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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 22 février 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 751) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est appprouvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présentel'analyse des pièces adressées a la chambre.

« La veuve du sieur Trappeniers, décédé chirurgien du plat pays, prie la chambre de lui accorder un secours. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Fafchamps, inventeur de la machine à' vapeur à traction directe, prie la chambre de lui faire obtenir un secours sur le fonds des brevets. »

M. Rodenbach. - Messieurs, je demande le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

Le pétitionnaire, ingénieur distingué, s'est déjà adressé à la chambre. Il a produit un avis qui lui était très favorable ; sa demande paraît être fondée.

Sa première pétition nous a été adressée, je crois, le 2 mars 1849 ; voilà donc près de deux ans que l'analyse en a été faite et qu'elle a été renvoyée à la commission permanente d'industrie ; mais jusqu'ici cette commission n'a pas fait son rapport.

Je saisirai cette occasion pour prier la commission d'industrie de nous présenter enfin ce rapport.

M. Lesoinne. - J'appuie la demande d'uu prompt rapport.

Quant à la première pétition dont parle l'honorable M. Rodenbach, elle était relative au projet de loi sur les brevets d'invention ; elle demandait qu'on en hâtât la présentation. Cette pétition a été renvoyée, sur la proposition de la commission d'industrie, à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach. - Si la pétition a été envoyée à M. le ministre de l'intérieur, je suis satisfait.

Je prierai maintenant la commission des pétitions d'examiner mûrement la nouvelle requête de M. Fafchamps ; elle émane d'un homme qui a rendu des services éminents au pays.

Je demanderai aussi que le gouvernement nous présente le plus tôt possible le projet de loi sur les brevets d'invention.

M. Destriveaux. - Je me réunis à l'honorable M. Rodenbach pour exprimer le même vœu.

-La pétition est renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Une proposition de loi, déposée sur le bureau, est renvoyée aux sections pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.

Projets de loi portant le budget du ministère des finances, des dépenses pour ordre, des non-valeurs et remboursement, de la dette publique, des dotations et du ministère des travaux publics, de l’exercice 1852

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer le projet de budget du département des finances, des dépenses pour ordre, des non-valeurs et remboursements, de la dette publique et des travaux publics pour l'exercice 1852.

M. le président. - Ces projets seront imprimés, distribués et renvoyés aux sections. Je réunirai après la séance les président des sections pour régler l'ordre des travaux.

Projet de loi fixant le tarif des voyageurs sur les chemins de fer de l’Etat

Discussion générale

M. Vermeire. - Messieurs, en prenant la parole dans cette discussion, mon intention n'est point d'examiner, de nouveau, toutes les questions qui se rattachent à l'exploitation des chemins de fer. On s'est livré si souvent à cet examen, dans ces derniers temps, que je crois devoir me dispenser de rentrer dans un pareil débat.

Je n'envisagerai donc la question que sous un point de vue plus ou moins pratique. Mais tout d'abord, je dois déclarer que je ne partage point la manière de voir de l'honorable M. Bruneau quand il interprète la loi du 1er mai 1834, en ce sens, que le chemin de fer n'est point une entreprise financière et commerciale devant produire un certain intérêt au bout de l'année, mais seulement une entreprise de grande utilité publique.

Je sais bien que la loi de 1834 ne pouvait insérer dans ses dispositions quels auraient été les résultats du chemin de fer dans l'avenir ; mais il résulte clairement des discussions et du texte même de la loi, que le chemin de fer était une entreprise essentiellement commerciale et financière, devant se suffire à elle-même, c'est-à-dire payer les intérêts des sommes affectées à sa construction et rembourser les capitaux dépensés, au moyen d'un amortissement. L'honorable membre le sent si bien lui-même, qu'il nous dit : « que le chemin de fer doit réaliser le plut haut degré d'utilité possible, en même temps que le plus de produit possible. »

Sa conclusion diffère donc, essentiellement, de son interprétation de la loi.

Le projet de loi en discussion doit rencontrer un assentiment général sur tous les bancs de cette chambre, parce qu'il fait disparaître l'inégalité du taux des péages et rétablit l'équité et la justice distributive.

La section centrale, dominée par cette idée, qu il faut augmenter les recettes du chemin de fer, afin d'approcher le plus possible de la loi du 1er mai 1834, propose d'établir deux espèces de convois, dont l'un, à grande vitesse, franchirait une distance de 45 à 50 kilomètres à l'heure ; l'autre, à petite vitesse, la moitié seulement de cette distance. L'honorable M. Bruneau voudrait étendre la mesure et établir des convois des marché, pour lesquels on délivrerait des coupons d'aller et retour, à prix réduit.

Ainsi, d'après la section centrale, il y aurait deux sortes de convois avec des prix différentiels.

M. Bruneau y joindrait un autre tarif pour les convois de marché, soit en tout trois tarifs différents et trois sortes de convois. Cet honorable membre a dit, avec raison, que les tarifs des chemins de fer d'autres pays ne peuvent point servir de base aux tarifs belges ; que, pour l'établissement des tarifs, il faut avoir égard aux usages, mœurs et coutumes d'un pays. Eh bien, les coutumes du pays sont un déplacement facile à petite distance, parce que, sur notre territoire, les villes sont très peuplées et très rapprochées les unes des autres. Cela rentre tellement dans les habitudes belges, que la distance franchie en Belgique n'est ent moyenne que de 34.4 kil. pour les trois classes et 27.4 kilom. seulement pour la troisième classe qui entre dans le déplacement total à raison de 78.5 pour cent.

Or, il est certain que les convois de grande vitesse ne seraient point utiles à plus des trois quarts des voyageurs et, partant, ne pourraient que compliquer inutilement l'administralion et la comptabilité de l'exploitation.

En établissant les convois à grande vitesse, l'intention de l'administration serait, sans doute, de ne faire arrêter ces convois que dans les grandes stations où les tenders doivent prendre de l'eau. S'il en est ainsi, il en résulte la conséquence évidente que, pour servir la minorité des voyageurs, on léserait dans ses intérêts la grande majorité dont on changerait ainsi les habitudes, et que l'on éloignerait, forcément, du chemin de fer. Les convois à petite vitesse ne faisant que 22.5 k. par heure, produiraient un autre résultat, celui d'enlever bon nombre de voyageurs au chemin de fer qui retourneraient aux anciens véhicules, par lesquels, pour certaines localités, ils arriveraient plus tôt à destination.

Exemple :

Louvain à Bruxelles par chemin de fer : 44 kil. : 22.5 kil. 1 h. 57 min,

Termonde à Bruxelles par chemin de fer : 47 kil. : 22.5 kil. 2 h. 05 min.

Pour ces deux localités on arriverait plus vite par l'ancien mode de transport.

Dans la dernière discussion du budget des travaux publics, on a démontré combien il est utile de simplifier la comptabilité et l'administration ; et pour ce motif on ne voulait, pour ainsi dire, dans le transport des marchandises que d'un seul tarif. Ce qui est vrai pour les marchandises doit l'être également pour les voyageurs. Et pour moi, je crains que, par une complication trop grande et parfois inutile, on ne nuise à l'exploitation et aux revenus du chemin de fer.

Je pense donc que, sauf une exception pour les rares convois de poste qui existent actuellement, il convient de n'avoir qu'une seule espèce de convois pour les voyageurs, convois qui marchent avec la plus grande régularité et avec le plus de vitesse possible.

Reste à savoir quel est le tarif qui peut produire le plus, sans léser le public voyageur.

