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Congrès national de Belgique
Séance du dimanche 10 avril 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)

(page 63) (Présidence de M. de Gerlache)

La séance est ouverte à une heure. (P. V.)

Lecture du procès-verbal

M. le baron Joseph d’Hooghvorst – Je demande la permission d'observer que dans la séance d'avant-hier j'ai été porté au nombre des absents, tandis que j'étais présent. Je désire que mon observation soit insérée au procès-verbal, et j’y tiens d'autant plus que depuis l'ouverture du congrès je n'ai pas manqué une seule de ses séances. (C., 12 avril.)

- L'observation sera insérée au procès-verbal. (C., 12 avril.)

M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre de M. le vicomte de Bousies de Rouveroy, qui demande un congé de quelques jours. (P. V.)

- Un congé de huit jours lui est accordé. (P. V.)


M. d’Hanis van Cannart s'excuse d'avoir été obligé de se rendre à Anvers pour une affaire importante, et de ne pouvoir assister à la séance d'aujourd'hui : il sera de retour dans un très bref délai. (C., 12 avril.)

(page 64) - Pris pour notification. (P. V.)


M. Destriveaux demande un congé d'un mois, afin de continuer le cours de droit criminel qu'il enseigne à l'université de Liége, et qui ne peut plus souffrir d'interruption. (E., 12 avril.)

- Ce congé est accordé. (P. V.)

Démission de membres du Congrès

M. Le marquis d’Yve de Bavay, devant s'absenter de Bruxelles et ne voulant pas priver sa province d'un de ses représentants, donne sa démission. (E., 12 avril.)


M. David se voit forcé, par des raisons indépendantes de sa volonté, de donner sa démission. (E., 12 avril.)


M. le président invite les commissions de vérification des pouvoirs compétentes, à faire leur rapport sur l'élection des suppléants qui doivent être appelés à remplacer M. le marquis d'Yve de Bavay et M. David. (P. V.)

Proposition de décret relatif aux droits d'entrée sur le poisson

Rapport de la commission

M. Serruys fait le rapport de la commission chargée d'examiner sa proposition concernant les droits d'entrée sur le poisson provenant de pêche étrangère.

- L'assemblée en ordonne l'impression et la distribution. (P. V.)

Projet de décret accordant un crédit supplémentaire de 6 milions de florins au département de la guerre

Rapport de la section centrale

M. François fait, au nom de la section centrale, un rapport sur le projet de décret relatif au crédit supplémentaire de 6,000,000 de florins, demandé pour le ministère de la guerre. La section centrale a été unanime pour l'adoption du projet, (I., 12 avril., et P. V.)

- L'assemblée décide de passer immédiatement à la discussion du projet de décret. (I., 12 avril.)

Discussion de l'article unique

« Article unique. - Il est accordé au ministre de la guerre un crédit supplémentaire de 6,000,000 de florins pour subvenir aux besoins extraordinaires du second trimestre de 1831. » (A. C.)

M. Alexandre Rodenbach – J'applaudis au projet du gouvernement de mobiliser les gardes forestiers ; il me semble qu'on pourrait également mobiliser les gardes champêtres (rires et rumeurs) ; cela nous produirait de suite deux mille hommes. On pourrait aussi faire marcher la moitié de la gendarmerie dont la totalité s'élève à onze cent. Cette moitié pourrait être fort utile, tandis que l'autre moitié suffirait pour le maintien de l'ordre en Belgique, surtout avec le secours du deuxième et du troisième ban de la garde civique. (I., 12 avril.)

M. l’abbé Andries – Messieurs, je crois que le moment est venu d'appeler l'attention du ministère sur la Flandre hollandaise, partie importante qui a été malheureusement trop négligée jusqu'aujourd'hui.

Rappelez-vous, messieurs, que nos couleurs nationales ont flotté dans toutes les villes du pays de Cadzand, à l'Écluse, Ardenbourg, Yzendycke, Sas de Gand et à Hulst.

Il n'y avait qu'à Oostbourg qu'on semblait faire quelque résistance, et cette résistance était provoquée par les faibles moyens qu'on déployait pour l'occupation du pays, et par la lenteur incroyable avec laquelle on s'en servait.

MM. Pontécoulant et Grégoire arrivent chacun avec une proclamation et se croient tous deux chefs de l'expédition. On marche sur Oostbourg, sans ordre et sans plan, avec une arrière-garde composée de tous les pillards et vagabonds des villages voisins, attirés par les paroles de Grégoire, qui avait promis de livrer Oostbourg au pillage. Quelques coups de canon ont suffi pour dissiper cette troupe, et j'ose en féliciter ma patrie car la victoire eût rempli le pays de désolation et de crimes.

