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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 avril 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1099) M. Dubus fait l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Luesemans lit le procès-verbal de la séance précédente; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants des Ecaussines d'Enghien et Lalaing prient la chambre de rejeter le projet de loi sur l'enseignement ou de le modifier profondément.

« Même demande de plusieurs habitants de Maeseyck, Heusden, Waereghem, Vive-Saint-Eloi, Reckem, Coolscamp, Houtvenne, Boom, Saint-Nicolas, Merckem, Lichtervelde, Merchtem, Maldeghem, Markeghem, Alveringhem près de Furnes, Aywaille, Zoerleparwys, Westerloo, Offagne et Louvain. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement moyen et renvoi à la section centrale.


« Plusieurs habitants d'Ooostroosebeke demandent que, dans les provinces flamandes, les administrations provinciales et communales et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de la langue flamande, que cette langue jouisse, à l'université de Gand et dans les autres établissements d'instruction publique de l'Etat, des mêmes prérogatives que la langue française, et qu'elle ait une section spéciale à l'Académie de Bruxelles. »

- Même décision.


« Plusieurs habitants d'Anvers demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique à Bruxelles et dans les provinces flamandes; qu'on y soit tenu de se servir de cette langue pour enseigner l'anglais et l'allemand ; que les administrations provinciales et communales et. autant que possible, les tribunaux, en fassent exclusivement usage; qu'il y ait une Académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles, et que la langue flamande jouisse à l'université de Gand des mêmes prérogatives que la langue française. »

« Même demande de plusieurs habitants de Saint-Trond. »

- Même décision.


« Plusieurs habitants de Nassogne prient la chambre de rejeter le projet de loi sur l'enseignement moyen. »

« Même demande de plusieurs habitants de Bande, Harsin, Ortho, Hives, Masbourg, Veerle , Bure, Gheluwe, Sivry, Belcele, Hamont, Desselghem, Oostroosebeke, Warneton, Herenthals, Hersselt, Braive, Buret, Vaux-Borset et Eecloo. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal de Maldegem demandent que dans les provinces flamandes les fonctionnaires publics fassent exclusivement usage de la langue flamande.»

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Claude-Charles-Louis Clasquin, maitre de pension à Auffe, prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Léonard présente des considérations en faveur du projet de loi sur l'enseignement moyen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi et renvoi à la section centrale.


« La dame Lamborelle prie la chambre d'accorder à son fils Louis la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


M. le ministre de la justice transmet, avec les renseignements y relatifs, cinq demandes en naturalisation ordinaire.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. le ministre des travaux publics adresse à la chambre divers documents relatifs à l'établissement de lignes télégraphiques sur le chemin de fer.

- Sur la proposition de M. Delfosse, la chambre décide que ces documents seront imprimés comme annexes au projet de loi qui a été déposé à cet égard.

Projet de loi sur l’enseignement moyen

Discussion générale

M. le président. - La parole est continuée à M. le Bailly de, Tilleghem.

M. le Bailly de Tilleghem. - A mes yeux, l'article 8 est un non-sens.

Selon le projet de loi, l'enseignement religieux n'a rien à voir dans l’enseignement moyen.

D'un autre côté, on invite les ministres du culte à y venir surveiller cet enseignement.

Mais, permettez-moi l'expression, c'est une espèce de mystification.

Si vous ne donnez pas l'enseignement religieux dans vos écoles, pourquoi inviter les ministres du culte à venir surveiller cet enseignement?

Et si vous avez envie de donner cet enseignement, pourquoi ne l’inscrivez-vous pas dans votre programme ?

Je crois fermement qu'on ne peut méconnaître la nécessité de mettre en tête des matières indispensables à l'instruction, dans les établissements du gouvernement et les collèges communaux, l'enseignement religieux; c'est une lacune qui existe dans le projet de loi.

Je pense que la religion doit être mise en tête de toutes les connaissances essentielles d'où dépendent la vertu, le bonheur des hommes.

Je crois également que la mention expresse, dans la loi, de l'enseignement religieux ne peut contrarier en aucune manière les principes de la tolérance religieuse.

Qu'il ne peut suffire de renvoyer les élèves au temple.

J'estime que c'est reculer la difficulté; car, entre-temps, que faites-vous de l'instruction publique que les élèves doivent fréquenter tous les jours?

Cette instruction sera-t-elle sans dogme positif?

Sera-t-elle athée ou ne le sera-t-elle pas? Mais que deviendra cette institution, bonne en elle-même, mais insuffisante, lorsqu'elle ne sera pas appuyée par des leçons plus fréquentes, plus pressantes, et qui suivent mieux les impressions que les vérités religieuses peuvent avoir faites sur l'esprit et le cœur de la jeunesse?

Quant à moi, je suis convaincu que, pendant le cours entier de l'instruction publique, l'enseignement religieux doit pouvoir y être pratiqué officiellement.

L'instruction moyenne doit le comprendre dans son programme, comme le fait l'instruction primaire.

Et cela précisément, parce qu'au moment où commence l'instruction moyenne, les premiers éléments de l'enseignement religieux cessent le plus souvent, la jeunesse allant fréquenter les athénées et les collèges.

Et en effet, si alors les premières connaissances de la religion acquises au cours de l'instruction primaire, et permettez-moi de dire plutôt aux frais de la mémoire que du raisonnement, car, pour les enfants, la religion ne peut pas être un objet d'étude, mais seulement de mémoire, une croyance apprise mais non expliquée, si ces premières notions ne sont point entretenues, développées, motivées, que deviendront-elles?

Que deviendront-elles, si à l'athénée ou au collège, il règne parmi la jeunesse un esprit opposé à l'élément religieux, un préjugé contre les instructions reçues dans l'enfance, un penchant pour les erreurs de l'esprit qui mettent les passions du cœur à l'aise et lâchent la bride aux sens?

Ai-je besoin de le dire? Mais cette insuffisance dans l'enseignement religieux entraînera les résultats les plus funestes, les plus déplorables pour le bien-être social.

Je ne prétends pas qu'il faille faire de tous les jeunes gens, de tous les étudiants, des théologiens; chaque état a ses devoirs particuliers; mais ce que j'entends, ce que je comprends, c'est bien essentiellement la nécessité de pouvoir prémunir et armer la jeunesse contre des erreurs d'esprit si favorables aux faiblesses du cœur et à la fougue des sens...

Ce que j'entends, ce que je conçois, c'est qu'aux simples éléments de la religion donnés dans le cours de l'instruction primaire on puisse, dans celui de l'instruction moyenne, pourvoir à les fortifier par un enseignement religieux, positif et raisonné, et que cette jeunesse studieuse soit au moins en état de répondre sur sa religion, comme elle pourrait le faire sur ce qu'elle a appris de la rhétorique, des humanités, de la physique, etc., etc.

On me fait observer que dans un pays comme le nôtre, où la liberté des opinions et celle des cultes ont été proclamées, on ne peut comprendre, par une disposition expresse de la loi, le cours de l'enseignement religieux dans le programme des études scientifiques données dans les écoles et collèges publics.

Mais qu'il me soit permis de demander en quoi cela serait contraire à ces libertés, si vous ne réunissez pas l'enseignement religieux avec l'enseignement civil, en séparant les deux éléments dans ce sens que vous laissez l'instruction civile parfaitement libre ; c'est-à-dire qu'en présence des jeunes gens de différents cultes, l'instituteur n'est absolument rien en fait d'enseignement religieux !

Mais il s'ensuit que l'on s'abstient de tout acte qui pourrait devenir, pour une partie des élèves et de leurs parents, une lésion de la liberté de leur croyance et de leur culte !

D'autre part, ou il y a mélange de différents cultes, mais du moment qu'on est tenu de prendre de concert avec l'autorité ecclésiastique des mesures efficaces pour donner par qui de droit l'instruction religieuse, de la manière la plus solide et la plus complète possible ! Mais donnez alors cet enseignement d'une manière officielle et que rien ne s'oppose pour inscrire d'une manière positive dans la loi le cours de l'enseignement religieux, au lieu de le formuler dans l'article 8, d'une manière vague et indéfinie...

Selon moi, l'objection contraire que l'on présente est un sophisme qui prouve beaucoup trop !

(page 1100) Car si le gouvernement ne peut comprendre dans son programme officiel l’enseignement religieux, l'éducation morale et religieuse, il se déclare par là même inapte à se charger d'un enseignement quelconque !

Il est évident que le gouvernement ne peut avoir le droit de travailler à la destruction de la société!

Or, les hommes d'Etat éminents proclament hautement, en Europe, l'indispensable nécessité de pénétrer l'éducation de la jeunesse de l'élément religieux.

Le protestant Guizot l'affirmait, en France, avant la révolution : c'est de lui que vient l'axiome que l'atmosphère de l'école doit être religieuse !

Thiers en eut peur alors, telle était la prévention de ce génie supérieur !

En pleine république Thiers ne craint plus d'avouer ses erreurs et de demander le salut de la société à l'alliance de la science avec la religion.

Mais d'où vient donc aujourd'hui ce scrupule de légalité, alors que les auteurs du projet de 1834, beaucoup plus rapprochés que nous des traditions du Congrès, ne le soupçonnaient même point!

D'où vient-il à propos d'un projet de loi complémentaire? Alors que la première partie de cette loi, celle de l'enseignement primaire a tranché solennellement la difficulté par un vote unanime dans les deux chambres ; la loi ayant été votée avec une opposition insignifiante, composée seulement de trois membres !

Ce scrupule n'a donc pas de consistance ; le pouvoir peut inscrire hardiment dans sa loi, comme matière obligée de l'instruction, l'enseignement de la religion, et en offrant au clergé de lui prêter un concours honorable, il ne doit pas craindre que cette partie du programme soit plus difficile à remplir que dans l'organisation de l'instruction primaire, où une expérience de sept années a prouvé combien ce concours a été conciliant et facile...

C'est donc pour suppléer à ce qui manque dans le projet de loi, en matière de l'enseignement religieux, que j'ai cru devoir proposer mon amendement.

Je me résume et finalement j'estime que le projet de loi est tout bonnement un système de centralisation, et une atteinte à nos libertés constitutionnelles et communales.

Au point de vue libéral, comme au point de vue catholique, au point de vue de l'intérêt général du pays comme au point de vue du bien-être des familles, le projet de loi ne satisfait ni aux besoins des uns, ni à l'attente des autres.

Il ne peut avoir pour résultat que de produire mécontentement.

Messieurs, la question de l'enseignement est une question immense.

Jamais loi n'eut plus d'importance.

Le moment solennel approche où les mandataires d'une nation libre et loyale vont prononcer sur une de ces questions vitales, qui peut influer d'une manière heureuse ou funeste sur une ou plusieurs générations, dont la bonne ou mauvaise solution garantit ou compromet tous les intérêts les plus chers à la société !

C'est dans le sanctuaire de la justice, cette seconde divinité qui proclame les lois tutélaires du bonheur de plusieurs millions d'hommes, que va être porté le jugement solennel, et disons-le, sans crainte de sortir des bornes du vrai, sans être téméraire dans notre thèse, moins solennel encore que redoutable, puisque c'est de là, plus que de toute autre chose, que dépendront le repos et la tranquillité de notre belle patrie, l'union des deux partis dont elle se compose!

Sachons nous préparer avec calme et sagesse aux débats qui vont s'agiter, et que réunis et inspirés par les dangers et les misères du temps dans lequel nous vivons, nous puissions nous tendre la main, pour nous préoccuper sérieusement des grands intérêts de l'avenir, soyons prudents dans les conséquences, sans flétrir le présent d'un sarcasme moqueur, sans faire non plus dans l'avenir des pointes à effrayer.

Enfin, ne soyons pas sujet à des repentirs, de même que les gens inconséquents qui n’ont pas de principes, ou qui en ont eu d'opposés, ou qui en ont encore plusieurs à la fois et que leur imagination, pareille au cheval indompté de Mazeppa, tourmente et traîne sans relâche à bout d'horizon, par toutes sortes de vallées, de rochers, de sentiers et d'épines.

Ne flottons point comme un vaisseau dont l'ancre serait brisée entre deux rivages, éternellement battu par les orages de la pensée.

Tâchons de faire une loi de justice et de moralité, une loi providentielle qui puisse régner comme les puissances de ce monde par la force de son principe, et non pas une loi qui doit périr comme périssent aussi les puissances de ce monde par la violence et l'abus de son principe.

Il n'est pas facile d'organiser les grandes institutions d'un gouvernement ni même de les discuter. Notre constitution elle-même n'est pas éclose par une bonne matinée d'été de la cervelle de quelques hommes d'Etat, qui ont inventé à eux seuls la liberté des cultes, de la presse, de l'enseignement, des opinions, etc. S'il n'est pas toujours permis de dresser régulièrement un édifice neuf et complet, il faut du moins avoir soin de tailler les pierres de manière à pouvoir les apporter sur le terrain, ciselées aussi parfaitement que possible.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, le principe d'autorité et le principe de liberté ont, il est vrai, leurs domaines séparés; mais il serait funeste d'en conclure que ces deux principes sont pour cela hostiles l'un à l'autre, et que la raison humaine est condamnée à chercher éternellement la solution d'un problème insoluble. Notre Constitution n'est excellente que parce qu'elle a résolu ce problème difficile, de l'accord entre les deux principes. Cet accord a été la préoccupation constante du Congrès national, et l'article 17, en particulier, en est une preuve, cet article qui, tout en proclamant la liberté de l'enseignement, décrète aussi qu'il y aura un enseignement donné aux frais de l'Etat.

Le projet de loi qui nous est soumis est-il conforme à ce double principe d'autorité et de liberté ? En un mot est-il constitutionnel? Telle est la première question que doivent s'adresser les représentants de la nation appelés à le voter. A cette question ma réponse sera affirmative. C'est pour cela que j'appuie le projet de loi.

Avant d'examiner le projet de loi au point de vue constitutionnel, c'est-à-dire au point de vue des rapports de l'Etat avec l'Eglise, avec la commune, et avec la liberté individuelle, je crois devoir vous présenter quelques observations relatives à la manière dont l'enseignement moyen est organisé par le projet.

Quelle est la véritable mission de l'enseignement secondaire? Sur quelles bases doit-il reposer? Comment le programme des études sera-t-il combiné pour demeurer en harmonie avec les besoins de la société moderne? Certes, il est difficile de rencontrer des questions d'une importance plus grande et dont la solution soit plus opportune.

On a longtemps reproché, et avec quelque raison, à l'enseignement moyen de tout sacrifier aux études classiques, de méconnaître les vocations et de jeter tous les esprits dans un moule uniforme, sans tenir compte de la diversité des aptitudes et de la variété des carrières ouvertes à l'activité de la jeunesse. Ce reproche va cesser d'être fondé. Le gouvernement a compris que l'enseignement moyen devait offrir aux jeunes gens dans les collèges toutes les ressources d'instruction dont ils peuvent avoir besoin ; qu'il doit se prêter aux exigences diverses, afin de faciliter aux enfants qui lui sont confiés l'entrée de toutes les carrières.

Deux voies se présentaient pour réaliser cette amélioration capitale. On pouvait surcharger le programme des études classiques et scientifiques de manière à rendre tous les élèves également aptes à tout.

Mais cette méthode encyclopédique qui disperse les travaux de l'intelligence, risque fort de n'aboutir qu'à des connaissances superficielles; elle risque surtout de fatiguer l'esprit, que tout bon système d'éducation doit viser à fortifier et à élever.

On pouvait, et c'est là le parti auquel on s'est arrêté, étendre et varier l'instruction en établissant deux degrés divers d'enseignement moyen, pourvus chacun d'un système d'enseignement complet et rationnel, et en établissant aussi dans un même collège plusieurs écoles diverses pourvues aussi chacune de son système d'enseignement. De cette manière l'enseignement moyen apprendra tout, mais n'apprendra pas tout à tous. C'est là une amélioration qui ne saurait manquer d'être appréciée vivement, de ceux-là surtout qui aiment le plus les études classiques. Car s'ils désirent qu'elles continuent de former l'élite de la génération nouvelle, ils doivent se garder de tout système étroit, et faire appel à la liberté des études, se confiant aux avantages que présente l'enseignement littéraire pour en garantir le maintien et la prospérité.

