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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 février 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 754) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

Il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« La veuve du sieur Uffelmans, ancien employé au chemin de fer de l'Etat, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Bassilly demandent que la station d'Enghien soit établie au sud de cette ville. »

- Même renvoi.


« Le sieur Paulis prie la Chambre de faire convertir en pension les deux tiers du traitement qu'il recevait en qualité de receveur de l'octroi de Verviers. »

- Même renvoi.


« Le sieur Andreux demande que les fils d'employés des douanes soient dispensés de fournir un cautionnement pour entrer dans la gendarmerie. »

-Même renvoi.


« Le sieur Colson, ancien directeur de boulangerie militaire, prie la Chambre de revenir sur la décision qu'elle a prise au sujet de ses pétitions tendantes à obtenir une pension ou sa mise en non-activité et le payement de quatre années et deux mois de solde. »

- Même renvoi.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1862

Discussion générale

MaeRµ. - Messieurs, j'ai demandé la parole hier en entendant un honorable représentant de Bruxelles.

J'aurais voulu cependant ne pas ajouter, pour mon compte, à la longueur des débats suscités par le budget de l'intérieur ; toutefois comme les questions soulevées par l'honorable M. Hymans ont de l'importance et comme plusieurs de ses assertions ont besoin d'être rectifiées, je dois à mon tour entrer dans la discussion.

Messieurs, je rends hommage aux intentions de l'honorable M. Hymans. Nous ne pouvons voir avec déplaisir se produire ici des questions d'intérêt public qui ne peuvent que gagner à être agitées, alors même que la discussion ne reposerait pas toujours sur des renseignements parfaitement exacts.

L'honorable membre trouve que l'enseignement du dessin et particulièrement du dessin appliqué à l'industrie, n'existe nulle part en Belgique, dans de bonnes conditions du moins.

Je réponds que l’enseignement du dessin existe partout en Belgique et qu'il n'y a probablement par un seul pays en Europe où cet enseignement occupe une place aussi large et aussi utile dans l'instruction populaire.

On nous a dit : Vous possédez en Belgique 44 écoles ou académies de dessin, et l’enseignement y est en quelque sorte stérile. Messieurs, c'est déjà là un bon témoignage que ce grand nombre d'écoles ; cela prouve que dans le pays, même de modestes communes comprennent l'utilité de l'enseignement du dessin, et si elles donnent à leurs écoles le titre un peu fastueux d'académie, cela prouve l'importance qu'elles attachent à cet enseignement.

Outre 44 écoles ou académies de dessin, nous avons des écoles industrielles où l'on enseigne le dessin appliqué à l'industrie ; et des écoles spéciales de dessin industriel où l'on enseigne également le dessin appliqué aux divers produits de l'industrie.

Enfin, messieurs, dans nos athénées, dans nos collèges, dans nos écoles moyennes, dans nos écoles primaires, l'enseignement du dessin fait partie du programme des études.

Donc sous ce rapport l'on ne peut pas dire que la Belgique manque d'enseignement. Le dessin s'enseigne, au contraire, partout.

Les écoles de dessin renferment jusqu'à 12,000 élèves.

Maintenant, messieurs, nous ne voulons pas dire que l'enseignement du dessin ainsi répandu dans le pays tout entier et jusque dans les plus modestes communes, soit donné partout d'une manière parfaite et complète, Il laisse nécessairement à désirer, comme d'autres branches de l'enseignement public ; ce n'est pas là un fait nouveau, ce n'est pas une révélation. Cet état de choses avait préoccupé le gouvernement depuis d'assez longues années.

Dès 1851, le gouvernement avait voulu se rendre compte de l'état de. l'enseignement du dessin dans les divers établissements du pays. Il avait résolu de procéder pour l'enseignement du dessin comme il avait fait pour l'enseignement littéraire, c'est-à-dire par voie de concours.

Nous avons eu l'idée de faire venir à Bruxelles un certain nombre de concurrents ou du moins les compositions d'un certain nombre d'élèves afin de pouvoir les comparer entre elles et d'apprécier la force relative des divers établissements.

Cette idée a paru d'une réalisation difficile ; on y a renoncé d'abord ; plus tard l'idée a été reprise ; un conseil de perfectionnement a été nommé pour l'enseignement du dessin comme il en existe un pour l’enseignement littéraire.

Ce conseil de perfectionnement ne s'est pas borné à discuter ; il a été appelé à jouer un rôle plus pratique : les membres du conseil de perfectionnement ont été chargés d'aller inspecter les divers établissements où se donne l'enseignement du dessin.

Les inspecteurs ont fait un rapport au conseil, à la suite de ce rapport un programme d'études a été arrêté et envoyé aux diverses communes où existent des écoles de dessin. Ce programme n'a pas été imposé ; il a été recommandé aux communes, comme renfermant l'indication d'une bonne voie à suivre.

Maintenant, messieurs, qu'a constaté le rapport des inspecteurs faisant partie de la commission de perfectionnement ? Il a constaté que dans diverses localités l'enseignement du dessin n'était pas établi sur des bases et dans des conditions suffisantes ; que, vu la modicité des ressources des communes, l'enseignement n'était pas partout ce qu'il devrait être ; que les collections de modèles étaient incomplètes. Mais, sur d'autres points, les inspecteurs ont constaté que l'enseignement du dessin dans ses rapports avec l'industrie était donné avec succès.

L'honorable membre a cependant prétendu que, sous tous les rapports, l'avis des inspecteurs était défavorable. Et ici je ne parle pas de nos académies principales, mais des écoles de dessin dans nos villes de deuxième et de troisième ordre.

M. de Vrière. - Je demande la parole.

MaeRµ. - Voilà, messieurs, le véritable état des choses.

Parmi les améliorations à introduire dans les écoles, le conseil de perfectionnement a indiqué entre autres l'adoption et la propagation de bons modèles. Il a été décidé que le gouvernement acquerrait un certain nombre de modèles qui seraient distribués entre les écoles.

Enfin l'idée de faire concourir entre eux, par une voie quelconque, ces divers établissements, a été reprise et elle a des chances de réussir, à ce qu'on m'assure.

L'honorable membre nous a annoncé qu'il allait procurer au pays un immense bienfait sans que le trésor eût un centime à débourser.

Je ne pense pas qu'il nous ait fait connaître ce système nouveau si puissant et si économique.

Je me trompe, l'honorable membre, comme tous les auteurs de propositions, comme tous les partisans d'améliorations, a conclu par une demande de subsides.

Des subsides ! Telle est la conclusion pratique de son discours.

Il se passe, quelque chose de remarquable en ce qui concerne le rôle du gouvernement. Il subit les critiques les plus contradictoires ; un jour on lui reproche de vouloir tout faire, de se mêler de tout, de ne rien laisser à l'initiative des communes et des particuliers ; le lendemain, le même orateur quelquefois, voudra dire au gouvernement : Vous ne vous mêlez de rien, vous laissez tout à l'abandon. Agissez donc, prenez l'initiative, perfectionnez, propagez par des subsides l'enseignement du dessin, rendez-le obligatoire.

Dans une pareille situation que doit faire le gouvernement ? Prendre une position moyenne, la position d'un juste milieu. Il faut laisser faire et aider à faire, telle est souvent la meilleure règle à suivre, et c'est ainsi que le gouvernement agit en ce qui concerne l'enseignement du dessin.

Je trouve donc les reproches de l'honorable représentant de Bruxelles mal fondés ; c'est à tort qu'il reproche au gouvernement de n'avoir rien fait pour l'enseignement du dessin ; je dirai au contraire que c'est une des (page 754) questions qui ont le plus sérieusement occupé le gouvernement. Je reconnais qu'il y a de grands avantages à attendre pour le pays de l'enseignement du dessin bien organisé, il s'en occupait à une époque où l'honorable membre non seulement n’était pas représentant, mais avait à peine atteint sa majorité.

Ce n'est pas à dire, toutefois, parce que l'idée n'est pas nouvelle, qu'on ne doive pas la produire dans cette enceinte ; je serai au contraire toujours charmé d'y voir introduire des idées semblables, bien qu'elles aient été rebattues dans l'administration et qu'elles aient fait l'objet de rapports et de brochures. (Interruption.)

Si vous les aviez lues toutes. vous auriez vu qu'elles contiennent plus de choses que vous n'êtes venu nous en apprendre, vous auriez vu qu'on y est descendu dans beaucoup de détails, et bien que votre discours contienne beaucoup d'observations intéressantes, je dois le dire, il ne vaut pas les brochures.

On voudra bien me pardonner ici une réflexion. Nous ne discutons plus les budgets, nous nous livrons à des dissertations qui seraient mieux à leur place dans le sein d'une commission ; mais on a horreur des commissions ; et devant la Chambre ainsi constituée à l'état de grande commission, quelles sont les conclusions des dissertations ? Comme toujours, des subsides.

Il ne fallait pas pour cela de longues dissertations. Mais ici nous n'allons pas aussi loin que vous ; nous prétendons propager et perfectionner le dessin, mais en ménageant le trésor, par le moyen de la persuasion, par des encouragements modérés, par des appels aux associations, à la bonne volonté des communes et des industriels. Sous ce rapport, le gouvernement n'a pas perdu son temps ; il a concouru à des actes très importants, très nombreux.

On dit que le dessin appliqué à l'industrie n'existe pas. Mais où a-t-on vu cela ? Les leçons de dessin appliqué à l'industrie se donnent avec succès dans plusieurs localités et dans les localités où surtout cet enseignement peut être utile.

Nous avons à Gand une école industrielle, où l'on enseigne le dessin industriel, et nous avons à Gand une seconde école où l'on enseigne le dessin dans ses applications à l'industrie.

En voilà deux pour une seule ville.

Nous avons à Bruges une école de dessin appliqué à l'industrie ; nous en avons une à Verviers, une à Liège, une à Soignies.

On a parlé hier avec dédain de l'école de Soignies. Je demanderai à l'honorable député de Bruxelles s'il a visité l'école de Soignies. Moi, je l'ai visitée ; j'ai vu une école fréquentée par des ouvriers de tout âge, auxquels on enseigne la coupe des pierres, la sculpture des pierres, et j'ai été frappé du degré de perfectionnement où sont arrivés plusieurs de ces ouvriers, dont les mains très solides, très calleuses, ne semblaient pas pouvoir se prêter à la délicatesse des travaux qu'ils appliquent à la pierre.

Lisez les rapports attentivement : vous verrez que dans les villes que je viens de citer et ailleurs le dessin appliqué à l'industrie est enseigné avec succès.