Depuis lors, le drapeau national a disparu. J’espère qu'il y sera replanté bientôt ; mais qu'on se rappelle bien que les habitants de la rive gauche de l’Escaut sont nos frères, et que la justice et la politique exigent impérieusement que nos troupes y entrent en amies et y observent une discipline très sévère. (Appuyé ! appuyé !) (I., 12 avril.)

M. de Robaulx – Hier M. le ministre nous a parlé dans son rapport de 600,000 florins qui seraient appliqués à l'organisation des volontaires. Je lui demanderai si dans le crédit on devra spécialiser les 600,000 florins, de manière à ce que cette somme ne puisse pas être dépassée. S’il en était ainsi, comme je trouve la somme insuffisante, je déclare que je voterais contre le projet. (I., 12 avril.)

M. Charles de Brouckere, ministre des finances – J'ai dit hier que l'organisation des volontaires pourrait occasionner dès l'abord une dépense de 600,000 florins, mais ce n'est pas à (page 65) dire que le ministre ne puisse affecter de plus fortes sommes à cette organisation. Il n'y a sous ce rapport aucune spécialité. Dans mon rapport, j'ai parlé des dépenses que pourraient occasionner et l'organisation des volontaires et la mobilisation du premier ban de la garde civique. Nous avons trouvé qu'il fallait actuellement une somme d'environ 5 millions et 100,000 florins, nous avons demandé 6 millions ; il restera donc 900,000 florins sans emploi momentané, mais dont il est bon de pouvoir disposer pour les dépenses imprévues. (I.,12 avril.)

M. de Robaulx – Il suffit que cela ne donne pas lieu à un transfert d'une dépense à une autre, et que le ministre de la guerre puisse disposer des 6,000,000 de florins comme l'exigera le besoin du service. (I., 12 avril.)

M. Nothomb regrette que le ministre de la guerre ne soit pas présent ; il lui aurait demandé des explications sur l'arrêté qui a paru aujourd'hui dans les journaux, et qui ordonne l'organisation de huit bataillons de volontaires. L'honorable membre est étonné qu'on n'ait pas organisé un bataillon dans le Luxembourg ; il demande des explications sur la réserve faite à ce sujet dans l’arrêté. (I., 12 avril.)

M. Alexandre Gendebien demande s'il est bien nécessaire d'enrégimenter tous les gardes forestiers. Il trouve cette mesure dangereuse si elle est générale ; à la bonne heure si l'on se contentait d'enrégimenter ceux du Luxembourg. (I., 12 avril.)

M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Je vais répondre aux deux préopinants. Si on n'a pas songé à organiser dans le Luxembourg un corps de volontaires, c'est qu'il n'y a dans le Grand-Duché aucune localité propre à cette organisation. Le Grand-Duché est d'ailleurs le point menacé, ce n'est pas là que l'organisation pourrait se faire tranquillement. Nous avons mieux aimé faire cette organisation à Namur, d'où, lorsque les circonstances l'exigeront, les volontaires seront bientôt rendus dans le Grand-Duché. Quant aux gardes forestiers, notre intention ne fut jamais d'en ordonner la levée en masse, mais d'enrégimenter principalement ceux du Grand-Duché, qui, par la connaissance qu'ils ont des localités, pourront être d'une grande utilité. (I., 12 avril.)

M. Nothomb – Le gouvernement aurait pu, ce me semble, caserner les volontaires qui auraient été organisés dans le Luxembourg, dans l'abbaye de Saint-Hubert ; cette abbaye appartient au domaine, et elle est située à vingt lieues de Luxembourg. J'indique ce local à M. le ministre de la guerre, comme tout à fait propre à cet usage. (I., 12 avril.)

M. Charles Rogier – On a organisé déjà un bataillon à Arlon. (J. B., 12 avril.)

M. Alexandre Gendebien demande que M. le ministre veuille bien prendre en considération les observations faites par M. Nothomb. (E., 12 avril.)

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est close. (E.,12 avril.)

Vote de l'article unique

On vote par appel nominal sur l'article unique du projet ; il est adopté à l'unanimité de 105 voix. (P. V.)

