Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 12 juillet 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1623) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. de Perceval lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs distillateurs agricoles de l'arrondissement de Charleroy prient la chambre d'augmenter la remise de 15 p. c. qui leur est accordée. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les distilleries.


M. Delehaye demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Rapport sur une pétition

M. Moxhon - Au nom de la commission d'industrie, j'ai l'honneur de déposer un rapport sur une pétition de quelques fabricants et industriels qui demandent la prohibition des os à la sortie.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il sera mis à la suite des objets à l'ordre du jour..

Ordre des travaux de la chambre

(page 1624) M. le ministre de la justice (M. Tesch) (pour une motion d’ordre). - J'ai déposé dans la séance d'hier un projet de loi relatif à la taxe des honoraires des notaires. Comme ce projet a un caractère d'urgence et que je crains que les sections ne puhsent plus s'en occuper dans cette session, je demanderai que ce projet soit examiné par une commission spéciale à nommer par le bureau.

- Cette proposition est adoptée.

Rapports sur des pétitions

Rapport de la commission permanente d’industrie sur une pétition relatif à un nouveau mode de contrôle et de pris en charges des sucres indigènes

La commission permanente d'industrie conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

M. de La Coste. - Messieurs, comme la chambre est préoccupée de graves intérêts, je me bornerai à peu de mots.

La commission propose de renvoyer la pétition des raffineurs d'Anvers à M. le ministre des finances, mais en même temps, elle semble incliner pour le rétablissement de quelques mesures que l'on qualifie d'additionnelles, telles que le contrôle à l'empli, au lochage et la vérification à la sortie des fabriques de sucre indigène.

Messieurs, je pense que nous devons nous borner à renvoyer la pétition purement et simplement.

L'honorable ministre des finances examinera ce qu'il y aura à faire ; mais je crois que le résultat de cet examen ne saurait être de soumettre la fabrication à ce que l'un de ses prédécesseurs qui, cependant, n'a point fait preuve d'un excès d'indulgence envers le sucre indigène, à ce que l'honorable M. Malou appelait un mode d'exercice rigoureux, incessant auquel d'autres industries ne sont pas assujetties. Il ajoutait encore que cette rigueur avait soulevé une vive opposition et que cependant elle aurait besoin d'être renforcée encore si l'on voulait persister à marcher dans la même voie.

L'honorable M. Malou s'est donc vu conduit, dans l'intérêt même du trésor et dans l'intérêt de l'administration publique, en général, à recourir à d'autres moyens. Si ceux-ci sont devenus insuffisants, M. le ministre actuel recherchera ce qu'il y a à faire pour que le trésor public n'éprouve point de préjudice ; mais je pense que le déficit du trésor ne vient point de ce côté. Il peut y avoir quelque chose à faire sous ce rapport, mais ce n'est certainement point là qu'on trouvera le remède le plus efficace.

A cet égard, messieurs, les chiffres sont plus éloquents que tous les discours. En effet, le déficit dans le produit de l'accise sur les sucres doit venir, de l'une de ces deux causes ; ou bien que les fabriques de sucre indigène ne rapportent pas ce qu'elles devraient rapporter, d'après les quantités produites qui excéderaient considérablement les prises en charge, ou bien que la restitution à la sortie du royaume étant trop forte, l'Etat rend beaucoup plus qu'il ne devrait.

Si c'est la première cause qui opère qu'arrivera-t-il ? Il arrivera que l'exportation du sucre exotique sera restreinte, parce que le sucre indigène fournissant plus à la consommation, il y a moins de besoins à satisfaire par le sucre exotique. Si, au contraire, c'est la restitution qui cause le déficit, il arrivera que l'importation et l'exportation auront été en augmentant. Or, messieurs, qu'est-ce qui a eu lieu ?

En 1845, on a importé 10 millions, on a exporté 5 millions de kilogrammes.

En 1846, on a importé 15,300,000 kilog., somme ronde, et on a exporté 5.600,000 kilog.

En 1847, importation, 16,000.000, exportation 11,400,000.

En 1848, importation 18,500,000, exportation 12,700,000.

En 1849, importation 18,800,000, exportation 15,200,000.

En 1850, importation 25,000,000, exportation 16,500,000.

