Anvers pour le commerce du transit au moyen de la réduction du prix des transports.

Je dirai quelques mots sur ces deux points, je terminerai par des renseignements qui ont été demandés par MM. Henri Dumortier et Vermeire sur le point de savoir où en est l'élaboration des tarifs spéciaux.

Quant à la question du rachat des lignes concédées, l'honorable M, Goblet a traité cette question d'une manière qui ne me permet pas de suivre l'honorable membre sur le terrain où il s'est placé au point de vue de l'intérêt que l'Etat aurait à devenir propriétaire de toutes les lignes concédées ; la discussion pourrait se prolonger fort loin sans résultat pratique. Le gouvernement ne peut accepter le débat en ces termes.

L'année dernière j'ai dit, dans le compte rendu soumis à la Chambre, que le morcellement du réseau de nos chemins de fer, en y comprenant les lignes de l'Etat et les lignes concédées, est une chose fâcheuse sous divers rapports.

Cette assertion, je dois la maintenir. Par voie de conclusion, j'ai dit qu'il serait désirable qu'une fusion pût s'opérer entre les diverses lignes du chemin de fer ; je n'ai pas fait allusion au désir de voir l'absorption des lignes particulières par l'Etat.

A mon sens, on pourrait éviter les inconvénients du morcellement et arriver à un très grand bien, par la fusion entre elles de certaines lignes concédées sans que ces lignes fissent accession à la ligne de l'Etat. D'abord, l'Etat est assez mal placé pour acheter certaines lignes ; et, quant à la fusion, quelques actes pour la préparer ont été posés par moi.

Ainsi, j'ai été très heureux de pouvoir prêter la main à l'absorption d'une petite ligne par une ligne plus puissante ; je veux parler de la réunion du chemin de fer de Châtelineau à Morialmè avec l'Est Belge.

Nous avons un intérêt évident à avoir certaines grandes lignes offrant par elles-mêmes une solidité suffisante pour pourvoir d'une manière complète à tous les besoins de leur service ; et c'est pour cette raison que je me félicite d'avoir pu favoriser la fusion que je viens de rappeler, en proposant le projet de concession de Morialmé à Givet, et en signant avec le concessionnaire et la société de l'Est un contrat pour le chemin de fer de Louvain à Herenthals et de Turnhout à la frontière de Hollande avec embranchement sur Diest. Ce chemin sera exploité par la Compagnie de l’Est-Belge. Cette Compagnie aura un magnifique parcours, elle sera assez puissante pour pouvoir organiser un service satisfaisant.

Nous avons, d'un autre côté, les lignes du Nord français ; la compagnie est assez bien constituée pour remplir toutes les obligations qui lui incombent. Nous avons ensuite la compagnie du Luxembourg dont le parcours est de 200 kilomètres et qui peut se suffire. Nous avons aussi la société de la Flandre occidentale qui est assez importante, quoique dans une moindre mesure, pour pouvoir organiser un bon service.

Je ne vois pas pourquoi autour de ces quatre groupes, ne viendraient pas se placer les petites lignes qui ne sont pas dans des conditions assez avantageuses pour supporter leurs frais généraux.

Ainsi pourquoi l'Entre-Sambre-et-Meuse ne pourrait-il se joindre à l'Est ? Pourquoi le petit chemin de fer de Marienbourg à Chimay ne pourrait-il entrer dans la même combinaison ? Le chemin de fer de Manage à Wavre touche à l'Est-Belge et au chemin de fer du Luxembourg. Lichtervelde à Furnes touche à la Flandre occidentale. Je ne veux pas continuer l’énumération ; mais vous voyez qu'en dehors de l'exploitation du gouvernement, on peut arriver à une amélioration sensible de l'état de choses actuel.

Voilà pourquoi j'ai cru pouvoir signaler les inconvénients du morcellement de notre réseau, sans cependant croire que l'Etat dût se charger du rachat des lignes concédées. Je n'ai pas voulu tirer cette conclusion de la proposition que j'ai émise ; et cette conclusion, comme vous le voyez, serait forcée.

Après cela, si l'on offrait la cession à l'Etat de certaines lignes à de bonnes conditions, je pense que le gouvernement devrait accepter la proposition. Mais nous sommes essentiellement ici dans une question de fait. Il s'agit de savoir si les conditions qu'on offre sont acceptables, sont bonnes.

J'ai dit à la Chambre que dans une négociation que j'avais eu occasion d'entamer, pour le rachat d'une ligne concédée, j'avais été peu encouragé. On a offert une autre ligne au gouvernement, et j'ai dû décliner le marché, pour ainsi dire, a priori.

Vous le voyez, lorsque de la théorie (en supposant qu'on soit partisan de l'absorption des lignes par l'Etat) on arrive aux faits, on rencontre des obstacles que je considère comme insurmontables.

Je dis donc que je ne fais pas de cette question une question de théorie. Je pense que la Chambre reconnaîtra que c'est avant tout une appréciation de faits et qu'il s'agit de consulter, dans chaque espèce, les conditions offertes. Quant à moi, je ne voudrais pas soumettre à la Chambre un projet comportant l'acquisition, à des conditions onéreuses, d'une ligne concédée, et si une pareille proposition m'était soumise, je la repousserais.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point.

(page 224) J'aborde les critiques adressées par l'honorable M. Loos à mon département du chef de l'élévation prétendument exorbitante du prix des transports vers l'Allemagne.

Messieurs, je partage l’avis que le chemin de fer n'est pas un instrument destiné à procurer le plus de recettes possible, mais que c'est un instrument de progrès commercial et industriel.

L'Etat, au moyen de son chemin de fer, ne doit pas exploiter le commerce et l'industrie, il doit venir à leur secours. Je crois que ce principe essentiellement libéral et large est le principe qui guide la Chambre entière en cette matière.

Mais j'ajoute immédiatement qu'on ne peut pas non plus demander à l'Etat qu'il mette son chemin de fer au service de telle industrie, de telle localité ou de telle exploitation commerciale, à titre de prime indirecte, en d'autres termes, qu'on ne peut demander à l'Etat qu'il exploite dans des conditions onéreuses pour venir au secours d'une ville ou d'une industrie.

