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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 26 avril 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1214) M. A. Vandenpeereboom fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée. Il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Quelques habitants de Louvain demandent que la garde civique soit divisée en deux sections. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants du hameau de Haesrode, commune de Bierbeek, demandent que ce hameau soit érigé en commune séparée de Bierbeek.»

- Même renvoi.


« Quelques habitants de Lierre demandent la suppression de la cantine à l'école des enfants de troupes établie en cette ville. »

- Même renvoi.


« Quelques commerçants de Braine-Lalleud prient la chambre de statuer sur leur demande tendant à ce qu'il soit interdit au receveur communal et des contributions directes établi dans cette commune, de faire le commerce.. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Tirlemont prient la chambre d'annuler la délibération du conseil communal de cette ville, en date du 29 décembre 1848, relative au budget de la garde civique. »

- Même renvoi.


« Quelques boutiquiers, marchands et détaillants de Mazée demandent une réduction de droits sur le sel en faveur des boutiquiers et détaillants de l'extrême frontière de France. »

« Même demande de quelques boutiquiers, marchands et détaillants de Treignes, Vaucelles et Doische. »

- Renvoi à la commission d'industrie.

Décès d'un membre de la chambre

M. le président. - Le bureau a reçu la lettre suivante :

« M. le président,

« J'ai la douleur de vous faire part de la mort de mon beau-frèce, M. Louis Gilson, représentant, décédé ce matin, à la suite de la maladie qui le retenait éloigné de la chambre depuis le mois de février.

« Veuillez, M. le président, en donner connaissance à ses anciens collègues, et recevoir l'assurance de ma parfaite considération.

« (Signé) L. Bossut.

« Les funérailles auront lieu, à Tournay, samedi matin, à 11 heures.»

- La chambre charge M. le président d'exprimer à la famille de M. Gilson toute la part qu'elle prend à sa douleur et les regrets qu'elle éprouve de la perte de cet honorable membre.

Proposition de loi relative au contentieux en matière de milice

Lecture

M. Lelièvre, d'après l'autorisation des sections, donne lecture de la proposition suivante :

« Article unique. Les décisions rendues en matière de milice par les députations permanentes des conseils provinciaux doivent être motivées à peine de nullité.

« Elles sont portées à la connaissance des habitants de la manière prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817.

« Copie de la décision est ensuite notifiée, à la requête du gouverneur, au milicien qui a succombé dans sa réclamation.

« Dans les dix jours de cette notification, les intéressés et même le gouverneur peuvent, dans les limites posées par la loi du 4 août 1832, organique du pouvoir judiciaire, se pourvoir en cassation, sans que le pourvoi suspende provisoirement l'exécution de l'ordonnance attaquée.

« La déclaration de recours est faite, au greffe du conseil provincial, par le demandeur en personne, ou par un fondé de pouvoirs spécial, et dans ce dernier cas, le pourvoi demeure annexé à la déclaration. Celle-ci est inscrite sur un registre à ce destiné.

« Le pourvoi est signifié dans les dix jours, à peine de déchéance, au milicien contre lequel il est dirigé ou à toute autre personne nominativement en cause.

« Tous les actes de cette procédure sont exempte des frais de timbre, d'enregistrement et d'amendes.

« Le rejet du pourvoi ne donnera pas lieu à l'indemnité énoncée à l'article 58 de la loi du 4 août 1832,

« Si la cassation est prononcée, la cause est renvoyée à la dépuration permanente d'un autre conseil provincial. »

Développements

La chambre autorise M. Lelièvre à présenter immédiatement les développements de cette proposition.

M. Lelièvre. - Messieurs, depuis longtemps la révision des lois sur la milice est réclamée par des esprits sérieux ; toutefois elle nécessite un travail de longue durée, que l’on ne peut certes attendre de la législature dans le moment actuel. Nous avons pensé qu'il fallait se borner, quant à présent, à une disposition de nature à apporter à la législation en vigueur une amélioration notable ; je veux parler du recours en cassation auquel seraient soumises les décisions rendues par la députation permanente du conseil provincial. Aujourd'hui les décisions de ce collège en matière de milice sont souveraines, et les erreurs en droit, quelles qu'elles soient, ne peuvent être redressées. Cet ordre de choses fait naître des inconvénients réels; il en résulte d'abord une divergence fâcheuse dans la jurisprudence des différentes députations et le recours en cassation ramènera à cet égard une uniformité toujours désirable.

En second lieu, de graves intérêts sont souvent agités en cette partie. Les exemptions en matière de milice et, par conséquent, la désignation pour le service d'un citoyen au lieu d'un autre, touchent trop fortement la liberté et la fortune privées et même les intérêts généraux, pour que la cour suprême ne soit pas investie du droit de contrôler les décisions des collèges appelés à statuer à cet égard.

Il est rationnel, du reste, d'étendre l'action de la cour régulatrice à toutes les affaires dans lesquelles les droits importants de l'Etat et des particuliers sont mis en question.

Ce sont ces considérations qui m'ont engagé à vous soumettre la proposition que je dépose, autorisant le pourvoi en cassation et traçant en même temps les règles de la procédure à suivre en cette occurrence. Déjà, pendant la session de 1846 à 1847, l'honorable M. Lebeau avait pris semblable initiative ; je me borne à reproduire, si pas les fermes, au moins la substance du projet qu'il avait soumis à la législature e£ dont celle-ci n'a pu s'occuper par suite de la dissolution .des chambres en 1848.

La disposition que j'ai l'honneur de vous proposer a déjà été sanctionnée par vous en matière de patente ; elle est écrite dans le projet di gouvernement concernant la contribution personnelle. L'admettre en matière de milice, c'est compléter une lacune de la législation actuelle et prendre une mesure dont les avantages ne peuvent évidemment être contestés.

M. le président. - Quel jour la chambre veut-elle statuer sur la prise en considération ?

- Des membres. - Immédiatement.

M. Delfosse. - Je suis très porté à voter pour la prise en considération, mais je ferai remarquer que M. le ministre de l'intérieur n'est pas présent; il pourrait avoir des observations à présenter. Nous ferions bien de remettre la prise en considération à demain.

M. Lelièvre. - S'il s'agissait de statuer sur le fond même de la proposition, je comprendrais qu'on ne voulût pas le faire sans avoir entendu M. le ministre de l'intérieur, mais il ne s'agit que de la prise en considération.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je crois qu'i serait toujours préférable que M. le ministre de l’intérieur fût prévenu. Il n'y a pas d'inconvénient à remettre la prise en considération à demain.

- La discussion sur la prise en considération est fixée à demain.

Projet de loi portant les budgets des dépenses pour ordre, des remboursements et non-valeurs de l’exercice 1850

Rapport de la section centrale

M. T'Kint de Naeyer dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des dépenses pour ordre et des remboursements et non-valeurs pour 1850.

M. Delfosse. - On pourrait fixer la discussion de ces budgets à demain. Ils n'ont donné lieu à aucune opposition.

- Cette proposition est adoptée. Le rapport sera imprimé et distribué.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Delehaye. - Messieurs, j'ai l'honneur de communiquer le rapport de la commission des naturalisations qui ont été prises en considération par les deux chambres.

(page 1215) - La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport qui est mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget des dotations de l’exercice 1850

Rapport de la section centrale

M. de Royer. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le budget des dotations.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi établissant le code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime

Discussion générale

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, il y a une correction à faire à l'article 42 : elle m'a échappé lors de la révision des épreuves ; cet article doit être terminé par ces mots : « Contre tous les coupables indistinctement. » C'est, du reste, le sens ; mais l'expression est beaucoup plus claire ainsi.

M. le président. - M. le ministre de la justice se rallie-t-il aux modifications apportées au projet de loi par la commission ?

