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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 24 mai 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1427) M. A. Vandenpeereboom fait l’appel nominal à 1 heure et quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée. Il fait ensuite connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Plusieurs marchands de bétail dans la Flandre orientale demandent que la durée du délai dans lequel devra être intentée l'action rédhibitoire pour toutes les maladies des bêtes bovines soit fixée à neuf jours. »

M. Vermeire. - Les pétitionnaires, marchands de bétail, domiciliés dans l'arrondissement de Termonde, demandent que le projet de loi sur les vices rédhibitoires dans la vente et les échanges d'animaux domestiques soit discuté pendant cette session. Ils entrent dans diverses considérations pour en démontrer l'utilité, et insistent pour que la durée du délai pendant lequel l'action rédhibitoire doit s'exercer, soit inscrite dans la loi même, et ne soit point laissée à la fixation du gouvernement. Ils proposent de fixer ce délai à 9 jours.

Vu la spécialité de cette pétition, j'en propose, messieurs, le renvoi à la section centrale chargée de nous présenter son rapport sur le projet de loi relatif aux vices rédhibitoires.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur d'Hollander demande la suppression du haras de l'Etat, et propose de réduire de moitié le crédit demandé à l'article 54 du budget de l'intérieur, lequel serait divisé en deux sommes égales, destinées, l'une à augmenter les primes pour les chevaux de trait, l'autre à mettre les provinces à même d'acheter des taureaux de Durham. »

M. Vermeire. - Messieurs, cette pétition émane du président du comice agricole de Termonde et membre de la commission d'agriculture de la Flandre orientale. Elle nous fait connaître, messieurs, que le haras ne rend point de service aux éleveurs des chevaux de labour ; et que, s'il en rend, ce n'est qu'aux éleveurs de chevaux de luxe qu'il ait pu profiter quelque peu.

Le pétitionnaire rappelle que déjà, dès l'année 1770, on s'était occupé dans les arrondissement d'Alost et de Termonde d'élever des chevaux de luxe, que depuis on a renouvelé souvent ces essais, qui tous furent infructueux, et que dès lors on a dû y renoncer.

Le pétitionnaire rappelle encore que la section centrale chargée de l'examen du budget de l'intérieur, pour 1849, avait, par l’organe de son rapporteur, l'honorable M. Prévinaire, fort bien fait ressortir l'inutilité pour les agriculteurs de l'élève de la race chevaline de luxe, pour les produits de laquelle on ne trouve que difficilement des placements. En conséquence, le pétitionnaire demande la suppression du haras de l'Etat, et l'allocation de la moitié du crédit pour encouragement à l'élève des chevaux de labour. Il entre dans des considérations pour démontrer que cette dernière race produit des bénéfices réels à l'agriculteur, et trouve un placement facile et avantageux sur tous les marchés.

Pour ces motifs, je propose, messieurs, le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.

- Cette proposition est adoptée.

« Le sieur C.-A.-C. Deyroux, peintre d'histoire à Bruxelles, né à Comines (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

« Des habitants de Louvain demandent que la garde civique soit divisée en deux bans. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bonhomme, ancien conducteur des ponts et chaussées à Liège, réclame l'intervention de la chambre pour que le gouvernement fasse régulariser sa position. »

- Sur la proposition de M. de Renesse, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


M. Le Hon, devant remplir ses devoirs d'électeur à Tournay, demande un congé.

- Accordé.

Projet de loi portant le budget de la dette publique pour l’exercice 1850

Rapport de la section centrale

M. Mercier, au nom de la section centrale chargée de l'examen du budget de la dette publique, dépose un second rapport sur l'amendement présenté par M. Thiéfry à l'article 24 de ce budget.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, dont elle fixe la discussion à demain.

Projet de loi sur le recours en cassation en matière de milice

Discussion des articles

Article premier

La chambre décide que la discussion s'établira sur les articles du projet de la section centrale après qu'il aura été statué sur l'amendement suivant proposé par M. le ministre de l'intérieur.

« Remplacer l'article 138 et les deux derniers paragraphes de l'article 153 de la loi du 8 janvier 1817 par la disposition suivante, qui deviendrait l'article premier du projet :

« Art. 1er. L'appel contre les décisions des conseils de milice sera porté par écrit devant la députation permanente du conseil provincial dans les délais suivants :

« Par les intéressés, dans les 8 jours, à partir de la décision, s'il concerne une désignation pour le service, et dans les 15 jours de la publication prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817, s'il est relatif à une exemption accordée;

« Par le commissaire de milice, dans les 8 jours de la décision, quelle que soit la cause de l'appel.

« La députation statue en dernier ressort et dans un délai de 30 jours, à partir de l'expiration des délais fixés au paragraphe précédent. »

M. Lelièvre. - L'article additionnel proposé par M. le ministre de l'intérieur ne se rattache pas directement au projet qui ne concerne que le pourvoi en cassation.

Toutefois je considère la disposition proposée comme une véritable amélioration apportée à la loi de 1817, et je pense, dès lors, qu'il est très utile de l'adopter.

M. Jullien. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur a été bien inspiré en proposant d'introduire dans le projet de loi une disposition relative à l'exercice du droit d'appel des décisions en matière de milice. Il était convenable d'harmoniser l'exercice du droit d'appel avec l'exercice du pourvoi en cassation.

Toutefois, messieurs, je pense que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, sur lequel la chambre est appelée à délibérer en ce moment, renferme une lacune qu'il est utile de combler.

Selon l'article 137 de la loi du 8 janvier 1817, le droit d'appel était ouvert d'une manière absolue en faveur de tout milicien lésé par une décision d'un conseil de milice. Ce droit d'appel lui était ouvert non seulement contre les décisions contradictoires rendues en matière de milice, mais même encore contre les décisions rendues par défaut.

Sous l'empire de la loi du 8 janvier 1817, le milicien défaillant n'encourait, par le fait de sa non comparution, aucune forclusion de l'appel, mais bien une simple amende, qui était comminée par l'article 127 de cette loi.

Les dispositions de la loi du 8 janvier 1817, sur la faculté de l'appel, ont reçu une atteinte très importante et très grave par la loi du 27 avril 1820. Cette loi a abrogé implicitement la disposition de l'article 127 de la loi du 8 janvier 1817, et elle a déclaré en termes exprès, par son article 38, que toute personne qui, ayant concouru au tirage, n'aurait pas comparu devant le conseil de milice, serait censée n'avoir aucun droit à l'exemption et resterait définitivement soumise à la désignation.

L'article 38 de la loi du 27 avril 1820 refusait ainsi virtuellement l'appel de toute décision rendue par défaut, puisqu'elle plaçait le milicien sous le poids d'une désignation définitive et irrévocable.

Il en est résulté, messieurs, de graves inconvénients dans l'application. Il est telle députation qui a décidé que l'article 38 de la loi du 27 avril 1820 élevait une fin de non-recevoir insurmontable contre l'appel.

Il est telle autre qui, guidée par des motifs d'équité, a admis l'appel dans le cas où le milicien faisait constater qu'il avait été empêché de comparaître devant le conseil de milice.

Selon moi, il est très important de lever toute espèce de doute par la loi nouvelle. Selon moi, il est surtout très important de restituer au milicien lésé par une décision du conseil de milice rendue par défaut, le droit d'en appeler. Il est d'autant plus juste de ne point lui ravir ce droit qu'il n'a pas même la voie d'opposition contre la décision.

J'ai eu occasion de remarquer que l'article 48 de la loi du 27 avril 1820 avait exposé les miliciens à des conséquences extrêmement graves; je pourrais citer certaine commune dont tous les miliciens ont été désignés par le conseil de milice faute de comparution, bien que, par la négligence de l'autorité locale, aucun d'eux n’eût été averti du jour où il devait comparaître devant le conseil de milice.

Je pense donc que, pour faire cesser le retour de semblables abus, pour garantir au milicien lésé par une décision par défaut le droit d'appel comme au milicien lésé par une décision contradictoire, il y aurait lieu de rétablir dans d'autres termes l'article 137, afin que l'on ne puisse plus, sous l'empire de la législation nouvelle, opposer la forclusion dérivant de l'article 38 de la loi du 27 avril 1820.

Il y a encore lieu d'admettre la rédaction nouvelle que je propose, au lieu de l'article 137, afin de mettre le texte eu concordance avec la faculté donnée par l'amendement de M. le ministre de l'intérieur au commissaire de milice d’interjeter appel, faculté qui, jusqu'ici, n'était consacrée par aucune loi.

(page 1428) Ces considérations ont dicté mon sous-amendement qui tend à remplacer les articles 137 et 138 de la loi du 8 janvier 1817 par l'amendement de M. le ministre de l'intérieur qui serait précédé d'un paragraphe ainsi conçu:

« Tontes les décisions des conseils de milice pourront être attaquées par la voie d'appel. »

M. le ministre ne verra sans doute aucune difficulté à se rallier à ce sous-amendement.

M. Lelièvre. - Je me propose de combattre ce sous-amendement; mais avant je désire savoir si M. le ministre de l'intérieur s'y rallie ou ne s'y rallie pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, cet amendement autant que je puis le saisir, est inutile: cet appel est de plein droit. Mais, messieurs, je demanderai que tous les sous-amendements ou amendements nouveaux qui pourront encore surgir soient renvoyés à la section centrale. (Interruption.) Je demanderai surtout que l'on tâche de mettre un terme à ces amendements, sinon, nous allons compliquer beaucoup la discussion. Toutes les dispositions du projet primitif ont déjà successivement disparu à la suite des sous-amendements qui ont été proposés.

M. Jullien. - Je maintiens tout ce que vous avez proposé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'article premier que je propose ne distingue pas ; il ouvre l'appel pour tous les miliciens.

M. Lelièvre. - Je crois devoir combattre l'amendement de l'honorable M. Jullien. En effet, que faisons-nous en ce moment ? Une loi sur le recours en cassation. Il ne s'agit donc pas de nous occuper des appels des décisions des conseils de milice. Sous ce rapport, nous restons sous l'empire des lois de 1817 et de 1820. Du reste, la question soulevée par l'honorable M. Jullien restera entière, et ce sera la cour de cassation qui, éventuellement, la résoudra par interprétation des dispositions législatives en vigueur.

Il me parait nécessaire de nous borner à l'objet que nous traitons spécialement, sans cela la discussion prendra des proportions que le projet ne peut comporter, et il ne s'agira de rien moins que de remettre en question la loi entière sur la milice.

M. Lebeau. - Messieurs, si l'on veut sortir du but spécial que s'est proposé M. Lelièvre, nous nous engagerons dans une voie véritablement sans issue. Il faut bien savoir que la loi de 1817 et la loi de 1820, qui l'a modifiée, contiennent à elles deux plusieurs centaines d'articles. Je signale à l'avance l'écueil vers lequel le système de l'honorable M. Jullien nous porte certainement contre ses intentions.

La modification, messieurs, est, du reste, parfaitement inutile. J'en concevrai, jusqu'à un certain point, l'utilité, si nous n'instituions pas le pourvoi en cassation. Remarquez que la disposition est générale, et dans les matières administratives, on interprète ordinairement les lois dans un sens beaucoup plus large qu'en matière purement judiciaire ; il faudrait une restriction pour que la députation permanente ne statuât point, bien qu'on eût été défaillant devant le conseil de milice. Mais comme il y aurait eu là une véritable violation de la loi, on en aurait raison par le recours en cassation, remède qui n'existe pas aujourd'hui.

Je crois donc, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Jullien est complètement inutile. Je ne la repousse que sous ce rapport et uniquement par la crainte qu'en l'acceptant on n'encourage à modifier la législation en dehors de l'objet spécial du projet actuel, le recours en cassation.

M. Jullien. - Messieurs, on me reproche de vouloir introduire dans le projet de loi en discussion des innovations qu'il faudrait laisser à l'écart. Nous nous occupons, dit l'honorable M. Lelièvre, d'un projet de loi sur les pourvois en cassation en matière de milice; nous ne nous occupons pas des pourvois d'appel. Mais, messieurs, nous nous occupons des pourvois d'appel, puisque M. le ministre de l'intérieur vous a saisis d'un amendement sur l'exercice de l'appel ; si donc il y a une innovation, elle est tout entière l'œuvre de M. le ministre de l'intérieur, elle ne se rencontre nullement dans mon sous-amendement, qui n'est que la conséquence de l'amendement de M. le ministre de l'intérieur.

Ce sous-amendement, dit-on, n'est pas utile; pour moi, messieurs, je le trouve extrêmement utile. Je le trouve nécessaire, non seulement afin de faire cesser les différences d'interprétation des dispositions de la loi de 1817 et de la loi du 27 avril 1820, sur l'appel des décisions de défaut prononcées par les conseils de milice, mais encore pour garantir à l'avenir ce droit au milicien défaillant.