On a parlé, messieurs, de la décadence du transit vers l'Allemagne. Cette décadence, d'après les chiffres qu'on a cités, est réelle, mais il faut se demander d'où provient la situation. Est-ce au chemin de fer qu'il faut l'attribuer ; ou est-ce à une cause pins puissante, plus énergique et que nous devons bien subir, que la ville d'Anvers doit bien subir à son tour ?

Voilà une première question.

Nous avons eu l'honneur d’avoir la première ligne ferrée. il est évident que lorsque nous avons été les premiers eu possession d'un chemin de fer, nous en avons immédiatement recueilli les avantages. Mais depuis lors que s'est-il passé ? Chacun a fait des chemins de fer. La Hollande a fait des chemins de fer ; elle en a fait au moins certaines lignes. D'autres ports, sur la mer du Nord, ont fait leurs chemins de fer. Ainsi Brème, Hambourg, Emden ont fait leurs chemins de fer. Ces chemins de fer sont venus à se développer plus tard dans une proportion notable. Chaque port a fait ce qu'il a pu pour attirer les transports à lui. Il est évident que dès que la position d'Anvers, qui était privilégiée au début, a cessé de l'être, la situation a dû changer et changer au détriment de la ville d'Anvers. C'était là un résultat inévitable.

On a parlé de Rotterdam ; on a mis cette ville en parallèle avec Anvers. Mais pour certaines parties de l'Allemagne, le chemin de fer de Rotterdam est plus court que le chemin de fer d'Anvers. Qu'y a-t-il d'étonnant à ce que ce chemin de fer une fois établi, Rotterdam reprenne une partie du transit qu'Anvers avait accaparé ? Ici le prix des transports est hors de cause. Si nous abaissons ce prix, les autres abaisseront le leur et ils continueront à avoir l'avantage de la plus courte distance.

Ce sont là des faits dont il faut tenir compte.

Messieurs, n'avons-nous rien fait en faveur du commerce d'Anvers ?

En ce qui concerne le chemin de fer, nous avons toujours eu ce qu'on appelle un tarif de transit plus bas que notre tarif intérieur. Ainsi, nous avons eu un tarif à 50 centimes, plus 1 franc de frais fixes ce tarif s'étendant à toutes espèces de marchandises ; les objets qui, à l'intérieur, sont placés dans la première catégorie du tarif des grosses marchandises (50 centimes) sont transportés en transit à 30 centimes, ce qui donne une réduction dans la proportion de 5 à 3. Il me semble que c'était un grand avantage que le gouvernement faisait au commerce d'Anvers. Car c'est principalement en faveur du commerce d'Anvers que ce tarif a été introduit, et c'est le gouvernement qui a pris l'initiative de la mesure.

Voilà donc une chose qu'il peut mettre à son acquit. Est-ce la seule ? Mais, cette année, le gouvernement, de concert avec la Compagnie du Luxembourg et avec la Compagnie de l'Est français, s arrêté un tarif pour le transit entre Anvers, Strasbourg, Forbach et toutes les contrées que ces villes sont appelées à desservir, tarif excessivement réduit, aussi réduit qu'il a été possible au gouvernement belge et à la Compagnie du Luxembourg de l'obtenir de l'Est français.

Nous avons fait sous ce rapport tout ce qu'il était possible de faire. Nous ne nous sommes arrêtes que devant la résistance de l'Est français. Lorsqu'il a dit :; Nous ne pouvons aller plus loin, nous avons dû nous arrêter et il était impossible de faire autrement.

Voilà ce que nous avons fait en faveur du commerce d'Anvers. Je crois que depuis que ce traité a été introduit, il a produit déjà des résultats assez notables, et qu'il est appelé à porter d'autres fruits dans l'avenir.

Ce n'est pas tout encore. Cette année-ci, nous avons négocié une nouvelle convention avec les chemins de fer rhénans. Car il ne faut pas se dissimuler quelle est la situation : pour aller en Allemagne, nous devons passer par chez nous, mais nous devons également passer par chez les autres. Nous conduisons les marchandises jusqu’à Herbersthal ; mais pour arriver au cœur de l’Allemagne, nous devons employer d’autres voies. Eh bien, si celles-ci ne voulaient pas concourir avec nous, nous aurions beau faire, le commerce d’Anvers devrait en souffrir ou nous devrions subir tous les sacrifices.

Nous avons donc négocié avec les chemins de fer rhénans, afin d'obtenir de meilleures conditions pour les marchandises transitant par Anvers.

Nous sommes, messieurs, je l'espère, sur le point d'aboutir. Une convention m'est soumise, et s'il ne se présente pas de difficultés imprévues, je pense que je pourrai y donner mon approbation immédiatement.

Voici, messieurs, de quoi il s'agit : Notre tarif pour le transit est de 50 centimes de frais variables ; mais, arrivées à la frontière d'Allemagne, les marchandises sont partagées en deux catégories, et la catégorie la plus favorisée paye 50 centimes environ. D'après la convention à laquelle je fais allusion, le prix serait uniformément fixé, tant en Belgique qu'en Allemagne, jusqu'à Mayence, à 25 centimes ; ainsi en Belgique le tarif serait abaissé de 30 à 25 centimes, d'où une diminution de 15 à 20 p. c. et en Allemagne le prix, qui est aujourd'hui au minimum de 36 centimes, serait abaissé également à 25 centimes, ce qui constituerait une diminution de 30 p. c.

Je crois donc, messieurs, qu'on ne peut pas dire que l'administration néglige les intérêts d'Anvers ; on doit, au contraire, reconnaître que mon administration a fait, sous ce rapport, tout ce qu'on était en droit d'attendre d'elle.

Faut-il que je rappelle encore des mesures prises en faveur de la ville d'Anvers ? Je n'aurais qu'à citer les nombreux traités spéciaux au moyen desquels on a attiré vers Anvers des marchandises qui sans cela auraient pris le chemin de Rotterdam. Ainsi les minerais d'Espagne, l'exportation des rails, l'exportation de pyrites de fer vers l'Angleterre ont été conservés à la ville d'Anvers, par ces traités spéciaux. La ville d'Anvers aurait donc mauvaise grâce de se plaindre de l'administration des chemins de fer.

Ce qui est vrai, c'est qu'il faut faire beaucoup pour Anvers, comme il faut faire beaucoup pour Bruxelles, pour Liège, pour Gand, à des titres divers.