Parlerai-je de l'académie d'Anvers ? Là, il faut en quelque sorte refréner les tendances que l'on montre à favoriser l'application du dessin à l'industrie.

Nous avons, messieurs, un écueil à éviter. A force de vouloir matérialiser l'art, nous pourrions détruire l'art dans ce qu'il a de plus élevé et de plus noble.

Sans doute le dessin appliqué à l'industrie peut rendre de très grands services. Mais l'art lui-même a un autre rôle encore à jouer que d'aider à l'industrie.

Eh bien, je dis que nous devons en quelque sorte refréner ce besoin qui se fait sentir presque partout de tout faire tourner à ce qu'on appelle l'utile, de matérialiser toute chose, et particulièrement l'art, dans toutes ses expressions.

A Anvers, il y a un enseignement du dessin appliqué à l'industrie, très développé, très suivi et qui occupe, dans l'académie d'Anvers, une place non moins large que l'enseignement artistique proprement dit, et cette part est peut-être trop grande, eu égard à la destination de l'académie d'Anvers.

L'enseignement du dessin industriel ne se donne pas à Bruxelles dans la même proportion. Mais, je le demande à l'honorable représentant, qu'en peut le gouvernement ? Il a cité 160 industriels de la capitale appartenant à ce qu'il y a de plus considérable dans l'industrie de Bruxelles. Il nous a cité, quoi ? lui qui aime les actes, qui n'aime pas les rapports ? Une pétition, signée par 160 industriels. Mais ces messieurs n'auraient-ils pas autre chose à faire que des pétitions ? Je suppose que l'honorable représentant de Bruxelles leur aura tenu un langage très simple, très pratique ; si vous croyez que l'enseignement du dessin appliqué à l'industrie manque à Bruxelles, créez-le ; formez des écoles ; faites ce qui se fait ailleurs.

Si l'administration communale de Bruxelles ne forme pas de pareilles écoles, associez-vous et formez-en vous-mêmes.

Ne venez donc pas nous opposer une pétition de 160 industriels qui ne font rien et accuser le gouvernement de ne rien faire alors qu'il a posé des actes très nombreux.

Toutefois il existe une association de ce genre à Bruxelles, qui compte un assez grand nombre d'industriels et de non-industriels, qui chaque année fait une exposition d'objets industriels dans lesquels le dessin joue un grand rôle ; c'est la société qui s'intitule : Société des arts industriels.

Elle organise tous les ans une exposition et un concours et dans ce concours, qui constitue un véritable enseignement, on propose à tous les industriels, à tous les ouvriers les sujets les plus variés, sujets qui rentrent entièrement dans le dessin appliqué à l'industrie.

J'ai ici les programmes des cinq dernières années : je ne veux pas les lire à la Chambre, mais il en résulte que cette société imprime aux arts industriels une heureuse impulsion, et ajoutons que la société fait cela sans le concours financier du gouvernement. Les ministres sont souscripteurs en leur nom, mais le gouvernement se borne à prêter un local et à décerner des récompenses honorifiques aux artisans signalés comme les plus distingués. Tout cela se passe le mieux du monde et sans que le trésor ait rien à dépenser de ce chef.

Messieurs, je disais tout à l'heure que l'on adressait au ministère des reproches tout à fait contradictoires. Eh bien, il me semble que vis-à-vis du pays on tombe aussi un peu dans la même contradiction. Tantôt nous sommes le premier pays du monde ; la Belgique est à la tête des nations les plus civilisées ; les artistes belges sont les premiers artistes du monde. Nul ne peut égaler le talent de nos artistes. Nous faisons de nous-mêmes quelquefois un éloge qui peut se justifier jusqu'à certain point par des raisons de patriotisme, mais qui aux yeux des hommes positifs, peut paraître, de temps à autre, un peu exagéré. Puis voilà cette nation qui est à la tête de tous les progrès, à la tête des arts, qui possède les premiers artistes, voilà cette nation qui n'a plus d'ouvriers capables de faire un meuble élégant ! Nos travailleurs manquent de goût et c'est au gouvernement qu'il appartient de les former.

Je ne saurais admettre ni l'une ni l'autre de ces assertions ; je ne pense pas que la Belgique soit en toutes choses à la tête de tous les pays ; mais je pense aussi que le pays, en fait de dessin industriel, n'est pas placé aussi bas qu'on l'a prétendu hier.

Les résultats de l'exposition des arts industriels ont permis de constater des progrès notables.

Nous ne pouvons pas tout d'un coup nous élever dans certains domaines de l'art à la hauteur des plus grandes capitales.

Sans doute Paris sera toujours en avant de Bruxelles, pour certains produits ; nous ne pouvons pas vouloir qu'une ville de 200,000 âmes qui n'a pas les mêmes stimulants, ni les mêmes débouchés, ni le même nombre d'artistes, ni les mêmes musées, se place sur la même ligne qu'une autre ville six fois plus peuplée, et qui a le privilège de voir s'ouvrir devant elle le monde entier pour le placement de certains de ses produits.

On a paru reprocher hier à un ministre d'avoir fait venir de Paris des lustres, des candélabres, des pendules pour une somme de 18,000 fr.

Je suis étranger à cette opération, qui n'a pu donner lieu d'ailleurs à une telle dépense ; mais je suppose que le ministre, que la chose concerne, se soit adressé à un fabricant de Bruxelles et lui ait dit : « Faites-moi pour un salon où je dois recevoir parfois les membres du corps diplomatique ; faites-moi dans des conditions convenables, un lustre, des candélabres, une pendule. » Je suppose ensuite que le fabricant ait répondu : « Je ne suis pas en état de faire cela, mais je me charge de vous procurer ces objets. »Et les objets ont été livrés sans que le ministre ait songé à demander un certificat d'origine. (Interruption.)

L'honorable M. Hymans a cité ce fait ; je le relève. Mais de ce que la fabrication de Bruxelles ne sera pas en état de faire un lustre aussi beau qu'on peut le faire à Paris, il ne faut pas en conclure que l'art industriel en Belgique est descendu au dernier degré d'impuissance.

La vérité est que l'art industriel dans certaines parties est aussi avancé en Belgique que dans les autres pays.

Mais parce que cet art ne peut s'appliquer à tous les objets avec le même succès, devons-nous en inférer que tous nos artistes industriels manquent de goût et que nous avons tout à faire pour introduire le goût artistique dans les arts industriels ?

(page 755) Il nous reste sans doute des progrès à accomplir sous ce rapport ; mais je tiens à constater que le gouvernement a fait tous ses efforts pour diriger l'éducation populaire vers le dessin appliqué à l'industrie, et je le répète, il n'existe peut-être pas en Europe un pays où il y ait autant d'établissements artistiques.

M. Hymans. - Je n'en disconviens pas.

MaeRµ. - Que signifie alors votre discours d'hier ? à part le charme et la clarté avec lesquels vous vous êtes exprimé ?

Je dis que nulle part l’enseignement n'est donné sur d'aussi larges hases qu'en Belgique.

On parle de rendre l'enseignement du dessin obligatoire. Mais, messieurs, l'enseignement du dessin, en ce qu'il peut avoir d'utile pour ceux auxquels il s'adresse, est obligatoire dans l'enseignement lui-même.

On enseigne le dessin linéaire dans nos écoles primaires et moyennes et les éléments du dessin dans nos athénées et nos collèges, mais on ne peut enseigner tout à nos jeunes gens. Tous du reste ne peuvent devenir dessinateurs.

Le dessin est en outre enseigné dans les écoles professionnelles, dans les écoles de dessin industriel et enfin dans toutes nos académies.

L'honorable membre a conseillé au gouvernement d'accorder des subsides, grand moyen que l'on est aussi prompt à préconiser qu'à critiquer plus tard, et puis de créer une école normale où l'on formerait des professeurs de dessin.

Ce serait là la source d'une dépense assez forte, ce serait l'intervention de l'Etat au plus haut degré, dans des matières qui doivent être laissées plus spécialement à l'initiative et au goût des particuliers. Il serait souverainement monotone et ennuyeux d'avoir dans le pays un art officiel et gouvernemental, et, je dois le déclarer, tout partisan que je suis de l’intervention de l'Etat, en une juste mesure, il me répugnerait de voir l'Etat intervenir dans la direction ainsi entendue des beaux-arts.

Il se forme dans nos écoles, telles qu'elles sont constituées, des élèves distingués, capables de devenir professeurs, à telle enseigne qu'on vient nous les emprunter de l'étranger ; nous qu'on accuse donc rien produire, nous fournissons à la France et à d'autres pays, des élèves qui deviennent des professeurs.

Je crois donc que l'école normale peut être ajournée.

Nous avons beaucoup de grands artistes très capables de donner à l'enseignement de l'art une bonne et haute direction sans qu'il faille créer pour cela une école normale.

Si l'on veut d'ailleurs une école normale, je répondrai qu'elle existe à l'académie royale d'Anvers où l'enseignement est organisé d'une manière très complète et très étendue.

Il y a à cette académie un très grand nombre d'élèves et des professeurs distingués. Les jeunes gens qui en sortent sont très capables d'enseigner aux autres ce qu'on leur a appris ; mais prenons-y garde, il ne faut rien exagérer ; dans aucune carrière, il ne faut d'encombrement, nous ne pouvons pas faire de tous nos jeunes Belges des artistes ou des dessinateurs ; lorsque vous aurez formé un nombre restreint de dessinateurs dans certaines villes industrielles, vous aurez fait beaucoup, vous aurez fait assez.

On se plaint quelquefois du grand nombre d'avocats, du grand nombre de médecins et l'on ne parle pas du trop grand nombre d'artistes.

Il faut donner à l'industrie le nombre de dessinateurs qu'elle peut réclamer. Il faut chercher à introduire par l'enseignement dans les classes ouvrières, le goût et le sentiment du beau. C'est ce qu'on s'est proposé de faire, et pour ce qu'il a fait dans cette voie, je crois que le gouvernement mériterait plutôt d'être félicité que d'être critiqué.

J'aurais encore beaucoup de choses à dire, messieurs, mais je termine. Si nous parlions devant une Académie, nous pourrions sur de pareilles matières occuper plus ou moins l'attention des auditeurs pendant des heures entières, mais il me semble que devant la Chambre ces questions ne doivent pas être traitées avec trop de développement.

Quoi qu'il en soit, je le répète, je ne puis qu'applaudir aux intentions de l'honorable représentant de Bruxelles. Il traite ces questions avec un esprit tout particulier et j'espère qu'il n'aura rien trouvé dans ma réplique qui soit de nature à lui faire regretter le discours qu'il a prononcé.

- M. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil de la présidence.

