Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6 mars 1863

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1862-1863)

(page 507) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor, secrétaire, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Jean-Baptiste Etienne, cultivateur à Jalhay. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le président du Sénat informe la Chambre que le sieur Louis-André Cavoyé, garde-barrière au chemin de fer de l'Etat à Bierset, province de Liège, se trouvant hors d'état d'acquitter le montant des droits d'enregistrement, a déclaré retirer sa demande de naturalisation ordinaire. »

- Pris pour notification.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. de Boe, M. Van Volxemµ et M. Crombezµ déposent divers rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

- Ces rapports seront imprimés et distribués et mis à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1863

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ordre judiciaire

Article 11

MTJµ. - Messieurs, à l'article 11 figure comme charge extraordinaire la somme de 2,950 francs.

Cette somme se décompose de la manière suivante :

1,350 francs pour un greffier de tribunal de simple police qui existe encore exceptionnellement, les fonctions de greffier de tribunal de simple police étant partout ailleurs remplies par les greffiers des justices de paix ;

Et 1,600 francs dont jouit, à titre de supplément de traitement, un juge de Tongres qui, en suite de la loi de 1849, a été nommé juge de paix à Liège.

La question s'est élevée de savoir si ce juge de Tongres nommé en 1852 juge de paix à Liège, devait jouir de l'augmentation de traitement qui est accordée aujourd'hui aux magistrats des tribunaux de deuxième classe dont fait partie le tribunal de Tongres. La section centrale adopte l'affirmative, elle est d'avis que ce juge de paix doit recevoir à l'avenir, outre les émoluments qu'il touche, le même traitement que les juges du tribunal de Tongres.

Je ne puis pas, messieurs, partager cette manière de voir et je demanderai que la somme de 2,950 fr. figurant aux charges extraordinaires soit ramenée à la somme de 2,450 fr.

La Chambre me permettra de lui exposer en quelques mots les faits et les raisons qui me déterminent à me séparer sur ce point de la section centrale.

La Chambre sait que, par la loi du 15 juin 1849, le personnel de différents tribunaux du pays fut notablement réduit ; dans cette catégorie se trouve le tribunal de Tongres.

Comme les juges sont inamovibles et qu'il était impossible par conséquent de placer les juges supprimés dans d'autres tribunaux sans leur assentiment, la disposition suivante fut, dans un but d'économie, insérée dans l'article premier de la loi de 1849.

« Le gouvernement est autorisé à conserver leur ancien traitement aux magistrats qui ont accepté ou accepteront une place moins rétribuée que celles qu'ils occupaient dans une cour ou dans un tribunal dont le personnel est réduit par la présente loi, ou l'a été par une loi antérieure. » Comme vous le voyez, messieurs, ce que le gouvernement avait le droit de faire, c'était, lorsque le magistrat avait accepté une place moins rétribuée, de lui conserver son ancien traitement ; ce sont les termes de la loi.

La place de juge de paix étant devenue vacante à Liège un juge de Tongres la demanda, à la condition de conserver son ancien traitement. Cette faveur lui fut accordée, il fut nommé juge de paix et conserva le traitement de 3,500 francs afférent aux fonctions de juge au tribunal de Tongres.

Il s'agit de savoir, aujourd'hui que les différentes classes de tribunaux obtiennent des traitements plus élevés, si ce juge devenu juge de paix à Liège, doit profiter de l'augmentation qui est accordée aux tribunaux. Je ne puis l'admettre sous aucun rapport, ni en droit, ni en équité.

Il suffit de lire le texte de la loi pour être convaincu que le législateur n'a pas entendu laisser au gouvernement le droit de faire profiter le juge qui accepterait une position moins rétribuée de toutes les augmentions futures que pourrait subir le traitement attaché aux fonctions qu'il a abandonnées. La loi dit : « Leur ancien traitement. » Il est bien certain que le juge de Tongres nommé juge de paix à Liège, ne fait plus partie du tribunal de Tongres, car en supposant qu'une place devînt vacante à ce tribunal, on n'aurait plus le droit de dire au juge déplacé d'aller reprendre à Tongres les fonctions qu'il y remplissait. Il est tout à fait étranger au tribunal de Tongres, et dès lors je ne vois pas à quel titre on pourrait prétendre qu'il doit profiter aujourd’hui de l'augmentation accordée aux juges de ce tribunal. Il n'est plus juge au tribunal de Tongres, il est juge de paix, et par une disposition exceptionnelle de la loi, il conserve son ancien traitement.

En équité, je ne pense pas qu'il faille le faire jouir de l'augmentation de traitement qui a été accordée aux tribunaux de première instance. Quelle était, messieurs, la position de ce magistrat ? Comment a-t-il été investi des fonctions de juge de paix ? La position était celle-ci : Il jouissait d'un traitement de 3,500 fr. comme juge au tribunal de Tongres ; en 1852, il a été transféré à Liège comme juge de paix, et il fut admis par l'arrêté de nomination qu'il conserverait le traitement qu'il avait comme juge à Tongres.

Ses nouvelles fonctions lui ont en outre rapporté 2,000 francs d'émoluments, c'est-à-dire qu'il a quitté une position qui lui valait 3,500 fr. pour arriver à une position de 5,500 fr.

Evidemment ce juge n'a pas à se plaindre : c'était un avantage considérable, qu'on lui faisait ; il ne peut pas argumenter de cet avantage considérable pour prétendre aujourd'hui qu'il doit encore profiter des augmentations de traitement qui sont accordées aux juges du tribunal qu'il a quitté.

Quelle sera maintenant sa position ? En supposant que la mesure votée par la législature soit définitivement maintenue, ce juge aura encore un avantage sur les autres juges de paix.

Le traitement que la Chambre a voté pour les juges de paix est de 3,000 fr. ; eh bien, il a 3,500 fr. ; il aura donc 500 fr. de plus que les autres juges de paix. Je ne pense donc pas qu'au point de vue de l'équité il ait quelque chose à réclamer.

Messieurs, ce n'est pas pour des convenances et des intérêts personnels, mais dans l'intérêt de l'Etat, qu'on élève les traitements. Or, l'Etat n'a aucun intérêt à porter à 4,000 fr. le traitement de ce juge de paix alors que tous les autres juges de paix du pays n'auront que 3,000 fr.

Je suis donc d'avis que le juge de paix dont il s'agit doit être maintenu dans la jouissance de son traitement de 3,500 francs et qu'il n'y a pas lieu de le faire profiter de l'augmentation de traitement qui sera accordée aux juges du tribunal de Tongres.

M. de Renesse. - Je regrette que l'honorable ministre de la justice ne se soit pas rallié à la proposition de la section centrale, en faveur de l'un des juges de paix de la ville de Liége, se trouvant dans une position tout exceptionnelle ; elle me semble mériter d'être prise en sérieuse considération par le gouvernement et par la Chambre.

Les longs développements que la section centrale a insérés dans son rapport sur cette affaire prouvent que le sieur Heimans, ancien juge d'instruction du tribunal de Tongres pendant de longues années, nommé en 1852 juge de paix à Liège, a des titres peu contestables, pour ne pas être exclu de toute amélioration de position ; ce serait le seul magistrat auquel on refuserait d'accorder cette faveur ; ce qui me paraît être peu équitable ; il y aurait là deux poids et deux mesures, ce que je ne pourrai jamais admettre ; l'on a décidé en principe, qu'il fallait améliorer le sort des fonctionnaires (page 508) de toutes catégories, il faut aussi appliquer la même mesure à chaque fonctionnaire individuellement.

Lorsque M. Hermans a été nommé, en 1852, juge de paix à Liège, l'arrêté royal qui lui accordait cette nouvelle position, stipulait formellement que le sieur Hermans conserverait le traitement attaché aux fonctions de juge près du tribunal de première instance de Tongres.

Il y a donc, pour cet honorable magistrat, un droit acquis, que l'on ne pourrait méconnaître sans froisser la justice ; d'ailleurs, l'honorable ministre de la justice reconnaît lui-même le principe d'augmentation en faveur des magistrats, mis à leur demande en disponibilité, conformément aux dispositions de la loi du 15 juin 1849 et qui, d'après le projet de budget, doivent recevoir cette augmentation, jusqu'à concurrence des deux tiers attribués à leur disponibilité ; ainsi les magistrats qui, depuis de longues années, ne rendent plus aucun service à l'Etat en qualité de fonctionnaires publics recevront une amélioration de position, et le magistrat qui, depuis 1851, n'a cessé de s'occuper très activement de ses honorables fonctions, qui journellement remplit la position si affairée de juge de paix dans une ville de près de 100,000 âmes, où il n'y a que 2 juges de paix et où, depuis quelques années, la vie a considérablement renchéri, verrait sa juste réclamation rejetée.

Je ne puis supposer que la Chambre veuille accueillir la proposition de l'honorable ministre de la justice ; j'ose espérer que, dans un intérêt d'équité, elle donnera, au contraire, son assentiment à celle de la section centrale.

La section centrale, en outre, pour étayer son opinion sur le fondement de la demande de ce juge de paix, a cru devoir faire ressortir dans son rapport que, par suite de l'abandon de son siège, au tribunal de Tongres, cet honorable magistrat aurait procuré, annuellement, une économie de 1,800 francs au trésor de l'Etat et qu'il serait par trop rigoureux de le laisser seul en dehors de toute augmentation de traitement ; j'ai, en conséquence, l'honneur d'appuyer la proposition si équitable de la section centrale.

M. Muller, rapporteur. - Messieurs, la section centrale, à l'unanimité de ses membres présents, a cru ne pouvoir se rallier à la proposition de M. le ministre de la justice, en ce qui concerne l'ancien juge de Tongres, nommé juge de paix à Liège.

Deux questions avaient été adressées à M. le ministre de la justice. Un magistrat du tribunal de Tongres, en vertu de la loi du 15 juin 1849, a demandé sa mise en disponibilité avec 2/3 du traitement. Un autre magistrat, en vertu du second paragraphe de la même disposition, a été autorisé à conserver son ancien traitement en acceptant la place de juge de paix à Liège.

M. le ministre de la justice a donné à ces deux questions une solution différente.

II a dit que le magistrat qui était en disponibilité avec 2/3 de traitement avait droit à l'augmentation que la législature vient de voter, tandis que le magistrat qui avait accepté la place de juge de paix à Liège, devait continuer à conserver purement et simplement le traitement qu'il avait lorsqu'il était juge à Tongres.

Toute l'argumentation de M. le ministre de la justice repose sur le mot « ancien traitement »...

MTJµ. - Pardon !

M. Muller, rapporteur. - Du moins, vous l'avez faire valoir tantôt en première ligne. C'était la conservation de son ancien traitement, fixe et invariable, selon vous, qui lui était offerte.

Eh bien, si nous nous reportons à l'arrêté qui a nommé M. Hermans, nous voyons qu'il n'y est pas question de l'expression « ancien traitement », sur laquelle on s'étaye ; on s'est servi d'un terme plus général et moins restrictif, et qui semble signifier que le magistrat de Tongres, échangeant son siège contre la place de juge de paix à Liège, devait subir, quant à sa position pécuniaire, toutes les fluctuations qui pouvaient affecter son premier emploi judiciaire. En effet, l'arrêté de nomination porte : « Le sieur Hermans conservera le traitement attaché aux fonctions de juge de paix près le tribunal de première instance de Tongres ». Ce libellé ne comporte pas, selon nous, exclusivement une position pécuniaire fixe et invariable.