L'honorable M. Loos a indiqué d'autres points relatifs à la situation d'Anvers. Il y a une question à laquelle je ne touche pas, parce qu'elle ne me regarde pas, c'est l'abolition des droits de tonnage ; mais je dis que la ville d'Anvers doit commencer par s'aider elle-même, si elle veut que d'autres l'aident.

Je crois, messieurs, que puisqu'on ne se lasse pas d'indiquer au gouvernement ses devoirs, nous sommes également en droit de ne pas nous lasser d'indiquer à la ville d'Anvers ses propres obligations.

On m'a demandé où en est l'étude de la question des tarifs spéciaux et on a reconnu que cette question présente assez de difficultés pour qu'il n'y eût pas de reproche à faire à l'administration centrale si elle n'était pas encore arrivée à une solution.

J'ai la satisfaction de pouvoir annoncer à la Chambre que nous sommes arrivés sinon à une solution complète, au moins à une solution importante. A la suite d'une foule d'investigations commandées par la nécessité de ne pas compromettre les recettes du trésor, je suis arrivé à un système que j'espère pouvoir appliquer dès le 1er janvier prochain.

Il y aura, messieurs, pour certaines catégories de marchandises un tarif réduit à la distance. Pour commencer (si le système réussit, je retendrai et on peut l'étendre dans une très large mesure), pour commencer, dis-je, il y aura réduction à la distance pour les houilles, pour les fontes, pour les pavés et pour la chaux susceptible d'être transportée en vrac. J'ai fait dresser une statistique qui constate qu'à partir d'une distance de 15 à 16 lieues, nous ne transportons plus de ces marchandises sur le chemin de fer.

On peut en conclure que la réduction à accorder à partir de cette distance ne peut avoir qu'un résultat, c'est d'amener de nouveaux transports au chemin de fer et par conséquent d'augmenter les recettes tout en procurant au public de nouveaux avantages. Ces tarifs, que l'on peut appeler spéciaux, seront de nature, comme je l'avais en vue, à absorber en grande partie les traités particuliers.

(page 225) Je crois arriver ainsi à un résultat assez remarquable et j’espère que l'avenir démontrera que les bases sur lesquelles j'ai établi mes calculs sont sérieuses et normales.

M. de Naeyer. - Messieurs, je ne reviendrai pas sur la question que j'ai eu l'honneur de traiter hier, celle du rachat des chemins de fer concédés. Il me semble que, sous plusieurs rapports, je suis assez d'accord avec l'honorable ministre des travaux publics ; au moins je suis beaucoup plus près de m'entendre avec lui que de m'entendre avec l'honorable M. Goblet. L'honorable ministre a établi une distinction très vraie et très judicieuse entre la fusion de certaines lignes concédées et leur rachat ou absorption par l'Etat.

Je crois que la fusion de certaines lignes est très utile et sous ce rapport j'approuve beaucoup ce qui a été fait par le gouvernement ; quant à l'absorption par l'Etat des lignes concédées, d'après les explications de M. le ministre il me semble qu'il n'en est pas sérieusement question et je crois dès lors qu'il est inutile de présenter sous ce rapport de nouvelles observations, d'autant plus que les considérations que j'ai fait valoir sont restées debout et n'ont pas été sérieusement combattues.

Messieurs, j'avais demandé la parole pour appuyer les observations présentées par l'honorable M. Vermeire quant aux inconvénients qui résultent de l'application des tarifs spéciaux lorsque cette application n'a pas lieu d'après des principes le droit commun, d'après des principes de justice et d'égalité pour tous. Je pense d'abord que, d'après les explications que M. le ministre vient de donner, il sera, en grande partie remédié aux inconvénients qui ont été signalés.

Je ne sais pas cependant si l'on verra disparaître les anomalies qui ont lieu dans l'exploitation de la ligne de Dendre-et-Waes, par suite d'une application partielle du système de remises. Ainsi plusieurs fois l'honorable M. Vermeire nous a fait remarquer qu'il était réellement singulier de voir transporter les charbons à Lokeren avec des frais moindres qu'à Termonde, alors que les transports sont effectués par la même ligne et que la marchandise doit passer à Termonde avant d'arriver à Lokeren qui est situé à deux lieues plus loin ; il paraît que les réclamations de l’honorable membre ont été couronnées de succès et que l'anomalie qu'il a tant de fois signalé n'existe plus aujourd'hui. Mais il y a d'autres anomalies analogues qui frappent particulièrement une partie de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

Je crois qu'à l'heure qu'il est, les frais de transport ne sont pas plus élevés pour les charbons arrivant à Termonde que pour les charbons qui sont en destination pour Ninove. Cependant, il y a une différence de 5 lieues, quant à la distance, et c'est le même chemin de fer qui fait le transport.

Il a existé une autre anomalie, et je crois qu'elle existe encore : c'est que le charbon en destination pour Ninove peut y arriver à aussi bon marché, en allant d'abord à Alost, et en se rendant de là à Ninove, qu'en allant directement à Ninove.

Ces anomalies doivent disparaître. M. le ministre des travaux publics l'a dit : le chemin de fer doit être exploité dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, mais sans privilège pour personne, sans accorder des prix de faveur, alors que les transports sont de la même nature et de la même importance, sans faire en sorte qu'on accorde aux destinations plus éloignées, un tarif plus bas d'une manière absolue, et non seulement d'une manière proportionnelle.

Ce sont là les vrais principes que l'honorable ministre a professés plusieurs fois dans cette enceinte.

Je suis certain qu'il sera fait droit aux réclamations que j'ai déjà eu l'honneur de communiquer officieusement à M. le ministre des travaux publics.

Il faut absolument que le système des remises soit pratiqué de manière à accorder proportionnellement les mêmes avantages à toutes les localités, et il ne peut pas avoir pour conséquence de créer des situations privilégiées en opposition avec l'esprit de nos institutions.

M. David. - Messieurs, l'année dernière j'ai appelé l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité qu'il y avait de désigner des compartiments séparés pour les dames voyageant seules et désirant voyager seules. Je demanderai à M. le ministre quelles mesures ont été prises à cet égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, à l'heure qu'il est, la mesure dont parle l'honorable préopinant est appliquée sur certaines lignes aux voitures de première classe ; mais je saisis cette occasion pour déclarer qu'elle sera étendue aux voitures de seconde et de troisième classe sur toutes les lignes.