M. Jamar. - J'apporterai, messieurs, une extrême concision dans les quelques observations que le discours de l'honorable M. Hymans m'engage à présenter.

Je partage complètement les idées que mon honorable ami a développées d'une manière si remarquable sur l'importance de l’enseignement du dessin industriel, et sur l'utilité incontestable de comprendre l'enseignement du dessin dans le programme des écoles primaires, surtout si la méthode dont M. Hendrickx est l'inventeur est assez élémentaire, comme je le crois pour ma part, pour que l'inventeur puisse mettre promptement les instituteurs en mesure de l'enseigner.

Mais je déclare que je partage complètement l'opinion de M. le ministre des affaires étrangères sur le rôle du gouvernement dans cette question ; et je pense que, pour l'enseignement du dessin industriel ou artistique, il faut laisser aux communes une utile et nécessaire prépondérance dans l'organisation de cet enseignement.

Les communes connaissent bien mieux que le gouvernement quelles sont les nécessités locales industrielles.

II serait injuste, au reste, de ne pas reconnaître les efforts tentés par un grand nombre d'administrations communales depuis dix ans, ainsi que le succès qui a couronné ces efforts.

L'exposition universelle de 181 avait démontré à l'Angleterre en même temps qu'à la Belgique, la supériorité de l'industrie française sous le rapport artistique.

Frappé de cette révélation, un homme qui a rendu des services immenses à l'Angleterre et dont elle déplore en ce moment la perte, le prince Albert, indiqua la meilleure voie, selon lui, pour remédier au mal.

Sous ses inspirations, une association considérable de chefs d'industrie anglais se forma et fonda le musée de l'école de Kensington, sans l'intervention de l'Etat, au moyen de souscriptions particulières et, notamment, d'une somme fort importante, 1,200,000 fr., je pense, montant du bénéfice réalisé par les organisateurs de l'exposition universelle et que ceux-ci consacrèrent à cet usage comme à celui le plus propre à favoriser les progrès de l'industrie anglaise.

Ce ne fut que plus tard que le parlement accorda un crédit considérable pour l'érection de 300 écoles destinées à l'enseignement du dessin industriel.

C'est avec intention, messieurs, que j'indique ici l'initiative sérieuse que prirent en cette occasion les chefs d'industrie anglais.

Il y a là pour nous un renseignement utile ; nous comprenons trop peu les avantages que les citoyens, en s'associant, pourraient trouver à organiser et à administrer des établissements utiles, sans l'intervention de l'Etat ou de la commune, auxquels nous sommes fâcheusement disposés à avoir incessamment recours.

Mais, messieurs, ce serait une erreur de croire que les enseignements de l'exposition de 1861 soient restés stériles pour la Belgique. Au contraire, de 1852 à 1860, plusieurs administrations de nos grandes villes et de nos communes fondèrent ou transformèrent, avec l'appui du gouvernement, des écoles industrielles qui ont exercé l'influence la plus heureuse et la plus féconde sur le progrès de notre industrie.

L'honorable M. Jacquemyns nous a dit hier quels résultats avait produits pour l'industrie gantoise, l'école industrielle de Gand.

Demandez à nos collègues de Liège, de Bruges, de Verviers, de Tournai, de Huy si les écoles établies dans ces villes n'ont pas produit des résultats analogues dans ces diverses localités.

Quant à l'enseignement du dessin proprement dit, si les observations que vous a présentées hier mon honorable ami au sujet des académies d'Eecloo, de Diest et de Turnhout, ont pu faire sourire la Chambre, je déclare, quant à moi, que l'académie de Bruxelles, les académies de Liège, de Gand, d'Anvers, de Tournai sont organisées d'une manière remarquable.

À Liège, comme vous l'a dit l'honorable M. Hymans, les cours de modelage et de dessin ornemental ou architectural, appliqués à l'industrie, se donnent d'une manière très remarquable par des professeurs très intelligents, MM. Buckens, Honoré, Drion, etc.

A Anvers, c'est M. Durlet, artiste dont le nom est européen, qui a donné à cet enseignement une importance que personne ne peut contester.

Je constate avec regret, messieurs, que l'enseignement de l'art industriel à Bruxelles présente des lacunes extrêmement regrettables, mais cet état de choses va cesser.

J'avoue que je suis heureux de pouvoir tenir aux 170 industriels qui ont signé la pétition qui est déposée sur le bureau, tenir un langage plus satisfaisant que celui que conseillait M. le ministre des affaires étrangères à l'honorable M. Hymans.

Je puis leur dire, au contraire, que les vœux légitimes qu'ils expriment recevront bientôt une complète satisfaction.

(page 756) Sans entrer dans des détails prématurés sur la réorganisation du musée de l'industrie, je puis dire que dans le programme de l'école industrielle qui sera annexée au musée de l'industrie, l'enseignement du dessin industriel occupe une place fort importante.

Divers cours, notamment de dessin architectural, de dessin ornemental et de modelage initieront les ouvriers à toutes les connaissances artistiques qui leur sont nécessaires.

En outre, un cours d'application de ces connaissances à l'industrie complétera cet enseignement.

Quant aux craintes que l'honorable M. Hymans a exprimées de voir une rivalité quelconque naître entre l'Etat et les communes, je ne les crois nullement fondées.

En désignant, dans son rapport au Roi, l'honorable bourgmestre de Bruxelles comme président naturel de la commission chargée d'examiner le projet de réorganisation du musée de l'industrie, M. le ministre a prouvé quelle importance il attachait à voir s'établir la meilleure entente entre l'Etat et la capitale pour la réorganisation de cet établissement.

Je ne méconnais certainement pas l'importance de l'enseignement du dessin appliqué à l'industrie ; mais ce n'est qu'une des faces de cette grande question de l'enseignement industriel, et je crois que l'honorable M. Hymans s'abuse étrangement en contestant l'utilité de certaines con naissances qui, selon moi, sont au moins aussi indispensables à nos populations ouvrières.

Ce sont là, au reste, des questions que nous pourrons discuter d'une manière plus approfondie, quand nous aurons à discuter le projet de réorganisation du Musée de l'industrie. Quant à moi, j'ajourne à cette époque les considérations sérieuses que j'aurai à présenter à la Chambre pour faire comprendre l'importance de certaines connaissances dont il me semble que l'honorable M. Hymans fait un peu trop bon marché.

M. Hymans. - Je remercie M. le ministre des affaires étrangères de ce qu'il a dit de bienveillant pour moi au commencement et à la fin de son discours, quoique, en le voyant si bienveillant au début, je me sois attendu à rencontrer des critiques assez vives au milieu. Ces critiques, en effet, n'ont pas manqué. Je ne m'en plains pas : j'ai 1'épiderme assez dur, et d'ailleurs je sais par expérience qu'il n'y a que la vérité qui blesse.

Les choses banales n'ont, d'habitude, le privilège d'exciter la vivacité de personne. Au surplus, dans une question de cette importance, je fais volontiers le sacrifice de mon individualité.

La question que j'ai soulevée devant la Chambre et qui, selon M. le ministre, eût été plus convenablement discutée dans une Académie ou dans une commission, est une des plus importantes qui puissent être débattues dans une assemblée législative.

Elle pourrait se présenter tout naturellement à propos d'un traité de commerce ; elle se présente aujourd'hui à propos du chapitre de l'industrie.

Que nous consacrions aujourd'hui ou dans trois mois deux séances à la discuter, je crois que cela revient à peu près au même.

Du reste si je commets une faute en entraînant la Chambre dans une discussion de ce genre, j'en partage la responsabilité avec des hommes qui jouissent de l'estime de M. le ministre des affaires étrangères. S’il veut se donner la peine de lire le compte rendu des séances de la dernière session du conseil provincial du Brabant, il verra que M. Liedts a insisté de la manière la plus expresse en faveur de l'opinion d'un membre du conseil provincial, l'honorable M. Piron-Vanderton, qui, comme les pétitionnaires, réclamait l'organisation sérieuse de l’enseignement du dessin industriel dans le pays et surtout dans la capitale.

L'honorable ministre des affaires étrangères me reproche de faire des discours inutiles. Si les discours sont inutiles, les brochures dans lesquelles il paraît que je les ai puisés sont plus inutiles encore.

A quoi sert d'avoir le droit de dire son opinion à la tribune nationale, si ce n'est pour y émettre et y soutenir les vœux des contribuables ; à quoi sert le droit de pétition si l'on ne peut pas saisir la Chambre de toutes les questions d'intérêt général qui peuvent surgir ? Ce droit de pétition, ce droit de parole ont pour but d'apporter devant la législature les idées qui sont contenues dans les rapports et les brochures que la foule ne lit pas, et qui sans cela resteraient à la porte et ne fixeraient l'attention sérieuse de personne.

Vous savez comme moi que toutes ces questions ne se discutent ici qu'après avoir été l'objet de discussions approfondies au-dehors et quand l'opinion publique les a introduites de force dans cette enceinte.

M. le ministre voudra bien reconnaître que les 160 signataires de la pétition ont bien le droit de prendre la parole dans un débat aussi grave. Comme ils ne peuvent pas la prendre eux-mêmes, je la prends pour eux.

Messieurs, il ne faut pas perdre de vue quel est le point de départ de cette discussion, il ne faut pas la laisser s'égarer si l'on veut qu'elle aboutisse à un résultat pratique.

Le point de départ est la pétition des industriels. J'avoue que quand j'ai vu cette pièce dont j'ai demandé le dépôt sur le bureau de la Chambre pendant la discussion du budget de l'intérieur, j'ai été fort étonné de voir qu'en présence de l'immense développement qu'a pris en Belgique l'enseignement des arts du dessin, on vînt, à Bruxelles même, dans la capitale, où le luxe est le plus grand, où les ouvriers doivent trouver l'emploi le plus lucratif de leur talent, on vînt déclarer qu'il est impossible de trouver des dessinateurs, comme, du reste, on l'avait déjà déclaré dans un rapport officiel.

A quoi tient ce mal ? D'où vient qu'ayant tant d'écoles de dessin, ou n'ait pas de dessinateurs ?

D'où vient que les hommes auxquels on fait des commandes, répondent qu'ils ne peuvent pas les exécuter ? Si nous avons des écoles de dessin, il faut qu'elles puissent fournir des dessinateurs ; on enseigne le dessin partout et on ne trouve de dessinateur nulle part.

L'honorable ministre des affaires étrangères déclare qu'il n'y a pas de pays au monde où il y ait plus d'écoles, plus d'académies de dessin qu'en Belgique ; je le reconnais volontiers.

