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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 août 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 2073) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Jean Stevens demande une loi sur la contrainte par corps et prie la chambre d'examiner s'il n'y aurait pas lieu d'obliger les créanciers à augmenter la pension qu'ils sont tenus de payer à leurs débiteurs détenus pour dettes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Seraing prie la chambre de voter le crédit demandé pour l'exécution des travaux de dérivation et de canalisation de la Meuse. »

-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


Le sénat informe la chambre, par 24 messages en date du 25 août, qu'il a pris en considération autant de demandes en naturalisation.


Par messages de la même date et du 27 août, qu'il a adopté le projet de loi concernant le droit de transcription des actes de partage, licitation, etc., et le projet de loi contenant le budget du département de l'intérieur pour 1852.

- Pris pour notification.

Par messages en date du 26 août, qu'il renvoie, amendé, le projet de loi relatif à la demande en naturalisation du sieur Edouard-Ernest Keun, chancelier de la légation de Belgique à Constantinople.

- Ce projet est renvoyé à la commission des naturalisations.

Projet de loi approuvant la convention conclue avec les Pays-Bas et relative aux péages sur la Meuse mixte

Rapport de la section centrale

Projet de loi accordant une prolongation de délai pour la construction du chemin de fer de Marchienne-au-Pont à Erquelinnes

Rapport de la section centrale

M. Lesoinne. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner la convention relative à la Meuse mixte et le rapport de la section centrale des travaux publics sur le projet de loi accordant une prolongation de délai pour la construction du chemin de fer de Marchienne-au-Pont à Erquelinnes.

- Ces rapports seront imprimés et distribués et mis à l'ordre du jour entre les deux votes du projet de loi relatif aux travaux publics.

Projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d’utilité publique

Discussion des articles

Paragraphe III. Travaux à exécuter par l'Etat, soit directement, soit avec le concours des provinces, des communes ou des particuliers

Article 7, paragraphe 3

« Art. 7. 3° Construction d'un canal destiné à mettre la ville de Hasselt et le Demer, en communication avec la ligne de jonction de la Meuse à l'Escaut. »

Amendement présenté par MM. Landeloos et de La Coste.

« Art. 7. 3° Construction de canaux ayant pour objet :

« a. De mettre les villes de Hasselt et Diest et le Demer en communication avec la ligne de jonction de la Meuse à l'Escaut ;

« Et b. Le canal de Louvain à Wychmael et le Demer à Werchter : fr. 3,400,000 francs.

« Le gouvernement proposera à l'approbation des chambres, dans la session de 1851-1832, les plans et devis des travaux à exécuter. »

M. Landeloos. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères, en s'opposant à l'amendement que M. Malou avait présenté et qui avait pour objet de faire dispenser la société du Luxembourg de l'exécution des embranchements, disait qu'il ne demandait à la chambre que de la justice distributive, de l'équité, de l'impartialité.

C'est l'application du même principe que nous venons demander, quand nous sollicitons l'adoption de notre amendement. Pour démontrer combien il est juste, nous pourrions nous borner en quelque sorte à rappeler les motifs qu'a fait valoir M. le minisire des affaires étrangères et à en faire l'application à l'objet de notre amendement.

En effet, M. le ministre des affaires étrangères, en répondant à un des arguments qu'avait fuai valoir l'honorable M. Malou, lui faisait observer avec raison qu'on n'avait qu'à jeter les jeux sur les différentes sections qu'il s'agissait d'exécuter pour y voir que l'intérêt local y jouait le plus grand rôle.

Il faisait ensuite remarquer que si l'on se bornait à la ligne principale du Luxembourg, non seulement on priverait les villes de Marche et de Bastogne de tous les débouchés qu'on voulait accorder au Luxembourg par le chemin de fer, mais qu'on leur enlèverait même tout leur commerce, de sorte que le projet serait un malheur pour ces populations.

Si cet argument que l’honorable ministre a fait valoir a été de nature à engager la chambre à voter cet embranchement, il est évident que la chambre doit également adopter l'amendement que nous venons présenter.

Car l'adoption du projet, tel qu'il est présenté par le gouvernement, aurait pour effet d'enlever le commerce à la ville de Diest et de le transporter à Hasselt ; de cette manière Diest, au lieu de pouvoir obtenir quelques bénéfices par suite de l'adoption du projet qui nous est soumis, verrait au contraire son commerce tout à fait anéanti. Je ne puis croire, messieurs, que vous consacriez un tel principe ; vous ne pouvez vous faire illusion, qu'en décrétant que la ville de Hasselt doit être jointe au canal qui sert de jonction entre la Meuse et l'Escaut, vous allez nécessairement enlever à la ville de Diest le commerce qu'elle a avec la Campine et notamment avec les localités qui lui sont limitrophes, pour faire refluer ses relations commerciales sur la ville de Hasselt, de manière que la ville de Diest ne pourra plus faire aucune concurrence avec la ville de Hasselt.

Nous sommes loin de nous opposer à la jonction du canal de jonction de Hasselt avec le canal de jonction entre la Meuse et l'Escaut. Mais si ce canal doit s'établir au préjudice de la ville de Diest, il est évident que nous devons nous y opposer ; il y a cependant un moyen facile, ce serait que la chambre accordât l'embranchement que nous demandons.

Et qu'on ne vienne point prétendre que le projet de canal de jonction entre Diest et le canal de jonction de la Campine puisse être envisagé comme n'étant pas utile ; car nous n'aurions alors qu'à invoquer l'opinion du gouvernement et celle que l'honorable ministre des travaux publics a émise lorsqu'il a présenté ce projet de loi, ainsi que l'opinion qu'il a encore émise au sein de la section centrale.

Nous lisons dans l'exposé des motifs : « Le canal, c'est-à-dire le canal projeté entre Hasselt et le canal de jonction rencontre les beaux et populeux villages de Baelen, Olmen, Quaed-Mechelen, Paal, Beeringen, Stockroye et Curange.

« En se rapprochant de la place de Diest, il rendra beaucoup moins dispendieux le projet destiné à rattacher cette localité aux canaux de la Campine. »

Ainsi dans l'opinion du gouvernement il est nécessaire de rattacher la ville de Diest aux canaux de la Campine. Il est évident que nous ne demandons que ce que la chambre et le gouvernement demandaient en principe, ce que le gouvernement croyait devoir exécuter.

Lorsque ensuite la deuxième section avait émis l'avis que la section centrale voulût également s'occuper de cet objet, que répondit l'honorable ministre des travaux publies ? Il reconnut que « ce serait un travail utile, qui offrirait un débouché à la ville de Diest, peu pourvue de communications,» mais il ajoutait que « l'utilité de ce travail a un caractère tout secondaire et que rien n'empêche de l'ajourner, d'autant mieux que toutes les éludes ne sont pas faites. »

Ainsi d'une part l'honorable ministre des travaux publics reconnaît l'utilité de ce travail, mais d'autre part il l'envisage comme ne présentant qu'une utilité secondaire.

Mais, messieurs, si par suite de ce principe on ne peut décréter le canal de jonction que nous demandons, on aurait aussi dû rejeter d'autres travaux qui ne présentaient également qu'un caractère d'une utilité très secondaire, tandis que la chambre les a adoptés, par exemple les embranchements de Marche et de Bastogne, ainsi que l'embranchement de Lierre.

Dès lors on doit comprendre la nécessité d'adopter notre amendement.

Si ensuite nous examinons la position malheureuse dans laquelle l'industrie de Diest se trouve, eu égard aux autres localités auxquelles on a accordé des travaux d'une grande importance, alors encore, messieurs, je crois que la justice distributive doit engager la chambre à voter la proposition que nous avons eu l'honneur de faire.

En effet, messieurs, nous voyons que le gouvernement, en ce qui concerne les bassins houillers, s'est empressé de leur accorder des voies de communication pour les mettre à même de pouvoir produire davantage. Et cependant ces bassins étaient loin d'être dans une position aussi périclitante que l'industrie et le commerce de la ville de Diest. Ainsi, nous voyons qu'avant 1830, Charleroy ne produisait que 400 mille tonneaux, de houille, tandis que maintenant ce bassin en produit 1,850,000.

Nous voyons que Mons, avant 1830, produisait 1,500,000 tonneaux, tandis que maintenant il produit 2,530,000 tonnes ; enfin que Liége, qui, en 1830, ne produisait que 529,400 tonneaux, en produit actuellement 1,185,500 tonnes. Et malgré cette marche ascendante de cette industrie nous avons vu que les chambres ainsi que le gouvernement se sont empressés de décréter des travaux de plusieurs millions et est sur le point d'adopter des mesures qui auront pour effet d'enlever au trésor un revenu annuel de plus de 200,000 fr. Tout en reconnaissant que notre proposition doit avoir pour effet de grever le trésor, nous ne pouvons nous empêcher de vous faire remarquer, messieurs, que le sacrifice que nous voulons lui imposer sera minime, comparativement aux pertes qu'il sera appelé à pallier. Pour vous en convaincre, messieurs, il suffira de jeter pour un moment un coup d'œd sur le commerce et l'industrie qui exislaienl anciennement à Diest, et nous sommes persuadés qu'on reconnaîtra que ce commerce et cette industrie sont dans un véritable état de décadence.

C'est ainsi qu'en 1830 il existait à Diest 72 dstilleries, tandis qu'il n'en reste plus que •'».... En ce qui concerne les saunerics, avant 1830 il en existait 5, il n'en existe plus que 3. Quant aux savonnerise, il y en avait deux, qui ont disparu.

(page 2074) Les brasseries, qui, avant 1830, travaillaient sur une contenance moyenne de 105,000 hectolitres par an, ne produisent plus que 65,000 hectolitres. Enfin, la fabrication des bas et étoffes de laine qui occupait 4 à 500 ouvriers, est tout à fait anéantie.

Eh bien, messieurs, dans de pareilles circonstances n'est-il pas du devoir du gouvernement et de la législature de venir en aide à cette ville qui a vu décroître constamment son industrie et son commerce ?

Une dernière observation, messieurs, doit encore vous engager à adopter cette proposition ; c'est qu'en 1845 la chambre a en quelque sorte décrété en principe la continuation du chemin de fer de Lonvain à la Sambre vers Diest.

D'après le projet de loi, tet qu'il a été déjà adopté en partie par la chambre, ce chemin de fer ne sera jamais construit ou, au moins, ne sera construit que dans plusieurs années.

Eh bien, messieurs, en adoptant le canal de jonction entre Louvain et Werchter, on donnera à la ville de Diest une voie de communication avec Louvain.

Tous ces motifs me paraissent, messieurs, devoir vous engager à être favorables à notre amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, l'amendement sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer a un double objet : les honorables auteurs de cet amendement demandent, en premier lieu, que les villes de Hasselt, de Diest et le Demer soient mis en communication avec la ligne de jonction de la Meuse à l'Escaut.

Ce premier objet de l'amendement, le gouvernement peut en reconnaître dès à présent le caractère d'utilité incontestable. A tous égards, il serait utile de relier le canal de jonction de la Meuse à l'Escaut, par l'embranchement de Hasselt, qui s'embrancherait également sur Diest, mais l'observation de l'honorable membre n'est pas fondée en ce qui concerne la dépense.

Récemment un rapport a été fait sur ce travail : le coût du canal a construire peut êlre calculé à 100,000 fr. par kilomètre ; or, comme la distance est, je pense, de 14 kilomètres, ce serait une dépense de 14 à 15 cent mille francs.

M. Landeloos. - Il n'y a que 7 kilomètres.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je crois que c'est une erreur. Dans tous les cas le gouvernement ne pourrait pas dès aujourd'hui adopter cet amendement, parce que les études ne sont pas complètes. L'ingénieur chargé de faire ces études appartient maintenant à un autre arrondissement. Tout ce que le gouvernement peut faire, c'est de faire continuer les études et saisir plus tard les chambres (car on ne peut tout faire à la fois) d'un projet de loi.

Quant au deuxième objet, le canal de Louvain à Werchler et du Demer à Diest, il y a une raison décisive pour repousser cette partie de l'amendement. Les honorables membres pensent, je crois, qu'on pourrait faire de Diest jusqu'à Werchler la canalisation du Demer.

C'est l'opinion qui a été émise par une commission spéciale ; cette commission s'est déclarée formellement contre l'idée d'un canal latéral. Cependant cette idée avait été mise en avant par un ingénieur distingué qui faisait partie de la commission.

M. Landeloos. - Ce n'est pas l'objet de la seconde partie de notre amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Si ce n'est pas l'objet de la seconde parlie de l'amendement, je déclare ne pas savoir quel est cet objet.

Dans tous les cas, la dépense qui résulterait de l'adoption de la seconde parlie de l'amendement peut être évaluée à environ 2,500,000 fr. ; et je ne pense pas que la chambre puisse décréter en principe une dépense aussi considérable, avant qu'elle ait été mise en mesure de se prononcer entre la canalisation et le canal latéral.

M. de La Coste. - Messieurs, pour rendre notre amendement bien clair pour toute la chambre, voici comment je le rédigerais : je partagerais le n°3° en trois littéras.

« a. Mettre les villes de Hasselt et Diest en communication avec la ligne de jonction de la Meuse à l'Escaut. »

C'est la proposition du gouvernement, excepté que j'ai retranché le mot « Demer », attendu que si l'on veut atteindre le Demer navigable, ce n'est pas à Hasselt qu'il faut le chercher ; dans cette ville, le Demer n'existe qu'à l'état de ruisseau, il ne commence à devenir navigable que sur le territoire de Lummen ; de là à Diest il existait avant la révolution française un service régulier de navigation.

« b. …

« c. … »

Voilà la décomposition de notre proposition, et l'on pourrait faire voter sur l'amendement rédigé de cette façon.

En ce qui concerne la position de la ville de Diest, l'honorable M. Landeloos a donné, à cet égard, les détails les plus circonstanciés ; il vous a démontré que cette position s'est fortement détériorée. Au lieu donc d'ôter à cette ville ce qui lui resle d'industrie et de commerce, il faudrait lui venir en aide et remédier au déclin qui s'y manifeste.

Mais, messieurs, je ferai un appel à votre équité à un point de vue plus évident pour tout le monde : je demanderai combien il y a de villes de 8,000 à 9,000 âmes qui se trouvent dans une position analogue, et auxquelles vous n'avez pas donné un chemin de fer ou un canal. A coup sûr, il y en a bien peu ; je n'en connais pas une seule. (Interruption.)

Hasselt, qui aura un chemin de fer et un canal, n'a qu'une population un peu supérieure à celle de Diest ; Tongres, auquel vous donnez un embranchement, est d'une population beaucoup inférieure ; Furnes est d'une population à peu près de moitié ; Audenarde est d'une population inférieure ; Arlon, Bastogne, Neufchâteau, Marche, Wavre, toutes ces villes sont d’une population inférieure ; j'espère ne blesser aucune susceptibilité locale : c'est un détail statistique.

Maintenant on nous renvoie à des études, à des propositions ultérieures.

On n'a pas agi ainsi relativement au chemin de fer de Tongres et d'Audenarde, ces chemins sont décrétés quoi qu'il n'y ait pas d'études faites. Les études relatives au Demer datent de Marie-Thérèse. Si on nous renvoie à un nouveau terme aussi long, MM. les ministres pourront difficilement rendre à Diest la justice que nous réclamons.

Quand il s'agit d'un travail d'ensemble, d'une sorte de liquidation de tous les droits, il faut faire d'abord ce qu'on veut faire, et ce n'est pas pour 7 ou 8 cent mille francs qu'on devrait laisser un semblable travail incomplet.

Le canal latéral dont a parlé M. le ministre est tout autre chose que ce que nous proposons. C'est une preuve de l'importance de cette voie navigable ; c'est une suite des études faites sous le gouvernement des Pays-Bas, c'était un canal de Diest à Vilvorde ; sans la révolution, il serait exécuté.

C'est donc une perte que la ville de Diest n'aurait pas éprouvée sans les événements qui ont fondé l'ordre actuel des choses, et cette considération qu'on a fait valoir en faveur du Limbourg et du Luxembourg peut aussi à bon droit être invoquée en faveur de nos propositions ; mais nous ne demandons pas qu'on fasse ce canal, il est porté annuellement au budget une somme de 100,000 fr. pour améliorer le cours du Demer. Nous ne demandons pas autre chose sous ce rapport. Ce que nous demandons de plus, c'est, d'une part, que Diest soit relié au canal de Hasselt et, de l'autre, que le Demer soit relié au canal de Louvain.

Ainsi se réaliserait, à peu de frais, ce que M. Vifquain, dans son grand et remarquable travail sur les voies navigables, regardait comme nécessaire, comme indispensable pour compléter noire système de navigation intérieure.

M. Vifquain proposait le canal de Vilvorde à Diest, mais en considération de la dépense de ce canal, en considération de ce que cette idée a été abandonnée par le gouvernement et qu'il s'est décide à remplacer le canal de Vilvorde à Diest par l'amélioration du cours du Demer, nous ne demandons rien de semblable, nous demandons seulement qu'on relie Diest au canal de Hasselt et le Demer au canal de Louvain.

Pourquoi demandons-nous cette seconde partie de notre amendement qu'on pourrait d'ailleurs diviser, car on pourrait admettre la première partie et ne pas admettre la seconde ?

Mais pourquoi le proposons-nous ? Pourquoi demandons-nous que le Demer soit relié au canal de Louvain ? Pour que Louvain ne soit pas privé de ses relations avec Diest, dans le cas où cette ville serait reliée au canal de la Campine. Ce serait, d'ailleurs, une justice envers la ville de Louvain, qui a fait des dépenses énormes pour améliorer son canal, puis en a fait, comme l'a dit M. Vifquain, un des plus beaux canaux de la Belgique, et cependant il est aujourd'hui peu fréquenté par suite non seulement de l'établissement des chemins de fer, mais aussi du taux des tarifs. D'où il résulte que cette dépense pèse aujourd'hui sur la ville de Louvain, sans qu'elle y trouve la compensation qu'elle devait en attendre. Une communication avec le Demer y rendrait la navigation plus active.

D'un autre côté le Demer qui s'améliorerait successivement, mis en communication avec le canal de Hasselt, établirait une ligne navigable qui n'aurait pas moins de 90,000 mètres de développement, y compris le Ruppel. Vous feriez ainsi une chose très utile à l'agriculture et au commerce intérieur sans avoir à craindre de créer une voie navigable qui portât ombrage à d'autres intérêts. Car la navigation du Demer sera toujours difficile, la descente se fait en 21 heures et la remonte en 7 jours. Il en coûte 200 fr. pour faire descendre un bâtiment de 75 tonneaux.

Un tel état de choses appelle sans doute la sollicitude du gouvernement ; mais, je le répète, le Demer ne peut faire le moindre ombrage aux intérêts que nous voyons souvent en lutte, et dans une semblable occasion il me semble que laisser nu arrière quelque chose qui coûte si peu et qui est réclamé à si bon droit, ce serait abandonner le principe de la justice distributive pour quelques centaines de mille francs, tandis qu'on l'invoque pour les millions. Si le gouvernement a l'intention de faire ce que nous demandons, il est évident qu'il vaut mieux le comprendre dans le projet en discussion que d'y revenir plus tard. On comprend qu'il serait difficile de présenter une loi spéciale pour le crédit de 800 mille francs qui serait nécessaire pour cet objet.

- La discussion est close.

M. le président. - Nous sommes en présence de l'amendement de MM. de La Coste et Landeloos.

M. Landeloos. - Tel qu'il vient d'être modifié par M. de La Coste.

- L'amendement est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

Le n°3 est mis aux voix et adopté.