M. Vermeire. - Messieurs, je n’ai qu'une seule observation à faire.

Dans le discours que l'honorable M. Henri Dumortier a prononcé tout à l'heure, ce membre a prétendu que c'était chez moi une espèce de manie de réclamer, dans cette enceinte, le vote d'une loi qui fixe les péages pour le transport des marchandises sur le chemin de fer.

M. H. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.

M. Vermeire. - Vous avez dit que c'est pour la trentième fois au moins que je viens élever cette réclamation. L'honorable membre dit qu'il s'est livré à des investigations pour découvrir la loi qui oblige le gouvernement à présenter un pareil projet de loi à la législature.

Messieurs, j'avais cité la loi constitutive du chemin de fer, du 1er mai 1834.

En effet, voici ce que je lis à l'article 5 :

« Les produits de la route, provenant des péages qui devront être annuellement réglés par la loi, serviront à couvrir les intérêts de l'amortissement de l'emprunt, ainsi que les dépenses annuelles d'entretien et d'administration de la nouvelle voie. »

Lorsque cet article a été inscrit dans la loi de 1834, on était surtout sous l'influence de cette idée, que le chemin de fer devait rapporter au trésor des ressources très abondantes, et que ces ressources, devaient servir à éteindre la dette du chemin de fer. On voulait donc que les péages fussent réglés par la loi. Cette loi n'est pas, comme on l'a prétendu, la loi budgétaire. Dans ce cas on aurait dit que les péages seraient annuellement réglés par la loi de budget ; c'est bien une loi spéciale que le législateur de 1834 a eu en vue.

Les recettes du chemin de fer sont de véritables péages. Tous les ans, nous prorogeons la loi sur les concessions de péages. Or, dans l'espèce, je crois bien que le gouvernement est substitué aux particuliers ; et pour qu'il puisse percevoir des péages, il faut qu'il existe une loi qui les ait réglés définitivement, ou bien la législature doit déléguer au gouvernement, chaque année, le droit de les percevoir d'après les tarifs qu'il a arrêtés.

Sur le fond, je ne tiens pas à avoir une loi sur les péages, et j'en ai dit tout à l'heure les motifs ; ce à quoi je tiens, c'est qu'on nous donne des tarifs raisonnables, en vertu desquels on transporte pour tout le monde dans des conditions raisonnables, pour autant que ces conditions soient remplies par ceux qui se servent du chemin de fer ; et, ainsi que l'a dit tout à l'heure mon honorable ami, M. de Naeyer, je serai très heureux de voir appliquer ce principe au chemin de fer de l'Etat.

M. d’Hoffschmidtµ. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics a annoncé tout à l'heure la présentation prochaine d'un grand projet, de loi pour l'exécution de travaux d'utilité publique.

J'applaudis de grand cœur à cette résolution du gouvernement ; rien n'est plus populaire en Belgique que l'exécution de travaux d'utilité publique ; j'y applaudis encore, parce que j'ai la ferme confiance qu'aucune province ne sera oubliée dans cette grande répartition. Je connais l'esprit de justice distributive, le zèle de M. le ministre des travaux publics, et je suis convaincu qu'il n'oubliera personne dans ses propositions, du moins dans la mesure du possible.

C'est ainsi que le gouvernement procéda, quand il présenta en 1851 la grande loi des travaux publics. Aucune province, aucun intérêt légitime ne furent oubliées.

L'opposition de cette époque se récria beaucoup, elle prétendait que c'était là une coalition, qu'on allait jeter la perturbation dans les finances de l'Etat.

Eh bien, cette prédiction ne s'est pas réalisée, je crois que personne aujourd'hui ne regrette le vote de cette loi, qu'au contraire tout le pays y applaudit. Loin qu'il y ait eu perturbation dans nos finances, elles sont aujourd'hui dans un état des plus prospères, et je crois que les grands travaux publics, exécutés depuis 1851, ne sont pas étrangers à cette heureuse situation.

Que serait la Belgique, si, au lieu de se livrera ces grandes opérations, elle était restée pour ainsi dire stationnaire ? Elle ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui, un véritable modèle pour les autres peuples.

Messieurs, beaucoup d'honorables membres, dans cette discussion, ont élevé la voix pour réclamer des voies de communication, surtout des chemins de fer. Pourquoi ? Parce que c'est un admirable instrument de progrès et de civilisation qu'un chemin de fer, et que les localités qui en sont privées sont dans un état d'infériorité à l'égard des autres. Il importe donc de continuer à marcher dans la voie qu'on a suivie jusqu'à présent et qui fait la gloire de h Belgique. Nous ne devons nous arrêter que quand le pays sera doté d’un réseau complet de chemins de fer, et qu’aucune partie du royaume ne puisse se dire déshéritée.

Ces voies de communication ont acquis une telle importance, qu'on (page 226) peut juger du degré de civilisation et de prospérité d'un pays par le développement de ses chemins de fer.

Voyez, par exemple, l'Angleterre ; l'Angleterre, qui a un admirable réseau de chemins de fer et qui est plus avancée sous ce rapport que tous les autres pays de l'Europe. Eh bien, on y présente encore de nombreuses demandes de concession et le parlement y fait toujours un favorable accueil.

En France, le gouvernement a terminé aussi des grandes lignes de chemins de fer. Il s'occupe maintenant avec activité de toutes les lignes secondaires et les concessionnaires sont toujours assurés, à cet égard, d'un large concours du gouvernement.

En Italie, en Espagne, en Russie même, partout l'Etat intervient et favorise la construction de chemins de fer.

C'est un motif pour la Belgique, qui se trouve placée au premier rang pour ces votes de communication, de ne pas rester en arrière et de terminer ce qu'elle a si bien commencé.

J'applaudis donc de grand cœur à la résolution prise par le gouvernement de présenter le complément du grand projet que nous avons voté l'an dernier.

J'y applaudis, à cette condition qu'aucun intérêt légitime ne sera oublié.

Messieurs, la question la plus importante qui ait été discutée aujourd'hui et dans la séance d'hier, c'est celle relative au rachat des chemins de fer concédés.

Je ne serais pas partisan, quant à moi, d'un système qui consisterait à déclarer que le gouvernement doit racheter tous les chemins de fer concédés. Je crois que ce serait un très mauvais système.

Je crois qu'ajouter à nos 500 ou 600 kilomètres de chemins de fer exploités par l'Etat 1,200 et peut-être 1,800 kilomètres de chemins de fer concédés serait une entreprise trop grande, trop considérable.

