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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 14 février 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire fait l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur L.-M. Nieman, préposé des douanes à Eeckeren, prie la chambre de l'exempter du droit d'enregistrement auquel est assujettie la naturalisation qu'il a sollicitée, ou de l'autoriser à faire le payement de ce droit au moyen d'une retenue mensuelle à prélever sur son traitement pendant dix ans. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur F.-J. Saigne, éclusier au canal de Charleroy, prie la chambre de le relever de la déchéance de la naturalisation qu'il a encourue en laissant expirer le terme fixé par la loi pour faire sa déclaration. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Peruwelz prient la chambre d'accorder au sieur de Flinne la concession d'un chemin de fer de Leuze à Peruwelz. »

- Même renvoi.


« Par dépêche du 11 février, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 108 exemplaires de la deuxième partie du tome IV du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture. »

- Distribution aux membres de la chambre.


« M. Fafchamps fait hommage à la chambre de 110 brochures destinées à éclairer la question des brevets d'invention dont la chambre est saisie. »

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Luthereau, d'un projet de loi sur la propriété industrielle.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et l’Angleterre

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le traité avec l'Angleterre.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La chambre le met à l'ordre du jour de jeudi prochain, pour autant que la discussion du Code forestier serait terminée à cette époque.

M. Van Iseghem. - La section centrale propose à la chambre, par mon organe, de déposer les pétitions des sauniers sur le bureau, pendant la discussion du traité.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi sur le code forestier

Discussion des articles

Titre II. De l'administration forestières

Article 13

M. le président. - La chambre est arrivée à l'article 13.

« Art. 13. Les emplois de l'administration forestière sont incompatibles avec toutes autres fonctions, soit administratives, soit judiciaires, autres que celles de gardes champêtres des communes, ou de gardes champêtres et forestiers des particuliers.

« Les employés ne peuvent être experts dans les affaires intéressant l'Etat. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'article 13 a été adopté par la commission tel qu'il a été présenté par le gouvernement ; seulement elle a proposé d'y ajouter ces mots : a Les employés ne peuvent être experts dans les affaires intéressant l'Etat. »

Je ne pense pas que ce soit ici la place d'insérer cette disposition, car ce n'est pas à proprement parler une incompatibilité qu'on établit entre les fonctions d'employé forestier et celles d'expert ; on écarte ces employés plutôt en raison de ce qu'on suppose qu'ils n'ont pas une indépendance de position suffisante pour donner des garanties à la justice.

Je crois donc que cette disposition prend, en quelque sorte, le caractère qu'en procédure on appelle un reproche, et que, sous ce rapport, elle devrait figurer plutôt dans le Code de procédure ; quand il sera question de la révision de ce Code, on verra s'il faut faire une disposition générale pour les agents forestiers ou plutôt s'il ne faut pas introduire une disposition spéciale pour tous les agents de l'Etat ; car il n'y a pas plus lieu de déclarer que les agents forestiers ne pourront être nommés experts dans les affaires intéressant l'Etat, qu'il n'y a lieu de le déclarer pour les autres fonctionnaires.

D'ailleurs, je ne sache pas que les tribunaux qui nomment les experts, aient appelé à ces fonctions des agents forestiers dans les affaires intéressant l'Etat.

La disposition serait encore incomplète en ce sens, qu'on ne détermine pas le genre d'affaires dans lesquelles les agents forestiers ne pourront pas être experts. S'agit-il seulement des affaires forestières, ou bien appliquerait-on l'exclusion à tous les genres d'affaires ? C'est ce que l'amendement de la commission laisse indécis.

Enfin, si nous entrons dans la voie d'établir des reproches dans des lois particulières, nous ne ferons plus une loi dans laquelle nous n'entamions le Code de procédure. Ainsi l'on devrait déclarer, par exemple, que dans les affaires forestières les conseillers communaux, les échevins, les bourgmestres qui se trouvent intéressés pour leurs communes, ne pourraient pas être nommés experts.

Ainsi, quand il s'agit de cantonnements ou d'expertises en fait de droit d'usage, un usager même pourra-t-il être expert ? N'a-t-il pas un intérêt indirect à la décision ? Si l'on admettait cette disposition, on arriverait à modifier peu à peu le Code de procédure et à déposer dans une loi particulière ce qui doit se trouver dans une loi spéciale. L'on agirait donc plus sagement en ajournant la question dont il s'agit jusqu'à la révision du Code de procédure.

M. Orts. - L'amendement proposé par la commission a un double but : permettre d'une part, empêcher de l'autre ; permettre ce qui est juste, équitable, utile ; empêcher l'abus. L'esprit de l'amendement est d'abord de faire disparaître une difficulté qu'a soulevée l'application du Code forestier français.

Par la première partie de l'article 13 en discussion, on voulait ce que l'honorable M. Lelièvre demandait, faire disparaître l'une des difficultés qui se sont élevées en France depuis 1827. Ce premier paragraphe de l'article 13 défend, en effet, aux agents de l'administration d'accepter toute autre espèce de fonctions, de quelque nature qu'elles puissent être, sauf l'emploi de gardes particuliers ou de gardes des communes avec l'autorisation de l'administration. L'interdiction du cumul est absolue sauf deux exceptions. En France l'administration forestière a cru que de cette exclusion résultait l'incapacité pour les agents de l'administration forestière d'être experts dans aucune espèce d'affaires. Deux circulaires ministérielles, l'une du 28 mars 1837, l'autre du 26 janvier 1841, ont ainsi interprété le Code.

Devant cette difficulté, pour empêcher qu'elle ne se produisît à l'avenir, il fallait s'expliquer.

La commission était mise en demeure de se prononcer soit pour l'exclusion des fonctions d'experts, soit pour l'autorisation en faveur des agents de l'administration de remplir ces fonctions. Qu'a fait alors la commission devant cette nécessité ? Elle a proposé de déclarer qu'en règle générale les agents de l'administration pourront accepter le mandat d'experts. Il lui a semblé qu'une exclusion complète pouvait être dangereuse. Les agents de l'administration forestière sont, en certains, cas, pour certaines difficultés, les meilleurs experts que l'on puisse consulter dans les procès entre particuliers.

Par exemple, je suppose qu'il s'agisse de deux particuliers dont l'un ait la nue propriété d'un bois et dont l'autre soit l'usufruitier. Procès s'élève sur le point de savoir si l'usufruitier a abusé de son droit en faisant des coupes irrégulières, s'il a de ce chef encouru une déchéance. Qui mieux que les agents forestiers peut sur ce point technique, peu familier aux tribunaux, éclairer leur justice ? Les agents de l'administration forestière sont encore une fois les personnes les plus aptes à renseigner les juges en matière de cantonnement.

Lorsqu'il s'agit, entre particuliers propriétaires de bois d'une part et des usagers d'autre part, d'apprécier la valeur des droits d'usage, le rapport de cette valeur avec la défensibilité et la possibilité des forêts qui est la limite de leur exercice, les agents de l'administration sont les experts les plus habiles qui puissent éclairer convenablement les hommes à qui ces matières forestières ne sont pas, je le répète, très familières partout.

Nous étions du reste guidés par un précédent dont en pratique on se trouve parfaitement bien. Il y a d'autres matières spéciales, où le concours des agents de l'administration pour les expertises est recherché par d'excellents motifs.

Dans la matière des mines, la loi recommande aux tribunaux de prendre pour les expertises des agents de l'Etat, chaque fois que la chose est possible ; c'est ce que porte, si je ne me trompe, l'article 88 de la loi du 21 avril 1810.