Proposition visant à assurer la liquidation des bons du syndicat d'amortissement, appelés "los-renten"

Motion d'ordre

M. le baron Beyts – Messieurs, nous venons de voter de quoi faire la guerre à nos ennemis ; c'est très bien, mais cela ne suffit pas. Il faudrait encore prendre garde de ne pas nous laisser couper les vivres par lui, ni lui donner les moyens de faire la guerre à nos dépens. Or, c'est ce que nous faisons, grâce à l'émission des los-renten, sur lesquels M. d'Elhoungne appela, il y a quelque temps, l'attention du congrès. Si on avait pris alors les mesures nécessaires contre la négociation de ces obligations, il n'y en aurait pas aujourd'hui le quart de ce qu'il y a en Belgique. Les Hollandais les font échanger chez nous ; ils peuvent, à l'aide de nouvelles émissions, se procurer des sommes énormes, 100 millions peut-être, et nous faire la guerre avec notre argent : c'est ce qu'il faudrait empêcher. Déjà, sur la proposition de M. d'Elhoungne, une commission fut nommée pour examiner ce qu'il convenait de faire ; je demande que cette commission fasse son rapport le plus tôt possible, et que le congrès ne se sépare pas sans avoir pris des mesures pour faire cesser cet abus. (I., 12 avril.)

M. Jottrand – J'étais membre de la commission nommée sur la proposition de M. d'Elhoungne, la veille précisément du jour où fut prorogé le congrès. Aujourd'hui il serait impossible de réunir la commission, car de tous les membres qui en faisaient partie, il ne reste que M. d'Elhoungne et moi ; MM. Seron, Le Grelle et Osy sont absents. (I., 12 avril.)

M. d’Elhoungne – Quand je fis ma proposition, je sentais que le succès de la mesure dépendait de la célérité qu'on mettrait à l'adopter. Maintenant je pense que le mal est consommé, et que toutes les mesures que l'on pourrait prendre seraient inutiles. (C., 12 avril.)

M. Charles de Brouckere, ministre des finances(page 66) Une commission ayant été nommée, je désire qu'elle soit complétée, et j'espère lui prouver que la mesure, si mesure il y a à prendre, sera tout aussi efficace qu'elle aurait pu l'être dès le principe. (Marques de satisfaction.) (J., 12 avril.)

- La commission est invitée à faire son rapport le plus tôt possible ; elle est complétée par la désignation de MM. Meeûs et le baron Beyts, en remplacement de MM. Le Grelle et le baron Osy. M. Seron en reste membre ; il doit être de retour demain. (I., 12 avril.. et P. V.)

Projet de décret visant à admettre des officiers étrangers au service de l'armée belge

Rapport de la section centrale

M. Jottrand fait un rapport sur le projet de décret proposé par M. Nothomb et d'autres députés et relatif à l'admission d'officiers supérieurs étrangers dans l'armée belge.

M. le président – Discutera-t-on le projet de suite ? (Oui ! oui ! L'impression ! l'impression !) (J. B.. 12 avril.)

- Le congrès décide que la discussion sera ouverte immédiatement. (I., 12 avril.)

M. Van de Weyer – Il est impossible de discuter ce projet en l'absence de M. le ministre de la guerre ; je demande qu'il lui soit envoyé un message pour qu'il se rende au sein du congrès. (Appuyé.) (I., 12 avril.)

M. le président – On va l'envoyer chercher. (J. B.. 12 avril.)

M. Le Bègue est appelé à faire rapport sur la proposition présentée par M. Gendebien, dans une séance précédente. Il déclare que la commission n'est pas prête. (E., 12 avril.)

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Soignies

M. Fleussu, rapporteur de la commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants élus par la province de Hainaut, propose l'admission de M. le comte Gustave de Bocarmé en remplacement de M. le marquis d'Yve de Bavay, député démissionnaire du district de Soignies. (I., 12 avril.)

- Cette admission est prononcée. (P. V.)

Projet de décret visant à admettre des officiers étrangers au service de l'armée belge

Discussion générale

La discussion est ouverte sur le projet de décret concernant les officiers étrangers, modifié par la section centrale. (E., 12 avril.)

M. Demelin – Il faut prendre garde, en adoptant le projet qui vous est présenté de ne pas blesser l'amour-propre, et de ne pas exciter la jalousie des officiers supérieurs de notre armée. Il me semble que la section centrale a donné trop de latitude au gouvernement, et qu’il suffirait de l'autoriser à choisir un général en chef qui eût un nom européen, lequel pourrait être accompagné de son aide de camp. (I., 12 avril.)