Ici commence toute la difficulté.

Toutes les expériences qui ont été faites sur les anciens tarifs n'ont, si je dois m'en référer au rapport de la commission instituée pour la révision du tarif des voyageurs sur le chemin de fer, amené aucun résultat sur lequel on puisse établir une comparaison exacte.

Voici comment cette commission s'exprime, à cet égard, page 10 de l'exposé des motifs :

« La commission pense que l'expérience faite jusqu'ici ne peut pas être considérée comme suffisante pour déterminer quel est celui des tarifs, mis en vigueur, qui serait aujourd'hui le plus favorable au point de vue de l'intérêt du trésor. »

Sans entrer dans de longs développements, je crois pouvoir constater que la régularisation proposée par le tarif actuel, aurait pour conséquence, si ce système était le seul vrai (et ici je partage l'observation faite, à cet égard, par M. Bruneau) :

1° D'augmenter le nombre de voyageurs là où le tarif diminue.

2° De diminuer ce nombre là où le tarif augmente.

Et 3° de maintenir le statu quo là où le tarif ne change pas.

Donc résultat définitif : zéro.

Il me paraît que si on veut faire de nouvelles comparaisons, il faut expérimenter avec des tarifs plus bas, ou avec des tarifs plus élevés.

Pour moi, messieurs, je pense qu'un tarif plus bas que le nôtre n'amènerait point une augmentation de voyageurs, de nature à combler la (page 752) différence qui en résulterait dans les recettes. Il me paraît donc qu'il faudrait commencer l'expérience par des tarifs légèrement augmentés ; car, pour les transports sur les chemins de fer, il faut trouver la juste proportion, c'est-à-dire celle qui ne fasse point déserter le chemin de fer et qui produise le plus possible.

Augmenter les recettes, porter peu de perturbation dans ce qui existe, et éviter surtout le déclassement des classes supérieures vers les classes inférieures, tel doit être le triple but à poursuivre.

Ainsi en faisant payer pour la première classe, fr. 0.085 par kilom., pour la deuxième classe 0.060 et pour la troisième classe 0.045, on obtiendrait un résultat très satisfaisant, sans que, pour cela, cette augmentation opère un déclassement ni lèse le voyageur. Je vais tâcher de le démontrer :

Pour la première classe, le déclassement vers la deuxième classe serait insignifiant, sinon impossible. D'abord, parce que le nombre de voyageurs n'entre dans la totalité que pour 9 p. c, que ce sont principalement les étrangers venant de France, d'Allemagne et d'Angleterre qui prennent ces voitures, et ensuite, parce que la différence du prix est minime. Les voyageurs de cette classe, parcourant en moyenne 41 kilom. 8, ne prendraient pas une deuxième classe, pour une différence dans le prix, sur une distance de plus de 12 lieues, de fr. 0.5562.

Les voyageurs de la deuxième classe n'entreraient point dans la troisième pour une augmentation de prix sur le parcours moyen de 43 kil. 8 ou plus de 8 lieues, de moins de 9 c.

Et la troisième classe ne déserterait point le chemin de fer pour une légère augmentation. Le prix de cette dernière classe pourrait, au contraire, opérer un déclassement de la troisième vers la deuxième, ce qui serait tout à l'avantage des recettes. Et ce dernier déclassement est d'autant plus probable que, d'après moi, les tarifs de la deuxième et de la troisième classe, différant trop dans les prix, un nombre trop considérable de voyageurs, par cette raison seule, continue à voyager dans la dernière classe.

Dans la supposition qu'avec cette augmentation imperceptible, on transporte le même nombre de voyageurs qu'en 1850, on ferait la recette suivante :

24,756,649 voyageurs, kilom., première classe à 0.086 : fr. 2,104,31517

40,073,199 voyageurs, kilom., deuxième classe à 0.060 : fr. 3,404,391 04

76,284,608 voyageurs, kilom., troisième classe à 0.045 : fr. 3,431,575 70.

Soit 7,910,280 fr.

Recette obtenue en 1850 : 6,950,916 fr. 83

Différence en plus : 989,363 fr. 88

Je passe maintenant, messieurs, à un autre point, celui qui laisse, aux termes de l'article 2 du projet de la section centrale, au gouvernement la faculté de fixer par arrêté royal le tableau des distances auxquelles on appliquera les nouveaux tarifs. Je crois que cette faculté doit être laissée au gouvernement, que cela est d'autant plus nécessaire que, comme l'indique la section centrale, des erreurs pourraient s'être glissées dans la formation du tableau qui accompagne le projet de loi, ou des déductions inégales, du chef des courbes que décrivent certaines lignes du chemin de fer, pourraient être faites ; ce qui, dans la suite, donnerait lieu à de nouvelles réclamations de la part des parties lésées.

Je crois, messieurs, que lorsque le tableau des distances sera consacré par l'usage d'un an, il conviendra de l'arrêter définitivement par une disposition législative.

J'approuve le caractère temporaire de la loi. Toutefois, je pense qu'elle devra fonctionner une année entière, au bout de laquelle le département des travaux publics nous présentera un rapport sur le résultat du mode d'exploitation actuel comparé au mode ancien.

L'honorable M. Bruneau a parlé hier de l'avantage qu'il y a à rapprocher les distances, soit au moyen de lignes directes, soit au moyen d'une plus grande vitesse dans la marche des convois.

Cet avantage est réel, quand il s'agit d'empêcher des frais extraordinaires de séjour, etc. Mais il devient illusoire ou imperceptible, alors que tout l'avantage ne consisterait que dans un bénéfice de temps d'un quart d'heure ou d'une demi-heure tout au plus. Il en est, sous ce rapport, de la théorie de l'augmentation des voyageurs au fur et à mesure que les distances raccourcissent, comme des péages en général qui augmentent au fur et à mesure que les tarifs baissent. Poussez l'argument au bout, et vous ne recevrez plus rien.

Je crois qu'il ne faut point exagérer la portée de ces théories, et rester dans des bornes raisonnables. Du reste, la théorie de.M. Desart, à laquelle, comme œuvre d'observations scientifiques, je rends tout hommage, n'est point en discussion. Et le fût-elle, je ne me chargerais point de sa réfutation, et à cet égard, je ferai observer que M. Delaveleye, ingénieur civil, s'est déjà charge de ce soin.

Je termine, messieurs, en appelant, de nouveau l'attention du département des travaux publics sur la nécessité impérieuse d’avoir un matériel suffisant et en bon état pour suffire à toutes les demandes et opérer poromptement tous les transports. C’est là, d’après moi, le moyen le plus efficace de faire produire beaucoup au chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, la chambre n'a entendu jusqu'à présent que trois discours, et déjà elle a pu se convaincre, par la diversité des appréciations, combien la question des péages des chemins de fer est difficile et complexe, combien elle est controversée et combien elle rest controversable.

Mais j'espère aussi qu'à leur tour ils voudront bien reconnaître que si j'ai la conviction acquise que tout relèvement de tarif aurait pour résultat inévitable d'amener une réduction dans la circulation et même une diminution dans les recettes, ils voudront reconnaître que cette conviction, je l'ai puisée dans l'tlude patiente, laborieuse des faits que nous possédons. Ce n'est pas à l'étranger, dans des parallèles dont on n'est pas toujours à même de se rendre compte, que j'ai puisé cette conviction, mais dans l'histoire des tarifs que nous avons appliqués, depuis 1835, à notre chemin de fer.