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Nous nous y rallions, sauf que j'aurai quelques observations à présenter et deux paragraphes additionnels à proposer.

M. le président. - La discussion peut dès lors s'ouvrir sur le projet de la commission.

La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Lelièvre.

M. Lelièvre. - Messieurs, la nécessité d'un Code pénal applicable à la marine marchande est généralement reconnue, et sous ce rapport le projet qui vous est soumis est dû à une excellente pensée. Toutefois ne perdons pas de vue que les dispositions concernant pareille matière se rattachent nécessairement à la législation pénale en général, dont le gouvernement nous a annoncé la révision immédiate. En conséquence, avant de nous occuper de l'objet spécial soumis à vos délibérations, il me paraît indispensable d'arrêter les principes qui, nous l'espérons, remplaceront en Belgique le système vicieux introduit par le Code pénal de 1810. Agir autrement, c'est s'exposer à porter aujourd'hui des dispositions qui formeront contraste avec le Code criminel dont une partie doit être présentée dans le courant de la présente session. C'est rendre impossible l'harmonie de l'ensemble de la législation et isoler la loi spéciale dont nous nous occupons du système général qui présidera à la rédaction de nos lois pénales.

Pour moi, messieurs, qui ne conçois une bonne législation que lorsque toutes ses différentes branches s'harmonisent et se rattachent à un principe commun, je ne saurais applaudir au projet qui vous est présenté. Je considère sa discussion comme inopportune et même comme pouvant donner lieu à des anomalies fâcheuses.

Vous allez bientôt être convaincus de ce que j'avance.

L'article final du projet rend applicables aux faits prévus par celui-ci les dispositions des article 2, 51, 56, 57, 58, 59 et autres du Code pénal ordinaire.

Eh bien, messieurs, cette disposition, nécessaire pour l'exécution de la loi dont nous nous occupons, suppose un système arrêté sur les questions les plus importantes que présentera la discussion de la nouvelle législation pénale qui nous est annoncée.

L’article 2 assimile la tentative du crime au crime lui-même dans les circonstances qu'il prévoit, mais c'est là précisément l'une des plus graves difficultés que fait naître la législation criminelle. Tous les auteurs qui ont écrit sur la matière s'accordent à penser que la tentative du crime ne peut, sans injustice, être frappée d'une peine égale à celle comminée contre le crime même, et que, sous ce rapport, l'article 2 du Code pénal renferme une disposition vicieuse qui, du reste, a été repoussée par les législateurs des peuples voisins. Comment donc trancherons-nous aujourd'hui, sans examen, cette importante question qui occupe tous les hommes de la science?

L'article 56 établit les peines de la récidive, et dans son paragraphe 5 il commine la peine des travaux forcés à temps et celle de la marque contre l'individu qui, ayant été condamné pour crime, en commet un second entraînant la peine de la réclusion. Ainsi, messieurs, par cette disposition qu'on nous propose d'adopter, nous inscrivons dans nos lois la peine de la flétrissure contre laquelle tous les jurisconsultes se sont élevés et qui partout a excité une réprobation si générale qu'elle reste aujourd'hui sans exécution, peine indélébile qui ne peut se concevoir lorsqu'elle est l'accessoire d'une peine temporaire et qui est inutile lorsqu'elle est la conséquence de la peine des travaux forcés à perpétuité.

La loi nouvelle suppose aussi le maintien de la peine du carcan, que l'on peut sans contredit combattre avec fondement au point de vue d'une législation ayant pour but l'amendement du coupable, peine qui rend pour ainsi dire impossible sa rentrée dans la société et sa réhabilitation.

Le projet rend aussi applicables aux faits dont il s'occupe les articles 59, 60 et 62 sur la complicité. Or tous les auteurs qui ont traité du droit criminel estiment que, sous ce rapport, notre Code pénal s'est écarté des vrais principes; qu'en beaucoup de cas, il est impossible de frapper avec justice de la même peine que l'auteur lui-même d'un crime ou d'un délit, le simple complice qui n'ayant pas contribué activement à l'exécution n'a pas fait preuve du même degré de perversité; et tous enfin s’accordent à blâmer spécialement l’article 62 qui ne craint pas d'assimiler à un crime consommé antérieurement, un fait subséquent entièrement distinct, le simple recel, qui certes est loin de présenter le même caractère de gravité que le crime lui-même.

Ce que l'on vous propose, messieurs, ce n'est ni plus ni moins que le maintien du Code pénal actuel sur les matières les plus importantes et les plus controversées, la récidive, la complicité, la tentative et la nature même des peines.

En cet état de choses, il me paraît évident qu'il n'est pas possible de songer sérieusement à s'occuper pour le moment de dispositions particulières sur la matière dont il s'agit, parce qu'elles se rattachent à un système général, qui avant tout, doit faire l'objet des délibérations de la législature. Suivre une autre voie, c'est nous exposer à réviser dans quelques mois la loi même dont nous nous occupons actuellement.

C’est ce motif qui ne me permet pas d'appuyer le projet de mon vote.

Du reste, si nous examinons en détail les dispositions qu'il renferme, nous y remarquons des défectuosités notables. Ainsi le projet garde le silence sur le temps requis pour éteindre par la prescription les crimes et délits spéciaux qu'il prévoit. Cette lacune doit nécessairement être comblée si l'on veut éviter l'inconvénient que présente la législation actuelle relativement aux crimes et délits militaires, et que l'on vous a signalée récemment dans une dissertation remarquable.

D'un autre côté, le projet ne s'occupe même pas des cas où certains crimes et délits qu'il prévoit seront excusables, c'est-à-dire seront frappés d'une peine moins sévère que celle comminée par la loi. Je ne vois pas aussi pourquoi l'on n'autorise pas d'une manière générale les juges à modifier les peines correctionnelles en conformité de l'article que vous avez adopté récemment et destiné à remplacer l'article 463 du Code pénal.

Ainsi, par exemple, dans l'hypothèse prévue par les articles 16 et 17 du projet du gouvernement, pourquoi la peine ne serait-elle pas atténuée si le capitaine, maître ou patron avait eu les premiers torts, s'il avait provoqué gravement le prévenu ou avait donné lieu au délit par une conduite répréhensible?

Il peut se trouver également des circonstances qui rendent trop sévères, en certains cas, les peines des travaux forcés à temps et de la réclusion énoncées au projet. Pourquoi les cours d'assises, en qui certes on doit avoir confiance, ne seraient-elles pas investies des mêmes pouvoirs qu'en matière ordinaire? On le sait, une pénalité qui n'est pas proportionnée au fait commis, ne produit pas le résultat que se propose la loi pénale; les jurés et quelquefois même les juges prononcent un acquittement plutôt que d'appliquer une peine exorbitante. L'intérêt bien entendu de la société exige donc qu'en aucune matière on n'exagère les pénalités; le projet me paraît avoir perdu de vue ce principe, qui cependant est le fondement de toute législation pénale, et, sous ce rapport encore, je ne pourrais lui donner mon assentiment, surtout dans sa teneur actuelle.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je reconnais, avec l'honorable M. Lelièvre, que notre législation pénale est très imparfaite cl qu'il serait à désirer que le projet de loi actuel n'eût été voté qu'après la révision complète de notre système pénal; mais la chose est réellement impossible. Cette loi est depuis longtemps impatiemment attendue, et doit combler une lacune très regrettable qui existe depuis longtemps dans notre législation; en effet, la marine marchande est aujourd'hui à peu près sans dispositions pénales pour réprimer un grand nombre de délits qui peuvent se commettre à bord des navires marchands, et qui jouissent en quelque sorte d'une véritable impunité. Je crois donc que nous devons nécessairement nous occuper de la discussion de cette loi.