M. Van de Weyer – J'ai demandé la parole pour rappeler que j'ai témoigné le désir de ne discuter le projet qu'en présence de M. le ministre de la guerre. Nous devons savoir s'il a été consulté sur ce projet. Nous devons savoir de sa bouche si, sur vingt-quatre généraux que nous avons en Belgique, il n'en est aucun capable de commander en chef. (Murmures.) Messieurs, il ne faut pas confier légèrement à un chef étranger le commandement de notre armée. (Nouveaux murmures.) Un seul fait historique suffira pour prouver le danger. Notre première révolution a été sans effet, parce que nous fûmes trahis par deux généraux étrangers qui commandaient notre armée. (C., 12 avril.)

M. de Robaulx – Je demande la parole. (I., 12 avril.)

M. le président – D'autres l'ont demandée avant vous. (1., 12 avril.)

M. de Robaulx – On nous prête d'autres intentions que celles que nous avons. (Bruit.) (I., 12 avril.)

M. Jottrand, rapporteur – L'opinion de la section centrale n'a pas été comprise. Je ne pense pas que son intention ni celle du congrès soit de forcer le gouvernement à employer des généraux étrangers, mais je pense qu'on a voulu qu'il eût la faculté de le faire s'il le juge convenable. Lorsque le gouvernement croira devoir user de cette faculté, il consultera le ministre de la guerre ; ce sera sans doute sur le rapport de ce ministre que la mesure sera prise ; tout cela vous prouve que les explications du ministre de la guerre en ce moment sont complètement inutiles. (C., 12 avril.)

M. Van de Weyer – Mais en discutant le projet, nous préjugerons la question. (I.,12 avril.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je ne prétends pas contester à la chambre le droit d'appeler un ministre dans son sein et de lui adresser des interpellations, mais je déclare d’avance que si j'étais ministre de la guerre et que je fusse consulté sur le projet, je ne répondrais (page 67) pas. (Mouvement.) Eh quoi ! lorsque des soupçons ont plané sur divers officiers généraux de notre armée, lorsque la police est sur la trace de ramifications d'un complot de trahison dont l'existence ne peut être révoquée en doute, vous voulez qu'il descende de la tribune, de la bouche du ministre de la guerre lui-même, des paroles qui peuvent jeter la désorganisation dans l'armée ? Voilà, messieurs, une inconséquence que je ne conçois pas, et je conjure le congrès, si M. le ministre de la guerre vient et qu'il lui soit fait des interpellations, de lui défendre de répondre. (I., 12 avril.)

M. Van de Weyer – M. le ministre des affaires étrangères, avant de s'élever avec tant de véhémence contre mes interpellations, aurait dû attendre de les connaître. (I., 12 avril.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Vous les avez énoncées. (I., 12 avril.)

M. Van de Weyer – J'aurais demandé à M. le ministre de la guerre, s'il eût été présent, s'il y avait lieu de discuter sur un pareil projet, et je crois qu'il aurait pu répondre à cette question sans danger. Du reste, on se rappellera que, lorsque on a voulu adresser à ce ministre des questions dangereuses, c'est précisément moi qui me suis opposé à ce qu'il y répondît. Eh bien, je pense aujourd'hui qu'il n'y a aucun danger à lui demander son avis. (I., 12 avril.)

M. Devaux – Les termes dans lesquels la question a été posée par le préopinant sont les mêmes que ceux dans lesquels il l'avait énoncée d'abord ; tout le monde sent qu'il serait impossible d'y répondre sans danger. D'un autre côté le ministre ne pourrait donner son avis sur l'opportunité ou l'inopportunité du projet sans empiéter sur les prérogatives de l'assemblée. (I., 12 avril.)

M. de Robaulx – Messieurs, comme signataire de la proposition, je crois devoir expliquer dans quelle intention elle a été faite. Dans ce moment, nous membres du congrès, nous ne connaissons pas assez le personnel de l'armée, pour savoir s'il y a dans son sein un général capable de commander en chef. Voyant la guerre imminente, nous avons pensé qu'il serait peut-être utile d'appeler à commander nos troupes, un talent supérieur, un général qui eût un nom européen ; on sent de quelle influence pourrait être, soit sur l'armée, soit sur l'ennemi, une grande renommée militaire : or, en effet, la constitution ne laissant pas au gouvernement le droit de prendre un général à l'étranger, nous avons pensé qu'il fallait lui aplanir cette difficulté. Certes, cette mesure peut être utile, et l'armée belge elle-même applaudirait, j'en suis certain, au choix d'un général qui eût acquis une haute réputation dans les armées et à l'école de Napoléon. Notre intention n'a donc pas été de contester à nos généraux leurs talents militaires, mais de donner au gouvernement le moyen de faire la guerre avec succès. (Adhésions nombreuses.) (I., 12 avril.)