Après avoir reconnu qu'il était bon de ne pas exclure d'une façon absolue le concours des agents de l'Etat pour les expertises dans les affaires où les intérêts de l'Etat ne sont pas débattus, on a pensé que ces agents ne se trouvaient plus dans une position convenable d'impartialité, alors qu'il s'agissait de décider entre l'Etat propriétaire de bois, par exemple, et des usagers sur une demande de cantonnement, dans d'autres cas encore où l'Etat est en cause comme propriétaire intéressé au procès. Voulant admettre ce qui est utile, et repousser ce qui est dangereux, nous avons dit qu'on ne pourrait pas en Belgique, (page 568) comme on l'a fait en France, exclure agents de l'Etat comme incapables d'être experts dans toute circonstance ; mais nous avons compris aussi que, pour éviter l'abus, il fallait introduire une exception à la règle.

Nous avons voulu d'une part écarter les agents des procédures où l'Etat est intéressé, et de l'autre les admettre pour les expertises où l'Etat n'a rien à débattre. Nous devions le faire en matière forestière, quoiqu’en matière de mines on n'ait pas admis d'exception, parce que l'Etat n'a jamais dans les affaires charbonnières un intérêt de propriétaire susceptible de motiver une expertise devant les tribunaux.

Nous avons été obligés d'introduire la disposition pour résoudre une difficulté qui peut se présenter et s'est même présentée ailleurs, la disposition qui permet ce qui est juste et défend ce qui pourrait être un abus.

M. le ministre de la justice objecte que nous touchons au Code de procédure civile qui règle la matière des récusations quant aux experts. Cela n'est pas complètement exact pour l'objet qui nous occupe. Il est fort douteux qu'on puisse récuser comme expert un agent de l'administration le Code de procédure à la main.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On le pourrait très bien.

M. Orts, rapporteur. - Je vais démontrer que la jurisprudence le tolère parfois et dans nombre de circonstances. Dès lors, il est bon de lever une difficulté reconnue quand l'occasion s'en présente. D'après le Code de procédure civile, on peut récuser comme experts ceux qu'on peut reprocher comme témoins. Or, qui peut-on reprocher comme témoins dans la position la plus analogue à celle qu'occupent les agents de l'administration vis-à-vis de l'Etat ? Ce sont les serviteurs ou domestiques, d'après l'article 283 du Code.

Or, beaucoup de tribunaux repoussent l'assimilation des fonctionnaires de l'Etat à des serviteurs ou domestiques, et je pense que cette prétention n'est pas déraisonnable, car les incapacités sont de stricte interprétation et ne s'étendent pas par analogie.

Je le répète : beaucoup de tribunaux prétendent que les agents de l'administration ne sont ni des domestiques ni des serviteurs vis-à-vis de l'Etat, et ne peuvent être reprochés en cette qualité. Pour le prouver, je demande pardon à la chambre de me citer comme exemple, mais si j'invoque le fait, je le fais parce que j'en ai une connaissance personnelle et je puis d'autant mieux en garantir l'exaclitude.

J'ai plaidé, il y a peu de temps, qu'on ne pouvait faire entendre, dans une affaire où il s'agissait de restitution de marchandises confiées au chemin de fer, des agents de l'administration que l'Etat présentait comme témoins, et le tribunal a décidé que les agents de l'administration du chemin de fer n'étaient ni des serviteurs, ni des domestiques de l'Etat. Ils ont été entendus.

Je pense donc utile, messieurs, de lever, l'occasion se présentant, une difficulté qui peut donner lieu à des procès aussi peu désirables pour les particuliers que pour l'Etat.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable M. Orts prouve précisément que j'avais raison en signalant à la chambre les inconvénients qu'il y a à introduire la disposition que la commission vous propose d'adopter.

Je n'ai pas critiqué la disposition en elle-même. Je n'ai pas dit davantage que le Code de procédure était applicable au reproche que la commission formule ; mais j'ai soutenu que c'était plutôt dans le Code de procédure qu'une disposition semblable devait être introduite.

M. Orts. - Quel inconvénient y a-t-il à l'introduire dans la loi ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'inconvénient qu'il y a à introduire dans toute loi spéciale des dispositions exceptionnelles au lieu de maintenir la règle générale relative aux reproches dans le Code de procédure qui est la loi générale. Voilà l'inconvénient.

Ainsi vous faites une exception dans la loi forestière. Vous y déclarez que les agents forestiers ne peuvent être experts dans aucune affaire. Comme cette disposition ne se trouve encore dans aucune autre loi, il en résulte que, vous mettez ces agents de l'Etat dans une position tout exceptionnelle et dans laquelle aucun autre fonctionnaire ne se trouve, que vous les placez dans une situation véritablement anormale.

Vous ferez une loi relative aux agents du chemin de fer. Eh bien, comme vient de le dire l'honorable M. Orts, vous devrez mettre dans cette loi qu'ils ne pourront être experts, qu'ils ne pourront être entendus comme témoins dans les affaires relatives au chemin de fer.

Si vous aviez à refaire la loi communale, vous arriveriez également à dire que les conseillers ne pourront pas être témoins, ne pourront pas être experts dans les affaires qui intéressent les communes.

Voilà des exemples qui vous prouvent l'inconvénient de la disposition que l'on propose. Je ne critique pas cette disposition en elle-même. Je crois qu'il est bon, qu'il est utile même que les agents forestiers ne soient point désignés comme experts ; je crois que les tribunaux feront sagement de ne jamais nommer comme expert dans les affaires intéressant l'Etat un agent forestier, par la raison très simple que l'expertise qui sera faite par lui, n'inspirera pas aux plaignants qu'une confiance entière.

Je ne combats pas la disposition en elle-même ; je la repousse seulement d'une loi où elle ne doit point figurer. Sa place est dans une loi générale ; c'est là que vous devez déclarer si les fonctionnaires de l'Etat peuvent être nommés experts.

Ainsi je vais supposer un cas. Je prends une affaire d'enregistrement. Un individu vend un bois. L'acte porte un prix qui paraît à l'administration de beaucoup inférieur au prix réel. Dans ce cas les agents forestiers pourront-ils être nommés experts ? En vertu de l'amendement tel qu'il est rédigé, ils ne le pourront pas. Ainsi voilà les agents forestiers qui, dans ce cas, ne pourront pas être nommés experts, tandis qu'il n'y a pas de disposition qui exclue du droit d'être expert un vérificateur de l'enregistrement. Voila à quelle singulière anomalie vous aboutissez. Le vérificateur de l'enregistrement, celui qui tient de plus près à cette partie de l'administration, pourra être nommé, dans l'état actuel des choses, expert dans cette affaire, tandis que l'inspecteur forestier, qui a des connaissances spéciales, qui est peut-être étranger à cette affaire, qui n'a aucun intérêt aux conséquences ultérieures qu'elle peut avoir, sera exclu.

Voilà l'inconvénient que je trouve à insérer dans une loi spéciale une disposition qui doit trouver sa place dans la loi générale.

M. Orban. - M. le ministre de la justice reconnaît que la disposition que l'on propose est excellente en elle-même. Mais il la critique sous deux rapports. Il prétend que ce n'est pas ici le lieu d'insérer une semblable disposition, que cette disposition serait plus à sa place dans le Code de procédure civile. Mais il me semble que du moment où la disposition est utile, il vaut infiniment mieux commettre l'erreur, si erreur il y a, de l'introduire dans une législation, quoiqu'elle trouverait peut-être mieux sa place ailleurs, que d'attendre, pour formuler la disposition législative, une révision d'un Code, que rien ne nous annonce devoir être prochaine.

