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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 8 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 187) M. Dubus procède à l'appel nominal à une heure.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Jean-François Prévost, supérieur du collège communal de Jumet, né à Salmagne (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Martin demande que les intérêts des cautionnements soient payés à l'époque de l'échéance. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


(page 188) « Plusieurs habitants de Courtray prient la chambre de rejeter le projet de loi sur les droits de succession. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


Par dépêche du 6 décembre, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre un exemplaire des recueils des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux, session de 1848.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Traitement des agents politiques

Article nouveau

La discussion continue sur l'article nouveau proposé, par la section centrale :

« Brésil, 18,000 fr. »

M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, à la fin de la séance d'hier, j'avais présenté quelques observations, afin que le vote n'eût pas lieu immédiatement sur l'article 2 nouveau proposé par la section centrale, d'autant plus que je n'ai pas vu dans le rapport que des fonctions consulaires seraient confiées à notre chargé d'affaires au Brésil.

Nous avons des consuls généraux chargés d'affaires en Amérique, mais nous n'avons pas encore des chargés d'affaires consuls généraux. Il me semble, messieurs, qu'il serait préférable d'adopter un système uniforme pour nos agents dans tous les pays transatlantiques. Mon opinion est que le caractère de ces agents doit être essentiellement commercial. M. le ministre des affaires étrangères a émis le même avis dans la discussion générale; il a même ajouté que l'intérêt politique était peu important dans les pays que je viens d'indiquer.

Je pense donc, messieurs, qu'il serait préférable de porter le traitement de notre agent au Brésil au chapitre des consulats. Ce crédit est global. Si M. le ministre des affaires étrangères trouvait que le chiffre de 18,000 fr. est trop élevé pour un consul général chargé d'affaires, il y aurait un excédant qui pourrait être employé utilement ailleurs.

Je ne vois pas l'inconvénient qui pourrait résulter de cette modification an point de vue politique, puisque notre consul général chargé d'affaires aura des lettres de créance et pourra négocier des traités de commerce. J'attendrai du reste a cet égard les explications que M. le ministre des affaires étrangères voudra bien nous donner. Mais j'insiste particulièrement pour que notre agent au Brésil ait un caractère commercial. Je pourrais faire valoir à ce sujet des considérations d'une nature peut-être délicate, mais j'aime mieux me renfermer dans les termes généraux.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je n'attache aucune importance à ce que le traitement de nos agents aux Etats-Unis et au Brésil figure plutôt au chapitre II qu'au chapitre III. Le gouvernement avait pensé devoir faire figurer primitivement le traitement de ces deux agents sur le chapitre III du budget qui est relatif aux consulats pour indiquer que leur mission est plutôt commerciale que politique. Mais il ne s'ensuit pas qu'il conviendrait qu'ils n'eussent qu'une mission exclusivement commerciale. Je crois que ce serait nuisible à nos intérêts dans ces contrées lointaines. Nous avons toujours eu près des Etats-Unis et du Brésil un agent politique. Aux Etats-Unis nous avons en outre un consul général rétribué. Mais au Brésil nous n'avons pas de consul général rétribué.

Il importe, messieurs, que nos agents aient un caractère politique. Cela leur donne d'abord plus d'influence. En second lieu, cela les met à même de négocier des traités de commerce. Je n'y vois d'ailleurs pas le moindre inconvénient.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer pense que le consul général pourrait remettre des lettres de crédit, comme le fait un chargé d'affaires....

M. T'Kint de Naeyer. - J'ai dit un consul général chargé d'affaires. La section centrale demande un chargé d'affaires et, dans sa pensée, je crois qu'elle veut lui donner le titre de consul général.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je vois que nous ne différons que sur l'interversion des termes. Il s'agit d'avoir des chargés d'affaires consuls généraux ou des consuls généraux chargés d'affaires. Ceci ne me semble pas avoir une très grande importance. Du reste, c'est une observation qui pourrait être prise en considération par le gouvernement, lorsqu'il remettra les lettres de crédit.

Voici plutôt, messieurs, quelle est la question : un chargé d'affaires remet au gouvernement près lequel il est accrédité, des lettres de créance; et un consul général, ce qu'on appelle : des lettres de provision ; faut-il que ces agents aient l'une et l'autre de ces lettres ou bien qu'ils n'en aient qu'une seule, soit simplement de chargé d'affaires soit simplement de consul général? Nous avons pensé que, pour ces missions, il était convenable de ne pas supprimer la qualité politique, mais de la réunir à la qualité commerciale. Voilà ce qui nous a dirigés dans la proposition que nous avons faite à la chambre. Cela rentre, je pense, dans ce que veut l'honorable M. T'Kint de Naeyer. Il désirerait que le crédit fût reporté au chap. IlI, mais je le répète, je ne vois pas grande importance à ce que le traitement figure au chapitre II ou au chapitre III ; cela revient absolument au même. Du reste, dans les lettres remises à ces agents, nous tiendrons compte des observations qui ont été présentées.

M. de Luesemans, rapporteur. - Les observations qui viennent d’être fournies par M. le ministre des affaires étrangères me dispensent d’entrer dans de longs détails sur les intentions de la section centrale. La section centrale a pensé qu'il y avait utilité à avoir aux Etats-Unis un agent diplomatique; elle en a fait l'observation à M. le ministre des affaires étrangères ; M. le ministre des affaires étrangères reconnut que l'opinion de la section centrale était fondée et il promit que le gouvernement donnerait à notre agent politique aux Etats-Unis des instructions telles qu'il put soigner en même temps toutes les affaires commerciales de la Belgique.

M. de T'Serclaes. - Quant au fond du débat, la question ne semble plus avoir d'importance : pour les honorables préopinants, pour un grand nombre même des membres de cette chambre, la chose en elle-même paraît à peu près indifférente, du moment où il est bien entendu que le gouvernement donnera à son agent aux Etats-Unis, soit qu'il l'accrédite comme chargé d'affaires ou qu'il le fasse reconnaître comme consul général, des instructions telles, que le but principal de sa mission, soit de favoriser nos débouchés aux Etats-Unis, de propager nos relations d'affaires, de défendre nos intérêts commerciaux. Mais au point de vue du droit des gens, la question présente une importance très réelle.

Dans la discussion générale, un honorable membre du corps diplomatique vous a expliqué les motifs et les conséquences de la distinction des rangs attribués aux divers agents diplomatiques : il vous a présenté des considérations d'une justesse évidente sur les inconvénients des positions mixtes, de consul-général chargé d'affaires, et de chargé d'affaires consul général. En droit des gens, il y a une différence bien nette entre les agents diplomatiques et les agents consulaires; les premiers sont seuls admis à traiter en pays étranger des affaires politiques, à entamer des négociations; ce sont les seuls enfin qui, munis de lettres de créance ou de pleins pouvoirs, jouissent des privilèges que le droit des gens accorde au caractère public dont ils sont revêtus. Les consuls, au contraire, quoique d'une institution beaucoup plus ancienne que les premiers, ne sont que des agents commerciaux, nommes et constitués par un gouvernement, dans des ports et places de commerce étrangers, pour y veiller aux intérêts du commerce, et particulièrement pour défendre auprès des autorités locales les droits des nationaux et accommoder leurs différends. Le consul a besoin, pour exercer ses fonctions, du consentement du gouvernement local. La plupart des publicistes refusent même aux consuls le nom et le caractère de ministres publics. Les consuls sont, à certains égards, sujets à la juridiction civile et criminelle du lieu de leur résidence. Les consuls, comme tels, ne peuvent point traiter les affaires qui surgissent entre les deux Etats.

Vous le voyez, messieurs, leur rang et leurs pouvoirs sont essentiellement distincts de ceux assignés aux agents diplomatiques.

M. le ministre des affaires étrangères vient encore d'expliquer à la chambre que le charge d'affaires est accrédité auprès du gouvernement central, qu'il a toujours l'accès auprès du ministre des affaires étrangères de ce gouvernement, tandis que le consul est uniquement reconnu par les autorités provinciales ou locales, lesquels doivent seulement lui prêter aide et assistance en cas de besoin. Ainsi en toute circonstance le chargé d'affaires peut s'adresser directement au gouvernement étranger, discuter avec lui, défendre nos intérêts, quelle que soit la nature de ces intérêts, qu'ils soient politiques, qu'ils concernent les différends entre la Belgique et l'Etat étranger, ou qu'ils soient commerciaux, qu'ils ne concernent que les particuliers. Le consul ne peut point porter la parole au nom des Belges qui résident en dehors de son arrondissement consulaire, il ne peut point les protéger dans des réclamations qui ne sont-pas exclusivement commerciales.

De quoi s'agit-il au fond? De protéger principalement les intérêts de notre commerce aux Etats-Unis. Evidemment sous ce rapport, le chargé d'affaires sera beaucoup plus utile que le consul, en supposant qu'il possède les mêmes connaissances commerciales que ce dernier, qu'il soit muni des mêmes instructions spéciales; son rang et son titre feront que l'on ajoutera une tout autre importance à ses observations, que si elles émanaient d'un simple agent consulaire. L'intérêt du pays me semble exiger que notre agent aux Etats-Unis, soit investi du caractère diplomatique : je crois donc que la section centrale a agi fort sagement en proposant de rétablir le crédit pour notre mission dans l'Amérique du Nord au chapitre II du budget.

M. Lebeau. - Ce n'est point, messieurs, pour combattre la proposition de la section centrale que je me lève; j'y donne, au contraire, mon entière approbation : je crois que la section centrale a introduit une modification très heureuse dans cette partie de notre budget, en substituant, pour Rio et Washington, des agents politiques à de simples agents commerciaux ; ce qui n'exclut pas du reste, dans celle combinaison, l'élément commercial.

Comme on l'a dit tout à l'heure, il est extrêmement important que dans les contrées éloignées, surtout dans quelques-uns de ces contrées où, il faut bien le dire, la civilisation n’a pas toujours atteint le degré où elle est arrivée en Europe, nos agents soient, en général, protèges par un caractère diplomatique. Le caractère diplomatique permet bien plus que le caractère d'agent commercial d'invoquer le droit des gens, et il est fort peu de contrées où le droit des gens ne soit pas respecté plus ou moins.

C'est ainsi que, malgré ses nombreux agents commerciaux dans les pays transatlantiques, la France a, dans la plupart de ces pays, des agents politiques qui, au besoin, protègent non seulement leurs nationaux, mais encore les agents commerciaux en leur venant en aide.

On pourrait soutenir à certains égards que les consuls généraux sont aussi des agents politiques. Cependant la controverse est grande sur ce point entre les auteurs; je ne veux pas entrer dans des détails à cet (page 189) égard; il me suffira de citer l'opinion des plus importants d'entre eux, de Vattel, qui conteste aux consuls, quels qu'ils soient, le caractère politique. J'approuve donc entièrement l'amendement proposé par la section centrale. Je me permettrai seulement de lui demander pourquoi elle n'a pas mis le consulat général du Mexique sur la môme ligne que les consulats généraux du Brésil et des Etats-Unis : il y a absolument parité de raisons. Je serais bien aise d'apprendre si l'attention de la section centrale a été appelée sur ce point, et si le gouvernement a des objections contre cette assimilation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je n'ai aucune observation à présenter sur ce que vient de dire l'honorable M. Lebeau; seulement, l'honorable membre semble croire que le gouvernement ne voulait pas donner le caractère politique aux agents qu'il envoie et aux Etats-Unis, et au Mexique, et au Brésil. Si nous avons porté le traitement de ces agents au chapitre « Consulats », nous avons eu soin d'expliquer, dans les développements du budget, qu'ils conserveraient un caractère politique.

Or, ce n'est pas dans la place où ils figurent au budget qu'on doit trouver le caractère dont ils sont revêtus, c'est dans leurs lettres de créance; eh bien, il a été toujours dans l'intention du gouvernement, d'accorder à ces envoyés des lettres de créance de chargés d'affaires. Seulement, on y réunissait une autre qualité, et comme il semblait que le but commercial était le principal, on avait fait figurer leur traitement au chapitre des consulats.

Ainsi, nous sommes d'accord quant au fond ; il s'agit d'une transposition, et comme la chambre paraît désirer cette transposition, nous ne faisons pas de difficulté à l'admettre; mais je tiens à ce que la chambre ne croie pas que nous avons voulu supprimer tout caractère politique à nos agents en Amérique; c'est là le but de mes observations.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, la vérité est que la section centrale n'a pour ainsi dire fait autre chose qu'opérer une régularisation. M. le ministre des affaires étrangères annonçait, dans le budget, que le gouvernement enverrait aux Etats-Unis et au Brésil des consuls généraux chargés d'affaires, dont les appointements seraient prélevés sur le chiffre des consulats. La section centrale trouve plus convenable que l'on nomme des chargés d’affaires en titre; mais il est incontestable que si le gouvernement veut leur donner, en outre, le titre de consuls généraux, il en est parfaitement libre (interruption) ; mais la section centrale ne doit pas donner la direction au gouvernement pour tous les détails de l'administration; c'est au gouvernement à juger si au titre de chargé d'affaires il doit ajouter celui de consul général. Il a paru à la section centrale qu'il fallait à Washington et à Rio un agent politique. Veut-on lui donner, en outre, une autre qualité? Nous ne nous y opposons en aucune manière. Mais nous ne voulons pas, en cette matière, imposer une loi au gouvernement. Ainsi, si le gouvernement trouve dans l'Amérique du Nord des consuls non rétribués qui puissent convenablement représenter les intérêts commerciaux, nous voulons lui laisser la liberté de faire tomber son choix sur de pareils agents, il restera libre d'agir comme bon lui semblera.