M. J Jouretµ. - C'est une pétition de principe.

M. Muller. - Si c'est une pétition de principe, c'est tout aussi bien de la part de M. le ministre de la justice que de la part de la section centrale.

Maintenant, je rappellerai que nous n'avons pas voulu résoudre cette question en droit strict ; nous nous sommes dit que si un magistrat qui est en disponibilité depuis plus de dix ans profitait de l'augmentation du traitement qui est affecté à la place de juge du tribunal de Tongres, il est équitable que le juge au tribunal de Tongres, qui a été nommé juge de paix, profite aussi de cette augmentation.

Sans cela il serait placé dans une singulière alternative : vous avez voté une augmentation en faveur des juges de paix, dont il ne profiter pas, et vous votez une augmentation en faveur des juges au tribunal de Tongres, dont il ne jouira pas davantage.

M. J. Jouret. - Il était alors plus rémunéré qu'un juge de paix.

M. Muller. - Sans doute, et par une raison simple, c'est qu'il acceptait une position hiérarchique inférieure à celle de juge à Tongres. Sous ce rapport, la question n'est pas de savoir s'il a obtenu à cette époque un avancement au point de vue pécuniaire ; car il y a bien d'autres magistrats qui, dès 1852 ont reçu des avantages équivalents, et qui vont aujourd'hui en recueillir encore. Maintenant, M. Hermans est le seul magistrat de toute la Belgique qui se trouve dans cette position tout à fait exceptionnelle, et en ayant égard à cette circonstance, la section centrale, sans trancher la question en droit strict, avait cru et croit encore qu'il est équitable qu'il ne soit pas exclu actuellement de toute augmentation de traitement.

Faut-il que ce magistrat, qui a produit annuellement une économie de 1,800 francs depuis qu'il a accepté les fonctions de juge de paix, reste aujourd'hui dans une position stationnaire, et le trésor public continuera-t-il à profiter seul de l'économie résultant de la dernière nomination de M. Hermans ?

En supposant que M. le ministre de la justice ait raison en droit, je persiste à croire que la section centrale s'est fondée sur des motifs plausibles d'équité.

M. Coomans. - L'honorable M. Millier vient d'apprendre à la Chambre que la section centrale s'est prononcée, à l'unanimité, dans le sens que l'honorable membre vient de donner à la loi.

L'affirmation de M. Muller est vraie, je n'en doute pas, quoiqu'elle ne figure pas dans le rapport de la section centrale.

M. Muller. - Si ! si !

M. De Fré. - Voyez page 13.

M. Coomans. - Mais je considère comme un devoir d'impartialité de dire que si j'avais été présent à la séance de la section centrale où cette résolution a été prise, je n'aurais pas été de ceux qui y ont adhéré. Je dois reconnaître que l'argumentation présentée par M. le ministre de la justice est si évidemment juste, qu'il est impossible d'y résister.

M. Muller. - Comme je tiens surtout à prouver que j'ai été exact, je vais lire le passage du rapport : « La section centrale est d'avis, à l'unanimité des cinq membres qui ont pris part à cette délibération, que l'équité doit faire accueillir favorablement la demande adressée à la Chambre. »

MTJµ. - Messieurs, on dit que l'opinion que je défends fait, au magistrat dont il s'agit, une position tout à fait exceptionnelle ; on dit que, seul des fonctionnaires du pays, il ne profiterait pas de l'augmentation des traitements. Cela est vrai ; mais pourquoi en sera-t-il ainsi ? Parce que ce magistrat a eu depuis 1852 une position exceptionnellement favorable, supérieure à celle des magistrats de la classe à laquelle il appartient. Mais sa position ne sera pas aujourd'hui, comme on le prétend, exceptionnellement défavorable, puisqu'il jouira d'un traitement qui sera de 500 francs supérieur à celui que reçoivent tous les juges de paix.

Je comprendrais la réclamation, s'il s'agissait d'une justice de paix qui ne donnât pas d'émoluments ; mais il s'agit d'une justice de paix dont les émoluments sont évalués à 2 mille francs, et dans ces circonstances il n'y a pas lieu de faire appel à l'équité.

Je crois que les arguments que font valoir les honorables membres ne sont pas fondés.

L'on a dit que mon argumentation était basée sur ces mots : « ancien traitement » qui se trouvent dans la loi de 1849. Mais c'est un argument de texte qui à lui seul serait péremptoire.

La loi n'a voulu assurer aux juges qui accepteraient une position inférieure à celle qu'ils occupaient, que le maintien de leur ancien traitement, sans engager l'avenir ; elle n'a pas dit qu'ils jouiraient des augmentations que pourraient éprouver les traitements attachés à leurs anciennes fonctions.

Elle s'est bornée à dire qu'ils conserverait le traitement dont ils jouissaient. L'arrêté qui nomme M. Hermans doit être interprété par cette loi. Je n'avais pas le droit de faire autre chose que ce que la loi m'autorisait à faire. L'arrêté ne dit pas que si l'ancien traitement du magistrat déplacé subit une diminution, son traitement actuel sera diminué, jas plus qu'il ne dit que, dans le cas contraire, il participerait aux augmentations éventuelles.

(page 509) Cet arrêté est pris en conformité de la loi, vous devez lui donner la seule signification, que la loi permette ; le mot « il conservera » indique qu'il s'agit d’une chose existant dans le moment, qui n'est pas soumis à la fluctuation dont vous parlez. L'argument de texte encore une fois suffirait pour faire repousser la prétention que je combats ; à côté de cet argument il y en a un autre également décisif.

Il n'est pas possible de soutenir que le magistrat dont il s'agit fait partie du tribunal de Tongres. Autant vaudrait dire qu'il doit jouir de l'augmentation accordée aux membres de la cour d'appel, car il fait autant partie de la cour d'appel que du tribunal de Tongres.

Il n'y a donc pas de motif pour réclamer en sa faveur l'augmentation de traitement qui a été votée pour les magistrats du tribunal de Tongres.

Mais, dit-on, il y avait à Tongres deux magistrats dont l'un a été mis en disponibilité et dont l'autre a été nommé juge de paix à Liège. D'après vous, le magistrat mis en disponibilité doit profiter et profitera de l'augmentation, et celui qui a été nommé juge de paix et qui rend des services actifs n'en profitera pas.

C'est une inconséquence et une injustice.

Ce n'est ni une inconséquence ni une injustice.

Le magistrat qui a été mis en disponibilité conformément à la loi et sur sa demande, n'en est pas moins encore juge au tribunal de Tongres.

Je suppose que le nombre des magistrats de ce tribunal devienne inférieur au chiffre fixé par la loi ; je suppose qu'il se trouve réduit à trois.

Eh bien, je crois avoir le droit d'exiger que ce magistrat qui est en disponibilité aille reprendre son siège, et c'est pour ce motif que je suis d'avis qu'il doit profiter de l'augmentation du traitement.

S'il était tellement séparé du tribunal de Tongres que le gouvernement n'eût pas le droit de l'y rappeler à des fonctions actives, en cas de réduction du personnel, je dirai qu'il ne doit pas profiter de l'augmentation. Il aurait alors un traitement qui serait absolument et définitivement fixé.

Il y a donc un lien entre le magistrat en disponibilité et le tribunal auquel il appartient.

Est-ce que le juge de paix de Liège fait encore partie du tribunal de Tongres ?

Est-il dans la position du juge en disponibilité ?

Le gouvernement n'a plus aucune action sur lui. Le personnel du tribunal de Tongres serait inférieur au chiffre légal qu'il resterait malgré cela à Liège et qu'il profiterait des avantages de sa position.

Cette différence de position doit influer sur la décision de la Chambre.

Il n'y a donc ni injustice ni inconséquence.

Je crois soutenir les vrais principes et je demande à la Chambre de vouloir bien les consacrer.

Il faut faire dans cette question abstraction des intérêts personnels privés. Je défends les intérêts du trésor qui, d'après moi, seraient sacrifiés sans aucune espèce de raison, et j'espère que la Chambre voudra bien admettre l'amendement que je propose.

M. Muller, rapporteur. - Je ferai remarquer, comme je le disais tantôt, qu'il y a tout simplement entre M. le ministre de la justice et la section centrale un désaccord sur le point de savoir ce que l'on doit entendre par les mots « ancien traitement ».

M. le ministre de la justice entend par ces mots le traitement de juge à Tongres tel qu'il était lors de la loi du 15 juin 1849, tandis que, d'après la section centrale, ils s'appliquent aux fluctuations que ce traitement pouvait subir.

M. le ministre de la justice objecte que M. Hermans n'appartient plus au tribunal de Tongres. Cela est parfaitement exact sous tous les rapports, sauf celui du traitement, et c'est à le point qui nous divise. A nos yeux, il y a doute sérieux, et dans ce doute nous avons pensé qu'il était convenable que la position pécuniaire de M. Hermans restât, aujourd'hui comme en 1852, celle de magistrat du tribunal de Tongres.

Du reste, dans l'arrêté de nomination, il n'est pas dit : Le sieur Hermans jouira d'un traitement de 3,500 fr. On a dit : Le sieur Hermans conservera le traitement attaché aux fonctions de juge du tribunal de première instance de Tongres.

En résumé, si la section centrale s'est prononcée comme elle l'a fait, c'est qu'il s'agissait d'un magistrat inamovible, qui s'est adressé à la Chambre et à la section centrale, soutenant que dans sa conviction l'arrêté de nomination, qui forme une espèce de quasi-contrat entre le gouvernement et lui, doit avoir la signification que nous lui avons donnée et comme il occupe une position unique, exceptionnelle en Belgique, nous avons adopté la solution la plus favorable au pétitionnaire.

M. Guilleryµ. - Deux mots seulement.

Quant à moi, la théorie que défend M. le ministre de la justice me paraît tellement évidente que je ne puis pas comprendre non seulement comment la section centrale ne l'a pas admise, mais ait pu hésiter un seul instant. L'on veut absolument qu'un juge à qui l'on a donné des fonctions de juge de paix conserve son ancien traitement, mais on veut aussi qu'il subisse toutes les fluctuations des traitements des magistrats du tribunal auquel il appartenait. Mais si le tribunal de Tongres était supprimé, supprimeriez-vous le traitement du juge de paix dont il s'agit ? Ce magistrat est-il censé vivre à Tongres pour le traitement, alors qu'il est réellement juge de paix à Liège ?

Mais en définitive, messieurs, quelle est au point de vue de l'équité la position du magistrat dont il s'agit ? Il était juge au tribunal de première instance de Tongres. Le nommant juge de paix, on a dit qu'il ne serait pas juste de diminuer son traitement, de lui faire, lorsqu'il était juge de paix, un traitement inférieur à celui qu'il avait étant juge à Tongres. Voilà le raisonnement.

On lui a fait cette position exorbitante d'être juge de paix et cependant d'avoir le traitement d'un juge de première instance, Et aujourd'hui il ne demande pas à conserver ce traitement, il ne vient pas dire, comme lors de sa nomination : Ne réduisez pas le traitement dont je jouissais, n'empirez pas ma position. Il demande à jouir d'une augmentation qui a été faite pour les juges de première instance.

D'un autre côté, veuillez ne pas perdre de vue que ce juge de paix a une position plus avantageuse qu'un juge de tribunal de première instance.