M. le ministre a pensé que j'avais voulu faire un mauvais compliment à des communes qui avaient baptisé de modestes écoles du nom d'académies. C'est une profonde erreur. C'est là une vanité fort innocente, qui ne fait de mal à personne ; les petites communes veulent avoir des académies comme tout marquis veut avoir des pages.

Je leur pardonne de prétendre au nom d'académie et même d'institut royal des beaux-arts, si elles le jugent convenable.

D'après M. le ministre, j'ai donné à la chambre et au pays une fausse idée de ce qui existe en Belgique. Or, je me suis borné à donner lecture d'un rapport officiel, d'un rapport imprimé qui a paru au Moniteur, qui a été adressé au ministre de l'intérieur, par le conseil de perfectionnement des arts industriels.

Je ne puis pas empêcher qu'on dise dans ce rapport :

« Je comparerais volontiers la situation de l’enseignement des arts du dessin, en 1611, à celle de l'enseignement primaire et moyen, il y a vingt ans, lorsque, après dix années d'un abandon à peu près complet, le gouvernement rendit enfin possible la confection de lois spéciales, par deux mesures dont l'une est entièrement due à votre initiative : je veux parler de l'institution du concours général entre les établissements d'enseignement moyen et de la confection du premier rapport complet sur la situation de l'instruction primaire. »

Voilà la conclusion de ce rapport.

Dans un autre endroit de ce rapport, après l'exposé de la situation détaillée de chaque académie, on lit que la méthode n'existe nulle part, et vous voudrez bien admettre que, sans la méthode, l'enseignement n'est rien :

« En matière de méthode, la plus entière liberté, pour ne pas dire l’arbitraire le plus absolu, règle dans toutes nos écoles. Chaque maître choisit la sienne et le plus souvent il suit la tradition qu’un long usage a établie. »

Peu m'importe en présence d'une pareille déclaration qu'il y ait 12,000 élèves qui suivent les cours de dessin, s'ils n'en retirent qu'un médiocre résultat. (Interruption.)

M. le ministre veut bien reconnaître que l'enseignement est incomplet ; non seulement il est incomplet aujourd'hui, mais il l'était déjà il y a longtemps ; c'est parce qu'il y a vingt ans que cela est connu, qu'en le déclarant aujourd'hui je dis des vieilleries à la chambre.

C'est parfaitement vrai, je n'ai rien inventé : tout ce que j'ai dit, le gouvernement le sait depuis vingt ans, le pays le sait depuis que les documents officiels le lui ont appris.

Puisque M. le ministre des affaires étrangères a jugé à propos de faire l'histoire des efforts qu'il a faits pour améliorer l'enseignement du dessin, je me permettrai de la faire à mon tour pour lui rendre son véritable caractère.

En 1851 l'honorable ministre a nommé une commission chargée de rechercher les moyens d'arriver à une réorganisation des académies de dessin ; il la chargea d'examiner s'il ne serait pas utile d'établir des concours entre les diverses académies.

La commission a trouvé que ce moyen n'était pas le plus efficace. Elle a proposé divers remèdes à la décadence de nos écoles, entre autres un projet complet de réorganisation et la création d'un conseil de perfectionnement.

Remarquez que ceci date de 1851, et cela fait honneur à l'honorable (page 757) M. Rogier ; il y a douze ans qu'il s'est occupé de cette question. Mais les rapport de cette commission, qu'en a-t-on fait ? Il a été renvoyé aux directeurs des académies pour avoir leur opinion.

Ces messieurs naturellement ont fait des observations sur la proposition qui leur était soumise, le rapport est revenu au ministère.

On a nommé une seconde commission en 1852 pour examiner le travail modifié qui était rentré au département de l'intérieur avec les observations des directeurs des académies, qu'il s'agissait de réformer..., directeurs et académies, bien entendu.

Cette seconde commission a fait un second rapport, lequel rapport a été envoyé en 1853 à M. le ministre de l'intérieur qui, à cette époque n'était plus l'honorable M. Rogier.

En 1851, la première commission avait proposé la création d'un conseil de perfectionnement des arts du dessin comme une chose absolument indispensable.

Il a fallu le retour au pouvoir de l'honorable Rogier en 1857, et encore il n'a pris cette mesure qu'en 1859, pour amener la création de ce conseil de perfectionnement qui, depuis 1851, était considéré comme indispensable.

Et que fait maintenant ce conseil de perfectionnement ? Il travaille à faire ce que la commission de 1851 avait déjà fait. II présentera un nouveau rapport qui aura probablement la même destinée que celui d'il y a onze ans.

Voilà comment on s'est occupé de la réorganisation de nos écoles de dessin. Cela est de l'histoire ; vous ne pouvez le contester ; et si c'est ainsi que l'on croit arriver à quelque chose de sérieux, je ne sais quelle opinion l'on se fait de la Belgique et des moyens d'accomplir des réformes sérieuses.

Messieurs, je serai très bref ; je ne crois pas avoir à me défendre contre la plupart des reproches que l'honorable ministre m'a adressés.

Il a dit que je demandais des subsides ; c'est une erreur. J'ai dit que je ne demanderais rien ; que je ne voulais point proposer la création d'une école normale comme en Angleterre, en présence des propositions de M. Hendrickx.

J'ai demandé simplement que le gouvernement voulût accorder son concours aux communes pour développer l'enseignement du dessin. Mais j'ai entendu dire, et c'est pour cela que j'ai parlé au chapitre de l'industrie, que je considérais les 40,000 fr. qui figurent au budget depuis plusieurs années pour le Musée de l'industrie comme complètement inutiles, comme une somme que l'on pourrait plus utilement employer au développement de nos écoles de dessin.

Du reste, si le ministre des affaires étrangères ou plutôt son honorable collègue M. le ministre de l'intérieur, a besoin d'argent pour subsidier les écoles de dessin, je déclare que, comme représentant de Bruxelles, je suis prêt à faire le sacrifice des deux cent cinquante mille francs destinés à la restauration de la porte de Hal.

Je puis d'autant mieux dire cela, que c'est moi qui, l'an dernier, ai fait le rapport en faveur de l'adoption du crédit demandé à cette époque. Mais je suis convaincu qu'il y a des dépenses plus utiles que celle-là.

Je ne sais pourquoi l'honorable ministre des affaires étrangères m'a supposé l'intention de reprocher au gouvernement d'intervenir trop ou d'intervenir en toutes choses. Il a cherché à me mettre en contradiction avec moi-même ; il m'a dit que dans certains cas je reprochais au gouvernement de trop intervenir, et que dans d'autres cas, je lui reprochais de ne pas faire assez.

La vérité est que je ne suis partisan d'aucun système absolu, et je crois que c'est le seul moyen d'être sage. Je dirai, à propos de l'intervention de l'Etat, ce que disait l'honorable ministre des finances à propos de l'impôt direct et de l'impôt indirect ; il faut un peu de l'un et de l'autre. Vous ne pouvez pas tout soumettre à l'impôt direct, eh bien, vous ne pouvez pas faire intervenir l'Etat en toutes choses. Pour certaines choses c'est un mal ; pour d'autres c'est un bien, c'est même une nécessité.

Il faut voir de quoi il s'agit. Quand on est venu demander de l'argent pour les courses de chevaux au nom de l'agriculture, j'ai voté contre, et si j'avais eu deux votes à émettre, je les aurais donnés contre la proposition, parce qu'à mon avis, le gouvernement n'a pas à intervenir en semblable matière.

De même, quand on viendra nous demander de l'argent pour des primes à la pêche, je repousserai cette demande ; et je regrette de ne pas l'avoir fait jusqu'à présent.

Mais quand on viendra demander de l'argent pour l’enseignement, sous quelque forme que ce soit, que ce soit pour l’enseignement primaire, pour l'enseignement moyen, pour l'enseignement supérieur ou pour l'enseignement du dessin, je le voterai, et puisque l'honorable M. Coomans a déclaré ici que lui et ses honorables amis voteraient contre l'amendement de l'honorable M. Guillery, je dirai que moi, avec qui ne suis pas toujours d'accord en matière politique avec l'honorable M. Guillery, je voterai son amendement et que s'il demandait un million de plus, je le voterais encore.

Messieurs, vous me rendrez cette justice que je n'ai jamais demandé d'argent : mais j'ai souvent proposé des économies.

MaeRµ. - Les ateliers d'apprentissage sont des écoles,

M. Hymans. - Les ateliers d'apprentissage sont, d'après des hommes compétents, des écoles industrielles, comme les académies de Turnhout et de Saint-Trond sont des écoles de dessin.

On a dit qu'à propos de l'enseignement du dessin j'apportais ici des idées rebattues, des idées qui remontent à une époque où je n'étais pas né, où je n'avais pas atteint ma majorité. J'ai dit moi-même que ces idées remontaient beaucoup plus loin ; que 400 ans avant J.-C, à Sicyone et à Athènes, on avait introduit le système que je propose aujourd'hui. Ces idées, me paraît-il, sont plus vieilles que M. le ministre de l'intérieur lui-même ; il n'était pas né à cette époque.

Ces idées remontent au déluge, et je suis convaincu que ceux qui ont commencé à enseigner le dessin, l'ont fait d'après des notions plus rationnelles que celles que l'on suit aujourd'hui.

L'honorable ministre dit que je viens faire des discours d'après des brochures que j'ai mal lues ou que les discours que je prononce ne valent pas les brochures dans lesquelles j'en ai puisé les éléments. Cela peut être vrai. Je n'ai pas la prétention de faire de beaux discours. Je cherche à exprimer ma pensée comme je le puis, et j'avoue que cela n'est pas facile.

Mais si mes discours, au point de vue littéraire, ne valent pas les brochures, si mes discours ne valent surtout pas les rapports des commissions officielles, ils, les valent en ce sens qu'ils ne produisent pas davantage. Mes discours, cela est évident, ne produisent pas plus que vos rapports et vos commissions ; mais ils ont sur eux cet avantage, c'est qu'ils coûtent beaucoup moins cher au trésor. (Interruption.)

L'honorable ministre des affaires étrangères m'a reproché d'avoir, à propos de l'école industrielle de Soignies, maltraité cette école, ce sont ses expressions, de ne pas lui avoir rendu l'hommage qu'elle mérite. Je n'ai qu'une chose à répondre, c'est que j'ai pris textuellement les renseignements que j'ai donnés, dans le rapport du conseil de perfectionnement.

MaeRµ. - Cette partie de rapport a été rectifiée.

M. Hymans. - Où ?

MaeRµ. - Vous savez si bien ce qui se passe au département de l'intérieur, que je n'ai pas besoin de vous le dire.