M. Nothomb – Nous avons voulu accorder au gouvernement une faculté dont il usera s'il le trouve convenable. Nous le laisserons juge de l'opportunité de la mesure, et maître de l'exécuter ; nous n'avons eu d'autre intention que d'aplanir les difficultés que présentait la constitution. Si l'article 6 de la constitution eût été obligatoire en septembre dernier, le gouvernement provisoire, dont M. Van de Weyer a été membre, n'eût pas pu confier de commandement à Van Halen, à Mellinet, à Niellon. (I., 12 avril.)

M. Destouvelles – La question qu'on se propose d'adresser à M. le ministre de la guerre est non seulement délicate, mais encore d'une nature telle, qu'il ne pourrait y répondre sans blesser les convenances. On ne veut pas forcer le gouvernement à prendre un général étranger, mais seulement l'autoriser à choisir une ou plusieurs illustrations militaires, si l'intérêt du pays le commande. Si l'autorisation est accordée, quand le moment sera venu, le gouvernement l'examinera en conseil, et il en usera s'il le trouve convenable. Mais ce n'est pas en congrès que nous devons examiner les capacités militaires, et c'est ce qui arriverait si on faisait au ministre la question qu'on a énoncée. Je le répète, il ne pourrait répondre sans blesser les convenances et sans manquer, en quelque sorte, à ce qu'il doit à ses frères d'armes. Je m'oppose donc à toute interpellation. (Voix nombreuses : Appuyé ! appuyé !) (I. 12 avril.)

M. Charles Rogier – Je ne m'oppose pas ce que M. le ministre de la guerre soit entendu ; mais je ne crois pas que nous ayons besoin de le consulter pour apprécier l'opportunité du projet. Nous avons besoin d'un commandant en chef, je le dis sans hésiter, et j'en ai pour garant le suffrage de plusieurs officiers généraux de notre armée, qui ne rougiraient certainement pas de servir sous un ancien compagnon d'armes, et qui se verraient au contraire avec plaisir conduire à la victoire par un homme d'une grande réputation militaire, pris dans les rangs de l'armée française, et même de l'armée anglaise.

- L'orateur entre dans la discussion du fond. (I., 12 avril.)

M. le président fait observer à M. Rogier qu'il ne s'agit maintenant que de savoir si le (page 68) ministre de la guerre sera entendu. Il annonce au surplus qu'on n'a pas trouvé le ministre chez lui. (I., 12 avril.)

- Le congrès décide qu'il sera passé outre à la discussion. (I., 12 avril.)

M. Charles Rogier présente un amendement pour que le gouvernement soit autorisé à enrôler des officiers étrangers d'artillerie d'un rang inférieur, dont le congrès pourrait limiter le nombre. Il demande aussi qu'un sort soit alloué à ces officiers, et qu'ils puissent compter sur la conservation de leurs grades après la paix, en se faisant naturaliser Belges. (C., 12 avril.)

M. Jottrand, rapporteur – Puisque la discussion générale est ouverte sur le projet de décret, je crois qu'il est bon de profiter de l'occasion qui nous est offerte d'expliquer à ceux de nos concitoyens qui servent la patrie dans les rangs de notre armée, comment nous, qui les représentons avec tout le pays dans cette assemblée, nous comprenons le décret que nous nous proposons de voter.

D'abord, il ne nous est pas prouvé que le gouvernement aura besoin d'user de la faculté que nous voulons lui accorder. Peut-être, dans la guerre toute patriotique, toute nationale que la politique injuste de nos voisins semble vouloir nous forcer à soutenir, peut-être verrons-nous sortir des rangs de notre armée des Skrzynecki, des Dwernicki. Notre cause est aussi belle que celle des Polonais ; notre nation a le même enthousiasme que ce peuple qui vient de cueillir les plus glorieuses palmes sur les plus beaux champs de bataille, les champs de bataille ouverts pour la défense de l'indépendance nationale.