Si vous ne déclarez pas en principe que toutes les décisions, en matière de milice, soit contradictoires, soit par défaut, seront susceptibles d'appel, vous laissez alors dans son entier l'article 38 de la loi du 27 avril 1820, article dans lequel on ne manquera pas de puiser une fin de non-recevoir contre la faculté d'appel en ce qui regarde les décisions prises par défaut.

Il n'y a pas plus d'inconvénient à adopter mon sous-amendement qu'il n'y a d'inconvénient à adopter les règles nouvelles qui vous ont été soumises dans l'amendement de M. le ministre de l'intérieur.

C'est à tort que l'on a prétendu que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur ne formule rien de nouveau en matière d'appel ; je dis, moi, que l'amendement consacre plusieurs innovations ; non seulement il règle, d'une manière nouvelle, les délais pour l'exercice de l'appel, mais il accorde aux commissaires de milice le droit de se pourvoir en appel, tandis que précédemment cette faculté ne leur était ouverte par aucune disposition législative. Nous faisons donc en réalité une loi nouvelle sur l'exercice de l'appel ; dès lors il y a utilité incontestable, pour les motifs que j'ai fait ressortir, à poser en principe que toutes les décisions des conseils de milice seront susceptibles d'appel, sans distinction entre les décisions contradictoires et les décisions par défaut.

M. Tesch, rapporteur. - Messieurs, il n'y a absolument aucun inconvénient à adopter le sous-amendement qui a été présenté par l'honorable M. Jullien. Il a l'avantage de faire trancher par la législature une question qui évidemment serait portée devant la cour de cassation. Quant à moi, je pense que la cour de cassation devrait décider que les décisions rendues par défaut par les conseils de milice ne peuvent pas être portées devant les députations permanentes ; eh bien, je crois que si la cour de cassation se prononçait dans ce sens, ce serait une décision trop rigoureuse, et le gouvernement serait forcé dans quelque temps de venir proposer aux chambres de modifier la loi sous ce rapport.

Aujourd'hui, comme nous nous occupons de cette matière, je le répète, je ne vois aucun inconvénient à accepter le sous-amendement de l'honorable M. Jullien. Comme on l'a dit, nous réglementons, en ce moment, en réalité, l'exercice de l'appel. Quant au droit qui est concédé aux commissaires d'arrondissement par une disposition législative, on ne fait que régulariser un état de choses qui existe déjà. (Interruption.) Ce droit des commissaires n'est pas, à la vérité, écrit soit dans la loi de 1817, soit dans celle de 1820, mais il résulte d'une circulaire adressée en 1825, si je ne me trompe, par M. le ministre de l'intérieur à tous les commissaires d'arrondissement, et je ne sache pas que les appels qu'ils ont interjetés aient été déclarés non recevables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas d'inconvénient à adopter, au moins provisoirement, l'amendement de l'honorable M. Jullien.

M. Delfosse. - Messieurs, il y a d'abord un léger changement de rédaction à faire au deuxième paragraphe de l'article nouveau proposé par M. le ministre de l'intérieur; au lieu de dire : « s'il concerne », il faut dire : « si l'appel concerne ».

M. le ministre de l'intérieur réduit à 15 jours le délai de 3 mois accordé par la loi sur la milice, et il fait courir le délai à partir de la publication prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817.

Je fais remarquer à M. le ministre que cet article prescrit deux publications ; je crois que, dans la pensée de M. le ministre de l'intérieur, le délai doit courir à partir de la première publication. C'est une seconde modification que je propose.

Le dernier paragraphe porte que « la députation statue en dernier ressort et dans un délai de 30 jours, etc. »

Il est inutile de dire que la députation statue en dernier ressort. Cela résulte de ce qu'elle statue en appel et de ce qu'il n'y a, contre ses décisions, d'autre recours que le pourvoi en cassation. Je propose donc la suppression des mots en dernier ressort.

- Le sous-amendement de M. Jullien et les changements de rédaction proposés par M. Orts, auxquels le gouvernement se rallie, sont successivement adoptés. L'art. 1er ainsi modifié est adopté.

Article 2 (article premier du projet de la section centrale

« Art. 2. (Article premier du projet de la section centrale.) Les décisions rendues en matière de milice par les députations permanentes des conseils provinciaux devront être motivées à peine de nullité.

« Elles contiendront, sous la même peine, les noms, prénoms, profession et domicile des personnes qui auront interjeté appel de la décision du conseil de milice. »

Les amendements présentés à cet article sont ainsi conçus :

Amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur.

« Les décisions rendues par les députations permanentes devront être motivées, à peine de nullité. « Elles contiendront (comme au projet).

Amendement présenté par M. Orts.

« Ajouter après le mot : « milice », les mots : « et de garde civique ».

« Supprimer à la fin les mots : « du conseil de milice. »

Amendement présenté par M. Lelièvre.

« 1° Supprimer le paragraphe 2 de l'article premier.

« 2° Si ce paragraphe n'est pas supprimé, le rédiger en ces termes : « Elles contiendront, sous la même peine, les noms, prénoms et domicile des personnes qui auront été nominativement en cause devant la députation. »

M. Lelièvre. - Je pense qu'il y a lieu à supprimer le paragraphe 2 de l'article 2 qui frappe de nullité toute décision de la députation, si elle ce contient pas les noms, prénoms et domicile de ceux qui ont interjeté appel.

Ce système de nullité ne paraît pas fondé; il est évident que l'omission est trop insignifiante pour entraîner une conséquence aussi exorbitante.

Ainsi, messieurs, la décision la mieux motivée, la mieux fondée pourrait être arguée de nullité à ce titre.

D'un aune côté l'inspection du dossier fait connaître à l'instant même les individus qui ont été en cause devant la députation. On ne peut donc considérer comme substantielle l'énonciation en question dans l'ordonnance, et à ce point de vue le système de la section centrale me paraît en opposition avec les principes de procédure sainement entendus. Si la (page 1429) suppression n'était pas accueillie, en ce cas je demande subsidiairement que le paragraphe 2 soit conçu de la manière suivante :

« Elles contiendront, sous la même peine, les noms, prénoms, professions et domiciles des personnes qui auront été nominativement en cause devant la députation. »

Peu de mots suffiront pour justifier ma proposition subsidiaire.

Le but de l'amendement de la section centrale est de faire connaître celui auquel le pourvoi doit être signifié. Or pour atteindre ce but, il ne suffit pas de désigner celui qui a interjeté appel de la décision du conseil de milice, il faut désigner toutes les personnes nominativement en cause devant la députation.

Je suppose une décision du conseil de milice qui rejette l'exemption. C’est le milicien qui interjette appel, d'autres individus sont intervenus devant la députation pour contester l'exemption.

Le milicien qui succombe devant la députation devra notifier son recours à ces personnes qui ont contesté son appel et l'ont fait rejeter. Il est donc nécessaire que la décision contienne les noms de tous les individus nominativement en cause.

J'entends l'honorable M. Tesch me dire qu'il n'y a pas lieu à intervention. C'est une erreur, on sait que si, par exemple, un milicien désigné pour le service appelle devant la députation, d'autres intéressés peuvent s'adresser à cette autorité pour demander le maintien de la décision du conseil de milice, l'intervention en cause résulte de toute requête par laquelle ils s'opposent à l'exemption réclamée.

Eh bien, s'ils réussissent vis-à-vis du milicien, il est clair qu'aux termes de l'article 6 du projet ils doivent être notifiés du pourvoi. Il est donc nécessaire d'observer à leur égard la formalité requise par la section centrale, et par conséquent d'adopter la seconde partie de mon amendement.

M. Orts. - Mon amendement, en définitive, est fort simple; il porte qu'on appliquera aux décisions en matière de garde civique ce qu'on veut appliquer aux décisions en matière de milice : c'est-à-dire l'ouverture au recours en cassation, en cas de violation de la loi.

A part la rédaction, sur laquelle je n'insiste pas, la chambre n'a au fond à se prononcer que sur une question ; celle de savoir si l'on veut faire, pour les décisions en matière de garde civique, ce que l'on fait pour les décisions en matière de milice.

Cette proposition n'est pas neuve. Déjà dans le projet de loi sur la même matière présenté à la chambre dissoute l'année dernière, les pourvois en matière de garde civique étaient introduits à côté des pourvois en matière de milice. Si cette chambre n'a pas été appelée à cette époque à résoudre la question, au moins y a-t-il dans la présentation du projet un précédent favorable à ma manière de voir.

J'ajouterai qu'à la section centrale, lors de l'examen du projet actuel, la même proposition a été reproduite. La section centrale l'a repoussée

Par des considérations résumées dans le rapport et qui consistent à dire que la mauvaise appréciation que peut faire une députation en matière de garde civique ne consiste que dans des injustices individuelles, tandis qu'en matière de milice ces décisions peuvent léser les tiers, puisqu'une exemption indûment accordée a pour conséquence de faire marcher un autre milicien.

Pour combattre ma proposition, on ajoute que les décisions de la députation permanente en matière de garde civique ne sont en général que des appréciations de fait qui échappent au contrôle de la cour de cassation. Il est exact de dire que, dans notre législation, les erreurs de fait commises par des tribunaux inférieurs ne peuvent donner ouverture au recours en cassation ; il faut une violation expresse de la loi.

La section centrale, en résumant les motifs qui ont fait écarter cette proposition formulée dans son sein par l'honorable M. Van Hoorebeke (je puis le nommer sans indiscrétion, puisqu'il s'est nommé hier lui-même à la chambre) ; la section centrale, dis-je, a jugé à propos de ne pas placer en regard des raisons qui l'ont déterminée celles qui avaient déterminé l'honorable auteur de la proposition. Je me permettrai donc de faire une courte réponse aux objections que la section centrale a présentées à mon système.

Il est facile de démontrer à la chambre qu'il y a parité de motifs pour faire, au sujet des décisions en matière de garde civique, ce qu'on fait au sujet des décisions en matière de milice.

Ce sont, dit-on, des injustices individuelles qui n'ont aucune conséquence pour les tiers. Mais pourquoi une injustice individuelle serait-elle tolérée en matière de garde civique plutôt qu'ailleurs, alors qu'elle entraînerait une violation de la loi? Avec ce principe, on pourrait refuser le pourvoi en cassation en matière ordinaire; car lorsqu'un individu plaide devant les tribunaux, quels sont les intérêts qui sont en jeu? Des intérêts individuels; s'il y a une injustice, elle n'est qu'individuelle. Si donc vous refusez par ce motif le recours en cassation en matière de garde civique, vous devez également le refuser en matière ordinaire.

Cette première objection me paraît extrêmement faible, elle ne prouve, rien parce qu'elle prouve trop.

Quant au deuxième motif, qui consiste à présenter le bénéfice que je réclame comme sans application dans la pratique, comme une pure abstraction théorique, c'est une erreur complète. En matière de garde civique, le conseil de recensement, comme juge de première instance, la députation, comme juge d'appel, peut statuer, et statue fort souvent sur l'application de la loi. De sorte que si elle applique bien la loi elle s'y conforme, si elle l'applique mal, elle la viole, et par conséquent il y a ouverture à pourvoi en cassation. Pour s'en convaincre il suffit de prendre la section 4 de la loi sur la garde civique votée l'année dernière; vous verrez aux articles 21, 22 et 23 quelles sont les questions qui peuvent être soumises au conseil de recensement : ce conseil juge toutes les exemptions de service, il juge quelque chose de plus important ; ce sont les exclusions qui, lorsqu'elles sont prononcées à tort par le conseil de recensement et maintenues en appel, par la députation, peuvent flétrir un individu vis-à-vis de ses concitoyens, de la manière la plus dure, la plus révoltante.

En effet, le conseil de recensement et la députation peuvent décider contrairement à la vérité, que vous avez été condamné à une peine afflictive et infamante, que vous avez été condamné pour vol, escroquerie, vagabondage, etc., que vous avez été privé de l'exercice de vos droits civils et politiques et que, par conséquent, on vous juge indigne de figurer dans les rangs de la garde civique. Or, si l'on prononçait une telle exclusion erronée, ce serait une flagrante violation de la loi. Ce serait prêter ouverture à cassation évidemment, que décider que tel qui demande à être inscrit sur les contrôles de la garde civique est privé de ses droits civils et politiques.

Ne serait-ce pas pour l'individu lésé par une décision semblable une fausse application de la loi du pays? Ne serait-il pas aussi de toute justice de lui permettre de recourir à la cour suprême pour faire réformer cette décision?

D'un autre côté, tels fonctionnaires ont droit à l'exemption ; méconnaître ces droits que la loi consacre, c'est encore là un cas de recours en cassation, sinon les exemptions peuvent donner lieu à l'arbitraire le plus complet.