Une seconde objection a été faite par M. le ministre de la justice.

Cette objection est celle-ci, c'est que nous établissons ici, relativement aux agents forestiers, une incapacité d'être experts dans toutes les affaires de l'Etat, incapacité qui serait uniquement applicable aux agents forestiers ; que, par conséquent, c'est les placer dans une position exceptionnellement défavorable, que rien ne justifie vis-à-vis des-autres fonctionnaires de l’Etat. Mais, messieurs, cette objection est uniquement adressée à la rédaction de l'article et nullement à l'intention des rédacteurs de la disposition ; et, pour qu'elle disparaisse, il suffira de rédiger l'article conformément aux vues de ceux qui l'ont proposée.

Il est évident que quand on a parlé de rendre les employés forestiers incapables d'être experts pour le compte de l'Etat, il s'agissait des affaires forestières, des affaires de cantonnement intéressant l'Etat ; car c'est surtout pour les affaires de cette nature que les employés forestiers peuvent se trouver dans le cas d'être nommés experts. Eh bien, nous ferons disparaître l'objection et nous rendrons l'intention de la commission plus claire, en rédigeant l'article en ce sens qu'au lieu de parler simplement des affaires intéressant l'Etat, nous dirions que les employés ne peuvent être experts que pour les affaires de cantonnement intéressant l'Etat. De cette façon, la principale objection de M. le ministre de la justice disparaîtra et l'article sera rédigé d'une manière conforme aux intentions de la commission,

Maintenant, j'ajouterai un mot pour prouver que, dans l'ordre logique de la rédaction, c'est bien ici que l'amendement doit trouver sa place. De quoi vous occupez-vous dans cette partie de la loi ? Vous vous occupez de déterminer quelles sont les fonctions, les occupations, les professions, les industries que les employés des forêts ne peuvent pas exercer, pour ne pas être distraits de l'exercice des fonctions dont ils sont investis par l'Etat.

Eh bien, c'est sous ce rapport que la disposition est nécessaire et qu'elle doit trouver ici sa place ; car, remarquez-le bien, ce n'est pas seulement à cause d'un défaut présumé d'impartialité de la part des agents de l'Etat que cette interdiction est prononcée ; c'est encore à cause du surcroit d'occupations qui en résulte pour ces agents et qui est de nature à les distraire de leurs fonctions principales. Ainsi, nous avons vu fréquemment des fonctionnaires supérieurs de l'administration des forêts employés comme experts dans des affaires qui les distrayaient pendant deux ou trois ans de leurs fonctions ; c'est là évidemment un abus très grave, et c'est à cet abus qu'on a voulu parer en proposant cette disposition. Elle est donc parfaitement à sa place, puisqu'elle se trouve accolée aux dispositions de même nature concernant les employés forestiers.

M. le président. - Voici le sous-amendement de l'honorable M. Orban.

« Les employés ne peuvent être experts dans des affaires de cantonnement intéressant l'Etat. »

Cet amendement est-il appuyé ?

- Plusieurs membres se levant, ce sous-amendement fait partie de la discussion.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si la question avait été placée sur le terrain de l'incompatibilité , si elle avait été examinée au point de vue où elle l'a été en France, au point de vue du temps que des expertises peuvent faire perdre aux agents forestiers, j'aurais bien mieux compris la disposition, Je comprends fort bien que l'on déclare d'une manière générale que les agents forestiers ne peuvent être experts, et que, lorsqu'il n'y a d'autre motif à cette défense que de ne pas faire perdre de temps, je comprends qu'on le dise dans le Code forestier parce que c'est là une véritable incompatibilité se rapportant à la matière spéciale que règle ce Code.

Mais ce n'est pas sous ce rapport que la question a été examinée par la commission ; la commission s'est si peu placée à ce point de vue qu'elle permet aux agents forestiers d'être experts dans toutes les affaires qui concernent les particuliers. Or, je vous déclare que vous ne (page 569) citerez pas un cas où, dans les affaires de l'Etat, un tribunal a nommé expert un agent forestier, et je ne serais pas du tout embarrassé de citer de nombreux cas où ils l’ont fait dans des affaires concernant les particuliers.

M. Orban. - -Je crois que dans la dernière affaire de cantonnement, celle de la forêt de Freyer, un fonctionnaire de cette administration a été nommé encore.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense que les experts ne sont pas nommés. L'affaire ne peut pas avoir acquis ce degré d'instruction.

Eh bien, messieurs, c'est précisément quand on les nomme experts dans les affaires des particuliers, que les agents forestiers sont distraits de leurs fonctions.

Quant aux affaires de l'Etat, let tribunaux hésiteront toujours à nommer experts des agents forestiers, parce qu'ils savent bien que les parties n'accorderaient pas alors au jugement qui interviendrait, le respect dont il est à désirer que les arrêts de la justice soient toujours entourés.

C'est donc par un véritable motif de défiance que la commission interdit aux agents forestiers d'être experts. Eh bien, je dis que vous ne pouvez pas mettre cette disposition dans une loi spéciale ; vous devez en faire un reproche applicable à tous les fonctionnaires.

Ce qui prouve combien il est dangereux d'insérer de semblables dispositions dans une loi spéciale, c'est l'amendement de l'honorable M. Orban. L'honorable membre propose de dire que les agents forestiers ne pourront pas être experts dans les affaires de cantonnement. Eh, messieurs, il y a bien d'autres affaires forestières : je suppose, par exemple, que l'usager, sans demander le cantonnement, accuse le propriétaire d'avoir commis des abus dans la forêt, d'avoir, par exemple, à son profit, fait abattre des arbres qu'il n'a pas fait distribuer ; ce n'est pas là une affaire de cantonnement et dans ce cas, d'après l'amendement, l'employé forestier pourra être expert. Eh bien, pourquoi le permettre dans ce cas et ne pas le permettre dans d'autres ?

M. Orban. - Je modifierai mon amendement en ce sens.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous voyez bien qu'avec de semblables amendements vous vous heurtez contre une foule de difficultés ; vous prévoyez un cas, et il en est mille que vous ne prévoyez pas.

Je citerai un autre exemple. En matière d'enregistrement, lorsque l'administration suppose que l'acquéreur d'un immeuble n'a pas déclaré la totalité du prix, et qu'elle fait faire l'expertise, admettrez-vous que les agents forestiers puissent être experts ?

Vous voyez bien qu'il s'agit là d'une règle générale que vous devez appliquer à tous les fonctionnaires, et qui dès lors ne peut pas trouver sa place dans la loi actuelle. La disposition en elle-même, je l'approuve, mais je trouve qu'il y a danger à l'introduire dans une loi spéciale. Si vous entriez dans une telle voie, vous ne pourriez plus faire une loi sans y insérer de semblables dispositions. Je ne puis trop le répéter, ces dispositions ne peuvent être convenablement placées que dans le Code de procédure.

M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable ministre de la justice a raison jusqu'à un certain point. La disposition n'est pas à sa place, si elle concerne d'autres fonctionnaires publics que les agents forestiers ; elle n'est pas à sa place, si elle concerne d'autres affaires que les affaires forestières.

Je reconnais que la rédaction de la commission est défectueuse, en ce qu'elle établit, en règle générale, l'interdiction des agents forestiers, même pour les affaires qui ne concernent pas les bois de l'Etat. En ce sens, M. le ministre de la justice a raison : la disposition n'est pas à sa place.