Article 7, paragraphe 4

« § 4. Travaux destinés à compléter les moyens d'écoulement des eaux d'inondation de la Lys, soit en prolongeant le canal de Deynze à Schipdonck jusqu'à la mer du Nord, soit en modifiant le régime du canal de Gand à Bruges, 3,500,000 fr. »

La section centrale propose d'ajouter :

« Le gouvernement proposera à l'approbation des chambres, dans la session de 1851, les plans et devis des travaux à exécuter. »

(page 2075) M. Rolin propose de diviser le numéro 4 comme suit :

« 4° Continuation du canal de Deynzs à h mer du Nord vers Heyst, fr. 3,000,000.

« Approfondissement du canal de Gand à Bruges, en vue d'en mettre le tirant d'eau en rapport avec celui du canal de Bruges à Ostende : fr. 500,000. »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Un double intérêt se lie à la question sur laquelle la chambre est appelée à se prononcer en ce moment. L'intérêt de la navigation n'est pas sans doute sans importance puisqu'il est reconnu, qu'il est avéré qu'en tout état de choses, à quelque parti que l'on s'arrête, le régime du canal de Bruges à Gand est essentiellement défectueux, qu'il comporte des modifications profondes et qu'alors même que les ouvrages que le gouvernement vous proposerait d'exécuter au canal de Bruges à Gand se borneraient à un simple dévasement, la dépense s'élèverait à environ 600 à 700 mille fr.

Transformer cette voie navigable en canal maritime, c'est évidemment lui donner une utilité beaucoup plus considérable. Un seul fait suffira à le démontrer. Nous payons aujourd'hui à la Hollande, par an, une somme de 80,000 fr. du chef de remboursement de péages ; or cette somme représente à peu près les intérêts du capital supplémentaire qu'il faudrait affecter pour donner à ce travail le caractère de haute utilité qu'il doit avoir.

L'intérêt de l'écoulement des eaux était dans la pensée du gouvernement, lorsqu'il proposa la première section du canal de dérivation de la section de Deynze à Schipdonck ; l'intérêt dominant, c'est à débarrasser le bassin de Gand du trop-plein des eaux de la Lys que devaient tendre tous les efforts du gouvernement.

Ces eaux arrivent les premières ; elles arrivent en grande abondance ; elles se jettent dans l'Escaut. C'est par elles qu'il fallait commencer ce grand travail de dérivation qui n'a reçu qu'un commencement d'exécution en 1846, et qui doit être complété aujourd'hui par le prolongement jusqu'à la mer à Heyst du canal de Deynze à Schipdonck. Il faut assurer l'écoulement des eaux de la manière la plus directe et la plus efficace.

Ce double point de vue, le gouvernement l'avait considéré en proposant le projet de loi ; ce double intérêt, le gouvernement s'était efforcé de le satisfaire, mais je dois le dire, des doutes sérieux se sont élevés dans beaucoup d'esprits.

On a craint que l'un ou l'autre de ces travaux également importants, ne pût être sacrifié, au moins par la manière du libellé. Eh bien, c'est pour faire disparaître ces doutes, c'est afin de faire comprendre mieux, plus clairement, la véritable portée de ce que le gouvernement proposait de faire, que je viens soumettre à la chambre une rédaction nouvelle qui comprend les deux travaux que je viens d'annoncer.

Je proposerai en conséquence de rédiger le § 4 dans les termes qu'a déjà indiqués l'honorable M. Rolin, mais que je modifie quant aux chiffres : « Continuation du canal de Deynze à la mer du Nord vers Heyst, 2,000,000. Approfondissement du canal de Gand à Bruges, en vue d'en mettre le tirant d'eau en rapport avec celui du canal de Bruges à Ostende, 1,000,000. »

Les motifs qui ont déterminé le gouvernement à modifier quant aux chiffres, c'est que le crédit de 500,000 fr. serait réellement insuffisant.

Je le répète, en tout état de cause la dépense ne se trouve pas augmentée sensiblement, puisqu'il aurait toujours fallu, en tout état de choses, exécuter au canal de Bruges à Gand des travaux dont le montant s'élèverait au minimum à 6 ou 7 cent mille francs ; c'est ce chiffre, je pense, que formulait, dans ses conclusions, la commission spéciale qui fut institué par mon honorable prédécesseur. Moyennant cette rédaction, il ne pourra plus y avoir le moindre doute sur la portée des engagements que le gouvernement entend proposer à la sanction de la chambre.

M. Rolin. - La chambre aura remarqué que le gouvernement ne propose qu'un seul changement à l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer, c'est de consacrer un million, au lieu de cinq cent mille francs, à l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, et de réduire de trois millions à deux millions cinq cent mille francs le crédit affecté au prolongement du canal de Schipdonck dans la direction de la mer du Nord vers Heyst. Je n'ai aucun motif de m'opposera cette modification.

Mon amendement n'avait pour objet qu'une seule chose, c'était de faire constater d'une manière définitive et sans laisser aucun doute pour l'avenir, la nécessité absolue de prolonger le canal de Schipdonck dans sa direction primitive à la mer du Nord vers Heyst. Cette nécessité étant maintenant reconnue, je déclare me rallier à la modification proposée.

M. Peers. - En présence de l'amélioration notable que vient de proposer M. le ministre des travaux publics, il est inutile que je prenne la parole ; je m'étais fait inscrire pour combattre la proposition primitive. Mais je n'ai pas à combattre la proposition nouvelle ; car je m'y rallie entièrement.

M. Delehaye. - La chambre rendra cette justice aux députés des Flandres que, quoiqu'il y ait beaucoup de travaux qui n'améliorent pas notre position, et qu'il y en ait qui portent atteinte aux intérêts commerciaux de la ville de Gand, nous n'y avons l'ait aucune opposition.

Nous voyons avec plaisir la nouvelle répartition que fait M. le ministre des fonds demandés. Quoique cela diminue la somme qui nous concerne, nous y souscrivons.

Je prierai seulement M. le ministre des travaux publics de veiller à ce qu'on mette promptement la main à l'œuvre.

Si nous n'avons pas intérêt à ces travaux, nous désirons au moins voir prévenir les inondations.

M. T'Kint de Naeyer. - Je m'étais fait inscrire pour soutenir la nécessité et l'urgence de l'achèvement du canal de Schipdonck vers la mer. Ce travail n'étant plus remis en doute, et le gouvernement lui-même proposant de le décréter irrévocablement par le projet de loi, je renonce volontiers à la parole. J'insisterai seulement pour que M. le ministre des travaux publics s'engage à faire commencer les travaux dès l'ouverture de la campagne prochaine. Il importe au plus haut degré que trois provinces considérables soient enfin délivrées d'inondations qui d'année en année deviennent plus désastreuses.

M. Dumortier. - Messieurs, quant à moi, je n'accorderai pas mon vote aux crédits qui sont demandés par le gouvernement, et je vais avoir l'honneur d'en donner les motifs.

Il y a, messieurs, dans toute cette loi que nous sommes appelés à voter, deux dépenses qui me paraissent culminantes et qui, je le dirai, ont excité dans deux localités un véritable engouement : le travail es M. Kummer à Liége ; le travail de M. Wolters à Gand.

Chacune de ces dépenses s'élève à un chiffre semblable : à Liége il faut 8 millions de francs pour la dérivation de la Meuse ; à Gand il faut 8 millions de francs pour le canal de Schipdonck. Car, vous ne l'ignorez pas et vous devez vous en souvenir, d'après les devis qui ont été soumis en 1845 à l'assemblée, le canal de Schipdonck doit coûter 8 millions de francs.

M. T’Kint de Naeyer. - Cinq millions.

M. Dumortier. - Vous voulez 5 millions, mais c'est 8 millions. (Interruption.)

Permettez, messieurs, je ne veux pas que l'on vienne encore plus tard équivoquer. Vous avez déjà fait une partie du canal. Le canal dans son entier, avec ce qui est en voie d'exécution, nous coûtera 8 millions de francs. (Interruption.) Est-ce que ce qui est fait ne coûte rien ? Est-ce le trésor public ne le paye pas ?

Je reprends donc ce que j'avais l'honneur de vous dire. Il y a deux grands engouements pour les travaux publics en Belgique : l'un à Liége, l'autre à Gand. Et chacun de ces deux engouements doit doter le pays d'une dette de 8 millions, c'est-à-dire 16 millions de francs pour les deux dépenses.

Or, messieurs, qu'est-ce que les 8 millions que nous avons votés pour la dérivation de la Meuse ?

C'est un impôt sur la Belgique d'un demi-million de francs par an. Car les 8 millions seront empruntés à 5 p. c. plus 1 p. c. d'amortissement ; ce qui fait 480,000 fr. annuellement ; et en y joignant la perte de commission, c'est plus d'un demi-million par an que nous devons payer en faveur de la dérivation de la Meuse, sans que cela rapporte rien.

Comme on nous demande une pareille somme pour Gand, c'est encore un demi-million dont on va grever annuellement le trésor public.

En d'autres termes, nous imposons, par ce double vote, un million de francs d'impôts annuels sur toute la Belgique en faveur de deux localités. (Interruption.)

Voulez-vous que je fixe le chiffre à 950,000 francs ? Ce sera toujours 950,000 fr. annuellement d'impôt qu'on mettra à charge de la Belgique ; dans l'intérêt de deux villes. Je ne comprends pas cette nécessité d'équivoquer sur tout. Je crois que c'est l'importance de l'observation que j'ai eu l'honneur de vous communiquer qui fait naître cetie interruption.

Il demeure donc constant que pendant toute la durée de l'emprunt, c'est-à-dire pendant trente ou quarante ans, suivant que l'amortissement aura lieu, la Belgique se trouvera grevée d'un million de francs d'imposition dans l'intérêt des deux localités dont je viens de parler.

Je me demande avant tout si, représentant le pays, je dois voter cette dépense, et je vous demande la permission de vous expliquer les motifs pour lesquels, dans mon opinion, ces dépenses ne sont pas rigoureusement nécessaires et notamment celle-ci.

Quelle a été l'origine du canal de Schipdonck ? L'origine de ce canal est due aux inondations de l'Escaut.

M. Delehaye. - Et de la Lys.

M. Dumortier. - De l'Escaut ; et puisqu'un honorable membre de Gand désapprouve ce que j'ai l'honneur de vous dire, je vais en fournir la preuve à l'instant même.

A la date du 20 juin 1841, un arrêté royal nomma une comaiission pour voter la question des inondations dont les Flandres et la Hainaut étaient l'objet. Voici de quoi il s'agissait dans cet arrêté ; vous allez voir s'il était question de la Lys.

« Il est institué une commission chargée de présenter au département des travaux publies un rapport sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour remédier aux inondations extraordinaires des rives du haut Escaut. «

Vous voyez qu'il n'était pas question de la Lys et que ce que je disais était exact.

J'espère que la preuve que je viens de donner engagera les honorables membres à ne pas m'interrompre à chaque instant ; sans cela il me sera impossible de parler.

Je viens de dire que l'origine du canal de Schipdonck vient des inondations du haut Escaut.

Comment est-on arrivé à ce résultat ? Comment est-il possible que pour soulager la vallée de l'Escaut de ses inondations, on se soit imaginé d'aller chercher les eaux dans la Lys, en prétendant que les inondations de l'Escaut viendraient ainsi à cesser ? C'est, messieurs, ce que personne (page 2076) ne peut comprendre, c'est ce qu'on cherchera vainement à expliquer. Je me bornerai à dire avec la pétition de Tournay que c'est là une amère dérision.

Je sais bien que l’on viendra me dire qu’en dérivant les eaux de la Lys, on soulage l’Escaut. Mais je crois que cet argument n’est pas plus fondé que si l’on venait prétendre qu’en dérivant les eaux de la Meuse, on soulage l’Escaut.

En dérivant les eaux de la Lys, on ne fait rien pour l'Escaut, et c'est ce qu'a fait parfaitement remarquer la ville de Tournay dans sa pétition.

Il y avait, et il y a encore, des inondations considérables sur le haut Escaut. C'est pour parer à ces inconvienls que divers travaux ont été entrepris. Or, remarquez-le bien, messieurs, il existe dans la ville de Gand, point confluent de l'Escaut et de la Lys, un assez grand nombre de moyens d'écoulement des eaux de l'Escaut. Il y a d'abord le moyen naturel, celui que la nature a créé, le bas Escaut qui est créé par la nature pour écouler les eaux et de l'Escaut et de la Lys ; puis, messieurs, quatre canaux, le canal du Sas, le canal de Bruges, le canal du Moervaert et le canal de Schipdonck. Je ne parle pas du canal de la Lieve qui, dans l'origine, avait aussi pour but l'écoulement des eaux.

Le canal de la Lieve a été créé en 1228 et repris en 1851 ; il avait pour but de mettre Gand en rapport avec le port de Damme, qui était à cette époque le port le plus important de la Flandre. C'était donc à la fois un canal d'assèchement et de navigation ; il ne peut plus, aujourd'hui, servir à cette double destination ; je n'en parle donc ici que pour faire remarquer qu'au lieu de faire le canal de Schipdonck il eût été bien plus économique d'approfondir le canal de la Lieve. Mais cela n'eût coûté que quelques centaines de mille francs, et les ingénieurs voudront toujours faire des travaux gigantesques qui coûtent des millions. Il est certain que l'approfondissement du canal de la Lieve aurait pu tenir lieu de tous les travaux dont il s'agit aujourd'hui.

Il existait encore, messieurs, il y a bien des siècles, des canaux d'écoulement au nord de Gand vers le bas Escaut. De Gand à Langerbrugge, il existait un canal navigable ; de Langerbrugge jusqu'à Rodenhuyse existait la Caele. Ce canal servait en même temps à l'écoulement d'une partie des eaux de la ville de Gand.

Sous Charles-Quint... (Interruption.) Sous Charles-Quint... (Interruption.)

M. le président, je demande qu'on me laisse parler.

M. le président. - Je puis bien empêcher le bruit, mais il m'est impossible d'empêcher de rire.

M. Dumortier. - Je sais bien que c'est un parti pris par les ministériels de voter toutes les dépenses et de mener le pays à la banqueroute ; mais au moins qu'on nous laisse parler pour défendre le trésor public.

Sous Charles-Quint.... (Interruption.) M. le président, je renonce à la parole. Il n'y a plus de liberté de la tribune ; je me rassieds.

M. le président. - Personne ne vous empêche de parler.

M. Dumortier. - Ces rires constants lorsqu'on défend les intérêts du trésor, cela ne s'est jamais vu que dans cette discussion ; il semble que l'on veuille bâillonner la minorité.

M. le président. - Le règlement ne me donne aucun pouvoir contre les rires. Je ne puis qu'engager itérativement la chambre à vous écouter jusqu'au bout de votre discours.

M. Dumortier. - Je reprends donc ma phrase.

On conçut, disais-je, sous Charles-Quint la pensée de creuser un canal pour l'écoulement des eaux de Gand, et voici ce que je lis à cet égard dans un des principaux écrivains gantois :

« Le creusement du canal de Gand au Sas-de-Gand fut autorisé par Charles-Quint, le 5 juillet 1547. Cet ouvrage fut d'abord commencé depuis Roodenhuysen jusqu'à la digue de mer nommée Joos-Hamerlinck-Dyck, où furent construites les grandes écluses auxquelles la ville du Sas doit son nom et son origine. Ensuite on continua le canal jusqu'à Gand en élargissant et en approfondissant les anciens canaux. »

Voilà, messieurs, le premier moyen d'écoulement des eaux des Flandres qui ait reçu son exécution à l'époque de Charles-Quint. Mais à la suite des guerres de religion, le Sas tomba entre les mains des Hollandais, et alors on conçut la pensée de créer le canal de Bruges.

Le canal de Bruges fut commencé en 1613 et il fut établi, dit encore un écrivain gantois, d'abord à petite section pour l'écoulement des eaux de la Lys, dont il prenait les eaux ; puis en 1751, c'est-à-dire 138 ans plus tard, Marie-Thérèse accorda l'autorisation d'agrandir et d'approfondir ce canal pour le faire servir à la navigation. Toujours est-il que, dans l'origine, le canal de Bruges devait aussi servir à l'écoulement des eaux et il y sert encore aujourd'hui.

La coupure ne fut construite qu'en 1758. Elle avait pour effet de déverser les eaux de la Lys orientale dans le canal de Bruges. C'est encore un écrivain gantois qui le dit.

Sous Marie-Thérèse, on créa un nouveau moyen d'écoulement ; on creusa alors le canal du Moervaert qu'on est occupé depuis deux ans à rendre à sa première destination. Mais il y avait encore des inondations à Gand à la suite de l'ensablement du Moervaert, parce que le canal de Bruges n'avait pas répondu complètement à sa destination. C'est alors que, sous le gouvernement des Pays-Bas, on conçut le projet de creuser le canal de Terneuzen,

Voyons ce que dit encore, à cet égard, un autre écrivain de Gand :

Le canal de Terneuzen ne devait primitivement servir qu'à évacuer les eaux de la Flandre orientale et de la Flandre hollandaise, et à remédier ainsi aux inondations qui, surtout depuis quelques années, avaient nui aux intérêts de l'agriculture, Mais au commencement de la mise à exécution de ee projet, la régence de Gand et les états de la Flandre obtinrent de S. M. à condition d'en supporter une partie des frais, qu'il fût donné au canal du sas à Gand une largeur et une profondeur plus grande que celle qui avait été projetée, afin de faire de Gand un véritable port de mer. Le bassin a couté à la ville près d'un million. Le canal de Neuze, qui se décharge dans l'Escaut, a depuis Gand jusqu'au Sas une profondeur de 4 mètres 40 centimètres, laquelle va encore en augmentant du Sas jusqu'aux écluses de Terneuzen. L'ouverture du bassin eut lieu le 15 décembre 1828.

Voilà donc, messieurs, tous moyens d'écoulement qui avaient été créés : le canal du Sas, celui de Bruges, le Moervaert, le canal de Terneuzen ; comment se fait-il donc que, malgré tous ces moyens d'écoulement, on soit arrivé cette dépense de 8 millions pour le canal de Schipdonck ? On y est arrivé au moyen de la nécessité reconnue de procurer un écoulement aux eaux de l'Escaut, parce que l'on refusait de donner à tous ces canaux la destination primitive pour laquelle on les avait créés. C'est sous prétexte d'écouler les eaux de l'Escaut qu'on a voulu écouler les eaux de la Lys.

Mais, messieurs, les eaux de la Lys avaient un écoulement naturel : d'abord il s'en déversait une partie dans le bas Escaut ; ensuite elles avaient le canal de Terneuzen, elles avaient le canal de Bruges, et certes, elles pouvaient parfaitement s'écouler ; mais cela ne suffisait pas : un grand projet de 8 millions avait été conçu, et pour y arriver, on n'a pas laissé s'écouler les eaux de la Lys plus que celles de l'Escaut.

En effet, j'ai sous les yeux un procès-verbal rédigé lors des inondations de mai dernier et dont il résulte que, tandis que toute la vallée de l'Escaut était inondée, on ne laissait pas s'écouler les eaux par le canal de Terneuzen. Durant l'inondation de mai dernier, ce canal a été fermé durant 36 heures ; et pourtant son niveau était de 8 pieds plus bas qu'à la grande écluse. Quand on l'ouvrit à l'écoulement des eaux, les trois pieds de poutrelles inférieures du canal de Terneuzen n'ont pas même été enlevées ; de manière que ce canal, créé primitivement pour l'écoulement des eaux, et qui se rend dans la direction la plus courte vers la mer, ne sert plus à sa destination primitive, mais devient presque exclusivement un canal de navigation.

C'est au moyen de ce faux emploi d'un travail public, de cet abus scandaleux toléré par le gouvernement, qu'on arrive aujourd'hui à demander le vote d'une somme de 8 millions pour une nouvelle voie d'écoulement, pour une cinquième voie d'écoulement à ajouter aux quatre déjà existantes.