L'honorable M. Lebeau demande pourquoi la section centrale ne propose pas pour notre agent à Mexico la même qualification que pour nos agents à Rio et à Washington.

Je répondrai à l'honorable M. Lebeau que notre budget n'a jamais contenu d'allocation pour un agent politique à Mexico.

Ce serait donc une innovation complète. Pour une innovation de ce genre, nous avons cru qu'il fallait attendre l'initiative du gouvernement. Vous savez fort bien que le gouvernement de Mexico n'est pas établi d'une manière tellement régulière, tellement stable, qu'il ne puisse y avoir du doute sur la convenance d'établir immédiatement des relations politiques avec ce pays. Quant aux relations commerciales, elles sont indispensables. La section centrale a donc pensé que, s'il est réellement utile d'envoyer à Mexico un agent politique, c'est au gouvernement à en faire la proposition ; elle doit décliner toute responsabilité a cet égard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'agent qui a été accrédité à Mexico avait le titre de consul général, chargé d'affaires; il avait un caractère politique; il ne s'est pas rendu à son poste à cause de circonstances graves, à cause de la guerre qui a éclaté entre les Etats-Unis et le Mexique. Mais depuis que cette guerre a cessé, le président du Mexique a annoncé officiellement au gouvernement belge son avènement à la présidence; il a témoigné vivement le désir d'entretenir des relations politiques et commerciales entre les deux pays, et il a annoncé le prochain envoi d'un chargé d'affaires. Vous savez, messieurs, qu'avant les événements qui se sont passés au Mexique nous avions un chargé d'affaires de ce pays homme très éclairé, très désireux de voir établir des relations commerciales entre les deux pays. Il me semble donc que nous pouvons conserver à notre agent au Mexique le même titre qu'il avait précédemment .Je n'y vois aucun inconvénient, et j'y trouve des avantages incontestables.

M. Lebeau. - Je regrette d'insister sur ce point, parce que l'objet n'a pas grande importance pour la chambre, le chiffre du budget devant, rester le même, quelle que soit la décision du gouvernement. Mais je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la question de l'assimilation à faire, au budget et dans leurs lettres patentes, de notre envoyé au Mexique et de nos agents au Brésil et aux Etats-Unis.

M. le ministre des affaires étrangères a dit que les lettres de provision de l'agent qu'on veut envoyer à Mexico lui donneront la qualification d'agent politique et commercial, en d'autres termes, de consul général chargé d'affaires. Je dois rappeler à M. le ministre des affaires étrangères et annoncer à la chambre que par cela seul qu'il y eu cette interversion de qualification de « consul général » avant le titre de « chargé d'affaires », un de nos envoyés a rencontré des difficultés dans un des pays dont nous nous occupons, pour faire reconnaître son caractère politique; ce caractère lui a été parfois contesté. Il y a eu à ce sujet (je puis le dire sans indiscrétion, puisque cela s'est passé un peu de mon temps) entre le ministre des affaires étrangères et cet agent une assez longue correspondance. Elle avait pour but de faire changer ses lettres de créance, et de faire mettre une qualification avant l'autre, comme seul moyen de lever tous les doutes pour tout le monde.

Voilà pourquoi, puisque tout le monde est d'accord, et que M. le ministre a l'intention d'envoyer à Mexico un agent revêtu du même titre que ses collègues aux Etats-Unis et au Brésil, il me semble désirable que cet agent soit compris parmi les agents politiques, sans nuire au caractère commercial qui lui sera donné, comme aux agents que nous aurons à Rio et à Washington.

M. de Luesemans, rapporteur. - Puisque les membres de la chambre paraissent d'accord entre eux, et que M. le ministre paraît d'accord avec la chambre, il ne s'agirait que de transférer 18 mille francs du chapitre III au chapitre précédent. La section centrale n'a pas eu à s'en occuper; elle devait attendre avant tout l'initiative du gouvernement,

M. H. de Brouckere. - Si le gouvernement demande le transfert, je ne m'y oppose en aucune manière. Mais on a tort de croire que ce transfert soit complètement indifférent. Remarquez bien que si vous portez au chapitre II du budget une légation politique pour le Mexique, dont vous fixeriez les appointements à 18,000 fr., ces 18,000 fr. auront une destination fixe, et il ne dépendra plus du gouvernement d'opérer aucun nouveau transfert relativement à cette somme; or il peut arriver que, dans le courant de 1849, le gouvernement belge renonce à avoir un agent politique à Mexico. Tandis que si elle figure dans le chapitre III, sous la rubrique des Agents consulaires, dans le cas où le gouvernement ne conserverait pas d'agent à Mexico, il disposerait de ces 18 mille francs pour envoyer un consul général sur un autre point où la présence d'un pareil agent pourrait être utile.

Du reste, je le répète, pour peu que le gouvernement insiste sur cette demande de transfert, je ne m'y oppose en aucune manière.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Puisqu'on paraît d'accord pour faire ce transfert, je n'y vois aucun inconvénient. Il a toujours été dans l'intention du gouvernement de donner le même caractère aux trois agents que nous envoyons en Amérique. Je ne fais donc pas la moindre difficulté à admettre la proposition qui a été faite ; seulement je fais observer de nouveau, qu'il est assez indifférent que le traitement figure au chapitre II ou au chapitre III. Il est vrai que le gouvernement est plus lié lorsque le crédit est porté au chapitre II, car il ne peut alors supprimer une légation.

Mais en définitive le gouvernement faisant connaître à la chambre la destination du chapitre III, vous sentez que ce ne serait pas sans de graves raisons qu'il se départirait de la règle qu'il aurait adoptée et indiquée à la législature.

Je propose donc de porter au chapitre II le crédit de 18 mille francs pour la légation au Mexique.

- L'article nouveau avec le chiffre de 18 mille francs pour le Brésil est adopté.

La chambre adopte également un nouvel article pour le Mexique avec le chiffre de 18 mille francs.

Chapitre III. Consulats

Article 19

« Art. 19. Traitement des agents consulaires et indemnité à quelques agents non rétribués. (Par suite des transferts, le chiffre est réduit à 49 mille francs.) »

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, le développement de nos relations commerciales doit être le but principal de notre diplomatie; sous ce rapport, le concours d'un certain nombre de consuls rétribués est d'une utilité incontestable. Dans le système que nous avons adopté, leur mission spéciale est d'explorer les pays lointains, d'y rechercher de nouveaux débouchés pour notre industrie, et de réunir les éléments des traités qu'il serait utile de conclure.

Nous ne pouvons pas. comme la France et l'Angleterre, entretenir des agents commerciaux sur tous les points du globe; mais nous pouvons en quelque sorte suppléer au nombre par de bons choix et en admettant une certaine mobilité de résidence, déterminée par les besoins du commerce et de l'industrie.

Je pense avec M. le ministre des affaires étrangères que la totalité du crédit global, tel qu'il est réduit aujourd'hui, pourra être très utilement employée. Je crains même que ce chiffre ne soit insuffisant si, comme nous devons l'espérer, le gouvernement donne suite au projet qu'il nous a annoncé, relativement à l'établissement de comptoirs nationaux à l'étranger.

La question réside donc uniquement dans l'application plus ou moins avantageuse que l'on pourra faire du chiffre que la chambre votera.

D'après l'emploi qui a été fait du crédit en 1847, je pense que des modifications utiles pourraient avoir lieu. Je ne sais quelles sont les (page 190) considérations qui ont déterminé M. le ministre des affaires étrangères à maintenir un consul rétribué à Rotterdam, à Flessingue, à Leipzig. Mais j'ai lieu de croire qu'il y a dans ces villes des négociants très honorables qui ne refuseraient pas l'honneur de représenter la Belgique et qui se contenteraient des indemnisés qui leur sont accordées par les tarifs consulaires. L'inutilité d'un consul permanent et rétribué à Tunis a déjà été signalée dans une session antérieure par l'honorable Osy, si je ne me trompe.

Je crois devoir renouveler l'observation parce que, d'après les renseignements qui me sont parvenus, nous avons très peu de chances d'augmenter nos relations commerciales dans cette régence. Sans pousser plus loin mes investigations sur l'emploi du crédit, je viens d'indiquer une somme de six à huit mille fr. à laquelle il serait possible de donner une destination plus avantageuse.

En terminant, je suis heureux de rendre hommage au travail d'un consul général qui a été chargé d'explorer la côte occidentale de l'Amérique du Sud. Les renseignements que cet agent a fournis seront très utiles au commerce; il est parvenu à conclure des traités qui seront sans doute bientôt soumis à la sanction des chambres. Les résultats que ce consul a obtenu m'engagent à insister pour que nos agents commerciaux se mettent en rapport direct avec nos principaux industriels; ils devraient de temps à autre visiter leurs établissements, connaître parfaitement leurs produits et leurs prix courants, se munir d'échantillons, afin d'être à même sur les marchés étrangers de comparer nos produits avec ceux de nos rivaux. En agissant ainsi, les consuls deviendront les guides fidèles et éclairés du commerce d'exportation.

M. Osy. - Dans la discussion générale j'ai demandé au gouvernement si, en admettant l'envoi d'un agent diplomatique à Washington, il se proposait de maintenir le consulat général à New-York. Pour moi j'attache beaucoup plus d'importance aux relations commerciales qu'aux relations politiques, aussi n'ai-je pas partagé l'opinion qui a dominé dans la discussion qui vient d'avoir lieu. La personne qui nous représente comme consul général à New-York est d'une grande utilité pour nos relations commerciales. Si on le nommait chargé d'affaires à Washington , il ne jouirait plus rendre au commerce les services qu'il lui rend aujourd'hui.

Je demande quelle est l'intention du gouvernement ; si on veut maintenir le consulat de New-York, le chiffre de 49 mille francs ne sera pas suffisant; car les économies que vient d'indiquer l'honorable M. T'Kint ne s'élèvent qu'à 5 ou 6 mille francs. Le consulat rétribué de Rotterdam, qui nous coûte 2 mille francs, pourrait être supprimé; nous trouverons là des négociants qui se chargeront gratuitement de nos intérêts. Pourquoi avoir à Alger un consul qui nous coûte 10 mille francs? Nous pourrions également trouver là des négociants disposés à accepter les fonctions de consul. Si, malgré ces économies, l'allocation ne suffisait pas pour maintenir le consul à New-York en dehors de l'agent politique que vous venez de décréter, il faudrait l'augmenter; il n'est pas possible que l'agent politique à Washington puisse suffire aux affaires commerciale à New-York; elles sont trop multipliées, trop considérables pour que, dans chaque circonstance, on doive courir à Washington.

M. Gilson. - Je ne saurais qu'appuyer les observations que vient de présenter M. Osy. Tout l'avenir manufacturier de la Belgique, je ne cesserai de le répéter à la chambre, dépend des relations que nous nouerons avec les pays étrangers. La chambre ne doit pas ignorer que nous avions deux agents aux Etats-Unis, l'un à Washington, l'autre à New-York ; d'après les propositions qui sont faites, nous n'aurions plus qu'un seul agent à Washington.

Cet agent, en dehors du service qu'il doit à la politique, ne pourra pas suffire aux relations nombreuses que le commerce entretient avec New-York; et si ce crédit, que vous allez voter pour le consulat, ne vous laissait assez de latitude pour subsidier un agent exclusivement commercial, j'engagerais la chambre à en voter un plus important.

Je ne veux plus ajouter qu'un mot sur l'utilité d'un agent consulaire à Hambourg. En votant dernièrement un crédit pour la triple légation du Danemark, de la Suède et des villes hanséatiques, vous avez laisse au gouvernement le choix de la résidence de notre agent entre Hambourg, Stockholm et Copenhague.

Si l’intention du gouvernement pouvait être de ne pas fixer la résidence de cet agent à Hambourg, je supplierais M. le ministre des affaires étrangères de bien vouloir au moins se réserver la possibilité d'accréditer un agent commercial à Hambourg. Il ne faut pas se le dissimuler. Hambourg est, pour notre avenir manufacturier, une des villes les plus importantes. C'est à Hambourg que nous allons chercher nos exportations pour les marchés transatlantiques. Nous devons absolument avoir, dans cette ville, un agent qui nous encourage, qui nous éclaire.

Je désirerais que M. le ministre des affaires étrangères pût nous indiquer aujourd'hui sa pensée sur la résidence future de notre agent dans le Nord. Si M. le ministre pensait que le choix ne doit pas tomber sur Hambourg, je ferais la proposition d'augmenter de 5,000 fr. le crédit affecté aux consulats généraux.

A mon sens, un agent exclusivement commercial accrédité dans une des villes hanséatiques est une des nécessités de l'époque.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, la proposition du gouvernement, en ce qui concerne les Etats-Unis, constitue une économie d'environ 25,000 tr. Cette économie est donc assez inquiétante. Mais il est évident que le gouvernement ne viendra pas soutenir qu'un seul agent vaut mieux que deux agents, qu'il ne serait pas préférable d'avoir un consul général et un chargé d'affaires que d'avoir un seul agent. Le gouvernement pense cependant qu'un seul agent, ayant beaucoup de capacité, comme celui qu'il s'agit de nommer définitivement aux Etats-Unis, peut suffire, et que cette considération, dan; les circonstances où nous nous trouvons, d'une économie de 25,000 fr., n'est pas à dédaigner par la chambre ni par le gouvernement.