Mais l'objection disparaît, si on rend la disposition moins absolue. Je ne puis toutefois admettre l'amendement de l'honorable M. Orban. Comme vient de le faire remarquer M. le ministre de la justice cet amendement a le tort d'être trop spécial. Il y a beaucoup d'affaires forestières autres que celles qui concernent le cantonnement. Il y a donc un changement à proposer à l'amendement de l'honorable M. Orban ; au lieu de : « dans les affaires de cantonnement », on pourrait dire : « dans les affaires forestières intéressant l'Etat ». Alors la disposition serait à sa place.

Les agents forestiers pourront être experts dans d'autres affaires ; si un agent forestier a d'autres connaissances que celles qui se rattachent aux forêts, les tribunaux pourront, aux termes du Code de procédure civile, le choisir pour expert.

Lorsqu'on révisera le Code de procédure civile, on pourra examiner si l'interdiction doit être absolue ; ici nous ne devons pas créer l'interdiction d'une manière absolue : nous sortirions de la matière que nous traitons en ce moment ; mais nous pouvons limiter l'interdiclton aux agents et aux matières dont le projet de loi s'occupe.

Je propose de sous-amender l'amendement en ce sens : « Les employés ne peuvent être experts dans les affaires forestières concernant l'Etat. »

M. Orban. - Je me rallie au sous-amendement proposé par l'honorable M. Delfosse, et je profite de l'occasion pour répondre à une objection qui a été présentée par M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice prétend que la nouvelle rédaction constitue une nouvelle anomalie en ce sens, que nous limitons maintenant sans motifs suffisants l'interdiction proposée aux affaires forestières ; tandis que pour les autres affaires, par exemple, pour les affaires d'enregistrement, les employés forestiers pourront être pris pour experts, Je répondrai à cet égard que, pour tout ce qui n'est pas relatif aux forêts, nous resterons sous l'empire de la législation générale. Sous le rapport de l'interdiction signalée par M. le ministre de la justice, les employés ne seront incapables que de la même manière que les autres fonctionnaires publics. A cet égard, s'il y a une lacune dans la législation actuelle, il pourra y être pourvu lors de la révision du Code de procédure civile, annoncée par M. le ministre de la justice.

M. Moncheur. - Messieurs, l'amendement de la commission a été arrêté par elle, à la suite de cette observation qu'on a faite dans son sein, c'est que par suite de l'établissement du droit de succession en ligne directe, le nombre d'expertises qui auront lieu pour les bois des particuliers sera de beaucoup plus considérable qu'auparavant.

Or, on a dit qu'il arrive souvent que les tribunaux adoptent quelques experts plus spéciaux pour ces sortes d'expertises, et qu'il y aurait un inconvénient grave à voir les agents forestiers de l'Etat être chargés de ces expertises. Ils ne peuvent, selon la commission, être nommés pour estimer la valeur des biens qui seraient soumis au droit de succession.

Comme on l'a dit, messieurs, la plus grande valeur des bois et forêts consiste dans la superficie ; c'est là aussi la nature de biens la plus difficile à évaluer. Je défie qui que ce soit, fùt-il un forestier consommé, de dire quelle est la valeur d'un bois un peu étendu de futaie sur taillis, s'il n'a estimé la futaie arbre par arbre. Les contribuables seront donc presque toujours forcés, pour se mettre à l'abri des poursuites de l'administration, de faire estimer contradictoirement leurs bois, d'en demander l'expertise.

Eh bien, c'est pour éviter qu'une expertise ne soit faite par les employés de l'Etat que le paragraphe adiitionnd a été principalement proposé.

Vous voyez donc que dans l'esprit de la commission ce paragraphe n'a pas eu seulement pour but d'interdire l'intervention des employés du gouvernement dans les affaires forestières, mais aussi dans toutes les affaires.

Maintenant vient la question d'opportunité de l'insertion de ce paragraphe dans le Code forestier. Cette opportunité est évidente à mes yeux. Le Code de procédure civile sera révisé, dit-on ; mais quand le sera-t-il ? En attendant, il y aura une lacune importante sur cette matière, et c'est cette lacune que la commission a voulu combler en proposant son paragraphe additionnel.

M. Delfosse. - Messieurs, il est certain que si l'amendement de la commission devait au fond être compris dans le sens que vient de lui attribuer l'honorable M. Moncheur, il faudrait attendre la révision du Code de procédure civile ; les observations de M. le ministre de la justice seraient parfaitement fondées : nous réglerions des matières dont nous n'avons pas à nous occuper en ce moment. Si l'interdiction est absolue, il faut attendre la révision du Code.

On ne peut établir ici une interdiction que pour les matières dont le Code forestier s'occupe. Nous avons raison contre M. le ministre de la justice quand nous limitons l'interdiction ; mais M. le ministre de la justice a raison contre nous, si l'interdiction est absolue.

L'honorable M. Moncheur objecte que la révision du Code de procédure civile peut se faire attendre longtemps. Si le Code de procédure est défectueux, il dépend du législateur de le réviser sans retard. Nous ne pouvons pas admettre la manière de raisonner de l'honorable M. Moncheur. Quand une loi est vicieuse, on doit la changer le plus tôt possible.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, voilà 60 ans que la lacune qu'on signale existe, et jamais elle n'a donné lieu à aucune réclamation ; et pour combler une lacune qui n'a jamais donné lieu à aucune réclamation, on veut introduire dans la loi ce qui ne doit pas y être !

- La discussion est close.

L'amendement proposé par M. Delfosse est adopté.

L'article 13, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 14

« Art. 14. Nul employé de l'administration forestière ne peut faire le commerce de bois, ni exercer directement ou indirectement aucune industrie où le bois serait employé comme matière principale, à peine de suspension, et de destitution en cas de récidive.

« Nul employé ne peut, sans autorisation du gouvernement, tenir auberge ou débit de boissons, se porter acquéreur ni hausser dans les ventes de bois soumis à sa surveillance. »

M. le président. - La dernière disposition de cet article est un amendement de la commission. M. le ministre de la justice s'y rallie-t-il ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement se rallie à la première partie de l'amendement de la commission qui tend à interdire aux employés de tenir auberge ou de débiter des boissons. Mais je crois que la seconde partie de cette disposition qui consiste à leur défendre de se porter acquéreurs dans les ventes de bois qui sont soumis à leur surveillance, ou de hausser dans la vente de ces bois, je crois, dis-je, que cette disposition est beaucoup trop sévère, e je ne conçois pas l'importance qu'on y attache.

Conformément au premier paragraphe de l'article 14, nul employé de l'administration forestière ne peut faire le commerce de bois, ni exercer aucune industrie où le bois sera employé comme matière principale, à peine de suspension et de destitution en cas de récidive.

Quel est donc le bois dont les gardes forestiers peuvent se rendre (page 570) acquéreurs après la prohibition prononcée par le premier paragraphe ? C'est exclusivement le bois dont ils peuvent avoir besoin pour leur usage. Or ces gardes devront-ils recourir au gouvernement pour acquérir le bois dont ils ont besoin pour leur chauffage ? Je ne pense pas qu'il faille pousser la rigueur jusqu'à ce point. Il est évident que les gardes ne pourraient hausser dans les ventes de bois soumis à leur surveillance, alors que ce bois devrait servir à exercer leur industrie. Mais si, lorsqu'il s'agit du bois dont ils ont besoin pour leur chauffage, les gardes étaient forcés de recourir au gouvernement, si l'on exigeait qu'ils fissent deux ou trois lieues de chemin pour se procurer ce bois, on leur imposerait des charges très onéreuses qu'en général leur traitement ne comporte pas. Cette disposition me semble donc sans importance.