Vous voyez donc, messieurs, que les importations et les exportations ont toujours été croissant, et que conséquemment la restitution a toujours été en augmentant. Voilà la cause principale du déficit.

Il ne faut donc pas que les raffineurs fassent ce qu'un écrivain très spirituel appelait « faire pénitence sur les épaules d'autrui. » Il faut qu'on fasse rapporter à l'accise sur les sucres la somme qui a été fixée chambre, mais il ne faut pas qu'on cherche le remède là où il n'est pas, et qu'on impose à une industrie le régime des droits réunis, tandis que nous l'épargnons à toutes les autres.

Je regrette infiniment, dans l'intérêt des raffineurs eux-mêmes, qu'ils entrent dans cette voie : La loi actuelle a cherché à concilier les intérêts du trésor, des raffineries et des sucreries indigènes. Si l'on veut revenir sur cette transaction au profit des raffineurs seuls, évidemment, messieurs, ils nous conduisent, sans s'en apercevoir, à un autre système qui a aussi ses partisans, au système purement fiscal ; alors l'accise des sucres produira 5 ou 6 millions au trésor ; nous n'aurons pas bcsoin de recourir à de nouveaux impôts, mais aussi il ne sera plus question de raffiner du sucre exotique pour l'exportation.

M. Coomans. - A propos des sucres, je prendrai la liberté de demander à l'honorable ministre des finances des nouvelles de l'exécution financière de la loi. Des inquiétudes ont été répandues à ce sujet : on avait dit, d'abord, que les prévisions ne se seraient pas réalisées, qu il y aurait eu un déficit, au dernier trimestre de l'année.

On assure maintenant qu'il y a amélioration sur les trimestres suivants.

Il importe que l’honorable ministre des finances rassure à ce sujet la chambre, au moment surtout où l'en impose de lourdes charges aux contribuables.

M. Loos. - En entendant l'honorable M. de La Coste regretter que les industriels anversois aient éveillé l'attention du gouvernement sur ce qu'une partie de la production des fabriques de sucre de betterave échappe à l'impôt, et dire que la loi de 1846 avait été une espèce de transaction entre les deux industries rivales, je me suis rappelé que dans la discussion de cette loi, j'ai pris la liberté de faire remarquer que dans les fabriques de sucre de betterave la fraude était considérable.

Je l'évaluais à 2,500,000 kilog., tandis que la production n'était évaluée qu'à ce chiffre.

Je me rappelle que l'honorable membre taxait mon estimation d'exagérée.

Cependant, immédiatement après le vote de la loi, des mesures très sévères ayant été prises pour constater la production réelle, il fut établi qu'elle était de 5 millions de kilog., et qu'ainsi 2,500,000 kilog. avaient réellement échappé à l'impôt. Il va sans dire que ces premières mesures prises pour constater l'importance de cette industrie furent supprimées et remplacées par des mesures que les raffineurs de sucre d'Anvers signalent comme inefficaces.

L'honorable M. de La Coste regrette qu'ils se plaignent. Il dit que l'exportation est le motif pour lequel l'impôt ne peut pas atteindre le chiffre d'impôts fixé par la loi. Je conviens que c'est une des raisons ; mais l'autre, c'est que l'industrie du sucre de betterave ne paye pas l'impôt sur tous ses produits.

Les raffineurs protestent contre l'obligation de combler un déficit qui provient, non de leur fait, mais de celui de l'industrie rivale.

La commission d'industrie a pensé qu'il n'avait pas été dans l'intention du législateur de donner un avantage de cette nature ; que la protection qu'on pouvait accorder à l'industrie de la betterave était écrite dans la loi, que c'était une différence de 8 fr., que là devait se borner la protection, que si à cette faveur venait se joindre une protection de fait, il y aurait lieu de prendre des mesures pour éviter que les intérêts de l'industrie rivale ne soient lésés. C'est ce que la commission d'industrie a désiré de M. le ministre des finances. C'est dans cette vue qu'on propose de lui renvoyer la pétition dont il s'agit.

On ne réclame pas contre les dispositions de la loi de 1846, mais contre l'inefficacité des mesures adoptées pour constater la production. Les réclamants demandent seulement que M. le minisire des finances examine si réellement les mesures sont insuffisantes ; et si elles sont reconnues telles, qu'on en adopte d'autres, de manière que cette industrie paye ce que la loi lui impose.