L'honorable M. Bruneau, s'appuyant sur un travail qu'il a reconnu être très remarquable, vous a dit que deux éléments concouraient et avaient concouru à la prospérité de notre chemin de fer et au développement de la circulation, le premier c'est la durée du trajet, l'économie de temps ; le deuxième, c'est le bas prix des transports.

Il serait sans doute bien difficile, messieurs, de dire dans quelle proportion, pour quelle part chacun de ces éléments intervient dans la prospérité du chemin de fer ; car pour le dire, pour résoudre ce problème, il faudrait ou, avec des prix constants, varier les vitesses, ou, à vitesse égale, varier les prix. Or, c'est seulement cette dernière expérience que nous avons faite ; à vitesse égale ou à peu près égale, nous avons varié les prix, et l'expérience a constaté ce résultat que l'action du prix est beaucoup plus énergique que l'action de la vitesse, c'est-à-dire que si, entre deux stations données, vous augmentiez la vitesse de 20 p. c., vous obtiendriez une augmentation moins remarquable que si vous diminuiez les prix de 20 p. c.

Messieurs, le système de la section centrale tend précisément (et je le démontrerai) à introduire dans l'exploitation de nos chemins de fer le contraire de ces deux éléments, à diminuer la vitesse moyenne du mouvement total et à augmenter les prix, à introduire dans l'exploitation de nos chemins de fer les deux éléments les plus nuisibles au développement industriel et à la prospérité du chemin de fer.

Avant de démontrer ce point, je veux rencontrer une observation qui s'est déjà fait jour dans la discussion et qui forme, en quelque sorte, la préface du rapport supplémentaire. Les chemins de fer ont absorbé tant de millions. On entasse avec une sorte de complaisance ces millions ! Messieurs, qu'importe tout cela ? Le chemin de fer n'aurait pas coûté ce qu'il a coûté, il n'aurait pas absorbé les millions qu'il a absorbés, la situation financière du pays ne serait pas ce qu'elle est en réalité, qu'il ne serait pas moins du devoir rigoureux du gouvernement de faire produire au chemin de fer tout ce qu'il peut produire, de lui faire atteindre son maximum de produit.

Voilà le but du gouvernement et de l'opposition sur cette question. Mais à côté de ce but général, il en est un autre que nous devons nous efforcer d'atteindre également, c'est de faire produire au chemin de fer le maximum d'utilité sociale qu'on peut en attendre, c'est de le mettre à la portée de toutes les classes de la société.

Messieurs, je démontrerai tout à l'heure (et j'aurai l'occasion de revenir sur beaucoup de faits qui me seront échappés) que le système de la section centrale aurait pour effel d'abord de jeter la perturbation dans toutes les relations établies, ; qu'au point de vue des dépenses d'exploitation, comme au point de vue des recettes brutes, il serait désastreux, désastreux pour le trésor et qu'en même temps il serait préjudiciable au public.

Ce système bouleverserait complètement notre mode d'exploitation. Il ne permettrait pas ainsi de décerner, dans les résultats, ce qui serait dû aux tarifs de ce qui serait dû à des causes étrangères aux péages. Ce système, du reste, et c'est le point par lequel je débuterai, est complètement inexécutable, à moins que la section centrale n'entende priver certaines localités importantes du bénéfice des convois à grande vitesse, à moins qu'elle ne condamne les localités de second ordre, qui entrent pour une si grande part dans le mouvement du chemin de fer, à des convois de grande lenteur, à des convois qui ne feraient plus que 4 lieues à l'heure.

Messieurs, pour combattre le projet du gouvernement, la section centrale a invoqué deux motifs ; ni l'un ni l'autre de ces motifs n'est fondé.

Le premier consiste en ceci : « Il y a tant de causes étrangères aux péages, qui viennent modifier les mouvements et le srecettes, qu’en vérité, il ne serait guère possible de trouver dans l’essai de régularisation que vous allez faire, dans l’égalisation des tarifs, les éléments d’une appréciation quelconque. »

Messieurs, si cette objection était fondée, il en résulterait tout simplement qu'il faudrait renoncer à toute espèce d’expérimentation ; il en résulterait, secondement, que la commission qui, en 1841, a cru pouvoir, au bout de cinq jours, déclarer que le tarif de l'honorable M. Rogier était complètement jugé, tarif qui avait été essaye pendant trois mois, (page 753) dans des circonstances exceptionnelles, il en résulterait, dis-je, que cette commission aurait eu grandement tort de tirer de cette expérience incomplète les conséqunces qu'elle en a déduites.

Mais non, il est, au contraire, démontré de la manière la plus décisive, que chaque fois qu'on a appliqué, dans des circonstances égales, aux mêmes relations un même tarif, les mouvements et les recettes sont restés sensiblement constants, du moins pour l'exercice entier.

Depuis 1841, un même tarif régit les transports des voyageurs sur nos chemins de fer ; eh bien, depuis 1842, les résultais sont à peu près les mêmes. Il y a quelques différences, et je vais les signaler.

Notre réseau n'a été complété que dans le cours de 1843, nous ne pouvons donc en examiner les résultats dans leur ensemble qu'à partir de 1844.

En 1846, les lignes sur Paris furent ouvertes. A partir de 1847, plusieurs sections de chemins de fer concédés ont été livrées à la circulation. Tout le monde reconnaîtra que l'année 1848 a été, en outre, exceptionnelle, de telle sorte que dans les documents publiés par le département, il n'y a absolument que les exercices 1844 et 1845 pendant lesquels les réseaux soient restés les mêmes, et les circonstancees politiques et autres égales. Or, pendant ces deux exercices, les mouvements et les recettes n'ont pour ainsi dire pas varié.

Ainsi, en 1844, le mouvement des voyageurs était de 3,381,329 ; les recettes de 6,466,548 fr. ; en 1845, 3,470,678 voyageurs, et 6,393,309 francs de recette ; différence de 2 1/2 p. c. Mais quand on pénètre plus avant dans les détails, voici à quels faits on est conduit.

La station de Bruxelles (nord), lieu de départ, fournit, en 1844, 436,389 voyageurs, et, en 1845, 436,02l ; la station de Vilvorde fournit, en 1844, 73,922 voyageurs, et en 1843, 74,975 ; la station de Malines fournit, en 1844,182 mille voyageurs, et en 1845, 181 mille ; la station d'Anvers fournit, en 1844, 19-2 mille voyageurs, et, en 1848, 200 mille.

Les résultats de station à station sont tout aussi remarquables. Ainsi les expéditions de Bruxelles (nord), et de Bruxelles (midi), vers 24 stations principales, comportent : en 1844, 529,511 voyageurs, et, en 1845, 530,137. Il y a une différence de 860 voyageurs.

Si l'on examine comment les mouvements ont lieu de station à station, les différences sont encore extrêmement peu importantes. Ainsi, les départs de Bruxelles ont été comme suit :

Pour Vilvorde, en 1844, 57,903, et en 1845, 57,726.

Pour Anvers, en 1844, 90 mille, et en 1845, 91 mille.

Pour Gand, en 1844, 40 mille, et en 1845, 39 mille.

Pour Mouscron, en 1844, 5 mille, et en 1845, 5 mille.

Pour Hal, en 1844, 44 mille, et en 1845, 44 mille.

Pour Quiévrain,en 1844, 18 mille, et en 1845, 18 mille, etc.

Si on compare les mouvements par ligne, on arrive à des résultats non moins intéressants.