En étendant et en variant l'enseignement moyen d'une manière conforme aux divers besoins de la société, en laissant aux parents et aux élèves un choix libre entre les modes d'instruction secondaires, loin de nuire aux études classiques on les fortifiera. Elles devront un lustre nouveau à l'absence de toute contrainte. Ici comme ailleurs, la liberté servira de mesure à la distribution des travaux. La devise adoptée par tous les hommes sages est de ne pas enseigner beaucoup de choses, mais de bien faire apprendre celles qu'on enseigne : non mulla sed mullum, c'est le seul moyen de donner de la trempe à l'intelligence, d'empêcher ces habitudes vagabondes de l'esprit qui l'invitent à se dépenser inutilement, en se portant sur tout, sans se fixer sur rien. Sous ce rapport le projet de loi me paraît devoir mériter l'approbation de tous.

J'arrive maintenant, messieurs, à la question constitutionnelle.

Le projet de loi donne-t-il à l'enseignement de l'Etat un développement tel qu'il constitue un monopole rendant la liberté impossible par une concurrence écrasante? Non certes. Le projet demande dix établissements du premier degré ou athénées; ils existent déjà. Le projet demande cinquante établissements du second degré ou écoles moyennes ; trente-huit existent déjà et la chambre a toujours tendu à en augmenter le nombre. Le projet ne donne donc pas à l'enseignement de l'Etat un développement de nature à créer à l’enseignement libre une concurrence funeste.

L'enseignement donné par l'Etat doit être religieux et moral ; plus que personne, j'en suis convaincu. Un enseignement religieux et moral est la sauvegarde de la société, la seule digue à opposer à l'envahissement des mauvaises doctrines. Pour répondre à la confiance des pères de famille qui se reposent sur lui du soin d'élever leurs enfants, l'Etat est tenu d'enseigner à ces derniers ce qu'ils doivent à Dieu, à leurs parents, à la société dont ils sont membres. C'est là une obligation aussi sainte qu'impérieuse.

Mais de cette nécessité faut-il conclure nécessairement l'obligation d'appeler le clergé à donner l'enseignement religieux? de l'appeler officiellement?

Je suis vivement frappé du principe que mettent en avant les adversaires du projet de loi, principe qu'ils posent à titre d'axiome, comme fondement de toute la discussion, et qui, s'il était admis, entraînerait des conséquences très graves. Ce principe, le voici : L'Etat est apte à donner aux jeunes gens élevés dans ses établissements publics l'instruction scientifique et littéraire ; il est absolument incapable de donner (page 1101) l'éducation morale et de leur inspirer le sentiment religieux, Le clergé au contraire, qui est le seul propre à remplir cette dernière tâche, sans contredit la plus importante, peut en même temps se passer de l'Etat pour donner l'instruction proprement dite aux élèves qui lui sont confiés. Si ce principe était admis, la seule conséquence à en tirer serait de renoncer à l'enseignement de l'Etat et de laisser au clergé le monopole de l'éducation.

Certes si l'Etat se reconnaissait impuissant ou inhabile à donner à la jeunesse cet enseignement moral si nécessaire, sans lequel l'instruction doit rester stérile, ou ne peut porter que de mauvais fruits, par cela même il déserterait sa propre cause. Pour moi, je demanderais immédiatement la suppression de l'enseignement par l'Etat, s'il fallait admettre que les instituteurs qui tiennent leurs fonctions de l'Etat sont incapables de former les jeunes générations aux vertus publiques et privées, unique garantie de toute société, si l'on retranchait ainsi de leur tâche ce qui en est la partie la plus essentielle et la plus noble.

Que le concours des prêtres vienne partout en aide aux chefs des établissements publics pour donner à l'éducation morale la sanction religieuse, oh! sans doute rien n'est plus désirable. Ce concours doit être non seulement accepté, mais recherché avec empressement. Ce que je veux constater seulement, c'est que pour quiconque est chargé de l'enseignement public, à quelque degré que ce soit, il n'y a pas de devoir plus saint, d'obligation plus impérieuse que de faire pénétrer dans les cœurs le sentiment religieux et les pures notions de la morale éternelle. Ce devoir ne saurait être délaissé sous aucun prétexte par l'Etat et par ses représentants. A l'Eglise seule le droit d'enseigner le dogme, mais le dogme ne constitue pas à lui seul tout l'enseignement moral que doivent recevoir les hommes destinés à vivre dans les sociétés libres de notre temps. Qu'il y ait émulation pour répandre dans les masses les germes de la probité et du dévouement, voilà ce que tous les hommes sensés approuveront. Mais que l'Etat, oubliant ses droits, soit dispensé de veiller à l'éducation morale des jeunes générations sous prétexte que le clergé réclame le monopole de cette éducation, voilà ce qui ne se saurait souffrir.

N'oublions pas, nous, dont la Constitution a proclamé l'indépendance du pouvoir civil et du pouvoir religieux, que reconnaître que le clergé est seul apte à donner l'éducation morale, c'est déclarer que le clergé est le seul instituteur. Or le clergé instituteur, c'est le clergé législateur; le clergé législateur, c'est la théocratie. Est-ce la théocratie qu'a fondée notre Constitution?

Loin de porter atteinte à la liberté, le projet de loi la sert. Vous prétendez que les pères de famille voient avec douleur que le clergé ne soit pas chargé officiellement de donner l'enseignement religieux. Si cela est vrai, qu'arrivera-t-il ? Il arrivera que les pères de famille, au lieu d'envoyer leurs enfants dans les établissements de l'Etat, les enverront dans ceux du clergé. Est-ce aux adversaires de la loi à s'en plaindre ?

D'ailleurs, il ne faut pas oublier que les établissements de l'Etat sont de simples externats, et que le père peut, chez lui ou à l'église, charger le prêtre de donner l'enseignement religieux à son enfant. Il y a cette grande différence entre l'enseignement primaire et l'enseignement moyen que le premier s'adresse principalement à la classe laborieuse qui, absorbée par ses travaux, ne peut s'occuper de l'éducation morale de ses enfants; tandis que le second s'adresse à la classe aisée et n'est pour ainsi dire que le complément de l'éducation donnée dans la famille.

L'article 8 a excité de vives répugnances; pourtant cet article appelle le clergé à donner l'enseignement religieux dans les établissements de l'Etat. Mais on voudrait qu'il y fût appelé à titre d'autorité. Quelques membres ont été d'avis qu'un prêtre doit faire de droit partie du bureau d'administration; cette disposition laisserait le prêtre sans influence, elle lui donnerait une part de responsabilité dans des décisions prises parfois contre son opinion. Dans son remarquable rapport sur l'instruction primaire, M. Dechamps la repousse en ces termes : « On comprend que la position isolée du ministre du culte dans un comité composé de plusieurs membres qui peuvent lui faire opposition, ne donne à l'autorité religieuse qu'une influence problématique et souvent nulle. »

Le projet de loi présenté en 1846 par M. de Theux, appelait le clergé à titre d'autorité à donner l'enseignement religieux, et cependant il prévoyait le cas où le clergé refuserait son concours, ou y mettrait dos conditions inacceptables. Le paragraphe 4 de l'article 3 était ainsi conçu :

« Si les conditions de ce concours pour un ou plusieurs athénées étaient reconnues par le gouvernement incompatibles avec les principes de la présente loi, l'enseignement religieux serait suspendu. » Je vous le demande, ne vaut-il pas mieux un concours officieux qu'un concours officiel qui expose à de pareils conflits ? N'oublions pas. suivant la belle expression de M. Guizot, que l'atmosphère de l'école doit être morale et religieuse, mais en même temps n'oublions pas que notre Constitution a décrété la séparation du pouvoir civil et du pouvoir religieux, et que nous ne devons pas servir les projets de ces ambitieux que désavoue le clergé, et qui font à la liberté une guerre hypocrite sous le drapeau, même de la liberté; ce sont les prétentions exclusives qui provoquent les réactions fâcheuses. N'appelons donc pas à titre d'autorité dans l'enseignement donné par l'Etat le clergé belge irréprochable dans ses mœurs, paisible dans son action, et que nous entourons de déférence et d'honneurs, parce que nous savons qu'il ne veut pas imiter ce parti turbulent qui mit en péril sous la restauration les affaires de la religion en France.

Au point de vue des droits de la commune, je ne puis pas dire que le projet de loi soit en contradiction avec la loi communale. En droit strict, la commune n'a rien de plus à revendiquer que ce que lui accorde le projet de loi. Cependant, je pense qu'outre les questions de stricte légalité il y a celles de convenance. En élargissant les concessions faites à la commune, le projet de loi serait plus conforme à l'esprit de nos institutions et surtout au sentiment public en Belgique. Il ne faut pas oublier que c'est la commune, gardienne de nos vieilles franchises, qui nous a mûris pour la liberté et que c'est de nos vieilles franchises administratives que nous nous sommes élevés à la liberté politique; que l'habitude de faire nos propres affaires sans l'intervention des fonctionnaires de l’Etat, le gouvernement local par les hommes de la localité, tel est le principe de la nationalité belge, son moyen le plus fécond de développement. C'est pour cela que je voudrais que le projet de loi fît la part plus large à la commune et lui laissât, par exemple, le droit d'intervenir dans la nomination des professeurs, comme elle intervient dans celle des membres du bureau d'administration par la présentation d'une liste de candidats en nombre double. J'appuierai donc toute proposition qui serait faite en ce sens, me réservant de présenter un amendement à ce sujet si aucune proposition n'était faite.

Je n'entrerai pas ici dans l'examen des détails du projet qui relèvent plus particulièrement de la discussion des articles, et je me bornerai à une observation préliminaire. S'il est nécessaire de ne pas marchander les dépenses utiles dans une question aussi grave que l'enseignement, je pense qu'il faut, autant que possible, éviter les dépenses inutiles. Ainsi je m'opposerai à la création d'un inspecteur général de l'enseignement moyen, et je demanderai que le nombre des inspecteurs soit limité à deux, un pour chacun des degrés de l'enseignement moyen.

(page 1107) M. de Liedekerke. - Messieurs, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, je ne me suis jamais levé avec une conviction plus profonde ni plus sincère qu'aujourd'hui ; jamais non plus je n'ai senti au même degré l'importance et la responsabilité du mandat qui m'a été confié par mes concitoyens. Et certes, l'émotion publique qui a accueilli ce projet, la préoccupation et l'anxiété même qui règnent dans cette chambre, justifient suffisamment mon émotion : c'est que la question sur laquelle nous sommes appelés à délibérer est assurément une des plus considérables qui puissent nous occuper. Elle est, en effet, le dernier anneau qui relie et complète la chaîne qui conduit l'homme depuis son berceau, depuis sa première enfance, jusqu'à l'âge de l'activité de citoyen, jusqu'à celui de sa complète indépendance et de son affranchissement.

Aussi, messieurs, lorsque l'honorable ministre de l'intérieur faisait appel hier à la conciliation et nous demandait d'éloigner de ce débat tout esprit de parti, je me sentais d'accord avec lui : je range, en effet, cette question dans une région plus élevée que toutes celles qui nous préoccupent ordinairement, et je dis, comme lui, qu'il ne devrait pas y avoir place ici pour l'esprit ni pour les préoccupations de parti.

D'abord, reconnaissons enfin que depuis deux ans de grands faits et d'immenses événements, que des épisodes quotidiens qui se passent autour de nous, ont modifié et modifieront encore davantage les rapports et les relations anciennes des partis. Les fameuses thèses d'autrefois, les retentissantes accusations du rétablissement de la dîme, de la mainmorte, de la prépondérance cléricale, de l'abaissement du pouvoir civil ; ces bruyantes accusations ont disparu sous le souffle impérieux et tout puissant des événements contemporains !

Et ici sur le seuil même de la discussion, je désire la dégager et l'affranchir d'une désignation et d'un mot qui m'importunent et me troublent.

On désigne assez habituellement parmi les organes de la presse qui soutiennent avec le plus d'ardeur et avec le plus de dévouement, je dirai presque avec le plus de fanatisme, le système et les doctrines du ministère, et peut-être que cette désignation et ce mot, sans se trouver sur la bouche d'aucun de nos collègues, n'en est pas moins au fond de leur cœur et de leur esprit; on désigne, dis-je, une partie de ceux qui sont prêts à combattre le projet de loi et les doctrines du ministère, du nom de cléricaux, et cette qualification, qui ne serait rien par elle-même, est aggravée parce que l'on y attache une pensée de réaction et de restriction de la liberté.

Eh bien, pour ce qui me concerne personnellement, je désire m'expliquer ici sans ambages, dissiper toute équivoque, lever tout doute à cet égard.

Si, sous la désignation de clérical, vous entendez comprendre ceux qui voudraient l'abaissement du pouvoir civil, qui voudraient faire résoudre uniquement par l'autorité religieuse toutes les grandes difficultés, tous les sérieux embarras sociaux qui nous encombrent, non, je le déclare hautement, je n'appartiens pas à un pareil parti.

Permettez-moi d'ajouter que je ne crois pas à l'existence d'un semblable parti en Belgique et que s'il avait vu le jour, je doute qu'il osât se produire ouvertement ou faire connaître ses idées et ses tendances.

Mais si sous ce nom vous rangez ceux qui veulent l'indépendance complète des deux pouvoirs, leur action parallèle et libre, ceux qui, désirant diminuer autant que possible les dures nécessités des lois restrictives, croient que ce progrès, ce grand développement de la civilisation ne peuvent sainement, utilement s'accomplir qu'appuyés de l'influence religieuse, que l'esprit, l'intelligence, la raison de l'homme ne sauraient efficacement, glorieusement s'épanouir au sein des sociétés humaines que lorsqu'elles y sont préservées de la corruption par l'arôme de la religion, oui, à ce titre, sous ces conditions, avec ces réserves j'accepte le titre de catholique, bien plus je m'en glorifie, parce que, à mon sens, il répond à celui de véritable libéral, parce qu'il comprend ceux qui veulent la liberté sérieuse, honorable, permanente, et non celle qui, étant le produit de l'incontinence de passions excessives et éphémères, serait aussi passagère, aussi fragile et aussi pernicieuse que leur impossible règne !

Ce que nous demandons donc à nos honorables contradicteurs, c'est d'accepter cette situation nouvelle sans y apporter un souvenir suranné de nos luttes anciennes; c'est de venir s'entendre avec nous sur le terrain de la liberté sans défiance aucune. C'est à leur tour de ne pas se montrer les réactionnaires de la liberté, mais de la vouloir loyalement, ouvertement, comme nous. Qu'ils se persuadent bien alors et qu'ils me permettent de leur dire que de cette manière nous sommes prêts, moi du moins, à accepter les grandes mesures qu'ils proposeront dans l'ordre matériel comme dans l'ordre moral et à les voir réaliser et pratiquer par eux.

Et certes il est permis à ceux que vous taxez si souvent du nom de vos adversaires de tenir ce langage. Jetons un regard en arrière et sondons le passé parlementaire des deux années qui viennent de s'écouler. Ne vous ayons-nous pas soutenus par un concours spontané, payé souvent d'un si injuste retour, dans vos propositions les plus importantes, dans celles qui tenaient directement au salut et à la grandeur du pays?

Quand il s'est agi des intérêts internationaux, de la dignité extérieure de la Belgique, n'avez-vous pas trouvé dans la voix éclairée et éloquente de mon honorable ami M. Dechamps un appui éminent, auquel se sont ralliés ses amis politiques? N'est-ce pas nous qui vous avons apporté un secours notable et bien nécessaire quand il s'est agi de faire triompher les budgets de la guerre dans cette enceinte? M. le ministre de l'intérieur ne l'a-t-il pas reconnu lui-même, quand, sollicité de répudier certaines voix, il a hautement déclaré qu'il accepterait avec reconnaissance toutes celles qui seraient favorables au budget de la guerre, de quelque côté qu'elles vinssent.

Quand vous avez proposé d'une manière aussi imprévue pour vous que pour nous l'élargissement des franchises électorales, n'avons-nous pas eu la même confiance que vous dans la sagesse, dans les lumières du pays, dans son amour de l'ordre et de la tranquillité?

Ne les avons-nous pas votées unanimement, ces franchises électorales sans hésitation et sans crainte?

Lorsqu'il s'est agi des incompatibilités parlementaires, ne les avons-nous pas acceptées comme vous ? Et le rapporteur de la section centrale de cette époque, l'honorable M. Malou, n'a-t-il pas voulu et obtenu au-delà de ce que souhaitait le ministère ?