L'honorable rapporteur de la section centrale dit : Il ne profitera pas de l'augmentation accordée aux juges de paix. Je le crois bien, c'est que son traitement est plus élevé que ne le sera celui des autres juges de paix. Il a de plus un casuel qui fait qu'en définitive sa place est plus lucrative que celle de président du tribunal.

Je trouve que, dans cette position, il n'y a ni considérations légales ni considérations d'équité qui justifient le système de la section centrale.

- Le chiffre de 2,950 francs, proposé par la section centrale comme charge extraordinaire, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre de 2,450 fr., proposé par M. le ministre de la justice, est adopté.


MpVµ. - La parole est à M. J. Jouret sur le même article.

M. J. Jouret. - J'ai peu d'observations à faire.

Depuis un temps assez considérable, l'exécution des jugements des tribunaux de simple police, condamnant à un jour ou deux de prison, s'exécutaient ordinairement dans la prison du chef-lieu de canton. Cette manière de faire, que je puis appeler clémente, était parfaitement en harmonie avec le peu de gravité des infractions qu'il s'agissait de punir.

Depuis quelque temps, une pratique toute contraire paraît s'être établie. On exige que les condamnés à des peines d'emprisonnement d'un ou de deux jours pour de simples contraventions, pour de simples injures, fassent leur peine dans la prison du chef-lieu d'arrondissement. Or, il est des chefs-lieux de canton qui sont éloignés du chef-lieu d'arrondissement de 8, 9 et quelquefois 10 lieues. La petite ville que j'habite est entre autres dans cette position. La ville de Lessines. est éloignée de la ville de Tournai de neuf lieues de marche, y compris la traverse des villes. De manière que si une femme, un pauvre enfant sont condamnés pour une simple injure, en cas de récidive, pour un simple délit, pour un délit de maraudage quelquefois à un jour d'emprisonnement, on ne leur permet pas de faire ce jour d'emprisonnement dans la prison de la localité, ce qui, je le répète, est tout à fait en harmonie avec ce qu'il y a de peu de grave dans ses sortes d'infractions.

Mais on exige qu'ils aillent à Tournai faire leur peine, qu'ils fassent un voyage de 15 à 10 lieues, quelquefois par un temps affreux. Et lorsqu'ils ne s'y rendent pas, on emploie la force, on les mène du chef-lieu de canton au chef-lieu d'arrondissement, en employant les moyens ordinaires de contrainte.

Je trouve que c'est là une pratique qui ne doit pas être maintenue. Je signale ces circonstances à M. le ministre de la justice ; je fais un appel à son humanité pour qu'elles ne soient pas maintenues, si toutefois elles sont générales, et j'ai lieu de croire qu'elles le sont.

Je me hâte de dire que si j'avais pu supposer que ce fait ne se produisait que dans la petite ville que j'habite, je me serais borné à faire l’observation à l'honorable chef du parquet du tribunal de Tournai, qui aurait accueilli cette observation avec bienveillance, j'en suis persuadé.

Mais ce qui me force à prendre la parole pour signaler ce fait, c'est un articulet que j'ai vu dans un journal d'hier et qui est conçu en ces termes : vous verrez que c'est d'une gravité très grande.

« Une pauvre vieille, qui avait été amenée à la prison de Charleroi sur une charrette, et y avait été admise moribonde pour y subir une peine (page 510) de deux jours d'emprisonnement, est morte dans la journée. On assure que le procureur du roi de Charleroi a ordonné immédiatement une enquête. »

Messieurs, j'ai été témoin d'un fait qui aurait pu avoir les mêmes conséquences. Une malheureuse femme, dans un état qui demandait tout plein d'indulgence et de pitié, a dû aller mendier pendant quelque temps pour avoir les moyens de payer le chemin de fer qui devait la transporter de Lessines à Tournai. Je trouve que c'est donner là à l’exécution de la loi un caractère de cruauté qui n'e-t pas dans les besoins de la répression. Si cette pratique est générale, j’espère qu'à moins de bonnes raisons pour qu'elle soit maintenue, M. le ministre de la justice voudra bien la faire disparaître.

MTJµ. - Messieurs, la pratique dont vient de vous entretenir l'honorable membre est en effet générale, et elle est le résultat d'une nécessité financière, si je puis m'exprimer ainsi. La question des prisons cantonales est fort difficile. Voici quels sont les précédents de cette question.

Les prisons cantonales ont été instituées, si je ne me trompe, ensuite d'un décret de 1811.

Mais elles n'existent que dans un petit nombre de cantons, de sorte que dans la plus grande partie du pays les personnes qui sont condamnées à des peines de simple police doivent se rendre au chef-lieu d'arrondissement pour subir la peine corporelle à laquelle elles ont été condamnées. Il y a cependant certains cantons où des prisons existent. Les frais de ces prisons étaient par le décret mis à la charge des communes. Les communes ont réclamé, elles ont soutenu que le décret état illégal et qu'on n'avait pas le droit de mettre ces frais à leur charge : la question fut examinée et cette réclamation fut reconnue fondée. L'Etat dut se charger de ces frais.

On a laissé subsister cet état de choses quelque temps encore. La garde de ces prisons était faite, en général, par la gendarmerie et l'Etat n'avait pas de frais de gardiennat à supporter ; mais la gendarmerie a fait remarquer il y a 3 ou 4 ans que ce service lui donnait une grande besogne et la distrayait de ses autres devoirs ; elle a demandé à être débarrassée de la garde et de la surveillance de ces prisons.

Quelle était dès lors la position du gouvernement ? devait-il créer de nouveaux gardiens pour toutes les prisons cantonales du pays ? Il en serait résulté une dépense très forte. D'un autre côté, la plupart de ces prisons se trouvent dans de très mauvaises conditions.

Il peut y avoir des inconvénients sans doute à obliger de se transporter à une certaine distance des individus condamnés à une peine de simple police ; mais il y aurait aussi des inconvénients à les mettre dans une prison où se trouvent des détenus de passage, souvent pour des délits d'une certaine gravité et dont le contact ne serait rien moins que favorable.

Dans cet état de choses, j'ai cru convenable de modifier la situation et de prendre des mesures pour que les individus condamnés à des peines de simple police subissent leur peine dans les prisons d'arrondissement. Si ces mesures n'avaient pas été prises, il eût fallu instituer un gardiennat dans toutes les prisons cantonales.

Les inconvénients que l'on signale, messieurs, seront peut-être un motif pour le juge de condamner moins souvent à l'emprisonnement ; on sera peut-être aussi plus indulgent pour ceux qui demanderont leur grâce ; mais je ne crois pas qu'on doive, pour les faire cesser, créer des prisons cantonales.

- Le chiffre des dépenses ordinaires est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Article 12

« Art. 12. Cour militaire. Personnel : fr. 18,050.

« Charge extraordinaire : fr. 4,235. »

M. De Fré. - J'ai l'honneur de signaler à M. le ministre de la justice une lacune qui existe dais la législation militaire.

La prescription du code d'instruction criminelle n'est pas applicable aux crimes et délits commis par des militaires. Il en résulte que les crimes les plus graves peuvent être prescrits tandis que le délit militaire le plus simple ne l'est jamais. Evidemment il y a là une lacune.

Les raisons supérieures qui, de tout temps, ont fait admettre la prescription contre les peines et contre l'action, doivent la faire admettre pour les crimes et délits militaires comme pour les crimes et délits civils.

Voici, messieurs, ce qui est arrivé. Il y a des jeunes gens qui, à l'âge de l'effervescence, ont quitté le pays pour s'établir à l'étranger, où ils ont acquis une fortune. Ils ne peuvent pas rentrer dans le pays parce que non seulement il n'y a pas prescription pour la peine, mais qu'il n'y a pas même prescription pour l'action.

Un militaire quitte le pays, s'établit à l'étranger, s'y établit même honorablement ; il ne peut jamais rentrer en Belgique sans qu'une poursuite soit dirigée contre lui.

Or, le pays a intérêt à voir rentrer dans leurs foyers les Belges qui se sont enrichis à l'étranger.

MTJµ. - Je tiendrai note de l'observation de l'honorable membre. Je dois seulement faire remarquer dès maintenant que, en supposant même qu'il y ait une prescription pour les délits militaires, je ne sais pas si le fait que signale l'honorable M. De Fré serait couvert par la prescription, car il est généralement admis que la désertion est un délit continu, de sorte que la prescription ne peut pas commencer à courir. (Interruption.) C'est un principe général que pour les délits continus il n'y a pas de prescription.

- L'article est adopté.

Articles 13 à 15

« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 36,359. »

- Adopté.


« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Article 16

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 650,000. »

M. De Fré. - J'ai une très courte observation à faire à M. le ministre de la justice.

Lorsqu'un individu condamné par une cour d'assises pour un crime, veut se pourvoir en cassation, il n'est pas obligé de consigner une amende, et lorsqu'un individu condamné par un tribunal correctionnel pour un simple délit, veut se pourvoir en cassation, il doit commencer par consigner une amende de 150 fr.

Eh bien, il y a beaucoup de pourvois qui ne sont pas admis parce que la consignation n'est pas faite.

Maintenant, n'y aura-t-il pas lieu d'abolir cette consignation, comme on l'a abolie pour les matières électorales et pour les matières qui concernent la garde civique ?

M. Pirmez. - Messieurs, je saisis l'occasion que me présente cet article du budget pour soumettre à la Chambre quelques observations sur l'administration de la justice criminelle et spécialement sur la détention préventive.

Les lois d'instruction criminelle ont à atteindre un double but : Punir les coupables, et sauvegarder les innocents. Le premier est commandé par la justice sociale ; le second est commandé par le respect des droits de l'individu.

Il est essentiel de montrer toujours la même sollicitude pour obtenir ces deux résultats également importants. Le caractère d'une législation parfaite serait précisément de les réaliser tous deux, mais dans l'impossibilité où l'on se trouve, par suite des moyens limités de l'action humaine, de satisfaire à cette double exigence, on est tenté de considérer ces deux résultats comme s'excluant réciproquement.

Les législations peu avancées sacrifient presque toujours le droit individuel à l'intérêt social ; elles cherchent à frapper le coupable, sans se préoccuper du danger que la répression fait courir à l'innocent.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler les égarements des lois répressives. Le secret des poursuites, la prohibition de donner un défenseur à l'accusé, l'ignorance où on le tenait des personnes déposant contre lui, et par-dessus tout, les horreurs de la question sont des abus qui, il y a cent ans à peine, formaient le droit commun en France...

M. Coomans. - Pas en Belgique.

M. Pirmez. - Je viens de dire en France.

Et l'on était si bien convaincu de cette inconciliabilité des intérêts de la répression et de ceux de la défense, qu'on prenait moins de soin de ceux-ci, quand ceux-là devenaient plus graves, et l’on en était arrivé à proclamer que dans les crimes les plus graves, la preuve devait être plus facile.

(page 511) Ce n'est pas sans une très grande résistance qu'on est parvenu à faire disparaître ces abus ; beaucoup de magistrats, notamment, pensaient que si l'on supprimait ces moyens d'atteindre le coupable, la justice serait sans force pour arriver à la répression.

Ces vicieuses pratiques ont disparu.

L'événement a été une leçon qui ne doit jamais être perdue de vue ; la démonstration complète de cette vérité que le mal est impuissant à produire le bien.