Dans les intentions du gouvernement, notre agent aux Etats-Unis résiderait principalement à New-York et se rendrait à Washington chaque fois que les besoins du service le demanderaient. Ainsi, nous l'avons toujours dit, ce serait plutôt le caractère commercial qui dominerait dans sa position. Mais en même temps il serait revêtu d'un caractère politique.

Toutes les puissances, messieurs, n'ont pas des agents politiques aux Etats-Unis; il en est plusieurs qui n'ont que des agents consulaires. Il en est très peu qui aient à la fois des agents politiques et des agents consulaires, sauf cependant les grandes puissances.

Quand je parle d'agents consulaires, je veux parler de consuls rétribués. Car, indépendamment du consul général, nous avons des consuls non-rétribués en assez grand nombre aux Etats-Unis. Ainsi, nous avons à New-York un consul qui est un homme capable et zélé.

Le Danemark n'a aux Etats-Unis qu'un consul général, chargé d'affaires.

La Saxe, le Hanovre, la Bavière, qu'un consul ; le Wurtemberg, qu'un consul. Il en est de même à Rio.

La Suède et le Danemark y accréditent seulement des consuls généraux, chargés d'affaires; les Pays-Bas, la Bavière, la Prusse, le Hanovre, des consuls généraux.

Ainsi, messieurs, je ne pense pas qu'il y ait lieu, quant à présent du moins, à augmenter le chiffre qui est proposé aux consulats ; d'autant plus que. comme nous n'avons plus maintenant d'agent consulaire rétribué aux Indes, il reste de ce chef une somme disponible de 14,000 fr.

Dans les vues du gouvernement on pourrait aussi substituer au consul qui est à Guatemala et qui a un traitement de 12,000 fr., un consul qui n'aurait que 3 ou 4,000 fr. Il y aurait ainsi une nouvelle somme disponible de 8,000 fr. ; ce qui ferait avec la précédente 22,000 fr.

Cette somme sera suffisante pour établir des consulats généraux rétribués sur les divers points où le gouvernement jugera utile d'en établir. Je citerai, par exemple, Singapore ; nous croyons que ce point est l’essentiel pour nos débouchés commerciaux.

Le gouvernement examinera donc de nouveau s'il ne faut pas même instituer un consul général à New-York comme auparavant.

Quant à la position de Hambourg, l'honorable M. Gilson m'a demandé quelle est la résidence que nous donnerions à notre agent dans le Nord. Je pense, messieurs, que cette résidence doit être à Copenhague, parce que c'est le centre des trois pays près desquels cet agent sera accrédité. Nous avons d'ailleurs à Hambourg un consul qui n'est pas rétribué, mais qui n'en est pas pour cela moins actif et moins zélé. Il arrive quelquefois qu'un consul, sans être rétribué, montre du zèle et du dévouement aux intérêts du pays. Il est vrai que cela n'est pas très commun; qu'en général la rétribution est un grand mobile de zèle; mais Hambourg fait une heureuse exception.

Je ne veux pas prétendre par là que les consulats rétribués ne sont pas indispensables ; mais quand on a le bonheur de rencontrer un homme qui, sans rétribution, vous donne le même zèle, le même dévouement, il n'y a plus de nécessité à faire une nomination qui entraînerait une certaine dépense.

Du reste, je le répète, le gouvernement tiendra compte des observations qui ont été faites. Ici le gouvernement a beaucoup plus de facilités dans la répartition qu'en ce qui concerne les agents politiques. En effet, vous votez un chiffre global, et la répartition en est abandonnée aux soins du ministre. Dès lors, il est certain que toutes les observations qui ont été faites par les honorables membres, seront mises dans la balance lorsqu'il s'agira de décider définitivement les localités où les consuls devront être envoyés.

L'honorable M. T'Kint de Naeyer vous a entretenus des sommes qui sont perçues par certains de nos agents consulaires, ceux du Rotterdam, de Leipzig et de Flessingue. Je ferai d’abord observer à la chambre que les sommes sont extrêmement minimes. A Rotterdam, notre agent consulaire reçoit 2.000 fr. ; à Flessingue il en reçoit 2,000, et à Leipzig 800. Cela provient de ce que certains consuls sont tenus à des dépenses ou de ce que, par suite de leurs nombreuses occupations, de leur correspondance, il est nécessaire de leur accorder une indemnité. Nous en avons un certain nombre de celle catégorie. Il y en a un aussi à Lezwick qui reçoit une indemnité à cause de la surveillance qu'il doit exercer sur la pêche, il y en a un à Smyrne qui perçoit 2,00 fr., parce qu'il est oblige d'entretenir un personnel extraordinaire, qui est nécessaire dans ces contrées. Le consul de Rotterdam perçoit une indemnité à cause de l'activité de la navigation entre cette ville et Anvers, mais il ne perçoit pas de taxe consulaire sur les navires belges naviguant sur les eaux extérieures.

Voilà les motifs qui font accorder une faible indemnité à ces agents consulaires. Il serait fâcheux qu'on la supprimât. Ce serait une faible économie qui ne compenserait pas les inconvénients de la proposition de l'honorable M. T'Kint de Naeyer.

M. Delfosse. - Je suis heureux d'être d'accord avec M. le ministre des affaires étrangères. M. le ministre nous a proposé sur la légation (page 191) des États-Unis une économie que d'honorables collègues voudraient faire disparaître; ils voudraient pousser le gouvernement plus avant qu'il ne veut aller dans la voie des dépenses, alors que nous devons au contraire le pousser plus avant dans la voie des économies.

Ce n'est pas quand le gouvernement propose des économies que nous irons les repousser. Le gouvernement, qui possède les éléments d'appréciation, nous assure qu'un consul général chargé d'affaires ou qu'un chargé d'affaires consul général peut convenablement veiller aux intérêts belges soit à Washington soit à New-York.

Pourquoi dès lors ajouterions-nous un chiffre nouveau à celui que le gouvernement nous demande et qu'il juge suffisant? J'appuie de toutes mes forces la proposition du gouvernement.

M. Osy. - Messieurs, d'après ce que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères, je crois que l'allocation suffira; je ne ferai donc pas de proposition pour augmenter le chiffre.

Comme nous sommes d'accord que nos législations doivent être principalement commerciales, c'est à Hambourg que doit résider l'agent qui sera désigné pour Hambourg, Copenhague et Stockholm, parce que c'est à Hambourg que nous avons le plus de relations avec les trois ports dont nous avons parlé. Nous avons intérêt à ce que les villes hanséatiques n'entrent pas dans le Zollverein ; c'est donc ce point qu'il faut surtout surveiller commercialement; mais à Copenhague nous n'avons rien à espérer.

M. Lebeau. - Messieurs, je me garderai bien d'insister sur un chiffre supérieur à celui qui est demandé par le gouvernement. Dans la disposition des esprits, c'est une tâche déjà assez difficile d'aider à faire accepter les chiffres qu'il demande. Je suis donc sur ce point tout à fait de l'avis de l'honorable M. Delfosse. Certainement, s'il y avait de nouvelles dépenses à faire pour les consulats, je n'en connus pas dont l'établissement fût plus utile que le consulat de New-York. Evidemment, il y a plusieurs manières de servir nos intérêts commerciaux; on peut les servir très utilement et à New-York et à Washington. Ainsi, lorsqu'il peut s'agir de modifier le tarif de l'Union, c'est à Washington que l'influence de notre agent politique doit principalement s'exercer; il doit tâcher de mettre les producteurs belges à l'abri de ces modifications, si elles devaient leur être hostiles. Sous ce rapport, les relations de notre agent politique à Washington peuvent être de la plus haute utilité, parce que là siègent le congrès et le gouvernement central.

Il serait aussi très utile qu'il y eût un consul rétribué à New-York, car si New-York n'est le siège ni du gouvernement, ni de la législature, c'est certainement le centre principal du commerce des Etats-Unis: et dans les relations quotidiennes de notre commerce avec l'administration de la douane, par exemple, il peut survenir à chaque instant des collisions, pour la solution amiable desquelles l'intervention immédiate d'un consul est de la plus haute utilité. Il faut à notre commerce à New-York une protection incessante, et je ne regarde pas comme telle la protection que peut donner un consul non rétribué qui, le plus souvent, n'est pas Belge.

Si nous pouvions demander au gouvernement d'augmenter son budget, il y aurait encore une utile dépense à faire sur le chapitre des consulats. Ainsi, toute la côte occidentale de l'Amérique du Sud va se trouver sans aucun consul général belge ou simple consul rétribué.

On a fait, dit-on, des traités de commerce avec ces pays; mais il ne résulte pas de là que la présence d'agents commerciaux n'y soit pas nécessaire; c'est précisément parce que des traités de commerce ont été conclus, que des agents commerciaux peuvent y être très utiles pour le développement de nés relations dans cette partie si vaste et si importante de l'Amérique Méridionale.

Ainsi, il nous serait utile d'avoir des agents commerciaux et au Pérou, et au Chili, à Valparaiso, à Lima. Notre mouvement commercial avec ces pays n'est pas très considérable; mais s'il offre une progression légère, cette progression est constante: ce mouvement commercial est tellement varié dans les objets d'exportation, que nous y avons pour ainsi dire un bazar de marchandises ; nous exportons au Chili des armes, des clous, de la coutellerie, des eaux-de-vie, des livres, des marbres, des meubles, des produits chimiques, des papiers, des tableaux, des tapis, des tissus de coton et de laine, des tulles, des verreries, et, chose singulière, des tabacs manipulés (cigares) et des sucres raffinés, ce dernier produit en assez grande quantité.

Or, nous n'avons plus sur cette immense côte occidentale de l'Amérique du Sud ni un agent politique ni un seul consul rétribué.

Nos consuls étrangers non rétribués ne sont certainement pas sans utilité ; il en est de très dévoués et de très capables. Quelques-uns seulement sont Belges. Mais cette espèce d'agents offrent aussi de grands inconvénients; par cela seul qu'ils sont pour la plupart étrangers, et qu'aucun d'eux n'est rétribué, vous n'avez pas le droit d'exiger deux le même zèle que de consuls belges rétribués; ils n'offrent pas aux nationaux la même responsabilité que ceux-ci ; ils sont très souvent dans une fausse position, placés entre leur intérêt et leur devoir; il peut s'en trouver qui, pour leurs intérêts particuliers, aient une grande tendance à profiter des renseignements que leur position les met à même de recueillir du gouvernement belge. Tous les ministres des affaires étrangères savent que ce n'est pas la une simple hypothèse, et que le commerce belge a eu quelquefois à se plaindre gravement de l'incurie, pour ne rien dire de plus, de quelques consuls non rétribués. Aussi la plupart des Etats, notamment l'Angleterre et la France, y ont renoncés et mieux aimé être servis par des consuls rétribués.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, il est évident que plus la Belgique aura de consuls rétribués, dévoués et intelligents, plus le commerce belge pourra en profiter. Mais il s'agit aussi d'une question de dépenses. Or, si nous voulions avoir des consulats rétribués et au Chili, et au Pérou, et à Hambourg, et aux Etats-Unis, il est évident que nous devrions augmenter considérablement le chiffre qui est porté au budget.

Nous avons eu au Chili un consul général chargé d'affaires pendant plusieurs années. Il avait un traitement de 25,000 francs. Ce consul a rendu de véritables services, je me plais à le reconnaître; il a même publié un travail très remarquable sur la situation commerciale de cette partie de l'Amérique. Qu'est-il arrivé? A différentes reprises, la section centrale a demandé la suppression de ce consulat général, et le ministre des affaires étrangères, qui m'a précédé, en présence du vœu manifesté par la section centrale et par la chambre, a supprimé cette position. Voilà ce qui est arrivé, Il y a deux années, et c'est ainsi que le consulat général que nous avions dans ces parages a été supprimé. Nos relations avec ces contrées ont pris un grand développement depuis peu d'années.

Si nous pouvions augmenter le chiffre du budget, le Chili serait un des pays où il y aurait le plus d'avantage à rétablir un agent rétribué; mais dans les circonstances financières où nous nous trouvons, je crois qu'il faut attendre des temps meilleurs avant de proposer une augmentation au budget. Tel est, messieurs, le système que nous avons adopté dans les propositions que nous avons soumises à la chambre.

Je ne dis point que dans l'avenir, si la situation financière du pays est meilleure, ce que le gouvernement cherche à obtenir, il ne viendra pas proposer d'augmentation. Si nous n'envisagions qu'un côté de la question, nous dirions que ce serait un bien d'augmenter le chapitre des consulats rétribués; peut-être donc viendrons-nous le proposer dans l'avenir.

Du reste, dans le pays qu'a cité l'honorable M. Lebeau, on a organisé des consulats non rétribués. Je suis d'accord avec lui qu'on n'en obtient pas toujours les services qu'on pourrait en attendre; mais, c'est déjà un bien que là où nous n'avions personne pour défendre nos intérêts, nous ayons maintenant des hommes qui ont la mission de le faire. Cette organisation a été l'un des objets de la mission du consul général, envoyé dans ces parages; indépendamment des renseignements utiles qu'il a transmis au commerce, sa mission a donc été fort utile.