M. David. - C'est frappée par quelques inconvénients que la commission a proposé l'amendement dont il est question. Voici ce qui arrive A la vente des bois, un garde vient hausser, il se présente un paysan qui enchérit contre lui ; il lui fait payer la portion ou le lot un peu plus cher, et le pauvre paysan devient par cela même en butte à toute espèce de vexations et de procès-verbaux pour des futilités de la part du garde. Dans de pareils cas le mieux pour les amateurs est de s'abstenir, mais alors les coupes se vendent à vil prix.

J'ai des exemples que je pourrais citer, si je le voulais. C'est pour prévenir ces abus que la commission a introduit l'amendement.

Maintenant il y a d'autres bois que les bois de chauffage que les gardes désirent et peuvent acheter, ce sont les taillis à écorces à tan, et qui font l'objet d'un commerce important. Les gardes ont donc intérêt à éloigner les enchérisseurs et les éloigner ont en effet chaque fois qu'ils se présenteront à une enchère publique, si nous les autorisons à se porter acquéreurs.

J'appuie l'amendement de la commission et j'engage vivement la chambre à l'adopter.

M. Orts, rapporteur. - J'ai demandé la parole, ne sachant pas que l'honorable M. David allait expliquer le sens de l'amendement dont la paternité lui appartient. J'ajouterai maintenant un seul mot.

La commission a été déterminée à adopter l'amendement par la révélation d'abus que l'honorable M. David a signalés et qu'il avait eu occasion de constater par expérience personnelle. Sans doute, il y a quelque chose d'excessif à interdire à un garde d'acheter quelques bûches aux ventes de coupes faites dans la circonscription de son triage. Mais en dehors de toute limite des abus sont possibles. Nous pensons avoir concilié tous les intérêts en permettant ces acquisitions avec l'autorisation de l'administration supérieure. Du reste, je dois à la vérité de le dire, la commission a été à peu près partagée sur ce point.

M. Thibaut. - Les termes dans lesquels est conçu l'article 14 rendent nécessaire une explication. Cet article est la reproduction presque textuelle de l'article 31 de l'ordonnance réglementaire du Code forestier français. Seulement on y a ajouté deux mots, dont le sens n'est pas bien défini. On défend aux agents forestiers :

1° De faire le commerce de bois (ceci est conforme au texte français.)

2° D'exercer directement ou indirectement une industrie où le bois serait employé comme matière principale.

Ces deux mots : « directement ou indirectement » ne se trouvent pas dans l'article 31 de l'ordonnance française.

Résulte-t-il de cette addition que le commerce de bois, exercé indirectement ou par personnes interposées, n'est pas défendu ; ou, qu'il soit permis à un garde forestier de tenir un débit de boissons ou une auberge par personne interposée ? Non sans doute ; mais alors pourquoi employer des expressions différentes pour des cas identiques ? La règle doit être générale et la même pour les cas.

M. Orts, rapporteur. - Il n'y a rien d'illogique ni d'inconséquent à placer les mots « directement et indirectement » devant le mot « industrie », alors qu'ils ne figurent pas à côté du mot « commerce ». La commission a eu ses raisons d'agir ainsi ; les voici en deux mots. « Directement ou indirectement » sont des termes se rapportant spécialement à l'industrie, parce que l'industrie peut employer le bois directement comme matière brute ou l'employer indirectement quand il a été converti en matière ouvrée ou façonnée par une opération intermédiaire ; on ne veut pas, par exemple, qu'un agent puisse faire le commerce de charbon de bois avec le bois des coupes de son triage réduil à cet état.

C'est pour ce motif que les mots : « directement ou indirectement » ont été introduits en regard du mot : « industrie ». Quant au commerce, il est toujours direct par rapport à son objet, qu'il soit fait ou non par personne interposée, chose également défendue. Tel est le sens des mots « directement ou indirectement » de l'article.

M. David. - Il est une observation de M. le ministre de la justice que je n'ai pas rencontrée ; il a dit que si on interdisait aux gardes de se porter acquéreurs, ils devraient faire 4 et 5 lieues pour se procurer leur bois de chauffage. Ce n'est pas ce qui se pratique ; le garde pourra toujours acheter quelques mille fagots aux obtenteurs de son triage, ils ne demanderont pas mieux que de lui en vendre.

M. Delfosse. - Il est de principe que ce qu'on ne peut pas faire soi-même on ne peut pas le faire par personne interposée. Les observations présentées par M. le ministre de la justice m'engagent à ne pas insister pour l'adoption de la deuxième partie de l'amendement. La défense de faire directement eu indirectement le commerce de bois me paraît une garantie suffisante. Si néanmoirs la chambre adoptait tout l'amendement, je proposerais de substituer le mot « enchérir » au mot « hausser ».

- La première partie de l'amendement de la commission est mise aux voix et adoptée.

La deuxième partie est rejetée.

L'ensemble de l'article ainsi amendé est adopté.

Article 15

« Art. 15. Les agents forestiers ne peuvent avoir sous leurs ordres immédiats leurs parents en ligne directe, leurs frères, oncles, neveux, ni leurs alliés au même degré. »

- Adopté.

Article 16

« Art. 16. Les gardes forestiers sont responsables de toute négligence ou contravention dans l'exercice de leurs fonctions. Ils sont passibles des amendes et indemnités encourues pour les délits qu'ils n'auront pas dûment constatés. »

M. Orban. - Je trouve la disposition extrêmement sévère à l'égard des gardes forestiers. Peut-être quelques explications de la part de M. le ministre seraient-elles nécessaires sur sa portée. Quand un garde n'a pas constaté un délit, il est substitué au délinquant lui-même, il est passible des mêmes amendes, des mêmes pénalités que l'auteur du délit pourrait encourir. Il arrive souvent que les gardes sont chargés de la surveillance d'un triage d'une telle étendue que la constatation de tous les délits qui peuvent se commettre est impossible, à moins d'être doué du don de l'ubiquité qui n'appartient pas plus aux gardes qu'à toute autre personne.

Si le principe était admis, il y aurait, dans tous les cas, un tempérament à y apporter. Il faudrait dire après quel délai le garde sera considéré comme responsable des délits non constatés. Si c'est la veille ou l'avant-veille que le délit a été commis, il ne peut y avoir lieu à responsabilité. Reste donc à savoir quand commencera celle-ci. Dans tous les cas l'article me paraît d'une rigueur excessive. Il peut donner lieu à de singuliers incidents.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'est pas exact de dire que la négligence des employés supérieurs ne puisse être reconnue que lorsqu'il y a quelque intérêt à la faire constater.

Ainsi, l'honorable M. Orban vient de citer ce fait : des individus, pour se venger d'un garde, commettraient un délit, à son insu, et le signaleraient ensuite à l'administration pour le faire punir de sa négligence.

Tous les ans les bois sont parcourus par les inspecteurs forestiers et très souvent ces agents supérieurs constatent des délits qui ont été commis longtemps auparavant, et en dressent procès-verbal. Ainsi, quand il s'agit de l'essartage, de l'arpentage, du balivage ou du martelage, ce sont toujours les employés supérieurs qui dirigent ces opérations et qui, en même temps, constatent les délits qui ont pu être commis à l'insu des gardes.

Maintenant, l'article 16 ne déclare pas dans quel délai les délits doivent être constatés ; mais c'est là une question d'appréciation ; la négligence ne peut pas être calculée à 1, 2 ou 3 jours près, c'est aux tribunaux qu'il appartient d'apprécier s'il y a négligence ou non. Ainsi, on comprend qu'un garde qui a un immense triage, ne puisse pas faire son procès-verbal le lendemain du délit ; mais si le retard, au lieu de n'être que de quelques jours, était d'un mois, par exemple, il va de soi que, dans ce cas, il y aurait manifestement négligence et que le garde encourrait la responsabilité qui eût pesé sur le délinquant s'il avait été découvert.