Sans doute, le dissentiment a éclaté; je ne le cacherai pas plus que l'accord qui nous a unis, et qui nous a souvent associés. Mais dans quelles circonstances ce dissentiment s'est-il fait jour?

Lorsque vous vouliez créer les grandes influences de l'Etat, au moyen des travaux publics, en absorbant les deniers du contribuable, lorsque vous vouliez fonder cette suprématie matérielle d'où découlerait fatalement et la gêne financière et la servitude, car celle-ci peut naître sous le régime de la liberté comme sous le règne de l'absolutisme, nous vous avons déclaré que nous combattrions votre système et nous le ferions encore.

Lorsque vous avez voulu fonder, avec la garantie de l'Etat, des caisses de retraite, étendre indéfiniment son action financière qui pourrait exposer sa responsabilité à des charges et des périls inconnus, je vous ai combattus, et je n'en ai aucun regret!

Lorsque vous avez voulu absorber la charité au profit de l'Etat, lorsque vous avez voulu décourager et frapper l'initiative et la spontanéité des cœurs qui s'intéressent aux misères humaines, nous avons lutté contre, système déplorable, et nous attendons, nous hâtons de nos vœux le jour où il nous sera permis d'en dévoiler ouvertement les funestes effets.

Lorsque vous avez, par votre déplorable droit sur les successions en ligne directe, voulu jeter le fisc au sein de la douleur des familles, entre le père et le fils, les parents et les enfants, et affaiblir le respect dû à la propriété, nous avons été vos adversaires décidés; nous le serons encore si cette triste proposition pouvait jamais renaître!

Oui, voilà les circonstances, quelques-unes des occasions, quelques-unes des lois où un dissentiment profond nous séparait de vous.

Pourquoi? Parce que, en même temps que vous sembliez, sous le rapport purement politique, accepter les faits nouveaux, et que vous ouvriez librement et sans craintes vos voiles au souffle du moment et des événements, vous en étiez, sous le rapport social, à professer des sentiments tout opposés et vous paraissiez redouter la liberté et l'initiative individuelle! Oui, sous ce rapport, vous vouliez fonder la domination matérielle, comme aujourd'hui vous voulez fonder la domination intellectuelle. Vous vouliez, au profit de l'Etat, du gouvernement, ériger un gouvernement matériel, comme aujourd'hui vous voulez organiser et fonder pour lui et par lui le gouvernement de la pensée.

Messieurs, nous ne devrions pas avoir à discuter la question de la liberté d'enseignement; M. le ministre de l'intérieur citait hier l'article 17 de la Constitution. Moi, à mon tour, je demande à m'y arrêter. La liberté d'enseignement, entière, absolue existe chez nous; elle ne peut être soumise à aucun contrôle. Voilà quelle est la règle, voilà quel est le fondement de toute notre législation.

Et lorsque l'on a ajouté que l'instruction publique, donnée aux frais de l'Etat, serait réglée par la loi, qu'avait en vue le législateur? Se souvenant des leçons du passé, se souvenant de ce qui avait eu lieu sous un autre régime, il a voulu prévenir que cet enseignement fût réglé par simple ordonnance; il a voulu que, lorsqu'il serait organisé, il ne le fût que par une loi. Voilà quelle a été sa pensée. Et cette pensée, cette belle maxime de notre Constitution, n'est-elle pas justifiée par tous les changements, par toutes les altérations qui sont survenus dans l'ordre social? Ne suffisent-ils pas pour expliquer et honorer la prescience de ceux qui la provoquèrent? En effet, l'État, sous l'empire des faits modernes, n'a plus cette autorité, ces traditions, cet ensemble de maximes qu'il avait autrefois; il n'a plus de religion!

Il a donc fallu modifier ses droits, lui enlever ceux dont il ne pouvait plus faire un utile, un sage, un rassurant emploi, pour les restituer à qui ? A la famille; car les devoirs, la conscience, l'expérience du père de famille, le cœur, le sentiment d'une mère ne failliront jamais et nous offrent une sûre garantie qu'ils rempliront cette mission confiée aux impérissables sentiments de leur âme dans l'intérêt de l'avenir de leurs enfants et par conséquent de l'Etat.

Ainsi la liberté devrait être ici hors de cause. Et cependant qu’a dit hier M. le ministre de l'intérieur? Quel est le mot qui lui est échappé? Quel cri de vérité s'est trouvé soudainement sur ses lèvres? Qu'avez-vous entendu dans son discours? Chacun a pu recueillir ses paroles? Il a dit : « qu'il fallait opposer le monopole de l'Etat à un autre monopole. »

Etonnant aveu ! Ainsi ce n'est pas de la liberté qu'il s’agit, non, non ; il s'agit de fonder, ne l'oubliez pas, c'est le ministre de l'intérieur qui vous le dit, d'établir un monopole en opposition avec ce qu'il appelle (page 1108) un autre monopole et qui n'est après tout, si tant est qu'il existe, que le naturel effet, que le pur résultat de la liberté!

Ici permettez-moi, messieurs, de jeter un regard rétrospectif sur le passé. Il ne sera pas inutile; il sera, je crois, tout à fait opportun.

La première fois que notre grande maxime constitutionnelle a été formulée en loi, c'est en 1834. C'est alors que l'honorable M. Rogier proposa la première loi sur cette matière ; et une section centrale où étaient représentés également les intérêts religieux, les intérêts civils et ceux de la science, fut appelée à l'examiner.

Quel était donc l'esprit prédominant de cette loi? Quelle était son idée fondamentale? C'était que la commune était considérée à l'égal d'un individu ; c'est-à-dire qu'elle pouvait fonder, administrer ses écoles comme elle l'entendait; c'est qu'elle pouvait révoquer, suspendre les professeurs, régler leurs traitements; c'est qu'enfin les communes gouvernaient leurs écoles comme elles l'entendaient. L'action communale était ici prépondérante.

Que demandait l'Etat? Il demandait d'organiser quelques athénées modèles, comme des types, comme des éléments de concurrence ; afin que ceux qui auraient plus de confiance dans les doctrines et la direction de l'Etat eussent une ressource, une porte ouverte !

Voilà quelle était la pensée, quel était le système de la loi de 1834.

En 1840, sous un ministère libéral, trois grandes mesures furent proposées; ce sont celles qu'indique M. le ministre de l'intérieur dans son exposé des motifs comme étant les plus sérieuses modifications qui ont eu lieu avant la présentation de la loi définitive, de celle d'aujourd'hui.

La première de ces mesures concerne les concours; la seconde, l'inspection ; la troisième, la surveillance.

Certes, messieurs, je crois que c'est un principe extrêmement admissible que celui de la surveillance de l'Etat relativement aux subsides qu'il peut donner. Je crois que le concours lui-même est une chose très acceptable; car il ne peut que stimuler, qu'exciter le mouvement intellectuel, et mettre sous les yeux de la nation comme sous les yeux d'un grand jury, les progrès et les développements de l'intelligence et de l'éducation.

Quant à la troisième mesure, l'inspection permanente, elle est, je crois, avec une certaine réserve, également acceptable. Cependant, messieurs, en y attachant le sens que lui prête M. le ministre de l'intérieur, elle le devient bien moins, et prend un caractère plus suspect. Car M. le ministre de l'intérieur nous a révélé que ce qu'il voulait, c'était de retirer une partie des prérogatives qui avaient été abandonnées depuis 1830. Cela équivaut à dire que regrettant la liberté, ses effets, ses développements, ce qu'il fallait, c'était de revenir au système qui avait été aboli et jeté de côté par un grave événement, c'était de reculer vers un passé solennellement condamné.

Ainsi donc, messieurs, ce qu'il faut reconnaître, c'est que ces trois actes témoignent déjà d'une certaine défiance, d'une certaine hostilité, d'une inimitié sourde encore contre la liberté. Ce sont, pour ainsi dire, des ballons d'essai, des actes précurseurs d'un système qui devait plus tard se réaliser dans des proportions plus considérables et qui, après avoir boudé la liberté, devait finir par lui tourner le dos.

Cependant je me hâte de dire et de reconnaître que la loi sur l'enseignement primaire de 1842 est celle qui limite de la manière la plus considérable les droits de la commune. Aussi je demande la permission à la chambre (car la loi sur l’enseignement primaire se rattache d'une manière toute spéciale, toute directe, à la loi sur l'enseignement moyen), je lui demande la permission de la lui esquisser en quelques mots.

Que dit la loi sur l'enseignement primaire? D'abord elle rend l'école obligatoire dans toutes les communes; elle donne l'éducation gratuite aux pauvres; elle règle le subside gradué de la commune, de la province et de l'Etat.

Mais le grand fait de la loi sur l'enseignement primaire, c'est la concertation, c'est l'accord, c'est l'union entre le pouvoir civil d'une part, et le pouvoir religieux d'autre part. Aussi je prie la chambre d'être bien attentive à ce grand fait, car on dit constamment que ceux qui ont accepté et voté la loi sur l'enseignement primaire de 1842 peuvent très bien accepter et voter la loi sur l'enseignement moyen.

On leur dit que la loi sur l'enseignement primaire ne confie pas au clergé exclusivement la direction de l'intérêt religieux. C'est là, messieurs, une grande erreur, car une des bases importantes de la loi sur l'enseignement primaire, c'est que l'enseignement religieux et moral est obligatoire. C'est, en second lieu, que cet enseignement religieux et moral est donné et surveillé par le clergé.

Voilà les deux grands faits de la loi sur l'enseignement primaire. Relativement à l'administration et à la surveillance de l'intérêt spirituel, de l'intérêt religieux, le clergé a une autorité incontestée et prépondérante.

Ce qui caractérise encore la loi sur l'enseignement primaire, c'est le droit de la commune de nommer librement les instituteurs, n'importe de quel établissement ils sortent. C'est-à-dire qu'ils peuvent les choisir soit dans les écoles normales de l'Etat, soit dans les écoles adoptées, soit même en dehors de ces deux catégories d'établissements, mais alors avec l'autorisation ministérielle.

D'ailleurs les écoles normales de l'Etat et les écoles normales adoptées sont rangées sons le régime tout entier de la loi sur l'enseignement primaire, c'est-à-dire sous l'inspection civile et religieuse. Enfin la commune peut adopter des écoles privées et leur confier l’enseignement primaire.

Voilà, messieurs, la physionomie générale de la loi, quelques-uns de ses grands traits, et je prouverai que, sous ce rapport, il n'y a aucune corrélation entre la disposition de la loi sur l’enseignement moyen et la disposition de la loi sur l'enseignement primaire.

Ainsi, messieurs, ce qu'il faut reconnaître, c'est que la loi sur l'enseignement primaire était avant tout une loi de fusion, une loi de conciliation ; qu'elle est une loi d'union qui tendait à réunir, à concilier la triple autorité de la famille, de l'Etat et de la religion.

Enfin, messieurs, en 1848, sous un ministère libéral, on propose d'assez graves modifications à la loi sur l'enseignement supérieur, et ici encore ce n'est pas l'esprit conciliant et généreux de la liberté qui éclate, c'est l'idée de restriction. Ainsi les bourses, qui étaient autrefois données également à toutes les universités, sont enlevées aux universités libres et réservées uniquement aux universités de l'Etat. Ainsi le jury peut être composé sous le concours obligatoire des grandes universités libres, et vous vous souvenez assez que l'honorable M. de Brouckere, qui n'est plus maintenant parmi nous, et l'honorable M. Orts, ont tous deux attaqué l'an dernier cette loi, qu'ils ont démontré qu'elle était contraire aux principes véritablement libéraux, vraiment conciliants qui devraient nous animer en cette matière comme dans toutes les questions qui touchent à l'intelligence, et l'honorable M. Orts lui-même a voté contre la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Qui se plaint aujourd'hui de la loi?

M. de Liedekerke. - Qui s'en plaint? me demande M. le ministre. Je vais lui répondre.

Il peut très bien se faire qu'une loi défectueuse dans son principe, mal concertée, mal combinée, contraire au principe de la liberté ; il se peut, dis-je, que cette loi, par la modération de ceux qui sont appelés à l'exécuter, et ce qui honore leur prudence et leur loyauté, ne rencontre pas le blâme public et ne se trouve pas exposée à de graves reproches ; mais que cette loi défectueuse, mal combinée, semblable à une arme à deux tranchants, tombe entre les mains d'hommes hostiles à la liberté ou qui veulent la fausser, alors les défauts de la loi éclateront dans toute leur force, et l'on ne pourra plus empêcher, ou du moins trop tardivement, les tristes conséquences dont elle est la source.

Messieurs, la revue à laquelle je viens de me livrer, quelque stérile et sèche qu'elle puisse paraître, n'est cependant pas inutile ; elle nous montre les secrets progrès d'un esprit de réaction contraire à la liberté; la marche ascendante de tendances qui aspirent à concentrer dans les mains de l'Etat le monopole des grands intérêts intellectuels; elle nous montre l'honorable M. Rogier, si libéral, si modéré en 1834, bien loin de ces mêmes sentiments, bien loin de ces idées libérales et conciliantes en 1850; elle nous montre ceux qui ont accepté la loi de 1842, cette loi de fusion et d'une honorable entente, versant actuellement dans un système tout différent, dans des principes tout opposés, et répudiant ces anciens principes de sagesse et de modération, dans un moment même où ils sont plus nécessaires, plus indispensables que jamais.

Messieurs, j'arrive aux limites mêmes du projet, et je crois pouvoir le ranger en trois groupes distincts : l'un qui concerne l'érection des établissements qui seront plus particulièrement sous la direction de l'Etat; l'autre, relatif à la limitation et à l'affaiblissement des franchises communales ; le troisième enfin, qui concerne l'intervention religieuse,

Il y a deux grands systèmes : ou l'abstention absolue de l'Etat en matière d'enseignement, ce qui me paraît entraîner aussi la suppression de tout subside; ou bien, une intervention facultative, modérée quant aux établissements que fonde et dirige l'Etat; modérée quant aux subsides qu'il accorde.

C'est ce dernier système qui a été adopté jusqu'ici. Sans doute, il est moins rigoureusement logique que l'autre. Mais l'absolutisme de la logique est-il toujours possible? Les intérêts humains admettent-ils cette rigueur, qui ne veut supporter aucune modification?

Je ne le crois pas; je pense que les intérêts de tout genre, j'entends parler des intérêts purement sociaux, ne vivent que de concessions ; ce sont des concessions réciproques, sages et prudentes, qui, à mon avis, peuvent seuls satisfaire aux besoins et aux éventualités sociales.

Aussi, messieurs, si l'Etat, échauffé au spectacle des effets de la liberté, troublé pour ainsi dire par ses conséquences et ses magnifiques résultats, n'a qu'une seule pensée, celle de se précipiter dans l'arène, pour lui faire une concurrence formidable et parvenir à la même hauteur, je dis, messieurs, qu'il méconnaît alors gravement nos maximes constitutionnelles. Je soutiens que cette pensée, cette inspiration constitue chez lui une véritable hérésie.

Car, que la religion, que le socialisme, que le rationalisme fondent des établissements, que toutes les sectes quelconques en élèvent si elles le peuvent, que nous importe après tout? Le gouvernement pourra, dans sa sagesse et son amour de l'ordre, trouver qu'il y a là un grave inconvénient; je ne le nie pas; je serai probablement d'accord avec lui, mais enfin c'est la conséquence de la maxime constitutionnelle de la liberté absolue sous laquelle nous vivons. Et je le reconnais, la liberté absolue a de grands bienfaits, mais elle a aussi de grands dangers, souvent difficiles à combattre et à vaincre.

Ainsi, lorsqu'on dit, comme dans l'exposé des motifs, comme nous l'avons entendu hier dans le discours de M. le ministre de l'intérieur, que la religion a autant d'établissements, que telle autre autorité en a autant, il faut bien supporter cela sans murmure. Ce sont les résultats, après (page 1109) tout, de la liberté. Qu'y pouvez-vous, et quel obstacle légitime pouvez-vous y opposer? Ces établissements ont-ils un budget? Quels sont les impôts qu'on prélève pour eux ? Qui les fonde? Quelle est la condition de leur existence? C'est la confiance des familles. Que ces établissements ne répondent plus à cette confiance, qu'ils ne réalisent pas les espérances des familles, et à l'instant ils font naufrage, ils tombent, rien ne peut plus les soutenu; ils n'ont pas de ressources secrètes. La confiance des familles une fois détruite, ils cessent d'exister.