Je pense même que dans certaines circonstances cela pourrait présenter des dangers pour l'Etat.

Si par exemple le budget des voies et moyens qui présente un chiffre de 27 à 28 millions de francs du chef des recettes du chemin de fer, voyait ce chiffre porté à 60 ou 70 millions, il pourrait arriver que dans des circonstances difficiles, par suite d'un cataclysme politique, ce chiffre descendît de 25 ou même de 30 millions et cela au moment où l'on aurait le plus besoin de ressources.

Il y aurait donc, dans une extension aussi considérable du système, avec un monopole aussi absolu de l'Etat, un grand danger.

Est-ce à dire que le gouvernement ne doit pas chercher à racheter quelques lignes de chemin de fer ?

Certainement, si l'Etat peut racheter, dans des conditions raisonnables, certaines lignes importantes de chemin de fer, je crois qu'il fera bien de saisir l'occasion, mais je voudrais que ce fussent des lignes importantes, des lignes internationales et non pas quelques lignes secondaires qui ne représentent que des intérêts locaux et qui n'ont pas d'importance.

- Un membre. - Le chemin de fer du Luxembourg !

M. d’Hoffschmidtµ. - Oui, le chemin de fer du Luxembourg, car il n'y a pas de ligne qui représente plus l'intérêt général.

Parce qu'on l'appelle chemin de fer du Luxembourg, on se figure quelquefois qu'elle n'intéresse que cette province. C'est une erreur.

Ce chemin de fer part de la capitale ; il traverse la province de Brabant, la province de Namur d'un bout à l'autre, et il se relie, à l'extrémité du royaume, au réseau du chemin de fer du grand-duché et de l'Est de la France.

Il intéresse le Hainaut pour les houilles du bassin de Charleroi, et à un très haut degré notre métropole commerciale, comme le disait très bien tout à l'heure l'honorable ministre des travaux publics. C'est une voie de transit très importante pour le commerce anversois et qui deviendra plus importante encore.

L'honorable M. Rodenbach ne sait probablement pas ce que ce chemin de fer produit maintenant.

Cette année, si je ne me trompe, l'Etat est complètement exonéré de la garantie du minimum d'intérêt.

Après deux années d'exploitation, ce chemin de fer qui, lorsqu'il a été discuté, ne devait pas, au dire de certaines personnes, rapporter les frais de traction, fait déjà non seulement ses frais, mais exonère l'Etat de la garantie du minimum d'intérêt !

L'intervention de l'Etatl en faveur du chemin de fer se sera réduite à un sacrifice de 400,000 ou 500,000 fr.

Eh bien, je suis de l'avis de l'honorable membre qui m'a interrompu.

Je crois que si le gouvernement pouvait racheter dans de bonnes conditions ce chemin de fer, il ferait une bonne affaire.

M. Rodenbach. - Je demande la parole.

M. d’Hoffschmidtµ. - Ce chemin de fer n'a que deux années d'existence et, comme vous le voyez, il a un trafic extrêmement important et qui augmentera beaucoup dans l'avenir.

Je ne dirai plus qu'un mot sur cette question. C'est que je partage l'opinion de M. le ministre des travaux publics quant à la nécessité de la fusion des sociétés. C'est le moyen de mettre un terme à la situation difficile dans laquelle elles se trouvent. En complétant leur réseau, en se fusionnant, elles amélioreront leur position.

Les réseaux qu'elles exploitent aujourd'hui n'ont pas assez d'étendue. La fusion, comme l'a dit M. le ministre des travaux publics, modifierait cet état de choses et dès lors les lignes concédées seraient aussi bonnes en Belgique qu'à l'étranger.

La Belgique possède tous les éléments nécessaires pour faire fructifier les chemins de fer.

Elle possède une population nombreuse, elle a les houilles et les fers et par conséquent les transports pondéreux qui font la fortune des chemins de fer.

Il ne manque que la fusion des sociétés. Ce sera le véritable remède à la situation et il n'est nullement nécessaire que l'Etat fasse un rachat onéreux.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

(page 275) M. Notelteirs. - Je ne sais si j'ai bien compris les paroles de M. le ministre des travaux publics relatives à la Grande-Nèthe ; mais je ne saurais admettre que l’entretien, ni l'amélioration de cette rivière puisse incomber à la province.

La loi du budget de 1854 dit ceci :

« Entretien de l'Yser, de la Grande-Nèthe et du canal de Plaschendaele et de Nieuport, par Furnes, à la frontière de France, dont l'administration est reprise par l'Etat, à dater du 1er janvier 1854, 20,000 francs.

« La part contributive des provinces, des communes et des propriétaires intéressés dans l'exécution des grands travaux d'amélioration sera ultérieurement déterminée par une loi. »

Cette loi est intervenue en 1858.

La province, les communes et les propriétaires contribuent pour au-delà de 200,000 fr. aux frais des divers travaux à exécuter aux Nèthes ; cette contribution a été fixée en vue des travaux nécessaires sous le point de vue de la navigabilité et sous celui de l'amélioration de l'écoulement des eaux ; je crois donc pouvoir persister dans les recommandations que j'ai eu l'honneur d'adresser à M. le ministre.

(page 226) - Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !

M. de Boe. - Messieurs, je ne viens rien demander, en l'absence de mon honorable collègue M. Loos, et, en quelque sorte en son lieu et place ; je viens simplement répondre en quelques mois à la dernière allégation du discours de M. le ministre des travaux publics.

Je le remercie de la déclaration qu'il a faite quant au chemin de fer et quant aux négociations entamées entre le gouvernement belge et diverses compagnies prussiennes et riveraines du Rhin pour l'abaissement des tarifs des chemins de fer qui longent ce fleuve. Quant à la dernière partie de son discours dans laquelle l'honorable ministre déclare au nom du gouvernement (non pas en son personnel) qu'il est impossible de réduire les droits de tonnage et de pilotage...

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je n'ai pas dit cela.

M. de Boe. - Ou plutôt que la ville d'Anvers devrait commencer par réduire elle-même certains droits avant que le gouvernement puisse à son tour réduire les droits de tonnage et de pilotage, je crois pouvoir répondre d'une manière très claire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'a pas dit cela.