En 1844, la ligne du Nord a transporté 923,000 voyageurs. En 1845, elle en a transporté 931,000.

La ligne de l'Ouest en a transporté en 1844, 945,000 ; en 1845, 965,000.

La ligne de l'Est a transporté en 1844, 635 mille voyageurs, et en 1845, 716,000.

La ligne du Midi, en 1844, 809 mille, et en 1845, 830,000.

Je n'étendrai pas plus loin ces indications ; mais si je les complétais, il en résulterait, pour tout homme impartial qui étudie cette question en face des faits, cette conviction que, quand on applique à un même réseau, dans des circonstances égales, un même tarif, les mouvements et les receltes, comme je le disais tout à l'heure, sont constants.

Ainsi que je le faisais remarquer, une double loi concourt à la prospérité de nos chemins de fer ; mais l'action du prix exerce une influence immense. Ainsi la station de Vilvorde fournit par an, à la ville de Bruxelles, environ 60 mille voyageurs. La ville de Malines, qui est au moins cinq fois aussi importante que Vilvorde, fournit 80 mille voyageurs ; et la ville d'Anvers qui, comme importance, est bien dix fois comme la ville de Malines, ne fournit que 90 mille voyageurs.

N'est-il pas dès lors de la dernière évidence que si l'on pouvait imaginer que par rapport à la durée du trajet, par rapport à la distance, comme par rapport au prix, Malines fût à la place de Vilvorde ou Anvers à la place de Malines, non seulement la circulation serait triple, mais la recette serait plus considérable ? Nous avons, dans l'expérience qui s'est faite depuis quelques années, une preuve nouvelle de l'influence de l'action du prix.

Avant que le chemin de fer de Bruges à Courtray fût construit, les voyageurs de Bruges à Courtray passaient par Gand. On fait le chemin de fer de Bruges à Courtray par Roulers ; les voyageurs y trouvent une économie de temps et surtout une notable diminution de prix ; la ville de Bruges qui fournissait 1,900 voyageurs à Conrtray, en fournit maintenant 5,200. Autre exemple : Pour aller à Tournay, on passait par Gand. Grâce à une insistance fondée et à l'incontestable utilité du projet, on dote la ville de Tournay d'un chemin de fer plus direct vers la capitale.

Quelle fut la conséquence de ce raccourcissement de parcours et de la diminution de prix ? C'est que la ville de Tournay, qui donnait environ 3,000, voyageurs à Bruxelles, en fournit aujourd'hui plus de 5 mille.

Le tarif des marchandises du 1er septembre a ajouté une réduction nouvelle à cette double réduclbm du parcours et du prix. Eh bien, il en est résulté ce nouveau fait qu'au lieu de 600 tonneaux que la ville de Tournay fournissait par an à Bruxelles, elle fournit aujourd'hui 1,400 tonneaux.

La seconde objection que fait la section centrale pour repousser les effets de la régularisation peut se résumer ainsi : cette régularisation, dit la section centrale, ne doit pas amener de grandes modifications dans les prix actuellement existants, et pour le prouver, elle établit que, quant aux stations de Bruxelles avec Anvers, Liège, Verviers, Mons, Charleroy, Gand, Bruges, Ostende et Courtray, les prix nouveaux ne différeraient pas considérablement des prix actuels.

Messieurs, il est à remarquer que ces relations comportent des distances variant de 9 à 29 lieues.

Or les trois quarts des mouvements des voyageurs sur le réseau de l'Etat ne comportent que des parcours inférieurs à la distance de 9 lieues, et même les 3/5 de nos \oyageurs ne font que des trajets qui ne dépassent pas 6 lieues ou 30 kilomètres. Ainsi entre Liège et Verviers il y a 60,000 voyageurs ; entre Termonde et Gand 35,000 voyageurs, tandis qu'entre Bruxelles et Bruges il n'y a qu'un mouvement d'environ 12,000 voyageurs. Gand ne fournit à Bruxelles que 39,000 voyageurs, tandis que Louvain, qui est à une distance beaucoup plus rapprochée, fournit 38,000 voyageurs à la ville de Bruxelles.

Voyons maintenant si, pour certaines relations à courte distance, la régularisation n'apporterait pas de perturbation sensible.

Entre Gand et Termonde, il y a une distance de 30 kilom. ; on paye aujourd'hui en diligence 2 fr. ; en char à bancs 1-50 ; en waggon 1 fr.

Entre Liège et Verviers, il n'y a que 25 kilom. ; on paye pour les diligences 2 fr. 50 ; pour les chars à bancs 2 fr. ; pour les waggons 1 fr. 25 c. Ainsi les prix par kilomètre de parcours de Liège à Verviers présentent, par rapport aux prix fixés pour le parcours de Gand à Termonde, des augmentations de 50 p. c. sur les première et troisième classe et de 60 p. c. sur les chars à bancs. De Louvain à Termonde il y a 50 kilom. ; on paye aujourd'hui en diligence 3 fr. 50 ; en char à bancs 2 fr. 50 ; en waggon 1 fr. 50.

De Bruxelles à Hal il y a 14 kilomètres. On paye en diligence, 1 fr. 25 c. c'est-à-dire 8.93/100 cent, au lieu de 7 centimes. En char à bancs, on paye 2 francs ; c'est-à-dire 7.14/100 cent, au lieu de 5. En waggon on paye 75 centimes, c'est-à-dire 5.36/100 cent, au lieu de 3 ; ce qui donne dans les prix par kilomètre de parcours de Bruxelles à Hal, par rapport aux prix de Louvain à Termonde, des différences en plus, de 28 p. c. sur la première classe, de 43 p. c. sur la seconde et de 79 p. c. sur la troisième.

Je pourrais mulliplier les exemples, je pourrais ajouter qu'à mesure qu'on s'éloigne des sections dont je viens de parler, les différences, si elles sont moins considérables, n'en restent pas moins réelles ; de manière que les différences de prix que je viens de signaler ne s'appliquent pas seulement aux relations que j'ai indiquées, mais influent aussi sur des relations voisines.

Je cite un dernier exemple : de Bruges à Bloemendaele il y a 12 kilomètres. On paye aujourd'hui en waggon 25 centimes, c'est-à-dire 2 1/12 centimes par kilomètre. De Bruxelles à Hal, il y a, comme je le disais tantôt, 14 kilomètres ; on paye en waggon 75 centimes, c'est-à-dire 5 1/3 centimes par kilomèlre. Proportionnellement, le prix est donc de 2 1/2 fois autant que de Bruges à Bloemendaele.

Du reste, de pareilles différences ont été signalées dans la discussion qui a eu lieu à la chambre le 29 mars 1849. L'honorable M. Dumortier a indiqué lui-même quelques anomalies ; il s'exprimait en ces termes :

« M. Dumortier. - Où est le mal principal ? Il est dans les vices de la tarification.

« Cette tarification présente les anomalies les plus choquantes. Je vais en donner des preuves. D'Anvers à Bruxelles, il y a 9 lieues ; quand je vais à Anvers et que je reviens, je fais 18 lieues. De Bruxelles à Tournay, il y a 18 lieues ; il en résulte que si je suis allé à Anvers et que si je suis revenu à Bruxelles, j'ai fait absolument la même route que si j'étais allé à Tournay.