Mais il n'en est pas de même des établissements de l'Etat. Quand vous fondez des établissements gouvernementaux, quand vous leur donnez cette prépondérance immense qu'ils tirent de l'autorité de l'Etat, ainsi que d'un budget assuré; quand vous érigez une hiérarchie professorale complète, ayant ses droits à l'avancement et à la retraite, qu'importe, après tout, la confiance des familles, la doctrine qui s'y enseigne, qu'importe le grand nombre d'élèves qui pourront y affluer? En tout cas, le budget de l'Etat n'en sera pas moins là pour maintenir et perpétuer ces établissements! Voilà la grande différence qu'il y a entre les établissements de l'Etat et ceux qui sont fondés par les efforts particuliers et individuels.

M. le ministre de l'intérieur nous faisait hier un calcul mathématique fort plausible en apparence; il nous disait : « Quoi! vous vous plaignez beaucoup de l'érection des écoles moyennes, de ces collèges au petit pied, comme on les nomme justement. Mais ces écoles, après tout, ne sont qu'une transformation ; la loi du 23 septembre 1842 n'autorise-t-elle pas le gouvernement à créer 26 établissements d'enseignement primaire supérieur, il n'en existe que 24; il y a aujourd'hui 12 écoles industrielles et professionnelles ; outre ces 12 écoles industrielles, que demandons-nous? Nous demandons à pouvoir établir 12 nouvelles écoles. Ainsi tout cet arsenal formidable qui, confié à l'Etat, ces envahissements menaçants, les grands périls que vous y trouvez, consistent dans les 12 écoles nouvelles que nous demandons à établir. »

Sans doute si c'était là toute la vérité, je conviens que le discours de M. le ministre de l'intérieur serait un sujet d'apaisement pour tout le monde, et qu'on pourrait, à la rigueur, s'exposer à augmenter la prépondérance de l'Etat, en laissant aller cette création de 12 écoles. Lorsqu'on compare le tableau de l'enseignement qui sera donné dans ces nouvelles écoles moyennes, avec celui qui était donné autrefois dans les écoles primaires supérieures, la nuance est très faible, et la différence entre eux n'est pas grande. Mais ne nous rassurons pas si vite et n'oublions pas que le ministre, quand il le jugera convenable, aura le droit d'ajouter de nouveaux cours au programme ; c'est là une grande faculté. Eh bien, dans telle localité où le gouvernement voudra attaquer, soit un collège privé qui lui déplaît, soit un collège communal qu'il ne subventionne pas, il pourra ériger une école moyenne de ce genre qu'il transformera en un véritable petit collège.

Mais on oublie encore que les écoles primaires sont maintenant soumises au régime de la loi de l'enseignement primaire, que vous voulez ainsi mutiler et atteindre dans une de ses parties les plus importantes et les plus vitales. Vous oubliez qu'en voulant soustraire ces écoles à la loi d'enseignement primaire, vous les soustrairez aussi à l'action et à l'influence religieuse. Cela n'est pas douteux, car la loi d'enseignement moyen n'est pas semblable dans son économie à la loi d'enseignement primaire; vous ne pourriez pas, et vous le savez bien, car c'est ce que vous voulez, maintenir dans ces petits collèges l'action religieuse, si indispensable pour ceux qui s'assiéront sur les bancs de ces écoles et qui s'exerce légalement dans les institutions d'enseignement primaire.

Que si vous déplacez la base de l'instruction donnée dans les établissements d'instruction primaire supérieure pour les transformer en établissements d'enseignement moyen, vous faites une chose blâmable et, à mon avis, pernicieuse. Ce qu'il faudrait faire, ce serait de fortifier ou d'augmenter en nombre les écoles primaires, mais sans y élever le niveau de l'enseignement; car une telle altération aurait pour résultat d'opérer un déplacement dans les couches de la société, de la parsemer d'une foule de mi-savants, d'intelligences imparfaites, d'ambitieux excessifs et incapables, amoureux de toutes les nouveautés, véritables soldats du désordre en tout genre, et qui en un mot, et pour me servir des expressions d'un orateur illustre, deviennent des sujets bons à tout et propres à rien.

Le gouvernement peut subsidier les établissements communaux et créer dix athénées; mais la loi ne dit pas que les athénées devront être créés dans les chefs-lieux de provinces; le gouvernement peut les placer où il veut, dans telle localité qui lui conviendra.

Il pourra donc exercer une influence prépondérante sur les collèges qu'il subsidiera et de plus avoir des athénées sous sa direction unique et exclusive.

Rien n'est limité quant à l'établissement d'écoles d'agriculture. On ne fixe pas le nombre d'établissements communaux qu'il peut subsidier.

Tout cela est illimité. Je sais bien quelle réponse on nous prépare. Mais vous oubliez, dira-t-on, le budget; ne le débattez-vous pas tous les ans? Ne pouvez-vous pas restreindre le chiffre des dépenses, limiter les crédits?

Messieurs, on sait quel est le sort des questions de ce genre qui sont réglées par le budget ; on sait que, quand on saisit la chambre d'une question qui intéresse les intérêts de l'intelligence, il y a une pression constante, bruyante, à laquelle on ne résiste pas, ou du moins timidement, qui fait que les fonds sont votés. Quand il s'agira d'accorder un subside à un collège communal, les intérêts locaux se concerteront, s'entendront, se coaliseront, et le ministère, quel qu'il soit, qui cède volontiers à la chance de se créer des sympathies, accueillera les demandes de subsides sans opposition aucune, et satisfera, soyez-en sûrs, le plus d'intérêts possible.

Enfin le gouvernement demande de pouvoir fonder deux établissements d'enseignement normal, dont l'un serait probablement attaché à l'université de Gand et l'autre à l'université de Liège.

Il veut donc donner un enseignement pédagogique, et cet enseignement est soutenu par des bourses et par une carrière réservée à ses seuls élèves.

Remarquez que les élèves des écoles normales de l'Etat seront seuls aptes à devenir professeurs et directeurs des athénées, des écoles moyennes ainsi que des collèges subventionnés, et que ce même droit est étendu aux élèves sortant de ses écoles normales primaires.

C'est une énormité! Des écoles normales existent en France, je ne parlerai pas des résultats, je ne dirai pas de quels instituteurs déplorables elles ont peuplé le pays. Mais là du moins, sous le régime d'un monopole qui, grâce à Dieu, tombe, les élèves sortant de n'importe quel établissement peuvent concourir avec les élèves des écoles normales, et peuvent comme eux conquérir le diplôme de professeur.

Voilà une différence notable tout en faveur de la disposition française et qui démontre l'inconcevable esprit qui a inspiré votre article.

En vérité, messieurs, il n'est pas soutenable.

Comment! il sera dit que, dans ce pays d'intelligence et d'indépendance, des hommes élevés dans d'autres établissements d'instruction que ceux de l'Etat ne pourront pas venir lutter avec les élèves officiels, qu'ils ne pourront pas avec les mêmes titres, ou avec des titres supérieurs, obtenir les mêmes droits ! Et vous diriez qu'il n'y a pas là de l'absolutisme intellectuel!

Oui, il n'y a pas d'expressions assez fortes pour le caractériser, je vous le répète, c'est de l'absolutisme étroit, injuste, inqualifiable.

Messieurs, je sais qu'on a parlé d'exception; on a dit qu'il y avait une exception à cet article si péremptoire. Quelle est-elle, cette exception? Je vais vous la dire. L'honorable rapporteur qui nous a parlé si ingénieusement de l'art de produire des citoyens (et à cet égard, je me permettrai de lui dire que son rapport n'en renferme que de bien faibles ingrédients) a eu la franchise sans art de dire qui si on admettait par faveur exceptionnelle les docteurs en sciences et lettres, c'est parce qu'ils sont peu nombreux et visent aux fonctions de professeurs d'université.

Voilà donc une exception qui, d'après lui, cesse d'en être une sérieuse. Soyez donc convaincus qu'il n'y aura aucune concurrence et que les professeurs sortant des écoles normales de l'Etat, régneront sans partage, sans rivaux dans le domaine de l'enseignement donné par l'Etat et par les communes.

Messieurs, récapitulons maintenant quel est l'ensemble des institutions dont l'Etat aura la direction absolue, et l'unique contrôle : 10 athénées, 50 écoles moyennes ou petits collèges, les écoles normales pédagogiques appuyées des bourses et s'ouvrant sur une carrière réservée, l'école militaire, les écoles communales subsidiées, les écoles d'agriculture, l'école vétérinaire et, comme couronnant le tout, les universités jouissant des bourses accordées uniquement aux élèves qui les fréquenteront. Voilà l'ensemble du système avec toutes ses parties.

Je demande s'il n'y a pas là un véritable monopole pour un pays d'une étendue comme le nôtre.

J'ai encore omis de parler du conseil de perfectionnement qui sera composé par le ministre, car il n'est pas dit dans la loi que ce conseil sera organisé de tels éléments, qu'il représentera la science, la liberté, la religion ; non, rien n'est dit, le gouvernement réserve dans sa mystérieuse pensée le sort de ce conseil.

En France, on a établi aussi un conseil supérieur, mais la loi en fixe les éléments et désigne les catégories dans lesquelles seront choisis ceux qui le composeraient.

Et chose assez étrange, mais qui s'est reproduite plusieurs fois, c'est que dans presque toutes les dispositions législatives, dans beaucoup de lois qu'on nous propose et qu'on soumet à nos discussions, il se trouve toujours quelque chose de vague, de caché, d'indéterminé, qui est destiné à être réalisé par la pensée ministérielle, suivant son bon vouloir et ses bonnes intentions ! C'est une sorte de blanc-seing qui lui est confié, comme le disait mon honorable ami M. de Man d'Attenrode.

Voilà un système bien complet, dont le principe, laborieusement poursuivi, réalise avec une funeste persistance la pensée du monopole, et soyez convaincus, messieurs, que si l'on parvenait à envelopper le pays d'un tel réseau l'unité, l'ensemble, et les ressources dont dispose l'enseignement de l'Etat épuiseraient tout et feraient reculer toute concurrence.

Aussi, je soutiens que si, en France, comme l'a dit M. Beugnot, on veut arrivera la liberté, malgré l'inégalité, vous voulez, vous, arriver à l'inégalité, malgré la liberté.

Je passe à la limitation des droits communaux.

Ce serait sans doute une banalité (quoique nous faisons tant d'histoire de nos jours que nous oublions un peu trop celle du passé), ce serait une banalité que de parler de nos libertés communales et provinciales qui ont toujours fait notre force et notre gloire.

N'oubliez pas cependant que nous n'avons pas de frontières naturelles, que nous n'avons pas de fleuves, de hautes chaînes de montagnes, qui nous séparent des autres peuples; que, sur certaines frontières, notre langue est aussi la leur ! Si cependant nous en sommes profondément distincts et divisés, c'est par l'effet de nos lois, c'est surtout par nos (page 1110) franchises, par nos habitudes, par nos libertés communales, par ces libertés, inscrites dans nos cœurs, dans nos âmes et que ni les siècles, ni les bouleversements de l'histoire n'ont jamais su en arracher.

Mais où irais-je mieux pour trouver l'éloge de ces libertés, tout le mérite de ces franchises, que dans l'exposé des motifs du projet? Que dit-il?

« Les administrations communales représentent convenablement la famille, et sont parfaitement en état d'apprécier le côté moral de l'éducation et de veiller à ce qu'on ne froisse point les habitudes locales auxquelles il faut avoir égard. »

Je trouve donc un aveu, un appui, une opinion qui fortifie la mienne dans l'exposé des motifs du ministre. Eh bien, quoique les communes représentent parfaitement cette variété de mœurs, d'habitudes, de coutumes, qui forment l'ensemble de l'unité nationale, que faites-vous? En présence des faits qui se sont accomplis depuis vingt ans, vous brisez, vous rompez, vous suspendez tout. (Dénégations.)

Comment! on le conteste?

J'avoue que je ne comprends plus aucun article de la loi si, lorsqu'on dit que les communes auront à décider dans les six mois si elles entendent maintenir les établissements d'instruction moyenne dans lesquels elles interviennent, et dans quelle catégorie elles veulent les faire rentrer, que ces résolutions sont soumises à l'avis de la députation du conseil provincial et à l'approbation du Roi, si ce n'est pas la suspension de tout ce qui s'est fait, la loi n'a aucun sens.

Oui, il faudrait de nouvelles délibérations des conseils communaux, l'approbation de la députation permanente et en dernier lieu , quoi? L'approbation royale!

Voilà ce que dit votre loi en termes clairs et explicites.

N'est-ce pas mettre en suspension toutes les communes du royaume ? N'est-ce point faire cette injurieuse supposition, sans cependant l'avouer ouvertement, que des doctrines antisociales, détestables, fatales se seraient glissées dans les écoles? Et cependant, dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la section centrale, quelle incrimination, quel reproche adresse-t-on à ces conseils communaux qui ont librement administré leurs établissements qui ont répondu à l'attente et aux justes exigences des familles? Aucun.

Et que ferez-vous lorsqu'il y aura un contrat civil, lorsque les communes, libres d'agir comme elles l'entendaient, auront fait un contrat civil? Formulerez-vous une disposition violente et arbitraire, puisqu'elle ne sera provoquée ni justifiée par rien qui rompe ces contrats? Je ne sais si vous irez jusque-là. Mais vous y serez obligés pour être logiques avec l'esprit qui a dicté votre loi?

Enfin, les communes nomment-elles librement les professeurs? Nullement. Aux termes de l'articles 10, ne peuvent être nommés professeurs que les candidats munis du diplôme de professeur agrégé. La section centrale a fait ici une légère modification : elle a supprimé cette condition pour les collèges communaux non subventionnés. Mais enfin toute école communale subsidiée devra nécessairement nommer ses professeurs parmi les élèves des écoles normales pédagogiques de l'Etat.

Enfin les communes ne pourront ni fonder un collège communal, ni adopter un établissement privé, sans l'autorisation préalable du gouvernement. Il faudra de plus que ces écoles soient soumises à l'inspection et à tous les règlements généraux et particuliers qu'il plaira d'adopter, et qu'elles acceptent jusqu'aux livres propres à l'enseignement qui seront indiqués par le conseil de perfectionnement.

Et lorsque par tant de liens vous enserrez la commune, vous dites, vous prétendez que vous êtes les protecteurs des libertés de la commune; bien plus que vous augmentez même ses privilèges! Qu'on en juge désormais !

Sera-t-il du moins permis à l'Etat de continuer à donner des subsides aux communes qui s'entendront avec des établissements privés? Pas plus. L'article 28 le défend absolument. Que dit cet article? C'est qu'on ne donnera de subsides qu'aux établissements communaux et provinciaux. Or, les candidats munis du diplôme de professeur agrégé pourront seuls être nommés professeurs dans ces établissements. Assurément aucun établissement privé ne voudra se soumettre à une pareille condition, qui lui ôterait toute indépendance.

Ainsi il est incontestable pour moi que toute fondation privée, adoptée, devra renoncer à un subside de l'Etat. Eh bien, c'est une grande injustice. Car de quoi s'agit-il?

Il s'agit d'établissements privés adoptés par la confiance d'un conseil communal, qui représente toutes les familles de la localité, et qui a trouvé qu'il répondait mieux au désir des familles, en adoptant un établissement privé qu'en en créant un à ses frais, sous sa direction, qui lui fût propre en un mot, ou en réclamant un établissement doté et dirigé de l'Etat.

Et pour être parfaitement logique, voyez jusqu'où peut aller votre système. S'il est vrai que le mot Etat, selon votre interprétation, comprend l'ensemble des pouvoirs et des institutions constitutionnels du pays, si par une suite de cette interprétation l'effet de la loi doit s'étendre à tous les établissements entretenus aux frais d'une caisse publique quelconque, communale, provinciale ou centrale, vous ne devez pas plus permettre à la commune de patronner un établissement, de le subsidier qu'à l'Etat ; car si le mot Etat s'applique à la commune, la caisse de la commune est autant caisse publique que celle de l'Etat. Cependant vous n'oseriez, je le suppose du moins, aller jusque-là, ni consacrer une telle énormité.