Que l'on fasse servir le canal de Terneuzen à sa destination primitive, à l'écoulement des eaux, et vous n'aurez pas besoin de toutes ces dépenses ruineuses qu'on vous demande aujourd'hui et des impôts qui en sont la conséquence.

Mais le canal de Terneuzen transporte-t-il donc un si grand nombre de navires ? Si nous examinons les relations qui nous sont faites, ce canal ne transporte par an qu'une couple de cents vaisseaux grands et petits.

Et c'est pour cela qu'on refuse de lui laisser écouler les eaux et qu'on vous demande pour la seconde fois, nous, pour la troisième fois, des travaux superflus, des dépenses qui n'ont pas de but, si l'on veut employer les travaux existants.

Après tout, les canaux, et surtout dans les contrées à plat terrain comme les Flandres, peuvent parfaitement servir à la fois à l'écoulement des eaux et à la navigation. Voyez la Meuse et l'Escaut qui servent à la navigation et à l'écoulement des eaux.

Qu'est-ce qu'un canal sans écluses ? C'est une rivière qu'on fait à main-d'œuvre. Sans doute, un canal qui sert à la fois à la navigation et à l'écoulement des eaux, éprouvera quelques jours d'interruption dans la navigation ; mais la navigation est aussi interrompue sur les rivières ; il y a interruption par les gelées, par les grandes eaux ; or, vous voulez avoir des canaux qui servent exclusivement à la navigation et qui ne servent jamais à l'écoulement des eaux, là est l'abus. Subissez pour les canaux la loi de la nature que subissent les fleuves, et les canaux serviront à l'écoulement ainsi qu'à la navigation, et de cette manière vous éviterez l'énorme dépense qu'on veut mettre à charge du trésor public...

M. T’Kint de Naeyer. - Je demande la parole.

M. Dumortier. - Messieurs, on viendra vous dire tout à l'heure que l'écoulement des eaux de la Lys se fait nécessairement pour soulager l'Escaut. Je n'entrerai pas maintenant dans l'examen de cette question, me réservant d'en entretenir la chambre lorsque nous arriverons à l'article relatif à l'Escaut... (Interruption.) Certainement, j'en parlerai, cela dût-il vous déplaire. Je vous dirai, avec le conseil communal de Tournay, que c'est une dérision.

Mais, si vous voulez absolument dépenser, je maintiens que si le gouvernement s'était borné à la demande du conseil communal de Bruges, au système si excellent de M. l'ingénieur de Sermoise, vous aviez l’écoulement nécessaire pour toutes les eaux venant de Gand, et vous n'aviez pas besoin de faire cette nouvelle dépense de 8 millions.

Je maintiens que ce système, tel qu'il a été présenté, tel qu'il a été appuyé par le conseil provincial de la Flandre occidentale et par la ville de Bruges, est plus que suffisant pour faire face à toutes les nécessites possibles ; que ce système avait l'immense avantage de ne coûter rien ou presque rien à l'Etat, parce que par là vous supprimiez la dépense que vous inscriviez chaque année dans votre budget du chef du péage dû à la Hollande pour le canal de Terneuzen ; je maintiens que ce système était infiniment meilleur.

(page 2077) Mais que voyons-nous en ce moment ? Il arrive ici ce qui arrive toujours en pareille circonstance ; il faut satisfaire tous les appétits, il faut satisfaire tout le monde, réunir le plus d'intérêts possible contre le trésor, et en définitive on ruine le trésor public, on mène le pays à la banqueroute. Mais il n'en est pas moins vrai que le système de M. l'ingénieur de Sermoise était tout à fait suffisant ; et qu'il était complètement inutile d'engendrer une dépense de 8 millions, alors qu'avec une somme très minime en proportion, somme d'ailleurs compensée par des recettes ou des non-dépenses, on arrivait au même résultat.

A l'opinion de M. Wolters, j'oppose celle de M. l'ingénieur de Sermoise. Le canal de Gand à Bruges, qui a longtemps servi à cette destination presque exclusive, pourrait encore y servir, si on le voulait. J'ai dit tout à l'heure ce que c'est qu'un canal de navigation qui n'a pas d'écluses : c'est un fleuve créé à main-d'œuvre ; or, nous avons, je le répète, l'Escaut et la Meuse qui servent à la fois à la navigation et à l'écoulement des eaux. Si, dans l'unique crainte d'arrêter un bateau deux ou trois jours de plus dans un point donné, vous voulez avoir trop, vous arrivez à amener la ruine du trésor public.

Vous avez des canaux ; vous devez en subir les avantages et les inconvénients, suivant l'axiome connu : » qui sentit commodum, sentit et incommodum. »

Je finis en répétant ce que j'ai dit en commençant, à savoir que la dépense qu'on nous convie à voter dans l'intérêt unique d'une ville augmente annuellement d'un million la somme des impôts qui pèsent sur les contribuables, que déjà il existe quatre voies d'écoulement et qu'avant d'en créer une cinquième il faut utiliser les quatre qui existent. En créer une nouvelle, c'est une dilapidation des deniers publics à laquelle je ne puis donner mon assentiment.

M. Sinave. - Vous le savez, messieurs, plus de deux cents pétitions couvertes de milliers de signatures ont été envoyées par un grand nombre de communes flamandes et surtout de localités du littoral, toutes demandent l'approfondissement du canal de Bruges à Gand, après avoir démontré la nécessité de ce travail.

Vous n'ignorez pas non plus que des démarches actives ont été faites dans le même but par les députations du conseil provincial de la Flandre occidentale, des conseils communaux de Bruges et Ostende et des chambres de commerce de ces mêmes villes, et de plus, par la chambre de commerce de Gand.

Les habitants de la Flandre occidentale n'ont pas manqué, comme vous le voyez, de saisir l'occasion présente pour renouveler eurs anciennes démarches relativement à l'approfondissement du canal de Bruges à Gand ; je dis renouveler, car il ne faut pas croire que c'est à propos de l'évacuation du canal de Schipdonck qui a amené un conflit si regrettable entre deux provinces voisines, que l'on agite pour la première fois la question dont nous sommes saisis en ce moment. Non, messieurs, la question de l'opportunité de l'approfondissement du canal de Bruges à Gand est étrangère à celle de l'évacuation des eaux du canal de Schipdonck ; ce n'est pas d'aujourd'hui que la première est agitée, tant s'en faut, et des démarches analogues à celles qu'on voit en ce moment ont été faites bien souvent auparavant par les habitants et les corps constitués de la province à laquelle j'appartiens. Déjà sous la domination autrichienne la nécessité s'étant fait sentir d'améliorer le système des voies navigables de la Flandre occidentale, un ingénieur ad hoc, le colonel De Brarey, fut chargé d'exécuter alors des travaux d'une grande étendue pour y parvenir, mais les travaux commencés par lui furent interrompus par la révolution de 1790.

Sous le consulat un ingénieur, M. Descamps, fut chargé par l'administration des ponts et chaussées de continuer l'exécution des importants travaux commencés avant 1790. On prit d'abord la résolution de rouvrir immédiatement la grande voie navigable qui conduisait autrefois vers la ville de l'Ecluse et vers Breskens sur l'Escaut ; on décida de plus qu'il serait construit à Bruges une nouvelle écluse à quatre ouvertures dont l'une aurait une embouchure sur le nouveau canal de l'Escaut, l'autre vers le canal de Bruges à Ostende, une autre sur le canal de Bruges à Gand par les fossés de la ville et la dernière vers l'intérieur de la ville. Quant à ce dernier canal, il fut approfondi de manière à ce qu'il fût placé dans les mêmes conditions que celui de Bruges à Ostende, et remarquez ici, messieurs, que ces travaux qui avaient été résolus et commencés alors sont les mêmes que ceux dont les pétitionnaires réclament aujourd'hui l'exécution,

A la chute de l'empire, le canal de Bruges à Breskens était en partie exécuté ; il fut continué sous le gouvernement des Pays-Bas, et la révolution de 1830 arrêta les travaux quand le canal s'étendait à cinq cents mètres seulement de la ville de l'Ecluse. Quant aux travaux à exécuter au canal de Bruges à Gand, ils furent ajournés sous l'Empire.

Deux systèmes étaient alors en présence, celui d'approfondir les anciens canaux et celui d'approfondir seulement le canal d'Ostende à Bruges à 9 mètres, et d'un autre côté de construire sur les mêmes dimensions un nouveau canal de Bruges vers Anvers par Gand. Comme on le voit, on ne donnait ainsi au canal actuel de Bruges à Gand d'autre destination que celle de servir à l'évacuation des eaux de la Lys. Ce projet avait donc trois buts également importants, savoir d'établir un canal maritime entre Ostende, dont le port devait être approfondi, et Anvers ; de faire évacuer les eaux du bassin de Gand et de les diriger vers les ports d'Ostende et Breskens, en vue d'améliorer ces ports.

De 1816 à 1830, on apporta de grandes améliorations aux voies navigables de la Flandre occidentale. Le canal qui conduit de Plasschendaele par Nieuport et Furnes vers la France notamment en reçut de considérables, mais on n'exécuta absolûment rien au canal maritime de Gand à Ostende, quoique la députation permanente du conseil provincial de la Flandre occidentale n'ait cessé pendant tout ce laps de temps de faire les démarches les plus actives pour qu'on continuât les travaux décrétés sous l'Empire. J'en parle avec connaissance de cause, puisque je faisais alors partie de la députation permanente du conseil provincial de la Flandre occidentale et qu'on m'avait confié le soin de poursuivre l'exécution de tous ces travaux. Durant cette longue période, j'ai été chargé spécialement de la surveillance de toutes les voies navigables de la Flandre occidentale. Or, je me rappelle qu'en 1824 une députation du conseil provincial, dont je faisais partie, se rendit à la Haye pour activer l'exécution de l'approfondissement du canal de Bruges à Gand ; sans la révolution de 1830, les travaux demandés aujourd'hui par les pétitionnaires eussent été exécutés depuis longtemps, mais cette révolution suspendit tout à coup leur exécution, et on ne les a plus repris depuis.

Aujourd'hui la nécessité se fait sentir plus que jamais de recourir aux plus grands moyens pour donner aux Flandres une communication sûre et facile avec la mer.

Mais, avant de vous entretenir des avantages que procurerait l'approfondissement du canal de Bruges à Gand, qu'on me permette de faire quelques réflexions sur tout notre système de voies navigables. Il est incontestable que ce système est extrêmement vicieux et qu'il est impossible maintenant de le rendre parfait. Ce qu'on aurait dû faire, c'eût été de laisser à toutes nos rivières qui sont aujourd'hui, comme vous le savez, toutes canalisées, leur libre cours ; on n'aurait pas dû, d'un autre côté, imposer à nos voies navigables l'obligation de recevoir les eaux surabondantes des terres livrées à l'agriculture, c'était là le vrai principe.

Jusqu'à présent cependant on ne s'est pas mis en devoir, en construisant de nouveaux canaux, d'en revenir aux véritables données ; c'est ainsi que pour le canal de Schipdonck, on a continué de suivre le système contraire qui consiste à faire double usage des cours d'eau ; il faut donc accepter les conséquences de ce système comme de faits accomplis, changer partiellement ce qui existe ; cela ne peut mener à aucun résultat, et quant à changer le tout il y aurait impossibilité complète, il faudrait pour cela des capitaux immenses ; enfin notre système de voies navigables est le résultat de fautes commises il y a plusieurs siècles et qui proviennent du défaut de moyens pécuniers suffisants qu'on éprouvait alors encore plus qu'aujourd'hui. Le canal de Bruges à Ostende se trouve dans la catégorie de travaux exécutés dans ce système défectueux. A cela il n'y a rien à changer, seulement on doit l'approfondir dans l'intérêt de la navigation et pour faciliter l'avacuation de Schipdonck dans la section entre Bruges et Gand et améliorer ainsi sensiblement son cours en lui donnant une pente vers la mer, ce qu'il n'a pas, car l'on sait qu'il a été construit en aval sans la pente qui lui est indispensable pour qu'il puisse répondre à l'utilité qu'on a voulu en retirer en le construisant.

Il serait superflu de vous entretenir plus longuement des autres avantages de l'approfondissement ; les explications que M. de Sermoise a ajoutées à son plan, démontrent suffisamment toute son utilité.

J'ajouterai seulement à ce que dit M. l'ingénieur que les crues d'eau ne sont pas aussi nuisibles à la navigation sur le canal de Gand à Ostende que le manque d'eau, l'abondance d'eau n'est d'ailleurs presque pas nuisible à la navigation par un motif tout naturel, c'est que la période de la crue des eaux arrive en hiver dans la saison où celle-ci est la moins active et que cette période n'a que peu de durée. S'il survient dans la bonne saison des débordements causés par des pluies d'orage, leur effet n'est guère sensible ou ne se fait sentir que pour quelques jours.

Ce qui, en réalité, est fatal à la navigation, c'est le manque d'eau durant toute la durée de la bonne saison, pendant environ neuf mois de l'année. Nous ne craignons donc pas l'abondance des eaux ; mais y aura-t-il surabondance d'eau provenant du canal de Schipdonck ? Evidemment non ; et c'est sur ce point, messieurs, que je veux appeler votre attention.

L'expérience fait assez comprendre à tout le monde que tous les travaux que l'on exécute et que l'on exécutera encore en vue d'empêcher les inondations de la Lys, comme de la Meuse et de l'Escaut et des autres rivières, ne pourront que difficilement prévenir les débordements causés par des circonstances extraordinaires. Aujourd'hui plus que jamais les moyens d'évacuer qu'on pourrait créer par la construction de canaux pour épargner ces inconvénients aux riverains, n'auront que peu de résultats, en présence de toutes les améliorations qu'on ne cesse d'exécuter partout en amont des rivières pour se débarrasser du trop plein des eaux. Il en sera ainsi du canal de Schipdonck qui est chargé de soulager la vallée de la Lys ; son effet sera très peu sensible pour prévenir les inondations de la vallée de la Lys aussi longtemps qu'on n'aura pas rectifié les sinuosités de cette rivière entre Deynze et Harlebeke, et il servira donc à évacuer moins d'eau qu'on ne le suppose ; mais quoiqu'il en soit du plus ou moins d'utililé de ce nouveau canal, il faut nécessairement mettre celui de Gand à Ostende en mesure de recevoir toutes les eaux de la Lys dont nous avons d'ailleurs un extrême besoin, car que manque-t-il à Ostende, si ce n'est des arrières-eaux pour tenir ouvert le chenal de son port ?

On sait que les écluses de chasse seules, quels que soient leur capacité et les effets qu'elles produisent, sont impuissantes pour approfondir à une certaine distance le chenal d'un port important. Il faut donc absolument amener à tout prix toutes les eaux de la Lys vers Ostende. (page 2078) Par des moyens efficaces qui du reste ne manquent pas, et non pas, comme on le propose, les diriger vers la mer de manière à n’en retirer aucune utilité. C’est dans ce sens qu’on pourrait faire une objection au plan de M. de Sermoise, puisqu’il veut qu’on dirige infructueusement une partie des eaux vers le Hazegras ; or, il paraît évident qu’on pourrait retirer un immense avantage des eaux du bassin de Gand en leur donnant un double usage.

Si je suis bien informé, M. l'ingénieur se propose de faire une modification à cette partie de son plan ; il a reconnu qu'il vaudrait mieux de ne pas évacuer les eaux surabondantes par le Hazegras, comme il l'a proposé d'abord, mais bien par Blankenberghe, en se servant du canal de l'Ecluse jusqu'au point de jonction de ce canal avec celui de Zelzaete (ce qui permettrait à ces canaux de s'entr'aider), et en construisant à partir de ce point une section de canal se dirigeant vers Blankenberghe.

Les avantages de ce projet seraient extrêmement nombreux ; d'abord il y aurait avantage pour la ville d'Ostende. En effet, ce qui importe beaucoup à son port, c'est qu'il puisse user sans aucune entrave de toutes les voies d'écoulement qu'il possède et dont aujourd'hui il ne peut se servir complètement, parce qu'il est obligé d'y recevoir les eaux des wateringues dont l'écoulement exige un temps que le revirement des marées ne permet pas d'employer et veut que les eaux soient très basses dans le port. L'écoulement des eaux des wateringues dans le port d'Ostende est incompatible avec une prompte évacuation par l'écluse de Slyckens, dont les eaux montent au-dessus du repère de l'évacuation de celles des wateringues ; il faut donc chercher à débarrasser le port d'Ostende de l'obligation de recevoir les eaux des wateringues du sud et du nord du canal de Bruges à Ostende.

Or, pour atteindre ce but, il serait nécessaire de perfectionner une partie du canal actuel de Blankenberghe, pour le rendre capable de recevoir les eaux, dont l'évacuation actuelle par Ostende est devenue d'ailleurs très précaire, depuis la construction de l'écluse militaire et des autres travaux de fortifications, et les administrations des wateringues font, avec raison, leurs réclamations contre la mauvaise position qui leur a été faite. Par les moyens que je viens d'indiquer, on amènerait toutes les eaux des wateringues vers la nouvelle écluse à construire à Blankenberghe. Quant à la dépense que nécessiterait ce travail spécial, elle serait très minime. On obtiendrait en résultat une évacuation sans entraves des grandes eaux, et à Ostende et à Blankenberghe. Ensuite Ostende pourrait se créer un nouveau grand bassin de commerce entre l'écluse militaire et celle de Slyckens, ce qui augmenterait l'importance de son port, et cela sans qu'elle dût faire aucune dépense. Ce ne sont pas là les seuls avantages qu'on obtiendrait, car on parviendrait à dessécher aussi les marais (les moeres) de Meetkerke qui sont d'une étendue de mille hectares d'excellentes terres, et on rendrait un service important aux wateringues dont les terres ne seraient plus exposées à des inondations, puisqu'on les débarrasserait de leurs eaux par des moyens d'écoulement assurés qui seraient à l'abri de toutes sortes d'entraves qui se présentent maintenant journellement ; elles le seraient également des inondations éventuelles auxquelles la défense de la place d'Ostende peut les exposer. Ce n'est pas tout, on doterait encore notre flotte de pêche de Blankenberghe d'un port de refuge qui lui est indispensable, dont le besoin a été reconnu par le gouvernement et qui est réclamé depuis si longtemps avec tant d'instances pour que les personnes de Blankenberghe puissent soutenir la concurrence avec ceux d'Ostende et de Nieuport. C'est, d'ailleurs, un acte de justice qu'on ne saurait refuser plus longtemps ; on serait d'autant plus mal fondé à refuser de diriger une partie des eaux vers Blankenberghe, ce qni permettrait d'y établir un port, que par là on obtiendrait une évacuation beaucoup préférable à celle qu'on voudrait établir par le Zwyn, dont l'envasement sera bientôt complet.

Je vais maintenant produire moi-même les objections qu'on pourrait nous faire et les combattre successivement. L'on pourrait nous dire : Soit, nous convenons que ce que vous demandez est raisonnable, juste, nécessaire ; nous convenons qu'il serait avantageux pour Bruges, Ostende, Blankenberghe, et pour toutes les communes du littoral, que les eaux de Schipdonck soient dirigées dans le canal de Bruges approfondi ; mais ne sera-t-il pas nécessaire d'un autre côté de construire le nouveau canal parallèle au canal de Zelzaele qu'a projeté M. l'ingénieur Wolters ? Car en raisonnant dans l'hypothèse que l'évacuation par le canal de Gand à Bruges devrait se borner aux seules eaux provenant du canal de Schipdonck, l'on pourra déjà vous demander si vous serez capables de recevoir ces eaux dans le canal de Gand à Bruges, et raisonnant dans l'hypothèse que ce canal devrait aussi recevoir une bonne partie des eaux de l'Escaut, on aura encore plus de raison de douter que le canal de Bruges à Gand, approfondi comme votre ingénieur le propose, soit suffisant pour assurer l'évacuation des eaux du bassin de Gand.