Et que la chambre veuille le remarquer, ces exemptions accordées à certains fonctionnaires n'ont pas été établies en vue de leur personnalité, mais de l'intérêt public, qui exige que ces personnes ne soient pas distraites de leurs fonctions par le concours au service de la garde civique.

Autre exemple : il peut arriver dans le cas de l'article 22 que le conseil de recensement statue sur la question de savoir si un individu est Belge ou ne l'est pas. Les consuls, d'après cet article, ne sont exemptés que par exception quand ils sont étrangers. Un consul est inscrit sur les contrôles de la garde civique, et va se présenter devant le conseil de recensement ; on prétend qu'il est Belge ; il ne l'est pas. On le fait Belge malgré lui. Ce sont là des questions qui sont soumises au pourvoi en cassation quand elles ont été portées devant les tribunaux ordinaires.

En définitive, messieurs, je ne vois pas pourquoi vous refuseriez le bénéfice du pourvoi devant la cour de cassation pour les décisions des députations dans un cas, lorsque vous l'admettez dans d'autres. Le dernier motif qu'on allègue pour fonder cette différence peu équitable, consiste à dire qu'il vaut mieux faire une loi spéciale sur les recours en cassation, en matière de garde civique. Mais pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui, si ce qu'il s'agit de faire est bon ? Nous nous occupons des pourvois contre les décisions des députations, aujourd'hui , c'est-à-dire d'une matière analogue. Nous ne savons pas quelles seront nos préoccupations demain. Un retard peut avoir pour conséquence, si des matières plus urgentes réclament l'attention de la chambre, d'ajourner indéfiniment la promulgation d'une loi qu'on reconnaît juste dans son principe. Je pense que ces considérations détermineront la chambre à ne pas admettre l'opinion acceptée par la majorité de la section centrale et à adopter celle de la minorité, reproduite par ma proposition.

M. Tesch, rapporteur. -Si le rapport ne contient pas les motifs sur lesquels on s'est appuyé pour faire admettre le recours en cassation contre les décisions des députations en matière de garde civique , c'est que ces développements n'ont pas été produits devant la section centrale. On s'est borné à reproduire la proposition sans l'appuyer des raisons présentées par l'honorable M. Orts.

Je ne conteste pas l'utilité qu'il peut y avoir à admettre en matière de garde civique le principe que nous consacrons en matière de milice ; mais ce que je conteste, c'est l'opportunité, la convenance de le faire par la même loi.

J'ai dit hier que les intérêts qui existaient en matière de milice étaient différents de ceux qui existent en matière de garde civique. En effet, les décisions en matière de milice intéressent tous ceux qui, dans une commune, ont concouru au tirage. Souvent des exemptions provisoires exercent même une influence sur les contingents des années suivantes. Ainsi, l'individu exempté provisoirement, s'il est désigné l'année suivante, prend la place d'un individu qui aurait dû partir.

En matière de garde civique, il n'y a d'engagé que la société d'un côté et un individu de l'autre; l’exemption de l'un ne peut préjudicier à un autre garde. De cette différence d'intérêt doit naître une différence dans la manière de procéder, une différence quant aux individus auxquels vous devez accorder le recours en cassation. Est-ce que la chambre voudra accorder le recours en cassation à tous les gardes inscrits qui voudraient s'élever contre les exemptions? Veut-on aller jusque-là?

Vous pouvez et vous devez admettre cela en matière de milice, parce que tous les individus de la classe sont intéressés à ce que l'exemption n'ait pas lieu. La chambre n'admettra pas que tous les individus d'une localité puissent se pourvoir contre les exemptions en matière de garde civique.

Il faudrait donc commencer par rayer le paragraphe2 de l'article en discussion, parce qu'il implique le droit d'appel donné à tous les individus qui feront partie de la garde civique. Le texte même de l'amendement de M. Orts prouve qu'on ne peut pas réglementer par les mêmes expressions deux (page 1430) choses aussi différentes. Ainsi, il propose de dire à l'article 2 : « à la partie intéressée », au lieu de : « au milicien désigné ».

Je comprends qu'en matière de garde civique, les mots : « partie intéressée, » ne puissent donner lieu à aucune difficulté; mais il y en aurait en matière de milice ; en matière de garde civique, cela s'entendra de l'individu dont ou aura prononcé l'exemption ou l'exclusion, mais en matière de milice, sera-ce le milicien qu'on aura exempté ou le milicien qui devra partir au lieu et place de l'exempté ? Vous voyez qu'il y a là deux ordres de choses qui ne peuvent pas être réglementées par la même disposition.

La chambre agirait prudemment en faisant une loi spéciale sur les pourvois en matière de garde civique ou en ajournant cette question jusqu'au moment où l'on révisera la loi sur la garde civique elle-même. Car le recours en cassation en matière de garde civique devra dépendre de la manière dont vous organiserez votre garde civique. Ainsi si vous faites deux bans, il devra y avoir des règles spéciales pour chaque ban. Cela dépendra des exemptions que vous insérerez dans la loi. Ici tout se lie. Si vous admettez, par exemple, les mêmes exemptions que pour l'armée en cas de mobilisation, vous devrez admettre pour la garde civique la même manière de procéder que pour l'armée. Que si, au contraire, vous restreignez vos exemptions, le mode de procéder devra encore subir des modifications.

Je crois donc qu'il faut une loi tout à fait à part pour la garde civique.

J'ai aussi quelques mots à répondre à ce que vous a dit tantôt l'honorable M. Lelièvre. La disposition qu'il critique est celle-ci :

« Elles (les décisions) contiendront, sous la même peine, les noms, prénoms, profession et domicile des personnes qui auront interjeté appel de la décision du conseil de milice. »

L'honorable M. Lelièvre trouve cette disposition inutile. Eh bien! cette disposition est indispensable dans la loi.

L'article 6 porte : « Le pourvoi est notifié dans les dix jours, à peine de déchéance, à toute personne nominativement en cause. »

Ainsi le pourvoi doit être notifié, à peine de déchéance, à toute personne nominativement en cause. Que faut-il donc ? Il faut que les décisions mentionnent les individus qui ont été nominativement en cause. Il faut que je trouve dans les pièces émanées de la députation tous les éléments nécessaires pour le pourvoi en cassation.

Ces deux articles sont en corrélation intime. Vous ne pouvez, d'un côté, frapper de déchéance le pourvoi qui n'aurait pas été notifié à toute personne nominativement en cause, sans frapper en même temps de nullité les décisions de la députation qui ne feraient pas connaître à celui qui doit se pourvoir, les personnes à qui le pourvoi doit être notifié.

L'honorable M. Lelièvre dit : On pourra aller compulser les dossiers. Il faut alors mettre dans la loi que les greffiers provinciaux devront mettre les dossiers sous les yeux de tous ceux qui se présenteront. Et si l'un de ces appels ne se trouve pas au dossier, si, par une cause quelconque, il ne tombe pas sous les yeux de la personne qui ira prendre des renseignements au bureau du gouvernement provincial, en vertu de l'article 6, ce pourvoi qui n'aura pas été notifié à la partie, sera frappé de nullité.

Mais il y a encore une autre raison péremptoire pour le maintien de la disposition : c'est que la cour de cassation devra aussi examiner si la procédure est régulière. Or, comment pourra-t-elle examiner si le pourvoi a été notifié dans les dix jours aux personnes nominativement en cause, si dans les décisions émanées de la députation, elle ne trouve pas les personnes nominativement en cause? La cour de cassation devra donc s'adresser au gouvernement provincial des différentes provinces pour connaître les individus qui ont été nominativement en cause?

Il est évident que l'article, tel qu'il est proposé par la section centrale, doit être maintenu.

Quant à la rédaction proposée par l'honorable M. Lelièvre, je ne vois pas d'inconvénient à l'admettre. Qu'on dise : « elles contiendront, sous la même peine, les noms, prénoms, professions et domicile des personnes qui auront interjeté appel de la décision du conseil de milice » ; ou que l'on dise : « Elles contiendront, sous la même peine, les noms, prénoms et domicile des personnes qui auront été nominativement en cause devant la députation », c'est à peu près la même chose.

On ne peut être en cause que de deux manières : ou l'on est en cause parce qu'on est soi-même sujet à la visite, qu'on est l'objet de la décision, ou parce qu'on a interjeté appel. Eh bien, quand on est en cause parce qu'on est l'objet de la décision qui doit intervenir, il est évident qu'on doit figurer dans la décision. D'un autre côté, quand on interjette appel, le paragraphe exige que les décisions contiennent les nom, prénoms, profession et domicile des personnes qui interjettent l'appel. Il est vrai qu'il peut y avoir des interventions ; pour prévoir ce cas, on peut adopter la rédaction de l'honorable M. Lelièvre, et dire que les décisions contiendront les noms, prénoms et domicile des personnes qui auront été nominativement en cause devant la députation.

M. Delfosse. - J'avais demandé la parole pour présenter les observations qui ont été produites par l'honorable M. Tesch.

J'ajouterai seulement qu'il n'y a pas le moindre inconvénient à adopter la rédaction proposée par l'honorable M. Lelièvre. Cette rédaction est entièrement conforme à celle que la section centrale propose à l'article 6.

Je ne puis admettre la proposition que l'honorable M. Lelièvre fait de supprimer le paragraphe 2 de l'article premier. Je ferai remarquer à l'honorable M. Lelièvre qu'il va trop loin, qu'il va au-delà de son but quand il propose la suppression du paragraphe tout entier.

L'honorable membre reconnaît que les formalités prescrites par le paragraphe 2 de l'article premier sont utiles ; seulement il ne veut pas que l'omission de ces formalités soit une cause de nullité. Il devrait donc modifier son amendement en ce sens que l'on supprimerait, non pas le paragraphe tout entier, mais seulement la partie de ce paragraphe qui prononce la peine de la nullité pour le cas où les formalités ne seraient pas remplies. Mais il est préférable d'admettre le paragraphe tel qu'il est proposé par la section centrale, sauf le changement de rédaction indiqué par l'honorable M. Lelièvre. L'honorable M. Tesch a très bien démontré qu'il est essentiel que les formalités indiquées au paragraphe 2 soient prescrites à peine de nullité.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Orts est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

La suppression du paragraphe 2, proposée par M. Lelièvre, n'est pas adoptée.

La rédaction de ce paragraphe, proposée subsidiairement par M. Lelièvre, est adoptée.

L'article ainsi modifié est adopté.

Article 2

« Art. 2. Lorsque ces décisions prononceront la désignation pour le service, elles seront, à la requête du gouverneur, notifiées dans les quinze jours au milicien désigné.

« Lorsqu'elles prononceront une exemption définitive ou provisoire du service, elles seront, dans le même délai, portées à la connaissance des habitants de la commune de la manière prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817, et notifiées aux parties qui s'étaient pourvues en appel contre la décision du conseil de milice.

« Ces décisions seront portées, dans les quinze jours, à la connaissance des habitants de la commune, de la manière prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817. »

M. Jullien a proposé l'amendement suivant :

« Remplacer l'article 2 par la disposition suivante :

« Ces décisions seront notifiées, dans les quinze jours de leur date, à la partie appelante et à la partie intimée, par lettre du greffier provincial chargée à la poste.

« Les décisions qui prononceront une exemption définitive ou provisoire seront, en outre, mentionnées, par extrait, dans les états nominatifs, lettres ce, dont la publication est prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817.

« Rédiger l'avant-dernier paragraphe de l'article 3 en ces termes :

» Par les autres intéressés, dans les 15 jours, à partir de la première publication des états nominatifs, lettres cc. »

M. Jullien. - Messieurs, l'amendement que j'ai l'honneur de présenter à la chambre m'a été suggéré par le premier projet de loi qui nous a été soumise par la section centrale elle-même. Dans l'article 2 du projet en discussion, la section centrale avait reconnu qu'il y avait nécessité de notifier les décisions de la députation aux miliciens qui avaient été parties dans l'instance d'appel.

La section centrale n'indiquant pas quel devait être le mode de notification, nous en avions tous inféré que les notifications devaient avoir lieu par le ministère d'huissier. Aujourd'hui, messieurs, la section centrale abandonne son premier système et elle se borne à proposer de notifier les décisions des députations par voie d'affiches dans les communes, conformément à l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817.

En principe, il ne peut échoir de faire courir le délai du pourvoi contre une décision d'appel, qu'autant que les parties intéressées en aient été touchées. Ce principe, messieurs, me paraît incontestable.

Eh bien, nous n'avons qu'à nous demander une chose : le mode proposé par la section centrale pour porter à la connaissance des miliciens intéressés les décisions des députations, atteindra-t-il, en réalité, ce but? En réalité, le milicien appelant, le milicien intimé seront-ils bien, par voie d'une affiche dans les communes, touchés des décisions elles-mêmes? La solution négative de cette question ne peut être douteuse en présence de ce qui se passe dans les communes.