Cependant elle est, je le soutiens, dans l'esprit de votre loi, de votre système, et elle pourrait se réaliser dans une étendue qui emporterait la destruction du plus important des privilèges communaux.

Messieurs, je touche à un des côtés les plus graves, les plus essentiels de la loi, à l'intervention religieuse.

Il y a ici deux systèmes en opposition : l'un, qui dit qu'il est utile et convenable que l'enseignement de la morale et de la religion soit donné par le clergé; l'autre, qui soutient qu'il n'est aucun enseignement sans éducation; qu'il n'est pas d'éducation sans morale et sans religion, et que tout enseignement religieux véritable, sérieux ne peut être donné que par le clergé.

Voilà, je crois, les deux systèmes bien nettement indiqués et précisés avec clarté.

L'un, messieurs, celui qui regarde comme une simple convenance et comme une utilité l'enseignement de la religion et de la morale donné par le clergé, c'est le système du gouvernement et de la section centrale. Celui, au contraire, qui veut ranger parmi les matières obligatoires, indispensables, l'enseignement de la morale et de la religion, et qui ajoute qu'il doit être donné par le clergé, c'est le système des adversaires du ministère.

Mais, messieurs, ce n'est pas ainsi, à mon avis, ce n'est pas ainsi que la question devrait être posée.

Je vous demande d'abandonner son côté le plus étroit, d'oublier un instant la formule de juriste et d'envisager la question en législateurs, en hommes d'Etat qui contemplent l'avenir, et qui se mettent en face de ses grandes exigences, de ses puissances nécessités. Je me permettrai de vous rappeler ici et de m'abriter pour ainsi dire sous quelques graves et belles paroles, que prononçait Portalis, homme illustre et compétent en cette matière. Voici ce qu'il disait :

« Il est temps que les théories se taisent devant les faits. Point d'instruction sans éducation, point d'éducation sans morale et sans religion, Les professeurs ont enseigné dans le désert parce qu'on a proclamé imprudemment qu'il ne fallait pas parler de religion dans les écoles... » Et encore « L'intérêt de la France appelle la religion au secours de la morale et de la Société. »

Ces paroles, qui étaient vraies alors, ne le sont pas moins aujourd'hui, et s'appliquent à la question que nous déballons.

Ainsi donc, en envisageant notre système constitutionnel, l'esprit et la disposition de nos lois, la séparation entre l'Eglise et l'Etat est complète. L'autorité civile n'a rien à voir dans le domaine de l'autorité religieuse, et l'autorité religieuse n'a rien à voir dans le domaine de l'autorité civile.

Mais, messieurs, cette dissidence, si absolue en théorie, peut-elle être aussi absolue en fait? Les grandes, les éternelles nécessités sociales n'obligent-elles pas ces deux grandes puissances qui planent sur toute société civilisée à un rapprochement inévitable, et que vous ne sauriez fuir? N'est-ce pas de leur entente que dépend à la fois la prospérité et la moralité d'une nation, d'où dépend et d'où découle infailliblement toute sa force?

Mais, messieurs, cette entente, cette union est-elle possible, si vous semblez, vous gouvernement, voir avec indifférence ou méconnaître l'importance et la gravité de la religion, l'importance de ceux qui sont spécialement chargés de l'enseigner et de la répandre.

Dès lors, ce que je vous demande, messieurs, ce n'est pas de décréter un droit, ce n'est pas d'abdiquer la moindre parcelle de votre indépendance ou de votre souveraineté. Ce que je vous demande, c'est de proclamer hautement, avec la dignité et l'indépendance du législateur, de déclarer les conditions au prix desquelles cette union et cette entente peuvent s'opérer.

Messieurs, on avait cru aussi, dans un autre pays, pouvoir se passer de l'action du clergé, de l'union de sa doctrine avec toutes les autres doctrines. On avait cru que la science, l'orgueilleuse science, pouvait tout accomplir, suffire à toutes les exigences. Il a fallu cependant plier sous des événements irrésistibles. Il a fallu appeler au secours de la société ébranlée, la religion trop longtemps oubliée et méconnue et en arriver enfin à ce que M. Thiers nommait une transaction. Car, messieurs, en face de faits quotidiens et redoutables, en face de l'enseignement de l'histoire, ce qu'il faut admettre, c'est que sans la sanction religieuse, nommez-la comme vous voudrez, catholique ou protestante, luthérienne ou anglicane, il ne saurait y avoir d'enseignement utile, salutaire, efficace; c'est que les nations impies ou irréligieuses sont fatalement vouées à la décadence. Car aucune société ne peut se maintenir sans la foi sociale, et la foi sociale elle-même est impossible sans la foi religieuse.

Aussi, messieurs, en faisant figurer dans votre loi sur l'enseignement moyen, l'enseignement de la morale et de la religion comme une nécessité, vous proclamerez un fait. En disant que cet enseignement sera donné par le clergé, vous en proclamerez un autre ; et ces deux faits s'enchaînent naturellement, nécessairement; ils ne sauraient être séparés l'un de l'autre. Car, messieurs, la religion n'est pas une science humaine. Ce qui fait son caractère, c'est sa perpétuité, son invariabilité, son uniformité.

Que faut-il pour lui maintenir ce caractère? Ce qu'il faut, c'est une autorité enseignante.

Et quelle est cette autorité? Cette autorité, c'est l'Eglise, c'est le clergé. C'est l'Eglise dont M. de Fontanes, le premier grand maître de l'université de France, disait, en s'adressant à Pie VII, que tandis que tout avait changé autour d'elle, seule elle était restée perpétuelle et invariable.

Si vous ôtez à l'Eglise son caractère d'autorité, que devient son enseignement? Une science contestée et contestable. Son autorité, je le sais (page 1111) bien, et vous tous comme moi, vous ne pouvez la lui ravir ; car les traditions, la voix des siècles, et enfin, pour tout dire, un caractère surnaturel la lui ont donnée et vous ne sauriez la lui enlever. Mais voici à quoi vous arriverez, si vous ne rangez pas parmi les matières obligatoires l'enseignement de la morale et de la religion; si vous ne dites pas que le clergé doit le donner ; si vous n'admettez pas que dans le cas où le clergé, dominé par je ne sais quelle cause qu'il est inutile de scruter, ne donnerait pas cet enseignement, que celui-ci doit être suspendu, vous vous trouverez en présence d'une double alternative que je vais dévoiler. Vous ferez donner, et c'est un des cas prévus par M. le ministre de l'intérieur dans la réponse qu'il a faite au sein de la section centrale et qui se trouve consignée dans le rapport, vous ferez donner l'enseignement de la religion morale par des laïques.

Eh bien, je n'hésite pas à le dire, l'enseignement de la religion et de la morale donné par des laïques, n'est pas un enseignement. Ou plutôt oui, c'en est un. Mais c'est l'enseignement de tous les schismes, de toutes les incertitudes. Vous arriverez à fonder quoi? Une religiosité vague ; une religion civile, mobile comme les caprices des doctrines civiles, mobile comme les personnes qui donneront l'enseignement, comme les professeurs qui seront chargés de professer la science. Voilà quel sera votre enseignement de la religion et de la morale donné par des laïques .Ou bien vous arriverez à quoi? Vous aboutirez à un enseignement moral philosophique. Un enseignement moral philosophique! Mais en quoi donc consistera-t-il ? C'est le déisme, c'est le rationalisme, c'est l'indifférentisme, c'est la réunion de tous les systèmes les plus divers qui ont pullulé sur la face du monde.

Voilà quel sera votre enseignement moral philosophique, car qu'est-ce que la philosophie? C'est l'histoire des contradictions, des incertitudes, des tâtonnements, des hésitations, des variétés, des caprices de l'esprit humain.

Voilà quelle est la philosophie. Que sont donc les philosophes? Ce sont les disciples contredisant le maître, c'est la discorde intellectuelle; c'est tour à tour le culte du beau et du mal, le culte de l'incertitude, du doute, le culte de l'indifférentisme et du matérialisme. Et voilà la doctrine que l'on voudrait inculquer dans l'esprit des jeunes gens! C'est par là qu'on voudrait fortifier leur cœur, épurer leur âme. C'est ainsi, avec de telles ressources qu'on voudrait les rendre capables de supporter toutes les tribulations, toutes les dures éventualités, tous les accidents de la vie et de l'avenir? Ah, messieurs, quelle déplorable extrémité!

Ne croyez pas, messieurs, que je n'accepte point, que je ne respecte pas la grandeur de la raison humaine. Loin de moi d'avoir dans la pensée un pareil blasphème. Non, je reconnais l'importance, l'indépendance, l'indomptable énergie de la raison humaine ; je reconnais que c'est par elle que se sont accomplies tant d'œuvres merveilleuses et qu'il s'en accomplira encore; oui, le libre arbitre de l'homme forme son caractère essentiellement divin; mais il faut que la raison humaine, défectueuse par elle-même, imparfaite, facilement séduite par l'erreur et trompée par sa vanité, soit guidée, tempérée par l'esprit religieux. A côté de la raison humaine,c e qu'il faut, c'est la raison religieuse et, puisque je suis catholique, c'est la raison catholique en un mot.

Non, messieurs, ce n'est jamais assurément sur les bases de la philosophie, ce n'est point par ses doctrines ni sur ses sables mouvants et stériles que jamais on a pu fonder un Etat, ni en réformer un quand il était en danger. Et permettez-moi de vous dire un fait qui m'a souvent frappé et sur lequel j'ai souvent médité.

La génération à laquelle je n'appartiens pas, mais la génération avec laquelle s'est écoulée mon enfance, dont j'ai entendu les récits, cette génération a connu le jour où, au sein d'un grand pays auquel nous étions attachés alors, les temples de Dieu avaient été fermés, où les autels avaient été renversés, où les ministres du culte avaient été dispersés, poursuivis, martyrisés, exilés. Elle a connu ce jour néfaste où la religion et Dieu furent bannis de son territoire. Eh bien, messieurs, les philosophes régnaient alors dans toute leur puissance, dans toute leur souveraineté ; ils ont pu faire en maîtres absolus ce qu'ils voulaient. Qu'ont-ils produit? L'anarchie morale, l'anarchie intellectuelle ; ils ont distillé dans toutes les âmes l'infection de leurs coupables doctrines.

Eh bien, lorsque les sombres et sanglantes journées de la Convention furent passés, lorsque l'oligarchie voluptueuse du Directoire eut enfin cédé à l'ascendant d'un génie sublime, lorsque Bonaparte, conquérant et législateur à la fois, voulut relever la France de la poussière où elle était gisante et restaurer l'ordre social, il la réhabilita par la gloire des armes et la victoire d'abord, mais il la réconcilia ensuite avec la religion, il rouvrit les temples, il y fit entendre la voix de ses ministres, il releva les autels, enfin il conclut le concordat. Ce fut le premier, le plus grand, le plus éclatant des actes par lesquels il inaugura et consacra la restauration de la société française.

Voilà ce que fit ce grand homme, qui savait ce que c'était que la valeur des doctrines, ce que comportait et nécessitait la constitution d'un Etat. Lorsque plus tard, en 1800' et 1808, il voulut restaurer l'enseignement et lui inoculer un antidote contre des doctrines dangereuses et purement philosophiques, contre ces systèmes d'idéologues rêveurs, il fit l'article 38 du décret sur l'université, qui dit que :« Toutes les écoles de l'université impériale prendraient pour base de leur enseignement les principes de la religion catholique. »

La chambre me permettra sans doute, puisque nous sommes sur cette grave matière, de lire un autre témoignage, qui appartient à un temps plus rapproché, mais qui n'est pas moins important; c'est un emprunt que je fais au discours de lord Stanley, dont on ne contestera pas l'autorité parlementaire et le libéralisme élevé. Voici ce qu'il disait :

« Sans doute, ceux qui limitent l'éducation à une simple instruction, à un enseignement temporel séparé et différent des connaissances religieuses, je comprends que ceux-là trouvent que le clergé n'a rien à faire avec un tel système d'éducation, et que, s'il doit être surveillé, il peut parfaitement l'être par un corps laïque. Mais, quant à lui, ce n'était pas sous un tel jour qu'il considérait cette importante matière, et il ajoutait: Ce n'est point ainsi qu'on le considérait dans le pays; au contraire, l'opinion publique le considérait comme tombant dans le domaine du clergé de ce pays, comme ne pouvant pas être séparé de l'Eglise, comme une question religieuse (spirituel) devant être confiée à la surveillance spirituelle et religieuse du clergé... Je soutiens, disait le même orateur, que l'éducation n'est pas chose séparée ni indépendante de la religion. »

Mais, messieurs, que disait l'honorable M. Rogier lui-même en 1834 ? Il disait que « l'enseignement de la religion serait donné par le clergé ». Sans doute cet article, beaucoup plus impératif, beaucoup plus explicite que l'article de la loi de M. Rogier de 1850, pouvait demander quelque développement ; mais, enfin, ce qui est indiqué d'une manière positive, c'est que l'enseignement de la religion et de la morale sera donné par le clergé.

On soutient, messieurs, qu'en insérant cela dans la loi, il y aura obligation, que si l'obligation n'est pas remplie la loi sera nécessairement violée ; mais permettez-moi de dire que, dans notre système lui-même, si l'accusation lancée contre nos idées est vraie, vous encourez le même reproche, car lorsque vous dites que le clergé sera invité, il y a aussi prescription de la loi. Cette prescription est sérieuse ou elle ne l'est pas ; si elle n'est pas sérieuse, je la laisse de côté, et je crois qu'il n'est de la dignité ni du ministère de la proposer, ni de la nôtre d'en parler; mais si elle est sérieuse, elle doit donc contenir des conditions acceptables pour le clergé. Pourquoi, dès lors, ne pas indiquer loyalement quelles sont les conditions offertes au clergé? Pourquoi ne pas dire à la religion : « Je vous veux. » Pourquoi ne pas dire au clergé : « Je vous considère comme l'autorité seule apte à enseigner la religion » ? Voilà ce qui serait digne d'une loi aussi considérable. Eh bien, je soutiens que, dans ce cas comme dans l'autre, il n'y aurait pas une obligation établie. Vous auriez proclamé un fait évident, incontestable, et vous auriez formulé hautement, clairement, des conditions acceptables par l'autorité civile comme par l'autorité religieuse.

Quelle sera donc la situation du prêtre que vous appellerez à donner l'enseignement religieux, sous l'empire de la loi ou plutôt sous l'empire de l'amendement que j'aurai probablement l'honneur de présenter? Il réunira dans sa personne un double caractère : le caractère civil, d'une part et le caractère religieux de l'autre; il tiendra celui-ci de son évêque qui lui dirai : Je vous reconnais apte à donner l'enseignement religieux; il tiendra l'autre de vous qui lui donnerez en quelque sorte l’exéquatur qui lui permettra d'entrer et de fonctionner dans vos écoles.

Mais après tout, ces grands reproches qu'on nous fait, à quoi s'adressent-ils? Que demandons-nous? Nous demandons ce que vous avez fait en 1842? Est-ce que vous considérez comme un abandon des droits de l'autorité civile, comme une humiliation de l'autorité civile, d'avoir rendu obligatoire l'enseignement de la religion et de la morale et d'avoir dit que cet enseignement devait nécessairement être donné par le clergé? Considérez-vous ces dispositions comme ayant détruit l'indépendance el la liberté du pouvoir civil? Non, messieurs, car je ne puis pas supposer qu'en 1842, l'honorable M. Rogier ni les autres membres libéraux de cette assemblée aient voté une loi qui aurait opprimé ou affaibli l'autorité civile.

Dès lors, si vous considérez qu'en 1842 vous avez maintenu intacte l'indépendance du pouvoir civil, vous devez admettre qu'en insérant dans le projet actuel une disposition conforme à la loi de 1842, vous n'êtes pas inconséquents avec vous-mêmes et que vous n'affaiblissez pas la dignité, la liberté de l'autorité civile.

Enfin, messieurs, pour finir par une dernière considération sur cette partie de la discussion, je vous demanderai pourquoi vous redoutez tant la religion, le clergé? (Interruption.) Je saisis une interruption et j'y réponds.

Il m'est libre d'inférer de l'ensemble du texte d'une loi, de l'esprit de ce texte, des commentaires qu'on y a ajoutés; il m'est libre d'en inférer telles conclusions que je crois vraies; c'est l'appréciation de mon intelligence, c'est aussi l'appréciation de ma conscience et celle-ci est digne de votre respect.