Après la suppression de ces vices de la procédure, la répression est devenue plus énergique. Jamais l'action de la police judiciaire n'a été plus efficace ; jamais la justice répressive n'a été plus exactement rendue que depuis que les droits des accusés n'ont plus été sacrifiés à ceux de la vindicte publique

La grande révolution du siècle dernier n'a pas purgé la législation de tout ce que la justice absolue n'avoue pas.

Le Code d'instruction criminelle de 1808 a conservé la détention préventive ; à cet égard, l'arbitraire le plus absolu a été conservé aux juges d'instruction.

Ces magistrats pouvaient faire arrêter tout citoyen pour le temps qu'il leur plaisait, et pour des causes ou des prétextes dont seuls ils étaient appréciateurs.

Je n'ai jamais pu comprendre comment de pareilles dispositions pouvaient se concilier avec la liberté individuelle.

Quelque imparfaite que soit une législation relativement aux droits des citoyens, quelles que soient les lacunes qu'on y rencontre sur la garantie de ces droits, on ne peut jamais aller plus loin que de permettre à une catégorie de fonctionnaires de faire arrêter qui ils veulent, pour un temps indéterminé, et pour des causes aussi peu définies.

En 1852 est intervenue une loi qui a restreint dans des proportions très sensibles la détention préventive. Cette loi est due en grande partie à M. le ministre de la justice actuel. Une commission avait été nommée pour examiner la loi à faire à cet égard ; M. le ministre de la justice a franchement dépassé les vues de cette commission dans les garanties à accorder aux inculpés.

Qu'en est-il résulté ?

Une nouvelle leçon digne d'être retenue et une nouvelle démonstration que les entraves mises à la liberté individuelle ne sont pas nécessaires pour la bonne administration de la justice. Malgré les craintes manifestées à cette époque, l'action de la justice a pu s'exercer après la loi avec autant de régularité qu'avant la loi, et on ne pourrait pas citer un cas où les dispositions actuelles auraient frappé d'impuissance la justice répressive.

Ces épreuves me donnent la ferme confiance qu'on peut aller très loin dans la proscription de l'emploi de la détention préventive ; elles me confirment dans cette opinion que le droit finira toujours par triompher de ce que l'on appelle la nécessité et que les choses justes remplaceront à la fin des maux prétendument nécessaires.

Sans doute la loi de 1852 est très incomplète, et en m'exprimant ainsi ce n'est pas un blâme que je dirige contre la loi, c'est presque son éloge que je fais.

En matière de liberté, il vaut beaucoup mieux aller lentement, comme en Angleterre, où on ne recule jamais, que de courir quelque fois, comme en France, où les réactions ramènent parfois beaucoup en arrière.

Quoi qu'il en soit, il importe d'avancer toujours, aussi lentement qu'on voudra, mais d'avancer néanmoins.

Ces progrès, il faut les chercher et dans de nouvelles dispositions de loi, lorsque l'occasion de les porter se présente, et dans l'application ferme des garanties des lois en vigueur.

J'appelle d'abord l'attention de M. le ministre de la justice sur deux améliorations à introduire dans une partie du Code pénal dont le Sénat va s'occuper.

La première amélioration est celle-ci :

La détention préventive est aujourd'hui sans influence sur la peine ; ne pourrait-on, dans le cas où il y a condamnation, déduire de la peine prononcée le temps qu'a duré cette détention ?

Je sais que ce que je propose est contraire aux principes admis ; je connais ces principes et pourrais, au besoin, faire une dissertation juridique sur l'impossibilité d'exécuter un jugement avant qu’il existe et de faire précéder les condamnations par la peine. Mais je pense aussi qu'il faut se défier, quand on agit comme législateur, de ce qui dans les principes est de pure convention. Si, condamné à payer une somme d'urgent, je prouve par une quittance que j'ai payé partie de la dette avant le jugement, je serai libéré d’autant. Pourquoi n'introduirait-on pas dans la loi pénale ce que la jurisprudence a pris sur elle d'admettre en matière civile ?

La détention préventive, non pas en droit sans doute, mais dans la vérité des choses, est une véritable peine ; lorsqu'un individu est demeuré par exemple deux mois sous les verrous, avant d'être jugé, il subit le même châtiment que s'il y était demeuré pendant le même temps après sa condamnation.

Pourquoi dès lors n'imputerait-on pas ces deux mois de détention sur la durée de la peine ?

- Un membre. - Et s'il est innocent ?

M. Pirmez. - S'il est innocent, me dit-on ? Pour l'innocent nous n'avons pas ce moyen si simple de réparation ; mais de ce qu'il ne puisse être appliqué dans tous les cas, ce qu'il faut bien se garder de conclure, c'est que lorsqu'il se présente il ne faille pas l'admettre.

Le second point de législation sur lequel je désire une modification, c'est le terme de la prescription des peines en matière correctionnelle.

Aujourd'hui, la peine correctionnelle se prescrit par 5 ans.

La peine ne devrait être, dans certains cas, éteinte qu'après un laps de temps plus long.

Ce n'est pas comme mesure de rigueur que je désire ce changement ; c'est au contraire comme moyen de ne pas recourir à l'emploi de la détention préventive.

Lorsqu'il s'agit d'un fait correctionnel grave, on craint parfois de voir l’inculpé prendre la fuite et s'affranchir de toute peine en restant éloigné du pays pendant 5 ans.

Il est en effet incontestable que cet exil est une peine moins rigoureuse qu'un emprisonnement du même terme auquel l'inculpé peut ainsi se soustraire. Je voudrais que la durée de la prescription de la peine fût augmentée de telle sorte que les inculpés, en quittant le pays, auraient à subir un bannissement assez long pour compenser la peine d'emprisonnement.

On pourrait ainsi laisser les inculpés en liberté, sans crainte de les affranchir d'une répression suffisante.

Messieurs, le premier but à atteindre, est de supprimer presque complètement la détention préventive en matière correctionnelle. Cette détention doit disparaître, sauf dans des cas exceptionnels qu'on peut réduire à deux.

Le premier cas, est celui d'un danger imminent de voir l'infraction se répéter. Ainsi, pour citer un exemple, un mari est surpris accablant sa femme de coups.

S'il est à craindre que les faits se répètent dans un intervalle très rapproché, on comprend qu'on recoure à la détention préventive.

Le second cas est celui où l'arrestation est indispensable pour rentrer dans la possession des objets dérobés qu'on ne pourrait pas saisir si le prévenu restait en liberté.

Dans tous les autres cas, la détention préventive en matière correctionnelle peut être supprimée.

Cette proscription de la détention préventive ne diminuera en rien les moyens d’atteindre les coupables.

Si d'un côté l'incarcération du prévenu est un avantage pour les poursuites en ce qu'on l'empêche d'influencer des témoins, et de faire disparaître certaines traces de culpabilité, d'un autre côté, la liberté qui lui est laissée a souvent pour effet de donner de nouvelles preuves contre lui.

Celui qui est sous le coup de poursuites est invinciblement porté à parler du méfait, et conduit ainsi à se trahir lui-même par des démarches ou des explications compromettantes..

Ceux qui ont suivi les affaires correctionnelles ont pu constater que ces faits postérieurs à la perpétration du délit et à l'instruction commencée sont fréquemment favorables à la manifestation de la vérité.

Quoi qu'on pense de cette thèse générale de la suppression de la détention préventive, il est des cas où l'on doit convenir que cette détention constitue un véritable abus.

Ainsi on détient assez fréquemment des individus après que leur acquittement a été prononcé par le tribunal. L'acquittement devrait toujours mettre le prévenu en liberté.

Il suffit que le jury ait prononcé l'acquittement d'un accusé pour qu'il soit mis en liberté immédiatement.

Il est cependant plus facile d'obtenir un acquittement du jury que d'un tribunal correctionnel ; et la société est certainement bien plus intéressée à la punition des crimes qu'à celle des délits. Quoi qu'on puisse penser du droit d'appel accordé au ministère public en matière correctionnelle, il m'est impossible de comprendre qu'il faille, après un verdict négatif du jury, mettre un accusé de crime en liberté définitive, qu'un acquittement du tribunal soit insuffisant pour relâcher provisoirement un prévenu de délit.

Il arrive même que l'on maintienne le prévenu en prison pendant l'appel et qu'à l'audience de la cour le ministère public se désiste.

(page 512) Il y a plus, on tient parfois le prévenu acquitté sous les verrous quand il n'y a pas d'appel.

Les magistrats du parquet, pour avoir le temps de réfléchir, prolongent la détention pendant tout le délai d'appel que la loi leur donne, et le relâchent alors, forcés d'avouer qu'on a bien jugé. Mais il leur a fallu dix jours pour s'en assurer, et le prévenu les a passés sous clef !

Je sais que les détenus peuvent présenter une requête au tribunal pour obtenir leur mise en liberté.

Mais ce moyen n'est qu'une faible ressource ; dans la plupart des cas, ces requêtes sont jugées à l'intervention du juge d'instruction qui rend compte des faits à la chambre du conseil, il est dès lors difficile que cette chambre s'écarte de l'avis du juge d'instruction. La garantie qui se trouve dans la loi est plus apparente que réelle.

D'un autre côté, souvent les tribunaux s'abstiennent de prononcer la mise en liberté, même en acquittant.

Quand la chambre des mises en accusation leur a renvoyé l'inculpé, les tribunaux ont reçu les prévenus en état de détention, ils tiennent à les remettre, dans le même état, à la cour.

Je dois signaler encore une autre chose qui me paraît un abus flagrant.

La mise en liberté des prévenus est soumise à des frais assez élevés : il faut une requête, l'intervention d'un avoué, une expédition de jugement, et s'il y a versement de caution, on exige encore un acte authentique pour retirer les fonds de la caisse des consignations.

Or toutes ces pièces doivent être sur timbre et enregistrées.

L'Etat perçoit donc un impôt sur tous ces actes, et l'innocent qui y a eu recours ne recouvre pas même ces taxes lorsqu'il est acquitté.

La défense mène est imposée, et sur la citation aux témoins que l'accusé veut faire entendre pour sa justification, il faut que le fisc perçoive une taxe.

J'espère qu'il arrivera un jour où l'on remboursera sinon à tous les prévenus acquittés, du moins à ceux dont l'innocence sera bien constatée, les frais faits pour leur défense.

La dépense serait facilement comblée en augmentant les amendes ou frais de justice supportés par les condamnés.

Mais quoi qu'on pense à cet égard, il n'est personne qui ne reconnaisse que les droits fiscaux qui pèsent actuellement sur la défense des accusés soient révoltants.

La détention préventive présente d'autres abus dans la manière dont les arrestations se font.

Nous avons supprimé le carcan pour les condamnés, mais en fait il existe encore pour les inculpés. Seulement il n'est plus fixe, il est devenu ambulant.

Il suffit de se trouver le matin près du palais de justice pour y voir arriver, entre deux gendarmes, des individus garrottés qui ont traversé la ville dans cet état.

N'est-ce pas là être mis à la honte ? Et notons que la chose se passe ainsi même quand la gendarmerie procède, grâce à l'énorme étendue de la définition de flagrant délit, à des arrestations sans mandat de magistrat.