M. de Boe. - Alors nous discutons une équivoque à laquelle je ne comprends rien. La ville d'Anvers a fait des travaux maritimes considérables ; elle a construit à ses frais des bassins et une cale sèche ; elle a conclu de ce chef un emprunt de 5 millions. Il est évident qu'elle doit trouver les ressources nécessaires pour couvrir cet emprunt. Or, depuis l'abolition des octrois, la situation d'Anvers n'est plus ce qu'elle était jadis.

Je ne veux pas dire qu'elle n'est pas bonne, tant s'en faut, elle est excellente au contraire ; mais il est évident que la ville d'Anvers, par suite de l'agrandissement qu'elle va subir sous peu, se trouvera en face de charges considérables pour lesquelles il lui faudra nécessairement des ressources ; or, étant privée de l'augmentation normale du produit de l'octroi et de celle qu'aurait probablement donnée l'englobement, dans son rayon, des deux communes suburbaines, n'est-il pas rationnel qu'elle conserve une partie au moins de ses droits de navigation ? Ces droits s'élèvent à 342,000 fr. environ, soit un peu plus que l'intérêt de l'emprunt qu'Anvers a dû contracter pour la construction des bassins et de la cale sèche dont je viens de parler.

En Hollande, ce pays que nous avons constamment en vue quand nous parlons de commerce, il y a tout aussi bien qu'à Anvers des droits de navigation perçus par certaines villes.

Il en est ainsi notamment à Amsterdam et à Rotterdam ; eh bien, cela n'a pas empêché la Hollande, de 1852 à 1855, nonobstant le prélèvement de ces droits, d'abolir les droits de tonnage et de réduire considérablement le droit de pilotage.

Et les mesures prises par le gouvernement hollandais dans l'intérêt de son commerce maritime ne se bornent pas à celles que je viens de signaler ; si nos renseignement sont exacts, il vient encore ou va bientôt demander aux étants généraux les crédits nécessaires pour approfondir différentes passes de la Meuse, afin que les navires du plus fort tonnage puissent arriver dans le port de Rotterdam comme ils arrivent aujourd'hui dans le port d'Anvers.

(page 227) Je dis que, dans de pareilles conditions, la concurrence entre ces deux ports rivaux ne sera plus possible.

On reproche assez souvent, messieurs, aux représentants d'Anvers de demander beaucoup...

- Plusieurs voix. - Oui, oui !

M. de Boe. - De demander trop même.

- Plusieurs voix. - C'est très vrai !

M. de Boe. - C'est très vrai, cela est facile à dire. Si les représentants d'Anvers demandent beaucoup, cela tient à deux raisons bien simples et bien péremptoires : d'abord parce qu'on ne fait presque rien de ce que nous demandons.

- Plusieurs voix. - Ah ! ah !

M. de Boe. - Quelles sont donc les mesures prises en sa faveur ? Nous avons un arriéré considérable, qui s'accroît sans cesse de nouveaux besoins qui se produisent, comme l'arriéré de la Chambre, dont a parlé M. le ministre de l'intérieur. Si nous demandons beaucoup, messieurs, cela tient ensuite à une autre cause encore qu'il importe de ne point perdre de vue. L'intérêt du commerce maritime n'a, dans cette enceinte, que fort peu d'organes, cinq représentants d'Anvers et l'honorable M. Van Iseghem, représentant d'Ostende.

- Une voix. - Et de Nieuport ! (Interruption.)

M. de Boe. - L'importance du commerce maritime est aussi grande que celle de nos industries cotonnière, linière, lainière et de notre industrie houillère.

Celles-ci ont fort heureusement pour elles de nombreux représentants dans cette enceinte, ils y ont tout le prestige et la force du nombre, (erratum, page 232) de là vient qu'ils ont fait de vains efforts, qu’on a formé des vœux stériles depuis plusieurs années pour obtenir une augmentation de la redevance des mines.

II y a toujours une majorité toute prête à repousser toute mesure de nature à contrarier plus ou moins l'intérêt de ces industries. L'année dernière, le gouvernement avait proposé un changement à la législation sur ls sucres, changement proposé dans l'intérêt du trésor et dans (erratum, page 232) l’intérêt d'Anvers à qu'il devait rendre un commerce qui en a presque complètement disparu, le commerce des sucres coloniaux. Ce projet a été repoussé ou tout au moins ajourné pour quelque temps encore.

Il faut donc que la Chambre tienne compte de notre position et soit indulgente pour nos doléances réitérées. La représentation nationale en Belgique repose sur la population combinée avec la richesse, c'est-à-dire sur le principe de la population, contrebalancé par le cens électoral ; en d'autres termes, elle ne repose pas sur des intérêts déterminés. En vertu de cette base électorale, il y a dans cette Chambre des intérêts (erratum, page 232) qui ont de nombreux représentants, l'industrie houillère et l'industrie linière notamment, tandis que d'autres, tout aussi importants, n'en ont guère que cinq ou six, comme le commerce maritime, et dès lors il n'est pas surprenant que le petit nombre de représentants qui soutient ce dernier, soit plus souvent sur la brèche pour obtenir les satisfactions qui lui paraissent légitimes.

C'est pour cela, messieurs, que nous nous levons aujourd'hui encore pour demander une mesure qui placera le commerce d'Anvers dans la position qui lui est nécessaire pour soutenir la concurrence avec celui des pays voisins, dont l'activité, appuyée de larges concessions gouvernementales, l'inquiète le plus.

- Plusieurs membres. - La clôture.

La clôture est mise aux voix et adoptée.

L'assemblée passe à la discussion des articles.

Discussion des articles

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 6

« Art. 1«. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitements des fonctionnaires et employés : fr. 549,410. »

- Adopté.


« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et employés de l'administration centrale : fr. 35,200 .»

- Adopté.


« Art. 4. Traitements et salaires des huissiers, messagers, concierges et gens de service : fr. 50,985. »

- Adopté.


« Art. 5. Matériel, fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépenses : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Honoraires des avocats du département : fr. 30,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Première section. Ponts et chaussées
Articles 7 et 8

« Art. 7. Entretien ordinaire et amélioration des routes, et construction de routes nouvelles : fr. 2,675,957. »

- Adopté.


« Art. 8. Plantations nouvelles sur les routes : fr. 41,000. »

- Adopté.