Je dis donc, pour terminer sur cette partie de la discussion» : Que craignez-vous tant de la religion et de ses ministres? N'est-ce point pas la religion que sont entrées toutes les grandes libertés dans le monde? N'est-ce point par la religion que l'affranchissement de l'homme a été donné à l'humanité et que les chaînes de l'esclavage sont tombées? N'est-ce pas la religion qui a créé le foyer domestique et jusqu'à cette royauté maternelle qui est la sauvegarde la plus précieuse, la plus tendre et la plus légitime, comme la plus infatigable des familles ?

Que craignez-vous tant du prêtre? Le prêtre n'est-il pas recruté dans les derniers rangs de la démocratie? Est-il quelque chose de plus libre dans son institution et dans sa hiérarchie que l'Eglise elle-même?

Où sont les richesses, les honneurs, les dignités des prêtres? Tout a péri de ce côté, ils n'ont pas même sauvé des débris, et j'en félicite presque l'Eglise, car elle est plus auguste dans sa pauvreté, son action est plus (page 1112) irrésistible avec sa croix de bois et au sein de son indigence qu'elle ne serait imposante entourée de sa pompe et de ses splendeurs d'autrefois. Loin de craindre l'influence de la religion, appelez-la donc, au contraire, à votre secours, et dites-vous bien que, sans elle, il n'est pas possible de maintenir, de sauvegarder la moralité d'une nation, ni son esprit public.

Telles sont, messieurs, les raisons qui, au point de vue de nos lois et de nos maximes constitutionnelles, justifient l'opposition que je fais au projet de loi. Mais permettez-moi d'élargir le cercle de votre attention, de l'appeler sur des exemples imposants qui corroborent et fortifient mes sentiments.

Le monopole existe-t-il en Angleterre? Le monopole existe-t-il en Amérique? Non, messieurs, la liberté la plus entière, la plus complète, la liberté sans entrave aucune, règne dans ces deux pays.

Eh bien, l'Angleterre est aujourd'hui ce qu'elle était hier ; malgré tous les événements, malgré toutes les secousses, elle est aussi puissante aujourd'hui qu'elle pouvait l'être il y a deux ans ; sa grande prospérité n'a éprouvé aucune atteinte ; les étincelles de l'incendie qui a dévoré l'Europe, n'ont pas passé la mer, pour porter le feu du désordre et les flammes de la destruction chez elle.

L'Amérique, où règne la liberté politique et civile la plus complète, quel exemple nous offre-t-elle ? Voyez l'ascendant magnifique qu'elle prend ; voyez le développement de son industrie, de sa richesse, de sa grandeur, voyez-la, s'étendant des rivages de l'Atlantique aux bords de la mer Pacifique, et soumettant ce vaste continent aux mêmes lois, aux mêmes coutumes, aux mêmes habitudes; eh bien, aux Etats-Unis il n'y a pas de monopole d'instruction. Une des causes de la grandeur de ce pays, un des plus sérieuses, des plus vraies, des plus avouées par tous les hommes qui l'ont visité, c'est que là l'indépendance des intelligences et des consciences a maintenu la pureté des doctrines de la religion. Je lisais encore, il y a à peine quelques jours, dans un écrivain éminent, que le caractère principal de la démocratie américaine, c'était l'énergie du principe religieux. Or, là l'Etat n'a pas de doctrines, l'Etat ne se croit pas obligé d'ouvrir des écoles; il a tout abandonné à l'initiative des intelligences et des consciences, à la liberté des familles, à leurs droits, à leur responsabilité.

Si, détournant nos regards de ce magnifique spectacle, vous les ramenez vers le sol de la vieille Europe, vous pouvez contempler l'Allemagne où le monopole a régné à un degré si scientifique, si brillant, si admirable; eh bien voyez chez elle ; ses gouvernements ne peuvent plus s'entendre, ils se déclarent la guerre les uns aux autres; loin de parvenir à cette unité qu'il y a deux ans je prédisais être impossible, ils ne peuvent pas même fonder la paix. Les populations y sont travaillées par les pensées les plus odieuses du socialisme; c'est là que règnent, comme le disait au-delà des Pyrénées un orateur illustre, c'est là que règnent les grands prêtres, les pontifes du socialisme.

Considérez la France, réfléchissez sur l'état d'anarchie où elle se trouvez voyez-là prête à perdre les généreuses conquêtes de 1789, et à quel point elles sont diminuées et amoindries; contemplez ses hommes d'Etat les plus illustres, incapables de l'arrêter dans le mouvement qui l'entraîne, incapables de trouver le moyen propre à relever ce magnifique navire qui est comme échoué sur les bas-fonds de l'anarchie et de la discorde civile. La France a traversé toutes les situations politiques dans lesquelles un pays peut se trouver. Elle est arrivée, à travers la royauté constitutionnelle et la première république, au 18 brumaire; du 18 brumaire, elle est arrivée à l'empire; de l'empire à Waterloo et à Sainte-Hélène; la monarchie de la légitimité est tombée sous les pavés de juillet ; de la monarchie de juillet elle est arrivée au 24 février; le 25 février est venu aboutir..... à quoi? Au système de Proudhon, au système de Cabet, au système de Leroux, à tout ce que l'esprit peut enfanter de plus monstrueux, et en dernier lieu aux journées de juin 1848. Je ne vais pas plus loin; je m'arrête devant les secrets de l'avenir.

Pourquoi toutes ces formes de gouvernement ont-elles été incapables d'arrêter cette nation sur le penchant de sa ruine? C'est que les sentiments de soumission, de respect, de vénération et d'obéissance pour l'autorité, pour le droit réciproque des individus, pour les nécessités sociales n'existaient plus dans les âmes; c'est que les gouvernés étaient devenus ingouvernables. Ainsi, lorsque nous combattons avec une ardeur consciencieuse le projet de loi, nous osons dire que nous sommes plus libéraux, plus prévoyants, plus sages, plus modérés que vous.

Nous sommes plus libéraux que vous, pourquoi? Parce que nous respectons plus scrupuleusement, plus entièrement, et non pas en paroles seulement, la liberté d'enseignement, telle qu'elle est consacrée par la Constitution.

Nous sommes plus prévoyants que vous, lorsque nous voulons appeler à votre secours les grandes autorités morales sans lesquelles vous savez bien, dans votre âme et conscience, qu'il vous est impossible de vous soutenir et de vivre.

Nous sommes plus modérés, car nous voulons comme vous l'enseignement donné par l'Etat, nous voulons que l'Etat ait des établissements d'instruction qui servent de type, qui excitent l'émulation, qui soutiennent la concurrence, qui développent l’intelligence; nous les voulons plus forts pour qu'ils maintiennent et élèvent même le niveau des divers degrés et des différentes branches de l'enseignement public.

Mais ce que nous combattons aujourd'hui, ce que nous combattrons demain et toujours, de toutes nos forces, de tous nos moyens, c'est cette vaste fondation, c'est ce vaste réseau officiel dont vous voulez envelopper la nation entière et qui, si votre loi pouvait réaliser ses vues, s'étendrait d'un bout de la Belgique à l'autre.

Vous qui devriez être les défenseurs do la liberté, de l'indépendance, de la souveraineté, c'est vous qui en méconnaissez la partie la plus sacrée, la plus respectable, celle des droits de la famille. Que m'importe, après tout, que vous disiez que vous ne portez aucune atteinte à la liberté, si en fait vous la frappez au cœur; si vous rendez toute concurrence impossible, si la liberté d'enseignement ainsi atteinte doit dépérir!

Personne ne peut avoir oublié l'histoire de son pays. Or, que dit l'histoire de la Belgique? Elle dit qu'il y a quatre-vingts ans environ, sous Joseph II, des mouvements violents éclatèrent parce qu'on voulait s'emparer de l'instruction, violenter les consciences, et opprimer la liberté en méconnaissant la religion; elle dit encore, qu'il y a vingt ans, sous un roi sage et éclairé, mais égaré par de mauvais conseils, l'indépendance des consciences se trouvant menacée, la liberté religieuse méconnue, des mouvements tumultueux éclatèrent et aboutirent à une révolution !

Mais rappelez-vous, car c'est un souvenir trop consolant pour que je l'omette, qu'il y a vingt ans aussi, dans cette enceinte, sous ces mêmes voûtes, sur ces mêmes bancs, une assemblée nationale issue du suffrage spontané du peuple vint se réunir, qu'elle proclama ces grandes et magnifiques libertés qui firent l'étonnement et l'effroi de l'Europe, d'abord, mais qui depuis nous valurent son respect, et excitèrent son admiration; rappelez-vous que la proclamation de ces libertés calma toutes les craintes, ramena la concorde et la paix au sein de ce peuple agité.

Eh bien, j'invoque ce génie de la paix, de la concorde et de la conciliation qui inspira le Congrès national et lui permit de réunir dans un patriotique accord tant d'éléments , tant de sentiments et d'opinions divergentes; je l'invoque pour qu'il pénètre, qu'il anime, qu'il inspire vos âmes comme il inspira celles des membres du Congrès, puisque, par une fatalité inouïe, nous devons en ce jour discuter encore une de ces précieuses libertés qui furent proclamées naguère. Alors peut-être il nous sera permis d'espérer qu'il sortira de cette délibération une loi digne de son grand objet, digne du présent et qui puisse fortifier, garantir et consolider l'avenir.

(page 1101) M. H. de Baillet. - Messieurs, je ne saurais pas accorder mon vote au projet de loi sur l'enseignement moyen, à moins qu'il ne subisse des modifications (le désir de conciliation manifesté hier par M. le ministre de l'intérieur me donne l'espoir qu'on en obtiendra), parce qu'il me paraît que ce projet, tel qu'il est conçu, compromet la liberté constitutionnelle de l'enseignement, telle qu'elle est écrite dans la Constitution : en effet, en présence de son article 17, qui déclare l'enseignement libre et toute mesure préventive interdite, peut-on interdire à des communes de faire usage de cette liberté, qu'on voudrait réserver exclusivement pour les écoles du gouvernement et pour celles du clergé? Je dis exclusivement, parce que le gouvernement convient lui-même, à la page 13 de l'exposé des motifs, que le clergé est le seul concurrent qu'il puisse rencontrer dans la lice, après qu'il en aura écarté les communes.

Sous ce rapport, le projet fait, à mes yeux, une infraction à l'article 17 de la Constitution, il contient des mesures préventives, dans l'acception propre du mot, contre la liberté d'instruction, en ce qui concerne les communes, mesures qui pourraient conduire à ce même monopole si décrié il y a quelque vingt ans.

Je ne puis admettre le sens à la fois élastique el torturé que l'on voudrait donner au dernier paragraphe de l'article de la Constitution que j'ai cité, qui veut que l'instruction publique donnée par l'Etat soit réglée par la loi, en comprenant dans le mot « État » la province et la commune avec le pouvoir central, de manière que celui-ci absorberait les deux autres; cette interprétation me paraît forcée et fausse Quoiqu'on ait pu la donner antérieurement, je ne puis l'accepter, car elle est inadmissible.

Une belle conquête des idées nouvelles sur d'anciens préjugés, conquête que les peuples voisins nous ont enviée, c'est la liberté d'enseignement dont la sagesse du Congrès national, puisée dans les leçons du passé, a doté la nation, cette liberté était dans nos besoins, elle était dans notre instinct. Elle a donné satisfaction à toutes les opinions, elle était un gage de concorde pour l'avenir. Pourquoi vouloir y porter atteinte aujourd'hui ? L'essai qu'on en a fait n'a pas été malheureux, car, malgré qu'on en dise, les études se sont améliorées depuis 1830 et au milieu du bouleversement des idées dans d'autres pays et de l'effervescence des passions, la jeunesse belge a conservé le respect de l'ordre el des lois.

Je.ne demande pas une liberté absolue pour la commune. Je ne veux pas la soustraire à la tutelle que lui impose l'article 108 de la Constitution, je ne réclame pour elle qu'une intervention efficace dans une instruction qui se donne en grande partie à ses frais.

En ce qui concerne l'enseignement moyen , les communes, dont on veut tant restreindre la liberté, sont plus propres que le gouvernement lui-même à détruire les préventions des familles, dont les conseils communaux sont les représentants immédiats et les organes et à soutenir la concurrence contre les établissements du clergé. Il en a été ainsi même en France. Ecoutons ce que disait M. Laurentie, il y a à peu près vingt ans.

« Des collèges royaux ont été élevés, pour lesquels l'Etat paye des demi-bourses et des quarts de bourses; c'est à peu près tout le fond de leur population. Il y a peu d'élèves libres dans les collèges royaux, on redoute cette éducation qui est pourtant remarquable sous le rapport des études. L'instruction n'a jamais été ni plus forte, ni/plus variée; mais l'instruction ne suffit pas. Les collèges communaux sont plus modestes et plus peuplés. Leur succès tient à la confiance envers le chef que la localité connaît. Si le système communal était plus complet, il serait admirable surtout pour donner l'indépendance à l'éducation, et de la variété aux études. »

(page 1102) Ce que M. Laurentie disait pour la France, je l'invoque pour la Belgique où le système communal est complet, où la population, on ne saurait le méconnaître, a de tout temps été disposée à des préventions à l'égard des principes de ses gouvernements en matière d'enseignement.

Je crois aux intentions loyales du ministère, je suis persuadé qu'il désire le bien, qu'il ne veut pas partager nos nouvelles générations en deux bans dont l'un, composé de jeunes gens appartenant à des familles moins aisées, serait élevé aux frais de l'Etat dans les établissements de celui-ci, et l'autre de jeunes gens plus favorisés de la fortune dans les collèges du clergé ; car ce serait diviser pour l'avenir la nation en deux partis hostiles l'un à l'autre dont les dissensions feraient son malheur. Je rends volontiers hommage à son patriotisme et à sa connaissance des intérêts du pays, mais ma conscience me crie qu'en cette occasion il se trompe sur les effets de son projet de loi ; c'est pourquoi je ne puis pas suivre son drapeau.

Le moyen de concilier aux établissements que le gouvernement veut créer la confiance des pères de famille, M. le ministre de l'intérieur l'a compris ainsi lui-même à une autre époque, serait donc de donner une grande part d'influence et d'action aux conseils communaux, afin de rendre leur intervention efficace. Examinons quelle est la part d'influence que le projet de loi laisse à ces administrations dont la part contributive dans les frais ne sera guère moindre que celle du gouvernement, si, outre le subside exigé en numéraire, on tient compte, comme on le doit, des locaux et du matériel à fournir.

La direction des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement qui en nomme tout le personnel, c'est lui qui fixe tous les traitements. L'intérêt communal est représenté par un bureau local, dont les membres sont à la nomination du gouvernement sur une liste double de candidats présentée par le conseil communal. Ce bureau aurait pour attributions spéciales de dresser des projets de budget et les comptes de l'établissement, de préparer le projet de règlement intérieur et d'en surveiller l'exécution; ces diverses pièces doivent en outre être soumises à l'avis du conseil communal.

Mais en s'en rapportant au projet du gouvernement, l'administration communale et le bureau local auraient peu de choses à voir en ce qui touche la composition du corps professoral, et le choix des livres à mettre entre les mains des élèves, choses cependant qui tiennent de près à l'éducation aussi bien qu'à l'enseignement, et sont par conséquent du ressort du père de famille. On ne leur laisse aucun moyen de coercition pour faire respecter leur autorité.

De bonne foi est-ce là une part convenable d'intervention qui revient à la commune obligée de pourvoir, en commun avec le gouvernement, aux frais de l'établissement? Mais les attributions que vous voulez donner au bureau sont sans importance, ce sont des rédactions à confier à un commis de comptabilité. L'action que vous abandonnez à la commune n'est qu'une fiction, c'est une apparence trompeuse d'influence qui n'abusera personne.

En vain on parlerait d'autres attributions à conférer éventuellement par les règlements, je ne compte que sur ce qui est inscrit dans la loi, parce que le reste est éventuel et peut tromper mon attente.