M. Hymans. - Puisqu'on me force de dire ce que j'aurais voulu taire, je parlerai.

Le conseil de perfectionnement des arts du dessin a désigné des inspecteurs qui se sont rendus à Soignies pour visiter l'école, et qui ont pris une école industriels pour une école de dessin.

Voici comment cela est arrivé. Les inspecteurs des écoles de dessin ont été cruellement mystifiés. (Interruption.)

Le jour où ces messieurs sont venus inspecter l'école, on a fait partir des professeurs et les élèves, on a mis les inspecteurs en présence des quatre murs et on leur a fait croire que l'école de Soignies n'existait pas.

Mais, messieurs, parlons de choses plus sérieuses. L'honorable ministre des affaires étrangères m'a parlé de l'excellente organisation de l'Académie d'Anvers.

Je regrette d'avoir omis hier de rendre un éclatant hommage à l'organisation de cette académie. Elle n'a pas besoin d'ailleurs de cet hommage et je ne considère pas la tribune nationale comme un autel où il faut brûler de l'encens pour toutes les gloires nationales.

Le conseil de perfectionnement signale l'académie d'Anvers comme un établissement modèle et je suis heureux de le constater ; je voudrais qu'il y eût une institution semblable dans toutes les grandes villes du pays.

L'honorable ministre des affaires étrangères, en parlant de l'intervention de l'Etat, demande ce qu'ont fait les industriels de Bruxelles, et il répond : Une pétition.

Messieurs, les industriels de Bruxelles qui avaient fondé la société dont l'honorable ministre a parlé et qui ont organisé les expositions des (page 758) arts industriels, voulaient en même temps fonder une école ; ils voulaient faire donner des cours de dessin industriel ; ils avaient déjà fait un fonds pour ces cours ; ils avaient déjà choisi un professeur, et j'ai été extrêmement surpris de voir, dans un discours prononcé par un honorable sénateur de Bruxelles qui est président de l'association, que les industriels avaient renoncé à leur intention de fonder des cours parce que le gouvernement leur avait fait savoir qu'il avait l'intention d'en organiser lui-même.

Voilà comment on met à profit l'initiative des particuliers. (Interruption.) C'est officiel, le discours figure au Moniteur.

MaeRµ. - L'un n'empêcherait pas l'autre.

M. Hymans. - L'un empêche l'autre ; vous avez empêché que les cours fussent organisés par les industriels pour réserver à l'Etat le professeur qu'ils avaient choisi.

MaeRµ. - J'ignore de quoi vous voulez parler.

M. Hymans. - Je ne comprends pas que M. le ministre soit étranger à un fait aussi important que celui-là. Je sais bien que l'honorable ministre ne dirige plus le département de l'intérieur, mais dans les renseignements qui ont fourni le texte de son discours d'aujourd'hui, il aurait pu comprendre des renseignements sur le fait dont je viens de parler.

Voici, messieurs, en quoi le gouvernement a eu tort d'empêcher l'initiative individuelle, c'est qu'il n'a pu être obligé aujourd'hui de créer à grands frais des cours qui se seraient organisés sans charge nouvelle pour le trésor.

J’ai parlé hier, messieurs, d'un projet d'entente entre le gouvernement et la ville de Bruxelles pour la réorganisation du Musée de l'industrie ; l'honorable M. Jamar m'a dit que la présence du bourgmestre de Bruxelles dans la commission était un gage de bonne entente entre le gouvernement et la capitale.

Je n'ai jamais élevé de doute à cet égard, mais il s'agit d'une question d'économie ; il peut en résulter une économie de 30,000 à 40,000 francs.

Je dis qu'il faut mettre à profit les bonnes dispositions qui existent et arriver à créer un seul établissement au lieu de deux. Il faut mettre à la disposition de la ville les locaux du Musée de l'industrie pour remplacer les caves où loge aujourd'hui l'académie des beaux-arts. Avec ce système on obtiendra une économie sérieuse et l'enseignement sera beaucoup mieux donné, car ayant moins de professeurs on pourra les payer plus convenablement, et en toutes choses je suis de cet avis, qu'on n'est bien servi que quand on paye bien.

L'honorable ministre m'a reproché une autre contradiction ; j'aurais, dans certaines circonstances, proclamé que la Belgique est le premier pays du monde et dans d'autres circonstances j'aurais dit que la Belgique ne possède pas un seul bon ouvrier.

MaeRµ. - Je ne vous ai pas fait ce reproche, à vous.

M. Hymans. - C'est à moi que vous répondiez, je l'ai pris pour moi. Mais je suis d'avis, comme vous, que beaucoup trop souvent on se fait le courtisan de la vanité publique. C'est un très grand tort et un très grand danger.

Je vous remercie d'avoir tenu ce langage, parce que dans une autre enceinte, à propos d'une discussion de ce genre, on n'a pas craint de traiter ceux qui défendaient la même opinion que moi, de contempteurs des gloires nationales ; on leur disait, sans rire, que la Belgique est le premier pays du monde, que la liberté, pour faire le tour de l'univers, n'a pas besoin de passer par chez nous.

Je remercie l'honorable M, Rogier de ne pas s'être servi d'une pareille logique.

Je n'ai pas dit qu'il n'y a pas en Belgique un seul ouvrier capable ; j'ai dit qu'il y en a très peu, et je dois le supposer puisque les 160 industriels dont j'ai parlé réclament à cor et à cri des dessinateurs.

J'ai cherché à lutter autant qu'il était en moi contre cette tendance qui domine, d'aller chercher des ouvriers à l'étranger, surtout à Paris, tendance qui est très coupable, si elle n'est pas le résultat d'une impérieuse nécessité, tendance que je déplore profondément, s'il est impossible de trouver en Belgique ce qu'on va chercher ailleurs.

Mon Dieu ! je n'ai pas songé un seul instant à faire à M. le ministre des affaires étrangères, ni à aucun de ses honorables collègues, ni à aucun de ses prédécesseurs, un reproche d'avoir garni les salons de son hôtel de lustres, de bronzes, de pendules, de candélabres, achetés à Paris ; je pense qu'on a parfaitement raison d'aller acheter là où l'on trouve ce qui est bon et à bon marché, Cela va de soi.

Mais c'est précisément cette tendance que je combats. Ce que le ministre a fait en cette circonstance, les administrations communales sont obligées de le faire à tout moment.

La ville de Bruxelles, pour la décoration et l'ornementation de tous ses théâtres, a dû faire venir des ouvriers de Paris.

Et ce qui est malheureux, c'est que les particuliers, les grands seigneurs qui consacrent des sommes considérables à construire, à orner, à décorer, à meubler leurs hôtels, vont également chercher en France leur ameublement, tous les objets de décoration, et même les ouvriers décorateurs. Eh bien, je dis que si cela n'est pas nécessaire, c'est un acte peu national que je ne puis que blâmer ; si cela est nécessaire, il faut absolument qu'on porte remède à cet état de chose, et ce remède n'est pas impossible.

M. de Renesse. - Les Anglais achètent cependant, souvent, à l'étranger des objets d'art et d'autres produits industriels.

M. Hymans. - Les Anglais vont chercher à l'étranger ce dont ils ont besoin, et ils ont parfaitement raison ; mais je suis convaincu que, dans le domaine des arts industriels, il ne se passera plus un très grand nombre d'années avant que l'Angleterre n'ait plus besoin de s'adresser à l'étranger ; je crois même que pour beaucoup d'articles, ils ne. doivent plus s'adresser à Paris. Que dit en effet M. le comte de Laborde dans son rapport sur l'exposition universelle de Paris ? Que l'industrie anglaise est devenue une des plus redoutables rivales de l'industrie française.

Après avoir rendu un éclatant hommage à notre gloire artistique, M. de Laborde s'exprime ainsi :

« Si la Belgique était un plus grand pays, si ses artistes avaient des tendances plus hautes, plus épurées, plus passionnées, si son industrie voulait être plus parfaite d'exécution et pouvait prendre plus d'extension, si le gouvernement n'avait pas, depuis les dernières années, une disposition à se croiser les bras et à laisser faire, croyant qu'il a tout fait, je l'aurais prise pour type de ce que nous avons à redouter de nos concurrents, de ce que nous devons faire pour lutter victorieusement ; mais nous trouverons ces périls et ces menaces mieux indiqués chez nos dangereux, voisins d'Outre-Manche : passons donc en Angleterre. »

M. le comte de Laborde ne craint pas de déclarer que l'Angleterre est devenue une des plus dangereuses rivales que la France puisse rencontrer sur les marchés d'Europe.

Messieurs, en résumé, je ne demande pas d'argent, je ne demande pas la création d'une école normale, comme me l'a fait dire M. le ministre des affaires étrangères ; je dirai seulement, en réponse à mon honorable ami, M. Jamar, que c'est une grande erreur de croire que le gouvernement anglais n'ait pas contribué à la création des écoles de dessin industriel, à la suite de l'exposition universelle de 1855.

L'école normale de Kensington a été fondée avec le fonds de réserve provenant des recettes de l'exposition de 1851 ; cela est parfaitement exact. Mais le parlement britannique a voté plusieurs millions depuis 1851 pour la création d'écoles de dessin ; en 1852, il a alloué à l'école normale de Kensington seule un subside de 400,000 francs.

Cela n'empêche pas que je verrais avec plaisir les chefs d'industrie user chez nous de leur initiative. Je regrette infiniment de voir qu'en Belgique on vienne s'adresser au gouvernement pour toute espèce de choses, que lorsqu'on veut créer des courses de chevaux, créer des écoles de dessin, élever des poissons dans les rivières, spéculation qui peut devenir très lucrative, si elle est bonne et qu'il ne faut pas encourager, si elle est mauvaise, avec les deniers de l'Etat.

- Un membre. - Elle est bonne.

M. Hymans. - Soit ; tant mieux pour ceux qui l'entreprennent ; je regrette que pour toutes ces choses on vienne tendre la main au budget ; je regrette qu'on vienne toujours réclamer pour la Belgique des spécialités dans tous les genres aux frais de l'Etat.

Je conseille donc aux particuliers, je conseille aux chefs d'industrie de faire quelque chose, de s'unir, de s'entendre pour créer ces écoles dont ils ont besoin ; je leur donne le conseil qu'un prédécesseur de l'honorable M. Rogier leur avait donné dans une circonstance solennelle : c'est de payer un peu mieux leurs dessinateurs, de donner un peu plus d'emploi et un emploi plus lucratif aux dessinateurs de talent.