A la vérité, nous sommes obligés de nous référer à différentes dispositions du Code pénal. Mais lorsque ce Code aura reçu les nombreuses améliorations que l'on propose, la loi actuelle sera par le fait elle-même modifiée et s'il était reconnu qu'elle dût recevoir d'autres modifications encore, une nouvelle loi pourrait être présentée, pour satisfaire aux besoins indiqués par l'honorable M. Lelièvre. Mais attendre que le Code pénal eût été complètement révisé pour s'occuper du projet actuel, c'est ajourner celui-ci aux calendes grecques; car quoique l'on fasse, il s'écoulera peut-être encore deux ou trois ans avant que le nouveau Code pénal belge puisse être entièrement adopté et mis à exécution.

Je pense donc que, sous les réserves que je viens de faire, il y a lieu de passer outre à la discussion du projet.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Dispositions préliminaires

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Les infractions que la présente loi punit de peines disciplinaires sont des fautes de discipline.

« Les infractions qu'elle punit de peines correctionnelles sont des délits.

« Les infractions qu'elle punit d'une peine afflictive ou infamante sont des crimes. »

- Adopté.


« Art. 2. Les contraventions, délits et crimes non énoncés dans le présent Code, seront constatés et punis conformément aux lois ordinaires. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Sont assujetties aux règles d'ordre de service et de discipline établies sur les navires de commerce et de pêche, et passibles des peines déterminées par le présent Code, pour les fautes de discipline, les délits et crimes y énoncés, toutes les personnes embarquées inscrites au rôle d'équipage, employées ou reçues à bord, à quelque titre que ce soit, à partir du jour de l'entrée en armement, jusques et y compris le dernier jour du désarmement. »

M. Loos. - Messieurs, je crois que l'intention n'a pas été de soumettre au régime de la présente loi les passagers autrement que pendant le temps où ils se trouvent à bord du navire. Cependant il est dit à la fin de l'article 3 que toutes les personnes employées ou « reçues » à bord, à quelque titre que ce soit, seront assujetties aux règles d'ordre et de service, etc. et passibles des peines déterminées par le présent Code à partir du jour de (page 1216) l'entrée en armement jusques et y compris le dernier jour du désarmement.

On explique ce qu'on entend par armement et désarmement. D'ordinaire l'armement commence dès le jour de la déclaration faite au commissaire maritime et de la formation du rôle d'équipage, jusqu'au jour du licenciement de l'équipage devant le commissaire maritime. Quant au passager, il ne doit pas attendre que l'équipage soit licencié pour se soustraire au régime imposé aux gens de mer. Il doit pouvoir quitter le bord au port de destination comme aux ports d'escale ou de relâche. Dès ce moment il se soustrait au régime de l'équipage. Cela n'est pas suffisamment expliqué. Je me propose de présenter un amendement qui rendrait plus claire la position des passagers. Cependant je crois qu'il serait plus opportun de placer cet amendement à la fin de l'article 4 qu'à l'article 3, bien que l'article 3 détermine que la juridiction maritime existera jusqu'au licenciement de l'équipage ou désarmement.

Il est dit à l'article 4 que ces personnes continuent d'être placées sous ce régime en cas de perte de navire, par naufrage, chance de guerre ou autre cause, jusqu'à ce qu'elles aient pu être remises à une autorité belge, et au dernier paragraphe :

« Il en est de même des marins naufragés, déserteurs ou délaissés, qui, sur l’ordre d'une autorité belge, auront été embarqués à titre de passagers, pour être rapatriés.»

Ainsi je crois que l'addition que je proposerai devra se trouver à la fin de l'article 4.

Elle serait ainsi conçue :

« Toutefois les passagers ne pourront être assujettis à la présente juridiction que pendant leur séjour à bord du navire, qu'ils seront toujours libres de quitter dès l'arrivée au port de destination, comme aussi dans l'un des ports où le navire viendrait à relâcher.»

M. Veydt, rapporteur. - L'amendement ne me paraît pas nécessaire. L'article 3 a pour but de soumettre à la loi spéciale les hommes de mer et les passagers. Mais les passagers n'y sont soumis que pour des délits commis à bord. Dès qu'ils ont quitté le bord, ils ne peuvent commettre de délits relatifs à la navigation ; le Code ne leur est donc pas applicable. Il ne l'est que pour des délits antérieurs au moment où ils ont quitté le bord.

Je pense donc que l'amendement, qui est dans l'esprit du projet de Code, n'est pas nécessaire.

M. Loos. - Mon honorable ami, M. Veydt, pense que mon amendement n'est pas nécessaire, parce qu'il est entendu que les règlements concernant les gens de mer ne sont applicables aux passagers que pour autant qu'ils aient quitté le bord. Mais il peut très bien se faire qu'à la veille de l'arrivée au port le passager soit mis aux arrêts pour 8 jours. Doit-il alors faire ses arrêts, ou peut-il quitter le bord ? Je pense qu'il doit pouvoir quitter le bord, soit au port de destination, soit au port de relâche. Je ne crois pas qu'il convienne que le capitaine puisse retenir un passager aux arrêts forcés dans sa cabine, après l'arrivée au port. Je pense que ce serait une règle intolérable, et que ce n'est pas là ce que veut la chambre.

M. Delfosse. - Le capitaine n'a d'autorité sur les passagers qu'autant qu'ils restent à bord. Les passagers peuvent toujours quitter le navire.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, on donne à l'amendement un sens qu'on n'y avait pas d'abord donné. Il résulte de l'observation de l'honorable M. Loos qu'une peine prononcée cesserait par l'arrivée au port, si le passager quittait le bord, tandis que dans l'idée du Code cette peine devrait être appliquée. Il faudrait donc que la disposition fût insérée, si l’intention de la chambre était que la peine cessât quand on arrive au port et que le passager quitte le bord, sans doute cette immunité en faveur du passager ne sera admise que pour les peines disciplinaires. Je crois qu'il faudrait le dire.

M. d'Elhoungne. - L'amendement de l'honorable M. Loos est proposé dans la prévision d'un simple délit disciplinaire. Il doit entrer dans l'esprit de tout le monde que le passager qui veut renoncer à l'avantage de rester à bord a le droit de faire cesser la peine disciplinaire prononcée contre lui ; il pourrait d'ailleurs arriver qu'un port qui ne serait pour le navire qu'un port de relâche, fût pour le passager le port de destination. Si le passager a été condamné à 8 jours d'arrêts et que la relâche soit de moins de 8 jours, le passager devrait donc accomplir ses arrêts, tandis que le navire irait à l'autre bout du monde. Cela n'est pas admissible. Il doit être entendu que, quand on arrive à un port quelconque, le passager peut, en quittant le bord, faire cesser la peine disciplinaire prononcée contre lui.

J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. Loos.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - C'est tellement évident selon moi, que cela n'a pas besoin d'être exprimé. La disposition de l'article 3 ne peut être entendue dans un autre sens. Je crois donc, avec l'honorable rapporteur de votre commission, que l'amendement est inutile. Cependant si l'honorable M. Loos insistait et croyait réellement qu'il peut être utile que son amendement soit formulé dans la loi, comme nous voulons tous ce qu'il demande, nous n'aurons aucun motif de nous y opposer.

M. d'Elhoungne. - Remarquez, messieurs, qu'il s'agit de peines disciplinaires qui ne seront pas prononcées par des jurisconsultes habitués à appliquer les lois et ayant la discussion sous les yeux. Il s'agit de peines qui seront appliquées par des capitaines de navire. Il faut qu'en ce cas la loi soit trois fois claire. Ainsi, l'amendement de l'honorable M. Loos, quand même il rentrerait dans la pensée première du projet, n'est pas chose inutile, et je demanderai que la chambre veuille bien l'admettre, sauf rédaction.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Loos.