Dans certaines commutes elle dépose l'individu arrêté dans la prison communale jusqu'au passage d'un convoi qui a une voilure cellulaire. On extrait alors l'inculpé et on le conduit à la station à l'heure bien connue où ce transport s'opère ; les gamins s'assemblent pour former l'escorte, et la population, toujours friante de ce spectacle, ne manque pas de se mettre aux fenêtres et aux portes. N'est-ce pas là imposer réellement toutes les tortures de l'exposition publique ?

Un individu prévenu d'un crime très grave a été conduit à pied au milieu d'une population considérable à un jour et à une heure fixés d'avance, à une distance de près d'une lieue de la prison, sur une route garnie de deux côtés d'habitations.

Quelque jours après, son innocence était proclamée. Il n'en avait pas moins subi une peine qu'on proclame ne plus devoir être appliquée au coupable.

Il est une autre précaution que je recommande fort à l'attention de M. le ministre de la justice. Lorsqu'il s'agit de criminels dont les faits n'ont pas eu un grand retentissement, on ne s'en occupe guère ; mais s'il arrive qu'un crime ait produit une certaine sensation, on montre une curiosité extrême à voir le coupable et il arrive alors que certaines personnes sont autorisées à voir les individus arrêtés.

Ces accusés ou ces condamnés sont montrés comme des phénomènes intéressants.

Je crois que c'est un très grand abus.

MTJµ. - Certainement.

M. Pirmez. - Il m'a été dit qu'un détenu qui était l'objet de cette curiosité manifestait à $chaque visite, par un accès de colère, le déplaisir qu'il en ressentait.

Je ne veux pas qu'on exagère mes paroles, Les abus que je signale sont très loin d'être généraux. Notre magistrature mérite certainement les plus grands éloges pour le zèle et la prudence qu'elle montre dans ses fonctions ; notre justice criminelle, notamment, ne nous laisse rien à envier à aucun pays de l'Europe.

Mais ces considérations ne font que m'engager à signaler tout ce qui me paraît défectueux, parce que les remèdes sont plus faciles lorsque les maux sont mo ns grands.

MTJµ. - Je reconnais très volontiers avec l'honorable préopinant que le dernier fait qu'il a signalé constitue un véritable abus.

C'est à Charleroi qu'il s'cat produit à propos de ce qu'on a appelé la bande noire. Aussi, dès que j'en ai eu connaissance, je n'ai pas hésité à adresser des reproches à ceux qui avaient cru pouvoir donner ainsi les accusés en spectacle. C'est un abus très grave, je suis convaincu qu'à l'avenir il ne se reproduira plus.

Quant à l'obligation où sont parfois les prévenus de faire un certain trajet à pied, des instructions ont été données pour que leur transport se fasse autant que possible en voiture et, dès que j'ai eu connaissance du fait qu'a signalé tout à l'heure l'honorable M. Pirmez, à savoir qu'un prévenu aurait dû faire à pied un trajet de 3/4 de lieu, j'ai écrit au procureur général pour qu'à l'avenir cela ne se reproduise plus. Mais vous comprenez qu'il est impossible d'avoir, partout des voitures cellulaires, et lorsqu'une arrestation a lieu à la campagne, on est bien obligé de faire faire à pied une partie du trajet. Dans certains cas il est matériellement impossible d'agir autrement. Du reste je reconnais qu'il est désirable que l'on transporte en voiture, à l'abri de la foule, les personnes surtout qui ne sont encore que sous le coup d'une prévention, et je puis assurer qu'il en est ainsi toutes les fois que la chose est possible.

Je dois aussi quelques mots de réponse à ce qu'a dit l'honorable M. Pirmez, relativement à la détention préventive. Mon opinion à cet égard est bien connue : j'ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion de la manifester devant la Chambre.

Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable membre qu'il faut arriver aussi tôt que possible à la suppression complète de la détention préventive en matière correctionnelle ; j'en excepte toutefois le cas où le délit a été commis par un étranger. La détention préventive doit encore être maintenue toutes les fois qu'il y a à craindre de voir le délit se répéter. Ainsi, je suppose qu'un pickpocket soit pris en flagrant délit ; vous ne pourriez évidemment pas lui rendre provisoirement la liberté, parce que très probablement il en profiterait pour continuer son industrie. Il est.donc des cas pour lesquels la détention préventive doit être maintenue.

M. Orts. - Faites juger ces individus séance tenante, comme on le fait à Londres.

MTJµ. - Notre organisation judiciaire ne comporte pas cette justice expéditive.

M. Coomans. - Cela se pratique cependant dans certains cas ; par exemple pour les délits qui se commettent à l'audience.

MTJµ. - Sans doute, mais cela n'existe que pour ce cas exceptionnel.

Et puis, messieurs, les raisons qui ont fait établir à Londres le système dont on parle ne se présentent pas chez nous.

Dans la seule ville de Londres, il y a chaque année dix fois plus d'arrestations que dans la Belgique entière ; il n'y a à Londres pas moins de 64,000 arrestations par année.

M. Orts. - Il serait autant de plus facile d'appliquer ce système en Belgique.

MTJµ. - Mais, est-il possible d'avoir un tribunal en permanence pour quelques rares prévenus qui seront arrêtés de temps en temps ? Dans l'arrondissement de Bruxelles, par exemple, le nombre des arrestations n'a été que de 246 en 1860 et seulement de 243 en 1861 ; comparez ce chiffre à celui que je viens d'indiquer pour Londres.

A Paris, on a également pris certaines mesures, mais là encore la situation est toute différente.

A Paris, si la population de la ville de Paris et de l'arrondissement de Bruxelles était la même, il y aurait encore 15 fois plus d'arrestations qu'il n'y en a dans l'arrondissement de Bruxelles. Il y a à Paris, sans compter les mendiants et les vagabonds, 13,000 à 14,000 arrestations, alors qu’il n'y en a que 220 environ dans tout l'arrondissement de Bruxelles.

En présence de ces chiffres, ne serait-il pas superflu, déraisonnable en quelque sorte d'organiser ici la justice comme elle l'est dans ces grandi centres de population ?

(page 513) Je suis, du reste, je le répète, parfaitement d'accord avec l'honorable membre qu’il faut chercher à supprimer les arrestations préventives en matière correctionnelle, sauf pour quelques cas exceptionnels, et je ferai sous ce rapport tout ce qu'il me sera possible de faire.

Du reste, je dois dire que nous avons déjà réalisé de grands progrès. J'ai sous les yeux le tableau des arrestations préventives. Je vous ferai remarquer, messieurs, qu'il comprend les délits et les crimes correctionnalisés. Eh bien, dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles les arrestations préventives étaient, en 1847, de 63 p. c, c'est-à-dire que sur 100 individus qui étaient traduits devant le tribunal correctionnel, 63 avaient été mis en arrestation préventive ; 37 ne l'avaient pas été. Aujourd'hui les arrestations préventives ne sont plus que de 14 p. c. en 1859, de 16 en 1860, de 19 en 1861. Dans le ressort de la cour d'appel de Gand, le nombre des arrestations préventives, qui était de 43 p. c. en 1847, est aujourd'hui de 13 p. c.

Dans le ressort de la cour d'appel de Liège, il y avait, en 1847, 39 p. c. d'arrestations préventives. Cette année il n'y en a que 10 p. c.

Or, si vous tenez compte que ces tableaux se rapportent aux délits et aux crimes correctionnalisés, que dans ces chiffres sont compris les délits commis par les étrangers, les catégories de délits pour lesquelles l'honorable M. Pirmez désire lui-même voir maintenir la détention préventive, vous devez reconnaître que nous ne sommes plus éloignés du but que tous nous voulons atteindre et que nous atteindrons, je l'espère.

Je suis encore d'accord avec l'honorable M. Pirmez, qu'il y a quelque chose à faire pour les prévenus que l'on maintient en état de détention après le jugement qui les acquittés. Il y a là un abus ; trop souvent les procureurs du roi maintiennent les détenus en prison après que leur acquittement a été prononcé. J'aviserai à empêcher que des laits semblables ne se renouvellent.

On a parlé du délai de 10 et de 15 jours. Lorsque le procureur du roi interjette appel, il a un délai de 10 jours. Il est évident qu'il n'a pas besoin de 10 jours pour délibérer.

Lorsque c'est le procureur général lui-même qui se pourvoi en appel, il doit le faire dans les 15 jours. Autrefois ce délai était de 2 mois.

Je pense que ce délai a été réduit par la loi de 1852 précisément pour éviter les inconvénients d'une longue détention. Sous ce rapport encore il y a certaines mesures à prendre ; elles n'exigent pas, je pense, une modification de la législation actuelle et je verrai quelles sont les instructions qu'il y a lieu de donner à cet égard.

M. Coomans. - Il faudrait faire juger rapidement.

MTJµ. - L'honorable membre a également indiqué quelques dispositions qu'il voudrait voir introduire dans le Code pénal.

La discussion s'ouvrira bientôt au Sénat. Comme il s'agit, en quelque sorte, de théories, je ne les aborderai pas en ce moment.

- L'article 16 est adopté.

Article 17

« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires : fr. 10,280.

« Charge extraordinaire : fr. 14,328. »

- Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Construction, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes pour les aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 60,000. »

M. Allard. - Messieurs, je demanderai à M. le ministre de la justice si dans le chiffre de 95,000 fr. pétitionné se trouve comprise la part de l'Etat dans la construction du palais de justice de Tournai.

Il est question de construire un palais de justice à Tournai. Le conseil communal a décidé dernièrement que le seul monument civil que Tournai possède serait démoli.

Je demanderai à M. le ministre de la justice qu'il veuille bien, avant d'approuver les plans, faire examiner par la commission des monuments le monument qui est condamné par nos conseillers communaux, tant sous le rapport de l'art que sur celui de sa solidité.

Je lui demanderai aussi de consulter M. le ministre de la guerre sur la proposition qui lui sera faite de transférer la grand-garde dans un bâtiment qui serait construit sur un terrain de six mètres de largeur, situé à l'angle de la Grand-place et d'une rue qui ne sera que d'une largeur de huit à dix mètres après son élargissement.

MTJµ. - Le chiffre qui figure au budget ne comprend aucune somme destinée à la construction d'un palais de justice à Tournai. Je dois croire que cette affaire a été récemment entamée, car jusqu'à présent je n'en ai pas connaissance.

M. Allard. - Il y a dix ans que l'on en parle au conseil communal de Tourna

MTJµ. - Il est possible que l'on en parle depuis 10 ans au conseil communal de Tournai, mais je dois dire à la Chambre que je n'ai pas le moindre souvenir d'avoir vu une seule pièce relative à la construction d'un palais de justice à Tournai. C'est la première fois que j'en entends parler.

M. Rodenbach. - On parle de celui de Bruxelles depuis un quart de siècle.

MTJµ. - Quant au palais de justice de Bruxelles, il est à désirer que l'on puisse le construire le plus tôt possible.

- Un membre. - On est d'accord.

MTJµ. - On a, messieurs, dressé des plans pour la construction du palais de justice de Bruxelles dont parle l'honorable M. Rodenbach.

J'ai fait faire aussi l'estimation des terrains et je dois dire qu'il sera impossible d'édifier ce palais de justice, qui cependant est indispensable, au moyen de la somme que, dans le principe, l'on croyait devoir être suffisante.

Les devis se montent à une somme très élevée.