Messieurs, je croîs que les réclamants ont eu raison de s'adresser à vous ; et vous ferez acte de justice en envoyant, comme le propose la commision, la requête à M. le ministre des finances avec charge d'examiner si la réclamation est fondée et de proposer, s'il y a lieu, des mesures à la chambre.

M. Mercier. - Comme la commission se borne à proposer le renvoi à M. le ministre des finances, je ne ferai que de très courtes observations : je ferai remarquer que tout ce qui est allégué dans le rapport et dans la pétition, a été dit et écrit lors de la dernière discussion. On a réclamé, à cette époque, un contrôle plus sévère sur les fabriques de sucre indigène, et on a contesté l'exactitude de la quotité qui sert de base à l'impôt ; les fabricants, tout en soutenant qu'ils n'obtenaient qu'un rendement de 14 hectogrammes au plus, ont montré une vive répugnance à se soumettre à certaines formalités qu'ils considéraient comme vexatoires ; alors est intervenue une sorte de transaction.

L'industrie du raffinage, craignant de compromettre le commerce d'exportation avec primes, abandonna ses prétentions au sujet du rendement à la défécation et accepta la loi qui régit aujourd'hui la matière.

Maintenant que cette loi semble les gêner, les intéressés demandent des modifications aux dispositions qui concernent le sucre indigène ; c'est remettre en question toute la législation sur les sucres. Il a été entendu qu'un autre contrôle ne serait pas établi sur la fabrication du sucre indigène aussi longtemps qu'on resterait dans le système de la législation actuelle. C'est ainsi que la loi a obtenu une forte majorité. Quant à moi, on se le rappelle, je désirais un autre système plus productif pour le trésor. Si une nouvelle loi est présentée, c'est ce système que je soutiendrai encore.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le moment n'est pas venu de m'expliquer sur l'objet de la pétition ; il s'agit du renvoi, nous acceptons ce renvoi.

Quant à la question qui m'a été adressée par M. Coomans, je ne pourrais y répondre d'une manière certaine, je n'ai pas sous les yeux les renseignements qui pourraient me permettre de dire quel sera le déficit sur ce trimestre ou si les 875 mille francs rentreront au trésor. On avait annoncé qu'on ne percevrait rien du tout ; sous ce rapport on s'est trompé, car une grande partie de la somme rentrera.

Cependant je ne pense pas qu'on obtienne intégralement les 875,000 francs ; il y aurait lieu alors d'élever le rendement. Nous arriverons au chiffre de 79. Ceux qui s'occupent de la question des sucres savent qu'en Hollande un projet de loi est présenté et que ce projet, copie textuelle de la loi qui nous régit actuellement, propose de porter aussi le rendement à 79. Si cette loi était adoptée par les chambres hollandaises, on aurait l'avantage, longtemps désiré, d'avoir une législation uniforme pour les deux pays.

(page 1625) M. de La Coste. - Je ne veux pas prolonger la discussion. Je dirai seulement que si le rapport s’était borné aux paroles que vient de prononcer l’honorable M. Loos, j’aurais, à la vérité, été revoir dans les Annales parlementaies si j’avais commis, il y a quelques années, l’erreur que suppose l’honorable membre, allégation que je ne puis en ce moment vérifier et à laquelle, par conséquent, je ne puis impproviser une réponse ; mais je n’aurais soulebé aucune autre discussion. Mes observations, en effet, ne tendent pas à prévenir tout examen, à empêcher M. le ministre des finances de rechercher les moyens d’assurer la perception du droit.

Mais elles tendent à ce que la chambre ne donne pas son appui à des propositions qui auraient pour résultat d'assujettir la fabrication du sucre indigène à un régime infiniment plus dur, plus vexatoire qu'aucune autre industrie soumise à l'accise.

Sous cette réserve, je ne m'oppose nullement au renvoi.

M. Manilius. - Lorsqu'on envoie une pétition à la commission d'industrie, c'est pour avoir son avis sur cette pétition ; eh bien, la commission est d'avis que la réclamation des pétitionnaires mérite l'attention de M. le ministre des finances, et qu'il doit examiner s'il n'y a pas certains moyens subreptices d'augmenter la production.