M. Orban. - M. le ministre de la justice est d'accord avec moi, que la rigueur que renferme cet article à l'égard des gardes forestiers serait excessive, si on en faisait l'application dans un délai rapproché ; et il reconnaît que la disposition ne devra être appliquée que lorsque le délit aura été commis depuis un temps moral suffisant. Mais il y a là un arbitraire qui ne se concilie nullement avec la rigueur de la disposition, qui place le garde dans la même position que le délinquant, sous le rapport des pénalités à encourir. Encore si vous disiez que la disposition serait applicable, si le délit n'était pas constaté après un mois de date ; mais non : tout est laissé à l'appréciation arbitraire des fonctionnaires supérieurs.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une erreur ; il n'appartiendra qu'aux tribunaux de juger s'il y a eu négligence de la part des gardes forestiers. Le garde n'est responsable que de sa négligence, et c'est aux tribunaux qu'il appartient d'apprécier ce fait. Il ne s'agit ici que de l'application d'un principe de droit commun, et cette application ne peut appartenir qu'au juge compétent.

Il est impossible de tracer d'autres règles que celles qui ont déjà reçu la sanction du temps et qui, encore une fois, ne donnent lieu à aucune difficulté.

M. Orts, rapporteur. - Je voulais faire remarquer que, comme vient de le dire M. le ministre de la justice, la disposition est en vigueur depuis 1791, en France, et depuis l'introduction de la loi de 1791 en Belgique, sans avoir jamais donné lieu à aucun abus ou à aucune difficulté. C'est, au surplus, comme nous le disons dans le rapport, l'application à un cas spécial ou plutôt le rappel, dans une loi spéciale, d'une règle écrite en l'article 1383 du Code civil. Cet article appliqué, quand il est invoqué devant les tribunaux, entre particuliers, n'a jamais amené la moindre hésitation de la jurisprudence.

- L'article 16 est adopté.

Articles 17 et 18

(page 571) « Art. 17. Les agents forestiers encourront la responsabilité mentionnée en l'article précédent, lorsqu'ils n'auront pas constaté les malversitions, contraventions et négligences de leurs subordonnés immédiats. »

- Adopté.


« Art. 18. L'empreinte des marteaux dont les agents et les gardes forestiers font usage, tant pour la marque des bois de délit et des chablis, que pour les opérations de balivage et de martelage, est déposée au greffe des tribunaux, savoir :

« Celle des marteaux particuliers, dont les agents et gardes sont pourvus, aux greffes des tribunaux de première instance dans le ressort desquels ils exercent leurs fonctions ;

« Celle du marteau royal uniforme, aux greffes des tribunaux de première instance et des cours d'appel. »

- Adopté.

Article 19

« Art. 19. Les traitements des agents et gardes forestiers, chargés de la surveillance des bois des communes, des établissements publics et des bois indivis, seront payés en totalité, à l'instar de ceux du domaine, sur la caisse du trésor, qui en fera l'avance.

« Les communes, les établissements publics et les propriétaires concourront, chaque année, au remboursement desdits traitements ainsi que des frais de régie et de surveillance, en proportion de l'étendue et du produit de leurs bois.

« Le Roi fixera la part de chaque province, et la députation permanente en fera la répartition entre les intéressés. »

M. le président. - M. Jacques propose, par amendement, de commencer ainsi le troisième paragraphe :

« Ce remboursement, qui sera exigé le 1er juillet, ne pourra dépasser une somme annuelle de 130,000 fr. »

M. Jacques. - Messieurs, vous avez réglé, par des dispositions adoptées dans une autre séance, ce qui concerne le nombre, le traitement et la nomination des gardes ; vous avez maintenu à peu près ce qui existe pour les gardes des bois des communes et des établissements publics.

L'article actuellement en discussion règle la manière dont le traitement de ces gardes sera payé et dont le remboursement par les communes aura lieu, pour ce qui concerne leurs bois.

L'intention du gouvernement et de la commission est, sans doute, de maintenir aussi, sous ce rapport, ce qui existe actuellement ; mais je remarque que, pour arriver à ce résultat, la rédaction de l'article présente deux lacunes.

En effet, d'après l'article 83 de la loi communale, les lois, arrêtés, décrets et règlements actuellement en vigueur continuent à être exécutés ; or, au nombre de ces arrêtés il s'en trouve un du 7 mai 1819 qui a réglé le mode de payement des gardes, à peu près comme le règle l'article 19 du projet ; mais il a statué, en outre, sur deux points qui ne se trouvent pas compris dans le projet actuel.

L'un de ces points c'est la quotité de la somme à rembourser par les communes.

L'art. 11 de l'arrêté du 27 mai 1819 fixe la somme par province. Je conçois que maintenant on fixe une somme pour toutes les provinces qui font partie du pays. Mais je pense qu'il ne faut pas laisser la détermination de cette somme à l'arbitraire du gouvernement. Pour que les communes restent dans la situation où elles se trouvent maintenant, il faut que la loi actuelle indique un chiffre maximum pour la contribution à supporter par les communes.

Depuis que les provinces de Limbourg et de Luxembourg ont été morcelées, la quote-part de contribution qui était assignée aux communes détachées a nécessairement été distraite de la somme totale, et cette dernière somme ne s'élève plus à peu près qu'au chiffre de 130,000 fr., que j'indique dans mon amendement.

Je désire donc qu'on ajoute à l'article la détermination de ce chiffre, comme maximum, pour que le gouvernement ne puisse dépasser, dans la répartition entre les provinces, la somme qui est actuellement supportée par toutes les communes du pays.

Un autre point était réglé par l'arrêté de 1819, qui n'est pas régré dans la loi actuelle : c'est la date précise à laquelle les communes, les établissements publics, doivent payer leur quote-part. L'article 15 de l'arrêté du 27 mai 1819 fixait la date du 1er juillet pour ce remboursement. Si l'on ne reproduit pas dans la loi actuelle la fixation de cette date, il arrivera que les communes ne seront plus tenues de rembourser leur quote-part qu'à la fin de l'année ; car on dit : « Les communes concourront chaque année au remboursement desdits traitements, » et dans un autre paragraphe on dit : « Les traitements seront payés en totalité, à l'instar de ceux du domaine, sur la caisse du trésor, qui en fera l'avance.»

Le trésor fera donc l'avance, et il faudra attendre jusqu'à la fin de l'année pour que les communes soient appelées à rembourser leur quote-part. Je crois qu'il vaut mieux conserver la date du 1er juillet, parce que cette date convient mieux, me semble-t-il, aux communes et au trésor. Je propose donc de dire : « Ce remboursement, qui sera exigible le 1er juillet, ne pourra pas dépasser une somme annuelle de 130,000 francs. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Jacques voudrait d'un côté que, par la loi, on limitât le maximum auquel le Roi pourra porter la somme qui devra être supportée par les communes dans les frais de garde. Je ne pense pas que cet amendement soit acceptable et qu'il soit possible de lier par la loi le pouvoir central.

D'abord il est possible que les communes mêmes demandent que le nombre des gardes soit augmenté. Du moment où les communes demanderaient que le nombre des gardes qui doivent surveiller leur propriété, fût augmenté, dès ce moment aussi elles devraient participer pour une plus forte part dans les frais de garde.

Il y a d'autres raisons, messieurs, pour lesquelles on ne peut pas fixer un maximum.