Section II. Bâtiments civils
Articles 9 à 12

« Art. 9. Entretien et réparation des palais,' hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat : fr. 130,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Construction d'un bâtiment au ministère de l'intérieur ; charge extraordinaire : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Etablissement d'une grille de clôture en fer et d'un trottoir à l'Observatoire royal ; charge extraordinaire : fr. 36,000. »

- Adopté.


« Art. 12. Travaux extraordinaires de réparation et d'amélioration à exécuter à l'hôtel du gouvernement provincial à Bruges ; charge extraordinaire : fr. 15,000. »

- Adopté.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
Article 13

« Art. 13. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire, et dépenses d'exploitation des canaux et rivières : fr. 770,550.

« Charge extraordinaire : fr. 147,650. »

- Adopté.

Travaux d'amélioration des canaux et rivières. Bassin de la Meuse
Article 14

« Art. 14. Meuse dans les provinces de Namur, de Liège et de Limbourg ; charge extraordinaire : fr. 201,000. »

M. Thibaut. - Je ne puis laisser passer cet article du budget sans reprendre, dans l'interpellation que l'honorable M. Moncheur a faite pendant la discussion générale, la partie qui concerne le projet de canalisation de la Meuse, depuis Namur jusqu'à la frontière française.

M. le ministre des travaux publics a ajourné les explications qu'il pourrait sans doute donner, dès maintenant, jusqu'à la discussion du projet de loi qu'il présentera le mois prochain. Mais il est urgent que nous connaissions les intentions du gouvernement. Je me permettrai donc de demander à l'honorable ministre si l'administration a adopté un système de canalisation pour cette partie de la Meuse, et si des études complètes pour apprécier le coût des travaux ont été faites. Je demanderai, en outre, si M. le ministre se propose de solliciter de la Chambre des crédits pour commencer immédiatement les travaux auxquels je fais allusion.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je n'ai pas fait faire d'éludés pour la canalisation de la Meuse de Namur à la frontière française, et je ne compte pas soumettre de proposition de crédit à la Chambre pour cette canalisation. Nous ne pouvons rien entreprendre actuellement sur cette partie de la Meuse ; si nous avons quelque chose à faire à ce cours d'eau, ce sera d'abord à l'aval de Namur. Ce travail doit passer avant celui dont l'honorable membre vient de parler.

- L'article 14 est mis aux voix et adopté.

Articles 15 à 20

« Art. 15. Canal de Liège à Maestricht ; charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; charge extraordinaire : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Canal de jonction de la Meuse à l'Escaut ; charge extraordinaire : fr. 118,200. »

- Adopté.


« Art. 18. Canal d'embranchement vers le camp de Beverloo ; charge extraordinaire : fr. 11,500. »

- Adopté.


« Art. 19. Canal d'embranchement vers Hasselt ; charge extraordinaire : fr. 56,500. »

- Adopté.


« Art. 20. Canal d'embranchement vers Turnhout ; charge extraordinaire : fr. 2,100. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Sambre canalisée ; charge extraordinaire : fr. 30,000. »

M. J. Jouret. - Messieurs, les eaux en quantité suffisante que les pluies exceptionnelles de l'année qui va finir ont amenées au canal de Charleroi semblent rendre inopportunes des observations qui auraient pour objet des mesures à prendre pour l'alimentation de ce canal. Qu'on ne s'y trompe cependant pas, dans l'état actuel des choses, malgré les prises d'eau faites aux rivières de Viesville et Renissart, et les autres améliorations au canal citées par M. le ministre dans la note communiquée à la section centrale, en réponse aux questions que lui avait adressées la sixième section, la question d'alimentation du canal dans les temps normaux sera toujours, au sentiment des hommes compétents, une très grave question, et j'espère qu'elle ne cessera pas de faire l'objet de l'attention sérieuse du gouvernement.

Je n'insisterai pas, pour le moment, sur ce côté spécial de la question du canal de Charleroi.

J'ai demandé la parole, non pour adresser une question à M. le ministre, mais plutôt pour présenter une observation sur laquelle j'attire son attention très sérieuse.

Des renseignements certains m'ont appris qu'un projet important concernant le canal de Charleroi et les divers bassins du Hainaut a été communiqué récemment à M. le ministre des travaux publics.

L'exécution de ce projet permettrait non seulement de fournir au canal de Charleroi les quantités d'eau qui lui sont nécessaires dans les conditions actuelles de l'éclusage, c'est-à-dire un cube de huit à dix mille mètres d'eau par 24 heures, mais aussi de l'alimenter dans le cas où de nouvelles écluses ou une section plus large lui seraient données de telle sorte que l'on s'engagerait à fournir au canal trente mille mètres cubes d'eau et plus par jour.

Ce projet aurait en même temps pour but, et c'est le point sur lequel j'appelle l'attention de la Chambre, et plus particulièrement celle des représentants de Bruxelles, de mettre en communication directe et facile les trois bassins houillers du Hainaut avec le grand marché du pays : Bruxelles, au moyen d'un canal à grande section que leurs produits parcourraient jusqu'à la capitale moyennant un fret égal.

L'ensemble du système serait établi de façon à permettre aux bateaux de charger de 230 à 250 tonnes comme ceux qui circulent sur le canal de Mons à Condé et qui navigueront prochainement sur la Sambre quand son approfondissement aura été effectué. De cette manière serait réalisée l'idée de la fonction à grande section de la Meuse au haut Escaut, réclamée depuis si longtemps par tous les intérêts industriels et viendrait à disparaître l'anomalie étrange qu'il y a à voir une ligne à petite section sur laquelle ne peuvent naviguer que des bateaux chargeant 70 tonnes, réunir deux fleuves comme l'Escaut et la Meuse sur lesquels naviguent des bateaux d'un tonnage triple.

Il suffit d'indiquer l'importance de ce projet pour le faire comprendre. La Chambre remarquera que je n'approuve ni ne désapprouve ; personne, moins que moi, n'est compétent à cet égard ; je me borne à signaler l'immense utilité que l'idée peut avoir s'il est possible de parvenir à la réaliser.

Je ne demande même pas à M. le ministre de s'en expliquer immédiatement, le projet est vaste, l'étude doit en être longue et difficile ; mais ce que je crois pouvoir réclamer du gouvernement, c'est qu'en raison de l'importance du projet et de la grandeur de l'idée, ils soient soumis à une étude sérieuse, approfondie et complète de la part des hommes compétents de l'administration.