J'ai dit qu'il fallait nécessairement arriver à les réduire ; on y parviendra, je l'espère, mais dans tous les cas, on dépassera notablement la somme de 4 millions, qu'il s'agissait, à l'origine, de consacrer à cet édifice.

Je ne veux pas le moins du monde dire à la Chambre une chose qui n'est pas.

Je ne veux pas m'exposer à ce que plus tard l'on reproche au gouvernement d'avoir engagé la Chambre dans une dépense qu'elle aurait cru ne devoir être que de 3 à 4 millions, alors que j'ai la conviction dès aujourd'hui qu'il n'est pas possible d'ériger à ce prix le palais de justice.

Voici, messieurs, les éléments sur lesquels je me fonde pour déclarer que cela n'est pas possible.

Les plans d'un palais de justice avaient été faits en 1838, par M. Suys. Ce palais de justice, qui ne devait occuper qu'une surface de 1 hectare 4 ares, devait cependant coûter, sans l'acquisition des terrains, la somme de 3,700,000 fr.

D'après les plans nouveaux, les bâtiments devront occuper une surface beaucoup plus grande, parce que les plans primitifs n'étaient pas suffisants et ensuite parce que, depuis 1837, le personnel des tribunaux de Bruxelles a notablement augmenté.

D'après les nouveaux plans les bâtiments occuperaient une surface d'environ 1 hectare 90 ares. Il n'y aura que les locaux indispensables à l'administration de la justice.

Si vous tenez compte de l'augmentation de dépenses qui doit résulter de l'occupation de 86 ares en plus, de l'augmentation du prix de la main-d'œuvre et du prix des matériaux qui depuis 1838 devient chaque jour plus sensible, si vous y ajoutez l'acquisition du terrain qui n'était pas comprise dans le devis de M. Suys de 1838, vous admettrez avec moi qu'il est radicalement impossible de construire un palais de justice au moyen d'une somme de 4 millions, et que la dépense sera beaucoup plus élevée.

Tout ce que le gouvernement peut faire, c'est de chercher à obtenir le devis le plus modéré, et une fois ce devis arrêté, de tenir la main à ce qu'il ne soit pas dépassé.

M. Orts. - Je n'entends pas demander à M. le ministre de la justice qu'il s'engage à exécuter les travaux du palais de justice de Bruxelles moyennant tel chiffre plutôt que tel autre. Je veux lui laisser, sous ce rapport, toute espèce de latitude, je désire qu'il examine et je désire surtout qu'à l'occasion du palais de justice nous n'ayons pas la répétition de ce spectacle qu'a donné l'affaire de l'église de Laeken.

(page 514) Je suis prêt à voter un chiffre convenable ; je suis prêt à vote, même un chiffre très considérable, mais à une condition : c'est qu'on ne le dépassera pas.

Mais voici une considération que je veux soumettre à l'attention de M. le ministre de la justice. Elle est indépendante de la question du chiffre.

Tout le monde est d'accord sur la nécessité de créer un palais de justice à Bruxelles. Tout le monde est d'accord sur le genre de cette construction. On est d'accord, la province, le gouvernement et la commune, sur l'emplacement qu'il faut lui donner. Or, tout cela est indépendant de la question du chiffre de construction. Si l'emplacement est aujourd'hui déterminé quant au lieu et quant à l'étendue, et cela est, pourquoi ne fait-on pas dès maintenant les travaux qui sont indispensables, quelles que soient les conditions de luxe que l'on donne à la construction à ériger : l'ouverture des places, l'ouverture des rues qui doivent dégager le bâtiment et qui sont comprises dans le plan ?

J'insiste pour que ce commencement d'exécution ait lieu le plus tôt possible, et cela par une raison d'économie.

Il est incontestable que le quartier où doit être élevé le palais de justice, augmente considérablement de valeur territoriale. C'est à ce quartier qu’aboutit la nouvelle avenue du bois de la Cambre. C'est un quartier qui doit devenir un quartier de luxe au lieu d'un quartier pauvre qu'il est aujourd'hui. Il y a donc là des terrains qui augmentent sans cesse de valeur.

Il y a plus, si je suis bien informé, et je crois l'être, il y a des contrats provisoires passés avec des propriétaires, pour des emprises à faire sur leurs terrains et cela à des prix très avantageux.

Mais ces propriétaires ne sont pas liés indéfiniment. Ils n'ont pas enchaîné leur liberté de disposer de leur fonds à tout jamais. Ces contrats ont des termes et ils doivent expirer bientôt. Si M. le ministre de la justice n'en profite pas, il en résultera encore une augmentation de dépenses considérable.

Il est évident pour tout le monde que le jour où l'avenue de la Cambre sera terminée, tout le quartier de la rue aux Laines aura acquis une plus-value immense. De plus longs délais amèneraient ainsi pour nous une augmentation considérable de dépenses, augmentation qui pourrait être évitée, si le gouvernement se mettait en possession des terrains et exécutait les places et les rues qui sont indépendantes de la question de chiffre.

MTJµ. - Je ferai tout ce qu'il me sera possible pour hâter la conclusion de cette affaire.

Les observations que vient de présenter l'honorable M. Orts sont parfaitement justes ; mais je n'ai pas pu aller plus vite. J'ai dû faire estimer les terrains, et il n'a pas dépendu de moi que ce travail fût fait plus tôt. Il y a très peu de temps que je l'ai reçu.

- L'article, mis aux voix, est adopté.

Chapitre VI. Publications officielles

Article 19

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires : fr. 150,000. »

M. de Smedt. - Au commencement de cette session, j'ai demandé à M. le ministre de la justice s'il ne serait pas possible de réduire le prix d'abonnement aux Annales parlementaires. Aujourd'hui je viens lui demander s'il a pris des renseignements à cet égard et si le prix de 3 fr. pour les Annales parlementaires seules ne pourrait être accepté sans que le gouvernement soit le moins du monde lésé pécuniairement.

Les Annales parlementaires ont été divisées en deux parties distinctes : la partie qui comprend nos débats parlementaires et celle qui comprend les documents parlementaires. L'utilité de vulgariser la lecture de nos débats politiques ne sera, je crois, contestée par personne.

Le chiffre des abonnés aux Annales a été jusqu'ici très restreint. Je pense qu'on pourrait l'augmenter en réduisant le prix de l'abonnement, ce qui est d'autant plus à désirer que dans notre pays ou le cens électoral est très bas, on doit désirer que le plus grand nombre possible d'électeurs puisse prendre connaissance de nos discussions, afin de les juger dans toute leur portée.

Or, les Annales parlementaires sont le seul organe qui reproduise nos discussions d'une manière complète et d'une manière impartiale.

Le chiffre du budget est de 150,000 fr. Mais il comprend les frais pour le Moniteur, pour le Recueil des lois et pour les Annales parlementaires. Je ne pense pas que le gouvernement aurait à augmenter beaucoup ce chiffre s’il acceptait la réduction que j'ai l'honneur de lui proposer.

MTJµ. - Messieurs, ainsi que je l'ai dit à la section centrale, la dépense pour les Annales parlementaires est de 7 fr. 70 c. par abonnement. On demande que cet abonnement soit réduit à 3 francs. Il y aurait pour l'Etat une perte de 4 fr. 70 c. par abonnement.

Le chiffre des abonnements n'est pas très considérable ; il est de 1,638 pour la session de 1862-1863 ; il y aurait, par conséquent, une perte d'environ 6,000 fr. pour le trésor.

Y a-t-il lieu de faire ce sacrifice ? Je ne sais pas s'il produira beaucoup plus d'abonnements, mais nous serions dans cette singulière position que, plus il y aurait d'abonnés, plus nous perdrions. On pourrait peut-être réduire le prix, mais il ne faudrait pas le faire à un point tel, qu'on eût intérêt à s'abonner pour avoir du papier à revendre.

M. Teschµ. - Je crois, messieurs, que la question n'est pas encore assez élucidée pour qu'on puisse dire d'une manière certaine quelle serait la conséquence de la mesure proposée par M. de Smedt.

C'est sur ma proposition que la Chambre a ordonné de diviser les Annales parlementaires en deux parties, dont l'une contient le compte-rendu de nos débats et l'autre les documents imprimés par ordre de la Chambre.

En faisant cette proposition, messieurs, j'avais un double but : d'abord d'introduire une certaine régularité dans les Annales parlementaires qui se distinguaient par le désordre le plus complet, désordre tel, que les recherches étaient à peu près impossibles. Ensuite je me proposais de faire abaisser, si la chose était possible, le prix d'abonnement, attendu que cela permettait d'admettre des abonnements séparés à la partie qui contient nos discussions.

D'après les renseignements fournis à la section centrale par M. le ministre de la justice, le prix de revient pour les deux parties des Annales parlementaires, documents et discussions des Chambres, serait de 7 fr. 70 c. Or, l'abonnement coûte actuellement 6 fr. par an ; de sorte qu'il y a une perte de 1 fr. 70 c. Mais, messieurs, les calculs auxquels on s'est livré à cet égard sont erronés. On dit, en effet, que les Documents parlementaires ne forment que le cinquième de la collection, de sorte que le prix de revient de cette partie ne serait que de 1 fr. 54 c.

Mais il suffit de jeter un coup d'œil sur les Annales parlementaires de la session actuelle, pour se convaincre que la pagination des documents est à peu près aussi avancée que celle des discussions. Il faut remarquer aussi que l'impression des documents donne lieu à un travail beaucoup plus compliqué que celle des débats parlementaires. En effet, les documents contiennent une masse de chiffres et de colonnes.

Je crois, messieurs, être au-dessous de la vérité en évaluant la partie des documents au tiers du volume total, ce qui porterait le prix de revieni de cette partie à 2 fr. 57 c. et réduirait le prix de revient de la partie qui contient nos débats à 5 fr. 13 c.

On pourrait peut-être arriver à une réduction de 2 fr. par exemple, ce qui réduirait le prix d'abonnement à 4 fr. pour le compte-rendu de nos séances.

Si le prix était réduit à 4 fr., on aurait un beaucoup plus grand nombre d'abonnés et je ne pense pas que la perte augmenterait en raison de ce nombre.

Il me semble que le chiffre plus considérable du tirage permettrait de réaliser quelques économies.

On pourrait aussi, messieurs, faire une économie sous un autre rapport ; ce serait de supprimer l'une des deux éditions que l'on fait aujourd'hui des documents parlementaires. Ceci est à examiner.

M Coomansµ. - Messieurs, je ne m'attendais pas à l'opposition que rencontre l'idée que nous avons plusieurs fois émise de mettre les Annales parlementaires à la portée des électeurs.

D'abord un mot, messieurs, sur les conséquences financières dont parle l'honorable ministre de la justice et qui me semblent fort exagérées. D'après M. le ministre de la justice, le coût des Annales parlementaires, documents et discussions, serait de fr. 7-70 ; en réduisant le prix d'abonnement à 3 fr., il y aurait donc, selon M. le ministre, une perte de fr. 4-70 par abonnement.

Messieurs, ce raisonnement repose sur un malentendu, sinon sur une erreur.

Nous n'avons pas demandé pour les abonnés à 3 francs les documents parlementaires, qui ont trop longtemps alourdi le recueil de nos annales ; je pense que le public ne s'en soucie guère. (Interruption.) Vous en aurez la preuve si vous admettez des abonnements séparés à la partie qui contient les débats.