Aujourd'hui, par exemple, on reboise beaucoup. En ce moment ces bois ne donnent pas encore lieu à de grands frais de garde ; mais après un certain temps, ils tomberont exclusivement sous le régime forestier ; de nouveaux gardes devront être nommés, et par conséquent devront être payés.

Enfin, messieurs, il est une troisième raison pour laquelle il est encore impossible de fixer un maximum.

Aujourd'hui, dans plusieurs provinces de notre pays, il existe des droits d'usage. La plupart des usagers, des communes usagères ne sont pas tenus des frais de garde ; c'est le propriétaire qui les paye exclusivement. Lorsque le cantonnement aura été opéré, lorsqu'une partie de la propriété dans laquelle les usagers n'excercent aujourd'hui qu'un droit d'usage, sera devenue la pleine propriété des usagers, lorsque leur qualité d'usagers sera changée en celle de propriétaires ; alors, évidemment, il leur incombera des frais de garde ; ils devront faire surveiller, et le chiffre dépensé pour la surveillance devra augmenter. Ainsi, dans le Luxembourg seulement, il y a certainement, sans exagération, 20,000 à 28,000 hectares de bois grevés de droits d'usage. Eh bien, par suite du cantonnement, les sept douzièmes et peut-être les huit douzièmes de ces bois deviendront la propriété des communes usagères. Il y aura donc 14,000 ou 15,000 hectares de plus à garder. Il y aura des frais de garde à payer en plus pour 14,000 ou 15,000 hectares.

Vous comprenez dès lors qu'il n'est pas possible de se lier par la loi.

Quant à la seconde proposition que fait l'honorable M. Jacques, je n'y vois aucune espèce d'utilité.

L'article 19 déclare que la caisse du trésor fait l'avance et que les communes remboursent ; il ne fixe pas de délai ; cela sera réglé administrativement. Les gardes forestiers sont, si je ne me trompe, payés par trimestre.

On déclarera administrativement et les communes rembourseront par trimestre, par semestre ou par année. Je ne crois pas que nous ayons à nous occuper d'un détail semblable.

M. Jacques. - L'une des causes que M. le ministre indique comme empêchant de fixer dans la loi même un chiffre maximum, n'est pas réelle. Il vous a dit que si des communes demandaient un plus grand nombre de gardes, il faudrait augmenter la quote-part qui leur est attribuée. Mais ce serait contrevenir à la loi telle qu'elle est proposée. Car elle dit que la répartition entre les communes sera faite en proportion de l'étendue et du produit de leurs bois.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si vous nommez vingt gardes de plus, le chiffre augmente.

M. Jacques. - Je raisonne d'après le texte de la loi tel qu'il est : le nombre de gardes n'y est pas indiqué parmi les bases de la répartition.

J'ajouterai encore que depuis 1819, tous les faits que M. le ministre vient de citer se sont produits sur une échelle plus ou moins grande, et que pendant ces 33 années on n'a apporté aucun changement à la fixation de la somme globale. Je conçois que plusieurs communes aient dû payer davantage ; mais, par compensation, d'autres communes ont payé moins. La rétribution totale, telle qu'elle a été fixée par l'arrêté du 27 mai 1819, article 11, n'a pas changé ; voilà 33 ans que ce chiffre est fixé d'une manière invariable.

Il faut, messieurs, faire attention à une chose : dans un intérêt général, vous enlevez aux communes la libre nomination de leurs gardes, vous leur enlevez la fixation du traitement de ces gardes. Mais si l'intérêt général exige qu'on leur enlève ces droits, il semble qu'alors l'équité peut aussi exiger que l'Etat supporte une partie de la dépense, de sorte que l'on ne doit pas plus qu'en 1819, pas plus que dans les 33 ans qui se sont écoulés depuis lors, chercher à faire supporter aux communes à un centime près, toute la dépense qui résulte de la surveillance et de l'administration de leurs bois.

Du reste, pour faire droit à l'observation de M. le ministre de la justice, en ce qui concerne les cantonnements qui augmenteront dans un délai rapproché la propriété forestière d'un certain nombre de communes, on pourrait au lieu du chiffre de 130,000 francs, qui représente la somme que payent aujourd'hui les communes, fixer un chiffre supérieur, parce qu'il s'agit d'un maximum. Je dis : ce remboursement ne pourra pas dépasser une somme de 130,000 francs. Fixez, si vous voulez, le chiffre à 140,000 fr., mais ne laissez pas au pouvoir exécutif l'arbitraire le plus large pour fixer la somme qu'il trouvera bon.

Je consens donc à ce qu'on fixe une somme supérieure à celle que j'indique, parce que je ne l'indique que comme maximum. Je consens à ce qu'on porte le chiffre à 140,000 francs ; pourvu que l'on ait la certitude que le gouvernement ne dépassera pas le chiffre porté dans la loi. Mais si vous lui laissez pleine carrière, il pourra assigner à ses agents forestiers et à ses gardes tels traitements qu'il voudra et les communes seront obligées de payer sans avoir été consultées, sans avoir rien à dire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si je comprends bien la pensée de M. Jacques, il voudrait faire supporter par l'Etat une partie des frais de garde des bois communaux. Voilà précisément (page 572) le système dont je ne veux point, parce qu'il deviendrait fatal aux communes même. En définitive, et pardonnez-moi la trivialité de l'expression, le gouvernement ferait surveiller les forêts proportionnellement à l'argent que les communes lui donneraient, il leur en donnerait pour leur argent, Ainsi, le jour où le gouvernement trouverait qu'il doit y avoir des frais de garde jusqu'à concurrence de 160,000 fr., si les communes ne devaient fournir que 130,000 fr., il n'augmenterait pas le nombre des gardes, précisément parce que ce serait de sa poche que l'Etat devrait payer.

Il vaut bien mieux que la somme à payer par les communes soit toujours en rapport avec les besoins qu'entraîne la garde des forêts. Du reste, il est juste que les communes payent en proportion des services qui leur sont rendus par l'Etat ; on ne peut pas exiger que l'Etat fasse surveilller à ses frais des bois dont les communes retirent tous les fruits.

M. Orban. - Au fond, les observations de M. Jacques ont quelque chose de parfaitement juste ; cependant, je crois qu'il n'y a pas lieu d'introduire à ce sujet une disposition dans la loi.

Il est certain qu'une des considérations les plus puissantes qui ont fait maintenir à toutes les époques la soumission des communes au régime forestier, c'est l'économie qui en résulte pour elles. On leur a dit : Vous ne pouvez pas vous plaindre, car la réunion sous une même administration des bois communaux et de ceux de l'Etat entraîne pour vous une grande économie en faisant profiter les communes de l'administration supérieure créée par l'Etat.

Or, messieurs, les communes ont des forêts qu'elles conserveront, celles de l'Etat finiront probablement par être vendues, et il serait souverainement injuste que, cette éventualité venant à se réaliser, l'Etat maintînt aux frais des communes l'administration forestière telle qu'elle existe maintenant. Il serait utile que les communes fussent rassurées contre une telle éventualité, et je voudrais que M. le ministre fît une déclaration dans ce sens.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est parfaitement inutile de prendre un engagement dans le sens de l'observation faite par l'honorable membre : c'est le devoir du gouvernement, dans tous les cas et pour toutes les administrations, de réduire le nombre des fonctionnaires à ce qui est strictement exigé par les besoins du service. Il est évident que si toutes les forêts de l'Etat étaient aliénées on ne pourrait pas conserver le personnel actuel ; ce serait un luxe contre lequel les membres de la chambre s'empresseraient de réclamer.