Je repondrai en peu de mots à ces objections. Je dirai d'abord que pour ce qui concerne les eaux de la Lys qui appartient pour ainsi dire a la Flandre occidentale seule dont nous revendiquons les eaux comme notre propriété, il ne peut exister aucun doute que les moyens d'évacuation indiques par l'ingénieur de la Fiandre occidentale ne soient suffisants, mais que, fût-il établi dès à présent qu'ils ne le sont pas, que le canal de Gand approfondi à quatre mètres soixante-six centimètres ne suffirait pas pour recevoir toutes les eaux de la Lys, l'on pourrait toujours, en provision d'une évacuation beaucoup plus grande, au lieu de construire, parallèlement au canal de Zelzaele, un nouveau canal uniquement destiné à l'évacuation des eaux et qui coûterait huit millions, donner de plus grandes dimensions au canal de Gand à Bruges, que n'en donne aujourd'hui M. de Sermoise ; d'un côté cela aurait l'avantage de coûter infiniment moins et, de l'autre, on rendrait du moins ainsi des services importants à une partie de notre province qui en serait privée par suite de la construction du canal de M. Wolters.

Mais, messieurs, je raisonne dans une éventualité qui ne se présentera, pas, car il est certain, indubitable, que le canal de Gand à Bruges, approfondi à quatre mètres suixante et dix centimètres, est tout à fait suffisant, très capable de recevoir les eaux que le canal de Schipdonck pourra fournir.

Quant aux voies d'évacuation entre Bruges et la mer se dirigeant vers Ostende et Blankenberghe, elles sont incontestablement plus que suffisantes, car le canal de l'Ecluse est d'une plus grande capacité que ne l'est la Lys même, et quant au canal de Bruges à Ostende, il est de beaucoup supérieur en capacité au canal précité, il est, en outre, de peu de longueur, et non seulement il a la même profondeur que celle qu'on propose de donner à celui de Gand à Bruges sur la plus grande partie de son parcours, mais encore à partir de Stalhille jusqu'à Slyckens, il se trouve qu'il a des dimensions d'un quart au moins supérieur ; c'est à la grande capacité de la section de ce canal qu'on peut attribuer cette étonnante rapidité avec laquelle les eaux s'évacuent pendant le court intervalle qui existe entre les revirements de la marée. Quant aux ouvrages d'art existant à Slyckens et à Ostende, leurs moyens d'écoulement sont immenses et ne laissent rien à désirer, et on pourrait encore augmenter infiniment leur utilité, en construisant des déversoirs dans les bassins des écluses de chasse ; ainsi, en exécutant le projet de M. de Sermoise, modifié, et en ne dépensant que trois millions et demi, on acquerra tous les avantages que je viens d'énumérer. On approfondira le canal de Gand à Bruges à telles dimensions qu'on jugera convenir pour recevoir toutes les eaux.

Tandis qu'en mettant à exécution celui de M. Wollers, on dépensera plus de huit millions, et on obtiendra seulement l'évacuation des eaux de Schipdonck, sans procurer aucun avantage à la province de la Flandre occidentale.

J'ai prouvé que les craintes qu'on manifeste, que le canal de Gand à Ostende ne serait pas capable, malgré l'approfondissement de la section entre Bruges et Gand, de recevoir toutes les eaux de la Lys, sont vaines. Pour ce qui concerne les eaux de l'Escaut, on peut répondre avec raison qu'il ne faut pas chercher à diriger les eaux de ce fleuve dans les canaux de la Flandre occidentale, car si, d'un côté, nous réclamons toutes les eaux de la Lys, d'un autre côté, nous refusons de recevoir les eaux surabondantes de l'Escaut.

Cependant si l'on nourrissait en secret le projet de diriger une partie des eaux de l'Escaut vers la Flandre occidentale et que ce fût là le motif de cette persistance inconcevable qu'on met à vouloir construire un grand nouveau canal à la mer. Je dois déclarer qu'on verrait reparaître avec ce projet un second acte de ce qui se passe ailleurs, bientôt les huit millions aujourd'hui regarder comme indispensables pour prolonger le canal nouveau de Schipdonck, seraient insuffisants et l'on finirait même par dépenser plus de vingt millions. A cet égard on ne peut nous faire aucune objection. Si l'on veut se débarrasser des eaux surabondantes de l'Escaut, que l'on opère la dérivation de ce fleuve en amont et en aval de la ville de Gand d'après des plans approuvés depuis bien longtemps et qu'on n'exécute pas on ne sait pour quel motif. Cette dérivation satisferait autant que cela est possible au but qu'on se proposerait d'atteindre celui de soulager le haut Escaut.

Je ne repousserai pas l'amendement de l'honorable M. Rolin si le million de francs qu'on propose d'allouer comme premier crédit étaient destinés à commencer un travail nouveau. Mais il s'agit ici d'un nouveau canal sur lequel la navigation est établie et s'il importe peu qu'un nouveau canal soit exécuté après une ou après plusieurs annéees, il est au contraire très important qu'on exécute promptement les travaux qui sont à faire à un ancien canal, s'il sert à la navigation et forme une voie de grande communication entre les diverses parties du pays. Le canal de Gand à Bruges se trouve dans ce cas, c'est la seule voie navigable qui existe entre le Hainaut et Dunkerque, entre le centre de notre pays et Ostende. Le nombre des navires qui le parcourent est considérable. L'agriculture y est aussi fortement intéressée à ce qu'on exécute promptement l'approfondissement, car plus de trois mille bateaux, uniquement chargés d'engrais, le parcourent annuellement. Il est de toute nécessité que les travaux se fassent sans interruption ; il importe donc de marcher vite, afin de mettre le moins d'obstacle et de temps possible à des communications aussi importantes que celles dont je viens de parler.

Si on n'accordait que la somme proposée d'un million de francs par an, il faudrait continuer les travaux pendant plusieurs années, l'on mettrait donc pendant tout cet espace de temps une interruption à la navigation et vous concevez, messieurs, que cela ne se peut pas.

Je ne puis me rallier à cet amendement. Je demande au gouvernement de porter à 1 million 750 mille francs la somme à dépenser immédiatement à l'approfondissement du canal de Bruges à Ostende.

M. Van Iseghem. - Comme je suis d'accord avec le gouvernement et que nous obtenons maintenant ce que nous désirons, l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, afin d'avoir la grande navigation maritime, je renonce comme les députes de Bruges et de Gand à la parole.

- La clôture est prononcée.

(page 2079) M. le président. - L'amendement de M. Rolin, sous-amendé par le gouvernement, prend la place du second paragraphe de la proposition de la section centrale.

- Un membre. - Il y a deux parties dans l'amendement.

M. Rolin. - J'ai proposé de diviser le n°4 en deux ; je me suis rallié à la proposition de M. le ministre, mais en maintenant la division.

- Les n°4 et 5, proposés par M. le ministre, sont mis aux voix et adoptés.

Article 7, paragraphe 6

« N°5, devenu le n° 6. Continuation des travaux destinés à améliorer l'écoulement des eaux de l'Escaut : fr. 1,500,000. »

Le gouvernement avait proposé 1,000,000 fr.

M. de Royer propose de porter le chiffre à 2 millions.

Le gouvernement se rallie au chiffre proposé par la section centrale.

M. Le Hon. - La section centrale, sur ma proposition, a voté une augmentation de 500 mille francs à ce crédit. Il a une double destination : la première est de faciliter l'écoulement des eaux de l'Escaut ; la seconde d'améliorer sa navigation. Je vous ai dit plus d'une fois à cette tribune qu'une cause récente avait aggravé la situation des communes riveraines du fleuve. De grands travaux de rectification et d'amélioration exécutés au haut Escaut, en France, ont surchargé la vallée d'un volume d'eau très considérable, qui y produit chaque année des inondations désastreuses.

Vous ayez eu à délibérer sur cette question à l'occasion d'un fait véritablement étrange pour un pays civilisé, qui n'a pas à se défendre, en cet endroit, contre les flots de la mer. Le gouvernement s'est vu forcé d'endiguer la commune de Laplaigne, contiguë à la frontière française, pour la mettre à l'abri de l'invasion des eaux que la France déversait sur nous. Or, je le demande, en présence des progrès de l'art et de la science, appliqués aux travaux hydrauliques, sommes-nous réduits à endiguer, comme des polders, nos communes de l'intérieur, pour qu'elles ne soient pas constamment inondées ? Cette situation déplorable avait appelé la sollicitude du gouvernement, dès 1835.

Mais le conseil des ponts et chaussées a pensé alors qu'avant de travailler directement à l'écoulement des eaux du haut Escaut, il fallait, par la dérivation des eaux de la Lys en aval de Gand, opérer un vide qui favorisât le passage des eaux arrivant en amont. C'est conformément à cet avis, que fut décrété, en 1846, le canal de Deynze à Schipdonck, aujourd'hui très avancé. Le moment est venu de s'occuper activement du haut Escaut. Depuis 15 ans, malgré le fléau périodique d'inondations vraiment calamiteuses, on n'a affecté à l'amélioration de ce fleuve, depuis la frontière jusqu'à Gand, que des sommes à peine suffisantes pour son entretien ; en moyenne, 25 mille francs par an.

En 1846, il est vrai, vous avez voté un crédit extraordinaire de 300,000 fr. ; mais il a été employé avec une prudence que je puis appeler excessive ; car il n'est pas encore épuisé. Un ingénieur distingué avait proposé, il y a quinze ans, un plan de travaux successifs qui consistaient à ouvrir des canaux auxiliaires, à former des endiguements, à redresser des courbes, à dévaser et approfondir le lit et à faire quelques coupures, notamment à Swynaerde. Un administrateur éclairé m'a exprimé l'opinion que deux campagnes et un crédit de 1,500,000 fr. suffiraient pour exécuter ceux de ces travaux dont l'utilité serait reconnue tant au point de vue général de l'écoulement des eaux que sous le rapport des autres intérêts des populations riveraines.

Pour terminer en peu de mots ce qui concerne cette première destination du crédit, je dirai qu'un puissant motif d'humanité, qu'une raison essentielle de salubrité publique vous convie à voter la somme nécessaire pour prévenir les inondations dont l'influence pestilentielle ne peut être comprise que par ceux qui ont parcouru cette partie du Hainaut ; on voit des communes dont les bas-fonds ont un niveau inférieur à celui du lit de l'Escaut, de telle sorte qu'elles sont entourées de marécages qui entretiennent des maladies endémiques et ont inoculé à certaines populations le principe des affections scrofuleuses.

Et qu'on ne dise pas que c'est là une affaire de localité ; c'est bien le trésor public qui doit pourvoir à des dépenses de cette nature, parce qu'il constitue le fonds commun destiné à subvenir à des besoins aussi impérieux de salubrité générale.

La deuxième destination du crédit, c'est l'amélioration de la navigation du fleuve. Je touche ici à un intérêt parallèle à celui des communes riveraines de l'Escaut, à l'intérêt industriel et commercial du Couchant de Mons.

Les houilles du bassin de Mons ont constamment emprunté le cours de l'Escaut pour arriver à Gand et à Anvers ; depuis que le canal de Charleroy est terminé, c'est-à-dire depuis 1831, les rapports respectifs des bassins de Charleroy et de Mons ont été modifiés, sur le marché d'Anvers ; il était donc juste de procéder dans le haut Escaut, surtout entre Tournay et Gand, à des travaux qui améliorassent progressivement la navigation, c'est à-dire, qui la rendissent plus régulière, plus facile, plus économique.

La divergence des opinions sur le choix des mesures à prendre en ce qui concerne l'écoulement des eaux a retardé l'exécution de celles qui devaient être favorables au batelage.

Et c'est cela que je regrette ; parce que les entraves apportées nu débouché principal du bassin de Mons ne peuvent que nuire à l'activité de la navigation sur l'Escaut.

L'administratiin est disposée aujourd'hui à entreprendre et à poursuivre cette partie des améliorations fluviales. Une écluse est achevée, à Autryre ; une seconde est en cours d'exécution à Warcoing ; d'autres, indiquées par les besoins de ce service, doivent être étudiées et résolues dans l'esprit de la loi de 1846.

Si, au moyen des travaux proposés, la navigation ne présentait pas au Couchant de Mons des conditions économiques de transport suffisantes pour le placer, à Anvers, dans une situation relativement égale à celle des autres bassins, il serait indispensable d'aborder un système d'amélioration plus efficace. Il faudrait, de toute nécessité, excéuter de Swynaerde à Melle, non plus une simple coupure pour l'écoulement direct des eaux dans le bas Escaut, mais un canal de navigation, et ici, j'en dois faire l'aveu à nos honorables collègues de la Flandre orientale, le passage forcé des bateaux par la ville de Gand rencontre, en ce point, des entraves intolérables qui détruisent la liberté de la circulation et du batelage, au grand dommage du commerce.

Indépendamment d'un détour par la Lys, il faut, dans cette ville, traverser dix ponts, acquitter autant de péages onéreux, subir les usages, les exigences arbitraires des corporations de pilotes et de francs bateliers, essuyer une perte de temps considérable et par les formalités de l'octroi et par l'encombrement des bateaux, et tout cela, pour rétrograder, après de longs circuits dans la ville, et reprendre à Melle le cours du bas Escaut qui serait singulièrement abrégé s'il existait un canal, en amont de Gand, de Melle à Swynaerde.

M. Dedecker. - Il y en a un à l'entrée de la ville.

M. Le Hon. - Il y a une coupure d'un point de l'Escaut à l'autre, mais rien de plus, je pense.

M. Dedecker. - Avant d'entrer en ville, il y a un canal de dérivation.

M. Le Hon. - Je parle, moi, d'un canal de navigation, et celui-là n'existe pas encore. Il raccourcirait la distance à parcourir d'au moins sept à huit kilomètres, près de deux lieues, ce qui équivaudrait à quinze kilomètres, en combinant la perte de temps avec le raccourcissement gagné sur le parcours.

La limite fixée au capital de l'emprunt ne me permet pas de faire, quant à présent, une proposition formelle pour la construction du canal de Swynaerde, quoique d'honorables membres pensent que ce soit le moment de demander tout ce qu'il est possible d'espérer de la législature, comme si la Belgique, après le vote de cette loi, allait s'épuiser pour longtemps dans un suprême effort.

Je n'ai, moi, ni cette idée du présent, ni cette défiance de l'avenir ; je pense qu'il était d'une bonne administration et d'une politique intelligente de concevoir un grand ensemble de travaux publics dans lequel une place importante était assignée aux voies de navigation trop négligées peut être depuis qu'on s'est tant préoccupé des chemins de fer.

La prospérité du pays ne peut que s'accroître par l'amélioration simultanée de ces deux systèmes de communication ; car l'expérience de l'Angleterre nous apprend que le canal peut conserver toute son utilité à côté des voies ferrées. Nous nous occupons en ce moment de choses qui intéressent au plus haut degré toutes les classes de nos populations ; nous fécondons les sources de notre prospérité matérielle, et quand je vois d'honorables membres s'étonner que, au mois d'août, le parlement belge soit encore réuni en session, regretter que nous ayons à voter aujourd'hui d'importantes propositions de travaux publics, je les invite à passer la frontière, et à s'y informer comment l'étranger juge le spectacle que la Belgique offre en ce moment à l'Europe.

Alors que toutes les tribunes sont fermées, la nôtre, ouverte encore après de longs et utiles travaux, retentit seule non de vains débats sur des théories politiques, mais de la discussion sérieuse, approfondie, des mesures les plus fécondes dans l'ordre des intérêts matériels ; la nôtre agite les questions en rapport avec le bien-être de toutes les classes.

Je ne suis pas de l'avis d'un honorable membre, qui ne voit que ruine pour le trésor dans les projets de dépense que nous sanctionnons. A mon sens, et j'en appelle avec confiance à un prochain avenir, nous ouvrons à l'Etat de nouvelles sources de revenus en multipliant les éléments de la richesse publique.

Le trésor public, je ne saurais trop le redire, est le fonds commun destiné à couvrir les dépenses d'intérêt général qui ne sont ni à la portée, ni dans la mission de l'industrie privée ; et les dépenses de sûreté, de salubrité et de prospérité sociale ne sont-elles pas de cette nature, quand elles n'offrent point aux capitaux particuliers l'appât d'un produit direct et immédiat ? N'est-ce pas à l'Etat qu'il appartient de les faire ou de les encourager ; puisque l'Etat, c'est non un ensemble d'individualités, mais l'être moral de la société tout entière.

J'ai dit que le crédit de 1,500,000 francs était nécessaire à deux titres pour délivrer trente lieues de contrées fertiles et populeuses du fléau des inondations et pour conserver à une voie fluviale l'activité de sa navigation et de son commerce.

Et ici vient se placer une dernière observation que je recommande à l’attention de la chambre.

Je suis d'avis, avec un ingénieur fort distingué, M. Vifquain, qu'entre le canal de Charleroy, à l'est, et l'Escaut, à l'ouest, l'Etat ne doit pas créer de grande navigation directe sur Anvers aussi longtemps qu'on n'aura pas reconnu et démontré l'impossibilité d'assurer au fleuve dont (page 2080) la Providence nous a dotés des conditions économiques de transport, satisfaisantes pour les produits qui le parcourent. C'est vous dire assez qu'il faudra, avant tout, épuiser tous les moyens de raccourcir les distances, de diminuer les frais, et d'économiser le temps.

Pour répondre en finissant à une question qui m'est adressée par un honorable député de Gand, je dirai que je ne propose pas l'affectation spéciale du crédit à la construction d'un canal de navigation entre Molle et Swynaerde, mais que cet ouvrage est au nombre des améliorations importantes auxquelles le crédit peut être appliqué dès que l'affaire sera complètement instruite.

M. Delehaye. - L'honorable membre qui le premier a pris la parole sur cet article a divisé son discours en deux parties bien distinctes. Dans la première, il a fait connaître la nécessité de faciliter l'écoulement des eaux par la voie de l'Escaut. Tout ce que l'honorable membre a dit à cet égard est confirmé par l'expérience. Je ne puis à cet égard que me rallier à son opinion.

Mais un honorable député de Roulers qui avait parlé avant lui, lorsqu'il s'est agi du canal de Schipdonck, a émis une opinion que je ne puis pas laisser sans réponse.

L'honorable membre est revenu de nouveau sur le même objet ; d'après lui, c'est une grande hérésie que d'avoir demandé le creusement du canal de Schipdonck pour débarrasser l'Escaut des inondations qui périodiquement viennent affliger l'agriculture. Malgré tout ce que l'honorable membre a dit à cet égard, je persiste à croire qu'il n'y a pas de travail plus utile pour faciliter l'écoulement des eaux de l'Escaut que le canal de Schipdonck.

Messieurs, je m'étonne que l'honorable membre qui a donné tant de preuves d'une sagacité parfaite, ait voulu à cet égard invoquer l'exemple de la Meuse et de la Lys. Si la Meuse venait se joindre à l'Escaut, si elle y avait un confluent comme la Lys, je dirais que le canal de Schipdonck serait utile à l'écoulement des eaux de la Meuse. Mais c'est parce qu'il n'y a pas de confluent de la Meuse dans l'Escaut, et qu'il y a un confluent de la Lys dans l'Escaut que le canal de Schipdonck est utile pour l'écoulement des eaux de l'Escaut, précisément parce qu'il détourne les eaux de la Lys du bassin de Gand.