Mais si les particuliers ne font rien, est-ce que le gouvernement doit rester les bras croisés ? Mais qu'avez-vous donc fait pour les chemins de fer, pour les télégraphes ?

Qu'avez-vous fait pour toutes ces entreprises si importantes qui avaient une utilité nationale ? Est-ce que l'enseignement sous toutes les faces n'a pas une utilité nationale ? Est-ce que l'enseignement de l’Etat n'est pas prescrit par la Constitution, quoiqu'on soit d'un avis contraire à droite ?

(page 759) N'est-il pas de notre devoir, du devoir du gouvernement, de travailler sans relâche à développer l'enseignement à tous les degrés ?

Je dis donc que si les industriels ne font rien, l'Etat n'a d'autre droit à leur égard que de leur adresser un reproche ; mais il a un devoir à remplir à l'égard de la société : c'est de faire ce qu'ils n'ont pas fait, c'est de doter la Belgique de ce bienfait qu'ils n'ont pas eu le courage de lui procurer eux-mêmes. Je demande que le gouvernement veuille suppléer à cette insuffisance que je reconnais ; et si cette discussion peut avoir pour résultat de faire faire quelque chose d'un côté, et quelque chose de l'autre ; si nous stimulons le gouvernement à sortir de la voie des commissions et des rapports, pour entrer dans celle des actes ; si nous parvenons à engager les pétitionnaires à sortir de la voie des pétitions, pour s'associer dans un but aussi sérieux que celui-là, je crois que nous n'aurons pas fait perdre du temps à la Chambre et que le pays nous saura gré de nos efforts.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne veux pas abuser des moments de la Chambre ; je serai bref. Je ne suivrai pas l'honorable M. Hymans dans les longues digressions où il s'est engagé, je ne parlerai ni de la porte de Hal, ni des courses, ni des primes pour la pêche, pas même de la pisciculture ; je me contenterai de résumer très brièvement le débat et de faire connaître à la Chambre l'impression qu'il a faite sur moi.

Je reconnais volontiers que parmi les observations présentées par l’honorable M. Hymans, il en est qui sont fondées ; qu'elles sont dictées par le désir de bien faire et qu'elles sont le fruit d'études consciencieuses. Mais si, dans ces observations, il y a du bon et du neuf, il y a cependant bien des choses à y répondre et déjà plusieurs orateurs y ont répondu.

Il a été fait en Belgique pour le développement des arts du dessin, il reste encore à faire : je le veux bien ; mais l'honorable M. Hymans a été beaucoup trop loin dans les critiques qu'il a adressées à mes honorables prédécesseurs.

L'honorable membre, en explorant les documents officiels, y a puisé tout ce qu'il a pu y rencontrer de critiques et de blâme ; il aurait pu constater aussi que dans ces rapports on signale de bonnes choses de nature à valoir des éloges à mes prédécesseurs et aux hommes qui, sous leur direction générale, ont exécuté avec intelligence les mesures prescrites.

L'honorable M. Hymans prétend que jusqu'ici nos académies communales n'ont rien produit ; que les commissions et le conseil de perfectionnement n'ont produit que des rapports.

C'est une erreur très grande.

Nous avons, dans presque toutes nos villes, des artistes ; ils ne sont pas tous de premier mérite, je le veux bien, mais il est évident que si nous n'avions pas eu d'académies, le niveau artistique serait moins élevé en Belgique qu'il ne l'est aujourd'hui.

Les rapports du conseil de perfectionnement ne sont pas restés stériles pas plus que le discours de l'honorable M. Hymans ne restera stérile lui-même.

Mes prédécesseurs ont appliqué un grand nombre de mesures indiquées par ces commissions, et je mettrai en pratique, si cela est possible, les avis qui me seront donnés par le conseil de perfectionnement des arts du dessin.

Les reproches que l'on fait à ce conseil ne sont nullement fondés ; ce conseil, au contraire, s'occupe activement de la mission qui lui a été confiée. Il se réunira encore sous peu, et j'espère pouvoir adopter les mesures qui me seront proposées.

J'ai un mot à dire de la réorganisation du Musée de la capitale, bien que l'honorable M. Jamar ait déjà, sous ce rapport, répondu, en partie, à son honorable collègue de Bruxelles.

L'idée de réorganiser le Musée existe depuis longtemps. La mort du directeur de cette institution a hâté cette réorganisation et l'affaire était dans cette situation quand je suis arrivé au département de l'intérieur.

J'ai cru faire chose agréable à la ville de Bruxelles et utile au pays entier en cherchant à donner à cette institution plus de développement et plus d'importance qu'aux institutions de ce génie organisées dans les provinces.

Je n'ai pas voulu, messieurs, et c'est un reproche que je repousse, empêcher l'initiative privé d'organiser des écoles de dessin industriel. Je déclare très franchement que c'est la première fois que j'entends parler de ce projet.

Cependant je suis un des membres fondateurs de la société à laquelle on a fait allusion.

M. de Naeyer. - Les journaux l'ont fait connaître.

MiVµ. - C'est possible, mais je n'en ai pas eu connaissance. Je n'assiste pas aux réunions de la société, mais si j'avais su, comme je le sais aujourd'hui, qu'une société pût se substituer à l’action de l'Etat, j'aurais cherché à encourager son initiative, et si la chose pouvait encore se faire, je serais enchanté de pouvoir renoncer à mes projets.

M. Jamar. - Cela n'est pas possible.

MiVµ. - On me dit que ce n'est pas possible, je le crois, mais si l'on pouvait obtenir des résultats par l'initiative privée et sans l'intervention du gouvernement, je n'y mettrais pas d'amour-propre.

Le projet répond parfaitement, je pense, aux intentions de l'honorable M. Hymans.

En effet, à côté du Musée on crée une école industrielle dont le dessin industriel est une des principales branches d'enseignement. Voici ce qui se trouve dans ce programme :

« 3° Le dessin linéaire, appliqué aux machines et mécaniques, aux assemblages en métaux, bois et pierre, à la composition des machines, et à la construction des appareils et des usines industrielles ;

« 4° Le dessin ornemental, comprenant le dessin des fleurs d'après nature, la composition des groupes d'ornement, de fleurs, de trophées, etc., appliqués aux papiers peints et aux décors, le dessin pour dentelles et broderies ; le dessin pour indiennes, perses, impressions, rubans, galons, etc. ; le dessin pour damassés de tous genres, tapis, châles, velours, etc., avec les études nécessaires pour l'application aux métiers. »

Je demande, messieurs, si ce n'est pas là le programme d'une école de dessin industriel.

Quant à la question de savoir si cette institution nouvelle sera placée tout à fait sous la direction de l'Etat ou si elle sera organisée de commun accord avec la ville de Bruxelles, cette question ne peut être douteuse, car en appelant dans la commission le bourgmestre de la capitale, un échevin et un membre de la députation de Bruxelles, j'ai voulu prouver que je désirais que le gouvernement s'entendît avec la ville de Bruxelles et j'ai même donné des instructions pour que dans la direction de ces écoles industrielles on laissât à la commune la plus grande part possible.

Je suis toujours heureux, pour mon compte, je l'ai déjà déclaré, lorsque je puis diminuer les attributions du gouvernement.

J'ai donc engagé la commission à laisser à la commune de Bruxelles la plus grande action possible dans la direction et la surveillance de l'école industrielle.

Messieurs, notre pays n'égale pas, sous le rapport de l'art industriel, la capitale d'un pays voisin ; mais, comme on l'a dit, il n'est pas possible que nous établissions, sous ce rapport, un parallèle.

Le marché de la Belgique n'est pas aussi vaste que celui de la France ; il y a d'ailleurs sous ce rapport un usage et des idées établis, à tort peut-être : ce qui n'est pas à la mode de Paris, à l'instar de Paris, est considéré comme d'un mérite secondaire, et cela aussi bien sous le rapport industriel que sous le rapport de la mode.

- Une voix. - Il n'y a là rien d'humiliant.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Evidemment non, cependant on exagère, d'après moi. On nous a dit qu'il n'y a pas de dessinateurs industriels en Belgique. Est-ce la facile du gouvernement ? Il y en a quelques-uns, mais les rétributions sont insuffisantes.

J'ai sous les yeux un rapport sur l'école de dessin industriel de Gand. Dans ce rapport on rend compte de la position occupée aujourd'hui par des jeunes gens qui sont sortis de cet établissement.

Voici ce que j'y ai lu ;

Plusieurs des élèves sortis de cette école et qui continuent à exercer la profession de dessinateur industriel quittent le pays et vont s'établir à l'étranger.

M. le gouverneur de la Flandre orientale cite 33 jeunes gens qui sont sortis de cet établissement après avoir fait des études complètes.

Huit de ces jeunes gens seulement sont restés dessinateurs industriels ; ils ont continué d'exercer cet art ; 3 sont allés à Paris, 2 à Berlin,. 1 au Chili, 1 à Manchester et 1 à Lille.

Ceux qui sont restés en Belgique se sont faits fabricants pour leur propre compte, peintres décorateurs, chefs d'atelier, etc.

Maintenant, à qui la faute ?

Est-ce la faute du gouvernement, si, après avoir formé des dessinateurs industriels, ces dessinateurs ne trouvent pas à se placer en Belgique ?

On ne pourra pas dire cependant que ces dessinateurs, formés dans l'école de Gand, n'étaient pas capables, puisqu'on les a réclamés dans (page 760) plusieurs grandes villes, et à Paris même, d'où nous viennent, comme je l'ai dit tantôt, la plupart des objets de goût et de fantaisie.

L'honorable M. Hymans nous a parlé encore de la nécessité de comprendre dans le programme d'études de nos écoles primaires, les arts du dessin.

Je crois que, sous ce rapport, l'honorable membre n'a pas tort ; mais je dois faire remarquer qu'il serait fort difficile de faire entrer, avec efficacité, l'enseignement du dessin dans le programme de nos écoles primaires. Les enfants que nous recevons dans ces écoles ont déjà à peine le temps d'apprendre à lire, à écrire et à calculer, c'est-à-dire d'acquérir des notions un peu complètes d'instruction primaire.

Je crois que l'honorable M. Hymans me dira qu'on peut leur apprendre à dessiner en même temps qu'à écrire.

M. Hymans. - Je suis d'avis qu'on peut leur apprendre en une heure ce qui demande aujourd'hui huit heures d'étude.

MiVµ. - Je ne le conteste pas.