M. H. de Brouckere. - Sauf rédaction.

- L'amendement de M. Loos est adopté.

L'article 3 ainsi amendé est adopté.

Article 4

« Art. 4. Elles continuent d'être placées sous ce régime en cas de perte de navire, par naufrage, chance de guerre ou autre cause, jusqu'à ce qu'elles aient pu être remises à une autorité belge.

« Il en est de même des marins naufragés, déserteurs ou délaissés, qui, sur l'ordre d'une autorité belge, auront été embarqués à titre de passagers, pour être rapatriés. »

- Adopté.

Titre premier. De la pénalité

Chapitre premier. Des peines
Article 5

« Art. 5. Les peines applicables aux fautes disciplinaires sont :

« a. Pour les hommes de l'équipage :

« Le retranchement de la ration de liqueur forte ou de vin, pendant trois jours au plus;

« La vigie sur les barres de perroquet ou dans la hune, pendant une demi-heure au moins, et quatre heures au plus ;

« La retenue de 1 à 30 jours de solde ou de 2 à 80 francs, si l'équipage est engagé à la part;

« Les fers aux pieds pendant trois jours au plus ;

« Le cachot pendant trois jours au plus;

« Les fers et le cachot peuvent être accompagnés du retranchement de la ration de liqueur forte ou de vin et même de la mise au pain et à l'eau ;

« La déchéance du grade de matelot avec obligation de faire le service de novice.

« b. Pour les officiers :

» La retenue de dix à quarante jours de solde ou de 20 à 100 francs, si les officiers sont engagés à la part ;

« Les arrêts simples pendant vingt jours au plus avec continuation de service ;

« Les arrêts forcés dans la chambre pendant huit jours au plus ;

« La suspension temporaire des fonctions, avec exclusion de la table du capitaine ;

« La déchéance de l'emploi en qualité d'officier, avec obligation de faire le service et d'être payé comme simple matelot, pendant le reste de la campagne ou jusqu'au débarquement.

« c. Pour les passagers :

« 1° Passagers de chambre.

« L'exclusion de la table du capitaine, pendant huit jours au plus.

« Les arrêts dans la chambre pendant huit jours au plus.

« 2° Passsagers d'entre-pont.

« La privation de la faculté de monter sur le pont pendant huit jours au plus. »

M. Delfosse. - Au dernier paragraphe du littera B, je propose de remplacer les mots : « avec obligation de faire le service et d'être payé comme simple matelot », par ceux-ci : « avec obligation de faire le service à la paye de simple matelot ».

- L'article 5 est adopté.

Article 6

« Art. 6. Les officiers et passagers condamnés à une peine disciplinaire, qui refuseraient de s'y soumettre, après avoir été avertis que cette résistance les expose à une punition plus rigoureuse, pourront être mis aux fers pendant cinq jours au plus ou aux arrêts forcés pendant dix jours au plus. »

- Adopté.

Article 7

« Art. 7. Les peines correctionnelles applicables aux délits maritimes sont :

« a. Pour les hommes d'équipage :

« L'embarquement sur un bâtiment de l'Etat, pour une campagne de trois mois à trois ans, à la paye de matelot de troisième classe;

« b. Pour les officiers :

« L'interdiction de tout commandement pendant un mois au moins et deux ans au plus, sauf le cas prévu par l'article 31.

« c. Pour les hommes de l'équipage, les officiers et les passagers :

« L'emprisonnement pendant six jours au moins et cinq ans au plus ;

« L'amende de 16 à 300 francs.

« Dans le cas de condamnation à la peine d'embarquement, le tribunal prononcera subsidiairement un emprisonnement, qui ne pourra excéder le tiers de la durée de la première peine et qui sera subi par le coupable, toutes les fois que l'embarquement sur un bâtiment de l'Etat ne pourra avoir lieu.

« Dans le cas de condamnation à l'amende, le tribunal prononcera subsidiairement, à défaut de payement dans le délai prescrit, un emprisonnement de huit jours à trois mois. »

M. Delfosse. - Messieurs, il y a deux dispositions nouvelles, ce sont les deux derniers paragraphes. La première de ces deux dispositions (page 1217) devrait se placer immédiatement après celle du littéra a, qui concerne l’embarquement sur un bâtiment de l'Etat et à laquelle elle se rapporte.

On pourrait alors remplacer les mots : « à la peine d'embarquement,» par ceux-ci : « à cette peine. »

- L'article 7 est adopté.

Article 8

« Art. 8. Les peines en matière criminelle sont les mêmes que celles qui sont spécifiées aux articles 7 et 8 du Code pénal. »

M. Lelièvre. - Je propose d'ajouter à cet article les mots : « l'exception de la flétrissure ». Cette peine n'est plus appliquée. Il est inutile de la conserver dans cette loi spéciale.

M. Delfosse. - L'inconvénient que je trouve à cet amendement, c'est qu'il consacre implicitement les autres peines, notamment le carcan, peine contre laquelle l'honorable M. Lelièvre s'élevait tout à l'heure.

M. Lelièvre. - Il y a une circonstance particulière contre la flétrissure. Cette peine n'est plus appliquée; lorsqu'elle est prononcée, la remise en est accordée même sans recours en grâce. Il y aurait un inconvénient grave à insérer dans une loi spéciale une peine tombée en désuétude, que la justice et l'humanité repoussent.

M. M. de Brouckere. - L'amendement aurait cet inconvénient qu'on semblerait maintenir la flétrissure en matière pénale ordinaire. Or il est dans notre intention à tous que la flétrissure disparaisse de nos lois pénales. Je préférerais que M. le ministre de la justice prît l'engagement de présenter un projet de loi qui abolit la flétrissure.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je prends bien volontiers cet engagement.

M. H. de Brouckere. - Ce projet de loi aurait l'assentiment général, et l'amendement alors serait inutile.

M. Lelièvre. - D'après la déclaration faite par M. le ministre de la justice, je retire mon amendement.

- L'article 8 est adopté.

Article 9

« Art. 9. Sous la dénomination d'officier sont compris :

« Le capitaine, maître ou patron ;

« Le premier second ;

« Le deuxième second ou lieutenant;

« Le troisième second ou deuxième lieutenant;

« Le chirurgien du navire est, pour l'application des peines, assimilé aux officiers. »

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, ces expressions capitaine, maître ou patron, sont constamment répétées dans un grand nombres d'articles du projet du gouvernement, toutes les fois qu'il s'agit du commandant du navire. La commission n'a maintenu qu'une seule expression, celle de capitaine. Pour le faire, elle s'est fondée d'abord sur l'article 9 du projet même, qui déclare que les trois dénominations sont équivalentes; et ensuite sur l'article 221 du Code de commerce. Cet article dit, une première fois, le capitaine maître ou patron; mais le rédacteur du Code, dans les articles suivants, se borne à dire le capitaine ou tout capitaine. Nous nous sommes autorisés de cet exemple. Il est donc bien entendu que le mot capitaine signifie le chef, le commandant de tout navire marchand ou bateau de pêche.

M. Coomans. - Je propose de substituer dans l'article 9 au mot chirurgien celui d'officier de santé. C'est un terme plus générique.