Messieurs, pour vous en convaincre, permettez-moi une comparaison un peu triviale mais très juste.

Gand est un bassin qui reçoit les eaux par deux robinets, par l'Escaut et par la Lys, mais elle n'a qu'un seul robinet d'une capacité égale pour se débarrasser de ses eaux. Or, si au lieu de verser à Gand les eaux de la Lys et de l'Escaut, vous n'y laissiez plus arriver que les eaux de l'Escaut seul, n'est-il pas évident que le canal, qui reçoit aujourd'hui les eaux des deux affluents, absorbera beaucoup plus facilement les eaux de l'Escaut seul ?

Cette seule considération aurait dû suffire pour convaincre l'honorable M. Dumortier que le travail qu'il s'agit d'exécuter répondra à sa destination.

L'honorable membre, à l'appui de son opinion, vous a indiqué la cause des inondations ; il l'a attribuée à la masse d'eau considérable qui vient affluer à Gand. Eh bien, si cette masse d'eau est la cause des inondations qui affligent les rives de l'Escaut et de la Lys, il est évident que la réduction de ce volume d'eau venant diminuer celles qui viennent par la Lys, le bas Escaut pourra absorber plus facilement les eaux du haut Escaut.

J'en reviens à l'honorable membre qui a parlé avant moi.

Cet honorable membre vous a dit que dans la ville de Gand existaient des entraves très grandes pour la navigation. Il a exprimé à cet égard une opinion que tous à Gand nous exprimons depuis plus de vingt ans. Il existe à Gand des entraves considérables pour la navigation, et ces entraves imposent à celle-ci des charges considérables ; elles consistent dans le passage des ponts.

Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que nos protestations sont demeurées sans succès. La cause de ces dépenses n'est pas notre fait, c'est celui du gouvernement. Nous demandons que le gouvernement remédie aux dangers qui en résultent. En effet, il est impossible qu'un navire passe certains ponts à vide, sans être lesté ; il faut remplir la cale à moitié d'eau ; on doit le lester à tel point qu'il faut souvent plusieurs heures de travail pour qu'un navire puisse passer les ponts. Or ces ponts appartiennent au gouvernement, c'est à lui à remédier au mal.

C'est que je dis ici est connu de M. le ministre des travaux publics et de tout le monde à Gand. C'est là une des charges les plus considérables qui pèsent sur la navigation. Faites disparaître ces charges et nous serons les premiers à y applaudir ; car c'est nous qui subissons les premiers les conséquences de cet état de choses.

Je voudrais que M. le ministre nous expliquât ses intentions à l'égard de l'emploi de la somme mise à sa disposition, je suis convaincu que rien ne sera plus utile à la navigation que ce que l'on fera pour remédier à cet état de choses, je suis persuadé que dans la pensée de M. le ministre des travaux publics, ce travail sera un des premiers qui devront être exécutés sur l'Escaut.

Aussi, messieurs, approuvons-nous l'augmentation proposée par la section centrale. Si l'on me dit que deux millions sont nécessaires, j'appuierai les deux millions. Mais qu'on y prenne garde, il ne peut être question ici de l'exécution du canal de Swynaerde à Melle.

Messieurs, mes honorables amis de la députation de Gand ont donné leur assentiment à l'exécution du canal de Bossuyt, et cependant nous ne nous sommes pas dissimulé la perte qui résulterait pour Gand de la construction de ce canal.

Mais nous savons applaudir aux efforts du gouvernement lorsqu'il vient vous proposer des mesures qui doivent procurer la houille à un prix réduit aux habitants qui en ont besoin. La chambre verra que nous savons imposer silence à nos désirs quand l'intérêt général le réclame.

Aussi si le canal qu'a indiqué l'honorable M. Le Hon ne devait pas avoir des inconvénients très graves que je vais signaler, nous en approuverions l'exécution. Mais pourquoi ne voulons-nous pas de ce canal ? Ce n'est pas dans notre intérêt à nous, Gantois ; sous ce rapport, nous considérons l'intérêt de toute la province comme nous l'avons toujours fait. Or savez-vous quelles seraient les conséquences, de la construction du canal de Swynaerde ? C'est que les inondations qui ont eu lieu aujourd'hui en amont de Gand viendraient se placer en aval ; et nous ne voulons pas qu'un travail fait avec les deniers publics ait pour conséquence, non de remédier à un mal, mais de le déplacer. Et ne croyez pas, messieurs, que ce soit là une opinion isolée. Ainsi que l'a fait observer l'honorable M. Dedecker, en interrompant l'honorable M. Le Hon, il existe, en effet, à Gand des canaux qui dirigent les eaux du haut Escaut vers le bas Escaut sans passer par la ville.

Il fut un temps où l'on proposait d'agrandir l'une de ces voies d'écoulement. Mais qu'a-t-il fallu faire ? Il a fallu en diminuer les dimensions précisément pour remédier aux inondations que je viens d'indiquer. A la porte de Saint-Liévin, à Gand, il existe un moyen puissant d'écoulement ; on pourrait peut-être élargir ce débouché ; on s'arrête devant le danger inévitable des inondations.

Il suffirait de fournir aux eaux un passage de quelques mètres de plus pour que toutes les communes en aval de Gand soient inondées.

Que le gouvernement le sache bien ; et remarquez, messieurs, que nous, qui sommes sur les lieux, nous parlons ici avec la plus entière conviction. J'exprime l'opinion de tous mes commettants, et je suis convaincu qu'il n'y a pas un seul habitant de la ville de Gand qui n'applaudisse de tout cœur aux travaux qui se font dans l'intérêt général.

Aussi lorsque nous avons donné notre appui à la proposition du creusement du canal de Bruges, nous n'avons consulté que l'intérêt général, qu'on ne se le dissimule pas, car nous n'y avions aucun intérêt, lorsque nous avons donné notre approbation à la construction du canal de Bossuyt, nous n'ignorions pas qu'il en résulterait une perte pour nous. Cependant nous avons voté ces travaux, parce que nous avons cru qu'ils étaient dans l'intérêt de nombreuses populations. Mais en est-il encore de même du travail que l'on nous indique ? Evidemment non. Aussi, soyez persuadés que s'il s'agissait d'exécuter le canal de Swynaerde, une grande partie des populations en aval de Gand viendra protester contre de pareils travaux.

Messieurs, ne croyez pas que l'intérêt de localité nous écarte jamais de cette pensée généreuse qui doit présider à l'intérêt général ; et dans l'espèce, le canal de Swynaerde ne devrait jamais nous affecter au point de vue de l'intérêt de clocher. Savez-vous, messieurs, ce que toute la navigation sur la Lys et l'Escaut rapporte à la ville ? La faible somme de 1,500 fr.

Après avoir examiné de plus haut le bien-être de populations nombreuses au profit desquelles nous avons imposé silence à nos intérêts privés, croyez-vous qu'une faible somme de 1,500 fr. perçus au profit de la caisse communale, puisse nous engager à nous opposer au canal de Swynaerde ? Non, messieurs ; nous sommes mus par cette seule considération que, sans rien faire pour la navigation, ce canal ne ferait que déplacer les inondations.

Messieurs, je finis ici sans même invoquer la mémoire de l'empereur si souvent invoquée par M. Dumortier. Si Charles-Quint n'a pas creusé le canal de Swynaerde, ce n'était pas par affection pour les Gantois, qu'il n'aimait guère, mais parce qu'il pensait comme nous pensons encore et comme l'a dit l'honorable comte Le Hon. Quand il s'agit de doter le pays d'une infinité de travaux, il faut que ces travaux aient pour conséquence une utilité incontestable, et non une perte inévitable.

Eh bien, la question étant envisagée sous ce rapport, si le gouvernement pense que 2 millions sont nécessaires pour améliorer le cours de l'Escaut, non seulement sous le rapport des inondations, mais aussi sous le rapport de la navigation, je donnerais mon assentiment à l'allocation de cette somme ; mais que le gouvernement soit bien convaincu que l'exécution du canal qui a été indiqué par un honorable membre, ne pourrait avoir que des conséquences fâcheuses, contre lesquelles je dois protester.

M. Dumortier. - Messieurs, la question soulevée en ce moment par le gouvernement et la section centrale est d'une extrême gravité pour toute la vallée du haut Escaut, que des travaux inconsidérés peuvent ruiner à jamais. Le gouvernement a proposé une dépense d'un million ; la section centrale propose de porter cette somme à un million et demi ; quant à moi, messieurs, je ne crois pas que, dans cette question le chiffre soit quelque chose ; le chiffre est très indifférent, dangereux peut-être ; la question véritable, celle qui domine tout, est l'emploi du crédit ; et c'est de quoi je veux parler. Je regrette vivement que les honorables députés d'Audenarde, qui connaissent, eux, parfaitement la question du haut Escaut, ne soient point présents à cette séance ; je le regrette d'autant plus qu'ils appartiennent à la majorité et que par conséquent leurs paroles seraient beaucoup mieux appréciées par vous que les miennes.

(page 2081) Permettez-moi, cependantn messieurs, de dire quelques mots de cette grave et importante question. (Interruption.) M. le président, je crois pouvoir dire, comme l'honorable M. Le Hon que je continuerai quand on aura fait silence.

M. le président. - Veuillez ne pas interrompre l'orateur.

M. Dumortier. - Vous le savez, messieurs, les inondations périodiques du haut Escaut sont la plus grande calamité de la Belgique. Cette année encore, le préjudice causé par les inondations du mois de mai dernier sur 25 lieues de parcours s'élève à plusieurs millions de francs et presque chaque année nous avons de pareils malheurs à déplorer. Cela provient des facilités d'écoulement qui ont été accordées à la France.

Les eaux qui arrivent en immense quantité à Tournay s'écoulent de la ville ; mais elles ne s'écoulent pas à travers la ville de Gand avec une aussi grande rapidité qu'à travers celle de Tournay. Il en résulte qu'elles débordent sur toutes les prairies de la vallée et que sur une largeur d'un quart de lieue ou d'une demi-lieue et sur un parcours de 25 lieues, vous avez une vaste mer et des dégâts incommensurables.

L'Escaut est entouré de prairies d'une excessive fertilité. Les eaux de ce fleuve charrient un limon fécondant qui est nécessaire, indispensable à ces prairies ; l'Escaut est à la vallée qu'il traverse ce que le Nil esl à l'Egypte.

Si les inondations d'hiver ne sont pas considérables, la récolte des prairies est faible ; si au contraire ces inondations sont fortes, la récolte des prairies est à son tour considérable. Mais il faut aussi que ces inondations ne dépassent pas le temps de la pousse des herbes, car lorsqu'une fois les herbes sont poussées si l'inondation continue, c'en est fait de la récolte ; tout est perdu. Il y a donc ici deux choses qui sont excessivement importantes : la première, c'est de ne pas arriver à ce résultat que les inondations d'hiver n'aient plus lieu ; ce serait l'absence de fertilisation pour toute la vallée de l'Escaut et la perte des prairies ; la seconde, c'est de faire cesser les inondations d'été qui sont la ruine des prairies des bords de l'Escaut.

Pour porter remède au mal si grave qui afflige cette magnifique vallée, plusieurs systèmes ont été proposés et déjà il y a une douzaine d'années, un de nos ingénieurs, M. Vifquain, auquel on vient de faire allusion, avait présenté tout un système tendant à servir les intérêts de la navigation et non les intérêts de l'agriculture. Je dois le dire, messieurs, ce système a soulevé les plus vives réclamations dans toute la vallée de l'Escaut, et cependant je crois que c'est précisément celui dans lequel va entrer le gouvernement. En quoi consistait le système de M. Vifquain ? Etablir dans l'Escaut des coupures ; redresser le fleuve en beaucoup d'endroits, établir ça et là des barrages.

Eh bien, messieurs, le premier résultat, le résultat inévitable de ce système c'était de rendre stériles toutes les prairies des crêtes de l'Escaut, précisément les plus fertiles, les plus fructueuses et les plus chères. Au moyen des coupures, en opérant des redressements dans l'Escaut, on rendra l'écoulement beaucoup plus rapide, et dès lors il y aura plus d'inondations d'hiver sur les crêtes, ce qui aura pour résultat fatal de faire de ces prairies qui valent aujourd'hui 6, 8 et 10 mille francs l'hectare, d'en faire de mauvaises terres arables qui ne vaudront pas mille francs ou quinze cents francs l'hectare. Ceci vous explique, messieurs, pourquoi dans toute la vallée de l'Escaut, à Tournay, à Audenarde, à Gand même, il y a eu les plus vives réclamations contre le système de M. Vifquain.

Maintenant, messieurs, si j'examine l'exposé des motifs du gouvernement et le rapport de la section centrale, je vois que c'est le même système qu'on veut réaliser. Que dit en effet le gouvernement dans l'exposé des motifs ? Le gouvernement dit :

« Il serait utile et désirable que d'autres barrages fussent encore établis entre Tournay et Audenarde. »

Et plus loin il parle de pratiquer des coupures, de former des endiguements pour la prompte évacuation des eaux.

Vous le voyez donc, messieurs, c'est toujours le même système, celui des barrages et des coupures, système que toute la vallée de l'Escaut a repoussé d'une voix unanime lorsqu'il fut présenté et qui a été envisagé, avec raison, comme la plus grande calamité qui pût jamais affliger ces localités. (Interruption.) Ce n'est point une erreur ; c'est la vérité. Je regrette que M. le ministre des travaux publics dise que c'est une erreur : il n'est pas bien informé des faits.

Voici, messieurs, ce que vous dit, de son côté, la section centrale.

« Un membre croit devoir insister sur l'augmentation du crédit. Il résulte des informations qu'il a prises que pour faire tous les travaux d'art, opérer les déversements, redresser les principales courbes, il faudrait porter la somme à 1,500,000 francs. »

Ainsi le système proposé par le gouvernement et appuyé par la section centrale, c'est le redressement du fleuve, et l'établissement d'écluses, en d'autres termes c'est la canalisation de l'Escaut. Eh bien, cette canalisation au moyen du redressement du fleuve, au moyen d'écluses, encore une fois c'est une des plus grandes calamités qui puisse peser sur toute la vallée de l'Escaut. C'est le système qui a été combattu avec la plus grande énergie par mes honorables amis, MM. Dubus et Doignon, alors députés de Tournay ; par les honorables MM. Liedts et Thienpont, députés d'Audenarde, par tous les membres de la chambre qui avaient une connaissance parfaite de cette partie du pays, par M. du Ponthois, ancien ingénieur et par tout le pays ; c'est le système que je combats encore de toutes mes forces.

Je dis, messieurs, que le bon emploi du crédit qu'on nous demande peut rendre les plus grands services à la vallée de l'Escaut, mais que s'il est mal employé il attirera les plus grands désastres sur cette partie du pays.

Les plus grandes valeurs de la vallée de l'Escaut, ce sont les prairies qui bordent le fleuve et surtout les prairies des crêtes de l'Escaut sur un parcours de 25 lieues ; eh bien, au moyen de ces redressements, de ces coupures, toutes ces magnifiques prairies qui ont aujourd'hui une valeur immense, deviendront de mauvaises terres arables, des terres dans lesquelles on ne pourra pas même avoir des céréales ; et l'on aura perdu ces magnifiques récoltes de fourrages qui forment la richesse de toute la contrée et sont une nécessité pour l'agriculture des environs.

Messieurs, le système des écluses multipliées est aussi plein de dangers. En effet, au point de vue du régime des fleuves, rien n'est plus difficile que de toucher au cours d'un fleuve limoneux, ; vous pouvez toucher, dans certaines limites, à un fleuve à eaux limpides ; mais quand le système des écluses est pratiqué sur un fleuve limoneux, quel en est le résultat inévitable ? C'est de bouleverser le lit du fleuve. Aussi longtemps qu'un fleuve limoneux charrie ses eaux, il charrie en même temps son limon ; mais quand il y a un obstacle au cours des eaux, le limon se dépose, le lit du fleuve se relève. En Italie, vous avez des fleuves dont le lit, par suite d'obstacles de ce genre, est au-dessus du niveau des prairies avoisinantes.

Ouvrez les ouvrages des géologues, de tous les grands écrivains qui ont traité cette matière, et vous verrez que tous sont unanimes pour dire qu'il n'y a rien de plus dangereux que de toucher au régime des fleuves limoneux ; et que, si l’on y touche, on arrive inévitablement à ce résultat, de relever le lit du fleuve et de transformer, par conséquent, les prairies en marais au bout d'un certain nombre d'années. En effet, le jour où le limon que charrie un fleuve trouve un obstacle au cours des eaux, ce limon s'arrête, il se dépose, et le lit du fleuve se relève d'année en année.

Ainsi, à Tournay, depuis les travaux faits sous Louis XIV, le lit de l'Escaut s'était tellement relevé qu'il fallut dépenser des sommes considérables pour en opérer le dévassement, et que toutes les rues de la basse ville ont elles-mêmes dû être relevées ; et pourquoi ? Parce que LouisXlV voulait faire de l'Escaut, dans Tournay, un bassin, et que, par là, le lit du fleuve s'était considérablement relevé par le dépôt du limon.

C'est la conséquence inévitable de la loi naturelle : aussi longtemps qu'un fleuve limoneux ne trouve pas d'obstacle à l'écoulement de ses eaux, son limon ne se dépose pas, il est entraîné ; mais avec des barrages, le limon se dépose, et chaque année le lit du fleuve s'élève davantage, et finit par dépasser le niveau des prairies environnantes. L'exécution du système des barrages présente donc de très grands dangers.

Il est dans le système du gouvernement un autre danger, et ici je suis très heureux de pouvoir défendre mes honorables collègues de Gand que j'ai dû combattre tout à l'heure ; c'est qu'au moyen de la coupure, vous rendrez la pente plus sensible et vous ferez affluer les eaux dans la ville de Gand avec une rapidité infinie, de manière à transporter à Gand les inondations qui en ce moment affligent le haut Escaut.

Ainsi, ce système doit produire ce double résultat, d'abord, de ruiner la ville de Gand, en transportant de Tournay à Gand les inondations, et ensuite, chez nous, d'ôter absolument à nos prairies toute la valeur qu'elles ont aujourd'hui, d'en faire de mauvaises terres, dans lesquelles on ne pourra plus même avoir des céréales.

Messieurs, l'emploi des fonds est donc ce qui domine la question. Il ne s'agit pas tant de savoir s'il faut allouer 1 million, 1,500,000 fr., ou 2 millions ; il importe surtout de s'enquérir de l'emploi qu'on veut faire des fonds ; car les sommes qui dépassent les dépenses utiles ne peuvent servir qu'à faire des dépenses dangereuses.

C'est précisément pour cela que, il y a quelques années, nous avons fait introduire dans une loi une disposition qui ne permet pas au gouvernement d'établir de nouvelles écluses sur l'Escaut, sans avoir pris l'avis des administrations communales : on avait compris qu'au moyen de ce système, on pouvait d'un côté ruiner complètement nos prairies et, d'un autre côté, inonder la ville de Gand.

Je viens de montrer les dangers du système de canalisation de l'Escaut au moyen des coupures et des barrages, système dans lequel le gouvernement et la section centrale paraisseut vouloir entrer ; mais il est temps de porter remède au grand mal qui afflige la contrée, il est impossible qu'un pareil état de choses continue. Comment ! la vallée la plus riche et la plus productive du pays est presque chaque année inondée, et ses immenses richesses sont perdues ; on perd tous les ans pour des millions de valeur ; et quand l'automne arrive, des maladies pestilentielles, des fièvres typhoïdes viennent affliger la contrée ; et l'on ne prendrait pas de remède !