Tout à l'heure j'ai omis de répondre à une observation de l'honorable M. Osy sur le consulat rétribué que nous avons à Alger. Je le considère comme très utile. Le mouvement commercial de l'Algérie est de 120 millions ; les tarifs ne sont pas exclusifs de nos produits ; la plupart des nations prennent une certaine part à ce mouvement commercial; la Belgique n'en a jusqu'à présent pris aucune; c'était donc un devoir pour le gouvernement de rechercher les moyens de diriger notre commerce vers cette contrée. Déjà le consul belge a transmis des renseignements fort utiles. Je pense que des relations pourront être établies avec cette partie de l'Afrique. Je pense que ce consulat est une institution très utile.

M. Gilson. - Répondant à l'honorable M. Delfosse, j'aurai occasion de faire connaître un jour, dans une discussion générale, ma manière de voir quant aux économies. Si je pouvais jamais être parcimonieux , ce ne sera point lorsqu'il sera question du développement à donner à notre commerce d'exportation. Je m'applaudis d'avoir provoqué l'explication que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères. Si j'ai peu d'espoir de déterminer la chambre à voter le chiffre plus élevé que je réclame, j'aurai rempli au moins mon devoir de conscience en protestant contre cette économie, que je qualifierai de mesquine, eu égard aux immenses avantages que le pays peut en retirer.

Le gouvernement peut avoir, au point de vue politique, d'excellentes raisons pour fixer la résidence de son agent à Copenhague; mais nous, manufacturiers, nous en réclamons un autre à Hambourg.

Nous sommes peu enclins à nous contenter d'agents non rétribués, nous ne les considérons point comme les véritables représentants de nos intérêts exclusivement belges. Quelque recommandables que soient les maisons qui nous représentent à l'étranger, elles ne peuvent se prêter à donner l'espèce de soins exclusifs que nous voulons exiger. Alger, dont M. le ministre des affaires étrangères vient d'entretenir la chambre, ne me paraît pas devoir obtenir la préférence. La France, avec ses tarifs restrictifs, ne nous permettra jamais de créer des relations étendues bien importantes. Donnons la préférence à New-York, à Hambourg. Ces deux points sont d'une bien autre importance; ils nous faciliteront nos relations avec des consommateurs en voie de progrès de toute espèce.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ai déjà fait observer qu'il nous restera disponibles environ 22 mille francs. Le gouvernement aura à examiner quels sont les points commerciaux sur lesquels il faut établir des consuls rétribués. L'honorable M. Gilson en a indiqué plusieurs, nous verrons si ce sont ceux-là qui devront avoir la préférence. Il ne résulte pas des votes émis que nous serons dans l'impossibilité de maintenir un agent à Hambourg et à New-York. La chambre vote un chiffre global ; c'est au gouvernement à voir la destination qu'il doit lui donner. Les observations de l'honorable M. Gilson seront prises en sérieuse considération. Nous avons plusieurs points où l'on peut utilement créer des consulats rétribués; il s'agit de désigner quels sont ceux où le commerce a le plus d'intérêt d'en avoir.

- Le chiffre des consulats, 49,000 francs, est mis aux voix et adopté.

M. H. de Brouckere. - Je ferai observer qu'il y a dans le tableau de répartition une erreur de mille francs ;de sorte qu'il y a mille francs de disponibles de plus que ne pense M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je ne sais quelle est la conséquence que veut tirer de ce fait l'honorable M. de Brouckere.

M. H. de Brouckere. - Aucune. Je me borne à faire observer que vous aurez 1,000 fr. de plus à votre disposition.

Chapitre IV. Frais de voyage

Article 20

« Art. 20. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr. 70,500. »

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, je veux des économies, mais je ne veux pas des économies qui conduiraient à la désorganisation des services publics. Ainsi je n'ai pas été favorable à certaines réductions proposées par la section centrale sur les traitements de nos agents diplomatiques, parce que je trouve qu'une nation intelligente et généreuse comme la Belgique doit savoir payer les services qu'on lui rend, et que c'est une pensée libérale, démocratique, de rétribuer assez les fonctions élevées de l'Etat pour qu'elles puissent être occupées par les hommes éclairés, capables, auxquels leurs moyens de fortune, ne permettraient pas le dévouement, si les traitements alloués étaient insuffisants.

Mais nous sommes arrivés à un chapitre où je crois qu'il est possible de. réaliser des économies, sans nuire aux services publics. Je veux parler des frais de voyage. M. le ministre a déclaré qu'd ne pouvait admettre de réduction sur le chiffre qu'il demande, et comme preuve à l'appui, il a fait imprimer en tête du budget une note qui prouve que tous les ans, ce chiffre a été dépensé, et même dépassé, et que plusieurs fois il a fallu recourir à des crédits supplémentaires.

Il me semble cependant que, comme il y aura moins d'agents politiques, il y aura moins de voyages, et que l'on aurait pu réduire le chiffre proposé, qui est moins élevé que celui de l'année dernière.

Les frais de voyage se payent sur état, et varient selon les exigences des agents. Ainsi M. le baron Osy nous a rappelé ce fait d'un agent qui a demandé 6,000 francs pour un voyage de Hanovre à Oldenbourg, une cinquantaine de lieues, si je ne me trompe.

M. le ministre des affaires étrangères ne pense-t-il pas qu'il serait plus rationnel et plus économique d'avoir un tarif arrêté pour les frais de voyage? C'est ainsi que la chose est réglée en France, où les agents diplomatiques sont payés à raison de tant par poste, et proportionnellement à leur rang dans la hiérarchie diplomatique.

J'ai encore une question à adresser à M. le ministre. On m'a assuré que sur le chapitre des frais de voyage on avait l'habitude sous les administrations qui ont précédées celle de M. le ministre actuel, de donner des gratifications à certains employés du département des affaires étrangères. Ces employés recevraient des sommes de 150 fr., de 200 et de 300 fr. contre lesquels ils remettraient des reçus motivés pour frais de voyage. Ainsi il y avait tels employés qui figureraient à la cour des comptes comme ayant fait plusieurs voyages à Berlin ou à Paris, et qui n'auraient jamais quitté Bruxelles. Si ces faits ont existé, comme j'ai quelque raison de le croire, et que M. le ministre en ait eu connaissance, je suis persuadé qu'il y aura mis bon ordre; et s'ils ont pu se renouveler, je ne doute pas que, ce ne soit à son insu. Néanmoins j'ai cru qu'il était utile d'appeler son attention sur ce point, et je le prie de vouloir bien nous dire s'il croit qu'il est possible, que de tels abus aient lieu, et s'il y a moyen de les prévenir.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, la chambre comprendra que je ne peux pas avoir à rendre compte des abus qui, dit-on, peuvent avoir existé avant mon administration. Je dois déclarer que je n'ai aucune connaissance du fait que vient de signaler l'honorable M. de Baillet, et que sous mon administration jamais un abus pareil n'a été commis. Et je ne pense pas que le fait dont on vient de parler ait pu avoir lieu à aucune époque.

L'honorable M. de Baillet vous a parlé des frais de route. Il a exprimé le désir qu'il y eût un règlement sur les frais de route ; messieurs; ce règlement existe; c'est un arrêté du 21 novembre 1846 qui l’a établi.

Lorsqu'un agent diplomatique voyage, il perçoit une somme qui est déterminée par l'article 17 de ce règlement c'est une espèce de forfait calculé d'après les distances. Ce règlement a apporté des économies dans les dépenses qui se faisaient auparavant.

Ces économies peuvent-elles encore être augmentées ? Je ne le pense pas. Je crois que les chiffres qui sont fixés dans ce règlement n’ont rien d’exagérer. Il ne faut pas, messieurs, que nous réduisions notre diplomatie au point de ne plus pouvoir voyager qu’en y mettant de son propre revenu.

Déjà nous réduisons les traitements d'une manière extrêmement notable. Si nous allions encore adopter un chiffre inférieur à la dépense réelle pour les frais de voyage, nous mettrions nos diplomates dans l'impossibilité de se mouvoir. Je crois donc que le règlement qui a fixé ces frais de voyage peut être maintenu.

M. de T'Serclaes. - Messieurs, j'ai eu l'honneur d'être pendant plus de dix années consécutives secrétaire général du département des affaires étrangères. La plupart des actes, je dirai tous les actes de ce ministère n'ont successivement, pendant cette longue période, passé entre les mains, et je dois déclarer en face de la chambre et du pays, que jamais il n'est venu à ma connaissance un fait qui eût quelque analogie même éloignée avec celui que vient du signaler l'honorable comte de Baillet.

Il arrive effectivement fort souvent, et les renseignements qu'il a pu recueillir à cet égard sont exacts, que le ministre des affaires étrangères charge l'un ou l'autre employé inférieur de son administration de se rendre comme courrier dans quelque capitale de l'Europe.

Mais lorsque les frais de voyages semblables ont été liquidés par la cour des comptes, ils l'ont toujours été pour des voyages réels effectués, soit à l'intérieur, soit à l'étranger, pour le service de l'Etat, jamais, pour des absences prétendues, déguisant des gratifications sous une forme que la morale réprouve; ce doit être une erreur manifeste qui a donné lieu à l'observation qui vient d'être faite.

Quant à moi personnellement, messieurs, je parle ici en dehors de ma qualité parlementaire, ma main se serait séchée plutôt que d'apposer mon visa sur une déclaration qui aurait été basée sur un fait que j'aurais reconnu matériellement faux.

Le ministre des affaires étrangères ne dispose que d'un seul courrier de cabinet : y a-t-il quelque chose d'étonnant, lorsque des événements graves exigent l'emploi de plusieurs courriers, lorsque l'on a lieu de craindre les indiscrétions des offices de postes, que l'on ait recours à l'un ou l'autre employé des affaires étrangères dont on est sûr? Est-il défendu de désigner pour ce service, lorsque les circonstances l’exigent, un fonctionnaire laborieux, à qui l’on veut accorder quelques jours de vacance? Les frais de voyage sont alors liquidés, comme je viens de le dire, et dans toute la sévérité des règles du la comptabilité.

Messieurs, je me devais cette explication à moi-même, je la devais à la dignité du département des affaires étrangères, à la conscience publique.

M. Osy. - Messieurs, l'arrêté du 21 novembre 1846 a effectivement fixé les frais de voyage. Mais je crois que ce tarif est beaucoup trop élevé, surtout aujourd'hui que presque partout on voyage par le chemin de fer et avec beaucoup de rapidité. Ainsi, on vient de Vienne en Belgique, par le chemin de fer, en trois jours. Eh bien, pour ce parcours je vois qu'on donne encore des frais de voyage de 3 à 5,000 fr. aux chefs de mission de 2ème et de 3ème classe, et des frais de 5 à 6,000 fr. aux chefs de mission de première classe. Je demande si un tarif semblable est encore applicable à la situation actuelle de l'Europe. Pour venir de Francfort à Bruxelles, on se rend en très peu de temps à Cologne par le bateau à vapeur, et de là à Bruxelles par le chemin de fer. Eh bien, un chef de mission reçoit pour ce voyage de 1,500 à 3,000 fr. ; et comme le gouvernement a toute latitude, il donne ordinairement le maximum.

Il est vrai que dans ces indemnités sont compris les frais de transport de la famille, des bagages, du mobilier. Mais il est très rare qu'un diplomate transporte son mobilier à l'étranger. Il en achète un dans la localité où il se rend, sauf à le revendre lorsqu'il quitte cette résidence.

Je demande donc que le gouvernement révise le tarif du 21 novembre 1846 ; je suis persuadé qu'on trouvera encore là à faire une économie.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Lorsque l’honorable M; Osy a commencé à citer les chiffres qu'il vient d'indiquer, la chambre était en droit de trouver qu’ils étaient fort élevés. En effet, il ne parlait que d'un voyage d'ici à Vienne, et l'on ne pouvait savoir dans quel cas ce voyage était payé d'après les sommes qu'il a citées. Mais remarquez, messieurs, qu'il s’agit du premier voyage que fait le diplomate lorsqu'il est envoyé dans une résidence, lorsqu'il doit s'y rendre avec sa famille, ses bagages et toujours un certain mobilier.

Il y a dans le tarif un maximum et un minimum, parce qu'on fait une différence entre le diplomate célibataire et celui qui a famille. Il peut encore y avoir quelque autre circonstance d'appréciation, mais le fait est qu'en règle générale, c'est presque toujours le minimum qui est accordé aux diplomates qui n'ont pas de famille, tandis que le maximum est aussi, en règle générale, accordé à ceux qui font le voyage avec leur famille.

Ces voyages, messieurs, sont assez dispendieux. Je ne pourrais calculer d'une manière rigoureuse s'il y a quelque bénéfice pour l'agent qui se transporte dans une résidence lointaine; s'ils doivent voyager d'une manière économique, mesquine peut-être pour en tirer quelques profits, Mais le fait est que d'après tous les renseignements que j'ai eu l’occasion d'obtenir, le tarif n'a rien d'exagéré.

M. Le Hon. - Je ne viens pas critiquer le chiffre de l’article en discussion. Je reconnais, avec le gouvernement, qu’il est des voyages utiles, indispensables aux affaires du pays. Mais ces voyages, je ne les approuve que lorsqu’ils ont un but d’utilité politique ou commerciale ; et sous ce rapport, je crains bien que l’organisation nouvelle de la diplomatie belge n’amène un accroissement considérable de cet article de dépenses dans l’avenir.

Mon but, en prenant la parole, est de provoquer une explication de la part de M. le ministre des affaires étrangères sur quelques points relatifs à l’application de ce crédit.