M. Hymans. - C'est encore le Moniteur qui l'a dit.

MiVµ. - Je dois cependant faire remarquer que nous avons en Belgique des hommes très capables qui s'occupent beaucoup des questions pédagogiques et d'enseignement, et je dois supposer que notre enseignement primaire n'est pas si mal organisé qu'il faille huit heures pour enseigner ce qui pourrait ne réclamer qu'une heure d'étude. Du reste, voilà le premier motif pour lequel il serait difficile de comprendre d'une manière générale l'enseignement des arts du dessin dans le programme de l'enseignement primaire.

Mais il est une autre raison encore : l'enfant doit avoir déjà un certain âge pour apprendre avec fruit ce dessin. Or, savez-vous quel est le nombre d'enfants âgés de douze ans qui fréquentent nos écoles primaires ? Il y en a, sur 408,000, 73,000, soit environ 18 pour cent, et si vous allez au-delà de l'âge de 12 ans, ce chiffre décroit vite ; vous n'en trouverez plus que 5 à 6 p. c.

On ne pourrait donc pas faire de l'étude du dessin l'objet d'un enseignement sérieux dans nos écoles primaires. En attendant que cela soit réalisable, le gouvernement a fait tout ce qu'il a pu.

Ainsi, il a cherché à introduire l'enseignement du dessin linéaire dans les écoles primaires établies dans les grands centres industriels. D'un autre côté, dans nos écoles normales, les élèves-instituteurs apprennent le dessin et même l'art d'enseigner à dessiner.

On a été plus loin : cela paraîtra peut- être de l'enfantillage, mais dans les écoles gardiennes et dans les écoles d'asile on a introduit, il y a quelque temps, la méthode Frœbel qui permet aux enfants du plus jeune âge de se faire une idée de la forme géométrique des objets.

Je ne dis pas qu'il n'y ait rien à perfectionner, mais l'honorable M. Hymans et les chambres comprendront que c'est aux communes à seconder l'impulsion du gouvernement. Un artiste de beaucoup de mérite et jouissant d'une juste réputation, l'honorable M. Hendrickx, vient, m'assure-t-on, de présenter une méthode nouvelle : il a trouvé le moyen de simplifier considérablement l'enseignement du dessin.

La Chambre n'a pas l'intention, je pense, d'examiner ici cette méthode et de déclarer si elle est bonne ou mauvaise. Si la méthode est reconnue bonne, elle sera adoptée ; si elle ne l'est pas, nous continuerons à suivre la voie actuelle jusqu'à ce qu'un progrès réalisable se manifeste.

Quant à moi, je chercherai autant que possible à obtenir les meilleurs résultats et à mettre à exécution les propositions qui sont faites et qui seront jugées acceptables par le conseil de perfectionnement des arts du dessin et la commission centrale de l'enseignement primaire.

M. Gobletµ. - Je crois qu'au point où est arrivée la discussion, il est parfaitement inutile de la prolonger, surtout après la promesse que nous a faite M. le ministre de l'intérieur et qui nous autorise à espérer que l'état de choses actuel sera bientôt amélioré.

Qu'il me soit permis seulement de rappeler à M. le ministre de l'intérieur les quelques bonnes paroles qu'il a récemment prononcées à propos des artistes dont les œuvres ne pourront pas trouver place à l'exposition de Londres.

M. le ministre nous a dit, avec raison, que le gouvernement ne ferait pas une question d'argent de la satisfaction qui pourrait être accordée à ces artistes.

J'ai donc lieu d'espérer qu'il s'inspirera du même sentiment pour faciliter à certains ouvriers le voyage à Londres lors de la prochaine exposition.

M. le président. - Je dois rappeler à M. Goblet que nous sommes au chapitre de l'industrie.

M. Gobletµ. - Je ne l'ai pas oublié, M. le président, et je crois que l'observation que je présente est parfaitement à sa place ici. Je demande, dans l'intérêt de l'industrie belge, que M. le ministre de l'intérieur veuille bien accorder à quelques ouvriers choisis, recommandables par leur intelligence, les moyens d'aller visiter l'exposition de Londres, afin de leur permettre de puiser, à cette source féconde, des enseignements, des inspirations qui se révéleraient dans leurs travaux futurs et rehausseraient ainsi l'éclat de notre industrie nationale.

MiVµ. - Ce que demande l'honorable M. Goblet est fait ou du moins décidé en principe.

Le gouvernement, lors des expositions de Paris et de Londres, a accordé des subsides à quelques ouvriers intelligents, de préférence aux ouvriers des exposants, pour leur permettre d'aller visiter ces expositions ; c'est encore ce qui se fera à l'occasion de la prochaine exposition de Londres ; seulement, il ne sera pas possible d'étendre beaucoup la mesure.

Puisque nous parlons de l'exposition universelle de Londres, je dirai que je fais les plus grands efforts pour ne pas dépasser les crédits qui sout alloués au département de l'intérieur.

S'il m'était démontré qu'il fallût solliciter un crédit supplémentaire, je tâcherais d'en faire la demande à la Chambre avant l'exposition de Londres plutôt que de le faire après. Je tenais à faire, dès maintenant, cette déclaration à la Chambre.

M. de Vrière. - Je ne puis mieux faire, je pense, que de suivre l'exemple de l'honorable M. Goblet en renonçant à la parole. Cependant j'aurais voulu ajouter quelques considérations au remarquable discours de l'honorable M. Hymans. Je crois, comme lui, que l'enseignement du dessin, dans notre pays, présente une lacune fâcheuse au point de vue professionnel, au point de vue de l'application de l'art à l'industrie en général.

Gomme la discussion a déjà été fort longue, je craindrais de fatiguer la chambre en la prolongeant ; je renonce à la parole.

M. Jacquemyns. - Messieurs, je n'ai qu'un mot à ajouter à ce que vient de dire l'honorable ministre de l'intérieur.

La commission de l'exposition universelle de Londres, dont j'ai l'honneur de faire partie, s'est particulièrement occupée de la question des frais de voyage à accorder à des ouvriers qui iraient visiter cette exposition.

Si ma mémoire est fidèle, dans le rapport de la section centrale sur le crédit demandé par le département de l'intérieur pour cet objets il est fait mention des ouvriers qui seront admis à aller visiter l'exposition de Londres aux frais du gouvernement, si bien qu'il y a engagement sous ce rapport.

Dans la dernière séance de la commission, celle-ci propose que non seulement des ouvriers, mais des artistes-industriels, c'est-à-dire des jeunes gens qui s'occupent de l'application de l'art à l'industrie, soient également envoyés de cette façon à l'exposition de Londres.

- La discussion est close.

Articles 67 et 68

« Art. 67. Frais du conseil supérieur de l'industrie et du commerce ; traitement de l'inspecteur pour les affaires d'industrie et du secrétaire du conseil : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 68. Enseignement industriel : Ecoles professionnelles, ateliers d'apprentissage, écoles manufacturières, etc. : fr. 143,000. »

- Adopté.

Article 69

« Art. 69. Achat de modèles et de métiers perfectionnés ; voyages et missions ; publications utiles et. souscriptions ; prix ou récompenses pour des ouvrages ou mémoires sur des questions de technologie, de droit ou d'économie industrielle ; subsides en faveur d'industries nouvelles ; frais relatifs aux caisses de prévoyance et aux sociétés de secours mutuels ; décorations d'ouvriers, etc. : fr. 15,450. »

M. H. Dumortier. - Messieurs, il y a sous le libellé de l'article 69, qui est fort étendu, une petite rubrique qui se trouve comme perdue au milieu de plusieurs autres et n'a guère jusqu'ici provoqué l'attention de la Chambre, quoiqu'elle se rattache à un objet qui n'est pas sans importance ; c'est celle qui se irpporte aux caisses de prévoyance et aux sociétés de secours mutuels. Je n'ai pas besoin de dire combien la propagation de ces institutions est utile. La discussion de la loi de 1851 a suffisamment démontré cette vérité qui semble n'avoir pas besoin de démonstration ; malgré les efforts de la législature et l'importance de la matière, ces institutions ne sont pas suffisamment multipliées. Nous ne comptons que 36 sociétés reconnues par le gouvernement et jouissant, par conséquent, de la personnification civile et 40 sociétés libres.

(page 761) Il est à remarquer que ces sociétés, en nombre si restreint, n'existent que dans les villes ou se rattachent à des établissements industriels situés à la campagne ; mais quant aux ouvriers de la campagne, aux ouvriers agricoles, il n'existe pour ainsi dire pas de société de ce genre. Si l'on compare ce qui existe en France et en Angleterre avec ce que nous voyons sons ce rapport en Belgique, on est frappé de notre état d'infériorité.

De toutes les formes que peut prendre la bienfaisance, il n'en est pas de plus élevée et de plus efficace que le développement de l'esprit d'ordre et des habitudes de prévoyance. En rattachant les classes ouvrières à l'ordre public, en les y rattachant par leur propre intérêt, on travaille à la consolidation de nos institutions ; je n'entends pas entrer dans de longs détails théoriques sur cette matière, je suis un peu de l'avis de M. le ministre des affaires étrangères. Je crois que nous ne sommes pas plus ici un congrès philanthropique qu'un congrès artistique. Aussi vais-je condenser en quelques mots ce que j'ai à dire ; la Chambre d'ailleurs ne paraît pas disposée à prolonger la séance.

Dans un assez grand nombre de sociétés de secours mutuels où l'esprit d'économie n'existe encore qu'en germe, il est d'usage de distribuer à la fin de l'année les économies réalisées, au lieu de songer à l'avenir et d'en faire une réserve, et trop souvent ces sommes vont se perdre dans les cabarets. J'appelle l'attention du gouvernement sur ce point pour qu'il engage ces sociétés à introduire des modifications dans leurs statuts afin de ne pas dépenser en plaisirs bachiques des économies qui seraient une réserve précieuse pour l'avenir.

Un autre défaut que je remarque c'est que dans la plupart de ces sociétés, on n'admet pas les femmes. Le nombre des ouvriers qui y sont affiliés est de 5,400 et celui des femmes n'est que de 164.

C'est très regrettable, car c'est chez la femme surtout qu'il importe de développer l'esprit d'ordre et d'économie, dans l'intérêt même du ménage de l'ouvrier, et puis, aujourd'hui surtout que le rôle de la femme prend tous les jours plus d'importance dans les travaux industriels.

Le moyen de donner une impulsion salutaire aux institutions de secours mutuels, ce serait de donner plus de publicité à leurs opérations et aux résultats qu'elles obtiennent,

Il y a un autre moyen qui a encore plus d'importance, c'est le patronage.