Quel est le remède ? Gand dit : « Dérivez les eaux de la Lys. » Déjà la ville de Tournay a répondu à cette assertion : « Il serait dérisoire, dit le conseil communal, de prétendre ce système favorable aux riverains du haut Escaut. »

Moi, je dis que puisque c'est l'Escaut qui est malade, c'est l'Escaut qu'il faut guérir, et non la Lys.

Et permettez-moi, messieurs, de dire ici un mot sur lequel j'appelle toute votre attention, car le fait de la navigation vous expliquera l'écoulement des eaux.

Croiriez-vous, messieurs, qu'un bateau qui vient d'Audenarde pour se rendre à Termonde, qui vient du haut Escaut pour le bas Escaut, ne peut pas se rendre directement du haut Escaut dans le bas Escaut, en (page 2082) suivant le cours de la rivière ? Croiriez-vous qu'un bateau qui vient du haut Escaut pour se rendre dans le bas Escaut, doit faire le tour de la Lys dans la ville de Gand, doit faire la procession parmi la ville de Gand ?

Voilà où est le mal ! (Interruption.)

Oui, c'est à Gand qu'est le mal ; on a fait à Gand des barrages ; onze usines ont été établies sur divers bras de la rivière, dans cette ville, et par là le cours de l'Escaut se trouve interrompu à Gand. Car si les bateaux ne peuvent pas se rendre directement du haut Escaut dans le bas Escaut, sans emprunter la Lys, jugez les entraves que les eaux doivent rencontrer.

Je le répète, le grand mal à l'écoulement des eaux du haut Escaut et à la navigation, est dans la ville de Gand. Aussi longtemps que la région inférieure de l'Escaut ne voudra pas recevoir les eaux de la région supérieure ; aussi longtemps qu'il y aura à Gand un obstacle à l'écoulement des eaux de l'Escaut supérieur vers l'Escaut inférieur, vous aurez inévitablement des inondations permanentes dans le haut Escaut.

Si la ville de Gand résiste plus longtemps, si elle ne veut pas consentir a ce qui est juste, si elle se refuse à laisser écouler les eaux du haut Escaut par son territoire, de manière à supprimer les inondations, il se formera infailliblement une coalition d'intérêts, et cette coalition sera cette fois parfaitement légitime : vous verrez Audenarde et Mons s'entendre avec Tournay pour demander qu'on crée une issue qui laisse en dehors de la ville de Gand les bateaux venant du haut Escaut, qui doivent se rendre dans le bas Escaut ; qui permette aux eaux du haut Escaut de s'écouler dans le bas Escaut, car là où les bateaux passeront les eaux auront leurs cours.

Messieurs, vous avez tous reçu une pétition de la ville de Tournay ; vous avez pu voir annexé à cette pétition le tableau des frais que paye chaque bateau pour traverser la ville de Gand. Ce payement est de 67 fr. 86 c. par bateau avec remonte à vide. Voilà une des surtaxes les plus fortes qui puissent exister sur la navigation du bassin de Mons vers le bas Escaut ; c'est là ce qu'il faut chercher à abolir.

Il est impossible que dans le XIXème siècle, à l'époque où nous vivons, un pays tout entier paye une véritable rançon pour traverser une de nos villes.

Messieurs, il existe deux moyens très simples, pour porter remède à cet état de choses : le premier moyen, c'est le canal de Zwynaerde à Melle ; le second, c'est celui qui a été indiqué par l'honorable M. Delelaye : il consiste à rendre navigable le bras oriental de l'Escaut, celui des anciennes fortifications, que vous trouvez sur la carte annexée à la pétition de la ville de Tournay.

Je regrette que chacun de vous n'ait pas sous les yeux la pétition de la ville de Tournay et la carte qui y était annexée. Si, en rentrant chez vous, vous prenez la peine de jeter les yeux sur cette carte, vous verrez combien est vraie mon affirmation. Examinons l'état des eaux dans la ville de Gand.

Il existait autrefois dans cette ville une série d'îles formées par le confluent de l'Escaut et de la Lys. La Lys, anciennement, formait deux bras, l'Escaut en avait également deux. Quant aux bras de l'Escaut, le croiriez-vous, l'un, le vieil Escaut, n'est plus du tout navigable, il se trouve réduit à un simple petit fossé de douze à quinze pieds, que vous apercevez à peine quand vous entrez dans la station de Gand. Le vieil Escaut est presque entièrement obstrué, vous n'avez plus de navigation par cette voie.

- Un membre. - Il a cinq mètres de large.

M. Dumortier. - Qu'est-ce que c'est qu'un ruisseau de 5 mètres pour l'écoulement d'un fleuve comme l'Escaut ?

Mais vous avez alors le bras par lequel la navigation s'opère, le bras de la rive gauche. Ici, il existe un fait très étrange, c'est que quand vous êtes arrivé après les premiers ponts, vous trouvez des usines qui viennent arrêter le cours de l'eau et interceptent la navigation tellement, qu'un bateau qui veut se rendre dans le bas Escaut est forcé d'entrer dans la Lys pour revenir dans le bas Escaut.

- Un membre. - C'est une erreur.

M. Dumortier. - Comment ! c'est une erreur ?

M. Delehaye. - Il n'existe à Gand, sur l'Escaut, aucune usine qui entrave la navigation.

M. Dumortier. - Il y a le pont du moulin écluse qui empêche les bateaux de passer. Est-il vrai qu'un bateau ne peut aller de Tournay à Termonde sans faire un grand détour par la Lys ; qu'il ne peut se rendre du haut Escaut dans le bas Escaut en suivant le cours du fleuve ?

M. Manilius. - C'est le régime de la navigation qui l'exige.

M. Dumortier - On me dit : C'est le régime de la navigation qui l'exige ; mais, c'est répondre à l'abus par l'abus. On fait passer les bateaux dans des bras artificiels, parce qu'on a créé des usines qui empêchent la navigation.

M. Delehaye. - Je vous défie d'en citer une seule.

M. Dumortier. - On me défie de citer une seule usine établie sur le bras de l'Escaut dont je parle. Voici le tableau qui nous a été remis par le gouvernement, et j'y trouve onze moulins indiqués.

M. Delehaye. - Ces moulins sont établis sur les bords du fleuve, ils n'empêchent ni la navigation, ni l'écoulement des eaux.

M. Dumortier. - Je tiens le plan en main. Je tiens en main le tableau signé de M. Wolters ; si on conteste des faits aussi incontestables, je ne sais plus ce qu'il faut dire.

Ainsi, messieurs, il est constant que la navigation dans la ville de Gand se trouve interrompue, qu'un des bras de l'Escaut, le bras primitif, n'a plus que 5 mètres de largeur, que les eaux ne peuvent plus s'écouler dans la ville de Gand comme autrefois.

Il est vrai que quand on construisit les fortifications de cette ville, sous Charles-Quint, on suppléa au bras ancien par un bras nouveau ; c'est celui qu'on appelle le bras des fortifications, le bras oriental de l'Escaut. C'était là une précieuse dérivation des eaux du haut Escaut vers le bas Escaut, mais depuis on a encore rétréci cette dérivation et empêché ainsi ses effets. Ainsi, quant au pont de la porte Saint-Liévin qui s'y trouve, ce qu'on a fait l'honorable membre vient de vous le dire ; il avait trois arches, on en a supprimé une !

M. Delehaye. - Il y a un siècle !

M. Dumortier. - Par ce pont une grande somme d'eau s'écoulait du haut Escaut dans le bas Escaut. Vous venez de l'entendre, on a fermé une des trois arches et par là on a réduit d'un tiers l'écoulement des eaux. Qu'arrive-t-il aujourd'hui ? Qu'il y a obstacle à l'écoulement des eaux, comme il y a obstacle à la navigation économique du haut dansle bas Escaut, ce sont ces obstacles qu'il faut faire disparaître, pour remédier à la fois et aux inondations et aux charges qui pèsent sur la navigation dans la traversée de Gand.

Le seul et unique moyen de porter remède à cet état des choses, c'est de déverser, soit par un canal nouveau, soit en élargissant le bras des remparts, les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut, et d'empêcher ainsi les inondations désastreuses qui chaque année viennent désoler les bords du fleuve sur un parcours de 25 lieues.

Que répond à cela l'honorable M. Delehaye ? Vous ne ferez, dit-il, que déplacer le mal ; au lieu des inondations dans le haut Escaut, vous aurez celles du bas Escaut.

Je conteste le fait, je le nie, je dis que cette assertion est complètement inexacte. En supposant qu'elle fut exacte, il serait facile d'y porter remède, en rehaussant les digues du bas Escaut ; mais l'assertion n'est pas exacte ; voici pourquoi. Il est constaté par l'ingénieur Wolters, que chaque jour, par le fait de l'abaissement de la marée, il y a un vide de 2,400,000 mètres cubes entre Schellebelle et Termonde.

Eh bien, y a-t-il le plus petit danger à ce que deux fois par jour ce vide soit utilisé pour l'écoulement de l'eau de l'Escaut ? Puisque M. Wolters en déclare la possibilité, laissez nos eaux s'écouler par là, nous n'aurons plus d'inondations. Là est le remède, le seul remède aux désastres qui affligent chaque été les districts d'Audenarde et de Tournay.

Voilà le système de M. l'ingénieur Wolters ; et si maintenant ce système est régi par des portes à flot, ou si vous avez des ingénieurs de la Flandre orientale préposés aux écluses qui ne laissent écouler les eaux qu'au moment des inondations, il n'y aura aucun déversement dangereux par le bas Escaut, et que, par cela même, le haut Escaut sera immédiatement débarrassé des inondations qui causent sa ruine, utilisez les deux millions quatre cent mille mètres cubes de vide que la marée laisse chaque jour dans le bas Escaut, et sans grande dépense, vous aurez fait cesser les motifs de justes plaintes.

Mais j'entends dire qu'avec les fonds qu'on destine au haut Escaut et qui sont ainsi libellés : « Continuation des travaux destinés à améliorer l'écoulement des eaux de l'Escaut », on veut faire, dans la ville de Gand, des ouvrages d'art et des ponts ; on croit que, quand on aura dépensé ainsi des centaines de mille francs, on aura soulagé le haut Escaut. L'honorable M. Delehaye disait tout à l'heure qu'il y avait des bateaux qui ne pouvaient passer les ponts, qu'on devait les lester pour qu'ils pussent passer. Il demande que l'on fasse des dépenses pour faire disparaître cet inconvénient. Mais il y a un moyen plus simple, c'est de rendre navigable le bras de l'Escaut des anciennes fortifications, ou bien, ce qui est mieux encore, de créer le canal de Zwynaerde à Melle.

Voilà le seul moyen de rendre justice au Hainaut et à l'arrondissement d'Audenarde. Cette dépense serait extrêmement minime ; le canal de Zwynaerde ne doit pas couler un demi-million et serait bien autrement utile que la dépense de quinze cent mille francs que l'on veut faire pour canaliser le haut Escaut.

J'avais donc bien raison de dire, en commençant, que ce n'est pas le chiffre, c'est l'emploi des fonds qui a de l'importance. Il est, au contraire, à craindre que, dans l'ordre d'un mauvais emploi de fonds, plus on dépensera, plus on fera de mal.

En adoptant le système que j'ai eu l'honneur d'indiquer, vous aurez soustrait le haut Escaut aux inondations affreuses qui désolent cette contrée, et vous aurez donné au bassin du Couchant de Mons une situation plus favorable. Vous aurez fait beaucoup pour Mons, Tournay et Audenarde. Il est vrai que les bateliers ne feront plus le tour de Gand, ne dépenseront plus leur petit pécule dans la ville de Gand. Là est le grand mal, aux yeux de cette ville ; là est le motif de toutes ces réclamations. C'est qu'on veut forcer les pauvres bateliers à dépenser leur argent à Gand.

Je viens d'établir que ce n'est pas tant la question d'argent que la question de l'emploi des fonds qu'il faut envisager ; je vous ai montré que le seul emploi utile des fonds est l'exécution de travaux propres à faciliter l'écoulement des eaux du haut Escaut dans le bas Escaut. (Interruption.)

Je sais, messieurs, qu'il ne vous est pas agréable d'entendrs parler contre la loi, mais je crois remplir un devoir. Je continue donc. Voyons la possibilité.

(page 2083) La commission avait été instituée pour parer aux inondations de l'Escaut, Qu’a-t-elle d'abord demandé ? Veuillez-le remarquer, il n'y avait, dans cette commission, que trois personnes appartenant à la province de Hainaut. Tout le reste apportenait à la Flandre orientale. Voici la première résolution prise par cette commission :

« Pour faciliter l'écoulement des eaux de l'Escaut et remédier aux inondations intempestives, il sera construit un canal de décharge, destiné à déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut près de Gand. »

Cette proposition a été adoptée par 6 voix contre 5.

Voici, en résumé, ce que demandait la commission nommée par le gouvernement : la construction du canal de Zwynaerde. Je sais bien qu'on est venu ensuite prétendre que le canal de Schipdonck établi sur la Lys, huit lieues en amont de Gand, servirait à l'écoulement des eaux de l'Escaut ; mais je dis avec le conseil communal de Tournay, que cette assertion est dérisoire. Le canal de Zwynaerde à Melle, utilisant le vide de deux millions quatre cent mille mètres cubes cubes que la marée procure chaque jour, est le seul moyen d'empêcher les inondalions intempestives. Ne le voulez-vous pas, approfondissez le bras de l'Escaut qui se trouve dans les remparts, et vous arriverez au même résultat, car toujours le sens commun vous dira que c'est dans le bas Escaut qu'il faut écouler les eaux du haut Escaut.

Voulez-vous qu'il ne puisse y avoir aucun danger d'inondations, votez les fonds nécessaires pour la construction du canal de Zwynaerde à Melle projeté par M. Wolters et admis par la commission des eaux des Flandres. Tout autre travail (redressement ou écluse) serait dangereux.

Le seul moyen de porter remède à l'état actuel des choses, c'est d'utiliser le vide de 2,400,000 mètres que vous avez chaque jour.

- Un membre. - M. Wolters a renoncé à ce projet.

M. Dumortier. - Il y a renoncé pour faire un canal de 8 millions ; naturellement, c'est bien plus beau ; cela laisse un bien plus beau renom. Mais, entre-temps, les inondations de l'Escaut continueront à affliger la magnifique vallée de l'Escaut.

Maintenant si la plus petite objection pouvait être faite quant aux inondations possibles du bas Escaut, s'il pouvait y avoir quelque chose de fondé dans l'argument de M. Delehaye que vous ne faites que déplacer le mal, relevez les endiguements du bas Escaut dans les environs de Melle, et vous aurez prévenu toutes les inondations.

Je maintiens qu'il y a lieu de changer le libellé, et c'est ce que j'aurai l'honneur de proposer.

Je propose de libeller comme suit le numéro en discussion : « Travaux destinés à faciliter l'écoulement des eaux du haut Escaut dans le bas Escaut. »

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je n'ai qu'un mot à répondre à l'honorable M. Dumorlier.

Toutes les opinions qu'il vient de développer, il les a déjà développées dans cette enceinte et au sein de la commission,

M. Dumortier. - Je n'en faisais pas partie.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'y vois figurer M. Dumorlier. C'est sans doute le frère de l'honorable membre. Toutes ces opinions ont été défendues, au sein de la commission, et toutes ont été repoussées aux deux tiers des voix. Je vais avoir l'honneur de vous donner lecture des conclusions de la commission.

Le système que le gouvernement a adopté est un système simple qui a pour lui la garantie de la commission spéciale qui a été instituée en 1848.

L'honorable membre vient encore de soutenir que l'on n'aurait pas dû commencer par le canal de dérivation. C'est la question qui a été mise aux voix.

« Il s'est élevé une discussion sur la question de savoir si, dans l'exécution des travaux, on doit donner la priorité au canal de décharge de l'Escaut à côté de Gand ou au canal à construire de la Lys à Deynze vers la mer du Nord.

« Six voix contre trois ont donné la priorité d'exécution à ce dernier canal, qui constitue à peu près tout le premier système proposé par M. Wolters.

« MM. Dubus, Dumorlier et Doignon ont demandé l'insertion au procès-verbal de leur vote négatif. »

Je lis ensuite ; « La commission est d'avis qu'il y a nécessité d'instituer des wateringues. »

Ce sont des mesures administratives auxquelles le gouvernement cherche à pourvoir en ce moment.

« 5° Qu'il ne faut pas pousser plus avant les travaux sur le haut Escaut en amont de Gand, avant d'avoir procuré aux hautes eaux de la Lys et de l’Escaut des débouchés nouveaux et suffisants en aval. »

C'est le système que le gouvernement a adopté depuis cette époque, et en proposant en 1847 la première section du canal de Deynze à Schipdonck, le gouvernement ne faisait que suivre les propositions de la commission.

Quant à l'exécution du travail qu'a indiqué l'honorable membre, celle de la coupure de Swynaerde à Melle, il en a fait encore la proposition en 1846 et la chambre n'y a donné aucune suite.

Le ministre des travaux publics disait alors que « ce qu'il fallait pour débarrasser la vallée du haut Escaut, c’étaient d'autres coupures ; c'étaient des coupures faites à des points supérieurs, vers Audenarde, coupures auxquelles on ne peut songer aussi longtemps que le point de Gand ne sera pas débarrassé des hautes eaux, ne sera pas à l'abri des dangers inhérents aux crues instantanées de la Lys. »

De manière qu'en 1846 aussi le ministre des travaux publics persistait dans le système que le gouvernement se propose de continuer.

Messieurs, encore un mot et je finis.

L'honorable membre nous a parlé des usines qui existent dans la ville de Gand. J'ai interrompu l'honorable membre pour lui dire qu'il était dans l'erreur, que ces usines pouvaient exister, mais qu'elles ne pouvaient, dans aucun cas, constituer ce qu'on appelle des barrages, être une cause aggravante des inondations.

En effet, comme cette assertion s'était produite dans une pétition de la ville de Tournay, j'ai cru devoir en référer à l'ingénieur qui se trouve à la tête du service dans la Flandre orientale, et voici ce que je lis dans une dépêche qu'il m'a adressée il y a peu de temps, à la date du 1er août dernier : « Jamais, depuis près de vingt ans que je dirige la manœuvre des eaux à Gand, les usines n'ont été cause de la moindre aggravation des dommages causés par les inondations. Longtemps avant même que les inondations ne se présentent, je fais ouvrir les écluses de décharge sur le bas Escaut, et dès ce moment le défaut de chute entre l'amont et l'aval du bassin de la ville, empêche le mouvement des roues hydrauliques.

« Ce sont au contraire les propriétaires d'usines qui réclament très vivement une amélioration dans le régime des eaux. Ils chôment souvent, dans le courant d'une année, la moitié du temps. »

Ainsi voilà une réponse qui me semble décisoire et péremptoire. C'est l'ingénieur de la province de la Flandre orientale qui, sur l’interpellation que je lui ai faite, m'a répondu dans ces termes, et je crois que, comme homme spécial, il peut en savoir plus long sur cette matière que l'honorable M. Dumortier.

M. de Royer. - Messieurs, plusieurs membres ont déjà pris la parole dans cette discussion, la chambre paraît fatiguée, je me bornerai donc à très peu de mots.

Si je vous ai présenté un amendement, c'est dans l'intérêt du Couchant de Mons. Plusieurs honorables membres que vous avez entendus ont reconnu que le Couchant de Mons avait droit à des compensations. Mon but est de mettre à la disposition du gouvernement une somme suffisante pour améliorer la navigation et aussi pour réparer les chemins de halage qui pour les hommes comme pour les chevaux sont devenus presque impraticables, ce qui rend la navigation plus difficile et encore plus coûteuse.