La section centrale, il est vrai, propose à ces dispositions une modification. Elle veut admettre le bureau à donner son avis sur la nomination du personnel, mais une semblable intervention ne saurait être efficace. Facilement on passe outre à un avis qui ne plaît pas, auquel on trouve des contradicteurs dans d'autres autorités consultées. Pour que l'intervention de la commune pût être efficace, il faudrait qu'elle fût appelée à présenter des candidats parmi lesquels le gouvernement devrait nommer afin d'empêcher qu'on n'introduise dans les athénées et dans les écoles moyennes, des fonctionnaires qui n'auraient pas la confiance des localités.

C'est ainsi que la commune obtiendrait une part plus convenable dans la direction des établissements d'enseignement moyen, que l'esprit de la Constitution et les attributions des communes inscrites dans les lois organiques, seraient mieux respectés.

Car malgré que le gouvernement consente à supporter conjointement avec les communes la dépense des athénées que celles-ci ont créées et qu'il veuille leur donner le titre de royaux, ces établissements ne cessent pas d'être d'un intérêt communal; ils sont de nature mixte, et il me semble équitable, d'après l'article 108 de la Constitution et l'article 75 de la loi communale, que les communes, en ce qui concerne leur direction, obtiennent une part d'influence proportionnée aux sacrifices qu'elles s'imposent.

Un autre point qui, quoi qu'on en dise, me semble une infraction au principe de la liberté d'instruction, et qui me paraît de nature à inspirer généralement de la méfiance au lieu d'offrir la garantie que veut y voir le gouvernement, c'est cette école normale pédagogique destinée à fournir exclusivement des professeurs à tous les établissements qui ne sont pas subsidiés. Ajoutez à cette école le conseil de perfectionnement à établir auprès du ministère et vous aurez une organisation en plusieurs points trop semblable à cette université française que nous avons entendu tant décrier.

Quand Napoléon voulut ériger le monopole universitaire, il substitua à la liberté d'enseignement une corporation enseignante soumise au pouvoir. Dans l'exposé des motifs de la loi organique de 1808, l'orateur disait : « On a voulu organiser dans un Etat de 40 millions d'individus ce qu'avaient fait Sparte et Athènes, et ce que les ordres religieux n'avaient fait qu'imparfaitement de nos jours parce qu'ils n'étaient pas uns. » Eh bien, c'est cette unité dont en Belgique les chefs de famille ne voudront pas. Ils redouteront l'influence d'un corps enseignant créé par le pouvoir, la solidarité qui liera ses membres, son attachement à des intérêts communs, aux mêmes opinions, à une même doctrine, qui, si elle venait à se fausser, nuirait à des générations entières.

Qu'on exige de ceux qui aspirent au professorat des preuves de capacité, je le veux bien, mais que les diplômes soient délivrés par un jury impartial sans qu'on s'enquière du lieu où le candidat a fait ses études.

N'induisez pas les pères de famille à choisir entre deux corps enseignants, entre le gouvernement et le clergé. Admettez un troisième concurrent, la commune, sans quoi l'enseignement dans les mains du gouvernement dégénérera en monopole auquel il associera provisoirement le clergé; mais la liberté d'enseignement, telle qu'elle est inscrite dans la Constitution, ne sera plus une vérité.

Il est dans les mœurs des Belges de désirer que leurs enfants reçoivent une instruction religieuse solide, et cela est essentiel, le gouvernement le reconnaît. C'est pourquoi cette instruction devrait être obligatoire dans tous les établissements d'enseignement public. Il me semble que l'invitation faite dans l'article 8 au clergé de donner ou de surveiller cette instruction, ne la garantit pas suffisamment, car rien n'assure son concours. Les faits qui se sont passés dans quelques villes, dont cette enceinte a souvent résonné, constatent au contraire que ce concours n'est rien moins que certain.

Pour moi, je ne comprends pas que des prêtres catholiques, que la charité porte à aller enseigner la foi dans les pays les plus barbares qu'ils ont souvent arrosés de leur sang, refusent cet enseignement à la jeunesse de leur propre pays. Certes, si dans la Rome des Césars, les disciples du Christ, dont nos prêtres sont les successeurs légitimes, avaient été appelés à prêcher la foi dans les écoles publiques, ils auraient répondu avec empressement à cet appel; mais de notre temps, il n'en arrive pas toujours ainsi.

Je ne voudrais pas que par suite de l'abstention du clergé on imprimât aux écoles un cachet d'indifférence en matière d'enseignement religieux; car cet enseignement est une partie indispensable d'une bonne éducation, et dans l'intérieur de bien des familles, qui désirent même que leurs enfants soient élevés chrétiennement, ceux-ci ne sont pas à même de la recevoir.

C'est pourquoi je voudrais qu'on inscrivît en tête de l'article 8 que l'enseignement de la religion est obligatoire, qu'en cas d'abstention des ministres du culte on fît apprendre aux jeunes gens dans les établissements même les livres élémentaires approuvés, pour l'enseignement de la religion, par les autorités ecclésiastiques compétentes et qu'on les conduisît à l'instruction religieuse qui se donne dans les églises, au prône, aux conférences, etc.; de cette manière on parerait en partie aux inconvénients graves qui résulteraient du refus de concours du clergé, et l'instruction religieuse ne serait pas entièrement suspendue.

Au surplus, je me confie, en ce qui concerne ce point, aux amendements qui vous seront sans doute présentés.

Je ne veux pas de la domination du clergé en matière d'enseignement moyen en dehors de ses propres établissements. Je désire vivement son concours partout, mais sa domination ne me convient aucunement. Toutefois, parce que de ce côté la liberté a été parfois menacée, je ne consens pas à transférer la domination ailleurs. Je veux la liberté sans mesures préventives, qui est inscrite dans la Constitution, et que nos principales villes où le projet de loi tend surtout à absorber l'influence communale, ont su conserver intacte, mieux peut-être que ne l'eût fait le gouvernement lui-même, dont le personnel et les tendances sont susceptibles de subir de fréquents changements.

Pour que je puisse donner un vote favorable au projet de loi du gouvernement, qui est de nature, je le reconnais, à faire faire des progrès aux études et a ainsi un bon côté, il faut que la chambre et le gouvernement veuillent accueillir des amendements dans le sens de ceux que je propose, ainsi qu'ils suivent :

A l'article 10, après le deuxième paragraphe, à ajouter ce troisième paragraphe :

« Ces diplômes seront délivrés par un jury sans avoir égard au lieu où les candidats ont fait leurs études. »

Modifier ainsi l'article 11 :

« La direction supérieure des athénées et des écoles moyennes appartient au gouvernement qui en nomme tout le personnel sur une liste de deux candidats présentés par le conseil communal.

« Dans le cas que le gouvernement ne juge pas les candidats présentés propres aux fonctions vacantes, il demande au conseil communal une autre liste plus convenable et, à défaut de la présentation de celle-ci endéans les 20 jours, le gouvernement nomme sur une liste, également de deux candidats, formée d'office par la députation permanente du conseil provincial.

« Il y exercera, etc. », comme dans le projet.

A l'article 13, ajouter le paragraphe suivant :

« Il intervient dans le choix des livres mis à l'usage des élèves. Il peut suspendre pour causes graves les fonctionnaires de l'établissement de leurs fonctions pour un terme de trois jours, à charge d'en donner immédiatement avis au collège des bourgmestre et échevins qui pourra prolonger cette suspension de huit jours, à la charge d'en informer, endéans les 24 heures, le ministre de l'intérieur. »

M. Lelièvre. - Messieurs, tout ce qui touche aux intérêts moraux des peuples a un caractère d'importance que l'on ne peut méconnaître.

(page 1103) La force d'une nation ne dépend pas seulement de sa prospérité matérielle, elle tient surtout à la supériorité intellectuelle des populations, à leur moralité, à l'énergie des sentiments élevés qui les distinguent. Ces sentiments sont développés par l'instruction qui, par des motifs puissants, n'a jamais cessé d'être l'objet des soins et de la sollicitude des hommes d'Etat.

Convaincus de l'influence de l'instruction sur les intérêts sociaux, les gouvernements ont cru longtemps qu'eux seuls devaient en avoir la direction. Enseignement public, enseignement privé, tout devait relever d'eux.

Les droits du père de famille étaient entièrement supprimés ; nul citoyen ne pouvait se livrer à l'enseignement sans une mission officielle, sanctionnée par l'autorité publique; toutes écoles, même privées, étaient soumises à la surveillance du gouvernement. Sous le régime hollandais, ce système fut mis à exécution dans toute sa rigueur. Le roi Guillaume avait établi un monopole sans limites, qui étendait l'action du pouvoir jusque sur les établissements destinés aux élèves du sanctuaire. La révolution de 1830 mit fin à cet ordre de choses. Le grand principe de la liberté de l'enseignement fut proclamé. Tout citoyen, toute association quelconque acquirent le droit d'établir telles écoles qu'ils jugeaient convenables.

Le droit de publier la pensée par l'instruction, comme au moyen de la parole et de la presse, fut décrété sans réserve. Toute mesure préventive fut interdite, et on ne réserva au législateur que le droit de réprimer les délits qui seraient commis à l'occasion de l'usage de la liberté d'enseignement.

C'était la liberté sanctionnée dans sa plus large acception, et sur ce point la Belgique montrait l'exemple au monde civilisé. Toutefois, en fondant un ordre de choses aussi progressif, le Congrès national ne pensa pas que les pouvoirs publics dussent rester indifférents à l'instruction des citoyens. Il comprit que la liberté laissée aux individus ne pouvait avoir pour conséquence, de la part de l'Etat, l'abandon de sa mission gouvernementale relativement à un objet intéressant si fortement la société entière.

C'est pour ce motif qu'à côté de l’enseignement privé, la Constitution a voulu qu'il y eût une instruction publique, qui servit de modèle aux établissements libres, stimulant leur zèle, les obligeant à se tenir constamment à la hauteur des progrès de la science et réalisant ainsi l'idée, but de la liberté d'enseignement, que le gouvernement du monde intellectuel doit appartenir aux intelligences.

Il s'agit aujourd'hui d'organiser l'une des parties importantes de cet enseignement donné aux frais de l'Etat. Le projet que vous a soumis le ministère est représenté comme portant atteinte à la liberté d'instruction, comme créant un monopole déguisé au profit de l'Etat, comme blessant les libertés communales.

Certes si la loi en discussion méritait ces reproches, nous n'hésiterions pas à la rejeter. La liberté d'enseignement est un de ces droits constitutionnels dont la Belgique est fière. Nous la devons à la sagesse du Congrès national qui le premier l'a implantée sur notre sol, alors que nos voisins la croyaient incompatible avec les principes d'un gouvernement régulier.

Elle réalise un progrès important digne de la haute raison qui caractérise le peuple belge. Un ministère qui méconnaîtrait cette liberté, faisant la gloire de notre régime politique, serait repoussé par toutes les opinions sans distinction.

Mais après un examen approfondi du projet en discussion, il m'a été impossible de lui reconnaître la portée qu'on lui attribue et de rencontrer les vices qu'on a cru y remarquer.

N'oublions pas d'abord quel est l'objet de la loi. Celle-ci ne s'occupe pas de l'enseignement privé qui, par conséquent, sera libre comme il l'a été jusqu'à ce jour. Non seulement aucune mesure préventive n'est établie à cet égard, mais la loi ne s'occupe pas même des délits qui peuvent être commis à l'occasion de l'usage de la liberté. Tout particulier, quelle que soit sa position, peut ériger un établissement d'instruction. Les associations même étrangères continueront de jouir de ce droit sans entraves, sans réserve aucune; en un mot, la liberté est complètement respectée.

Elle l'est au point que la loi, se confiant dans le bon sens public, n'interdit pas même les établissements d'instruction que s'aviseraient d'ériger des individus condamnés pour crime ou pour attentat aux mœurs ni les écoles privées dans lesquelles l'on enseignerait des doctrines contraires à la morale ou à l'ordre public.

Que fait donc l'Etat dans l'espèce ? Il se borne à organiser son propre enseignement, celui qui doit être donné à ses frais en vertu de la Constitution. Certes il est difficile de concevoir comment la charte pourrait être violée alors qu'on se borne à réglementer l'enseignement public dont elle décrète l'existence. Qu'a de commun ce régime avec celui introduit par le gouvernement hollandais qui ne voulait d'autres écoles que celles organisées par lui et qui prétendait non seulement exercer une surveillance hostile sur les séminaires, mais même diriger l'instruction de ceux qui se préparaient au ministère des autels?

Rien de plus clair que la disposition de l'article 17 : « L'instruction publique donnée aux frais de l'Etat est réglée par la loi ». Donc il doit exister une instruction publique donnée aux frais de l'Etat. Le Congrès national n'a rien énoncé qui indiquât un enseignement public purement facultatif, il s'est exprimé en termes impératifs, et en voulez-vous la preuve? C’est qu'il s'est servi, à l'égard de l'instruction donnée aux frais de l'Etat, des mêmes expressions que relativement à la répression des délits commis à l'occasion de la liberté d'enseignement.

« La répression des délits n'est réglée que par la loi. »

« L'instruction donnée aux frais de l'Etat est également réglée par la loi. »

Or si force est de convenir que la répression des délits est obligatoire et non facultative, il est impossible de dénier le même caractère à l'instruction publique. Cette vérité résulte des expressions identiques que renferment les deux paragraphes de l'article 17.

On dit que le projet établit une concurrence contre les établissements libres; mais c'est la Constitution même qui crée cette concurrence dans l'intérêt général.

Le législateur a parfaitement compris que pour que les études fussent fortes et élevés, ni l'Etat, ni les particuliers ne devaient avoir un monopole qui a toujours porté un coup mortel aux établissements d'instruction quelle qu'en soit l'origine, comme, en général, à toutes les branches quelconques d'industrie.

La concurrence, c'est la vie de l'enseignement, c'est le stimulant qui porte professeurs et élèves à bien faire et à progresser. C'est ce qui entretient entre eux une noble et généreuse émulation. Supposez les établissements de l'Etat existant seuls et bientôt le zèle des professeurs se refroidira et les études ne manqueront pas de dépérir. Supprimez à leur tour les établissements du gouvernement, pour ne donner vie qu'à l'enseignement privé, et celui-ci sera bientôt faible et languissant.

Mais, messieurs, c'est précisément à raison des avantages de la concurrence qui naît de la liberté d'enseignement que nous défendions celle-ci comme un bienfait contre les prétentions du gouvernement hollandais. Nous ne saurions donc nous rallier aux critiques qu'on élève sur ce point contre le projet soumis à vos délibérations, alors surtout que celui-ci n'augmente pas outre mesure le nombre des établissements qui seront dirigés par l'Etat. Les dix athénées que demande le gouvernement existent déjà en réalité, quoiqu'en partie sous une autre dénomination et sur les cinquante écoles moyennes que l'article 3 autorise le gouvernement à fonder, trente-huit existent ou sont autorisées. De bonne foi, où sont les traces de ce vaste monopole, que l'on reproche au projet de vouloir établir?

D'un autre côté, le nombre d'établissements libres existant actuellement écarte la possibilité même de tout accaparement de la part du gouvernement.

Le tableau communiqué par M. le ministre de l'intérieur démontre qu'il existe en ce moment en Belgique vingt-huit établissements d'instruction moyenne dirigés par les évêques, sept par les congrégations religieuses, dix par les pères de la Compagnie de Jésus et trois par des particuliers.

Cet état de choses, que personne ne songe du reste à critiquer, démontre à toute évidence, qu'il ne s'agit pas de supprimer la liberté, mais que dans notre pays, après l'adoption du projet, il reste encore une large part pour les établissements libres.

Et puis, messieurs, il est certain que les établissements du clergé auront toujours une prépondérance et des avantages qu'ils conserveront par cela seul qu'ils existent. La liberté a toujours suffi pour les faire prospérer. Savez-vous quand ils végètent? C'est lorsqu'ils sont seuls, lorsqu'ils n'ont pas de rivaux. Les faits prouvent qu'alors seulement, au lieu de s'élever à la hauteur de la science, ils tombent dans le marasme.

Eh bien, c'est précisément la concurrence, que crée l'organisation de l'enseignement de l'Etat, qui prévient cet inconvénient.

Je ne crains pas de le dire, et l'expérience justifiera la vérité de mes prévisions, les établissements libres, loin d'être ébranlés par le système de la loi, reprendront une vigueur nouvelle, parce que ceux qui les dirigent sentiront la nécessité de maintenir les études au niveau de l'instruction qui sera donnée dans les collèges de l'Etat. Ces derniers à leur tour ont besoin d'avoir à leurs côtés des rivaux puissants qui stimulent le zèle des professeurs et contribuent à entretenir dans les écoles publiques le feu sacré qui vivifie toutes les institutions et sans lequel rien ne prospère dans le monde.