C'est dans ce but que le renvoi est proposé.

M. David. - Je me bornerai à de très courtes observations pour démontrer combien la fraude est facile dans les sucreries de sucre indigène. Je vous le prouverai par ce qui s'est passé en France et par les discours qui ont été prononcés à la chambre des députés de ce pays.

D'abord, je vous citerai le passage suivant d'un discours prononcé par M. Lacave-Laplagne, ministre des finances, à la séance de la chambre des députés du 11 mars 1846:

« Messieurs, cette fraude existe-t-elle ? Je voudrais qu'il me fût possible de porter à cette tribune une déclaration telle qu'il en résultât qu'aucun de ceux qui se livrent à la fabrication du sucre indigène ne se soustrait à l'exécution des lois de son pays.

« Mais, messieurs, vous le savez trop ; en matière d'impôt, malheureusement les idées de moralité ne sont pas aussi rigoureuses qu'en toute autre matière. Nous savons tous que lorsque c'est le trésor qu'il s'agit de dépouiller, les scrupules sont moindres que lorsqu'il s'agit de faire tort à un simple particulier. Cette condition, les fabricants de sucre indigène y sont soumis comme les autres. Il y en a qui, lorsqu'ils trouvent une occasion de s'affranchir du payement de l'impôt, ne se refusent pas à la saisir.

« Les constatations de contraventions qui ont lieu chaque année le démontrent. L'année dernière, il y a eu plus de trois cents constatations de ce genre. Depuis le commencement de l'année, elles continuent, et il n'y a pas bien longtemps encore qu'un fait de fraude en matière d'impôt sur le sucre de betteraves était constaté pour une quantité de 2,500 kilogrammes.

« Il faut donc que la chambre soit bien pénétrée de cette vérité que la fraude se fait, qu'il y a fraude dans la perception de l'impôt sur le sucre indigène, et que cette fraude ne porte pas seulement dommage au trésor, mais qu'elle porte également dommage et à tous les fabricants honnêtes qui ne se la permettent pas, et aux intérêts parallèles qu'on a l'intention de maintenir sur un pied d'égalité, ceux du sucre colonial. »

Ceci prouve que la fraude se faisait en France. Cependant, en France, il y avait contrôle à l'empli et contrôle au lochage.

Voyons maintenant les résultats des fabriques de sucre de betterave en 1845.

Il y a des documents officiels qui ont été distribués à cette époque à la chambré française et qui constatent ce qui a été dit dans un discours de M. Jollivet, du 12 mars 1846, dont voici un passage :

« Dans la dernière campagne, dans la campagne de 1814 à 1845, il existait 295 fabriques. Sur ces 295 fabriques, il y avait 68 fabriques seulement dont le rendement était au-dessous de 1,400 grammes ; mais, dans 226 fabriques, le rendement était supérieur à 1,400 grammes.

« Il y a 91 fabriques dont l'excédant est de 10 à 20 p. c. au-dessus de 1,400 grammes ; 76 dont l'excédant esl de 20 à 30 p. c. ; 45 dont l'excédant est de 30 à 40 p. c. ; 9 de 45 à 50 p. c. ; 3 dont l'excédant est de 50 à 60. »

Vous voyez, messieurs, d'après cela que notre mode de contrôle est complètement insuffisant. Il consiste uniquement dans le contrôle à la défécation. Chaque degré du densimètre est calculé pour 1,400 grammes. Je viens de vous prouver qu'on extrayait beaucoup plus de sucre.

Or, toutes les quantités supérieures à 1,400 grammes par degré de densité, peuvent être livrées à la consommation indemnes de droit.

Vous voyez donc qu'il faut des mesures pour atteindre ce sucre. Nous en soumettons quelques-unes à M. le ministre des finances, il en fera ce qu'il jugera utile.

M. Cools. - J'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu quelques honorables membres prétendre que les conclusions de la commission d'industrie n'avaient pas d'autre signification que le simple renvoi à M. le ministre des finances.

Je crois que les propositions qui nous sont soumises ont une autre signification. La commission d'industrie a été frappée de ce fait que le sucre de betterave ne paye pas ce qu'il doit à l'impôt, que le contrôle n'est pas exactement établi et qu'il faudrait prendre quelques mesures nouvelles.