J'ai proposé d'augmenter de 500,000 francs le crédit proposé par la section centrale. J'espérais que la nécessité de cet amendement serait reconnue par le cabinet

La chambre a accordé diverses faveurs à nos bassins houillers. Le Couchant de Mons seul n'a rien obtenu, et puisque le canal de Jemmapes à Alost est impossible, que le canal de M. Vanderelst n'est pas encore décidé, nous devons lui accorder d'autres compensations.

Ces compensations ne peuvent être que des réductions de péages et une amélioration de la navigation.

Quant aux diminutions de péages, nous nous en occuperons lorsque nous serons à l'article 8. En ce moment il s'agit d'un article qui concerne la navigation ; je crois que l'augmentation de 500 mille francs que je propose est nécessaire, et j'espère que la chambre voudra bien prendre mon amendement en considération.

M. Le Hon. - Messieurs, le discours de l'honorable député de Roulers est un incident de la discussion qui pourrait induire la chambre en erreur. Car lorsque nous avons proposé des travaux pour préserver les rives de l'Escaut des inondations désastreuses de l'été, l'honorable député de Roulers vient vous dire que vous allez les priver des inondations bienfaisantes de l'hiver. Quand à ces travaux nous en joignons d'une autre nature, qui doivent améliorer la navigation de l'Escaut, c'est-à-dire, entretenir l'activité du mouvement commercial, l'honorable membre vient argumenter de l'intérêt des propriétés riveraines, comme si cet intérêt était nécessairement en opposition avec l'amélioration de la navigation du fleuve.

Il résulterait de là que pour donner aux exploitations du Couchant de Mons une navigation économique vers Anvers, il faudrait, pour ainsi dire, en établir une entre le canal de Charleroy et l'Escaut. Car si vous supposez que l'intérêt des riverains ne peut pas se concilier avec les travaux nécessaires à une navigation régulière et active, évidemment vous dites au Couchant de Mons qu'il doit chercher ailleurs des moyens d'écoulement pour ses produits. Vous le renvoyez, de fait, au canal de Jemmapes à Alost ou à la canalisation de la Dendre ; en un mot, vous déshéritez Tournay et Audenarde du bienfait du fleuve et vous leur en laissez le fléau, l'inondation.

Eh bien, messieurs, il n'y a rien d'exact dans cette partie du discours de l'honorable député de Roulers. C'est moi qui ai demandé l'augmentation du crédit dans la section centrale ; je l'ai fait avec la pétition du conseil communal de Tournay sous les yeux et après en avoir donné lecture.

Libre à l'honorable membre de traiter avec une dédaigneuse indifférence le chiffre du crédit. Il paraît que l'initiative prise avec succès par un député de Tournay n'a pas satisfait tout le monde et qu'on s'en expirme comme s'il eût été tout aussi bien de n'obtenir qu'une faible somme. En vérité, je ne sais à quels motifs attribuer cette étrange appréciation ; je ne veux pas les rechercher. Il m'est permis de croire que mes (page 2084) commettants jugeront tout autrement le résultat de mes efforts que ne le fait un représentant qni n'appartient plus à la députation de Tournay.

Au surplus, j'ai une réponse péremptoire à lui faite, quant à l'emploi du crédit de 1,500,000 fr.

L'honorable membre est venu vous dire que le système du conseil des ponts et chaussées est dangereux pour la vallée de l'Escaut, préjudiciable aux propriétés, repoussé par les hommes compétents des localités.

Il ne veut pas d'écluses, quoiqu'il en existe déjà deux.

Eh bien, qu'il se rassure. Je lis dans l'article premier de la loi du 18 juin 1846, paragraphe 5 (page 38 de l'exposé des motifs de la loi actuelle), la disposition suivante :

« Le gouvernement ne pourra établir de nouvelles écluses sur l'Escaut qu'après avoir entendu les administrations communales de Tournay et d'Audenarde. »

M. Dumortier. - C'est moi qui ai proposé cette disposition.

M. Le Hon. - Peu m'importe. Je prends la prescription de la loi telle qu'elle est.

Il en résulte clairement qu'avant que le crédit puisse être appliqué, il faut que les administrations locales de Tournay et d'Audenarde aient été consultées. Si des travaux, déclarés utiles par le gouvernement, sont approuvés par les autorités communales d'Audenarde et de Tournay, est-ce que, par hasard, votre avis prévaudra sur le leur ?

Vous voyez donc bien, messieurs, que la proposition accueillie par la section centrale n'offre aucun danger, et je la défends surtout pour vous convaincre que le chiffre du crédit n'est pas indifférent, comme on affecte de le prétendre.

La chambre sait qu'il n'est pas dans mes habitudes de me montrer esclave de l'esprit de localité ; que je ne cherche pas à procurer d'injustes faveurs à l'arrondissement dont je m'honore de tenir mon mandat ; mais je ne puis souffrir que, lorsque je pose un acte de sollicitude pour les intérêts de mes commettants, on s'efforce de le dénaturer à leurs yeux.

M. Dumortier. - Il s'agit de l'emploi du crédit.

M. Le Hon. - La question d'emploi est réservée, puisqu'on ne peut rien faire sans consulter les administrations intéressées. Vos observations pouvaient donner lieu de croire que les travaux projetés seraient inconciliables avec les intérêts des propriétés riveraines ; eh bien, je dis que cela est inexact, je dis que l'Escaut peut tout à la fois fertiliser ses rives et servir les intérêts du commerce et de l'industrie.

M. Dumortier. - Il les sert.

M. Le Hon. - Il ne les servira pas si, dans l'impuissance d'améliorer sa navigation, on lui substituait une voie navigable plus directe.

M. Dumortier. - La navigation ne coûte que 25 fr. de Tournay à Gand.

M. Le Hon. - Quant au canal de Swynaerde à Melle dont l'honorable membre a parlé, j'en avais soutenu la nécessité probable, d'accord avec la chambre de commerce de Tournay. A défaut d'une résolution immédiate, je voulais que l'on consultât les ingénieurs sur le point de savoir s'il pourrait être exécuté sans danger d'inondation pour le bas Escaut ; danger qu'on avait signalé récemment à cette tribune.

Ne pouvant faire accepter, dès à présent, un ouvrage de cette importance qui eût amené la nécessité d'augmenter l'emprunt d'un million, je me suis réservé de m'en occuper ultérieurement, convaincu, comme je le suis, que le dernier mot, en fait de travaux d'utilité publique, n'est pas dit par la loi que nous discutons, et trouvant plus sage de me borner, aujourd'hui, pour des améliorations utiles, au crédit supplémentaire de 500,000 francs.

Je terminerai par faire observer à l'honorable M. Delehaye que les dangers qu'il trouve à l'exécution du canal de Swynaerde n'existent réellement pas d'après les renseignements que j'ai recueillis, et que sa construction aurait pour effet infaillible d'abréger la navigation de 7 kilomètres en étendue et de 15 kilomètres, si l'on combine ensemble le temps et le parcours,

M. Loos (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la discussion se prolonge et menace de ne pas se terminer cette semaine, si nous n'avons pas des séances du soir. A l'époque de l'année où nous sommes arrivés, chacun sent le besoin de quelque repos ; plusieurs de nos collègues ont déjà demandé des congés et il est à craindre que d'autres en demandent encore ; jusqu'à présent la généralité des membres de la chambre s'est montrée très assidue aux séances ; mais il est à craindre qu'il n'en soit autrement, si la discusion se prolonge jusqu'à la semaine prochaine. Je propose donc, messieurs, d'avoir dès aujourd'hui une séance du soir, alin de pouvoir terminer nos travaux d'ici à samedi.

M. le président. - Voici ce que je proposerai : la chambre ne finirait aujourd'hui qu'à 5 heures ; demain nous aurions séance à l'heure ordinaire, et si dans la première séance de demain le premier vote de la loi n'était pas terminé, nous aurions une séance du soir.

Vendredi nous voterions les divers petits projets qui sont à l'ordre du jour, et le vote définitif du projet de travaux publics aurait lieu samedi,

M. Loos. - J'insiste pour qu'il y ait dès aujourd'hui une séance du soir. Il reste plusieurs projets à l'ordre du jour, qui peuvent prendre plus d'une séance, et dès lors il y aurait nécessité de nous réunir encore la semaine prochaine.

- La proposition de M. Loos est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée. La proposition de M. le président est adoptée.

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, le discours de l'honorable M. Dumortier nécessiterait une très longue réponse, si ce n'était pas la dixième fois au moins que nous l'entendons.

L'honorable membre a invariablement soutenu la même thèse, et toujours il a été réfuté de la manière la plus péremptoire.

Je n'entreprendrai donc pas en ce moment une nouvelle réfutation que la chambre ne me semble pas disposée à écouter.

Le canal de Schipdonck vers Heyst, voilà, d'après moi, la base, le commencement des améliorations à faire au haut Escaut.

En effet, la dérivation de la Lys créera dans le bassin de Gand un vide qui permettra de recevoir les eaux surabondantes du haut Escaut.

Sans le canal de dérivation, on ne peut songer ni à rectifier l'Escaut ou la Lys, ni à construire de nouveaux canaux de décharge dans leurs vallées ; car si l'on augmentait la vitesse des eaux supérieures dans leur courant vers Gand, sans y avoir au préalable ménagé un vide suffisant, on attirerait sur cette ville des calamités épouvantables.

Pour que la chambre puisse s'en former une idée, je ferai remarquer qu'en temps de crue, les eaux de l'Escaut à Audenarde présentent sur celles de Gand une chute de plus de 5 mètres ; et que si le niveau d'Audenarde se produisait à Gand, l'eau s'élèverait dans cette dernière ville à 4 mètres au-dessus du pavé dans la plupart des rues, enfin jusqu'au premier étage des maisons.

La pente de l'Escaut depuis Tournay est naturellement encore plus forte ; elle est d'environ 10 mètres ; en sorte que ce niveau répond à la hauteur du second étage des maisons à Gand.

Vous voyez, messieurs, avec quelle prudence et quels ménagements il importe d'agir sur le haut Escaut. De puissantes considérations m'engagent à insister de nouveau pour que le gouvernement accélère autant qu'il dépendra de lui le creusement du canal de Schipdonck vers Heyst. Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien répondre à l'interpellation que je lui ai adressée tout à l'heure pour savoir à quelle époque on pourra mettre la main à l'œuvre.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, il esixte un avant-projet, en ce qui concerne le prolongement du canal de Deynze à Schipdonck ; il sera sans doute nécessaire de prendre des mesures, avant de pouvoir mettre la main à l’œuvre ; mais, selon toutes les apparences, on pourra commencer les travaux au printemps prochain.

Je dirai un mot pour engager l'honorable M. de Royer à retirer sa proposition. Le crédit demandé par le gouvernement et augmenté de 500,000 francs par la section centrale est suffisant pour faire les ouvrages importants qui intéressent la vallée de l'Escaut. Si de nouveaux crédits étaient jugés nécessaires, le gouvernement se ferait un devoir de les porter au budget.

M. de Royer. - Messieurs, en présence des explications données par M. le ministre des travaux publics, je déclare retirer ma proposition.

- On demande la clôture.

M. Dumortier (contre la clôture). - Pour toute réponse à l'honorable M. Le Hon, je demande simplement à la chambre la permission de lui lire la pétition de la ville de Tournay, dont le contenu est diamétralement opposé à ce qu'a soutenu l'honorable membre.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix et n'est pas adopté.

La proposition de la section centrale, à laquelle le gouvernement s'est rallié, est mise aux voix et adoptée.

Article 7, paragraphe 7

« Art. 7. 6° (devenu 7°). Amélioration des ports et côtes : fr. 400,000. »

- Adopté.

Article 7, paragraphe 8

« Art. 7° (devenu 8°). Travaux destinés à améliorer l'écoulement des eaux de la Sambre, dans les provinces de Hainaut et de Namur : fr. 650,000. »

M. Lelièvre. - On sait qu'en août 1830 la ville de Namur et ses environs ont été victimes d'inondations qui ont occasionné aux propriétés et aux récoltes des dommages considérables. Plusieurs ponts jetés sur la Sambre ont été emportés, et les communications entre Namur et Charleroy ont été interrompues pendant six mois. Le gouvernement est même en butte à plusieurs actions exercées par des particuliers qui réclament la réparation du préjudice qu'ils ont éprouvé par suite de ces désastres.

Il est certain que le mode de construction des écluses absolument vicieux, et l'état actuel de la Sambre canalisée ont amené ces événements déplorables. Pour en prévenir le retour, il est indispensable d'établir à Namur un canal de dérivation vers la Meuse.

Lors de l'exécution des travaux de la canalisation, des hommes de l'art éminents avaient déjà signalé la nécessité de cet ouvrage comme essentiel pour empêcher les inondations, en cas de crue d'eau extraordinaire.

Aujourd'hui encore, les hommes compétents sont d'avis que l'établissement du canal de dérivation est d'une nécessité absolue.

C'est dans ce but que j'ai proposé de majorer le chiffre de l'allocation du projet du gouvernement. Le chiffre tel qu'il est énoncé au projet me paraît insuffisant pour couvrir les frais de la mesure énoncée en mon amendement, qui se trouve justifié par des motifs évident d'un grand (page 2085) intérêt public. Le gouvernement, du reste, est intéressé à mettre sa responsabilité à l'abri des justes réclamations que de nouveaux désastres ne manqueraient pas de soulever à sa charge.

Quand on exécute des grands travaux d'utilité publique dans l'intérêt de diverses localités, il est impossible de ne pas songer à des ouvrages qui sont destinés à prévenir des dommages notables qui menacent les intérêts de tous les riverains de la basse Sambre et ceux de l'Etat lui-même.

Il me paraît donc impossible de ne pas admettre mon amendement qui, j'en suis persuadé, sera accueilli avec faveur par le gouvernement même.

A l'occasion de cette discussion qui intéresse l'arrondissement de Namur, je demanderai à M. le ministre des travaux publics si nous pouvons espérer la prompte construction du pont qui doit être jeté sur la Meuse à Andenne, et dont l'établissement a été imposé à la société du chemin de fer de Namur à Liége comme condition du prêt de 150,000 francs qui a dû lui être fait.

Il y a plusieurs mois, M. le ministre a bien voulu nous promettre qu'on s'occuperait incessamment de régler définitivement cet objet. Je désire connaître à quel point sont arrivées les négociations entamées de ce chef.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - L'amendement de l'honorable M. Lelièvre devient sans objet en présence de la déclaration que je vais faire.

Il existe, en ce qui concerne les travaux à exécuter dans l'intérêt de la vallée de la Sambre, un avant-projet ; la dépense est évaluée à 650,000 francs ; la dérivation par les fossés de la ville de Namur est comprise dans cet avant-projet ; de manière que la somme est suffisante.

Quant à l'affaire relative au pont d'Andenne, elle recevra une prompte solution. Si elle a éprouvé du retard, c'est parce que le gouvernement s'est trouvé en présence d'une dizaine de projets ; il a fallu les faire examiner séparément ; cela a été très long. Au reste, une décision ne tardera pas à intervenir.

M. Lelièvre. - Du moment que M. le ministre annonce que le chiffre de l'allocation sera employé à la construction du canal demandé, mon amendement devient sans objet. Je remercie aussi le ministre de l'assurance qu'il nous donne à l'égard du pont d'Andenne, et je compte qu'il activera sans délai la construction de cet ouvrage important et d'une nécessité indispensable.

- La discussion est close.

Le n° 7° (devenu n° 8°), est mis aux voix et adopté.

Articles 7, paragraphes 9 et 10

« Art. 8° (devenu 9°). Elargissement de la partie du canal de Bruxelles à Charleroy, comprise entre la 9ème écluse et la Sambre canalisée : fr. 1,000,000. »

- Adopté.


« Art. 9° (devenu 10°). Construction d'un embranchement de chemin de fer destiné à relier la ville de Lierre au réseau de l'Etat : fr. 500,000. »

- Adopté.

Article 11, paragraphe 11

10° (devenu 11°). Extension du matériel de l'exploitation du chemin de fer de l'Etat et doublement des voies : fr. 1,000,000. »

Ici se place la seconde partie de l'amendement de M. Rolin. M. Rolin propose de porter le chiffre à 5 millions.

M. Rolin. - J'aurais quelques observations à présenter à la chambre ; l'heure est déjà très avancée.

M. le président. - On pourrait remettre le n°10° à demain et s'occuper aujourd'hui des autres numéros. (C'est cela.)

- Le renvoi est prononcé.

Article 7, paragraphe 12

« Art. 7. 11° (devenu 12°). Construction de prisons : fr. 1,200,000. »

- Adopté.

Article 7, paragraphe 13

« Art. 7, 12° (devenu 13°). Travaux d'amélioration à la Dendre : fr. 500,000. »

Le gouvernement se rallie à l'amendement de la section centrale.

M. Delescluse propose de porterie chiffre à 2,300,000 francs.

M. de Steenhault propose de le fixer à 750,000 francs.

M. Jouret, à un million.

M. Delescluse. - Messieurs, le projet soumis à vos délibérations devait avoir principalement pour but, selon moi, la réparation des oublis et des injustices dont certaines localités ont été victimes jusqu'à présent.

A ce titre, la canalisation delà Dendre aurait dû y figurer en première ligne.

La section centrale avait tellement reconnu la nécessité de faire enfin des travaux sérieux à cette rivière, qu'elle avait adopté la proposition d'allouer la somme de 2,500,000 francs pour en exécuter la canalisation complète.

M. le ministre des travaux publics l'a fait revenir sur cette décision, dans la crainte, paraît-il, que la Dendre canalisée ne soit un obstacle à la construction du chemin de fer vers Lokeren.

Il résulterait des craintes manifestées par M. le ministre que l'exécution de ce chemin de fer condamnerait la Dendre à rester à peu près ce qu'elle est aujourd'hui et enlèverait tout espoir de la voir jamais canalisée.

Cependant par la nature des produits des localités traversées par la Dendre, il est évident qu'une voie d'eau est plus nécessaire qu'un chemin de fer ; les pierres de taille, les grés à paver, la chaux, les céréales, les briques, les pannes et les bois de construction, sont certes transportés plus facilement et à meilleur marché par un canal que par un chemin de fer.

Le canal est de première nécesssilé, le chemin de fer est presque un objet de luxe.

A la question de canalisation de la Dendre se trouve intimement lié l'avenir industriel et commercial d'une partie importante du pays, jusqu'aujourd'hui presque abandonnée dans la distribution des travaux publics.

Sommes-nous donc encore destinés à voir une fois de plus les intérêts et les besoins des petites localités sacrifiés au profit de voisins plus puissants ?

N'est-il pas regrettable de voir l'un des plus beaux cours d'eau de notre province laissé pendant de si longues années à l'état sauvage ? La vallée de la Dendre cependant est riche, populeuse, intéressante sous tous les rapports ; elle traverse le territoire de trois de nos principales provinces qui réclament aujourd'hui l'exécution de travaux reconnus nécessaires à toutes les époques et sous tous les régimes.

On ne connaît pas, ou l'on connaît imparfaitement l'importance et l'heureuse direction de la voie de communication qu'offre la Dendre. Je vais essayer de prouver qu'elle a toujours été considérée comme la plus facile et la plus rapide entre les grandes provinces du royaume.

Depuis Vauban, on avait reconnu la nécessité de lier par une voie peu coûteuse et facile le bassin houiller de Mons aux provinces de Flandre, d'Anvers et à la Hollande ; on savait que des bateaux partis d'Ath arrivaient au quai d'Anvers en 36 à 40 heures, mais on n'ignorait pas que le retour exigeait un temps décuple, d'énormes dépenses et l'impossibilité de le faire à chargement complet et même à demi-charge.