Mais si, par suite de la déplorable position d'ilotes politiques dans laquelle le sort et les iniques traités de 1815 nous ont tenus si longtemps ; si par suite de cet exécrable machiavélisme employé par le gouvernement hollandais, et qui lui faisait exclure les Belges des hauts emplois militaires dans l'armée des Pays-Bas, nos frères qui composent aujourd'hui notre jeune armée sentaient eux-mêmes la nécessité d'admettre dans leurs rangs des officiers expérimentés appelés de chez nos voisins, que les soldats belges ne se croient pas humiliés de cette nécessité.

En d'autres temps (et ces temps reviendront encore si notre indépendance se consolide), les Belges prêtaient aussi des généraux illustres aux autres nations.

Aux Français qui songeraient à faire sonner trop haut leur supériorité militaire, à laquelle il pourrait se faire que nous eussions recours, nos braves officiers pourraient répondre qu'il fut un temps où le Belge d'Egmont battait leurs phalanges à Gravelines, à Saint-Quentin, à la tête des Espagnols. Ils pourraient rappeler encore le nom de ce brave sire de Lannoy auquel François Ier rendit son épée à Pavie. Et sans remonter si haut dans notre histoire, nos soldats ne pourront-ils pas rappeler les noms illustres des Mercy, des Tilly, des Beaulieu, des Clairfayt, pour prouver que la position particulière où la Belgique s'est trouvée pendant le dernier quart de siècle est une position d'exception ?

Oui, nous le répétons afin qu'on le retienne chez nous et dans toute l'Europe, si la Belgique avait besoin de l'aide d'officiers étrangers pour servir la cause nationale, elle n'entendrait les appeler qu'avec l'espoir, la certitude de pouvoir rendre un jour à ses voisins, dans toutes les causes justes qu'ils auraient à défendre, les mêmes services qu'elle en réclamerait aujourd'hui. (I., 12 avril.)

M. Destouvelles – Je crois qu'il serait nécessaire d'expliquer le motif pour lequel on donne une plus grande latitude à l'autorisation. Je propose le considérant suivant :

« Attendu que la plupart des officiers d'artillerie nommés sous l'ancien gouvernement appartenaient aux provinces septentrionales, et que cette arme exige de longues études et des connaissances qui ne peuvent s'acquérir que dans les écoles. » (J. B., 12 avril.)

M. Charles de Brouckere, ministre des finances, s'oppose à la rédaction de l'amendement de M. Destouvelles, qui permettrait de croire que, s'il n'y a pas assez d'officiers d'artillerie dans l'armée belge, c'est pour cause d'incapacité. L’orateur explique que s'il manque des officiers dans cette arme, c'est parce que, sous le gouvernement du roi Guillaume, les Hollandais seuls étaient admis à l'école militaire. Sur cent Belges qui se présentaient, à peine en recevait-on trois ou quatre, et les examinateurs sont convenus qu'ils avaient leurs ordres à cet égard. Du reste, toutes les fois que des Belges étaient admis, ils obtenaient les premiers numéros dans l'école. (I., 12 avril.)

M. Alexandre Gendebien ajoute que, ne connaissant pas la langue hollandaise, presque tous les Belges étaient privés d'entrer dans l’artillerie. (I., 12 avril.)

M. Henri de Brouckere se prononce pour la rédaction primitive du projet. (J. B., 12 avril.)

M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Nous avions assez d'officiers dans l'arme (page 69) du génie ; mais, dégoûtés des traitements qu'ils essuyaient dans l'armée hollandaise, ils ont donné leur démission et se sont mis dans les ponts et chaussées. Cette administration vient d'être jointe au génie. Les cadres des officiers du génie sont complets, et il y a assez d'aspirants pour quatre ans. La seule arme où il manque des officiers, c'est l'artillerie. (J. B., 12 avril.)

M. Destouvelles renonce à son amendement. (I., 12 avril.)

M. Van Snick – Ne pas limiter l'autorisation à un certain nombre d'individualités, c'est agir contre l'article 6 de la constitution ; car les cas particuliers dont il parle, doivent s'entendre d'individualités. (J. B., 12 avril.)

M. de Robaulx – S'il en est ainsi, ni l'un ni l'autre projet n'est admissible. Nous avons pensé que par cas particuliers, il fallait entendre des circonstances telles que celle où nous nous trouvons. (J. B., 12 avril.)