Vous savez, messieurs, comment s'opère cette formalité de l'affiche ; dans la plupart des communes souvent on la néglige ; si elle a lieu, les affiches ne restent apposées que pendant très peu de temps ; le premier venu les enlève, il n'en reste plus aucune trace et les intéressés sont ainsi souvent privés de pouvoir en prendre connaissance. Dans beaucoup de communes les affiches s'apposent sur la porte du domicile du bourgmestre; le bourgmestre peut habiter une section éloignée du centre de la commune ; faudra-t-il que là les miliciens qui ont été parties dans une procédure d'appel se transportent au domicile du bourgmestre pour prendre connaissance de l'affiche?

La lecture, dira-t-on, de l'affiche doit être faite, aux termes de l'article 150, pendant deux dimanches. D'abord, messieurs, je ferai observer que la section centrale fait partir le délai de pourvoi de la première lecture, mais où celle lecture s'opérera-t-elle? Sera-ce dans la paroisse chef-lieu? S'opérera-t-elle dans d'autres paroisses, auxquelles ressortissent souvent différentes sections de la commune ? Il est des communes, notamment dans le Luxembourg, qui embrassent jusqu'à 12 sections; dans ces communes, il y a 2 ou 3 paroisses distinctes ; je demande à la section centrale dans laquelle de ces paroisses se fera la lecture, dans laquelle de ces paroisses s'apposera l'affiche ?

Il pourra, messieurs, surgir d'autres inconvénients de l'application de la disposition qui nous est soumise: il n'est pas sans exemple que des affiches (page 1431) n'aient pas été apposées, précisément parce que le fonctionnaire qui était chargé de les faire apposer avait intérêt à ne pas laisser accomplir cette formalité qui devait porter à la connaissance des miliciens intéressés des dispositions qui lui étaient favorables, à lui ou aux siens, et contre lesquelles les miliciens auraient pu se pourvoir.

Un autre inconvénient, messieurs, résultera du système de la section centrale. La section centrale vous propose de décider que tous les 15 jours les députations devront transmettre les décisions qu'elles prendront, en matière de milice, pour être affichées dans les communes. Il y aura donc, en quelque sorte, autant d'affiches que de décisions ; cependant, ne perdez pas de vue que l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817, auquel se réfère la publicité dont parle la section centrale, ne prévoit qu'une seule transmission d'états nominatifs littera cc. Cette transmission se fait, aux termes du même article, en même temps que le gouvernement provincial expédie les ordres de départ aux miliciens désignés pour le service. C'est, messieurs, ce qui résulte bien clairement du texte de l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817.

D'après cet article il ne doit y avoir qu'une seule transmission d'états ; dans le système de la section centrale, il y aura des transmissions nombreuses, des affiches nombreuses, et on augmentera ainsi sans nécessité le travail du gouvernement provincial, et des autorités communales.

La section centrale ne fait pas connaître si l'on affichera les décisions en entier ou par de simples extraits : elle ne dit pas non plus si la mention des décisions sera faite dans les états nominatifs cc, on dira s'il faudra des états particuliers, renseignant les décisions de la députation, indépendamment des états nominatifs cc.

Voilà les lacunes et les inconvénients que présente l'amendement nouveau de la section centrale, tout à fait en opposition avec son premier projet.

Messieurs, je ne suis pas partisan du système de notification des décisions des députations en matière de milice, par le ministère d'huissier.

Il faut, autant que possible, dans ces sortes de matières tout administratives, éviter l'intervention des officiers ministériels et les frais qu'elle occasionne.

C'est pour obvier à cet inconvénient que j'ai pensé qu'il serait possible de notifier les décisions des députations par un mode qui n'entraînerait de frais ni pour le gouvernement, ni pour les miliciens qui auraient plaidé devant ces corps. Ce mode, je l'ai puisé dans la loi du 20 mai 1845 qui trace comme mode de notification envers les magistrats qu'il s'agit de mettre à la retraite, une lettre du greffier de la cour, chargée à la poste.

Il me paraît que nous pouvons également admettre comme voie de notification en matière de milice, une lettre du greffier provincial chargée à la poste, et renfermant, soit pour la partie appelante, soit pour la partie intimée, l'envoi de la décision de la députation permanente.

De cette manière, nous aurons la certitude que les miliciens qui auront été parties en cause seront avertis et touchés de toutes les décisions d'appel, sans frais ni pour eux ni pour le gouvernement, et nous prendrons une mesure qui garantira à ces miliciens la faveur de l’entièreté du délai de 45 jours pour se pourvoir contre les décisions qui leur inféreraient griefs.

- L'amendement est appuyé.

M. Lelièvre. - Messieurs, plusieurs considérations m'empêchent de me rallier à l'amendement de l'honorable M. Jullien. D'abord le système qu'il renferme est contraire au vote émis par la chambre sur l'article premier. En effet, d'après cette dernière disposition, le délai d'appel contre les décisions du conseil de milice prend cours à partir de la publication prescrite par l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817. Or, si cette publication suffit pour faire courir le délai d'appel, on se demande pourquoi une formalité de même nature ne pourrait pas déterminer le point de départ du pourvoi en cassation. La chambre ne saurait adopter la proposition de M. Jullien sans revenir sur sa propre décision.

Du reste, lorsqu'on se livre à un examen attentif de l'article 150 dont il s'agit, on reste convaincu que la publicité qu'il prescrit suffit pour donner connaissance de la décision de la députation à tous les intéressés. L'affiche et la lecture publique énoncées en cette disposition, ne laissent rien à désirer.

D'après la rédaction des articles 2 et 3, arrêtée entre la section centrale et moi, la même formalité fera connaître la décision à tous les intéressés ; M. Jullien convient lui-même qu'elle suffit à l'égard de ceux qui ne sont pas nominativement en cause; mais si elle est suffisante à leur égard, pourquoi ne le serait-elle pas vis-à-vis de tous?

Ce qui prouve qu'il doit en être ainsi, c'est que les individus qui ont figuré en instance devant la députation doivent même plus que les autres avoir leur attention éveillée sur la décision qu'ils doivent s'attendre chaque jour de voir paraître.

D'un autre côté, l'état de chose que je maintiens, présente encore un autre avantage ; le délai du pourvoi sera le même pour tous les intéressés. Il n'y aura qu'un seul point de départ vis à vis de tous, et il doit en être ainsi dans une matière où il s’agit d’un objet indivisible. En pareille occurrence l’un des intéressés ne peut être forclos du pourvoi, lorsqu’un autre se trouve encore dans le délai pour impugner la décision de la députation. Dans le système de M. Jullien, au contraire, il existerait des délais différents vis-à-vis de certains intéressés, ce qui résiste évidemment à l'indivisibilité de l'exécution de la décision de la députation.

Enfin, messieurs, il est du devoir du législateur de simplifier la procédure et d'être sobre de formalités. Sous ce rapport la proposition de l'honorable M. Jullien complique sans utilité les formes du pourvoi et à ce point de vue aussi, on doit lui préférer le système que je défends.

M. Tesch, rapporteur. - Messieurs, les deux systèmes ont des inconvénients. Le principe de notification était écrit dans la proposition de l’honorable M. Lelièvre ; il avait été adopté d'abord par la section centrale, mais après un nouvel et mûr examen, la section en est revenue à n'admettre qu'un système uniforme pour porter à la connaissance de tous les intéressés la décision des députations.

Voici les motifs qui ont déterminé la conviction de la section centrale :

Etablir deux modes différents, c'est évidemment compliquer la procédure. Je l'ai déjà dit, tous les individus d'une classe ont intérêt aux décisions prises en matière de milice. Si la simple affiche est suffisante pour les uns, elle doit suffire aussi pour les autres.

D'un autre côté, admettre deux modes de procéder différents, pour porter à la connaissance des intéressés les décisions rendues en matière de milice, ce serait donner lieu à de très graves inconvénients : vous auriez sur une même décision plusieurs pourvois en cassation.

Ainsi un milicien a été touché d'une notification dans un délai de quinzaine; il doit se pourvoir et se pourvoit dans le même délai, tandis que pour un autre milicien de la même classe le délai ne courra que deux ou trois mois après, lorsque la publication aura été faite. S'il se pourvoit contre la même décision, la cour de cassation sera appelée de nouveau à statuer sur un pourvoi qui déjà aura été soumis à ses délibérations. C'est là un très grave inconvénient qu'il faut éviter.

Maintenant il est très difficile de trouver un mode de notification convenable. Si on emploie le ministère d'huissier, et que les décisions des députations ne soient pas suivies d'un pourvoi, l'Etat supportera les frais des notifications qu'il aura faites, et ces frais pourront s'élever à une somme considérable pour tout le pays. Quant à la notification administrative, celle qui se fait par un agent de la police locale, je crois que ce serait leur confier un devoir trop important que de les faire faire par eux. L'honorable M. Jullien veut que cette notification se fasse par lettre chargée à la poste.

A mon avis c'est le plus mauvais système qu'on puisse choisir; car qu'est-ce qui garantira qu'un milicien a été averti qu'il y a au bureau de poste voisin une lettre chargée à son adresse? Les lettres chargées ne sont pas remises à domicile. Vous êtes informé, soit par le piéton, soit par un bulletin, qu'il y a une lettre chargée à votre adresse. Je pense que le sort des pourvois, dans ce système, dépendrait du bon ou du mauvais vouloir des percepteurs de postes et des piétons.

Messieurs, il vaut beaucoup mieux qu'il n'y ait qu'un seul délai clairement déterminé par la loi, que tout le monde connaisse, et endéans lequel les miliciens doivent se pourvoir. D'ailleurs, les personnes qui se sont occupées d'affaires de milice, savent que les miliciens n'attendent pas le jour de la notification ; ils sont informés, le jour même, de la décision rendue, et ils se pourvoient immédiatement ; de sorte que ces notifications sont d'ordinaire parfaitement inutiles.

Mais il y a plus, l'amendement de l'honorable M. Jullien consacrerait, à mon avis, la plus singulière anomalie.

Voici ce que porte l'amendement de l'honorable M. Jullien :

« Les décisions qui prononceront une exemption définitive ou provisoire seront, en outre, mentionnées par extraits dans les états nominatifs litt. cc, etc., etc. »

Eh bien, ces états nominatifs dont l'article 110 de la loi du 8 janvier ordonne la publication ont pour effet de faire courir les délais de l'appel. C'est ce que porte formellement l'article 138 de la loi sur la milice.

Voici cet article :

« Art. 138. Ceux qui voudraient en appeler seront tenus de s'adresser, par écrit, aux députés des états provinciaux qui jugeront en dernier ressort.

« Si l'appel est relatif à une décision pour le service, l'appel devra avoir lieu dans les 8 jours après la décision du conseil de milice ; et s'il s'agit d'une exemption accordée, il devra se faire dans les trois mois de la publication des états nominatifs dont il est parlé à l'article 150. »

Ainsi, comme la chambre le voit, ces états nominatifs dans lesquels l'honorable M. Jullien voudrait faire mentionner la décision de la députation, font courir seulement, lorsqu'ils sont publiés, le délai d'appel des décisions du conseil de milice. Vous voulez que, dans ces états, on mentionne déjà les décisions rendues en appel? C'est impossible. Ce serait l'effet qui précéderait la cause. Ce n'est qu'à la suite de cette publication que court le délai d'appel.

Maintenant, l'honorable M. Jullien a perdu de vue que nous modifions considérablement, par l'article premier, le délai dans lequel l'appel doit être interjeté. D'après la loi actuelle, on peut se pourvoir en appel pendant trois mois. Il en résulte que les décisions peuvent se succéder à des intervalles très éloignés. Mais le délai étant maintenant restreint dans des bornes beaucoup plus étroites, la députation pourra rendre toutes ses décisions vers la même époque, et l'on pourra, par une seule publication, les porter toutes à la connaissance du public.

M. Jullien. - Je ne dirai que quelques mots seulement pour répondre aux contradictions apparentes que les honorables MM. Tesch et Lelièvre ont prétendu trouver dans le système qui sert de base à mon amendement.

On a dit : D'une part vous repoussez la publication mentionnée en l'article 150 de la loi du 8 janvier 1817, comme moyen de notification ; d'autre part, vous l'admettez comme voie de notification, lorsqu'il s'agit de décisions prononçant des exemptions provisoires ou définitives.

Si j'ai admis cette différence, c'est parce que la section centrale m'en avait, la première, donné l'exemple.