Si je suis bien informé, deux de nos représentants en Allemagne, ceux de Berlin et de Francfort, sont accrédités auprès d’un assez grand nombre de petites cours. Nous avons une preuve de ces relations, dont (page 193) moi-même j’ignorais l'existence, dans la publicité donnée l'année dernière à une convention d'extradition ou d'abolition des droits d'aubaine conclue par notre ministre à Berlin, avec un infiniment petit duché d'Allemagne.

Un des inconvénients des missions inutiles est d'inspirer au zèle de certains agents le désir de leur imprimer une apparence d'utilité par des négociations qui sont sans valeur et sans portée aucune pour le pays.

Ces missions de courtoisie (je ne puis leur donner un autre nom) obligent à des devoirs d'étiquette et à des voyages dispendieux et stériles. Elles ne se justifient par aucune considération d'intérêt soit politique, soit commercial.

La chambre et le pays demandent que l'on supprime toute représentation superflue ; je désirerais savoir si M. le ministre comprend, dans les voyages prévus au crédit que nous discutons, ceux destinés à entretenir nos rapports avec les petites cours allemandes, si même le gouvernement entend favoriser la continuation de ces rapports.

Messieurs, ne nous le dissimulons pas ; je me suis posé et je resterai toujours le défenseur des missions sérieuses qui ont un caractère de nécessité politique ou d'intérêt commercial; mais ce n'est pas rehausser la considération de la diplomatie belge, que de lui donner çà et là une extension puérile qui n'est venue à la pensée d'aucun gouvernement de l'Europe. Je tiens d'autant plus à ce que M. le ministre des affaires étrangères ait égard à mes observations, qu'elles s'appuient aussi sur des considérations de dignité nationale; je n'ai pas vu sans regret, je l'avoue, que l'on ait assimilé, en les échangeant à degré égal, l'ordre de Léopold à l'ordre d'un petit duché, à propos d'une modeste convention qui, d'après les usages diplomatiques, ne donne jamais lieu au moindre échange de décorations.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - A quelle époque ?

M. Le Hon. - Les faits que je signale sont antérieurs à l’avènement du ministère actuel. Ce dernier, que je sache, n'a pas fait avec un duché d'Anhalt un traité d'abolition du droit d'aubaine ou d'extradition, qui ait amené l'échange du grand cordon de l'Ordre de Léopold avec le grand cordon de l'Ordre d'Albert-l'Ours.

Cet exemple prouve qu'il n'y a rien d'indifférent, rien qui n'emporte ses conséquences dans les abus d'application, quelque insignifiants qu'ils paraissent.

J'ai aussi négocié et conclu des conventions qui avaient un caractère sérieux et une utilité réelle à raison de l'importance et de la situation des Etats, ainsi que de nos relations avec eux. Mais il n'est venu à la pensée d'aucun des négociateurs, instruits, d'ailleurs, de la règle établie en cette matière, de provoquer ou d'accepter un échange de décorations.

Cette idée eût été écartée à bien plus forte raison si elle devait avoir pour résultat d'amoindrir l’ordre de Léopold en assimilant son premier degré à celui de l'ordre que je viens de citer. (Interruption.) Un honorable ministre paraît s'étonner de mon observation : je lui dirai qu'il existe à ce sujet des usages et des gradations qui touchent de près à la dignité des gouvernements.

Voici donc, messieurs, sur quoi porte mon interpellation. Je désiré savoir si, parmi les frais de voyage à imputer sur le crédit en discussion, se trouvent compris ceux des voyages occasionnés par les missions de courtoisie auxquelles je viens de faire allusion.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, nos agents en Allemagne sont, en effet, accrédités près de différentes cours, mais je ne pense pas, comme l'honorable préopinant que cela soit inutile et je crois qu'il me sera facile de faire partager mon opinion à la chambre.

Messieurs, les dispositions que l'Allemagne a à prendre sous le rapport commercial dépendent non seulement des grands Etats, mais de tous les Etats qui font partie du Zollverein.

Ainsi, lorsque l'on poursuit une négociation avec le Zollverein, il ne suffit pas de persuader, par exemple, la Prusse, mais il faut encore obtenir l'assentiment des divers petits Etats de l'Allemagne. C'est ce qui nous est arrivé naguère lorsqu'il s'est agi d'obtenir l'exemption des surtaxes que venait d'établir le Zollverein; nous avons obtenu à peu près immédiatement l'assentiment de la Prusse, mais il a fallu assez longtemps pour obtenir l'assentiment des Etats de l'Allemagne méridionale. Dans une circonstance semblable, il était donc important que notre agent diplomatique eût déjà des rapports établis avec ces Etats parmi lesquels il en est de loin à fait inférieurs, sans doute, mais parmi lesquels il s'«n trouve aussi qui ont beaucoup d'importance, comme la Bavière, le Wurtemberg, la Saxe, Bade, etc.

Messieurs, quant aux voyages de courtoisie, dont l'honorable membre a parlé, je crois qu'ils sont excessivement rares : lorsqu'un agent nouvellement nommé remet ses lettres de créance, il se rend, à cet effet, près du souverain, près du gouvernement auprès duquel il est accrédité; mais ensuite il ne s'y rend plus que lorsque le gouvernement lui donne ordre de le faire, et le gouvernement ne lui donne un ordre semblable, que pour un motif sérieux. S'il fait un voyage d'agrément, évidemment il ne serait pas rétribué de ce chef.

Ainsi les voyages auxquels l'honorable comte Le Hon a fait allusion, ou bien sont utiles, et alors ils sont rétribués sur le crédit en discussion, ou bien ils ne sont pas utiles, et alors le gouvernement n'en rembourserait pas les frais. Voilà, messieurs, la règle qui est établie, et je n'y vois, quant à moi, aucune source d'abus.

M. Le Hon. - Je remercie M. le ministre des affaires étrangères de nous avoir appris que les missions dont j'ai entendu parler ne pouvaient donner lieu à des voyages de nos agents que sur l'ordre du gouvernement. Mais M. le ministre est dans l'erreur lorsqu'il rapporte ma critique à des relations, même momentanées, de notre gouvernement avec les cours de Dresde, dé Munich, de Stuttgart et de Bade. Ce n'est pas à ces Etats que je faisais allusion, c'est à ces cours imperceptibles qui ont à peine une représentation collective à la diète germanique.

Je prierai d'ailleurs M. le ministre de remarquer que l'explication qu'il nous donne, si elle était fondée, permettrait de conclure à l'inutilité d'une légation à Francfort auprès de la diète germanique. Car à quoi bon une action diplomatique centrale, s'il fallait agir séparément sur chacun des membres moins influents de l'association germanique. Reconnaissons plutôt comme vrai, qu'avec des ministres dans les points principaux où résident véritablement l'influence politique et l'ascendant commercial, au midi comme au nord de l'Allemagne, il n'est pas nécessaire qu'on aille à domicile solliciter les plus petits souverains pour obtenir leur adhésion à des concessions déjà consenties par les Etats prépondérants.

Je me crois fondé à dire que M. le ministre des affaires étrangères n'a pas répondu à ma critique de l'inutilité des petites missions de pure courtoisie en s'attachant à m'opposer l'intérêt de cultiver des relations avec les grands Etats ; ce qu'il y a de plus satisfaisant dans ses paroles, c'est que les agents ne peuvent faire des voyages dans les cours dont j'ai parlé, c'est-à-dire de déplacements inutiles sous les rapports sérieux de la politique ou de l'intérêt commercial, que sur l'ordre du gouvernement; j'espère que cet ordre sera donné aussi rarement que possible.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, comme l'honorable préopinant n'avait pas désigné les cours auxquelles il voulait faire allusion, il m'était bien permis de citer celles près lesquelles nos agents sont accrédités. Quant aux petites cours, je ne pense pas que, sous mon administration du moins, des voyageurs y aient été faits, qui aient dû être rétribues sur les fonds du budget des affaires étrangères.

Quant aux gouvernements principaux, ainsi que l'honorable préopinant vient de le reconnaître, je crois qu'il est de la plus haute importance que nos agents y soient accrédités et qu'ils y aient des relations bien établies : ces gouvernements exercent une véritable influence sur les questions commerciales. Mais pour les petites cours tout à fait secondaires, jamais un de nos agents ne s'y est rendu pour solliciter une faveur quelconque.

Du reste, cette question ne peut plus être soulevée actuellement, parce que ces cours secondaires n'auront plus désormais de représentation à l'étranger. Il ne peut plus être question d'accréditer des agents près de ces cours.

- Le chiffre de 70,500 fr. est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Frais à rembourser aux agents du service extérieur

Article 21

« Art. 21. Indemnités pour un capou-oglan, un drogman, sept cavasses, employés dans diverses résidences en Orient, etc., etc. : fr. 5,700. »

M. Osy. - Messieurs, de la manière dont cet article est rédigé, on pourrait en distraire les 3,000 francs qui ont été retranchés hier de la légation de Constantinople ; je propose de dire : « Employés dans les diverses résidences consulaires en Orient. » De cette manière, la somme ne pourra pas être appliquée au chargé d'affaires.

M. Dechamps. - Messieurs, l'honorable M. Osy est complètement dans l'erreur avec l'éclaircissement qui avait été fait dans la séance précédente par l'honorable rapporteur de la section centrale. Lorsque nous avons discuté le chiffre de la légation de Constantinople, le gouvernement avait fait remarquer que dans le chiffre de 18,000 fr. qu'il proposait, ce chiffre n'était pas une affectation exclusive à un traitement, mais qu'il servirait d'une espèce d'abonnement pour rembourser les frais de cavasses, de bacchis, etc., toutes dépenses auxquelles sont astreints nos agents à Constantinople.

Le rapporteur de la section centrale avait dit que, si ces frais existent, le gouvernement doit les rembourser; mais il serait plus régulier de faire porter ce remboursement sur le chapitre en discussion. L'honorable M. Osy, qui poursuit la légation de Constantinople de toute sa vigilance, veut empêcher que le gouvernement ne puisse rembourser ces frais.

On a beaucoup plaisanté sur les cavasses, sur les caïques, sur les bacchis ; mais lorsque notre agent aura dû rembourser ces frais, il trouvera probablement qu'il est fort malheureux que ces dépenses portent des noms qui excitent l'hilarité, car enfin ces frais porteront sur son modeste traitement.

De deux choses l'une, ou il faudrait prouver que notre agent peut se dispenser de cette dépense, et alors réduisez le chiffre ; mais s'il est nécessaire qu'en habitant Péra il doit se servir d'un caïque pour aller au divan, s'il ne peut se dispenser de ces cavasses, il sera obligé de prélever cette dépense sur son traitement, si le gouvernement n'est pas autorisé à le rembourser d'une autre manière.

M. de Mérode. - Messieurs, je suis étonné de l'insistance avec laquelle l’honorable M. Osy poursuit la légation de Constantinople. Je conçois très bien qu'on eût voté le retranchement de cette légation : (page 194) c'était une économie de 30,000 francs ; mais 66 voix contre 13 ont maintenu la mission. Or, ces 66 voix ont prétendu sans doute que cette mission pût être bien remplie. Eh bien, il ne reste au titulaire que 15,000 francs, d'après la réduction de 3,000 francs qui a été votée hier. Dès lors, vous ne pouvez pas exiger que sur ces 15,000 francs, dans une ville où la vie est si coûteuse, on mette à la charge de notre envoyé les dépenses de bacchis, de cavasses et de caïque. Les cavasses sont en quelque sorte des gardes dont on a besoin à Constantinople pour n'être pas coudoyé dans les rues par le premier venu. Le caïque est un bateau qui exige un certain nombre de rameurs et qui est dans les convenances à Constantinople. Il ne dépend pas de notre envoyé de se soustraire à ces dépenses. Dès lors, puisqu'on a maintenu la légation de Constantinople, ne mettez pas notre changé d'affaires dans une position d'infériorité telle qu'il ne puisse subvenir aux dépenses nécessaires, à moins de puiser dans sa bourse, s'il a des revenus particuliers assez considérables.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, parmi les individus désignés à l'article 21, il n'y a que le capou-oglan qui soit destiné à la légation de Constantinople; tous les autres sont destinés à nos consulats. Ainsi je tiens pour ce qui concerne le capou-oglan, à ce que l'on conserve l'intitule tel qu'il est indiqué, sans cela vous feriez une nouvelle réduction sur le chiffre de la légation de Constantinople.

M. Delehaye. - Messieurs, je n'ai qu'une seule observation à faire, en réponse à ce qu'a dit l'honorable M. Dechamps. Quant à moi, je n'ai aucun sentiment, ni de répulsion, ni d'affection pour notre envoyé à Constantinople; tout ce que j'ai dit sur ce point était très désintéressé de ma part. J'eusse désiré que les observations de mes contradicteurs eussent eu le même caractère.

J'ai maintenant à faire une seule remarque sur le débat qui est engagé. Il est certain que par le vote que la chambre a émis dans la séance d'hier, à l'égard de la légation de Constantinople, la chambre a voulu réduire cette mission de 5,000 fr. Je crois, dès lors, que l'observation de l'honorable M. Osy est devenue en quelque sorte inutile. Ce serait évidemment agir contrairement à l'opinion exprimée par la chambre, que de faire indirectement ce que la chambre n'a pas voulu qu'on fît.

M. Osy. - L'honorable M. de Mérode croit que je suis animé de sentiments de personnalité, en ce qui concerne notre mission de Constantinople ; aucun sentiment de ce genre ne me dirige ; je n'ai d'autre mobile que les économies que je désire procurer au pays.