Puisque je suis debout, je profiterai c'e l'occasion pour répondre à M. le ministre relativement à ce qu'il a dit sur la Dendre.

M. le ministre a dit que les travaux... (Interruption). Je serai bref et puis l'être, parce que l'honorable M. de Naeyer est inscrit sur cette question, et je suis certain qu'il la traitera d'une manière complète.

L'honorable ministre a dit que les travaux de la navigation de la Dendre entraîneraient une dépense de 10 millions.

J'ai peine à comprendre qu'il puisse en être ainsi, car si mes souvenirs sont exacts, la totalité des dépenses à faire au canal de Jemmapes à Alost ne devait coûter que dix millions et deux millions pour frais, et dans ce travail était accessoirement compris ce que récemment on a appelé le canal de Blaton.

Mais en admettant qu'il en soit ainsi, est-ce bien une somme de 2,500,000 fr. que nous avons affectée à ce travail ? Il suffira de rappeler ce qui a été tchaque fois que la question a été traitée dans cette enceinte pour prouver qu'il s'est toujours agi de faire une dépense de 5 à 6 millions, que la somme de 2,500,000 fr. n'était qu'un premier crédit qui serait suivi d'autres crédits nécessaires à l'achèvement de ce travail.

La preuve qu'il est ainsi, c'est que le projet qui a été discuté et adopté est celui de l'honorable M. Wellens que nous avons souvent mis en parallèle avec celui de M. Wolters sur lequel il avait un peu varié vers la fin de sa carrière.

Personne de nous ne l'ignorait, et M. le ministre le savait comme nous. Ce projet emporte une dépense de 6 millions environ. Il est donc positif qu'en votant 2,500,000 fr., nous n'avons voulu voter qu'un premier crédit qui devait être suivi d'autres crédits jusqu'à l'achèvement des travaux.

Il est une autre preuve encore et elle se trouve au Moniteur.

Dans la discussion du budget de l'année dernière l'honorable ministre, répondant à une interpellation que je lui avais adressée, admettait qu'un excédant aurait pu exister du chef des travaux à exécuter à la Dendre, et qu'il considérait comme pouvant servir de subside, pour la construction du canal de Blaton. Je l'interrompis en lui disant : « Vous savez parfaitement que le crédit est insuffisant. » M. le ministre n'a pas contesté mon allégation, il s'est borné à répondre : « Je raisonne dans une simple hypothèse. Il me suffit de cette hypothèse... »

Il est donc bien évident que c'est une somme de cinq à six millions qui a été implicitement affectée aux travaux de la Dendre.

Ces préliminaires établis, je dirai : Si les études faites emportent une dépense de 10 millions, qu'on les recommence de manière à arriver à un projet qui permette, de ne dépenser que la somme dont nous-pouvons disposer, conformément à ce que je viens de dire.

Je fais observer à la Chambre que personne ne peut contester que les populations de la vallée de la Dendre ont un droit acquis à cette somme et à l'exécution de ces travaux.

Je dois le dire, dans la loi de 1859, en votant pour les travaux proprement dits d'Anvers, je n'ai été influencé par aucune espèce de considération étrangère à ce vote même. Mais il n'en est pas moins vrai que dans la discussion de cette loi, le cabinet a pris spontanément, il est vrai, mais d'une manière formelle, cette position : il donnait les travaux joints au projet comme une sorte de compensation aux sacrifices qu'il demandait pour les travaux d'Anvers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du tout.

M. J. Jouret. - M. le ministre des finances me. dit : Du tout. Voici ce que M. le ministre des finances, lui-même, a dit ; cela se trouve aux Annales parlementaires de la session dernière, page 122 : « Nous donnons immédiatement au pays une satisfaction que sans cela il devrait attendre pendant un temps plus ou moins long, et nous le faisons, en ménageant convenablement les finances de l'Etat..., etc. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est la justification de l'opération financière.

M. J. Jouret. - Quel peut être, messieurs, le sens de ces paroles, si ce n'est celui que j'indique ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nullement.

M. J. Jouret. - Comment ! vous donnez immédiatement au pays une série de travaux que sans cela vous ne lui auriez pas donnés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A cause de l'emprunt.

(page 229) M. J. Jouret. - A cause de l'emprunt, soit, mais lorsque, en 1858, les travaux d'Anvers n'ont pas été adoptés, vous n'avez pas hésité à retirer les autres travaux proposés. N'est-ce pas le commentaire évident de vos paroles ? Il me semble que cela est clair comme le jour.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non, cela n'est pas clair du tout.

M. J. Jouret. - Quant à moi, je le déclare, et il me semble que c'est une question de bon sens, je ne concevrais pas qu'on eût voté pour la Dendre une somme de 2,500,000 fr., qui n'était qu’un premier crédit, que l'on eût pris l'engagement de dépenser 5 millions et qu'on vînt nous dire actuellement : Les études nous font prévoir une dépense de 10 millions ; cette dépense est impossible, on ne fera pas ce travail. Je ne concevrais pas que, dans quelques jours, on vînt nous présenter un nouveau projet de travaux publics et qu'on laissât dans les cartons les travaux à exécutera la Dendre qui ont été votés par la loi de 1859. Ce serait une injustice que, pour mon compte, je ne sanctionnerai pas, et je le déclare, si je n'acquiers pas la certitude que les travaux de la Dendre s'exécuteront sur le pied de ce qui a été voté en 1859, il me sera impossible de voter les autres travaux que l'on nous proposera.

La seule chose donc qu'il reste à faire, c'est que M. le ministre des travaux publics veuille bien faire activer et activer sérieusement les nouvelles études à faire, études qui réduiront dans de justes proportions la dépense à faire pour la canalisation de la Dendre.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Nous sommes parfaitement d'accord.

M. J. Jouret. - De manière que nous puissions, avec la somme qui était dans la prévision de tout le monde, 5 à 6 millions, arriver à l'exécution du projet de M. Wellens, projet proclamé le seul bon et exécutable pour parvenir à l'amélioration du régime des eaux de la Dendre.

Les populations de la vallée de la Dendre ont droit à l'exécution de ces travaux, et j'espère qu'elles l'obtiendront.

- Plusieurs membres : A demain.

MpVµ. - Je propose de mettre à l'ordre du jour, après le budget des travaux publics, le projet de loi fixant le contingent de l'armée.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à cinq heures.