Depuis quelque temps la Chambre a décidé que les Annales parlementaires seraient divisées en deux parties ; d’une part se trouve le compte-rendu de nos débats, et d'autre part, les documents parlementaires, (page 515) réimpression des pièces qui sont journellement distribuées aux membres de la Chambre.

Comme l'a très bien dit mon honorable ami M, Tack, les documents parlementaires sont aussi volumineux ou presque aussi volumineux que les Annales parlementaires.

Si donc on peut s'abonner à l'une des deux publications et si le prix d'abonnement aux Annales est fixé à 3 francs, la perte sera légère.

M. le ministre de la justice craint qu'on ne vienne à spéculer sur le prix du papier et à s'abonner aux Annales parlementaires uniquement pour avoir le papier.

Messieurs, je ne pense pas que cette crainte soit fondée. Le public préférera du papier blanc.

Messieurs, admettons que les Annales soit vendues à perte ; admettons même que la perte soit de quelques milliers de francs ; loin de redouter cette éventualité, je m'en féliciterais. Plus nous perdrons sur les Annales, plus nous verrons se propager l'esprit politique dans le pays.

Remarquez que la question du papier est une très petite question dans cette affaire. Ce n'est pas le papier des Annales qui coûte cher, c'est la rédaction. La simple rédaction des Annales nous coûte quelque chose comme 35,000 francs environ. Qu'importent quelques centaines de francs de papier en présence d'une pareille somme ?

Messieurs, qui veut la fin, veut les moyens. Vous avez abaissé le cens électoral à 20 florins. J'en suis heureux, pour mon compte. Je regrette qu'on ne puisse pas l'abaisser davantage en ce moment. Mais il conviendrait de mettre les électeurs à même de nous juger en connaissance de cause. Or, il est beaucoup d'électeurs qui trouvent qu'il leur en coûte trop cher aujourd'hui pour lire les discours que nous entendons ici ; et qui certainement s'abonneraient pour 3 francs au lieu de 6, s'ils avaient la faculté de s'abonner seulement aux Annales.

Messieurs, je ne conçois pas qu'on vienne nous objecter une difficulté financière aussi mesquine, alors que nous venons de multiplier nos libéralités dans des proportions qui, pour moi, sont exagérées.

Ainsi donc la rédaction seule de nos Annales nous coûte 35,000 francs à peu près. J'admets que vous ayez, du chef du papier, une perte de 3,000, de 6,000 fr. à essuyer, ce sera très peu de chose eu égard au résultat obtenu. Quant à la poste, vous n'avez pas à tenir compte du droit postal.

J'insiste pour qu'on fasse connaître au public le plus tôt possible qu'il peut avoir les Annales pour 3 francs ; j'insiste aussi sur cette considération, que la réduction ne sera qu'apparente, puisque nous venons de détacher des Annales les Documents parlementaires. Admettez donc à part un abonnement aux Documents parlementaires et un abonnement aux Annales.

M. Hymans. - Messieurs, lors de la discussion de son budget pour l'exercice 1862, M. le ministre de la justice a annoncé qu'il mettrait en adjudication l'impression du Moniteur. Je désirerais savoir quel a été le résultat de cette adjudication, d'une part, si elle a permis au gouvernement de faire une économie, d'autre part si elle lui a donné le moyen d'obtenir des adjudicataires quelques garanties que l'impression du journal officiel se fera dans de bonnes conditions.

Messieurs, je crois qu'il n'existe pas dans le monde entier un journal officiel aussi mal imprimé que le Moniteur belge.

J'ai vu le Moniteur d'Haïti ; j'ai vu le Moniteur de certaine colonie à peine née d'hier ; j'ai vu le Moniteur des îles Sandwich ; tous ces Moniteurs sont mieux imprimés que le nôtre.

D'abord, en ce qui concerne le format, le Moniteur belge devient monstrueux ; il n'y a plus moyen d'ouvrir un volume, quand on a besoin de le consulter vers le milieu ; pour s'en rendre maître, il faut s'asseoir sur un des côtés du volume.

Je ne parlerai pas du caractère dont on se sert ; il a certainement grand besoin d'être renouvelé. Il n'y a pas de si petit journal de province qui ne soit imprimé avec de meilleurs caractères.

Quant au papier, il est bien certain qu'aux termes de la nouvelle loi qu'on nous a présentée sur les fraudes électorales, il ne serait admis par aucun bureau électoral.

Je suis persuadé que si on en faisait l'analyse, on y trouverait peu de chiffons ; et si j'en crois un membre de cette Chambre, très expert dans cette matière, qui dirige même une importante fabrique de papier, il y a dans le papier du Moniteur quelque chose comme 25 p. c. de sciure de bois, 25 p. c. de terre ; et le reste, on ne sait ce que c'est.

Messieurs, le Moniteur, qui est le journal officiel est nécessairement destiné à avoir quelque durée. Ce n'est pas un journal éphémère qu'on déchire le lendemain du jour ou le jour même où il a été lu. Il y a des personnes qui désirent faire la collection du Moniteur. On a besoin d'une collection du journal officiel dans les administrations communales. Eh bien, il me paraît impossible, avec le papier sur lequel on imprime aujourd'hui le Moniteur, que l'on conserve, pendant dix ans, même des fragments de ce journal.

Je demanderai à M. le ministre de la justice si le nouveau contrat est déjà en cours d'exécution et s'il a quelque espoir de voir que le Moniteur, par la manière dont il sera désormais imprimé, devient digne de la destination qui lui est donnée.

Nous avons la prétention très légitime d'occuper une position honorable dans les arts industriels. La Belgique possède d'excellents imprimeurs ; nous avons imprimé des livres de luxe qui peuvent lutter avec tout ce qui a été produit de plus beau à l'étranger ; or, n'est-il pas déplorable que notre Journal officiel soit dans des conditions d'infériorité aussi prononcée vis-à-vis de ces imprimeurs ?

MpVµ. - L'amendement suivant est parvenu au bureau :

« Nous proposons de porter le prix d'abonnement aux Annales parlementaires à 3 francs à partir de la session 1863-1864.

« (Signé) MM. de Smedt, Van Overloop, Coomans.”

M. Allard. - Messieurs, l'honorable M. Tack a reproduit tout à l'heure l'objection qui a été faite dans la sixième section ; cette objection est ainsi conçue :

« La sixième section pense que M. le ministre, d'accord avec les questeurs, pourrait parvenir à réduire à une seule composition les Documents parlementaires, dont un exemplaire serait d'abord distribué au membres des Chambres, et un autre inséré ensuite dans les Annales

Quant à la questure, je dois déclarer à la Chambre qu'il ne pourrait pas lui convenir de faire distribuer aux membres de cette assemblée des documents parlementaires imprimés par le Moniteur. Nous avons, pour nos publications un format spécial, des caractères beaucoup plus grands, et enfin, tous les documents publiés par ordre de la Chambre ne sont pas reproduits par le Moniteur. Les publications de ce journal ne sauraient donc pas tenir lieu de celles qui se font aujourd’hui par la Chambre elle-même.

Ces dernières, messieurs, sont très considérables ; elles forment ordinairement de 6 à 8 volumes grand in-8° de 700 à 800 pages et elles coûtent à la Chambre des sommes considérables. Ainsi la collection des documents parlementaires de la Chambre a coûté, par exemplaire, pour la session de 1858-1859 51 fr. 89, pour celle de 1859-1860 41 fr. 40 et pour celle de 1860-1861 43 fr. 38.

On conçoit que les Annales parlementaires ne reproduisent qu'une très minime partie de ces documents et la Chambre reconnaîtra que la manière dont ils sont réimprimés ne pourrait nullement convenir aux membres de cette assemblée.

Si cependant il convenait à M. le ministre de- la justice de s'entendre avec l'imprimeur de la Chambre pour lui vendre un certain nombre de documents imprimés par ordre de la Chambre pour servir les abonnés aux Annales parlementaires, la questure n'y ferait aucune objection ; mais il est bien entendu que cette combinaison devrait respecter le format qui a été adopté depuis longtemps.

M. Tack. - C'est ainsi que je l'entends.

MTJµ. - L'honorable M. Hymans m'a interpellé relativement à la remise en adjudication du Moniteur et à l'impression de ce journal. La Chambre sait qu'à plusieurs reprises on a réclamé, dans cette enceinte la mise en adjudication du Moniteur. Le gouvernement a fait droit à ces réclamations ; mais je dois dire que cette mesure n'a pas produit les résultats qu'on en attendait : le prix est resté le même ; mais des conditions un peu plus sévères ont été imposées. Ces conditions représentent en argent une charge de 5,000 à 6,000 fr.

Des conditions ont été stipulées pour la qualité du papier et pour l'impression, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour qu'elles soient scrupuleusement observées. Mais on reconnaîtra qu'il est impossible qu'un ministre obtienne la perfection en toutes choses. Tout ce qu'il peut faire, c'est de recommander la stricte exécution des engagements qui ont été contractés. Depuis longtemps, le Moniteur est l'objet de critiques qui, je l'avoue, m'ont parfois paru fondées ; tout ce que je puis promettre, c'est que je continuerai à veiller pour que tout sujet de plainte légitime disparaisse.

En ce qui concerne le prix de nos Annales parlementaires, je ne sais pas si ces Annales seraient plus recherchées lorsque l'on aurait supprimé les documents, mais il me paraît que, dans ce cas, il serait assez difficile de suivre les discussions.

(page 516) M. Coomans. - On fixerait un prix spécial d’abonnement aux documents.

MTJµ. - Je crois que cela reviendrait alors à peu près au même prix. Tantôt on a traité de chimère en quelque sorte la crainte que je manifestais de voir l'abonnement aux Annales ne plus équivaloir qu'au prix du papier.

Mais, messieurs, cela n'est pas aussi chimérique qu'on pourrait bien le croire : les Annales parlementaires ont ordinairement un poids de 5 ou 6 kilos et vous savez que le vieux papier se paye à raison de 50 centimes le kilo.

M. Coomans. - Non, 30 centimes tout au plus.

MTJµ. - Je cite le chiffre qui m'a été fourni par mes bureaux. Or, si nous avions une session un peu longue et des Annales assez volumineuses, la crainte que j'exprimais pourrait fort bien se réaliser.

Je ne sais pas s'il y a lieu pour la Chambre de prendre en ce moment une décision à ce sujet ; je crois que la question mérite un nouvel examen dans lequel il pourra être tenu compte des observations qui ont été présentées.

Quant à moi, je ne suis guidé que par les seuls intérêts du trésor, car vous comprenez, messieurs, que je désire comme vous tous que nos débats reçoivent la plus grande publicité et que le compte-rendu en soit accessible au plus grand nombre possible d'électeurs

M. H. Dumortier. - Je désire ajouter un mot aux observations qui viennent d'être présentées en ce qui concerne les Annales parlementaires. Il me serait impossible, messieurs, de ne point me plaindre de la négligence avec laquelle se fait l'impression de nos débats. D'un autre côté, vous savez par expérience combien il est désagréable, après avoir prononcé un discours plus ou moins long, de devoir passer une partie de la soirée dans les bureaux au Moniteur pour revoir ses épreuves.