« Rh bien, je prends une place pour aller à Anvers, je paye 3 fr. 25, je paye même somme pour revenir. J’ai dépense pour les 18 lieures que j’ai parcourures 6 fr. 50, et j’ai suivi la ligne droite, c’est-à-dire que j’ai fait le trajet dans le temps le plus court possible. Si, au contraire, je fais à Tournay, d’abord je fais un détour de trois lieues, premier désavantage, perte de temps ; ensuite, je paye 7 fr. 75, c’est-à-dire, 1 fr. 25 de plus que pour aller à Anvers et pour revenir. »

Il n'y a donc ni dans la première allégation, tirée des circonstances étrangères aux péages qui viennent modifier sensiblement le mouvement et les recettes, ni dans la seconde, tirée de cette simple supposition que la régularisation n'aurait pas pour effet d'apporter des modifications dans beaucoup de relations, il n'y a, dis-je, dans ces allégations rien de fondé.

La section centrale a cherché à substituer au système du gouvernement un autre système. J'ai dit, messieurs, que ce système n'était pas exécutable. S'il s'agissait d'une ligne isolée, par exemple, de la ligne de Bruges à Courtray par Roulers, ou de la ligne d'Anvers à Gand par Saint-Nicolas, rien ne serait plus facile que de mettre le système de la section centrale en vigueur.

(page 754) Mais sur une ligne aussi compliquée que la nôtre, rien ne serait plus difficile, et pour le démontrer, je vais poser un simple dilemme à la section centrale : Ou bien vous voulez doter toutes les localités importantes du pays de votre système de convois à grande vitesse avec différence de prix, et alors le système est inexécutable ; on vous voulez enlever à certaines localités importantes le bénéfice de ce système, et alors il est marqué au coin de la plus flagrante iniquité, puisque aux localités auxquelles vous enlevez le bénéfice de vos convois a grande vitesse, vous ne donnez, même quelquefois avec une aggravation de prix résultant de la régularisation, que des trains marchant à raison de quatre lieues àa l'heure.

Le système de la section centrale est inexécutable. En effet, messieurs, de deux choses l'une : ou bien les parcours qui s'effectuent aujourd'hui d'une ligne vers une autre se feront par des convois de vitesse uniquement, ou bien ces parcours s'effectueront au moyen de convois de grande vitesse pour une part et au moyen de convois de petite vitesse pour l'autre. Il n'y a que ces deux suppositions possibles. Si les parcours qui s’effectuent aujourd’hui d’une ligne vers une autre doivent se faire au moyen de trains à grande vitesse, voici, messieurs, les complications auxquelles, dans le service, le système donnerait lieu. Je prends un exemple. Je suppose un convoi de grande vitesse qui part d’Ostende pour Herbesthal. Je désigne ce convoi sous la lettre A. Ce convoi A arrive à Gand. Ce convoi A doit trouver d’abord à Gand un convoi à grande vitese B qui va sur Moucron. Arrivé à Moucron, le convoi à grande vitesse B doit trouver un convoi à grande vitesse C qui ira sur Paris.

Arrivé à Tournay, le premier convoi à grande vitesse B doit y trouver un nouveau convoi de vitesse qui va à Jurbise. Ce nouveau convoi arrivé à Jurbise doit y trouver un nouveau convoi de vitesse qui ira sur Mons. Le convoi B doit continuer sa route sur Braine-le-Comte pour y trouver un nouveau convoi de vitesse qui ira vers Namur.

Et remarquez que ces convois de vitesse que nous rencontrons à Tournay, à Jurbise, à Mouscron, sont déjà des convois qui ont été soumis à d'autres coïncidences. Mais ce n'est pas tout. Le convoi de vitesse A que nous avons laissé un instant à Gand doit bien continuer sa marche sur Bruxelles. Arrivé à Malines, il devra y trouver un convoi de vitesse pour Anvers, un autre convoi de vitesse pour Bruxelles ; arrivé à Landen, il devra y trouver un convoi de vitesse pour Hasselt et un convoi de vitesse venant de Hasselt.

Je déclare, messieurs, qu'à moins d'avoir une double voie pour permettre à ces convois de circuler, et une troisième voie pour permettre aux convois mixtes de cheminer lentement, il est impossible de mettre ce système à exécution.

La commission des ingénieurs dont on a invoqué hier le témoignage, n'a pas même discuté la question.

M. Dumortier. - Elle a proposé ce système.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La commission n'a pas proposé les convois de vitesse. L'honorable M. Dumortier est dans une profonde erreur. S'il veut lire le rapport des ingénieurs, il verra que la question a été écartée précisément parce qu'on a craint de nuire à l'expérimentation à laquelle on veut se livrer.

Or, messieurs, non seulement nous n'avons pas une triple voie, mais nous n'avons pas même une double voie sur toute l'étendue de notre réseau. Il y a à peu près 200 kilomètres qui sont à simple voie. Je déclare donc, d'après les faits que je viens d'exposer, ce système impraticable.

Et tout cela indépendamment de la dépense supplémentaire d'exploitation qui résulterait du système.

Il ne faut pas perdre de vue que les convois ont aujourd'hui 70 à 80 voyageurs, et ne traînent que 8 ou 9 voitures tandis, qu'ils pourraient en traîner 15. Le système de la section centrale nécessiterait, pour une même circulation, une augmentation du nombre des convois. Eh bien, plus vous augmenterez le nombre des convois, plus vous augmenterez les dépenses d'exploitation.

J'arrive à la seconde hypothèse. Je suppose que le parcours d'un point à un autre s'effectue à l'aide de convois de grande vitesse et de convois mixtes,

M. Dumortier. - Oui.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Ainsi, un voyageur irait d’Anvers à Courtray ; arrivé à Gand, il devrait prendre un convoi mixte, c’est-à-dire un convoi dont la vitesse ne pourrair pas excéder quatre lieues à l’heure, ce qui lui enlèveraut tout le bénéfice du convoi à grande vitesse.

Il arrive, du reste, très souvent, que par suite de circonstances que nul ne peut prévoir : neige abondante, verglas inattendu, vents violents, manœuvres que le matériel doit faire dans une station, il arrive que la marche des convois éprouve quelque retard ; je demanderai à la section centrale si elle entend que le voyageur qui aura payé 50 p. c. de plus pour arriver un peu plus vite sera bien aise de devoir attendre 15 ou 20 minutes dans telle station, 15 ou 20 minutes dans telle autre station ? Nous avons aujourd'hui des convois de vitesse, mais nous ne les faisons pas payer plus cher, et c'est pourquoi les voyageurs n'ont jpas à réclamer s'ils éprouvent quelque retard.

Mais, messieurs, comment fera-t-on, dans le système de fa section centrale, pour la délivrance des billets ?

En effet, on devrait avoir, pour chaque parcourir, non seulement une taxe pour la grande vitesse et une autre pour la petite vitesse, mais encore des prix mixtes, suivant la station où se ferait le passage des voyageurs d'un convoi de première classe dans un convoi de deuxième. Ainsi, par exemple, le parcours de Courtray à Hasselt se payerait à un premier tarif pour la grande vitesse sur toute l'étendue, à un deuxième tarif pour la petite vitesse également sur toute l'étendue du trajet, àun troisième tarif, si le changement de la grande à la petite vitesse devait s'effectuer à Gand, à un quatrième ou à un cinquième tarif, suivant que ledit changement aurait lieu, soit à Malines, soit à Landen.

Si, au contraire, on oblige les voyageurs à prendre de nouveaux billets dans les stations où s'effectue le passage des convois de vitesse aux convois mixtes, alors je demanderai à la section centrale comment on pourra apprécier les résultats du tarif ? Mais ce sera une confusion inextricable pour la statistique des mouvements.