M. Sinave. - Mais l'officier de santé est celui qui n'a pas de diplôme, tandis que le chirurgien en a un. (Non !)

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, en général l'officier chargé du service sanitaire sur le navire est qualifié de chirurgien et en fait d'ailleurs les fonctions. Peut-être aussi y aurait-il quelque chose de singulier à dire que l'officier de santé du navire est assimilé pour l'application des peines aux officiers. Je crois que le mot chirurgien peut être maintenu, comme étant la dénomination usuelle.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, je pense aussi que la seule expression de chirurgien suffit, et en la maintenant on pourvoit à tout. Dans la marine il n'est parlé que du chirurgien pour l'assimilation aux officiers. Par ce mot, on doit entendre tout homme de l'art de guérir qui est chargé de ce service à bord. Dans la marine française certaines épreuves de capacité sont requises. Je ne sais pas au juste quelles sont les conditions exigées en Belgique; mais, suivant moi, le chirurgien, le médecin diplômés ou le simple officier de santé sans diplôme, qui seraient placés à bord pour prêter le secours de leur art, devraient être classés au rang des officiers, conformément à l'esprit de l'article que la chambre examine en ce moment.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, il s'agit d'astreindre certaines personnes à une juridiction pénale extraordinaire ; dès lors il faut que la loi soit explicite, qu'elle soit claire; si vous ne mettez pas le mot médecin, qu'arrivera-t-il dans le cas où ce ne serait pas un chirurgien, mais un docteur en médecine qui serait à bord? C'est qu'il pourrait se soustraire à l'application des peines comminées par le projet actuel, en faisant valoir que la loi n'est pas claire à son égard. Je demande donc pour lever tout doute que la loi dise « le chirurgien ou le médecin du navire. »

M. Coomans. - Je me rallie à cet amendement.

- L'amendement mis aux voix est adopté.

L'article 9 ainsi amendé est ensuite mis aux voix et adopté.

Chapitre II. Des infractions et de leur punition
Section première. Des fautes de discipline
Article 10

« Art. 10. Les fautes de discipline sont :

« La désobéissance simple ;

« La négligence à prendre son poste ;

« Le manque au quart ;

« Le défaut de vigilance pendant le quart;

« L'ivresse sans désordre ;

« Les disputes ;

« L'absence du bord sans autorisation du capitaine, quand elle ne dure que 24 heures :

« Le séjour illégal à terre moins de 24 heures après l'expiration d'un congé, sans préjudice des peines prononcées par les articles 16 à 19, qui seront applicables à toute absence illégale au-delà de six heures, lorsque le navire devra mettre à la voile.

« L'embarquement clandestin de boissons fortes ou de vin ;

« Le manque de respect aux supérieurs, et généralement tous les faits provenant de négligence ou de paresse, et qui ne constituent qu'une faute légère ou un simple manquement à l'ordre ou au service du navire.»

M. Loos. - Messieurs, je crains qu'il n'y ait confusion à l'égard des fautes de discipline applicables aux passagers et de celles qui concernent les gens de l'équipage. Nous pouvons très bien distinguer ici ces fautes de discipline; mais les distinguera-t-on parfaitement à bord? Je ne suis pas rassuré à cet égard. Je crois qu'il aurait mieux valu dire quelles étaient les fautes, concernant les passagers, qui pouvaient être punies par le capitaine. Ici ce sont des généralités qui s'appliquent aussi bien aux passagers qu'aux gens de l'équipage.

Je n'ai pas formulé d'amendement; mais je prie M. le ministre de la justice ou l'honorable rapporteur de vouloir bien me dire si je me trompe dans les craintes que je manifeste.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je ne pense pas que la confusion puisse exister. A la vérité, parmi les fautes de discipline il y en a qui concernent spécialement les hommes de l'équipage; il y en a d'autres qui concernent en même temps les passagers. Mais le juge pourra facilement discerner quelles sont les fautes punissables, suivant qu'elles auront été commises respectivement par les hommes de l'équipage ou par les passagers.

M. Veydt, rapporteur. - Je ne suis pas de l'avis de M. Loos, que le capitaine ne peut commander qu'à l'équipage ; il peut commander à toutes les personnes qui se trouvent à bord; la sécurité du navire l'exige impérieusement. Il est nécessaire qu'il puisse commander à un passager de se porter, par exemple, de tel côté du navire, lui interdire de manier sur le pont, dans certaines circonstances, lui faire d'autres injonctions dans l'intérêt de l'ordre et de la sécurité. L'homme d'équipage, l'officier ou le passager qui contrevient aux ordres du capitaine se rend passible de la peine prononcée par la loi.

M. Loos. - L'explication que vient de donner l'honorable rapporteur prouve que mes craintes sont fondées. Sans doute le capitaine peut commander au passager, dans l'intérêt de la sécurité du voyage ou du navire, de se placer sur un côté ou l'autre du navire, mais il peut commander à un homme de l'équipage de se mettre au lit, il ne peut pas le commander à un passager, sans cela vous exposeriez les passagers à une foule de tracasseries. Si le capitaine est bien avec le passager, tout se passe admirablement ; mais s'il est mal avec lui, pendant un voyage de 2 ou 3 mois, il peut lui faire souffrir mille vexations qui deviennent intolérables si le capitaine est un peu brutal.

Le droit de chacun doit être bien déterminé; il ne faut pas qu'un capitaine puisse commander aux passagers autrement que dans l'intérêt de la sécurité du navire et du voyage. Comme je le disais tout à l'heure, il serait très utile de définir les faits de police qui rendront les passagers passibles de peines disciplinaires.

M. Delfosse. - Je prierai l'honorable M. Loos de lire les articles 54 et 55. L'article 54 porte que le capitaine a sur les gens de l'équipage et sur les passagers l'autorité que comportent la sûreté du navire, le soin des marchandises et le succès de l'expédition.

Art. 55. Le capitaine doit user de son autorité avec modération.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Il y avait dans le projet du gouvernement une disposition spéciale qui était l'article 12 ainsi conçu :

« Ces diverses fautes rendent leurs auteurs passibles d'une des peines spécifiées à l'article 6, d'après les distinctions établies aux a, b et c, le choix de la peine étant laissé à la discrétion des autorités désignées à l'article 47. »

Cette disposition a été supprimée par la commission. Je ne demande pas qu'elle soit rétablie dans les termes dans lesquels elle a été présentée, mais je crois nécessaire d'insérer une disposition spéciale à l'article 10 pour indiquer que les fautes de discipline spécifiées dans cet article seront punies d'une des peines mentionnées à l'article 5; le juge, sans cela, pourrait se croire autorisé à cumuler les peines comminées pour les fautes de discipline.

Il est nécessaire de dire qu'une seule des peines pourra être appliquée.

Je proposerai d'ajouter : Ces fautes seront punies des peines spécifiées à l'article 5 au choix des autorités désignées à l'article 42. L'article cité porte le n°43, mais il deviendra 42 par la suppression de l'article 25 du projet primitif qui est l'article 22 du projet de la commission.

(page 1218) - L'article 10 avec cet amendement est mis aux voix et adopté.

Article 11

« Art. 11. Les marins qui pendant la durée de la peine du cachot ou de la mise aux fers, prononcée en matière de discipline, auront été remplacés dans le service à bord du navire auquel ils appartiennent, supporteront, au moyen d'une retenue sur leurs gages ou sur leur part du profit, les frais de ce remplacement. »

- Adopté.

Section II. Des délits maritimes commis par les marins subalternes.
Article 12

« Art. 12. Les délits sont :

« Les fautes disciplinaires réitérées ;

« La désobéissance avec refus formel d'obéir ;

« La désobéissance avec injures ou menaces ;

« L'ivresse avec désordre;

* Le fait d'avoir allumé des feux, ou d'avoir circulé dans des lieux où cela est interdit à bord, avec du feu, une lampe, chandelle, pipe, cigare allumés.