(page 1432) Dans l'article 2 de son projet, la section centrale établissait une distinction entre les décisions qui prononcent lu désignation pour le service et celle qui prononcent une exemption définitive ou provisoire du service ; et elles avait parfaitement raison; alors elle était dans le vrai; il y a une différence bien marquée entre ces deux espèces de décisions. Il y a une différence plus marquée encore entre les intérêts de celui qui se présente comme appelant ou comme intimé devant la députation et ceux des autres miliciens qui ne sont pas parties en cause. Les intérêts de l'appelant et de l'intimé parties en cause sont directement touchés par la décision qui intervient.

Le plus fréquemment l'appel est introduit entre le milicien exempte et le milicien qui, par son numéro, est appelé à marcher après lui; l'un et l’autre ont intérêt à connaître la décision immédiatement après le jour où elle est prise. Les autres miliciens de la commune, au contraire, qui ne se sont pas pourvus en appel, ont un intérêt plus secondaire.

Ce n'est que par une exception toute particulière en faveur de ces derniers, que la loi ordonne que les décisions prononçant des exemptions seront publiées dans les communes. C'est là une faveur exceptionnelle, dont les miliciens qui ne sont ni appelants ni intimés ne peuvent se prévaloir pour demander qu'on envoie à chacun d'eux copie de toutes les décisions des députations, à l'instar des miliciens parties dans l'instance d'appel.

On a dit que, dans mon système, on publierait à la fois les décisions de première instance et des décisions d'appel, et qu'il pourrait être dirigé deux pourvois dans des délais différents contre la même décision, ce qui pourrait entraîner des arrêts contradictoires. C'est une erreur.

Sans doute, il pourra y avoir des décisions de première instance comprises dans les publications énoncées à l'article 150 de la loi, sur lesquelles il aurait déjà été statué, soit en appel, soit même par la cour de cassation ; mais on perd de vue que jamais une décision ne pourra être attaquée deux fois devant la même juridiction, les décisions d'appel et les arrêts de cassation liant tous les intéressés. L'inconvénient signalé n'existe donc pas.

On a prétendu, également sans fondement, que rien dans le système de mon amendement ne garantissait la remise des lettres chargées à la poste ; mais l'exécution des règlements en matière des postes assure la remise des lettres chargées.

Si cette remise ne se fait pas dans les campagnes, à domicile, tout au moins le destinataire reçoit-il avis du dépôt de la lettre au bureau de distribution. Sous ce rapport, l'envoi de lettres chargées à la poste garantira parfaitement la remise des décisions aux miliciens qui y auront figuré comme parties.

J'ai montré les graves et nombreux inconvénients qui se présenteront dans les communes, à l'occasion du mode de notification proposé par la section centrale. La section centrale n'a produit aucune considération qui soit de nature à en écarter l'existence ; elle n'a indiqué aucun moyen pour y parer. J'estime donc qu'il y a lieu d'accueillir mon amendement de préférence à celui qu'elle a soumis à la chambre.

M. Delfosse. - L'erreur de l'honorable M. Jullien provient de ce qu'il croit à tort que les miliciens nominativement en cause ont plus d'intérêt que les autres miliciens à connaître la décision contre laquelle ils sont autorisés à se pourvoir. C'est une erreur. Le contraire peut arriver. Un milicien est exempté ; le milicien qui a le numéro suivant devra marcher, si l'exemption est maintenue; il a donc le plus grand intérêt: à interjeter appel ; il se présente dans ce but au greffe du gouvernement provincial, mais il apprend là que l'appel a été interjeté par un autre milicien, ayant un numéro plus élevé; il doit dès lors renoncer à son projet, car l'appel qu'il interjetterait serait tout à fait inutile, et formerait double emploi ; bien que le milicien ne soit pas momentanément en cause, il a néanmoins un intérêt plus grand que l'appelant, car, comme je le disais tantôt, si l'exemption est maintenue, c'est lui et non l'appelant qui devra marcher le premier; vous voyez, messieurs, que l'honorable M. Jullien est complètement dans l'erreur.

Si l'affiche est insuffisante pour ceux qui sont nominativement en cause, elle l'est également pour les autres miliciens; l'honorable M. Jullien devrait, pour être conséquent, demander que la décision soit notifiée à tous les miliciens indistinctement ; mais alors il y aurait parfois des centaines, des milliers de notifications à faire. La chambre ne peut pas admettre ce système. L'honorable M. Jullien trouvant l'affiche suffisante pour les miliciens qui ne sont pas nominativement en cause, doit reconnaître qu'elle l'est également pour les autres ; il ne faut pas poser des règles différentes pour ceux qui ont le même intérêt.

- L'amendement proposé par M. Jullien est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

L'article 2 proposé par le gouvernement est adopte.

Article 3 (de la section centrale) et article 4 (du gouvernement)

« Art. 3 proposé par la section centrale. Le gouverneur de la province et tous les intéressés pourront attaquer ces décisions par la voie du recours en cassation.

« Le pourvoi devra être formé à peine de déchéance dans les délais suivants :

« Par le gouverneur, dans les dix jours de la décision ;

« Par les personnes auxquelles la notification de la décision doit être faite aux termes de l'article précédent, dans les quinze jours de cette notification ;

« Par les autres intéressés, dans les quinze jours à partir de la première publication ordonnée par l'article précédent.

« Le pourvoi ne sera pas suspensif. »

M. le ministre de l'intérieur a proposé l'amendement suivant :

« Art. 4 (art. 3 du projet). Le gouverneur de la province et tous les intéressés pourront attaquer ces décisions par la voie du recours en cassation.

« Le pourvoi devra être formé, à peine de déchéance :

« Par le gouverneur, dans les 15 jours à partir de la décision ;

« Par toutes autres personnes, dans les 15 jours à partir de la première publication ordonnée par l'article précédent.

« Le pourvoi ne sera pas suspensif. »

M. Delfosse. - L’amendement de M. le ministre est la conséquence du changement adopté à l'article précédent ; la section centrale s'y rallie.

M. le président. - Vient maintenant l'amendement de M. Lelièvre.

M. Lelièvre. - Je me rallie à la proposition du gouvernement ; je vais en dire les motifs.

L'article 4, tel qu'il est rédigé, rentre dans mon projet; seulement, j'avais énoncé que l'on pourrait se pourvoir en cassation « dans les limites posées par la loi du 4 avril 1832, organique du pouvoir judiciaire ».

On a pensé que cette énonciation était inutile ; s'il est bien entendu qu'il en est ainsi, parce que les expressions dont il s'agit ne sont qu'indicatives du droit commun, je n'insiste pas pour leur maintien ; mais je désire à cet égard une explication formelle.

M. Delfosse. - Les mots retranchés l'ont été parce qu'on les a trouvés inutiles.

- La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoptée.

Article 4

« Art. 4. Les jours où auront lieu les publications seront inscrits dans chaque commune sur un registre à ce destiné.

« II en sera délivré extrait aux parties intéressées.

« Cet extrait sera joint à la déclaration du pourvoi qui fera mention de la remise qui en aura été faite. »

M. Lelièvre propose à cet article l'amendement suivant :

« Les jours où auront lieu les publications seront inscrits, dans chaque commune, sur un registre à ce destiné.

« Dans les vingt-quatre heures de la seconde publication, le secrétaire communal adressera au gouverneur de la province un extrait de ce registre, relatif aux deux publications.

« Cet extrait sera joint au dossier. »

M. Lelièvre. - D'après les motifs que j'ai développés dans la discussion générale, je demande que l'on n'astreigne pas celui qui se pourvoit en cassation, à joindre à sa déclaration l'extrait du registre relatif à la publication de l'ordonnance de la députation. D'abord, messieurs, le demandeur peut se pourvoir dès le jour même de la décision, et par conséquent, il ne doit pas attendre la publication.

En second lieu, cette publication est un acte qui lui est étranger, et dès lors il ne saurait être tenu à en rapporter un extrait.

Enfin, l'exigence de la section centrale sur ce point donnera lieu à des difficultés et à des déchéances qui quelquefois feront échouer le droit et la justice. Un mineur, qui a droit à l'exemption, perdra son procès, parce qu'il aura négligé de remplir une vaine formalité; le bourgmestre ou le secrétaire communal négligera de rédiger l'extrait d'une manière régulière, il y aura déchéance.

Le milicien arrivera au chef-lieu deux jours avant l'échéance du délai, il aura négligé de demander la pièce, il n'aura plus le temps nécessaire pour retourner en sa commune et se procurer le document.

La formalité requise par la section centrale entravera sans raison l'exercice d'un droit, et dès lors je la repousse.

D'un autre côté, ce système rentre encore dans la doctrine des nullités et des déchéances qu'une bonne justice doit au contraire faire disparaître.

Si l'on veut prescrire quelque disposition relativement au point dont il s'agit, ce que je ne crois pas nécessaire, qu'on charge le secrétaire communal d'adresser un extrait des publications au gouverneur, qui le joindra au dossier. Par ce moyen, on trouvera dans les pièces la preuve que la décision de la députation, non attaquée par la voie de cassation, est passée en force de chose jugée, et en cas de pourvoi, la cour régulatrice s'assurera que le recours a été formé dans le délai légal.

M. Tesch, rapporteur. - M. Lelièvre ne veut pas qu'on impose au milicien qui se pourvoit, l'obligation de joindre le certificat constatant l'époque où la publication a eu lieu ; il trouve que cette formalité présente des difficultés, et ensuite la disposition lui paraît trop sévère. Je ne vois aucune difficulté pour le milicien de se procurer ce certificat ; rien de plus facile pour lui que d'aller à la maison commune demander un extrait du registre qui constate que la publication a eu lieu ; quant à la sévérité elle est indispensable en cette matière; car il faut imprimer la plus grande célérité possible à la procédure; comme le pourvoi n'est pas suspensif, l'individu sera souvent sous les armes pendant que son sort se débattra; la cour de cassation doit avoir tous les documents qui prouvent que la procédure est régulière.

Si le certificat dont il s'agit n'est pas joint au dossier, une correspondance devra s'établir entre le procureur général, le gouverneur de la province, le bourgmestre de la commune pour savoir si le pourvoi a été formé ou non dans les délais. L'honorable membre indique un moyen, c'est celui de (page 1433) faire envoyer par le secrétaire de la commune un extrait constatant que la publication a eu lieu.

Ce moyen serait suffisant si on pouvait compter sur l'exactitude des secrétaires, mais quand cette pièce n'aura pas été envoyé en temps utile, les affaires seront arrêtées en cour de cassation tandis que les miliciens seront déjà au service.

Je dois répondre à une autre observation de l'honorable membre. On arriverait ainsi, a-t-il dit, à défendre aux miliciens de se pourvoir avant la publication. Je ne pense pas qu'on puisse donner cette interprétation à la disposition. On mentionnera que la publication n'a pas eu lieu ; certainement dans ce cas le pourvoi sera fait dans les délais, il pourra même arriver qu'il ne soit pas nécessaire de joindre un certificat, par exemple, quand le pourvoi sera fait dans les 15 jours de la décision.

Le certificat sera alors inutile. Voyant la date de la décision et celle du pourvoi, la cour de cassation sera convaincue que le pourvoi est fait en temps utile.

Je suis convaincu que si on fait un reproche à la loi, ce sera de n'avoir pas rendu la procédure assez rapide.

Traçons donc des formalités qui hâtent autant que possible la solution des affaires.

Je le répète, un individu sera déjà sous les drapeaux alors que son sort ne sera pas décidé.

M. Lelièvre. - Je vous avoue, messieurs, que je ne suis pas frappé des arguments de l'honorable M. Tesch. L'article 4 que nous discutons est général, il soumet sans réserve ni restriction le demandeur à l'obligation de joindre à la déclaration du pourvoi l'extrait du registre constatant que la publication a été faite. Il n'est pas permis de distinguer là où le projet ne distingue pas, et dès lors l'article tel qu'il est rédigé aura pour conséquence nécessaire d'empêcher le pourvoi avant la publication, et par conséquent il s'opposera à ce que le demandeur anticipe sur les délais ordinaires et forme son pourvoi dès le jour même de la décision de la députation. En conséquence l'amendement de la section centrale sera un obstacle à la rapidité de la marche de la procédure que le demandeur en cassation a intérêt à activer.

D'un autre côté, messieurs, je ne conçois pas à quel titre celui qui forme un pourvoi serait astreint à la formalité dont il s'agit. Remarquez, messieurs, que c'est encore là donner lieu sans nécessité à des déchéances pour une simple question de forme devant laquelle viendrait échouer le droit et la justice. Ne serait-il pas déplorable de voir le sort d'un milicien sacrifié, parce que par ignorance ou inadvertance il aurait omis de remplir une formalité aussi insignifiante et à laquelle il n'est pas possible de donner l'importance que lui attribue la section centrale.

Messieurs, le but de la section centrale peut être atteint par le moyen que j'ai signalé.