Il était reconnu qu'un nombre bien restreint de bateliers se hasardaient à suivre cette voie rapide, il est vrai, mais exigeant une habileté inouïe et un courage éprouvé pour surmonter les difficultés des chutes aux écluses, pour braver les dangers qu'offre la navigation de cette rivière et ce n'est qu'au prix des plus grands sacrifices qu'ils sortaient victorieux de tous les obstacles.

En effet, les bateaux de la Dendre sont remarquables par la solidité de leur construction et par leur forme heureusement proportionnée pour leur permettre d'affronter les périls de la mer, la multiplicité de leurs agrès, ancres, cordages, etc., ajoute aux désavantages de leur position aussi, les bateaux du canal de Charleroy qui ont voulu essayer de cette navigation n'ont jamais fait un second voyage, ne voulant exposer ni leur vie ni leur fortune aux dangers inévitables de cette rivière.

Cependant en présence de ces désavantages, la Dendre est parcourue annuellement par de nombreux bateaux, parce que les propriétaires des carrières, fours à chaux, etc., trouvent, malgré l'élévation du fret, une voie convenable pour l'écoulement, dans les Flandres et dans la province d'Anvers, de leurs produits pondéreux.

Dans un temps plus rapproché, sous le gouvernement des Pays-Bas, on sentit le besoin de s'affranchir du tribut excessif payé à la France pour le transit de nos charbons par le canal de Condé à l'Escaut ; alors s'agita la question de la direction à donner au nouveau canal pour arriver au coeur de la Belgique sans passer par le territoire français.

L'intérêt général voulait une direction centrale, traversant des cantons producteurs, la sécurité du pays sous le rapport stratégique exigeait qu'on préférât un canal central à un canal-frontière, tout enfin indiquait la Dendre comme le point de jonction le plus facile, le moins dispendieux et le plus sûr. Mais alors, peut-être comme aujourd'hui, des voisins puissants triomphèrent, et grâce à la mollesse, j'oserais même dire à l'inertie de nos représentants au conseil provincial, on adopta la direction de Pommerœul et Antoing malgré la protestation si pleine de faits concluants du conseil de régence d'Ath.

La question de la canalisation de la Dendre se présente dans des conditions telles, que, pour quiconque étudie les relations commerciales du pays avec toute l'attention qu'elles méritent, il est incontestable que ce travail est une des nécessités absolues et inévitables de notre système de circulation intérieure.

Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que ce cours d'eau, aux courbes rapides, aux biefs envasés, dont les chutes ne sont rachetées que par de simples barrages, pourrait facilement et au moyen d'une dépense relativement minime, être transformé en une grande ligne navigable, reliant Anvers, les Flandres, le Brabant et le Hainaut.

Le projet soumis à nos délibérations contient trois catégories distinctes de travaux ; l'Etat intervient directement pour une somme de 26 millions et parmi les travaux les plus importants qu'il doit exécuter, figurent ceux qui sont impérieusement exigés pour assurer l'écoulement des eaux et pour mettre nos villes et nos campagnes à l'abri de ces terribles inondations qui compromettent tous les ans la fortune et la sécurité publiques.

La canalisation de la Dendre a ce même but, et l'on pourrait concilier beaucoup d'intérêts en adoptant ce travail comme conséquence du chemin de fer d'Ath à Lokeren. La Dendre une fois canalisée, reliée plus tard à Blaton, donnerait aux charbonnages du Couchant de Mons la voie facile et rapide qu'ils réclament avec tant d'instance, et, je dois le dire, avec tant de justice.

D'après le travail de M. l'ingénieur Wellens, la complète canalisation de la Dendre coûterait 2,500,000 fr., y compris les travaux à faire à (page 2086) l’intérieur de la ville d'Ath. Pourquoi ne demanderait-un pas cette faible somme à l'emprunt ?

Une pareille détermination serait à la fois chose juste et utile, et d'ailleurs, la Dendre a des droits acquis à une part des deux millions déposés à titre de cautionnement par la société primitive, qui s'était chargée de la construction d'un canal latéral à grande section et du chemin de fer.

C'est, du reste, une nécessité à laquelle vous ne pouvez vous soustraire. Que ferez-vous de la Dendre après l'établissement d'un chemin de fer sur ses rives ? La conserverez-vous comme cours d'eau ? Alors il faudra l'entretenir si vous ne voulez voir la vallée de la Dendre ravagée par les inondations auxquelles vous tentez justement de soustraire les riverains de tous les autres cours d'eau, inondations qui ne sont déjà que trop fréquentes et trop désastreuses entre Ath et Alost.

Il faut donc, et que vous préveniez le retour des inondations et que vous ne réduisiez pas à la misère la nombreuse population batelière des bords de la Dendre et, pour atteindre ce double but, vous devez mettre à exécution le projet de l'ingénieur Wellens.

Craint-on que la Dendre ne fasse en ce cas concurrence au chemin de fer d'Alost ? Alors, qu'on déduise les motifs qui ont fait adopter les lignes nombreuses de chemins de fer parallèles aux voies navigables, qui relient presque toutes nos provinces, qu'on démontre que Tournay, Gand, Termonde, Anvers, Bruxelles, Charleroy, Namur, Liége, etc., devraient, pour assurer l'entière prospérité de leurs chemins de fer, abandonner le soin des voies navigables qui les relient. Soyons plus logiques et plus sages, favorisons toutes les mesures qui peuvent faire prospérer l'industrie fécondante des chemins de fer, mais n'oublions pas les œuvres de la nature et ses créations de cours d'eau, accordons à ces œuvres indispensables une part de notre sollicitude, gardons-nous surtout de compromettre par un déni de justice, la fortune et la vie des habitants d'une vallée qui a fixé l'attention d'une société, dans le seul but d'une spéculation particulière. Traitons la Dendre comme nous avons sagement traité toutes les autres voies navigables, nous ferons alors justice de toutes les combinaisons, de toutes les capitulations, qui depuis plus d'un siècle ont isolé notre riche et populeux arrondissement et rendu presque impossible le développement de l'industrie.

Permettez-moi de vous faire remarquer, en terminant, que l'amendement que j'ai proposé n'est que la reproduction d'un vote émis par la section centrale ; qu'une compagnie avait déjà déposé un million, à titre de cautionnement, pour l'exécution d'un canal, et que, d'après les paroles prononcées par M. le ministre des finances, dans la séance du 25 août, le gouvernement ne doit, dans ce cas, avoir qu'une seule chose en vue : l'application des fonds des cautionnements aux travaux qui avaient été primitivement promis.

La légitimité de ma demande ne saurait être contestée par personne, et j'espère que la chambre saisira cette occasion favorable pour réparer l'oubli dans lequel on a laissé jusqu'à présent une importante partie du pays.

M. Jouret. - Messieurs, la discussion d'un projet de travaux publics est d'ordinaire l'occasion de réclamations d'intérêt local. Quoi qu'on en dise, il est tout naturel qu'il en soit ainsi :

D'abord parce que c'est un devoir pour tout mandataire de la nation, à quelque localité qu'il appartienne, de fixer l'attention de la législature ou du gouvernement sur des droits méconnus ou des intérêts perdus de vue ; ensuite parce que ce rappel à la justice distributive, quand il s'agit de travaux publics, ne saurait mieux trouver sa place que dans une discussion sur des dépenses de même nature.

Il y a, du reste, messieurs, une différence essentielle entre les motions qui se produisent en pareille circonstance : si les unes se bornent à l'indication vague d'un ouvrage annoncé comme utile, à la demande de mettre à l'étude un projet qui se révèle pour la première fois, d'autres n'ont point pour objet des entreprises nouvelles ; elles tendent seulement à conserver, à améliorer ce qui existe déjà, à assurer ce qui périclite et à éviter au trésor de l'Etat les frais de réparations qu'entraînerait inévitablement un plus long défaut d'entretien.

Ces dernières réclamations prennent ainsi un caractère d'intérêt général qui les entoure de faveur, et c'est avec cette recommandation que se présente celle dont il s'agit en ce moment.

Messieurs, par toute la force que peut donner la conviction de l'utile et du juste, je viens vous proposer de porter à un million l'allocation par trop minime de 500,000 francs proposée pour les réparations qu'exige l'état de la Dendre.

L'importance de cette voie de transport est démontrée et reconnue depuis longtemps ; elle est incontestable et incontestée.

Ses avantages ne sont pas restreints aux nombreuses communes baignées par la rivière, nommément aux villes d'Ath, Lessines, Grammont, Ninove, Alost et Termonde ; la Dendre met, par la ligne la plus directe, les riches charbonnages du Hainaut en communication avec l'Escaut, avec le port d'Anvers : sa conservation intéresse donc immédiatement trois provinces et le commerce d'exportation en général.

Je vous ferai grâce, messieurs, des détails qui vérifient la réalité et la gravité de cet intérêt : elles ont été constatées par des calculs irrécusables, dans les nombreuses pétitions que l'autorité communale d'Ath et le conseil provincial de Hainaut ont adressées à la chambre depuis trois ans. Pour en donner un aperçu, il suffît de rappeler que, dans l'une de ces années, la quantité de charbon de terre expédiée d'Ath a dépassé 26 millions de kilogrammes.

Qu'on ne s'imagine pas que l'établissement d'un chemin de fer d'Ath à Termonde diminuerait l'utilité de la communication par eau.

Pour les matières pondéreuses et friables comme la houille, le transport par bateau aura toujours la préférence sur la voie ferrée ; et s'il faut en appeler à des faits qui prouvent mieux que les plus beaux raisonnements, je demanderai si la création d'un chemin de fer de Charleroy à Bruxelles, parallèlement au canal qui liait ces deux villes, a sensiblement affecté la navigation de celui-ci.

Depuis plus de deux siècles nos gouvernements successifs ont compris combien il importait au pays d'entretenir et d'améliorer le cours de la Dendre.

A diverses époques, des projets sagement conçus, profondément élaborés, ont été le fruit de cette sollicitude.

Cependant, non seulement on s'est arrêté quand il s'est agi de l'exécution, mais, dans les derniers temps, on a même cessé de pourvoir aux besoins les plus urgents, aux simples travaux d'entretien. En 1849, par exemple, on a appliqué à ces dépenses une somme de trois mille et quelques francs, ce qui fait à peine 150 francs par kilomètre, et moins du sixième du produit moyen des droits de navigation.

Aussi qu'arrive-t-il ? D'un côté les ouvrages d'art dépérissent et tombent en ruine ; ainsi, en 1850, le pont de Leuz es'est abîmé dans l'eau et le mur de soutènement du bassin de Bilhée s'est en partie écroulé ; d'un autre côté, des atterrissements considérables se forment dans le lit de la rivière et hérissent la navigation d'obstacles et de dangers.

Mais ce n'est encore là, messieurs, qu'une partie du mal : il est d'autres conséquences désastreuses qu'il faut se hâter de prévenir, lors même que l'intérêt de la navigation ne serait plus compté pour rien.

La voie d'écoulement qui reçoit toutes les eaux d'un vaste bassin se rétrécit et s'obstrue de jour en jour et rend, dans les grandes crues, les débordements plus difficiles à réprimer et les inondations plus menaçantes, en sorte que bientôt la belle et riche vallée de la Dendre deviendra périodiquement la proie du fléau qui désole chaque année la vallée de la Senne.

Nous sommes témoins de cette calamité ; nous savons ce qu'il en coûte d'efforts et d'argent pour y remédier d'une manière efficace.

Cependant après que l'ouverture du canal de Bruxelles au Ruppel eut annihilé, à la fin du XVIème siècle, la navigation de la Senne, si au lieu d'abandonner la rivière à elle-même, on eût continué à entretenir son cours, à conserver à son lit les proportions requises, on eût évité en grande partie le mal invétéré qu'on déplore aujourd'hui.

Que les leçons d'une expérience si chèrement achetée ne soient pas perdues pour nous ; que plus tard on ne nous adresse pas à notre tour le reproche d'imprévoyance et d'incurie, ou plutôt le reproche d'avoir, par égoïsme, sacrifié l'avenir au présent.

Il est regrettable que le ministère ait cru devoir faire réduire à 500,000 fr. l'allocation quintuple qui avait d'abord été proposée et qui aurait permis une restauration complète et définitive ; il sera quelque jour obligé de la reproduire lui-même ou d'y acquiescer.

Le mouvement commercial ne tardera pas à se développer sur la Dendre, à mesure que la navigation y deviendra plus sûre et plus facile ; le produit des droits, dont l'accroissement suivra la même marche, fera sentir la nécessité d'achever ce qu'on aura commencé et même de compléter le système de voie navigable, mais jamais par la construction d'un canal improvisé comme celui de Blaton, dont l'érection, en contrariant l'agriculture, pourrait encore compromettre le sort des quinze plus importantes usines du Hainaut.

C'est avec cet espoir, avec ces réserves et surtout en tenant compte des assurances et des déclarations que MM. les ministres, au nom du cabinet, ont faites à la section centrale et à la chambre au sujet du chemin de fer d'Ath à Lokeren, que je me risque à vous faire une proposition aussi modérée, proposition que vous ne pourriez rejeter sans commettre un véritable déni de justice. Non, messieurs, vons n'hésiterez pas à l'accueillir. La dépense est commandée par l'intérêt général, comme elle est justifiée par l'équité qui doit présider à la répartition des éléments de bien-être local.

M. de Steenhault. - Messieurs, j'apprécie trop bien combien la chambre doit être fatiguée de ces longs débats pour oser espérer encore quelque bienveillance si je me permettais de la retenir encore longtemps. Je serai donc très court, et je me bornerai strictement à motiver en quelques mots mon amendement.

La section centrale, comme vous l'avez vu dans son rapport, messieurs, est revenu, sur son premier vote par lequel faisant droit aux vœux émis par le conseil provincial du Brabant, elle avait accordé 2,500,000 fr. pour l'amélioralion du cours de la Dendre.

M. Le Hon. - Pour la canalisation ou l'amélioration du cours de la Dendre.

M. de Steenhault. - Soit, pour la canalisation ou l'amélioration du cours de la Dendre.

Sur la proposition d'un honorable membre qui trouvait que c'était relativement trop en proportion de ce que l'on allouait pour d'autres travaux plus importants, elle réduisit le chiffre au cinquième de ce qu'elle avait voté la première fois, à 500,000 fr.

Sans insister sur le chiffre de 2,500,000 fr., je crois que l'honorable membre ne s'était pas bien rendu compte des intérêts rattachés à cette voie de communication dont le commerce, l'industrie, l'agriculture réclament l'amélioration depuis plus de 50 ans. En adoptant 500,000 fr., je suis d'avis qu'on a été également trop loin, mais en sens inverse.

(page 2087) Je ne sais, messieurs, si, comme je l'espère, le chemin de fer de Dendre-et-Waes s'exécutera ; mais ce que je sais, c'est qu'en admettant même qu'il se fasse, il est loin de satisfaire non seulement aux besoins des localités de la vallée de la Dendre, mais de celles qui, sans être riveraines, se servent tous les jours de cette voie de communication, et qui, pour le Brabant seul, sont déjà au nombre de 16 ou 17.

Veuillez remarquer, messieurs, que ce qui fait la base du commerce de cette contrée, ce sont toutes marchandises pondéreuses ; ce sont les chaux, les houilles, les pierres bleues, les pavés, les briques et pannes de Boom et de Hollande, les perches à houblon, les engrais de Hollande, les grains, les graines oléagineuses, dont depuis peu d'années seulement l'exportation vers l'Angleterre a pris un grand développement, surtout dans les cantons d'Assche et de Lennick.

A ce point de vue donc personne ne contestera, je pense, que la voie d'eau est en tout point préférable à la voie de fer.

Je ne dirai rien des intérêts charbonniers, mais qu'il me soit cependant permis de faire observer surtout aux honorables députés d'Anvers que la moyenne des navires déclarés sortir sur lest a été, de 1845 à 1847, de 1,593, avec un tonnage de 228,383 tonneaux.

Il y a donc là un grand intérêt d'engagé. Les dépôts de houille étant généralement inadmissibles aux yeux des exploitants, à cause des pertes et de la détérioration de la marchandise, il s'agit d'abréger le transport de manière que les capitaines de navires puissent la demander à leur arrivée et l'obtenir avant le départ, à des conditions avantageuses. La différence du prix de revient n'étant aujourd'hui, entre les houilles de Wewcastle et celles du Levant du Flénu, que d'un franc 56 centimes, il y a lieu de croire qu'elle n'est pas assez forte pour être compensée par le voyage d'Angleterre.

Anvers a donc intérêt à ce que la Dendre soit mise dans de bonnes conditions de navigation.

S'il ne s'agissait après cela que de créer de nouvelles richesses, je concevrais qu'on me répondît qu'il n'y a pas de péril en la demeure, que tout ne peut pas se faire à la fois ; mais il s'agit aussi de conserver celles que l'on a.

C'est un fait avéré que les inondations deviennent de plus en plus fréquentes, qu'à tout moment les magnifiques prairies qui bordent la Dendre de Lessinnes à Alost sont inondées hors de saison et ensablées. Ce printemps-ci encore des pertes considérables ont été essuyées par ceux qui ont dû retirer le bétail qu'ils avaient mis à l'engrais, pour le conserver à l'étable pendant plus de six semaines.

Ce n'est pas avec 500,000 fr. que l'on peut espérer remédier à cet état de choses, ce n'est pas à ce prix qu'on régularisera la navigation de cette rivière.

En bien des endroits la rivière est presque comblée par les atterrissements qui s'y sont formés et par les berges qui se sont écroulées, et cela est à tel point, messieurs, qu'il y a plus d'une passe qu'un homme peut franchir d'un bond.

Les ouvrages d'art doivent être reconstruits ou tout au moins singulièrement modifiés, car les variations successives de débouchés dans les barrages suffisent à elles seules pour occasionner les inondations.

Le barrage d'Ath, par exemple, donne un débouché de 11 mètres ;

A 5 lieues plus loin, à Ottignies, il n'y a plus que 4 mètres 50 cent. ;

A Grammont, encore une fois, 10 mètres 55 cent. ;

A 2 lieues plus bas, à Pollaere, de nouveau, 6 mètres 75 cent.

Comment voulez-vous qu'à ce compte il n'y ait pas d'inondations ?

Qu'on ne me dise pas ensuite que l'on ne peut empêcher les inondations. D'Alost à Termonde la Dendre est canalisée, et il n'y a plus d'inondations.

C'est une preuve évidente, et il n'y a rien de problématique. Je crois donc être dans le vrai quand je dis que les intérêts engagés, l'importance des localités qui réclament, justifient largement le chiffre de 750,000 fr. que j'ai l'honneur de proposer ; ce chiffre n'implique rien ; il est loin de suffire à des travaux complets, et sous ce rapport, je tiens compte des appréhensions et des observations que M. le ministre des travaux publics a émises à la section centrale.

Quant au motif puisé dans l'élévation relative du crédit, je ne pense pas qu'on puisse sérieusement l'invoquer ; car il faut convenir qu'il y a plus d'un embranchement de chemin de fer reliant des villes comme Bastogne, Marche ou Dinant, par exemple, pour lesquels vous garantissez un minimum d'intérêt sur des capitaux bien autrement considérables que ceux que coûterait la Dendre, qui est loin d'avoir l'importance de cette voie de navigation,

J’ai donc la confiance, messieurs, qu'au nom de cette justice distributive, qu'on a tant invoquée dans cette enceinte, vous voudrez bien accueillir favorablement l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer.

M. Veydt, rapporteur. - Déjà on s'occupe de préparer le projet de loi pour le second vote ; je prie la chambre de nous autoriser à changer l'ordre des paragraphes et à modifier quelques expressions, sans altérer le sens pour relier les paragraphes entre eux.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - Plusieurs amendements ont été déposés ; ils seront imprimés et distribués.

- La séance est levée à 5 heures 10 minutes.