M. Roussel. - Messieurs, la proposition de M. Jacques consiste à traduire en chiffres ce qui se trouve déjà dans l'article 19. L'article 19 dit :

« Les communes, les établissements publics et les propriétaires concourront chaque année au remboursement desdits traitements ainsi que frais de régie et de surveillance, en proportion de l'étendue et du produit de leurs bois. »

La base de la contribution est donc fixée, et je ne pense pas qu'il faille préciser un chiffre dans une matière où le chiffre doit varier suivant les aliénations et les acquisitions. A ce point de vue donc il n'y a pas d'utilité à ce qu'un chiffre soit inscrit dans la loi. D'abord le législateur ne fait pas les lois pour lier l'administration, surtout en ce qui concerne le bien.

Si les besoins de l'administration forestière exigeaient une surveillance plus forte, plus sérieuse, par conséquent plus coûteuse, je ne vois pas pourquoi la loi viendrait y mettre obstacle, pourquoi l'on détruirait par la fixation d'un chiffre, le principe même de la proportion établi par l'article 19.

Voilà pour le premier point. Quant au second point, qui est de fixer l'époque où les communes et les établissements publics devront faire le remboursement, c'est une question de règlement et la Constitution donne au Roi le droit de faire les règlements pour l'exécution des lois.

- L'amendement de M. Jacques est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article est adopté tel qu'il a été proposé par la commission.

Article 20

« Art. 20. Toutes les opérations de conservation et de régie seront faites par les agents et préposés forestiers, sans qu'il puisse être exigé des communes et établissements publics et des copropriétaires aucuns frais autres que ceux d'arpentage et de réarpentage dans les bois où ces opérations sont nécessaires.

« Les frais des poursuites en réparation des délits forestiers dans lesquelles l'administration succomberait, et ceux qui tomberaient en non-valeur par l'insolvabilité des condamnés, resteront à charge de l'Etat. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Les procès-verbaux d'opérations des agents forestiers, relatifs aux coupes ordinaires et extraordinaires des bois soumis au régime forestier, sont exempts des droits de timbre et d'enregistrement. »

M. Jacques. - Je crois, messsieurs, qu'il faut donner une rédaction plus large à l'article 21. Il y a des opérations des agents forestiers qui ne concernent pas les coupes ordinaires et extraordinaires, par exemple les délimitations et les abornements, la désignation des cantons défensables pour l'introduction du bétail, l'enlèvement des genêts, etc. Je crois que tous ces procès-verbaux doivent jouir de l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement.

Je proposerai de dire :

« Les procès-verbaux des opérations des agents forestiers concernant les bois soumis au régime forestier, seront exempts des droits de timbre et d'enregistrement. »

De cette manière, tous les procès-verbaux des opérations des agents forestiers, qui concernent les bois, seront exempts des droits de timbre et d'enregistrement, comme ils doivent l'être.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, je crois qu'il est complètement fait droit à l'observation de l'honorable M. Jacques par les autres dispositions du projet. S'il les avait attentivement lues, il s'en serait convaincu facilement lui-même. Les procès-verbaux forestiers sont de deux natures ; les procès-verbaux que j'appellerai administratifs et les procès-verbaux que j'appellerai judiciaires. Quant aux procès-verbaux judiciaires, quant à tous ceux qui concernent la constatation des délits et contraventions, ceux-là sont exempts des droits de timbre et d'enregistrement en vertu des lois générales qui exemptent de l'impôt tous les actes de l'autorité faits dans un but d'utilité sociale, au profit de la vindicte publique.

Quant aux procès-verbaux administratifs, ils sont exemptés successivement dans le projet des droits de timbre et d'enregistrement à mesure que le cas de leur dressement se présente.

Ainsi, à l'article 21, tous les procès-verbaux relatifs aux coupes sont exemptés de ces droits.

Il y a une disposition semblable dans un autre article spécial, au titre des adjudications ; car on a compris que les adjudicataires, s'ils devaient payer les droits de timbre et d'enregistrement, payeraient d'autant moins cher le bois qu'ils achèteraient ; l'Etat recevrait d'une main ce qu'il payerait de l'autre.

On a fait la même chose pour les procès-verbaux d'arpentage et de récolement. Il est donc satisfait à ce que demande l'honorable M. Jacques. Si, dans le cours de la discussion, l'honorable M. Jacques signalait une lacune, nous pourrions la combler, car nous sommes d'accord sur le principe. Seulement nous voulons que si l'administration dresse des procès-verbaux au profit ou à la charge exclusive des particuliers, ceux-ci payent l'impôt, comme tout contribuable le paye lorsque se présente le cas d'une perception.

M. Jacques. - Messieurs, l'honorable rapporteur n'a pas signalé le moindre inconvénient à l'adoption de l'amendement que j'ai proposé, et je dois dire que l’énumération qu'il a faite des divers procès-verbaux n'est pas complète. En effet, que porte l'article 20 :

« Art. 20. Au moyen du payement annuel de leur quote-part, toutes les opérations de conservation et de régie seront faites par les agents et préposés forestiers, sans qu'il puisse être exigé des communes et établissements publics et des copropriétaires aucuns frais autres que ceux d'arpentage et de réarpentage, dans les bois où ces opérations sont nécessaires. »

Cet article s'applique donc à la fois aux opérations pour les coupes et aux autres opérations forestières.

L'article 21 doit aussi accorder l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement à tous ces procès-verbaux et à toutes ces opérations. Je crois dès lors qu'il n'y a pas le moindre inconvénient à admettre mon amendement, à moins qu'on n'érige en principe qu'il faut maintenir toutes les dispositions du projet, telles qu'elles sont présentées. Si c'est là ce qu'on veut, je n'ai plus rien à dire, Il n'y a pas, je le répèle, le moindre inconvénient à adopter l'ameudement, et il y a beaucoup d'inconvénient à ne pas l'adopler.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je suis dans une position toute différente : je vois de l'inconvénient à ce qu'on admette l'amendement, et je n'en vois aucun à ce qu'on ne l'admette pas.

Ainsi que l'honorable rapporteur l'a fait observer, lorsque la loi s'occupe de certaines opérations forestières, elle détermine en même temps les frais auxquels ces opérations pourront donner lieu. L'amendement que l'honorable M. Jacques propose aujourd'hui est conçu en des termes tellement étendus que réellement il embrasse les opérations qui ne doivent pas être exemptés des droits de timbre et d'enregistrement. Je suppose, par exemple, un abonnement entre l'Etat et un particulier. Il peut y avoir des procès-verbaux d'abonnement ; ces procès-verbaux pourront-ils être dispensés des droits de timbre et d'enregistrement ? Evidemment non. Il peut y avoir des procès-verbaux relatifs aux mines, aux minières, aux extractions de pierre, à d'autres opérations encore qui restent soumises à la loi générale, en ce qui concerne les droits de timbre et d'enregistrement. Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir l'article tel qu'il est proposé.

- L'amendement de M. Jacques est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article est adopté.

Article 22

« Art. 22. Le produit des amendes forestières, déduction faite de tous frais de poursuites et de recouvrements tombés en non-valeur, sera réparti annuellement, à titre d'indemnité, entre les agents et gardes forestiers qui auront rempli convenablement leur service. »

- Adopté.

Titre III. Délimitation et abornement

Article 23

« Art. 23. Lorsque l'Etat, une commune ou un établissement public voudra procéder à la délimitation générale ou partielle d'une forêt, cette opération sera annoncée deux mois d'avance, par voie de publication et d'affiches, dans les formes ordinaires, et dans un journal de la province et de l'arrondissement, s'il en existe. »

- Adopté.

La suite de la discussion est remise à lundi.

La séance est levée à 4 heures et demie.