M. Devaux soutient la constitutionnalité du décret. Il démontre que les expressions qui se trouvent dans l'article 6 de la constitution : « Sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers, » suffisent pour autoriser le congrès à adopter le décret qu'on lui propose : l'honorable membre soutient que, par les mots cas particuliers, il ne faut pas entendre des cas individuels, mais des circonstances particulières. Or, la Belgique se trouve dans des circonstances toutes particulières. On peut donc, en suivant la lettre de la constitution, adopter le projet en discussion. Du reste, dit en terminant l'orateur, quelque décision que vous preniez, la nécessité peut aller plus loin que vous. Messieurs, si pendant la guerre un général ennemi passait dans nos rangs et venait prêter son bras à la cause de la liberté, faudrait-il que notre général le repoussât par respect pour la constitution ? (I., 12 avril.)

M. Henri de Brouckere persiste à donner la préférence au projet de loi primitif sur celui de la section centrale. (E., 12 avril.)

M. Van de Weyer – Je viens ajouter quelques observations à celles qui vous ont été présentées par M. Van Snick, pour vous prouver l'inconstitutionnalité du projet. (I., 12 avril.)

M. Van Snick – Mais j'ai soutenu le contraire. (Hilarité générale.) (I., 12 avril.)

M. Van de Weyer – J'avais donc mal compris. Quoi qu'il en soit, je soutiens que le projet est inconstitutionnel, et les partisans du système contraire sont obligés de changer les termes de l'article 6 pour le soutenir, et traduire les mots cas particuliers par les mots circonstances particulières. Il est évident que l'article 6 n'a eu en vue que des cas individuels, et c'est une mesure générale qu'on vous propose d'adopter. On parle toujours de renommées militaires qu'il faut pouvoir recueillir ; mais, messieurs, attendez donc qu'il s'en présente (murmures) , alors vous trouverez dans la constitution l'autorisation de faire pour ces renommées ce que vous devrez. Pour moi, comme Belge, comme citoyen, je m'opposerai de toutes mes forces à l'adoption d'un projet qui viole la constitution. (I., 12 avril.)

M. Demelin reproduit sa demande tendant à n'autoriser le gouvernement qu'à choisir un général en chef. (I., 12 avril.)

M. Van Snick reproduit les arguments qu'il a déjà fait valoir en faveur du projet, pour prouver à M. Van de Weyer qu'il s'était trompé en prétendant qu'il avait attaqué le projet. (I.,12 avril.)

M. Alexandre Rodenbach – Les braves volontaires belges, ennemis de l'oppression et enthousiastes de la gloire, ont reçu le baptême du feu dans les glorieuses journées de Bruxelles, de Walhem, Berchem, Lierre et Anvers. Les valeureux chefs qui les ont conduits à la victoire ne sont pas en assez grand nombre, attendu que notre armée dépassera bientôt cent mille hommes. Pour une armée aussi forte, il faut un général en chef qui, par de grands talents militaires, ait acquis une réputation européenne. Il n'est pas moins urgent d'avoir quelques officiers d'artillerie. L'injustice de notre ex-gouvernement est cause de ce que nous manquons d'officiers dans cette arme, qui dans la stratégie moderne aide puissamment à la victoire. (J. F., 12 avril.)

M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Messieurs, il ne faut rien moins que la persistance de M. Van de Weyer pour que je prenne la parole, et pour me permettre d'abuser de la patience de l'assemblée. L'honorable membre veut absolument que les mots circonstances particulières signifient autre chose que cas particuliers. Pour ma part, je lui serais très obligé de m'en marquer la différence. Selon moi, ces expressions sont synonymes, et pour y voir une différence, il faudrait qu'au lieu du mot particulier on eût dit personnel. Lorsque l'article 6 de la constitution a été discuté, l'objection a été faite, et on a cité pour y répondre, non pas des individus, mais des catégories, et on a fait sentir tout le ridicule qu'il y aurait à demander une loi pour placer un maître d'anglais, un maître d'espagnol ou d'italien. On veut, pour que vous autorisiez le gouvernement (page 70) à nommer un général étranger, que ce général se présente ; mais on ne songe pas que le choix de ce général peut être l'objet d'une négociation secrète, et qu'il pourrait y avoir danger de la discuter publiquement. Mais maintenant je suppose qu'un généralissime succombe, faudra-t-il assembler aussitôt le congrès et attendre la lenteur de ses délibérations pour lui donner un remplaçant ? Voilà cependant à quelle absurdité nous conduirait une orthodoxie dont je suis édifié, mais que je ne saurais partager (on rit). Songez, messieurs, qu'il ne s'agit pas aujourd'hui de faire une guerre d'équilibre, une guerre d'intérêts commerciaux ; il s'agit d'une guerre de principes, et si nous avons besoin d'un grand général, lorsqu'un ami de la liberté se présentera, acceptons-le, qu'il vienne de ]a France, de l'Angleterre, ou de l'Allemagne, s'il peut en venir de ce pays-là. (On rit.) Ne nous montrons pas si difficiles. Sachons nous plier aux circonstances. Eh ! messieurs, lorsque les Américains combattaient pour leur liberté, ont-ils repoussé de leurs rangs l'illustre Lafayette ? ont-ils repoussé les Rochambeau, les Ségur et tant d'autres noms illustres ? Lorsque Byron, lorsque Fabvier se sont présentés aux Grecs, le sénat de la Grèce, par une susceptibilité nationale ridicule, a-t-il refusé le secours de leurs bras ? Messieurs, tous les amis de la liberté sont nos frères, accueillons-les quand ils viennent verser leur sang pour la plus noble des causes. (Bravo ! bravo !) (I., 12 avril.)