« Le fait de s'être endormi étant à la barre, en vigie, ou au bossoir, ou d'avoir quitté l'un de ces postes avant d'avoir été relevé;

« Le fait de s'être servi sans autorisation d'une embarcation du navire;

« La dégradation d'objets à l'usage du bord ;

« L'altération des vivres ou marchandises par le mélange de substances non malfaisantes ;

« Le vol commis par un sous-officier, marin, novice ou mousse, quand la valeur de l'objet volé sera au-dessous de 40 francs;

« La désertion ;

« Les voies de fait contre un supérieur;

« La rébellion envers le capitaine, quand elle aura lieu en réunion de deux ou d'un plus grand nombre de personnes, n'excédant pas le tiers des hommes de l'équipage, les officiers compris. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je demanderai un changement dans la rubrique du chapitre IL

Le chapitre premier s'occupe des peines; le chapitre II s'occupe des infractions et de leur punition. Ce chapitre est divisé en cinq sections : la première traite des fautes de discipline; la seconde des délits maritimes commis par les marins subalternes; la troisième des délits maritimes commis par les passagers ; la quatrième des délits maritimes commis par les officiers; la cinquième traite des crimes maritimes.

Je crois qu'il serait beaucoup plus convenable et plus rationnel de diviser le chapitre II en trois sections, dont la première aurait pour objet les fautes de discipline, la seconde les délits maritimes, sans distinction de ceux qui les ont commis; la troisième enfin les crimes maritimes. Ainsi la division en trois sections serait en harmonie avec la division des infractions, qui ne sont que de trois espèces. Je ne vois pas pourquoi il conviendrait de diviser en trois sections ce qui concerne les délits, alors que les dispositions qui concernent les fautes, comme celles qui concernent les crimes, sont renfermées dans une seule section.

C'est donc une mesure d'ordre que je propose.

M. Veydt, rapporteur. - Je ne sais, M. le ministre, si cette division plus générale présentera la même clarté. Il y a dans le projet une section pour les délits maritimes commis par les passagers. Vous la faites disparaître.

Saura-t-on encore aussi bien que ces délits tombent sous l'application des peines portées à l'article 7 litt. c ? La classification en trois sections pour tout le chapitre II, n'a pas cet avantage, si je m'en rends bien compte. Nous en jugerons mieux, quand tous les articles qui concernent les délits pour les trois catégories de justiciables, les hommes de l'équipage, les officiers et les passagers, seront réunis dans une seule section.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je ne supprime pas l'article 22; je ne propose aucune espèce de modification. Mais je ne comprendrai pas pourquoi, lorsque nous n'avons consacré qu'une section unique aux fautes et aux crimes maritimes, nous renfermerions dans trois sections distinctes les dispositions relatives aux délits maritimes.

M. Sinave. - Parmi les délits, je trouve la rébellion envers le capitaine. Mais il n'est nullement question ici des officiers. Il me semble qu'il serait convenable de dire: « La rébellion envers le capitaine et les officiers. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - On prévoit les voies de fait envers les supérieurs.

M. Sinave. - Si l'on croit cette disposition inutile, je n'y attache pas d'importance.

M. Veydt, rapporteur. - Le cas dont parle l'honorable membre est spécialement prévu dans les articles 13 et 15.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Les motifs que j'ai fait valoir tout à l'heure à l'occasion de l'article 10, militent également ici pour faire remplacer les deux articles 15 et 26 du projet primitif, supprimés par la commission, par une disposition additionnelle qui viendrait à la suite de l'article 12. Cette disposition serait ainsi conçue :

« Ces délits seront punis de l’une des peines spécifiées à l'article 7 au choix du juge, excepté dans les cas prévus par les articles suivants. »

Tous les articles qui suivent jusqu'au 31ème, concernent des délits spéciaux qui sont punis de l'une ou même de plusieurs des peines mentionnées à l’article 7.

Mais quant à tous les autres délits pour lesquels des peines spéciales ne sont pas établies, il est nécessaire de dire, comme le faisait l’article 15 du projet primitif, que les peines établies par l'article 7 pourront' être appliquées, mais sans pouvoir les cumuler.

C'est dans ce but que je présente une disposition analogue à celle qui vient d'être ajoutée à l'article 10.

- La discussion est close.

La proposition de M. le ministre de la justice, de réunir toutes les dispositions qui concernent les délits maritimes sous une même section qui serait intitulée : des délits maritimes, est mise aux voix et adoptée.

M. le président. Je mets aux voix l'addition proposée par M. le ministre.

M. Delfosse. - La commission avait supprimé la disposition que M. le ministre de la justice propose de reproduire, parce qu'elle croyait qu'il convenait que le juge pût prononcer à la fois et l'emprisonnement et l'amende. D'après la proposition de M. le ministre, cela ne pourrait pas se faire. Le juge devrait prononcer séparément l'emprisonnement ou l'amende; il ne pourrait cumuler ces deux peines.

Si M. le ministre de la justice croit avoir de bonnes raisons pour que le juge ne puisse appliquer à la fois l'emprisonnement et l'amende, je le prierai de les faire connaître.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - La raison que j'ai à donner, c'est que la commission qui a préparé le projet avait, dans quatre articles spéciaux, proposé que le choix de la peine fût laissé à la discrétion du juge, et certainement les termes dont la commission s'est servie s'appliquent à une seule des peines comminées et non pas à plusieurs. C'est dans ce sens que le projet a été rédigé et présenté, et maintenant vous laissez au juge la faculté de cumuler les peines, il pourra les appliquer toutes, et je ne sais où cela nous conduira.

M. Delfosse. - La loi indique quels sont les délits correctionnels, et quelles sont les peines à y appliquer. M. le ministre de la justice ne veut pas que ces peines puissent être cumulées par le juge.

M. le ministre de la justice croit que si sa proposition n'était pas admise, le juge pourrait cumuler toutes sortes de peines. Je ferai remarquer que, d'après l'article 7, il n'y a contre les passagers que deux peines, l'emprisonnement et l'amende.

Contre les hommes de l'équipage que trois peines : l'embarquement sur un bâtiment de l'Etat, l'emprisonnement et l'amende.

Et contre les officiers que trois peines: l'interdiction du commandement, l'emprisonnement et l'amende.

Y a-t-il le moindre inconvénient à s'en rapporter au juge, à lui laisser le soin de décider si la gravité du délit exige que ces peines soient cumulées ?

Vous autorisez le jugé à prononcer un emprisonnement de 5 ans, et vous ne l'autoriseriez pas à cumuler une amende de quelques francs avec un emprisonnement d'un mois? Vous pouvez, je le répète, vous en rapporter au juge qui appréciera la gravité des circonstances.

Il y a des délits correctionnels auxquels la loi n'applique pas de peine spéciale.

Le gouvernement s'en rapporté à la décision du juge pour la quotité de la peine, et il ne veut pas que le juge puisse cumuler l'emprisonnement et l'amende. Il y a là une défiance de l'autorité judiciaire qui ne se concilie pas avec les pouvoirs étendus qu'on lui attribue.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Tous les délits un peu graves ont été prévus par des dispositions spéciales, et des peines déterminées y ont été appliquées. Maïs tous les autres délits contre lesquels il n'a pas été comminé de peines spéciales ont très peu de gravité. C'est pour cela que la commission et le gouvernement avaient pensé que l'application d'une seule des peines établies par l'article 7 était suffisante, et qu'il était inutile d'admettre le cumul des peines pour des délits de cette nature. Je désirerais savoir si la commission l'a entendu d'une autre manière, et si elle a admis dans ce cas le principe du cumul des peines.

M. Delfosse. - Si l'observation de M. le ministre de la justice était fondée, si les délits correctionnels contre lesquels il n'est pas comminé de peines spéciales n'avaient pas d'importance, pourquoi le jugé serait-il autorisé à prononcer un emprisonnement de 5 années? S'il est autorisé à prononcer cette peine, c'est qu'on suppose que les délits peuvent avoir une certaine gravité.