Messieurs, lorsqu'une industrie élève des réclamations qui sont fondées, je les appuierai toujours Dans toute circonstance, je n'ai pu me montrer aussi favorable à l'industrie du sucre exotique ; mais je pense qu'aujourd'hui ses réclamations sont parfaitement justes.

Il y a eu une espèce de transaction entre les deux industries, il faut que chacune supporte la part d'impôts qui lui est assignée. Il a d'ailleurs été entendu lors de la discussion de la loi que si le contrôle n'était pas bien réglé par la loi, on examinerait quelles seraient les nouvelles précautions à prendre.

Je pense donc que c'est une question qui mérite d'être examinée par M. le ministre des finances. Quant à moi, je crois que le contrôle à la défécation ne suffit pas. Les détails donnés par l'honorable M. David qui vous indiqué les expériences faites en France, vous prouvent à l'évidence que réellement le sucre de betteraves ne paye pas la part d'impôts que la loi a voulu lui faire supporter.

Je ne prétends pas que l'on puisse prendre immédiatement de nouvelles mesures ; il faut que la question soit mûrement examinée par le gouvernement, et je suis persuadé que dans un avenir plus ou moins prochain on reconnaîtra la nécessité de modifier l'état de choses actuel. C'est dans cette pensée que j'appuie les conclusions de la commission d'industrie.

M. Coomans. - Je n'ai rien à dire sur l'objet à l'ordre du jour. Je désirerais dire un mot encore sur l'espèce de motion d'ordre que j'ai faite.

Je n'ignore pas que si la recette n'est pas faite le rendement sera élevé. Ce n'est pas là l'objet de ma demande. Je ne ferai pas à l'honorable ministre des finances l'injure de lui demander s'il exécutera la loi. Ce que je désirais savoir, c'est si, dans l'opinion du gouvernement, la recette légale est assurée, si un déficit final n'est pas à craindre ; en d'autres termes j'aurais voulu mettre le gouvernement en demeure, soit de déclarer que la loi est bonne, qu'il la maintient ; soit de présenter les modifications qu'il y jugerait indispensables pour que dans l'avenir le trésor soit sauvegardé.

Je regrette que sur ce dernier point l'honorable ministre ne m'ait pas répondu.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Coomans s'est borné à me demander si la recette du trimestre actuel rentrerait au trésor.

M. Coomans. - Et des trimestres suivants.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne connais pas l’avenir. Si vous le connaissez, il est inutile de m'interroger ; vous pourriez le proclamer. Mais vous seriez peut-être considéré comme un assez faux prophète, parce que pour l'avenir qui vient de s'accomplir, vous nous annonciez aussi que la recette ne s'effectuerait pas...

M. Coomans. - Je n'ai rien annoncé du tout.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon, cela est consigné aux Annales parlementaires. Vous nous avez annoncé que pour le trimestre qui vient de finir au 30 juin, la recette ne s'effectuerait pas. Vous vous êtes trompé sur ce point. Nous n'aurons pas toute la somme, mais nous en aurons une bonne partie.

Maintenant vous dites que vous avez voulu savoir autre chose, que vous avez voulu savoir si le gouvernement considérait la loi comme bonne et s'il avait l'intention de la maintenir ou de la changer. Je vous prie de remarquer que vous ne m'avez rien demandé de semblable et que, par conséquent, vous n'avez pas le droit de vous étonner si je ne vous ai pas répondu. Vous venez seulement de me faire cette demande ; et à la question ainsi posée, je réponds que si le gouvernement avait jugé opportun d'apporter des modifications à la loi, il l'aurait fait ; par cela seul qu'il ne fait pas de proposition, il maintient la législation actuelle, il croit nécessaire de la maintenir. S'il avait cru nécessaire ou utile de faire une proposition, il esl évident que la chambre en serait saisie.

M. Mercier. - Je suis persuadé qu'avec le rendement élevé à 80 p. c, nous pouvons espérer obtenir un produit plus considérable, et comme M. le ministre des finances a fait ce qui est nécessaire pour maintenir l'exécution de la loi, je ne doute pas que s'il y avait un nouveau déficit, il n'élève de nouveau le rendement. C'est la seule garantie que la loi nous donne.