On peut imposer au secrétaire communal l'obligation énoncée en mon amendement, et en admettant qu'il tarde quelques jours à la remplir, le gouverneur qui a immédiatement connaissance du pourvoi, peut inviter le secrétaire à adresser l'extrait sans le moindre regard. Certes il y a moins d'inconvénient à recourir à l'ordre de choses que je propose qu'à créer des déchéances qui, en définitive, ont souvent pour résultat de sacrifier le fond à la forme, le droit à de vaines formalités qu'il faut s'attacher à bannir de nos lois, autant que possible.

Je persiste donc à penser que l'amendement de la section centrale nous engage dans un ordre de choses peu en harmonie avec les idées nouvelles sur la procédure, et lorsqu'on songe que c'est à un mineur inexpérimenté qu'on fait celle position, on est plus convaincu encore que pareil système ne peut être sanctionné par la loi.

M. Delfosse. - Pour lever les scrupules fondés, jusqu'à un certain point, de l'honorable M. Lelièvre, je propose de modifier le dernier paragraphe de l'article 4 comme suit : « Si la déclaration du pourvoi est faite plus de quinze jours après la décision, cet extrait, etc., » le reste comme au projet.

L'honorable M. Tesch l'a dit tantôt avec raison, si la déclaration du pourvoi est faite dans les quinze jours de la décision, la production de l'extrait est entièrement inutile.

M. le président. - M. Lelièvre se rallie-t-il à cette rédaction?

M. Lelièvre. - Je m'en rapporte à la chambre. Cette rédaction diminuera les inconvénients; mais elle ne les fera pas entièrement disparaître.

- L'amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopté.

L'article 4, ainsi modifié, est adopté.

Article 5

« Art. 5. La déclaration du recours est faite au greffe du conseil provincial par le demandeur en personne ou par un fondé de pouvoir spécial, et dans ce dernier cas, le pourvoi demeure annexé à la déclaration. Celle-ci est inscrite sur un registre à ce destiné. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Le pourvoi est signifié dans les dix jours à peine de déchéance à toute personne nominativement en cause.

« La cour de cassation statuera toutes affaires cessantes. »

M. le ministre de l'intérieur a proposé de dire : « Le pourvoi est signifié par huissier, etc. »

Cette réduction, à laquelle se sont ralliés la section centrale et M. Lelièvre, est adoptée.

Article 7

« Art. 7. Tous les actes de cette procédure sont exempts de frais de timbre, d'enregistrement et d'amendes.

« Le rejet du pourvoi ne donnera pas lieu à l'indemnité énoncée à l'article 58 de la loi du 4 août 1832. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Si la cassation est prononcée, la cause est renvoyée à la députation permanente d'un autre conseil provincial.

« Si la seconde décision est attaquée par les mêmes moyens que la première, il sera procédé conformément à l'article 23 de la loi du 4 août 1832. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - Par suite de l'adoption de l'article 4 nouveau, proposé par M. le ministre de l'intérieur, je crois qu'il est nécessaire d'introduire dans la loi une disposition additionnelle qui serait ainsi conçue :

« Les articles 137 et 138, et les deux derniers paragraphes de l’article 153 de la loi du 8 janvier 1817, sont abrogés. »

- Cette disposition additionnelle est adoptée.

Le vote définitif du projet est fixé à samedi.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1850

Discussion du tableau des crédits

M. le président. - Le second objet à l'ordre du jour appelle, la suite de la discussion sur les articles du budget de l'intérieur.

Chapitre IV. Frais de l’administration dans les provinces

Articles 25 à 27 (province de Liège)

« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr.37,700. »

- Adopté.


« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 43,800. »

- Adopté.


« Art. 27. Frais de route, frais de loyer, matériel et dépenses imprévues.

« Charges ordinaires : fr. 18,690.

« Charges extraordinaires : fr. 5,800. »

- Adopté.

Articles 28 à 30 (province de Limbourg)

« Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 33,000. »

- Adopté.


« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,997. »

- Adopté.

Articles 31 à 33 (province de Luxembourg)

« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 31,800. »

- Adopté.


« Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »

- Adopté.

Articles 34 à 36 (province de Namur)

« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »

- Adopté.


« Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 36,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700. »

- Adopté.

Article additionnel

M. Rousselle a proposé une disposition additionnelle au chapitre IV, ainsi conçue :

« Les crédits portés aux articles 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 23, 24, 26, 27, 29, 30, 32, 33, 35 et 56 du présent chapitre pourront être réunis et transférés de l'un de ces articles sur les autres, selon les besoins qui résulteront de la révision de l'organisation des bureaux des administrations provinciales. »

M. Delfosse. - Messieurs, je dois m'opposer à l'amendement de l'honorable M. Rousselle. Cet amendement a le défaut de déroger à l'une des règles les plus salutaires en matière de budget, à une règle qui prévient beaucoup d'abus, je veux parler de la spécialité des dépenses. Y a-t-il un intérêt assez important pour que, dans la circonstance actuelle, nous dérogions à cette règle salutaire, en adoptant la proposition de M. Rousselle ? Non, messieurs, c’est un intérêt très faible, c’est la prévision d’une éventualité qui probablement ne se présentera pas, qui a engagé l’honorable M. Rousselle à présenter son amendement. Pour que cet amendement pût amener un résultat et un résultat insignifiant, il faudrait d'abord que M. le ministre de l'intérieur s'occupât, avant la clôture de l'exercice, de la réorganisation des bureaux des administrations provinciales. Or il n'est pas probable que M. le ministre de l'intérieur pourra s'en occuper dans le courant de cette année; il aura, je crois, des occupations plus importantes, et qui devront passer avant celle-là.

Ensuite quel serait le résultat de l'amendement de M. Rousselle dans le (page 1434) cas où M. le ministre de l'intérieur pourrait opérer en 1849 la réorganisation des administrations provinciales? M. le ministre aurait la faculté d'allouer en 1850 aux bureaux de l'administration provinciale de Hainaut une somme peu considérable, qui serait enlevée à d'autres administrations provinciales. Je ne pense pas, messieurs, que pour un intérêt aussi faible, qui probablement ne se réalisera même pas, nous devions déroger à l'une des règles qui doivent nous guider dans le vote des budgets.

M. Rousselle. - Messieurs, en déposant mon amendement je n'ai pas eu uniquement en vue l'inégalité qui frappe l'administration provinciale du Hainaut; j'ai eu en vue l'inégalité qui existe généralement entre les différentes administrations provinciales du pays. Si vous voulez jeter vos regards sur l'organisation des bureaux de ces administrations, vous y verrez les anomalies les plus extraordinaires. Je pourrais citer une foule d'exemples, mais je me bornerai à un seul : La Flandre orientale a trois chefs de division, qui coûtent ensemble 9,450 fr., et la province de Limbourg a quatre chefs de division qui coûtent 11,720 fr. Si le service administratif peut se faire dans la Flandre orientale avec trois chefs de division, évidemment il y en a beaucoup trop dans le Limbourg. La somme totale que touchent les chefs de division et les chefs de bureau dans le Limbourg s'élève à 20,970 francs, quand le même service dans la Flandre orientale ne coûte que 21,800 fr.

Je ne prolongerai pas ces comparaisons, messieurs; je ferai seulement remarquer que les provinces de Hainaut, de Liège et de Namur, qui ont, comme on l'a dit dans la discussion du budget de 1849, des propriétés à deux étages et où il y a, par conséquent, un travail beaucoup plus compliqué, beaucoup plus difficile dans toutes ses parties, les chefs de divisions, les chefs de bureau, les sous-chefs de bureau et les employés inférieur touchent des traitements qui sont au-dessous de la moyenne générale du royaume.

L'honorable M. Delfosse dit que M. le ministre de l'intérieur ne pourra pas, d'ici à l'ouverture de l'exercice de 1850, faire son organisation. Messieurs, nous n'en savons rien : M. le ministre de l'intérieure qui montre beaucoup de zèle pour les affaires qui lui sont confiées, pourra d'ici là examiner très attentivement l'organisation des bureaux des gouvernements provinciaux. Certainement je ne veux pas briser des existences, mais lorsqu'il y aura des places vacantes, dans le Limbourg, par exemple, je désire qu'on ne fasse pas de nouvelles nominations, à moins que M. le ministre de l'intérieur, après avoir approfondi la question et jugé les nécessités du service, ne juge qu'il faille absolument maintenir ces places. Il en est ainsi du Limbourg, il en est ainsi du Luxembourg, il en est ainsi d'autres provinces encore où il y a des changements à introduire dans le personnel des bureaux.

M. Delfosse. - Je partage tout à fait l'avis de l'honorable préopinant, que s'il y a des inégalités entre les différentes provinces il faut les faire disparaître, et j'engage, comme lui, M. le ministre de l'intérieur à opérer, le plus tôt possible, toutes les réformes qui pourraient être utiles; mais pour atteindre ce but il n'est pas nécessaire de confondre plusieurs articles du budget en un seul ; lorsque M. le ministre de l'inférieur aura réorganisé les administrations provinciales, il pourra faire à la chambre toutes les propositions qui seront la conséquence de la nouvelle organisation, et la chambre statuera.

(page 1439) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, comme je l'ai dit hier, je n'ai aucune raison de m'opposer à la proposition de l'honorable M. Rousselle en tant qu'elle aurait pour effet de mettre à la disposition du ministre une somme globale pour être répartie entre les diverses provinces, tandis que maintenant il se trouve lié par des allocations spéciales à chacune des provinces. Mais je devrais repousser la proposition si elle pouvait avoir pour effet de forcer le gouvernement à introduire des modifications dans la composition actuelle des bureaux des gouvernements provinciaux.

Je crois, messieurs, que cette œuvre serait assez longue, alors même que le gouvernement pourrait y consacrer beaucoup de temps. Des inégalités existent, en effet, entre les diverses provinces. En principe ces inégalités doivent se justifier par l'importance des différents services attribués aux provinces, mais cette règle n'est pas généralement appliquée.

Le Hainaut se distingue par l'importance des services administratifs ; aussi la province du Hainaut a-t-elle une allocation plus élevée pour le personnel. La province du Hainaut a 52,840 francs, elle compte 53 agents. La province de Brabant, qui a aussi son importance, n'a que 53 agents; la Flandre occidentale en a 31, et la Flandre orientale 30. Je ne sais pas si l'honorable M. Rousselle pense qu'il y a trop d'agents dans le Hainaut et qu'il faille en transporter une partie dans d'autres provinces? (Interruption.)

Messieurs, dans les termes de l'explication que j'ai donnée à la proposition de l'honorable M. Rousselle, je n'ai pas à la combattre, mais, en fait, je dois dire que très probablement il ne sera pas encore possible, dans le courant de 1849, de procéder à la réorganisation des bureaux ; pour que le budget de 1850 put s'appliquer à l'organisation nouvelle, il faudrait que cette organisation fût opérée avant le 1er janvier prochain.

Or, je ne prévois pas que, d'ici au 1er janvier 1850, je parvienne à me mettre en mesure d'opérer des transferts. On peut être certain que tous les transferts qui auront pour but d'introduire une diminution dans les budgets provinciaux, donneront lieu à de longs débats. Aucun de MM. les gouverneurs n'admettra qu'une allocation quelconque soit exagérée en ce qui le concerne, loin de là ; tous ou presque tous ont réclamé des augmentations d'allocations. Il faut prendre garde que le résultat de la proposition de l'honorable M. Rousselle ne vienne aboutir à une demande de crédits nouveaux destinés aux administrations provinciales, que l'on représente aujourd'hui comme inégalement partagées.

(page 1434) M. Rousselle. - Messieurs, lors de la discussion du budget de 1849, j'ai eu l'honneur d'exposer à la chambre que si on appliquait à l'administration de toutes les provinces la moyenne des traitements alloués aux employés du gouvernement provincial du Hainaut, on ferait sur le budget des administrations provinciales une économie de 60,000 francs. La moyenne de la province de Hainaut ne va pas à 1,000 francs ; la moyenne dans d'autres provinces va de 13 à 1400 francs et dans les moins importantes (Limbourg et Luxembourg) la moyenne dépasse 1,200 francs.

C'est là un fait que j'ai allégué lors de la discussion du budget de 1849.

Messieurs, je n'aurais pas reproduit ces chiffres, si des membres de la chambre ne s'étaient pas opposés à la disposition additionnelle que j'ai eu l'honneur de proposer.

Mais, messieurs, ce que je recherche, c'est plus d'égalité dans la distribution des traitements, en raison de la résidence, en raison des services des employés, en raison de leur grade et de l'importance de leurs fonctions.