M. d'Elhoungne. - Je ferai remarquer qu'il peut arriver très souvent que quand on prononcera l'emprisonnement contre un officier, on ait grand intérêt à y joindre l'interdiction du commandement. Je pense donc qu'il faut permettre au juge, dans ce cas, de cumuler les peines.

Il ne faut pas au reste s'arrêter à l'idée qu'on ne cumulerait les peines que pour aggraver la position de l'accusé. On peut aussi les cumuler pour adoucir la position de l'accusé. C'est ainsi qu'on joindra une amende à l'emprisonnement et que par cela même on abrégera le terme de l'emprisonnement. C'est ainsi qu'on pourra prononcer contre l'officier un emprisonnement moins long, parce qu'on lui interdira le commandement. De sorte qu'en permettant le cumul des peines, on prend une décision qui, dans beaucoup de cas, peut être favorable aux accusés.

M. Van Iseghem. - J'appuie les observations de MM. d'Elhoungne et Delfosse. Il y a des cas très graves dans lesquels le cumul des peines doit être admis. Je citerai la rébellion envers le capitaine, la désobéissance avec menaces, le fait d'avoir allumé des feux où cela est défendu à (page 1219) bord, Je voterai donc contre l’amendement présenté par M. le ministre de la justice, tel qu'il est rédigé.

M. Veydt, rapporteur. - Il me semble que l'amendement de M. le ministre a le mérite de rendre l'économie de la loi plus claire ; ceux qui auront à l'appliquer comprendront mieux qu'il n'y a d'exception que pour certains cas. Voilà le côté utile de l'amendement; mais je suis aussi d’avis qu'il faudrait laisser au juge la faculté d'appliquer simultanément deux peines. Cette nécessité nie parait démontrée par les observations qui viennent d'être faites.

M. Delfosse. - Si l'amendement n'a pas pour but d'interdire le cumul des peines, il est sans utilité. Il suffit qu'un fait puisse être considéré comme délit aux termes de l'article 12, pour qu'il tombe sous l'application de l'article 7.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Mais cela ne me paraît pas exact, ce serait, selon moi, quelque chose de bizarre et d’incomplet que de se borner, après avoir d’un côté déterminé les délits et de l’autre établi les peines, à faire l’application de ces peines à certains délits spéciaux seulement. Il me semble qu’il faut une disposition générale pour déterminer les peines qui seront applicables aux délits communs pour lesquels vous ne comminez aucune peine par des dispositions spéciales.

M. Lelièvre. - Si l'on veut le cumul des peines, il est essentiel que la loi renferme à cet égard une disposition expresse. Par conséquent, dans le système de l'honorable M. Delfosse, il faudrait ajouter que le juge pourra appliquer l'emprisonnement et l’amende cumulativement.

M. d’Elhoungne. - Il y a deux choses dans l’amendement : l'interdiction du cumul des peines et une disposition rendant spécialement applicables aux délits les peines comminées par l'article 7. Il y a nécessite, quant à ce deuxième point, d'admettre l'amendement de M. le ministre de la justice, parce que nous avons adopté un amendement en ce sens à l'article 10. Si la chambre n'introduisait pas un amendement analogue dans l'article 12, il y aurait confusion.

Quant au cumul des peines, je demande que la question soit tranchée en faveur du pouvoir du juge. Je propose en conséquence d'ajouter à l'amendement de M. le ministre de la justice, les mots : « Soit séparément, soit cumulativement. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à ce sous-amendement.

- L'amendement de M. le ministre de la justice est adopté avec ce sous-amendement.

L'article 12 ainsi amendé est adopté.

Articles 13 et 14

« Art. 13. Tout marin coupable d'outrages par paroles, gestes ou menaces envers son capitaine, ou un officier du bord, sera puni d'un emprisonnement de six jours à un an ; le juge pourra y joindre une amende de 16 à 100 francs. »

- Adopté.


« Art. 14. Tout marin coupable de voies de fait envers son capitaine, ou un officier du bord, sera puni de trois mois à trois ans de prison ; le juge pourra y joindre une amende de 30 à 300 francs. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Tout marin qui aura refusé formellement d'obéir aux ordres donnés par le capitaine, pour assurer la manœuvre du bâtiment, ou maintenir le bon ordre, sera puni d'un emprisonnement de six jours à six mois ; le juge pourra y joindre une amende de 16 à 100 fr. »

M. Sinave. -Je pense qu'il conviendrait d'ajouter, après le mot capitaine, les mots: ou par un officier du bord. Tout le monde sait, en effet, que la manœuvre est commandée rarement par le capitaine et le plus souvent par un officier du bord.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Le projet du gouvernement portait ces mots. J'ignore pourquoi la commission les a retranchés.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, après les mots « par le capitaine », le projet du gouvernement disait « ou celui qui le remplace ». Dans la rédaction de la commission ces mots ont disparu. Pour elle il est hors de doute que lorsque le capitaine est remplacé, tous ses devoirs, comme tous ses droits, passent à son remplaçant. Si la chambre jugeait qu'il n'en est pas ainsi, il faudrait, dans d'autres articles encore insérer les mots que nous n'avons pas hésité à retrancher.

M. Lelièvre. - Il me paraît indispensable de faire droit à l'observation de l'honorable M. Sinave. Sans cela, le refus d'obéir à l'ordre d'un officier du bord ne serait pas réprimé. Les lois pénales sont de stricte interprétation; or, la disposition telle qu'elle est conçue, ne parlant que du capitaine, ne pourrait être étendue au fait commis à l'égard d'un officier. Il est donc indispensable de faire l'addition proposée.

M. Veydt, rapporteur. - Je me rallie à l'amendement de M. Sinave, les mots « ou un officier du bord », qui se trouvent dans les articles 13 et 14, doivent également être insérés dans l'article 15.

M. le président. - Il faudrait alors les ajouter aussi dans le dernier paragraphe de l'article 12.

M. Delfosse. - Messieurs, la rébellion contre le capitaine présente plus de danger que la rébellion contre tout autre officier de navire. Quand il y a rébellion contre le capitaine, il n'y a plus personne pour rétablir l'ordre. Voilà pourquoi le dernier paragraphe de l'article 12 punit spécialement la rébellion contre le capitaine.

Je ne m'oppose pas à ce qu'on ajoute à l'article 15 les mots indiqués par l'honorable M. Veydt ; mais il ne faut pas les ajouter au dernier paragraphe de l'article 12.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à l'addition de ces mots.

- L'article 15, avec cette addition, est mis aux voix et adopté.

Article 16

« Art. 16. Les gens de mer engagés sur des bâtiments de commerce ou de pêche qui, dans un port du royaume, auront déserté, refusé ou négligé de se rendre à bord, seront, en cas d’arrestation, avant le départ du navire, remis à leur capitaine, et il ne leur sera payé, depuis le jour où ils auront commis ce délit jusqu’à l’expiration de leur engagement, que la moitié des salaires ou parts qu’ils auraient dû gagner.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, les articles 16 à 20 sont peut-être les plus importants du Code; sans doute les plus utiles. Ils ont pour but de prévenir la désertion. Vous savez, messieurs, que, dans l’état actuel de la législation belge, il n'existe plus de pénalités contre la désertion des hommes de mer.

L’article16 est relatif aux marins qui sont arrêtés dans un port du royaume et remis au capitaine. Dans ce cas, pour achever le voyage, ils perdent la moitié des salaires auxquels ils auraient eu droit, s'ils n'avaient pas commis le délit.

Dans l'article 17, il s'agit encore de la désertion des marins, dans un port du royaume; mais il n'y a pas remise au capitaine. La pénalité diffère : ils perdent la totalité des salaires ou parts qui pouvaient leur être dus jusqu'au jour de la désertion ; de plus, on les punit de 15 jours d'emprisonnement et d'un embarquement sur un bâtiment de l'Etat.