M. de Rouillé – Je ne puis penser que notre brave armée soit réduite à l'humiliante situation de devoir chercher à l'étranger des officiers supérieurs (ce qui s'entend de tous grades au-dessus du capitaine) ; je me demande d'où nous vient cette défiance dans les talents militaires des nôtres ? L'armée, telle qu'elle est maintenant composée, est certes bien en état de faire la guerre avec succès aux Hollandais ; je ne vois donc pas la nécessité d'admettre à présent dans ses rangs des officiers anglais, prussiens, ou français, qui pourraient appartenir à une nation avec laquelle nous serions en guerre plus tard ; si cette guerre doit éclater entre les grandes puissances, alors, mais seulement alors, celle de ces puissances dont nous serons alliés et avec laquelle nous combattrons, nous donnera des généraux pour diriger les grandes opérations militaires ; mais avant cette époque, je pense que nos soldats, qui se glorifient avec raison du nom de Belge qu'ils veulent conserver, ne verraient pas sans un vif sentiment de déplaisir des officiers étrangers venir les commander.

Cette mesure me semble inutile, dangereuse, ouvrant la porte à l'intrigue étrangère, pouvant nuire à la discipline ; elle blesse justement l'orgueil national. Je voterai contre. (J. B., 12 avril.)

M. Raikem – Il me semble que les mots cas particuliers doivent s'entendre ici des grades et du nombre d'officiers à admettre ; mais appeler généralement les étrangers à tous les emplois supérieurs dans l'armée, ce n'est pas un cas particulier, c'est une généralité. (J. B., 12 avril.)

- La discussion générale est close. (E., 12 avril.)

Discussion des articles

Considérants

M. le président donne lecture des considérants ; en voici les termes :

« Vu l'article 6 de la constitution ainsi conçu : « Les Belges sont égaux devant la loi, seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers ;

« Attendu que dans les graves circonstances où se trouve la Belgique, la défense du territoire peut exiger que des emplois militaires soient par exception conférés à des étrangers ; que le gouvernement doit être mis à même d'accueillir les offres que pourraient lui faire des étrangers connus par leur amour de la liberté et leurs talents militaires.» (E., 12 avril., et P. V,)

M. Charles Rogier propose une modification. (E., 12 avril.)

- Elle est rejetée. (E., 12 avril.)

Les considérants sont adoptés. (P. V.)

Article premier

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à employer jusqu'à la paix des officiers supérieurs étrangers, et à leur confier des commandants, dans l'armée belge, autant que les besoins de la guerre l'exigent et que leurs talents les recommandent. » (E., 12 avril., et P. V.)

M. Fleussu tient à connaître les individus auxquels le gouvernement destine les grades supérieurs. En adoptant l'article 6 de la constitution, le congrès n'a pas voulu laisser au gouvernement la possibilité d'introduire dans les emplois les étrangers que bon lui semblerait. Le projet lui paraît inconstitutionnel ; il votera contre. (E., 12 avril.)

M. Destouvelles – Je demande que le projet soit renvoyé à la section centrale pour qu'elle présente une nouvelle rédaction, après s'être concertée avec le ministre de la guerre.

L'honorable membre, développant sa pensée, exprime le désir qu'on fasse en sorte de concilier la nouvelle rédaction avec les termes de la constitution. (E., 12 avril., et A.)

- Cette proposition est mise aux voix ; l'épreuve et la contre-épreuve sont douteuses ; on procède à l’appel nominal.

102 membres répondent à l’appel.

61 votent pour.

41 votent contre.

En conséquence, la proposition de M. Destouvelles est adoptée.

La séance est levée à quatre heures. (P. V.)