Ce n'est pas dans la chambre qu'un semblable travail peut se faire, et encore moins au moyen d'un amendement au budget; ce travail ne peut se combiner qu'au département de l'intérieur, et il faut pour cela du temps. Mais si la chambre se refuse à donner à M. le ministre de l'intérieur la faculté de faire des corrections, elles n'auront jamais lieu. Le budget de 1849 a été voté avec affectation d'un chiffre spécial à chaque province.

Le budget de 1850 est libellé de la même manière ; s'il passe ainsi, M. le ministre de l'intérieur pourra faire des corrections en diminution; mais il ne pourra pas en faire en augmentation, alors même qu'il trouverait des augmentations parfaitement conformes à la justice.

Ma proposition n'a donc pas d'autre objet que de donner cette faculté à M. le ministre de l'intérieur qui, après examen, en userait ou n'en userait pas en 1850.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, c'est un conseil que l'honorable M. Rousselle donne au gouvernement; je tiens note de ses observations.

M. Rousselle. - En ce cas, je retire ma proposition.

- Personne ne demandant plus la parole, l’article 37 est mis aux voix et adopté.

Chapitre VI. Frais de l’administration dans les arrondissements

Article 38

« Art. 38. Traitement des commissaires d'arrondissements : fr. 166,800. »

M. le président. - M. Vanden Brande de Reeth propose, par amendement, d'augmenter de 450 fr. le chiffre de l'article 38, et de 550 fr. le chiffre de l'article 39.

La parole est à M. Vanden Brande de Reeth pour développer son amendement.

M. Vanden Branden de Reeth. - Par l'amendement que je viens de déposer, je propose à l'article 38 une augmentation de 450 francs, et à l'article 39 une augmentation de 550 francs, ensemble, pour les deux articles, 1,000 francs.

Mon amendement a pour but de permettre à M. le ministre d'élever un commissariat d'arrondissement de la quatrième à la troisième classe.

Messieurs, lors de la discussion du budget de 1849, j'avais présenté de nombreuses observations à l'occasion de la nouvelle classification des commissariats d'arrondissement, et mon intention n'est plus d'occuper longuement la chambre de cet objet; mais je crois pouvoir rappeler que les objections que j'avais fait valoir contre certains résultats obtenus n'ont pas été réfutées; je dois donc les considérer comme sérieuses.

Cependant M. le ministre, prenant la parole dans la discussion, avait bien positivement déclaré que le travail présenté à la chambre n'était pas un travail définitif, qu'il pourrait y être apporté des changements, puisqu'il s'agissait ici de mesures administratives sur lesquelles les chambres n'avaient pas à se prononcer.

Voici quelles furent les dernières paroles prononcées, lors de la discussion de l'article qui nous occupe, au budget de 1849 :

L'honorable M. Lebeau disait : « Si la classification nouvelle devait être définitive et n'admettait, dans la pensée du ministère, aucune modification, alors même que des motifs valables seraient exposés en dehors de cette enceinte, par voie administrative ou autrement, j'insisterais pour avoir la parole. Mais nous sommes, je crois, assez près de la discussion du budget de 1850, il sera temps alors de revenir sur ce point. »

Prenant à mon tour la parole, je me permettais de demander à M. le ministre de l'intérieur, s'il était bien entendu que la classification actuelle n'était pas définitive, et qu'il pourrait y être apporté des modifications, s'il était démontré qu'il y avait pour cela des raisons plausibles.

M. le ministre de l'intérieur me faisait l'honneur de me répondre que, comme toutes les mesures administratives, le tableau des classifications présenté à la chambre pouvait être soumis à une révision, à de rectifications, qu'il ne faisait point partie de la loi, et que l'on pouvait corriger administrativement ce qu'on avait établi administrativement.

Vous le voyez donc, messieurs, il s'agissait ici dans la pensée de M. le ministre comme dans celle des membres de la chambre, de mesures administratives ; mais ce que l’honorable ministre de l'intérieur perdait un peu de vue, c'est que les changements à opérer éventuellement étaient subordonnés aux crédits alloués au budget : les meilleurs motifs présentés pour démontrer que tel ou tel arrondissement occupait un rang inférieur à celui qui aurait dû lui être assigné en équité, venaient échouer contre un obstacle matériel, l'insuffisance du crédit alloué au budget.

Je ne crois pas commettre une indiscrétion en rappelant que pareille réponse m'a été faite à des observations que j'avais présentées à M. le ministre.

C'est pour lever cet obstacle que j'ai déposé mon amendement.

Il est presque inutile, messieurs, de dire à la chambre que l'arrondissement en faveur duquel l'amendement est présenté est l'arrondissement de Malines. Je sais le reproche qui ne peut manquer de m'être adressé à l'occasion de ma demande, et je m'y résigne d'avance.

Toutefois, messieurs, je hasarderai quelques mots, quelques courtes observations pour ma justification.

S'il ne s'agissait réellement ici que de ce qu'on appelle un intérêt de clocher, je me serais bien gardé d'agiter de nouveau devant cette assemblée une question aussi mesquine et aussi peu faite pour attirer votre sympathie; mais, pour moi, il s'agit d'une question d'équité, d'une question de justice distributive.

Vous avez opéré des réductions dans les traitements des fonctionnaires ; les plus fortes ont été de 1,000 francs. Il en a été ainsi à des membres de la cour des comptes : par exception, le commissaire d'arrondissement de Malines a subi une réduction de 2,400 francs.

Vous avez, par une nouvelle classification, fait descendre d'un rang (page 1435) quelques commissariats d'arrondissements : des commissariats de deuxième classe sont passés à la troisième d'autres de troisième classe sont descendus à la quatrième. Le commissariat de Matines, par exception encore une fois, est descendu de deux classes à la fois, c'est-à-dire de la seconde à la quatrième.

Il a toujours été reconnu que les commissaires d'arrondissement étaient égaux de rang, mais que les traitements devaient être réglés d'après leur besogne et les frais résultant du lieu où ils résidaient : Ce principe a été admis pour plusieurs arrondissements qui figurent dans la première et dans la seconde classe, tandis que d'après le travail qui a été fait d'après les trois bases admises par le gouvernement, ils devaient se trouver à un rang inférieur.

Je cite ces faits pour prouver que pour un grand nombre de localités l'on ne s'est pas tenu au résultat que présentait la combinaison des trois bases, et que l'importance du chef-lieu a été prise en considération. Pour Malines il n'a été tenu compte de rien.

Vous voyez donc, messieurs, que ce n'est pas tout à fait sans raison que j'ai mis quelque persistance à réclamer en faveur d'un arrondissement, je dois le dire, peu favorisé.

Messieurs, je ne pousserai pas plus loin ces observations, persuadé que je suis que M. le ministre ne fera aucune difficulté de se rallier à mon amendement et que la chambre, partageant cette opinion, n'y verra, comme moi, qu'une question d'équité et de juste répartition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable auteur de l'amendement voudra bien reconnaître que si l'arrondissement de Malines se trouve rangé dans la quatrième classe, ce n'est pas par le fait d'une mesure spécialement prise contre le titulaire. Que les trois bases de la classification aient été critiquées par l'honorable membre, je le sais, mais il reconnaîtra que, ces bases appliquées, l'arrondissement de Malines le placent sur le même pied que tous les autres arrondissements.

Je reconnais que, dans cette classification, Malines et son commissaire ont été maltraités. Le commissaire y a éprouvé sur ses appointements une perte de 2,424 fr. Mais ce fonctionnaire n'est pas le seul dans ce cas; le commissaire de Furnes et Dixmude a perdu 2,142 fr.; il n'a réclamé ni directement ni indirectement; d'autres ont perdu 1,600 à 1,700 fr.; mais, je le reconnais, le commissaire de Malines est plus maltraité que les autres; c'est d'autant plus regrettable qu'il est le père d'une très nombreuse famille.

Si la chambre pense qu'il y a des motifs spéciaux pour augmenter le crédit concernant les commissariats dans la vue d'indemniser ceux qui ont été le plus durement frappés par la nouvelle classification, je n'aurai pas le courage de m'opposer à une augmentation de crédit ainsi motivée; mais je ne pourrais pas me décider à opérer un déclassement qui, pour élever un commissariat, me forcerait à en faire descendre un autre, c'est un remaniement auquel je ne pourrais pas consentir.

J'ai dit que le tableau que je présentais était arrêté administrativement, par conséquent de nature à être changé par voie administrative. J'ai fait depuis des efforts pour y opérer des changements ; vérification faite des faits, j'ai dû reconnaître que cette classification, tout incomplète qu'elle pouvait encore être, était encore ce que je pouvais établir de moins imparfait.

Cette classification succédait à une autre classification beaucoup moins rationnelle et qui laissait beaucoup plus à reprendre. Aussi, au sénat interpellé sur mes intentions, j'ai dû les préciser d'une autre manière que je ne l'avais fait dans cette enceinte; j'ai dit qu'après avoir examiné de nouveau les faits, je pensais qu'il ne me serait pas possible de revenir sur le tableau que j'avais cru susceptible de révision.

- Un membre. - Et Verviers !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le changement de la classification de Verviers a été opérée en section centrale après la constatation d'une erreur matérielle. On n'avait pas compris dans l'arrondissement le canton de Stavelot que par une loi récente on y avait incorporé; c'est une circonstance dont il a fallu tenir compte. En outre, la cherté de la vie, la nécessité d’une plus grande représentation était invoquée par le commissaire de district de Verviers avec plus de raison que par le commissaire de Malines; les exigences de la vie à Verviers sont plus grandes qu'à Malines.

Je ne m'oppose, pas du reste, à la proposition de l'honorable M. de Reeth.

M. Dedecker. - Messieurs, je demande à la chambre la permission d'ajouter quelques mots aux observations que vient de présenter mon honorable collègue M. Vanden Brande de Reeth.

J'avoue que le classement exact et parfait des commissariats d'arrondissement est difficile; mais il est évident, que, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire lors de la discussion du budget de l'intérieur pour 1849, l'adoption rigoureuse et exclusive des trois bases proposées par le gouvernement mène à des résultats que la raison ne saurait admettre. Il y a des considérations de divers genres dont il fallait tenir compte, et dont le gouvernement n'a pas tenu suffisamment compte. Ainsi, messieurs, je ne puis reconnaître comme juste et convenable une classification en vertu de laquelle l'arrondissement de Termonde figure dans la dernière classe.... (Interruption.)

Il ne s'agit pas ici, messieurs, de faire ressortir l'importance de cet arrondissement ; cette importance, j'aurais voulu que le gouvernement l'appréciât davantage.... (Interruption.) ;

Messieurs, il m'est pénible de parler ainsi au milieu des interruption provoquées par l'impatience de la chambre, et je termine en signalant, encore une fois, l'erreur et l'injustice commises au détriment de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter ici.

-L'amendement est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 38 est ensuite adopté.

Articles 39 à 41

« Art. 39. Emoluments pour frais de bureau : fr. 81,200. »

- Adopté.


« Art. 40. Frais de route et de tournées : fr. 22,500. »

- Adopté.


« Art. 41. Frais d'exploits relatifs aux appels interjetés d'office, en vertu de l'article 7 de la loi du 1er avril 1843 : fr. 500. »

- Adopté.

Chapitre VII. Poids et mesures

Articles 42 à 44

« Art. 42. Traitements de vérificateurs et aspirants vérificateurs des poids et mesures : fr. 53,400. »

- Adopté.


« Art. 43. A. Frais de bureau : fr. 6,150.

« B. Frais de tournées : fr. 11,850.

« Ensemble : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 44. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Voirie vicinale

Article 45

« Art. 45. Encouragements divers pour l'amélioration de la voirie vicinale : fr. 300,000. »

M. Rousselle. - Messieurs, je ne viens pas dérouler devant vous le tableau des nombreux intérêts attachés à l'amélioration de la voirie vicinale, ni arrêter vos regards sur les avantages que doit en retirer l'agriculture, cette source principale de la richesse nationale ; il n'est personne ici qui ne désire sincèrement une bonne viabilité de ces voies de communication, trop longtemps négligées, autour desquelles se groupent les demeures modestes des habitants des campagnes; il n'est personne ici qui ne veuille que les localités isolées jouissent d'un accès sur et facile vers les grandes lignes de circulation et de transport, qui conduisent aux centres de consommation et aux lieux où se traitent les affaires civiles et politiques du pays. Je veux seulement essayer de démontrer qu'il serait utile d'augmenter le crédit alloué pour cet important service, et qu'il serait possible de le faire sans accroître les charges de l'Etat. Je sollicite donc pour un moment la bienveillante attention de la chambre.

Indépendamment du crédit de 300,000 fr. appliqué annuellement depuis 1845 à l'amélioration de la voirie vicinale, on a employé sur des crédits extraordinaires :

En 1846 : fr. 426,000

En 1847 : fr. 239,000

Et en 1848 : fr. 92.000

Ensemble : fr. 757,000.