II faudrait évidemment compléter ces utiles institutions en les mettant sous un patronage. Très souvent les administrations communales, rurales surtout, ne sont guère disposées à s'occuper de ces matières, ce sont pour elles des innovations se rattachant à un ordre d'idées avec lesquelles elles sont peu familiarisées ; si l'on veut arriver à des résultats utiles, suivre l'exemple qui nous est donné par la France, l'Angleterre et la Suisse, il faudrait placer les sociétés de secours mutuels sous le patronage des comices agricoles, des conseils de prud'hommes, des chambres de commerce, du conseil supérieur d'industrie et de commerce ; ces assemblées renferment un grand nombre d'hommes intelligents et dévoués aux intérêts si respectables des classes laborieuses, leurs efforts pourraient contribuer au développement des sociétés de prévoyance.

Puisque j'ai parlé du conseil supérieur d'industrie et du commerce, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur comment il se fait que les procès-verbaux des séances de cette utile institution ne nous ont pas encore été communiqués.

Ce conseil a tenu ses séances, l'année dernière, pendant le mois de juillet ; si nous voulons sérieusement examiner ces matières pendant la discussion du budget, nous devons avoir, comme éléments indispensables, de pareilles délibérations. J'en dirai autant du bulletin du conseil supérieur d'agriculture. Souvent nous n'avons ce bulletin que lorsque la discussion du budget est terminée.

J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de l'intérieur ; j'espère que, l'année prochaine, ces documents nous seront communiqués en temps utile.

M. Rodenbach. - Messieurs, une société de pisciculture pour repeupler les canaux et les rivières et même nos côtes et aussi pour faire des essais pour créer des bancs d'huîtres, vient de se constituer. C'est dans les fossés de la place de Nieuport que l'on démolit en ce moment que cette société fera ses premiers essais. J'applaudis au but que se propose cette société composée d'hommes savants et honorables, mais je ne suis pas d'avis d'accorder les 6,000 francs de subside proposés par M. le ministre pour l'établissement de cette société, et voici pourquoi. Si je suis bien instruit, il se crée une société dans la Flandre occidentale pour, exploiter dans les fossés de Nieuport cette nouvelle industrie.

Depuis qu'un savant a publié, il y a deux ou trois ans, les heureux résultats obtenus en France et en Suisse, par la pisciculture et l’ostréiculture, plusieurs industriels des Flandres ont fait des essais dont quelques-uns ont été couronnés d'un plein succès, car, depuis plusieurs années l’on obtient dans les fossés de Nieuport des truites saumonées. La société qui s'est formée en Flandre a demandé au département de la guerre la concession à bail de quelques hectares de fortification. Cette demande été faite depuis le mois de septembre dernier.

Une seconde société demande au même département une autre concession avec toutes les garanties désirables, et en indemnisant l'Etat pour ces concessions, et même elle a proposé de prendre à son compte les frais de démolition que le département de la guerre ordonne. Ces sociétés ne demandent point de subside, tout au contraire ; elles veulent prendre à bail et indemniser le gouvernement pour les concessions qu'on lui demande. Il en résulte que l'Etat, au lieu de donner, recevrait de l'argent ; de plus on sait que l'industrie privée qui réside dans la localité même et non point à Bruxelles, est mieux à même de faire ces essais pour augmenter les denrées alimentaires. Il s'agit ici de ses intérêts, et pas plus que les sociétés qui se sont formées en Angleterre, elle ne les négligera.

A propos de pisciculture je vous remémorerai, messieurs, qu'il y a environ un an, une pétition a été adressée à la Chambre, signée par plusieurs personnes et notamment par un agronome distingué, M. Borlier. Ces messieurs sollicitaient une loi réglementant la pêche des côtes. Ils disaient notamment que les riverains engraissaient leurs porcs avec le frai et le fretin du poisson. Il en résulte qu'au lieu de favoriser la pisciculture on la détruit. Les Anglais vont chercher au rocher de Cancale de toutes petites huîtres pour les semer dans leurs ports, particulièrement à Glocester ci ensuite les vendre pour engraisser aux ports d'Ostende, de Dunkerque et ailleurs. Je crois qu'on pourrait en faire autant en Belgique.

Messieurs, la pisciculture a pris en Angleterre de grands développements ; c'est une industrie, et ces développements elle les a pris sans l'intervention de l'Etat, je ne crois donc pas que nous devions accorder les 6,000 fr. pétitionnés ; je m'y oppose, quant à moi, formellement. Je suis persuadé que la société réussira sans l'argent du gouvernement.

MiVµ. - Messieurs, dans presque tous les pays de l'Europe, on a fait, depuis quelque temps surtout, des essais de pisciculture. D'après les renseignements qui me sont parvenus, il y a en Suisse quarante-deux établissements qui se livrent à des essais de ce genre.

Vous connaissez tous les expériences magnifiques faites en France par M. Coste avec l'appui du gouvernement. En Ecosse, on pratique la pisciculture en grand. Il existe dans ce pays des établissements considérables qui rapportent 18 à 20 millions par an, m'assure-t-on.

Mais avant d'arriver à de tels résultats, il faut faire quelques études et quelques dépenses.

En Belgique, on tente depuis quelques années des essais de pisciculture qui ont parfaitement réussi. Vous pouvez tous vérifier le fait en vous rendant au jardin botanique de Bruxelles. Des essais ont eu lieu sur une très petite échelle ; mais ils ont prouvé qu'il y a là une idée pratique et que la pisciculture pourrait rendre des services réels dans notre pays.

Aujourd'hui nous n'avons pour ainsi dire plus de poisson dans nos rivières, nos étangs et nos canaux.

La partie des voies navigables et des étangs que possède le gouvernement est louée au prix minime de 34,000 francs. C'est un produit insignifiant, et cela prouve que ces eaux sont complètement privées de poisson.

Il est généralement reconnu qu'il faut prendre deux espèces de mesure pour remédier au mal. Il faut d'abord repeupler nos rivières et en second lieu il faut réviser la loi.

Ce sont deux mesures que l'on doit prendre simultanément, si la pisciculture réussit, si l'on peut avoir du poisson, une loi devra nécessairement être présentée, car, vous le savez, l'ancienne loi est une loi draconienne qu'il serait difficile d'appliquer encore complètement.

Si l'on pouvait obtenir dans ce pays les résultats que l'on a obtenus dans d'autres, il en résulterait un accroissement de la richesse alimentaire publique, et sous ce rapport, il ne faut pas dédaigner les essais que l'on pourrait faire ; s'ils réussissent, ils tourneront complètement au profit du pays, d'abord en augmentant la richesse alimentaire et ensuite au profit du gouvernement, qui est propriétaire de presque tous les canaux et de toutes les rivières.

Messieurs, on avait proposé au gouvernement de faire des essais sous sa direction ; cela ne m'a pas paru possible, mais il s'est constitué une société d'hommes éminents, de savants et d'hommes pratiques. (Interruption.)

(page 762) Je n'ai connaissance jusqu'ici que de la constitution d'une seule société. Depuis qu'il a été question dans cette Chambre, de pisciculture, les sociétés concurrentes, s'il y en a, auraient pu s'adresser au gouvernement.

M. Rodenbach. - Il y a une société qui s'est adressée au ministère de la guerre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il me semble que si ces sociétés avaient été sérieuses, si elles avaient voulu faire une chose qui pût aboutir à un résultat, elles se seraient adressées à mon département puisqu'on savait que j'étais disposé à intervenir.

Du reste, messieurs, le gouvernement n'est pas engagé vis-à-vis de telle société plutôt que de telle autre, et le subside que je demande a uniquement pour but de favoriser un premier essai de pisciculture.

M. de Naeyer. - Il y a une société qui ne demande pas de subside.

MiVµ. - J'ai la chance de faire partie de beaucoup de sociétés dues à l'initiative privée. Je faisais partie de celle dont parle l'honorable membre, mais je pense qu'il y aurait moyen de poursuivre le but avec plus d'activité. Depuis lors, on a fait des essais au jardin Botanique.

Une autre circonstance favorable se présente aujourd'hui, c'est la démolition de la forteresse de Nieuport ; on dirait que les fossés de cette place sont faits exprès pour favoriser des essais de pisciculture : il y a moyen d'avoir là de l'eau douce, de l'eau de mer ; il y existe de nombreuses écluses ; en un mot on trouve à Nieuport tout ce qu'il faut pour une entreprise de cette nature.

Il sera possible aussi d'y faire des essais d'ostréiculture : c'est là une entreprise toute différente de celle dont semble parler l'honorable M. Rodenbach, car je pense que c'est la crainte mal fondée d'une concurrence qui a fait combattre ce projet par certaines personnes. Il ne s'agit pas, messieurs, le moins du monde de concurrence. La société n'a pas l'intention de faire concurrence aux excellentes huîtres d'Ostende ; il s'agit de créer des bancs d'huîtres qui, plus tard, seraient transportées dans les parcs.

II s'agit en un mot de nous affranchir de l'espèce de tribut que nous payons, sous ce rapport, à l'Angleterre.

La compagnie, messieurs, qui s'est mise en rapport avec mon département, est en mesure de fournir dès cette année une quantité assez considérable de jeunes saumons qui pourront être placés dans l'Escaut.

Une convention sera conclue avec la société et elle s'engagera à mettre à la disposition du gouvernement pour les canaux et rivières, tout le frai et tout le poisson dont elle pourra disposer. La société est parfaitement désintéressée, les actions ne rapportent ni intérêts ni dividendes et les directeurs ne touchent pas de tantièmes. C'est une affaire de dévouement.

J'ai pensé que lorsque l'occasion se présentait de faire un pareil essai au moyen d'une dépense de 6,000 fr., il ne fallait pas la laisser échapper. La Belgique ne doit pas négliger de se mettre au niveau de ce qui se fait dans d'autres pays.

Je prie donc la Chambre de voter le crédit que je demande pour cet objet.

M. Rodenbach. - Messieurs, je le répète, il y a une société qui s'est adressée au ministère de la guerre et qui a offert une somme assez considérable au lieu de demander des subsides. Je ne vois donc aucun motif pour accorder 6,000 fr.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Articles 70 et 71

« Art. 70. Indemnités des greffiers des conseils de prud'hommes : fr. 13,500. »

- Adopté.


« Art. 71. Frais de rédaction et de publication du Recueil officiel des brevets : fr. 7,000. »

- Adopté.

Articles 72 et 73 (musée de l’industrie)

« Art. 72. Traitement du personnel : fr. 18,338. »

- Adopté.


« Art. 73. Matériel et frais divers : fr. 10,252. »

- Adopté.

Chapitre XIV. Poids et mesures

« Art. 74. Traitement des vérificateurs : fr. 53,400. »

- Adopté.


« Art. 75. Frais de bureau et de tournées : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 76. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.