Je dis, messieurs, que les convois à grande vitesse, tels que les entend la section centrale, n'iront guère plus vite que ceux que nous avons aujourd'hui et je vais le prouver très brièvement.

Aujourd'hui nous avons des convois de vitesse qui ne s'arrêtent qu'aux stations principales ; il n'y a donc aucun motif pour qu'ils aillent plus lentement que ceux que la section centrale veut introduire. Eh bien, messieurs, aucun de ces convois n'a la vitesse de 45 à 50 kilomètres que veut obtenir la section centrale. Il n'y a pas même en France de convoi qui ait cette vitesse. (Interruption). Oui, en Angleterre il y a des express-trains qui marchent beaucoup plus vite ; mais ce sont des convois exceptionnels.

M. Dumortier. - Et sur la route de Paris ?

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je vais prouver à l'honorable M. Dumortier qu'il est dans une erreur profonde.

J'ai ici le tableau des heures de départ et d'arrivée sur la route de Paris, et en voici les résultats :

Premier convoi partant de Bruxelles à 9 heures du matin, arrive à Quiévrain à 11 heures ; il parcourt donc 80 kilomètres en 2 heures, soit 40 kilomètres à l'heure.

Ce même train part à 11 heures 5 minutes de Quiévrain et arrive à Paris à 6 heures 25 minutes du soir ; il parcourt donc 290 kilomètres en 7 heures 20 minutes, soit 38 61/100 kilomètres à l'heure.

Deuxième convoi partant de Bruxelles à 11 heures 50 minutes du matin, arrive à Quiévrain à 2 heures ; il parcourt donc 80 kilomètres en 2 heures 10 minutes, soit 36 92/100 kilomètres à l'heure.

Ce même train part à 2 heures 5 minutes de Quiévrain et arrive k Paris à 10 heures 35 minutes du soir ; il parcourt donc 290 kilomètres en 8 heures 50 minutes, soit 34 12/100 kilomètres à l'heure.

Troisième convoi partant de Bruxelles à 6 heures 30 minutes du soir, arrive à Quiévrain à 8 heures 50 minutes ; il parcourt donc 80 kilomètres en 2 heures 20 minutes, soit 34 29/100 kilomètres à l'heure.

Ce même train part à 8 heures 53 minutes de Quiévrain et arrive à Paris à 5 heures 30 minutes du matin ; il parcourt donc 290 kilomètres en 9 heures 15 minutes, soit 31 35/100 kilomètres à l'heure.

Je dis messieurs, que nous avons des convois de vitesse qui ne s’arrêtent qu'aux stations principales ; ces convois font, au plus, huit (page 755) lieues à l'heure, et sur la ligne de l'Est seulement six lieues à l'heure ; je serais donc extrêmement curieux de savoir comment la section centrale s'y prendrait pour faire faire dix lieues à l'heure aux convois de grande vitesse qu'elle veut établir. (Interruption.)

Messieurs, je disais qu'il y aurait à l'exécution du système de la section centrale de très grandes, d'inextricables difficultés et la section centrale l'a si bien compris elle-même qu'elle a dit, dans son premier rapport, que les convois devraient être établis en nombre suffisant. Mais voilà précisément une dépense d'exploitation supplémentaire très considérable.

Le surcroît de vitesse que le système de la section centrale procurerait aux voyageurs, serait fort peu de chose. En effet, messieurs, comme on vient de le dire, nous avons à peu près 4 millions de voyageurs, qui, multipliés par la distance parcourue, représentent un chiffre de 28 millions voyageurs-lieues, de telle sorte que moyennement les voyageurs ne restent qu'une heure en route. Aujourd'hui, la moyenne de la vitesse générale est, sur les grandes lignes, d'environ 6 1/2 lieues à l'heure ; pour les convois de vitesse, la moyenne est de 7 1/2 lieues à l'heure.

Ainsi, d'après le système de la section centrale, il n'y aurait qu'une augmentation de vitesse d'environ 15 p. c.

Et pour cette différence de 15 p. c. de vitesse l'on imposerait aux voyageurs une aggravation de prix d'environ 30 p. c. Qu'en résulterait-il ? Une dépression notable dans la circulation.

Si l’on suivait l’idée émise hier par l'honorable M. Bruneau, l'augmentation de prix serait de 150 p. c. pour certaines relations, puisque l'honorable membre, d'accord avec la section centrale, voudrait composer les convois de grande vitesse de deux classes de voitures seulement, diligences et chars à bancs.

D'après les prix fixés pour les trains accélérés, la place dans les chars à bancs reviendrait à 7 centimes, et comme on espère y amener les voyageurs de la troisième classe, qui payent aujourd'hui 0,36 par kilomètre, voilà une première aggravation de prix de 100 p. c.

Par suite de la régularisation du tarif, certaines relations payeraient au-delà de 100 p. c, 120 p. c. 150 p. c.

Dans de semblables circonstances, peut-on admettre que plus d'un quart du mouvement serait acquis aux trains accélérés ? Evidemment non ; mais, en le supposant même, il en résulterait une diminution d'environ 23 p. c. sur la vitesse moyenne générale, puisque les trois quarts du mouvement ne jouiraient plus que d'une vitesse moyenne de 4 lieues à l'heure. Pour l'autre quart, la vitesse serait de 8 lieues à l'heure, soit, en moyenne générale, 5 lieues au lieu de 6 1/2.

Dans les prix, un quart du mouvement serait affecté d'une augmentation de 50 p. c. soit en moyenne, 7 1/2 p. c. sur la totalité du mouvement.

Ainsi, d'un côté, diminution de vitesse, de l'autre, augmentation de prix.

Je suppose que cette diminution de vitesse de 23 p. c. n'entraîne dans le mouvement qu'une diminution de 10 p. c, et l'on arrive pour le trésor à une perte réelle d'environ 3 p. c.

L'honorable M. Bruneau, dans la séance d'hier, a fait plusieurs observations auxquelles je dois une réponse.

L'honorable membre a invoqué l'opinion des ingénieurs en faveur du système de la section centrale. J'ai déjà répondu à cette objection. Trois systèmes se sont produits dans la commission des ingénieurs ; le premier de ces systèmes consistait à avoir des convois de grande vitesse à prix égal ; eh bien, ce système, la section centrale ne le propose pas.

M. Dumortier. - C'est celui-là.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Pas du tout ; la section centrale propose un système de convois de grande vitesse avec différence de prix. J'ai déclaré pour quels motifs ce système n'était pas exécutable ; je devrais encore revenir souvent sur cette question, mais dès à présent, je tiens à le déclarer : Le système de la section centrale s'il était exécutable, reviendrait à cette simple formule :

Ou bien, vous payerez 30 p. c. de plus, ou bien je ne vous ferai plus traîner qu'à raison de quatre lieues à l'heure au maximum. (Interruption.)

Oui, vos convois à marche ralentie, puisqu'ils ne doivent avoir que la moitié seulement de la vitesse des autres, seront forcés de faire 4 ou 5 lieues à l'heure. Voilà le système de la section centrale.

Quant à la vitesse, l'obstacle d'une marche uniforme et toujours rapide n'existe pas seulement sur notre chemin de fer.

Je ne parle pas de quelques chemins de fer anglais exceptionnels, sur lesquels on fait 13 lieues à l'heure.

Je n'en connais que deux. Je tiens ici, devers moi, un résumé comparatif du nombre des convois, de leur espèce, de leur vitesse sur les principaux chemins de fer d'Angleterre, de France, d'Allemagne, de Hollande et de Belgique, pendant la période de 1850.