Mais ce qui est pénible surtout c'est de constater, le lendemain en relisant son discours, soit que des passages sont incohérents, soit que des omissions ont été commises. C'est, messieurs, ce qui m'est arrivé plusieurs fois, depuis peu de temps. Si patient que l'on soit, il arrive cependant un moment où il devient impossible de continuer à se montrer indulgent ; puisque M. le ministre de la justice veut bien dire qu'il s'applique à améliorer cette partie du service, je crois utile de lui signaler les faits.

Après avoir longtemps patienté, on se décide, comme je l'ai fait, à écrire à M. le directeur du Moniteur ; bientôt on reçoit de ce fonctionnaire une lettre d'explications qui sont presque toujours les mêmes et tout est dit.

Pour ma part, je m'en suis contenté deux fois, trois fois ; mais voyant que je n'obtenais aucune satisfaction sérieuse, j'ai dû finir par protester.

Un mot encore, messieurs. Je crois que certains membres se font illusion en supposant qu'une nouvelle réduction de prix des Annales augmenterait considérablement le nombre des abonnés. Cependant il faut, je le reconnais, employer tous les moyens possibles pour éclairer les populations, et bien que je n'aie pas une grande confiance dans le résultat que produirait une nouvelle réduction du prix de l'abonnement, je ne verrais cependant aucun inconvénient à ce que l'on fit l'expérience de ce moyen, recommandé par quelques-uns de nos collègues.

M. de Theux. - Puisqu'on en est à constater certaines irrégularités dans la publication du Moniteur et des Annales parlementaires, je signalerai celle-ci : il arrive souvent qu'il y a des suppléments aux Annales ; tantôt ces suppléments vous sont envoyés en double, tantôt, au contraire, on ne vous les envoie pas du tout. Il en résulte que des collections sont incomplètes et que l'on est parfois bien embarrassé dans les recherches que l'on a à faire.

M. Van Overloop. - J'ai constaté à diverses reprises que le Moniteur rend compte des débats parlementaires des pays étrangers, et qu'il le fait avec une grande partialité ; je voudrais qu'il ne rendît pas compte du tout de ces débats ou qu'il le fît avec impartialité, en reproduisant fidèlement le pour et le contre. Ce fait que je signale, je l'ai remarqué à bien des reprises. C'est là un abus et cet abus doit disparaître. D'après la manière dont il s'est occupé jusqu'à présent de ce qui se passe dans les parlements étrangers, il a été impossible de s'en rendre compte d'une manière exacte ; au lieu de nous en donner une idée erronée, il vaudrait mieux qu'il ne s'en occupât pas du tout.

MTJµ. - Le gouvernement est étranger à la partie du Moniteur qui n'est pas la partie officielle. Il est possible que parfois des débats de parlements étrangers soient reproduits dans un sens plutôt que dans un autre ; je dois décliner la responsabilité de ces comptes rendus ; il y a eu dans la partie non-officielle du Moniteur des faits que le gouvernement a blâmés ; il a fait des observations au directeur ; il ne dépendra pas de nous que cela ne se représente plus.

Le Moniteur ne doit pas manifester d'opinions sur les faits et les débats qui se produisent dans les pays étrangers ; notre situation ne comporte pas de semblables appréciations.

M. Guilleryµ. - Il est constant qu'il y a des plaintes unanimes contre l'administration du Moniteur en ce qui concerne la partie matérielle. Souvent l'abonnement est compromis par l'impossibilité où se trouvent des abonnés de province de faire des collections. Le but qu'on se propose presque toujours quand on s'abonne aux Annales parlementaires, c'est d'avoir une collection. Quant au point qui a été l'objet des attaques de M. Van Overloop, c'est le seul que j'approuve. Je trouve que les débats des parlements étrangers sont rapportés dans le Moniteur avec une grande impartialité, c'est la meilleure chose qu'il contienne, elle est faite avec soin et discernement, les débats sont toujours présentés avec exactitude et je dois dire que j'y ai toujours vu le pour et le contre.

M. Muller. - Je crois devoir présenter une observation pour démontrer que l'amendement remis au bureau n'est pas soumis dans des conditions qui permettent de l'appliquer utilement au budget actuel. Les abonnements déjà pris et payés pour les Annales parlementaires de la session actuelle qui sera naturellement assez courte ; ce ne serait donc pas à propos du budget de 1863 que l'amendement devrait être présenté, mais seulement lorsqu'il s'agira de l'exercice de 1864.

J'ajoute que c'est dans la discussion du budget des voies et moyens que devrait être soulevée la question qu'on veut résoudre aujourd'hui

Ajournez donc votre proposition.

- Un membre. - Il sera trop tard !

M. Muller. - Le budget des voies et moyens de 1864 est déposé quand on le discutera, vous pourrez reproduire régulièrement votre amendement, s'il n'était pas fait droit à votre désir. M. le ministre de la justice répondant à une question qui lui était adressée à ce sujet par la section centrale, avait signalé, comme je le fais en ce moment, l'inefficacité d'un changement dans le prix et les conditions d'abonnement des Annales parlementaires en ce qui concerne les débats de la session actuelle et les abonnements de cette année.

- Un membre. - Chaque session forme une publication séparée.

M. Muller. - C'est possible, mais le prix de l'abonnement n'est-il pas fixé par année ? Quoi qu'il en soit, quand M. le ministre de la justice s'est engagé à examiner la question de savoir si l'on ne peut pas vendre séparément les Annales des documents qui les accompagnent aujourd'hui pour chaque abonnement, je comprendrais difficilement qu'on persistât dans un amendement qui ne peut avoir aucun effet immédiatement utile.

Je le répète, c'est au budget des voies et moyens qu'il devrait prendre place. Si l'amendement est adopté, quel changement apporterez-vous au chiffre et au libellé de l'article du budget de la justice ? Aucun, vous ne modifierez ni le libellé ni le chiffre, parce que vous n'avez pas de renseignements suffisants pour pouvoir le faire et qu'il ne peut s'agir dans ce budget de réduire un chiffre des recettes à prévoir.

MpVµ. - Je viens de faire observer aux auteurs de la proposition qu'elle ne présente pas le caractère d'un amendement, car il s'agit d'une loi budgétaire ; il faut procéder par changement de libellé ou par une modification apportée au chiffre. (Aux voix ! aux voix !)

M. Coomans. - Il faut bien que je donne à M. Muller l'explication qu'il demande. Que signifie votre amendement dit-il ? Voici ce qu'il signifie : c'est une autorisation donnée au gouvernement de livrer les Annales parlementaires à 3 fr. au lieu de 6 à partir du mois de novembre prochain, qui compte dans l'exercice du budget que nous discutons.

L'amendement est donc à sa place. Non seulement il s'agit de permettre de livrer les Annales au prix de 3 fr. à partir du mois de novembre, mais peut-être de juillet ou de septembre, si le gouvernement juge utile de convoquer les Chambres en session extraordinaire.

L'amendement a une autre signification, c'est que les amateurs pourront encore s'abonner aux Annales de cette session s'ils le veulent. Il faut je pense, une autorisation au gouvernement pour faire cette réduction ; le ministre l'a déclaré. (Interruption.)

D'autres ministres l'ont déclaré auparavant ; ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas prendre sur eux cette réduction de prix. Si les ministres ne le peuvent pas, c'est à nous à prendre l'initiative.

En 1862 on nous a renvoyés à 1863 ; en 1863 on nous renvoie à 1864 ; il faut en finir.

C'est pour en finir que nous proposons d'autoriser le gouvernement, avec le libellé qu'il jugera bon de rédiger, à réduire, à partir du mois de novembre, à 3 fr. le prix des Annales parlementaires.

Quant au fond, la question est d'une solution facile. Lorsque nous dépensons tant d'argent pour la rédaction des Annales, devons-nous hésiter, pour les mettre à la portée des citoyens, à en réduire, le prix à 3 fr. par session ?

(page 517) MFOFµ. - Messieurs, il me semble qu'au fond nous sommes parfaitement d'accord. Ainsi que M. le ministre de la justice vous l'a dit, nous voulons tous réduire autant que possible le prix de l'abonnement aux Annales parlementaires. Mais le gouvernement a-t-il besoin, pour traduire ce désir en fait, d'une autorisation préalable de la Chambre, comme le suppose l'honorable M. Coomans ?

M. Coomans. - Ce sont les ministres qui nous l'ont dit plusieurs fois.

MFOFµ. - Je ne sais si cela a été dit ; mais, quoi qu'il en soit, je ne crois pas une pareille autorisation nécessaire. S'il était besoin d'une décision de la Chambre, ce n'est pas à l'occasion du budget de la justice qu'elle devrait être formulée ; ce serait au budget des voies et moyens.

M. Coomans. - C'est une dépense.

MFOFµ. - Mais non ; il est bien évident qu'il s'agit d'une recette.

M. de Naeyer. - C'est une réduction de recette.

MFOFµ. - C'est une réduction de recette, soit ; ce n'en est pas moins au budget des voies et moyens que l'objet se rapporte, et l'amendement, si toutefois amendement il y a, ne peut trouver place au budget de la justice.

Au surplus, messieurs, je crois que nous pouvons facilement nous entendre. Le gouvernement se tient pour autorisé, et il cherchera le moyen le plus convenable d'arriver à étendre la publicité des Annales parlementaires.

Je vous dirai cependant que je ne crois pas que ce soit la réduction à 3 francs du prix de l'abonnement, qui donnera de l'extension à cette publicité. (Interruption.) On pourra néanmoins essayer de ce moyen. Mais il doit être bien entendu que nous ne pouvons faire descendre l'abonnement au-dessous du prix de papier, car, sinon, nous deviendrions des vendeurs de papier à prix réduit.

Mais peut-être y aurait-il quelque chose de plus et de mieux à faire pour favoriser cette publicité : ce serait, par exemple, d'envoyer un exemplaire des Annales parlementaires à tous les bourgmestres. (Interruption.) Cela vaudrait ce que cela vaudrait. Je ne dis pas que l'on parviendrait par là à cette grande publicité que l'on désire... (Interruption.) J'indique cette idée comme un essai à faire. C'est une question à examiner. Il faudra chercher à en apprécier les conséquences et à en évaluer les frais.

En résumé, messieurs, nous avons tous le même but. Personne de nous ne veut mettre les Annales parlementaires sous le boisseau. Nous désirons que le compte rendu impartial de nos débats soit lu par le plus grand nombre possible de nos concitoyens, et c'est en vue d'atteindre ce but que le gouvernement examinera ce qu'il conviendra de faire.

MpVµ. - Les auteurs de la proposition sont-ils satisfaits de cette déclaration et retirent-ils leur proposition ?

M. Van Overloop. - Nous retirons notre amendement sous la condition bien expresse que des mesures soient prises avant la session prochaine.

M. Coomans. - Nous retirons l'amendement. Mais je crois être d'accord avec M. le ministre des finances que si le prix ne doit pas être inférieur à la valeur vénale du papier nous entendons parler du papier imprimé qui coûte de 30 à 40 centimes le kilogramme. Il s'agit uniquement d'empêcher la spéculation dont a parlé M. le ministre de la justice.

- L'amendement étant retiré, l'article est mis aux voix et adopté.


M. Gobletµ (pour une motion d’ordre). - Messieurs, par décision des 5 et 6 mars, la Chambre a renvoyé à la commission des pétitions la pétition des conseils communaux d'Enghien et de Hal, demandant le maintien du tracé primitif du chemin de fer de l'Etat d'Ath à Hal par Enghien.

Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi déposé avant-hier par M. le ministre des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 5 heures.