Et puis il faut résister à l'évidence pour ne pas voir quelles ressources, quel parti important il est possible de tirer des dispositions du projet en faveur des établissements libres. Pour moi, lorsque j'examine de près le projet en discussion, lorsque je pèse la portée de ses dispositions, lorsque je me reporte à leur exécution, lorsque j'examine à quoi se réduisent les conditions d'où dépendent le maintien et l'érection des établissements communaux existants, lorsque je jette les yeux sur la composition de la plupart des conseils communaux et des députations permanentes des conseils des provinces, lorsque j'observe l'esprit qui les anime, lorsqu'enfin il est évident que le gouvernement lui-même ne voudrait ni n'oserait même résister, à des demandes fondées sur la raison et l'équité, je vous avoue que rien ne me paraît moins sérieux que les craintes qui se produisent.

La loi nouvelle n'aura pas d'autre résultat que celle que nous avons votée en juillet dernier sur l'enseignement supérieur. Cette disposition législative devait aussi tuer la liberté: eh bien, l'exécution qu'elle a reçue a fait évanouir ce reproche pour tout esprit non prévenu. Pour moi, je suis convaincu que les établissements libres d'instruction moyenne resteront ce qu'ils sont et que, loin de périr, ils s'élèveront à une hauteur qu'ils n'ont pas encore atteinte, parce que force leur sera de redoubler de zèle et d'efforts.

(page 1104) J'arrive à la question concernant l'action du gouvernement sur les établissements soumis au régime de la loi nouvelle. Puisque l'on reconnaît la nécessité de l'enseignement donné aux frais de l'Etat, il est clair que l'organisation doit être réelle et sérieuse; or, pour atteindre ce but, l'action directe et immédiate du pouvoir central, en ce que touche les établissements du gouvernement, est indispensable. C'est le seul moyen d'imprimer à l'instruction cette direction unique et solide qui en fait toute la force, toute la valeur. Le gouvernement, qui doit répondre de ses établissements devant les chambres et le pays, revendique avec fondement la nomination du personnel.

Il ne serait pas raisonnable de le mettre sous ce rapport à la merci de l'oligarchie communale, impuissante pour créer, encourager et maintenir la dignité du corps professoral sans lequel il n'existe pas d'enseignement bien organisé.

Ce qui constitue la force de toute institution quelconque, c'est le principe d'unité qui en est la base. Des corps électifs, formés souvent sous l'influence de l'esprit de parti et qui se renouvellent d'ailleurs à des époques périodiques, ne sont pas d'ordinaire capables de réaliser cette condition essentielle d'une bonne organisation. Aussi l'expérience a-t-elle prouvé que ce n'est pas d'eux qu'il est permis d'espérer des mesures efficaces qui impriment à l'instruction publique l'étendue et l'énergie qu'elle doit avoir.

Toutefois il faut faire la part aux communes dans l'instruction moyenne. Or, le projet maintient la légitime influence des conseils communaux même dans l'administration des athénées et des autres établissements de l'Etat. Ils sont représentés dans le bureau administratif et ils participent aussi à la nomination des membres de cette commission.

Quant aux autres établissements, il est essentiel de ne pas perdre de vue le régime introduit par le projet. Les communes et les provinces peuvent créer ou entretenir des établissements d'instruction moyenne et en ce cas la nomination des professeurs leur appartient sans aucune intervention du gouvernement.

Il en est de même relativement aux établissements communaux et provinciaux subsidiés par l'Etat. Ainsi, lors même qu'il accorde des subsides, le gouvernement reste étranger à la nomination du personnel. Pareilles dispositions révèlent-elles un système de centralisation exagérée?

Le projet consacre de la manière la plus large la liberté des communes et des provinces relativement aux établissements communaux et provinciaux, alors même que ceux-ci sont subventionnés par l'Etat.

Est-il raisonnable de prétendre que tout est absorbé par le pouvoir central ? Le gouvernement entend seulement se réserver à l'égard des professeurs le droit de révocation dont il ne peut user que de l'avis conforme du conseil de perfectionnement, le professeur entendu.

Cette faculté, ainsi limitée, me paraît pouvoir être adoptée sans inconvénient ; il est impossible, en effet, de laisser l'autorité supérieure complètement désarmée en présence d'actes répréhensibles que pourrait poser un professeur dans l'exercice même de ses fonctions, et que, par négligence ou par tout autre motif, la majorité d'un conseil communal laisserait se perpétuer, non sans danger pour l'ordre public.

La section centrale a cru devoir maintenir l'influence du pouvoir central en ce qui concerne la fondation des collèges communaux et provinciaux. Cette disposition ne peut être sérieusement contestée ; si les provinces et les communes peuvent créer des établissements d'enseignement moyen, c'est certainement comme exerçant une portion de la puissance publique.

Or, à quel titre les soustrairait-on, dans cet ordre d'idées, à tout contrôle de la part de l'autorité supérieure? Mais l'article 108 de la Constitution, qui seul peut légitimer le droit des conseils communaux et provinciaux d'établir des écoles publiques, ne le décrète que sous réserve de l'approbation du pouvoir central, et pareille institution qui touche aux intérêts moraux des populations, qui peut compromettre la situation financière des communes ou des provinces, n'a-t-elle pas une tout autre importance que les actes énoncés en l'article 76 de la loi communale et ceux relatés en l'article 86 de la loi provinciale, dispositions qui exigent l'approbation royale? Et pouvons-nous, sans heurter le texte et méconnaître l'esprit de la législation en vigueur, soustraire les communes à la haute surveillance de l'administration supérieure à l'égard d'objets qui non seulement tiennent à l'intérêt général, mais se rattachent aux bases mêmes de l'ordre social? Pour moi je ne pense pas que les attributions conférées par le projet de loi au gouvernement dépassent les limites dans lesquelles elles doivent être raisonnablement renfermées.

On a prétendu qu'on empiétait sur le domaine de la loi sur l'instruction primaire en considérant les écoles primaires supérieures comme appartenant à l'enseignement moyen. Mais rien n'est moins fondé que ce reproche. Examinez les matières qui d'après le projet seront enseignées dans ces écoles, et vous vous convaincrez qu'elles sortent entièrement du cercle de l'enseignement primaire tel qu'il est réglé par la loi de 1842.

Le rapporteur de cette loi, dont certes on ne récusera pas l'autorité, n'a pas craint de proclamer que les écoles primaires supérieures rentraient en réalité dans la sphère de l'enseignement moyen. Aujourd'hui que nous organisons cet enseignement, n'est-il pas rationnel de ranger les écoles en question dans la classe qui leur appartient par la nature même des choses et par l'instruction qui y est donnée?

Il me reste à exposer mon opinion sur l'intervention du clergé dans l'instruction publique. Quant au fond même de la question, il ne peut s'élever de débat entre les hommes sages et modérés. Tous veulent l'enseignement religieux; cet enseignement doit être complet, et sérieux.

Les ministres de la religion, arrivant dans l'école, doivent être protégés dans l'exercice de leur auguste mission. Ils doivent être respectés et honorés de tous. Nul ne peut se permettre de porter atteinte directement ou indirectement à leur enseignement. Telle est la portée évidente de l'article 8 du projet qu'en ce qui me concerne, je crois devoir maintenir comme exprimant l'intention que l'enseignement religieux fasse partie de l'enseignement moyen, comme reflétant sur ce point l'esprit de la loi, que les déclarations du gouvernement viendront certainement confirmer.

Tous d'accord sur le principe que l'atmosphère de l'école doit être morale et religieuse, nous nous divisons sur le mode d'exécution. Les uns prétendent inscrire dans la loi des prescriptions qui stipulent des garanties d'une éducation religieuse.

D'autres estiment qu'il faut abandonner au gouvernement le soin de se concerter avec les ministres du culte, relativement à leur concours dans l'enseignement moyen et de régler le mode de cette intervention. C'est ce dernier parti que je crois devoir adopter. Il est d'abord justifié par les précédents admis par la législature. Lors de la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur, on prétendait qu'elle devait consacrer le droit des universités libres d'être représentées dans le jury d'examen.

Ce système fut repoussé ; toutefois on a vu avec quelle loyauté le ministère a exécuté et exécuté chaque jour les engagements qu'il a pris sur ce point vis-à-vis des chambres. Les mêmes motifs qui ont dicté cette résolution doivent nous déterminer à abandonner à une négociation entre le pouvoir exécutif et les ministres de la religion tout ce qui concerne le mode de donner l'enseignement religieux dans les écoles publiques. Ce système est d'abord en harmonie avec les principes de la législation. L'autorité religieuse n'est pas une autorité légale. Elle se meut dans un cercle étranger à celui de la loi civile.

Sans doute le gouvernement peut appeler les ministres du culte comme auxiliaires pour atteindre le but de sa haute mission ; il ne doit même rien négliger pour obtenir ce concours; mais il n'est pas possible, surtout sous le régime politique qui nous régit, de changer le caractère de l'autorité spirituelle en l'érigeant en pouvoir légal et l'assimilant à la puissance gouvernementale.

Un second motif qui appuie cette opinion, c'est que si la loi stipulait la nécessité du concours par des prescriptions formelles, elle devrait aussi en déterminer les conditions. Or, cela est impossible, d’abord parce que ce serait stipuler sans l'intervention de l'autre partie; en second lieu parce que ce serait déposer dans la loi même le germe d'un conflit, si le clergé répudiait les conditions qu'aurait arrêtées la législature, conflit que rien ne saurait faire cesser.

C'est ce qu'a fait remarquer avec vérité l'évêque de Chartres en exprimant, dans une lettre adressée au journal l'Univers, son refus formel de concourir à l'exécution de la loi sur l'enseignement, votée dernièrement en France.

« La loi sur l'enseignement, dit-il, n'a pas le caractère des lois ordinaires. Elle est une transaction. Une partie intéressée à ce contrat, qui n'y a pas donné son consentement et qui n'a pas même été consultée, a donc évidemment le droit de réclamer indéfiniment et en tout temps. C'est le droit le plus incontestable et le plus immédiatement puisé dans la lumière du bon sens. »

Il faut convenir que le prélat était en droit de tenir ce langage. Eh bien, peut-on faire à la législature belge la position insoutenable résultant de dispositions qui ne sauraient jamais lier le clergé belge, dont l'indépendance complète est consacrée par nos lois constitutionnelles?

L'article 8 énonce l'intention du législateur, le clergé sera appelé à donner ou à surveiller l'enseignement religieux. La loi respecte sa mission divine, elle le convie même, elle l'appelle à venir remplir cette mission dans les écoles publiques. Le principe de l'enseignement religieux est proclamé. Son application appartient à l'exécution de la loi et rentre, par conséquent, dans les attributions du pouvoir exécutif qui, par la nature même des choses, est tenu de se conformer à l'esprit des prescriptions légales, et ainsi, à faire tout ce qui est raisonnablement possible pour que le clergé ne refuse pas un concours dont la loi a reconnu l'importance.

Mais, me dira-t-on, où sont les garanties que les ministres présents et futurs ne s'écarteront pas des vues qui ont porté le législateur à faire un appel loyal au clergé? La réponse est facile; ces garanties se trouvent dans notre régime constitutionnel qui investit les chambres du droit de faire justice des actes des conseillers de la couronne qui marcheraient dans une voie réprouvée par la conscience publique, qui méconnaîtraient l'intention de la loi que nous discutons, révélée clairement par l'exposé des motifs, par le rapport de la section centrale et par les déclarations qui émaneront du banc ministériel.

Dans le cas qui nous occupe, on rencontre encore ces garanties dans l'intérêt puissant qu'a le gouvernement d'obtenir le concours des ministres de la religion pour le bien-être et la prospérité de ses établissements. Dans un pays aussi éminemment catholique que le nôtre, chez un peuple aussi profondément, aussi sincèrement religieux que le peuple belge, les établissements dans lesquels il y aurait, je ne dirai pas mépris, mais simplement indifférence pour le sentiment religieux, deviendraient bientôt déserts.

Voilà une imposante garantie que le gouvernement, appréciant les bienfaits de l'enseignement religieux, ne négligera rien pour le favoriser et empêcher qu'il n'éprouve aucune entrave, qui force le clergé, ayant la (page 1105) justice et la raison pour lui, à refuser son concours à tel établissement déterminé, circonstance fâcheuse qui ne manquerait pas d'enlever à pareille école la confiance des pères de famille.

Savez-vous dans quelle occurrence la retraite du clergé ne serait pas fatale aux établissements de l'Etat? C'est dans l'hypothèse, qui, j'espère, ne se réalisera pas, où la raison se trouverait du côté du gouvernement et où le refus de concours serait appuyé sur des prétentions inadmissibles aux yeux des hommes impartiaux.

Mais que le clergé réponde à l'appel de la législature. S'il était ensuite réduit dans certains cas à la triste nécessité de ne pas prêter son concours, qu'il le fasse, non par mesure préventive, mais en se fondant sur des faits qui, posés et se perpétuant dans tel établissement, seraient de nature à rendre sa mission purement nominale ou tendraient à la paralyser de quelque manière que ce fût, et il n'y aura qu'une voix dans le pays pour applaudir à une retraite commandée par l'accomplissement d'un devoir impérieux, et le ministère assez imprudent pour ne pas avoir fait droit à des réclamations légitimes, ne saurait trouver appui ni dans les chambres, ni dans le pays.

Vous parlerai-je maintenant de l'amendement annoncé par l'honorable M. Dumortier qui tend à faire décréter qu'en cas du concours du clergé dans l'enseignement public, un de ses membres figurera dans le bureau administratif et dans le conseil de perfectionnement?

Certes, ce n'est pas moi qui trouverais de l'inconvénient à ce qu'au besoin on fît choix d'un ministre de la religion pour veiller à l'intégrité des doctrines religieuses; mais, d'après les motifs que j'ai déduits, cette disposition ne saurait trouver place dans la loi que nous discutons; elle concerne l'exécution de l'acte législatif et son objet rentre dans les attributions du pouvoir exécutif.

Mais l'honorable M. Dumortier a-t-il réfléchi sérieusement sur la portée de sa proposition qui ne présente pas la moindre garantie? La loi appellerait vainement un ministre du culte à faire partie du conseil de perfectionnement ou des bureaux d'administration. Qu'arriverait-il si on lui donnait pour collègues des hommes hostiles au sentiment religieux, des hommes appartenant à une autre communion? C'est alors qu'on dirait avec raison que la présence d'un ecclésiastique dans le bureau administratif n'est qu'une enseigne intolérable.

Ceci prouve une chose, c'est qu'il est impossible de régler dans la loi les conditions du concours du clergé qui, du reste, prétendrait à juste titre qu'il n'a pas appartenu à la législature de les poser sans son intervention, et il pourrait arriver, dans cette hypothèse, que la loi restât sans exécution, ce qui ne tend à rien moins qu'à en compromettre la dignité.

Telles sont les considérations qui me portent à penser que l'on peut sans inconvénient adopter la loi qui vous est soumise. La discussion calme et modérée, à laquelle elle donnera lieu, démontrera qu'elle est loin de renfermer les énormités qu'on a cru y rencontrer. Pour moi, je suis d'avis qu'elle ne fait que décréter l'organisation légitime du principe consacré par l’article 17 de la Constitution qui a voulu un enseignement de l'Etat obligatoire et non facultatif ; je suis convaincu qu'elle laisse la liberté d'enseignement intacte et qu'elle reste fidèle à l'esprit de la charte et à nos institutions en maintenant, à l'égard des provinces et des communes, la tutelle de l'autorité supérieure dans des limites raisonnables; que, loin de repousser l'enseignement religieux, elle en proclame la nécessité, mais que pour rester fidèle à nos principes constitutionnels, il est impossible d'inscrire dans la loi des prescriptions qui sont du ressort du gouvernement, sauf à celui-ci à répondre de ses actes devant les chambres et le pays.

Ce sont ces motifs qui me déterminent à donner au projet un vote favorable.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer deux projets de lois de crédit ayant pour objet de régulariser des dépenses du département de la guerre.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la présentation des projets de loi qu'il vient de déposer.

Ces projets seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

- La séance est levée à 4 heures et demie.