L'article 18 est relatif à la désertion à l'étranger. Ici, les mêmes distinctions se présentent. SI le marin est arrêté et remis au capitaine, il doit remplir son engagement pour la moitié des salaires qui lui seraient dus; et il est de plus condamné à un emprisonnement, parce que ce délit est plus grave, étant commis à l'étranger. S'il n'est pas arrêté, il perdra les salaires acquis, et sera condamné à un emprisonnement et ensuite à un embarquement.

Ce sont ces quatre cas tout à fait distincts auxquels les articles 16, 17, 18 et 19 ont pour objet de pourvoir. La commission a proposé dans l'article 19 un paragraphe supplémentaire; elle a aggravé la peine, en cas de désertion à l'étranger, lorsqu'elle a lieu dans un port hors d'Europe. Dans ce cas, le préjudice causé par la désertion est plus grand, et dès lors il a paru à la commission que la peine devait être plus forte.

L'art. 19 dispose encore que la prescription ne sera acquise qu'au bout de cinq ans. Cette modification au Code d'instruction criminelle, qui se trouve dans le projet du gouvernement, et que la commission a adoptée, a pour but d'empêcher qu'au bout d'un ou de deux voyages, les marins déserteurs ne puissent revenir impunément en Belgique.

Enfin l'article 20 a pour but de punir les complices de la désertion.

Le gouvernement a pensé, et la commission est de cet avis, qu'un moyen de ces différentes pénalités nous aurions désormais une législation suffisante pour prévenir la désertion des marins du commerce et de la pêche.

M. le président. - C'est sur l'article 16 que la discussion est engagée.

M. Coomans. - Messieurs, le sens de cet article présente une difficulté. On y parle d'un port du royaume, mais il peut très bien arriver qu'un navire ne se trouve pas dans un port du royaume, qu'il se trouve dans l'Escaut en rade; le matelot déserte à la nage; il pourrait échapper à la peine comminée par l'article 16, en disant, soutenu par un habile avocat, que ce n'est pas dans un port du royaume qu'il a déserté. Il faudrait une autre rédaction.

M. Van Iseghem. - Messieurs, je trouve qu'il serait plus convenable de dire : « le port d'armement » au lieu de « port du royaume. Aucune pénalité n'est fixée pour les marins qui désertent dans le royaume avant le départ du navire, autre qu'une retenue sur les gages. Cependant, un navire peut partir de Gand ou d'Anvers, et, après avoir été quelques jours en mer, être obligé à relâcher à Ostende. Là, une partie de l'équipage déserte, ce qui force le capitaine à prendre un autre rôle d'équipage, ce qui occasionne des frais et un retard préjudiciable, avant qu'on puisse avoir trouvé quelquefois d'autres matelots. Je crois, en conséquence, que la peine doit être plus sévère pour les désertions qui ont lieu hors du port d'armement.

M. Delfosse. - On pourrait substituer aux mots « dans un port du royaume », ceux-ci : « dans le pays ». J'en fais la proposition.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à cet amendement, sauf rédaction.

- L'article 16, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

Articles 17 à 19

« Art. 17. Si le déserteur ou réfractaire ne peut être remis au capitaine, avant le départ du navire, il perdra les salaires ou parts qui pourraient lui être dus au jour du délit ; il sera en outre condamné à quinze jours d'emprisonnement et à l'embarquement, pendant un terme de six mois à un an, sur un bâtiment de l'Etat, à la paye de matelot de troisième classe, s'il est sous-officier ou matelot, et à celle de mousse, s'il est novice ou mousse.

« Le décompte sera fait à la fin de son terme, et le montant sera remis par le gouvernement aux commissaires maritimes, pour être réparti par eux, ainsi qu'il est établi aux articles 62 et suivants. »

-Adopté.


« Art. 18. Ceux qui déserteront à l'étranger, qui refuseront ou négligeront de se rendre à bord, achèveront, s'ils sont arrêtés et remis au capitaine, le voyage à demi-salaire ou part, et seront condamnés, à leur retour, à un emprisonnement de quinze jours et à l'embarquement, pendant six mois au moins et un an au plus, à bord d'un bâtiment de l'État, à la paye d'après les distinctions établies à l'article précédent. »

- Adopté.


(page 1220) « Art. 19. Si le déserteur ou réfractaire ne peut être remis au capitaine, il perdra les salaires ou parts qui pourraient lui être dus au jour du délit ; il sera condamné en outre à un emprisonnement de quinze jours et à l'embarquement sur un bâtiment de l'Etat, pendant un an au moins et deux ans an plus, à la paye d'après les distinctions établies à l'article 17.

« La condamnation à l'emprisonnement sera portée à un mois et l'embarquement au maximum, si la désertion ou le refus de se rendre à bord ont lieu hors d'Europe.

« Dans le cas prévu par le présent article, l'action publique et l'action civile ne se prescriront qu'après cinq années révolues, à compter du jour en le délit aura été commis. »

- Adopté.

Article 20

« Art. 20. Les complices de la désertion seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 16 à 500 francs. »

M. Veydt, rapporteur. - Il y avait è la suite de cet article ces mots : « et seront en outre condamnés aux dommages-intérêts envers le capitaine et l'armateur ». Nous avons supprimé cette disposition comme nous l'avons fait dans d'autres articles, parce que c'est de droit commun et qu'il n'est pas nécessaire d'insérer une disposition dans la loi pour qu'on puisse obtenir la réparation d'un dommage causé.

Dans le rapport, je me suis attaché à bien établir ce principe ; et de plus les articles 51 et 74 du Code pénal ont été compris dans l'énumération faite au dernier article du projet. Tout doute est impossible.

M. Lelièvre. - Je partage l'opinion de M. le rapporteur. Je pense que la disposition du projet du gouvernement était inutile. Tous individus lésés par un crime ou un délit peuvent réclamer les dommages et intérêts que le fait leur a occasionnés. Telle est la disposition du droit commun qui régit la matière que nous traitons, lorsqu'il n'y est pas dérogé par un texte formel.

M. Delfosse. - Il est bien entendu qu'on supprime la disposition comme inutile, et non pour enlever l'action en dommages-intérêts. (Oui! oui !)

- L'article 20 est mis aux voix et adopté.

Article 21

« Art. 21. Les gens de mer qui auront, à l'insu du capitaine, embarqué ou débarqué à l'étranger des objets dont la saisie constituerait le capitaine ou l'armateur, en frais et dommages, seront condamnés à un emprisonnement d'un mois à deux ans et à l'embarquement, à l'expiration de leur peine, pendant trois mois à un an, à bord du bâtiment de l'Etat, à la paye déterminée à l'article 47. »

M. Sinave. - Je ne comprends pas le motif de l'article relatif aux complices...

M. Lelièvre. - Je ferai remarquer à l'honorable membre que, d'après l'article final de la loi que nous discutons, les articles 2, 51, 56, 57, 58, 59, 60, 62, etc., du Code pénal, sont applicables aux faits prévus par le projet en délibération. En conséquence, d'après cette relation au droit commun, les complices sont punis non moins que les auteurs mêmes des crimes ou délits. Il est donc inutile de s'expliquer à cet égard autrement que porte le projet.

M. Delfosse. - C'est parce qu'on n'a pas voulu appliquer une peine aussi sévère aux complices de la désertion qu'aux déserteurs, qu'on a inséré dans la loi uns disposition spéciale.

M. de Brouckere. - Peut-on punir un père, une mère, la femme d'un déserteur comme complices de désertion? Je demande qu'on revienne sur cette disposition et qu'on remette la discussion à demain.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 1/2 heures.