Or, il résulte de ce tableau des faits que je vais résumer et qu'il importe de signaler.

Mais avant tout, que l'on veuille bien remarquer que là même où la vitesse est supérieure à celle de nos chemins de fer, l'exploitation se fait dans de tout autres conditions.

Là on ne doit pas toujours avoir égard aux localités secondaires ; on peut, suivant une expression consacrée, brûler les stations ; on peut organiser des convois à grande distance entre deux ou plusieurs centres de population extrêmement importants et où la circulation est en quelque sorte obligée. Ce système est-il applicable pn Belgique où c'est l'Etat qui exploite ? Non évidemment, et cette différence est essentielle.

Elle a été perdue de vue par l'honorable M. Bruneau, qui, dans la séance d'hier, soutenait que, quand un chemin de fer était exploité par une compagnie, il l'était à peu près dans les mêmes conditions, en vue des mêmes résultats, que lorsque l'Etat lui-même en était le directeur.

Or, rien n'est moins exact que cette assertion. En effet, de quoi se compose le tarif ? De deux éléments : l'un, qui représente l'intérêt du capital utilisé ; l'autre, qui représente la dépense de traction. Si l'Etat exploite, le premier de ces éléments n'a pas une si haute portée que lorsqu'il s'agit des intérêts de quelques actionnaires, parce que l'Etat, par l'accroissement du mouvement commercial, par l'augmentation des revenus indirects, recouvre des avantages qu'une compagnie ne peut pas obtenir.

Je reviens au tableau que j'indiquais tantôt, et voici les résultats qu'il conslate :

2 chemins de fer font 13 lieues à l'heure, 9 douze lieues, 16 onze lieues, 9 dix lieues, 14 neuf lieues, 49 huit lieues, 98 sept lieues, 163 six lieues, 59 cinq lieues et 8 quatre lieues.

Voilà bien, je pense, des résultats qui constatent que, sous le rapport de la vitesse, le chemin de fer belge n'est pas en arrière des autres.

Je disais que la commission des ingénieurs n'avait pas préjugé la question des convois à grande vitesse, pas même la question des convois de grande vitesse à prix égal, parce que la commission des ingénieurs avait cru que puisque le gouvernement voulait faire une expérimentation, il était parfaitement inutile de la compliquer, de la gêner par l'introduction d'un élément nouveau.

Aujourd'hui ces convois existent. Ils existent depuis un temps assez considérable. Rien ne doit donc empêcher que l'expérimentation se fasse. Elle se fera dans des conditions égales.

Quant aux résultats de l'expérimentation ils pourront être appréciés par des hommes éclairés, intelligents, qui voient dans des chiffres autre chose que des chiffres ; qui ont égard aux faits et tiennent compte des circonstances qui peuvent affecter certaines relations en raison de causes étrangères aux péages.

Maintenant je le demande à la chambre, quel intérêt le gouvernement pourrait-il avoir à ne pas améliorer la situation financière du chemin de fer ?

Si le gouvernement pouvait avoir la conviction qu'en augmentant le tarif, on augmente la recette, pourquoi s'opposerait-il donc à un relèvement de tarif ? (Interruption.)

Essayez, me dit-on ; mais comment essayer, quand nous avons une conviction complète ; quand cette conviction s'est formée en nous par l'étude des faits qui se sont passés depuis 1835, quand l'expérience a constaté que toute élévation de tarif a eu pour résultat de diminuer la circulation et même de diminuer la recette ?

Quel a été le tarif le plus bas ? Le tarif de M. de Theux ; quel a été le tarif le plus favorable pour la recette et la circulation ? Le tarif de M. de Theux.

Quel a été le tarif le plus onéreux, le plus préjudiciable à l'Etat ? Le tarif le plus haut, le tarif de M. Nolhomb.

Quand l'honorable M. Dumortier voudra suivre le gouvernement sur le terrain des faits et laisser de côte les généralités…

M. Dumortier. - J'ai étudié les faits avant que vous ne soyez ministre.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je vais répondre immédiatement à cette interruption. Dans quelles conditions l'honorable M. Dumortier a-t-il étudié les faits ? En 1841, une commission fut instituée pour juger le tarif de M. Rogier, et le 5 août quatre ou cinq jours après la période exceptionnelle des 3 mois pendant laquelle l'expérience avait été faite, la commission déclara que le tarif de M. Rogier était définitivement jugé.

La réforme cependant était incomplète ; dans aucun cas, ce n'était sur des résultats partiels qu'on pouvait l'apprécier, ce n'était pas surtout, pendant la période de juin et de juillet, quand tout le monde sait qu'il n'a pas cessé de pleuvoir pendant ces deux mois, qu'on devait juger le tarif de M. Rogier. Plus tard, on revint sur la question.

Le tarif de M. Desmaisières portait en moyenne une augmentation de 12 p. c, et la commission jugea que ce tarif qui, par rapport à celui de M. Rogier, présentait seulement une augmentation de 12 p.c, devait produire une augmentation de recettes de 25 p. c. ; c'est-à-dire qu'une augmentation de prix devait avoir pour conséquence une augmentation de circulation.

Encore un mot, et j'en finis de cette digression. L'honorable M. Dumortier faisait partie de la commission. Il aurait dû, en tout état de choses, tenir compte dans son appréciation sur (page 756) l’influence du tarif de l’honorable M. Rogier, des résultats divers, multiples que révélait cette expérimentation forcément incomplète. Il aurait dû expliquer comment il se faisait que les diligences, dont le prix avait été plutôt augmenté que diminué par l'honorable M. Rogier, avaient produit une recette moindre.

Pour les wagons, pendant le mois de mai, la circulation a été plus abondante et la recette plus forte ; pour les chars à bancs, la circulation a été la même, et il y a eu perte sur la recette. Mais cette perte, pendant le même mois, a été peu sensible.

M. Dumortier. - Lisez le travail de la commission !

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - D'autres circonstances ont dû faire que l'expérience de 1841 n'a pu être décisive. Ainsi, l'honorable M. Rogier, dans la révision du tarif de M. Nothomb, s'était surtout préoccupé de la classe la plus nombreuse et la moins aisée de la société.

La réforme portait presque exclusivement sur le prix des wagons qui subit une diminution assez notable. Il en résulta une désertion, un déclassement.

M. Dumortier. - C'est ce qu'a dit la commission.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si la commission a dit cela, elle a dit une chose très vraie. Sous ce rapport, la modification n'était pas très heureuse. Qmmd la différence de prix d'une voiture à l'autre est trop sensible, il s'opère immédiatement un déclassement.

Sur un grand nombre de chemins de fer allemands, le classement des voyageurs s'établit ainsi :

Première classe 1 p. c.

Deuxième classe 19 p. c.

Troisième classe 78 à 79 p. c.

Plus on augmente les prix des classes supérieures, plus on rapproche le produit moyen eu voyageur - lieue du piix du wagon, plus, par conséquent, l'on diminue ce produit moyen. Sur ces mêmes chemins, ce produit moyen est de 0,25,69, tandis qu'en Belgique, où les péages sont si modérés, chaque voyageur-lieue rapporte en moyenne, 0,25,80 c.

Il y a deux exceptions : l'une pour le chemin de fer rhénan qui se trouve dans des conditions spéciales, et sur lequel la recette du mouvement international dépasse celle du mouvement à l'intérieur, l'autre pour le chemin de Cologne à Bonn ; là les prix sont, à la vérité, en moyenne, 30 p. c. moins élevés que chez nous.