Lors de l'examen de la loi j'ai, sans être prophète, prédit qu'elle donnerait lieu encore à quelques déceptions. Mais ces déceptions auront finalement une limite dans l'entière exécution.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les recettes n'ont jamais été plus fortes.

M. Mercier. - Oui, mais quand je m'exprimais de cette manière, je faisais allusion à un autre système que je défendais et qui ne pouvait donner lieu à des mécomptes.

Je répondrai maintenant quelques mots aux honorables préopinants. J'appellerai de nouveau l'attention de la chambre sur cette circonstance que les faits qui ont été rapportés et qui datent de 1845 ou 1846, avaient été constatés en France et étaient parfaitement connus de chacun de nous quand nous avons voté la loi que l'on veut faire modifier. Ces faits avaient été allégués dans des pétitions qui avaient été adressées à la chambre avant la discussion. Il se peut que, comme les deux intérêts qui étaient en présence, s'étaient entendus, il n'en ait pas été question dans la discussion publique ; mais avant la discussion des pétitions, des mémoires nous représentaient les fabricants de sucre indigène comme retirant des produits beaucoup plus élevés que ceux qui étaient soumis à l'impôt. Sans doute, il y avait une grande exagération dans l'appréciation (page 1626) qui était faite de ce rendement par des concurrents ; mais quelle que soit l'idée qu'on se forme à cet égard, toujours est-il que les faits allégués aujourd'hui étaient connus à cette époque et n'ont pas empêché les honorables défenseurs du commerce de sucre exotique d'accepter la loi qui est en vigueur.

M. de Mérode. - Beaucoup de personnes craignent que la loi sur les sucres ne rapporte pas ce qui a été annoncé. M. le ministre des finances ne nous rassure pas sur ce point. S'il y a un déficit de 700,000 ou 800,000 fr. ou peut-être d'un million, ce sera encore au détriment du trésor public. Cependant on nous propose des dépenses très considérables de toute nature qui nécessitent toutes nos recettes. Le déficit qu'il y aura sur l'impôt des sucres se transformera-t-il encore en un nouveau droit de succession, en nouveaux impôts aux dépens de ceux qui ne spéculent pas et au profit de ceux qui spéculent ? J'aurais voulu que M. le ministre nous dît d'une manière plus catégorique ce qu'il attend de l'impôt des sucres et s'il est décidé à faire produire à cet impôt tout ce qui a été annoncé par le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne sais pas si l'honorable comte de Mérorle désire que je me porte caution du produit de l'accise des sucres ? S'il n'exige pas cela de moi, je lui en saurai infiniment de gré ; mais alors je ne sais pas ce qu'il peut me demander. La loi existe, fonctionne, produit son effet. Elle a été faite dans la prévision que pour un trimestre donné on ne percevrait pas toute la somme due au trésor et, dans ce cas, elle a stipulé que le rendement serait élevé. Il est arrivé une première fois que les 875,000 fr. ne sont pas rentrés en totalité ; le rendement a été élevé. Il est probable qu'au 30 juin dernier la totalité de la somme n'aura pas été perçue ; s'il en est ainsi, le rendement continuera à être élevé conformément aux prescriptions de la loi. C'est tout ce que je puis faire.

Je fais seulement remarquer aux honorables membres que de toutes les lois relatives au sucre, faites par cette chambre, c'est la loi actuelle qui a été la plus efficace.

- Un membre. - La moins mauvaise.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La moins mauvaise si vous voulez. C'est déjà quelque chose.

On avait espéré à diverses époques un produit de 1,600,000 fr., de 2 millions, de 3 millions. Eh bien, ces produits ne sont jamais rentrés ; une fois peut-être, exceptionnellement, on a eu ce qu'on avait exigé. Mais la loi de 1849 a donné tout ce qui avait été annoncé ; il y a eu seulement deux trimestres, y compris le dernier, sur lesquels il a existé un certain déficit. Eh bien, le rendement a été augmenté.