M. de Mérode. - Je n'ai pas attribué à l'honorable M. Osy une espèce de personnalité dans l'insistance qu'il mettait contre la légation de Constantinople. J'ai dit que l'honorable membre insistait singulièrement contre une légation à Constantinople, et que je concevais qu'on eût voulu supprimer le chiffre de la légation; mais qu'une fois le maintien de la légation décidé, les 66 membres qui avaient voté ce maintien devaient faire ce qui était nécessaire pour que la légation fût convenablement remplie; mais je n'ai attribué à l'honorable M. Osy aucun sentiment personnel, sauf contre l'être idéal qui s'appelle légation de Constantinople.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Dans les renseignements que j'ai eu l'honneur de donnera la section centrale sur les frais qui incombent à un agent à Constantinople, je n'ai nullement indiqué ceux qui résultent du messager, autrement dit capou-oglan. Je prie l’honorable M. Osy de jeter les yeux sur la page 19 du rapport de la section centrale; il verra qu'il n'y est pas question de cet employé.

Le capou-oglan, destiné à la légation de Constantinople, a constamment été payé sur l'article 21. Si vous allez attribuer tout le chiffre de cet article aux consulats, vous empêchez que l'on ait un employé de cette espèce à la légation de Constantinople. C'en sans doute ce que la chambre ne veut pas. Ce que l'honorable M. Osy désire, c'est qu'on ne puisse imputer sur l'article dont il s'agit la somme que la chambre a rejetée dans la séance d’hier. Or. telle est mon intention. Si l'honorable M. Osy veut n'attribuer son amendement qu'aux autres employés désignés à l'article, c'est-à-dire au drogman et aux sept cavasses employés dans des résidences autres que Constantinople, je n'y vois aucune difficulté. Mais s'il s'agissait de l'attribuer aussi au capou-oglan, je ne pourrais y consentir. Autant vaudrait retrancher le chiffre destiné à cet employé.

M. Delfosse. - Pour mettre tout le monde d'accord, il suffirait de modifier légèrement la rédaction de l'amendement de l'honorable M. Osy. Il n'y a qu'a placer les mots ‘pour un capou-oglan’ à la fin de l'article.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je me rallie à ce sous-amendement.

M. Osy. - Je m'y rallie également.

- L'article ainsi amendé est adopté.

Article 22

« Art. 22. Frais divers : fr. 74,300. »

- Adopté.

Chapitre VI. Missions extraordinaires, traitements d'inactivité et dépenses imprévues

Articles 23 et 24

« Art. 23. Missions extraordinaires, traitements d'agents politiques et consulaires en inactivité : fr. 40,000 »

- Adopté.


« Art. 24. Dépenses imprévues non libellés au budget : fr. 4,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Discussion générale

M. Schumacher. - Messieurs, après vous avoir dit, dans la discussion générale, ce que je pense de certaines économies (et non pas de toutes les économies, comme veut bien me le faire dire l'honorable rapporteur de la section centrale), et comment il y aurait moyen de balancer les budgets, sans avoir besoin de recourir à ces économies; le chapitre du commerce, en particulier, va me donner l'occasion de développer mes idées sur l'une des mesures que je regarde comme susceptibles d'exercer de l'influence sur la prospérité du pays.

Messieurs, il manque au commerce et à l'industrie belge une haute direction, forte et capable.

L'établissement de cette direction devient de plus en plus urgente, pour mettre fin à ces oscillations qui depuis bien des années se rencontrent dans la marche du gouvernement lorsqu'il s'agit de mesures à prendre dans l'intérêt de l’industrie et du commerce; oscillations qui proviennent de ce qu'il y a absence d'un système commercial bien arrêté, par suite manque de garantie et de stabilité.

En France il existe un ministère du commerce, qui a dans ses attributions tout ce qui touche aux intérêts du commerce et de l'industrie.

Il est secondé par un conseil supérieur du commerce.

Ce conseil est composé :

D'un président, de onze membres nommés par le chef de l'Etat, d'un membre nommé par le ministre des finances avec autorisation du chef de l'Etat.

Des présidents des conseils généraux du commerce et des manufactures et d'un secrétaire général nommé par le chef de l'Etat.

En Angleterre il n'y a point de ministre du commerce, mais ce pays possède un bureau de commerce sous la dénomination de Board of trade, qui a une bien autre importance que ce qui existe en France, étant une des dépendances de la commission de la trésorerie. Cette commission se compose de tous les ministres, des membres du conseil privé et des grands dignitaires du royaume, et connaît de toutes les questions qui touchent aux intérêts du commerce et de l'industrie.

Qu'avons-nous en Belgique?

Le commerce se trouve dans les attributions du ministre des affaires étrangères.

L'industrie, dans les attributions du ministre de l'intérieur.

Nous avons un directeur du commerce extérieur et des consulats.

Et un chef de bureau.

Un directeur du commerce intérieur.

Et un chef de bureau.

Un directeur de l'industrie.

Et un inspecteur des affaires industrielles.

Une pareille combinaison ne répond point aux besoins du pays. Après avoir mis en regard ce qui existe chez nos voisins, et ce que nous avons, il est superflu de faire ressortir l'insuffisance de notre organisation : les faits parlent d'eux-mêmes, et démontrent à l'évidence, qu'il y a nécessité pour la Belgique, de se donner une direction commerciale et industrielle forte et capable, demandée depuis longtemps.

Pour atteindre à ce but, il y aurait à opérer la fusion des deux directions actuellement existantes, de manière à ce qu'elles ne se trouvassent plus que dans les attributions de l'un ou l'autre des ministères. La section centrale partage ma manière de voir à cet égard.

En second lieu il serait utile de créer un bureau de commerce, qui serait composé :

D'un président.

De 8 membres nommés par le Roi.

Du président ou d'un délégué des chambres de commerce.

D'un secrétaire général nommé par le Roi.

Les fonctions du président et des membres sont gratuites.

Ce bureau de commerce serait consulté :

1° Sur les projets des lois concernant le tarif des douanes.

2° Sur les traités de commerce et de navigation;

5° Sur ce qui a rapport à la pêche maritime;

4° Sur les vœux des chambres de commerce ;

5° Sur la direction à donner à l'industrie.

En un mot sur tout ce qui touche aux intérêts du commerce et de l'industrie, et que je n'ai pas spécifié dans la nomenclature qui précède.

J'en ai la conviction messieurs, beaucoup d'industriels la partagent avec moi, la création d'un conseil supérieur est une institution qui nous manque.

Si vous vous décidez à l'autoriser, vous aurez assuré à notre politique commerciale une impulsion qu'elle n'a pas eue depuis 1830. Je me permets d'appeler votre attention sur cet objet.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, le conseil provincial de la Flandre occidentale, dans un rapport sur la question des Flandres, rapport qui a été distribué à la chambre, a fortement recommandé la création d'une commission consultative du commerce et de l'industrie. Le commerce et l'industrie, messieurs, ont besoin d’une direction stable et pratique, en dehors des remaniements ministériels et de l'antagonisme des administrations subalternes. On a trop souvent, messieurs, sacrifié une industrie au profit de l'autre ; organisé d'une part pour désorganiser ailleurs.

Le gouvernement lui-même doit désirer de pouvoir s'appuyer sur l'avis d'hommes compétents et directement intéressés dans la solution des questions qui leur sont soumises.

(page 195) J'espère donc, messieurs, que le commerce et l'industrie seront bientôt dotés d'un conseil supérieur, analogue à celui qui a déjà été accordé à l'agriculture.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le premier orateur que vous avez entendu a désiré pour le commerce et l'industrie une direction forte et habile. Il a pensé que cette direction n'existerait pas, aussi longtemps qu'on n'aurait pas réuni dans un même ministère les attributions qui sont aujourd'hui réparties entre deux départements ; aussi longtemps surtout qu'on n'aurait pas placé à côté du ministère un comité central, une commission consultative composée ainsi qu'il l'a indiqué.

Messieurs, jusqu'en 1833, il n'existait dans aucun ministère de direction propre pour l'industrie et le commerce. Les affaires industrielles et commerciales étaient pour ainsi dire confondues avec les affaires de l'agriculture dans une seule et même division. Ce fut en 1833 que l'on créa au département de l'intérieur une direction du commerce et de l'industrie.

En 1841, les attributions de cette direction s'étant beaucoup étendues, en crut nécessaire de la diviser en deux sections, l'une relative au commerce, et l'autre relative à l'industrie.

Postérieurement, et à l'époque où l'honorable M. Dechamps passa du ministère des travaux publics au ministère des affaires étrangères, il entraîna avec lui aux affaires étrangères la division du commerce, laissant au ministère de l'intérieur la division, de l'industrie.

Aujourd'hui le commerce intérieur et le commerce dans ses relations avec l'étranger se trouvent donc au département des affaires étrangères, les affaires de l'industrie étant restées attribuées au département de l'intérieur.

Résulte-t-il, messieurs, de graves inconvénients de cette distribution ? Sans doute, elle peut avoir certains inconvénients pratiques; cependant elle offre aussi certains avantages. Nous avons examiné, mon collègue et moi, s'il n'y aurait pas lieu de réunir de nouveau, soit dans un ministère, soit dans un autre, le commerce et l'industrie. Mais il ne s'agirait pas, en les réunissant, de les confondre, de faire de nouveau une seule division de ces deux branches importantes de la fortune publique.

En effet, la division de l'industrie prend chaque jour de tels développements, qu'il y aurait peut-être lieu d'examiner s'il ne faudrait pas, au lieu de la restreindre, la diviser elle-même en deux sections.

Quant à donner une direction forte et habile aux intérêts industriels et commerciaux, je dois dire, messieurs, et c'est une justice que je me plais à rendre au fonctionnaire qui est chargé dans mon administration de cette partie de service public ; je dois dire qu'il me serait difficile d'en rencontrer un plus habile que lui. Il est juste que nous saisissions cette occasion de rendre hommage au mérite administratif.

Je pense que mon collègue des affaires étrangères serait en mesure de rendre le même témoignage aux fonctionnaires de son département qui dirigent le commerce extérieur ou le commerce intérieur.

Reste, messieurs, la création d'un conseil supérieur de commerce et d'industrie.

Déjà bien de fois cette idée a été mise en avant. Aujourd'hui le gouvernement a, pour se renseigner, les chambres de commerce qui sont répandues comme autant de corps consultatifs sur toute la surface du pays. Faudrait-il créer un comité central où viendraient se concentrer les avis émanant de ces corps? Il peut y avoir utilité à former un corps consultatif supérieur. C'est une institution qui donnerait lieu encore à certaines dépenses; mais on pourrait en retirer certains fruits. Le gouvernement ne demande qu'à être éclairé dans les décisions à prendre. Mais je ne crois pas que ce remède aurait la puissance qu'on veut lui attribuer pour faire prospérer le commerce et l'industrie.

Nous prendrons note des observations qui ont été faites sur l'utilité de créer un conseil supérieur consultatif pour les affaires du commerce et de l'industrie, ainsi qu'on l'a fait pour les affaires de l'agriculture. Il y aura à examiner si ce conseil doit être permanent auprès des départements de l'intérieur et des affaires étrangères, ou s'il doit être assemblé périodiquement une ou deux fois par an, ainsi qu'on le fait pour le conseil supérieur d'agriculture.

Messieurs, qu'on se persuade bien d'une chose : c'est que le gouvernement est fortement préoccupé de toutes les questions qui touchent au commerce et à l'industrie, qu'il s'en occupe constamment et que la direction qu'il leur donne, il la croit bonne.

Nous aurons sans doute occasion de revenir sur cette question, lorsque nous discuterons le budget de l'intérieur. Nous démontrerons alors que l'action du gouvernement, en cette matière, n'a pas été stérile et impuissante, je l'espère.

M. Cumont. - Je crois devoir appuyer les observations et les réclamations que vous a adressées l'honorable M. Schumacher. Nous sommes persuadés, nous sommes convaincus des bonnes intentions du gouvernement et des capacités des hommes qui sont chargés de la direction des affaires du commerce et de l'industrie. Mais ces hommes ne sont pas spéciaux pour une infinité de points qui intéressent notre commerce, et c'est sous ce point de vue que nous désirerions voir adjoindre à ces hommes, au talent desquels nous rendons justice, des hommes spéciaux qui pourraient leur donner des conseils dans les affaires qui intéressent telle ou telle branche du commerce.

Nous désirons donc, pour ce motif, avoir une seule et unique administration, à laquelle se joindrait le conseil que l'honorable M. Schumacher a proposé.

M. Gilson. - Je n'ai point pris la parole, messieurs, parce que l'honorable ministre de l'intérieur nous a fait remarquer que la discussion de son budget nous offrirait une meilleure occasion d'examiner cette question; mais je ne puis me dispenser d'appuyer les raisons qui viennent d'être données pour démontrer qu'il est indispensable de donner une direction unique aux affaires de l'industrie et du commerce; elles se tiennent d'une manière tellement étroite, qu'il est impossible de les séparer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En effet, messieurs, cette question a été soulevée par la section centrale du budget de, l'intérieur et non point par celle du budget des affaires étrangères; l'examen en viendra donc plus à propos, dans la discussion du premier de ces budgets.

Articles 25 à 33

« Art. 25. Ecoles de navigation. Personnel : fr. 11,720. »

- Adopté.