Messieurs, l'honorable M. Bruneau disait encore hier : Il y a déjà quinze ans qu'on fait des expériences, et quand serons-nous au bout ?

D'abord, il n'y a pas quinze ans qu'on fait des expériences. Le tarif actuel date de dix ans ; reste cinq à six ans. (Interruption.)

C'est précisément parce que le tarif est en vigueur depuis dix ans, qu'il est impossible de dire que nous faisons des expérimentations depuis quinze ans.

- Un membre. - C'est une expérience.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Oui, assurément, c'est une expérience. Eh bien, qu'on la discute, qu'on la mette en rapport avec celles qui l'ont précédée, que l'on produise les résultats, et il y en a, alors seulement, la chambre et le pays seront en mesure d'apprécier la valeur des arguments produits dans ce débat.

Il y a eu le tarif de M. de Theux, le tarif de M. Nothomb, le tarif de M. Rogier, le tarif de M. Desmaisières. Au lieu d'aller chercher des comparaisons sur les chemins de fer étrangers, que l'on descende une bonne fois dans l'étude des faits qui nous sont attestés par l'expérience que nous avons ici. Qu'on se demande quel a été le tarif le plus favorable. Mais qu'on ne prenne pas des faits incomplets ; qu'ensuive l'application de ces tarifs dans les mêmes relations, dans les mêmes circonstances et que l'on démontre que les tarifs les plus élevés ont donné les meilleurs résultats.

Messieurs, pour moi personnellement je n'ai aucun motif de récuser une expérimentation quelle qu'elle soit. Mais j'ai la conviction, la conviction profonde, que si l'on adoptait le système de la section centrale, on introduirait dans l'exploitation des éléments nuisibles à la prospérité du chemin de fer. J'aimerais mieux, au lieu d'un système bâtard et informe, un système de toutes pièces, une augmentation complète ou un abaissement complet. Dans aucun cas, le relèvement ne pourrait s'effectuer immédiatement puisque la régularisation constituera déjà, par elle-même, pour certaines relations une aggravation de prix notable.

L'honorable M. Bruneau disait encore : Je ne m'opposerais pas à l’établissement de convois ruraux à prix réduits. Mais, messieurs, c'est là une appliealion du système que je défends en ce moment. Seulement au lieu d'appliquer ce système a quelques localités, au lieu de l'appliquer aux localités rurales, aux campagnards, je voudrais qu'on le généralisât, qu'on l'étendît à toutes les localités.

Si les résultats sont bons pour les uns, pourquoi ne le seraient-ils pour les autres ? On objecte : Dans le prix, il y a plusieurs éléments. Il y a le péage, les frais de voyage, la perte de temps ; que gagnera-t-on sous ces deux derniers rapports à l'application du système que l'on vante, puisque en moyenne chaque voyageur en Belgique ne fait que 7 lieues ? La vitesse en plus sera donc peu sensible, et les frais de voyage et la perte de temps seront, à peu de chose près, les mêmes.

On a cité un chemin de fer anglais sur lequel on a augmenté les prix et où, par voie de conséquence, on a obtenu une augmentation de recettes. Mais il faudrait savoir quel est ce chemin de fer ; dans quelles proportions les recettes ont été augmentées ; quand l'expérience a eu lieu ; pendant combien de temps ; si le réseau est resté le même ; s'il n'a pas reçu des accroissements de produits par l'adjonction d'affluents nouveaux ? Voilà toutes questions qu'il faudrait examiner et sur lesquelles on se tait.

On m'a cité encore hier un chemin de fer sur lequel on avait augmenté les prix et où l'on avait obtenu une augmentation de recettes. C'est le chemin de fer de Saint-Nicolas. Mais si l'on avait tout dit, on aurait ajouté que l'augmentation de la recette sur le chemin de fer de Saint-Nicolas n'est pas due à l'augmentation des prix, et l'on en aurait fourni la preuve en produisant ce fait décisif que les mouvements avaient subi un accroissement notable. On ne prétendra pas apparemment - l'argument serait nouveau - que c'est l'augmentation du prix qui a accru la circulation. Ce qui seulement reste vrai pour le chemin de fer de Saint-Nicolas, comme pour le nôtre, c'est que l'année 1850 a été supérieure à tous égards à l'année 1849.

Messieurs, une dernière observation sur la dépense d'exploitation, et je termine.

L'honorable M. Bruneau disait hier que par lieue exploitée notre chemin de fer coûtait, je pense, 37,000 fr. Je vais prouver par un exemple extrêmement sensible combien cette manière de calculer la dépense d'exploitation est erronée.

Il y a dans les dépenses d'exploitation, deux éléments : un élément fixe et un élément essentiellement variable. Je suppose que sur un chemin de fer donné il y ait un trafic de 2,000,000 de tonnes. Toujours par supposition, j'admets que la dépense fixe d'exploitation se monte à 6,000,000 et la dépense variable à 4,000,000. Voilà donc 10,000,000 de dépenses d'exploitation pour un trafic de 2,000,000 de tonnes. Que coûterait dans cette hypothèse chaque tonne ? Cinq francs.

Je suppose que le trafic augmente ; qu'au lieu de 2,000,000 de tonnes, il s'élève à 4 millions.

La dépense fixe est de 6 millions ; la dépense variable double ; toujours par hypothèse (et bien certainement elle ne doublerait pas). Cela ferait donc 14 millions pour un trafic double. Chaque tonne de marchandises ne coûterait plus que 3,75 au lieu de 5 fr. Il y aurait donc avantage ; il y aurait bénéfice.

Supposons maintenant que ce chemin de ferait 100 lieues. Dans la première hypothèse, dans l'hypothèse la moins favorable, celle où chaque tonne reviendrait à 5 fr., vous auriez par lieue exploitée une dépense de cent mille francs. Dans la seconde hypothèse, qui est la plus favorable à tous égards, vous auiiez une dépense par lieue exploitée de 140,000 fr.

On revient toujours sur cette question dfs dépenses d'exploitation. On demande souvent à l'administration quel est le coût de l'unité de trafic ? Mais il est impossible d'évaluer quel est pour un voyageur-lieue, pour une tonne-lieue, le coût de cette unilé de trafic ? Si vous divisez la dépense d'exploitation par le nombre d'unités de trafic, vous aurez le prix de revient de chaque unité. Mais, qu'esl-ce que cela prouve ? Rien, absolument rien.

Augmentez le chiffre des unités de trafic et la dépense d'exploitation n'augmentera pas dans la même proportion.

Ensuite comment évaluer le coût de cette unité de trafic lorsque le chemin de fer transporte à la fois des voyageurs et des marchandises ?

Il résulte, du reste, d'un tableau joint au rapport de la section centrale, que, pour la police et l'entretien de la voie, on dépense environ 2 millions de francs par an. Voilà bien une dépense qui variera peu et pourquoi ? Parce que la voie se détériore aussi par des causes étrangères au passage des convois, parce que la pluie, le vent, la sécheresse peut faire éprouver à l'ensablement qui supporte la voie des déperditions plus ou moins considérables.

Messieurs, je me borne a ces observations. J'aurai l'occasion, dans la discussion, de revenir sur beaucoup de faits que je n'ai fait qu'indiquer et qui ont besoin, bien certainement, d'une démonstration plus complète que celle que je viens d'essayer.

- La séance est levée à 4 heures et demie.