Maintenant sera-t-elle toujours efficace ? Comme vient de le faire observer l'honorable M. Mercier, plus on élèvera le rendement, plus on sera assuré d'avoir une recette. L'honorable M. Coomans ne paraît pas cependant satisfait. Il ne dit pas sa pensée ; mais il semble mécontent. Que veut-il que l'on élève encore le rendement ? Veut-il aller jusqu'à empêcher le commerce du sucre exotique, jusqu'à empêcher l'exportation ? Qu'il fasse connaître son opinion.

Nous ne croyons pas qu'il puisse être question de modifier la loi quant à présent. Si plus tard nous sommes dans la nécessité de prendre des mesures, nous examinerons ce qu'il conviendra de faire.

M. Coomans. - S'il n'est pas trop tard.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Que l'honorable M. Coomans s'explique : Veut-il provoquer une élévation du rendement en dehors des termes de la loi actuelle ou veut-il que le trésor fasse des sacrifices ?

Il se plaint de ce que la loi ne produit pas assez, en même temps il exprime la crainte qu'on n'arrive trop tard pour prendre des mesures, relatives au commerce d'exportation ! Soyez conséquent : ou bien n'attaquez pas la loi (erratum, page 1651) qui tout en conservant le commerce des sucres, assure des recettes au trésor, ou bien, si vous n'avez en vue que la recette, proposez de supprimer ce commerce d'exportation.

- Un membre. C'est évident.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si c'est évident, il ne faut pas se plaindre de la loi. La loi a bien fonctionné ; les deux derniers trimestres n'ont pas donné exactement 1,750,000 fr., mais tous les autres ont donné 875,000 fr. La pénalité a été encourue et a été prononcée ; je ne me suis arrêté devant aucune réclamation, le rendement a été élevé ; s'il faut encore l'élever ce trimestre, il sera élevé de nouveau.

M. Mercier. - Je regrette quelques paroles prononcées par M. le ministre. Il a semblé émettre un doute sur l'exécution successive et complète de la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai émis aucun doute semblable.

M. Mercier. - J'ai entendu que vous posiez cette question : « Faut-il augmenter indéfiniment le rendement, même au risque d'empêcher le commerce d'exportation des sucres ?» Je n'hésite pas à répondre : Oui. Il faut que le gouvernement fasse connaître bien nettement qu'il augmentera indéfiniment le chiffre du rendement dans le cas prévu par la loi ; car il dépend des intéressés de ne pas excéder les limites qu'elle a fixées. A cet égard, je rappellerai à M. le ministre des finances que, soit en séance publique, soit en section centrale, j'ai manifesté la crainte de nouveaux mécomptes malgré les mesures qu'il proposait ; on me répondit alors que les industriels, comprenant leurs intérêts, auraient soin d'acquitter la somme dévolue au trésor ; que s'ils ne le faisaient pas, ils compromettraient le commerce d'exportation et n'auraient à s'en prendre qu'à eux-mêmes, de ce résultat ; tel est le sens des explications qui ont été échangées à cette occasion. Au surplus, la loi existant, on ne peut pas mettre en doute son exécution.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Mercier m'a très mal compris. Je n'ai pas mis en doute l'exécution de la loi ; j'ai annoncé, au contraire, qu'elle avait déjà été mise à exécution, et qu'elle le serait encore. Mais l'honorable M. Coomans avait témoigné le désir d'avoir un grand commerce d'exportation, et en même temps une recette très forte, et je lui ai dit : Que voulez-vous ? Expliquez-vous ! Faut-il modifier la loi ? Faut-il la changer ? Voilà ce que je disais à M. Coomans, et je maintiens ce que j'ai dit sous ce rapport.

M. Coomans. - Je n'ai pas demandé, messieurs, que l'on conservât un grand commerce d'exportation et en même temps, une recette très forte : tout ce que j'ai demandé, c'est que le gouvernement et les chambres prissent les mesures nécessaires pour que, du chef de la loi des sucres, il n'y eût pas de déficit pour le trésor.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis qu'exécuter la loi.

M. Coomans. - On peut la réformer à temps si on la juge mauvaise.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous la trouvez mauvaise, proposez-en la révision.

- Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées. En conséquence, la réclamation est renvoyée à M. le ministre des finances.


Rapport de la commission d’industrie, sur une pétition concernant la dénaturation des mélasses incristallisables.

La chambre adopte sans discussion les conclusions de ce rapport qui tendent au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

- La séance est levée à quatre heures et un quart.