« Art. 26. Ecole de navigation. Frais divers : fr. 7,280. »

- Adopté.


« Art. 27. Chambres de commerce : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Frais divers et encouragements au commerce : fr. 19,900. »

- Adopté.


« Art. 29. Encouragements pour la navigation à vapeur entre les ports belges et ceux d'Europe, ainsi que pour la navigation à voiles, sans que, dans l'un ou l'autre cas, les engagements puissent obliger l'Etat au-delà du crédit alloué pour l'exercice 1849, et sans que les crédits puissent excéder 40,000 fr. par service, sauf pour le service au-delà du cap Horn. Personnel : fr. 1,450. »

- Adopté.


« Art. 30. Idem. Frais divers : fr. 113,550. »

- Adopté.


« Art. 31. Primes pour construction de navires : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 32. Pêche maritime. Personnel : fr. 7,750. »

- Adopté.


« Art. 33. Pêche nationale. Frais divers : fr. 92,250. »

- La section centrale propose de substituer le mot « primes » à celui de « frais divers ».

Le gouvernement s'est rallié à ce changement.

L'article, ainsi modifié, est adopté.

Chapitre VIII. Marine

Première section. Marine
Article 34

« Art. 34. Capitaine de vaisseau, chargé des divers services de la marine : fr. 8,400. »

Ce crédit a été transféré à l'article 2.

Deuxième section. Pilotage
Article 35

« Art. 35. Personnel : fr. 169,410. »

La section centrale propose le chiffre de 166,050 francs.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, c'est relativement à cet article et à l'article suivant, que des négociants et des armateurs, ainsi que la chambre de commerce d'Anvers et les pilotes de cette ville, ont adressé des pétitions à la chambre. La chambre a chargé la section centrale de faire, sur ces pétitions, un rapport supplémentaire, s'il y avait lieu, Ce rapport était fait et j'en ai donné aujourd'hui lecture à la section centrale; mais un-honorable membre nous a communiqué des documents, sur lesquels il nous était d'autant plus impossible de nous expliquer que les renseignements qu'ils contiennent ne se trouvaient ni dans le budget, ni dans les développements du budget, ni même dans les pétitions qui nous furent renvoyées. Il nous a donc fallu demander à M. le ministre des affaires étrangères des renseignements nouveaux sur les détails dont il s'agit. Je viens de remettre à M. le ministre une note à cet égard, et il m'a répondu que j'aurais ce soir les renseignements demandés. Je compte m'occuper du rapport aussitôt que j'aurai ces renseignements, et je pense que je pourrai le déposer demain.

En conséquence je proposerai à la chambre de passer à l'article 37.

- Cette proposition est adoptée.

Troisième section. Passages d’eau
Article 37

« Art. 37. Personnel : fr. 11,850. »

- Adopté.

Quatrième section. Police maritime
Article 38

« Art. 38. Personnel : fr. 26,500. »

La section centrale propose le chiffre de 26,000 francs.

M. Dedecker. - Messieurs, je vous demande grâce pour cette pauvre allocation de 500 fr. en faveur du commissaire maritime de Termonde.

Faut-il, pour réaliser une économie aussi insignifiante, s'exposer à compromettre des intérêts et poser une exception injurieuse, du moins indirectement, à l'un des ports maritimes de la Belgique, en lui enlevant une institution qui lui a été donnée, il y a à peine quelques années, par le gouvernement, qui avait sans doute de bons motifs pour cela?

(page 196) Oui, messieurs,, il y aurait au fond, dans la suppression proposée, quelque chose d'humiliant pour la localité dont il s'agit... (Interruption.)

Je reconnais que le port de Termonde n'a pas l'importance de certains ports de premier ordre; mais je ne pense pas qu'il convienne aujourd'hui, pour une mince économie de 500 fr., de priver d'une de ses institutions une ville qui est en voie de se conquérir une position honorable parmi les villes de la Belgique.

Je serais tenté de plaindre un pays qu'on doit sauver par de pareils moyens.

M. Delehaye. - Messieurs, je n'aurais certainement pas demandé la parole, mais l'honorable préopinant ne m'a pas compris lorsque je l'ai interrompu. Je suis tellement pénétré de l'importance du port de Termonde, que j'ai la conviction que la réduction de 500 fr. n'y fera pas entrer une seule voile de moins.

- Le chiffre de 26,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Article 39

« Art. 39. Primes d'arrestation aux agents, et vacations aux experts chargés de la surveillance de l'embarquement des émigrants (crédit non limitatif) : fr. 2,800. »

- Adopté.

Cinquième section. Sauvetage
Article 40

« Art. 40. Personnel : fr. 14,300. »

La section centrale propose le chiffre de 13,500 fr.

M. de Luesemans, rapporteur. - M. le ministre s'est rallié à cette proposition.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je ne pense pas, messieurs, que je me sois rallié, dans la section centrale, à la réduction proposée. Il s'agit du traitement qui est accordé au directeur du sauvetage à Ostende, qui est en même temps inspecteur du pilotage. La section centrale propose la suppression parce qu'elle trouve qu'il y a double emploi. Voici, messieurs, les considérations que j'ai à présenter à cet égard.

L'inspection du pilotage à Ostende pourra être supprimée plus tard et, par conséquent, le chiffre dont il s'agit pourra l'être également. Mais, messieurs, le titulaire est un fonctionnaire respectable âgé de 63 ans et demi, ainsi dans 18 mois il pourra être mis à la pension. Je crois qu'il importe de lui laisser atteindre cet âge ; si vous alliez diminuer son traitement, comme, d'après la loi, les pensions se basent sur la moyenne des cinq dernières années, il en résulterait que par la mesure proposée la pension de ce fonctionnaire se trouverait amoindrie. La pension qu'il recevra dans 18 mois n'est pas même aussi élevée que le traitement d'attente que vous devriez lui donner aujourd'hui, si la proposition de la section centrale était adoptée.

Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels je demande le maintien du chiffre proposé par le gouvernement. Il est possible que dans la section centrale, avant un examen approfondi, j'aie dit que je me rallierais à la suppression, mais l'examen que j'ai fait ensuite de la question m'a conduit à demander le maintien du chiffre qui figure au budget.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, comme il s'agit d'une question d'humanité, je me bornerai à donner quelques explications sur les motifs qui ont dicté la proposition de la section centrale.

Dans le chiffre de l'article 35 se trouve comprise une somme de 2,500 fr. pour l'inspecteur du pilotage à Ostende. Dans la sixième section l'on avait demandé la suppression de cette fonction, et M. le ministre, consulté sur l'utilité de cette suppression, a répondu qu'il reconnaissait que l'inspecteur des pilotes d'Ostende pourrait être supprimé et son service attribué au commandant de la marine dans cette ville, mais que le titulaire étant très âgé, il pensait qu'il valait mieux différer cette suppression.

Le rapporteur de la sixième section, qui se trouvait présent, a continué à croire à l'inutilité des fonctions dont il s'agit; mais, en présence de la déclaration de M. le ministre des affaires étrangères, déclaration toute d'humanité, il a dit ne pas insister pour la suppression immédiate. Seulement, messieurs, l'inspecteur du pilotage d'Ostende se trouve être en même temps directeur du sauvetage; lorsque nous sommes arrivés à l’article relatif à ce service, la section centrale s'étant assurée que la somme de 1,000 fr., demandée pour la direction du sauvetage, sert à payer un appointement supplémentaire à l'inspecteur du pilotage, et comme M. le ministre des affaires étrangères reconnaissait l'inutilité de le service, elle a proposé la suppression de cette somme de 1,000 fr. C'est par suite de ces explications de M. le ministre que la section centrale a pensé qu'il se ralliait à cette suppression.

M. Van Iseghem. - Je suis contraire à toute dépense inutile. Je persiste dans l'opinion que j'ai exprimée à la section centrale; je dis que la place de directeur du sauvetage à Ostende est tout à fait inutile. Le fonctionnaire dont il s'agit est entré au service de l'Etat en 1830, il a été nommé directeur du sauvetage en 1840. Pourquoi donner un supplément de traitement de 1,000 fr. à un fonctionnaire qui ne peut rendre aucun service?

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'employé dont il s'agit est un ancien serviteur de l'Etat. Il a 63 ans et demi. Il ne lui faut plus que 18 mois pour avoir un droit absolu à la pension. Ainsi, par la décision que l'on propose à la chambre, il se verrait atteint à la fois, dans le présent, par la suppression du traitement de 1,000 francs, et dans l'avenir, par la perte qu'il subirait sur sa pension. J'espère que la chambre, appréciant les considérations d'équité et d'humanité que l'on peut invoquer ici et que l'honorable rapporteur a reconnues, voudra bien accueillir la proposition du gouvernement pour un ancien serviteur de l'Etat, tout à fait recommandable sous tous les rapports.

M. Delehaye. - Messieurs, quel est le motif que l'on met en avant, pour maintenir la somme? C'est que l'intéressé puisse avoir une pension plus élevée. La chambre a bien souvent manifesté une opinion contraire; et maintenant le gouvernement engage la chambre à maintenir un traitement qui puisse donner lieu à une pension plus élevée. C'est là un abus. Cette considération doit faire fléchir les sympathies, quelque vives qu'elles soient, que peut nous inspirer le fonctionnaire intéressé. Il faut, avant tout, considérer la position du pays, et cette position n'est pas tellement favorable que l'on puisse l'aggraver de mille francs, au profit d'un employé dont la place est tout à fait inutile, au dire du député de la localité, de l'honorable M. Van Iseghem.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je n'ai qu'une seule observation à faire. En règle générale, nous pouvons admettre comme acceptables les opinions émanant de représentants d'une localité intéressée d'une manière ou d'une autre dans les articles que nous discutons ; mais tout à l'heure l'honorable M. Delehaye a contesté une demande de 500 fr. qui était faite par un honorable député de Termonde ; là il n'a pas reconnu la parfaite compétence de cet honorable collègue, pour établir la nécessité de ces 500 fr.

Il me semble que les observations de mon honorable collègue, M. le ministre des affaires étrangères, sont restées debout. Je crois que l'honorable député d'Ostende est parfaitement éclairé sur toutes les questions qui concernent Ostende; mais je crois aussi qu'en principe il ne serait pas sage d'admettre que les observations du représentant d'une localité contre tel ou tel fonctionnaire suffiraient à la chambre pour condamner immédiatement ce fonctionnaire. Tel représentant de telle localité ne pourrait-il pas céder, à son insu, à des sentiments plus ou moins personnels?

Je suppose qu'un fonctionnaire ait combattu l'élection d'un représentant; ne pourrait-il pas arriver que ce représentant vînt à combattre ce fonctionnaire dans la chambre ?

Ce sont de pures hypothèses ; je pose des questions de principe. Je crois que, quand il s'agit de toucher au traitement d'un fonctionnaire, la chambre n'est pas tenue de se déterminer par les seules raisons apportées par le représentant de la localité à laquelle appartient le fonctionnaire ; j'ignore absolument la nature des relations qui existent entre l'honorable député d'Ostende et le fonctionnaire dont il s'agit; mais je vois que celui-ci jouit d'un traitement depuis l830,et que, par suite la pension qui l'attend d'ici à 18 mois, il rentrera dans la vie privée; vous pousseriez la rigueur trop loin en réduisant ce traitement.

M. Van Iseghem. - Je puis affirmer à la chambre que je ne suis absolument mû par aucun sentiment d'animosité envers le directeur du sauvetage d'Ostende; je le connais pour un brave et honnête homme , mais je trouve qu'il ne peut rendre aucun service; c'est ce que M. le ministre a reconnu lui-même, puisqu'il a promis de supprimer plus tard la place.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je dois dire à la chambre que le fonctionnaire dont il s'agit n'est pas inutile, comme on pourrait le croire d'après la discussion qui vient d'avoir lieu ; ces fonctions ont toujours un degré incontestable d'utilité; il est vrai que dans un but d'économie, on pourra plus tard supprimer cet emploi; mais il n'en résulte pas nécessairement queues fonctions existant depuis 10 ans n'offrent pis un caractère d'utilité.

- Personne ne demandant plus la parole, on passe au vote.

Le chiffre du gouvernement, c'est-à-dire 14,500 fr., est mis aux voix et adopté.

Sixième section. Paquebots à vapeur entre Ostende et Douvres pour le transport des lettres
Articles 41 et 42

« Art. 41. Personnel de la marine de l'Etat employé à ce service : fr. 62,836 (chiffre du gouvernement), fr. 78,236. (chiffre de la section centrale). »

« Art. 42. Traitements des courriers, agents et mécaniciens : fr. 36,300 (chiffre du gouvernement), et fr. 10,200. (chiffre de la section centrale).

La section centrale propose 1° une réduction ; 2° un transfert d'un article à l'autre.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, il résulte de plusieurs observations qui ont été faites dans la sixième section que les deux articles 41 et 42 sont susceptibles d'une réduction de 8,150 fr. La section centrale a eu à examiner à la fois le libellé du gouvernement et celui de la sixième section. Le rapporteur de la section centrale a été chargé de rédiger toutes les observations sur lesquelles se fondait la sixième section pour demander un transfert et une réduction de chiffres en ce qui concerne les allocations des articles en discussion ; le rapporteur a rédigé d'un manière aussi complète que possible pour l'intelligence de la chambre les observations de cette section ; il n'a absolument rien à y ajouter; comme elles n'appartiennent pas d'essence à la section centrale, je pense que le membre qui en est l'auteur soutiendra mieux que moi les propositions qu'il a soumises à la section centrale et qu'elle a d'ailleurs adoptées puisqu’elle nous propose la réduction.