Ce que donne en somme ronde une moyenne par année de 250,000 fr.

D'un autre côté, le gouvernement se propose d'appliquer au même service une partie du crédit d'un million, pour lequel un projet de loi a été présenté à la chambre dans sa séance du 24 mars dernier ; et dans les motifs de ce projet de loi, M. le ministre de l'intérieur déclare que s'il avait demandé en février 1848 un crédit extraordinaire d'un million, destiné à l'amélioration de la voirie vicinale, sa demande n'était pas motivée uniquement sur des circonstances exceptionnelles, mais sur des besoins résultant d'une situation normale, et qu'il y a nécessité de faire participer l'Etat dans des proportions moins restreintes au service dont il s'agit, pour assurer dans presque toutes les communes la viabilité des principales routes agricoles.

De là je conclus, messieurs, que les besoins normaux de la voirie vicinale exigent une somme plus forte que celle qui y est assignée depuis quelques années ; et comme il me paraît non seulement convenable, mais nécessaire, que les budgets n'omettent aucune des dépenses qui se représentent régulièrement, afin d'éviter le recours à des crédits supplémentaires, j'ai l'honneur de proposer d'augmenter de 200,000 francs, et pair conséquent de porter à 500,000 francs, l'article. 45 du budget dont nous nous occupons.

Ainsi que l'honorable M. David l'a déjà exprimé lors de la discussion du budget de 1849, je pense que cette augmentation peut avoir lieu sans grever le trésor, est qu'un simple transfert du budget des travaux publics y suffirait. Voici sur quoi je fonde mon opinion. Le droit de barrières sur toutes les routes de l'Etat s'élève annuellement à la somme de 1,753,425 fr.

La dépense d'entretien porte 1,420,672 fr.

Parlant il reste en boni, devant comme fonds spécial être affectée au service des grandes routes 332,753 fr.

(page 1436) Mais il est porté au budget pour travaux en dehors des frais d'entretien, travaux d'amélioration et construction de routes, études de projets, etc., 1,197,928 fr.

De sorte que l'on prélève annuellement sur les fonds généraux de l'Etat pour le service des grandes routes la somme de 865,175 fr.

Est-il bien nécessaire d'appliquer; chaque année., une si forte somme au service des grandes routes? Je ne le crois pas.

Par une circulaire, adressée le 24 juin 1840, aux députations permanentes des conseils provinciaux, l'honorable M. Liedts, alors ministre de l'intérieur, exprimait l'opinion qu'il fallait diriger ses efforts vers l'amélioration des voies secondaires de communication, et il disait que, sous le rapport des grandes routes, il restait en général pour le commerce et l'agriculture peu de besoins essentiels à satisfaire.

Cependant depuis lors (et indépendamment des routes provinciales et des routes concédées) on a livré à la circulation 805,367 mètres (161 lieues) de roules faites pour compte direct de l'Etat, et il reste en construction 147,061 mètres de semblables routes (29 2/5 lieues). Ces quantités ajoutées à 413,397 mètres livrés à la circulation depuis 1830, jusques et compris 1839, donnent en longueur totale 1,365,825 mètres (273 lieues) plus du tiers de la longueur de toutes les routes nationales.

J'ai la conviction la plus profonde que si chacun de vous, se plaçant au point de vue des véritables obligations de l'Etat, veut bien jeter un regard sur le territoire de sa province, il n'y trouvera plus, au moins ne pour a-t-il démontrer qu'il y existe un seul point sur lequel nous devrions encore Construire une route au compte direct de l'Etat.

Et en effet, messieurs, on doit reconnaître que pour constituer une pareille charge, il faudrait nécessairement que la route embrassât des intérêts collectifs suffisamment étendus pour revêtir un caractère d'utilité générale et nationale.

Je ne crois pas qu'une route, pour laquelle le péage ne couvre pas la charge d'entretien (et toutes celles que l'on construit maintenant sont dans ce cas), embrasse assez d'intérêts collectifs pour revêtir ce caractère d'utilité générale et nationale ; et alors c'est le cas, non que la nation exécute elle-même, mais qu'elle aide à exécuter les localités le plus spécialement et le plus directement intéressées. C'est donc seulement par des subsides, une fois donnés, et sans grever le trésor dans l'avenir, qu'il faut participer à la construction de nouvelles routes: il n'en faut plus ouvrir aucune au compte direct de l'Etat. Dans ce système, une somme équivalente au boni des droits de barrières, qui doit former un fonds spécial, serait plus que suffisante.

J'ai fait, messieurs, le dépouillement des états n°1, 3 et 4, annexés aux développements nouveaux du budget des travaux publics de 1849, et il en ressort des éléments précieux pour la thèse que je défends. Permettez-moi de vous les offrir.

1° Pour les routes livrées à la circulation de 1830 à 1839, le trésor de l'Etat a déboursé un capital de fr. 5,896,163 98 c. (84 22/100 p.c. de la dépense du construction) et l'entretien coûte 156,797 fr., tandis que les barrières qui y sont établies ne rapportent que 115,507 fr., d'où il résulte que non seulement l’État a fait en faveur des localités qui sont dotées de ces routes le sacrifice de 4/5 des dépenses d’établissement, mais qu'il reste encore grevé d'une charge annuelle et permanente de 41,290 fr., soit fr. 0,09 98 c. par mètre courant.

2° Pour les routes livrées à la circulation depuis 1840, le trésor du l'Etat a déboursé un capital de 9,892,084 fr. 14 (71 28/100 p. c. de la dépense de construction), et ces routes coûtent d’entretien 249,400 fr. 50, tandis que les barrières qui y sont établies ne rapportent que 110,166 fr., d'où il résulte que non seulement l’État a fait en faveur des localités intéressées le sacrifice de près des 3/4 du capital d'établissement, mais qu'il reste encore grevé d'une charge annuelle et permanente de 139,254 fr. 50, soit 0.17 fr. 40 par mètre courant.

3° Pour les routes en construction, l'Etat a engagé 2,731,009 fr. 81 sur une dépense de 3, 142,856 59 (soit 86 90/100 p. c). il est à croire que la charge permanente de l'entretien de ces routes dépassera la proportion qui vient d'être indiquée, puisque plus l'on avance dans la construction, moins il y a d'intérêts engages, moindre dès lors est le produit ; mais, comptons sur le taux précèdent, et les routes en construction constitueront, indépendamment du sacrifice de près de 7/8 du capital d'établissement, une charge permanente de 25,588 fr. 61.

Il en est tout autrement lorsque l'Etat procède par voie de subsides une fois donnés.

Ainsi, messieurs, au moyen d'une somme de 2,937,267 fr. allouée par l’Etat sous forme de subside, il a été livre depuis 1830 à la circulation 738,761 mètres (147 3/5 lieues) de routes provinciales, et il en reste en construction 261,606 mètres (50 lieues), ensemble 197 3/5 lieues.

De ce que je viens d'exposer, il suit que lorsque l'Etat a construit directement, la lieue de route lui a coûté en frais d'établissement fr. 67,857 fr. 1 et lui a laissé chaque année, défalcation faite des droits de barrières, une charge d'entretien qui porte :

1° Pour les routes livrées à la circulation de 1830 à 1839 499 fr. 00

2° Pour celles ouvertes de 1840 à 1848 870 fr. 00

Et 3° pour celles en construction, provisoirement 870 fr. 00

Au contraire, lorsqu'il a procédé par voie de subside une fois donné, la lieue de route ne lui a coûté que fr. 14,680 (79 p. c. de moins) et il n'est resté pour le trésor aucune charge d’entretien.

Pour la voirie vicinale, les différences sont bien plus sensibles encore. Il résulte du rapport présente par M. le ministre de l'intérieur, en la session de 1848, sur l'emploi des crédits affectés par l'Etat à l'amélioration des chemin vicinaux pendant la période quinquennale de 1841 à 1845 (page 7) qu'an moyen d'une dépense de fr. 3,778,544-80, on a entrepris des travaux de pavage, d'empierrement et d'ensablement sur une longueur de 566.026 mètres (plus de 113 lieues), et que dans cette dépense l'Etat n'a contribué que pour la somme de 657,742 fr. 81 soit pour 17 41/100 p. c. La lieue ne revient dans ce système qu'à 5,810 fr. (91 p. c. de moins).

La somme de 18,500,000 e n somme ronde appliquée depuis 1830 à la construction de 273 lieues de routes de l'Etat, qui ne rapportent pas les frais de leur entretien, représenterait donc, selon les proportions ci-dessus, le capital nécessaire pour faire, par voie de subside, 1,260 lieues de routes provinciales ou pour paver, empierrer ou ensabler 3,184 lieues de chemins vicinaux.

Je sais, messieurs, qu'il eût été impossible d'obtenir le concours des provinces et des communes intéressées pour faire de si notables améliorations; mais ce que je sais aussi, c'est que si l'on avait étendu davantage la participation de l'Etat aux travaux de la voirie secondaire, si l'on avait appliqué à des routes provinciales et à des routes communales qui ne coûtent rien d'entretien au trésor public, une moitié seulement de la somme dépensée à des constructions qui nous laissent une forte charge permanente,, on eût obtenu, dans l’intérêt de la viabilité de tout le pays, des résultats bien autrement étendus, bien plus favorables que ceux qui ont été produits.

Entrons donc pour l'avenir, messieurs, dans un système mieux combiné pour l'intérêt général, plus approprié aux besoins de nos populations, plus économique pour le trésor; et ne perdons pas de vue que les travaux de la voirie vicinale embrassent tout le territoire du royaume, et qu'ils donnent partout de l'ouvrage et du bien-être, tandis que la construction de grandes routes ne peut plus se faire sentir que dans un rayon très restreint.

M. de Renesse. - Je demande le renvoi de la discussion à demain et l’impression de l'amendement, parce qu'il est essentiel que M. le ministre des travaux publics déclare s'il consent à ce qu'au mépris des engagements pris on réduise de 200,000 fr. l'allocation pour construction de routes nouvelles.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cet amendement ne peut déterminer la chambre à lever la séance; car il ne peut arrêter la discussion; il préjuge, il entame même la discussion du budget des travaux publics. Il s'agit de savoir si M. le ministre des travaux publics a demandé à son budget 200,000 fr. dont il puisse se passer.

La chambre peut augmenter de 200,000 fr. l'allocation pour la voirie vicinale ; je n'y fais point opposition, seulement je devrai prendre l'avis de mon honorable collègue et ami M. le ministre des finances. Et quant à enlever à mon honorable collègue et ami le ministre des travaux publics 200,000 francs sur le faible excédant qui lui reste, je me garderais de le faire sans avoir eu son avis sur ce point.

M. Delfosse. - M. le ministre des travaux publics s'est déjà prononcé sur ce point, dans la discussion de son budget pour l'exercice 1849. D'accord avec la section centrale, il a combattu une proposition analogue à celle de l'honorable M. Rousselle.

M. Rousselle. - Je dis qu’il y a nécessité d'augmenter le crédit de la voirie vicinal. Quand nous voterons le budget des travaux publics, si le chef de ce département croit nécessaire de maintenir le crédit qu'il a demandé, il en développera les motifs et la chambre en jugera; mais nous ne pouvons faire dépendre de la délibération sur le budget des travaux publics le chiffre du crédit pour la voirie vicinale, puisque nous discutons le budget de l'intérieur. Rejeter l'augmentation par le seul motif que l'on ne sait ce que l'on fera du budget des travaux publics de 1850 serait tourner dans un cercle vicieux.

La seule question est de savoir s'il faut augmenter le crédit de la voirie vicinale. Cette nécessité ne peut, selon moi, être mise en doute en présence des demandes continuelles de crédit supplémentaire que fait à ce titre M. le ministre de l'intérieur.

Quand viendra la discussion du budget des travaux publics, si l'honorable M. Rolin ne peut réduire son chiffre, il donnera ses raisons, que nous apprécierons. Je crois que nous pouvons résoudre sans lui cette question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai si l'amendement de l'honorable M. Rousselle comprend l'imputation des 200,000 francs.

M. Rousselle. - Nullement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je répondrai à l'honorable auteur de la proposition, que, dans le crédit d'un million demandé par le département de l'intérieur, figure une somme destinée à la voirie vicinale. Mais si je suis bien informé, cette allocation a été combattue comme exagérée dans la section centrale dont l'honorable M. Rousselle fait partie.

M. Rousselle. - C'est une erreur.

M. Moncheur. - Certainement ! L’allocation n'a pas été combattue, en ce qui concerne la voirie vicinale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cependant la réduction proposée par la section centrale doit porter sur l'ensemble du crédit. La voirie vicinale doit s'en ressentir.

M. Moncheur. - Non. La réduction porte sur d'autres articles.

- La chambre ordonne l'impression de l'amendement, et continue la discussion à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.