M. Liefmans. - Messieurs, si je me permets de prendre la parole dans cette discussion, c'est parce que je nourris l'espoir de voir encore (page 197) ici quelques économies se réaliser ; et c'est en même temps dans le but de signaler un abus assez grave, d'après moi, que je désirerais voir disparaître. Je ferais peut-être mieux, messieurs, de signaler cet abus à l'attention de M. le ministre des travaux publics ; mais je crois pouvoir l'énoncer malgré l'absence de cet honorable ministre.

Messieurs, je ne m'évertuerai pas à vous prouver la nécessité des économies. Des paroles chaleureuses, énergiques, ont démontré depuis bien longtemps cette nécessité, l'ont établie à l'état d'axiome. Je dirai cependant que, d'après moi, les orateurs qui ont parlé en faveur des économies, se sont rendus, en quelque sorte, l'écho d'un cri général qui s'élève de toutes parts en Belgique; d'un cri alarmant qu'excite partout la gêne où se trouvent le commerce et l'industrie, et la misère insupportable des classes ouvrières. Je dirai que je pense que les orateurs qui prêchent les économies versent dans le cœur des populations souffrantes tout autant de consolations et d'espoir que les discours prononcés en faveur de la prodigalité y jettent de l'amertume et du découragement.

J'en viens aux articles 41 et 42 qui nous occupent.

Ces articles, messieurs, me paraissent éminemment susceptibles de réductions. Je ne voterai donc pas pour les chiffres demandés par le gouvernement. Je ne donnerai même mon approbation aux chiffres proposés par la section centrale, ou par un membre de la section centrale, que pour autant qu'il me soit démontré qu'il y a impossibilité de ne pas atteindre un chiffre d'économie plus élevé que celui qui a été proposé par cet honorable membre.

Je parcourrai, messieurs, une à une les différentes dénominations des employés du service des bateaux à vapeur,

Je ne dirai rien du traitement du capitaine lieutenant de vaisseau, quoique ce traitement soit assez élevé. Je ne dirai rien non plus du traitement des matelots ni du traitement de l'inspecteur. Je crois cependant devoir rencontrer ici une objection qui a été formulée par un honorable membre de cette assemblée. Je parlerai de la somme énorme exigée pour deux chaudronniers à poste fixe et pour des aides-chaudronniers et forgerons.

D'après les propositions du gouvernement, il serait alloué pour ces deux chaudronniers à poste fixe et pour les chaudronniers temporaires une sommé de 8,000 fr. Je pense que cette somme est excessive. Le traitement d'un chaudronnier ne peut pas atteindre le chiffre d'un millier de francs, et je suis certain qu'on n'a que rarement besoin du concours des employés temporaires. Car il va de soi que si ce service réclamait souvent plus de deux chaudronniers, il serait préférable d'en avoir trois à poste fixe.

Je crois donc que si pour ces deux chaudronniers à poste fixe et pour les chaudronniers et forgerons temporaires on alloue une somme de 4,000 fr., c'est plus qu'il ne faut.

Quant au personnel qui se trouve à bord des paquebots à vapeur, en général leur traitement n'est pas exagéré. Je vois cependant que les lieutenants de vaisseau jouissent chacun d'un traitement de près de 4,000 fr. et qu'en outre ils reçoivent des indemnités qui représentent un chiffre de 3,500 fr., indemnités auxquelles on donne le nom de suppléments. Je désirerais savoir comment le total de ces suppléments est payé à ces lieutenants de vaisseau.

Cette observation s'applique évidemment aux enseignes qui, outre leurs traitements fixes, reçoivent aussi des suppléments.

Ou bien les lieutenants de vaisseau et les enseignes reçoivent-ils chacun les mêmes suppléments ou bien reçoivent-ils de temps à autre quelque légère douceur que peut leur accorder à titre de don le ministère ou un fonctionnaire quelconque? Dans le premier cas, si ces suppléments viennent augmenter régulièrement la masse des appointements, il ne semble qu'on pourrait borner les traitements de ces trois lieutenants de vaisseau à la somme énorme, d'après moi, de 16,146 fr. Dans le second cas. si la disposition de la somme de 3,500 fr. est tout à fait facultative, si M. le ministre peut en affecter la moitié ou les trois quarts à tel lieutenant de vaisseau, sans être obligé pour cela d'accorder une égale somme à tel autre lieutenant de vaisseau, je vois quelque inconvénient à voter ce chiffre.

Messieurs, je le déclare, je suis adversaire de tous les suppléments, de toutes les applications facultatives, et si je fais cette observation, messieurs, ce n'est pas en haine du ministère actuel. L'esprit d'indépendance et d'impartialité que je me plais à lui reconnaître, son amour de l'équité, me rassurent pour le moment contre les abus. Mais je crois qu'en votant des suppléments de traitements, nous posons un précédent fâcheux. Car la confiance que nous plaçons dans le cabinet actuel, je ne l'aurais pas placée dans tous les ministères qui l'ont précédé, comme je ne m'engagerais pas à la placer dans tous les ministères qui pourraient lui succéder.

Je désirerais donc, messieurs, obtenir quelques explications à cet égard, mais je déclare dès à présent que le chiffre de ces suppléments me paraît exagéré.

Je ne conçois pas non plus pour quel motif on ne nous a pas tout d'abord donné la nomenclature des employés qui trouvent leur traitement dans la somme fixée à l'article 42. Je ne vois pas pourquoi ces trois chauffeurs de cette dernière catégorie ne pourraient pas se trouver avec les treize chauffeurs de l'article 41. Cette classification me fait supposer qu'il doit y avoir une différence énorme entre chauffeurs et chauffeurs; et quand j'examine la différence excessive des appointements, je conçois difficilement quel peut être le mérite transcendant de la dernière catégorie de chauffeurs.

Les treize chauffeurs employés au service actif, qui se trouvent abord, ne reçoivent ensemble que la somme de 7,806 francs, tandis que les trois chauffeurs de la dernière catégorie reçoivent 4,200 francs.

Je désirerais encore obtenir ici quelques explications pour savoir quelle est la grande différence entre ces employés qui tous sont, à mes yeux, des chauffeurs.

Messieurs, en confirmant les observations qui ont été faites par un membre de la section centrale, je déclare que j'appuierai de tous mes efforts la suppression de l'agent à Bruxelles, désigné par la note qui a été fournie par M. le ministre des affaires étrangères à la section centrale. L'inutilité d'un pareil agent me paraît incontestable. C'est tout au plus, ainsi qu'on l'a fait observer, dans le port d'embarquement qu'un agent peut être nécessaire. La preuve en résulte clairement, d'après moi, de ce que, depuis quelques jours seulement, on vient de supprimer l'agent à Londres, où certainement il y avait possibilité de lui donner de l'occupation, tout aussi bien qu'on pourrait en donner à celui de Bruxelles. Cette suppression, messieurs, prouve qu'aux yeux mêmes du ministère, cet agent ne peut être utile. Les moyens qu'on a pu trouvera Londres de remplacer cet agent, je crois qu'ils se présentent nombreux à Bruxelles.

C'est ici, messieurs, le moment de signaler un abus qui, comme j'ai eu l'honneur de le dire, a plutôt rapport aux attributions de M. le ministre des travaux publics qu'à celles de son collègue M. le ministre des affaires étrangères.

Voici, messieurs, de quoi je crois avoir lieu de me plaindre.

Depuis quelque temps déjà, il part de Bruxelles vers six heures du soir, un convoi qui arrive à Gand vers huit heures et demie et à Ostende vers onze heures de la nuit. Immédiatement après l'arrivée de ce convoi, doit partir d'Ostende un de nos paquebots à vapeur. Cette innovation, messieurs, je l'approuve ; mais je regrette qu'on n'en retire pas tous les bénéfices qu'elle pourrait produire. Il y a à cela une raison : c'est que la concurrence anglaise fait partir presque chaque jour un autre paquebot, précisément à la même heure que part le paquebot qui porte notre pavillon. Cette concurrence anglaise, messieurs, a des agents partout. Ces agents viennent dans les stations de nos chemins de fer ; ils se trouvent à Gand, ils se trouvent à Termonde pour recommander le passage par les bateaux à vapeur anglais, au détriment de notre industrie.

Ceci se fait dans les stations, et non seulement dans les stations, mais même dans les voitures publiques du chemin le fer; à telles enseignes qu'il m'est arrivé, il y a huit jours, d'être accosté par un de ces agents solliciteurs, conjointement avec notre honorable collègue, M. d'Elhoungne, dans une voiture à la station de Termonde. Je crois que c'est là un abus, et bien que la concurrence soit libre, je ne pense pas qu'il puisse être permis à des étrangers de s'introduire dans les voitures de l'Etat pour soutenir la concurrence contre notre industrie. Si M. le ministre voulait bien prendre quelques mesures, je crois qu’il serait facile d'empêcher cet abus.

Messieurs, j'ai dit ces quelques paroles dans le but d'obtenir quelques économies, et je voudrais qu'en signalant cet abus, j'eusse fourni au gouvernement l'occasion d'obtenir aussi quelque augmentation de recette.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je- commencerai par remercier l'honorable préopinant de la confiance qu'il veut bien témoigner au cabinet. Aussi je suppose, je suis même intimement convaincu que quand, il a signalé ces paroles qui porteraient, dit-il, l'amertume dans le cœur des classes nécessiteuses, il n'a pas voulu le moins du monde faire allusion à celles qui ont pu être prononcées par les membres du ministère. En effet, quand un ministère présente d'aussi nombreuses économies, d'aussi importantes économies que celles sur lesquelles vous avez à vous prononcer, je crois qu'il va aussi loin que possible dans cette voie et qu'au point de vue même où s'est placé M. Liefmans, il n'y a aucun reproche à lui adresser.

L'honorable préopinant, qu'il me permette de le lui dire, tout en plaidant avec tant de force la cause des classes ouvrières, a fait porter un peu ses critiques sur la classe ouvrière elle-même, puisqu'il veut réduire le traitement des chaudronniers. Les chaudronniers attachés aux paquebots à vapeur et je dirai en passant que ces ateliers organisés à Ostende l'or.t été surtout dans un but d'économie), ces chaudronniers ont un traitement de 1,400 fr.; mais il est à remarquer que ce sont des mécaniciens; ce ne sont pas de simples ouvriers, ce sont des hommes qui apportent avec eux une véritable capacité comme ouvriers, Ainsi ce traitement, qui peut paraître exorbitant lorsqu'on le croit attribué à des artisans ordinaires, ne doit plus le paraître lorsqu'on sait que ce sont de véritables mécaniciens. La chambre n'ignore pas que nous avons eu sur le chemin de fer des mécaniciens anglais qui dirigeaient, dans le principe, les locomotives et qui touchaient jusqu'à 6,000 francs de traitement.

L'honorable M. Liefmans a parlé aussi des indemnités allouées aux officiers sur les paquebots à vapeur. Eh bien, messieurs, ces indemnités sont réparties avec une équité parfaite entre tous ces officiers; elles sont accordées par arrêté du gouvernement ; je crois qu'il ne peut, à cet égard, se commettre aucune espèce d'abus. Du reste, je le déclare, chaque fois que je rencontrerai un abus, je m'empresserai de le faire disparaître, et cela est tout naturel, car un ministre n'a pas le moins du monde intérêt à maintenir, à perpétuer les abus; au contraire, son principal intérêt à lui c'est de les réprimer, puisqu'il en a la responsabilité. Je ne vois pas pour quel motif, lorsqu'on est à la tête d'un département (page 198) ministériel et qu'on voit des abus, on irait les maintenir. A coup sûr cela est impossible : s'il y a des abus, c'est qu'ils ne sont pas portés à la connaissance de l'administration, et avec notre régime de publicité je ne sais pas quel abus pourrait encore échapper à la perspicacité du public.

L'honorable M. Liefmans aurait désiré qu'il eût été donné des détails sur les fonctionnaires dont il s'agit dans l'article 42. Je me suis empressé de donner tous les détails demandés par la section centrale, et je crois qu'ils étaient déjà très nombreux; si celui-là m'avait été demandé également, je me serais aussi empresse de le donner. Je crois qu'il serait impossible de trouver un budget plus détaillé que celui de la marine; tous les employés sont pour ainsi dire désignés, ainsi que les traitements dont ils jouissent. Toutes les indications possibles ont été données. Indépendamment de cela, la section centrale a reçu de nombreux documents; je crois que la lumière a été portée de la manière la plus complète sur tout ce chapitre de mon budget, comme sur tous les autres.

L'honorable préopinant vous a dit, messieurs, qu'il est contraire au maintien de l'agence établie à Bruxelles pour les paquebots à vapeur et il a motivé son opinion sur ce que l'agence de Londres serait supprimée. Eh bien, c'est là une erreur; l'agence de Londres n'est point supprimée; elle est à charge de l'amirauté anglaise; par suite d'une convention passée entre l'amirauté et l'administration belge, tous les frais à faire en Angleterre sont à la charge de l'amirauté et les frais à faire en Belgique sont à la charge du gouvernement belge. Voilà pourquoi l'agence de Londres ne figure plus au budget; mais elle n'est pas du tout supprimée; elle existe toujours et elle rend les mêmes services qu'auparavant.

Je crois, messieurs, avoir répondu aux principales observations de l'honorable préopinant.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.