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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 30 novembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 185) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Boussu prie la chambre d'accorder au sieur M. Maertens la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Tournay, passant par Boussu, Montrœul, etc. »

« Même demande des habitants de la zone frontière renfermée entre la voie de Jurbise et la France. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Cheron réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le remboursement de la somme qu'il a versée au trésor pour sa quote-part des emprunts de 1848. »

- Même renvoi.


« Le commissaire de police de la ville de Mal demande une indemnité du ehef de ses fonctions de ministère public près le tribunal de simple police. »

« Même demande des commissaires de police dans l'arrondissement judiciaire de Termonde. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Lemberge prient la chambre d'adopter le projet de loi qui transfère à Bottelaere le chef-lieu du canton de justice de paix d'Oosterzeele. »

« Même demande des membres du conseil communal et de plusieurs habitants de Moortzeele, Bottelaere, Munte, Semmersaeke, Dickelvenne, Vurste et Melsen. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner ce projet de loi.


« Plusieurs habitants de Gand demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.


« Le conseil communal de Mons demande que l'exécution d'un chemin de fer de Manage à Erquelinnes et celle de Mons à Maubeuge fassent l'objet de concessions distinctes, que ces deux lignes soient construites simultanément et que le deuxième parte de Mons pour se raccorder avec les mines de ce bassin en passant par Cuesmes et par Frameries. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer du Centre à la Sambre vers Erquelinnes.


« Un grand nombre d'ouvriers mécaniciens signalent à la chambre les abus qui résultent de l'interprétation donnée à la loi autorisant l'exemption des droits d'entrée sur certaines machines neuves. »

M. Delehaye. - Messieurs, des ouvriers mécaniciens, au nombre de plus de sept cents, se présentent à la chambre dans des termes très calmes et très modérés et tout à fait respectueux.

Ils prient la chambre de vouloir examiner la loi à laquelle on a donné une interprétation portant de grands dommages à leurs intérêts. Je pense que la chambre donnera une nouvelle preuve de sa bienveillance pour la classe ouvrière en renvoyant cette pétition à la commission permanente l'industrie avec prière de vouloir faire un prompt rapport.

- Le renvoi à la commission permanente de l'industrie est ordonné.


« Le sieur Jastrzembski, médecin de bataillon en non-activité, présente des observations sur la position défavorable vis-à-vis des autres officiers d'origine étrangère, qui lui est faite par le projet de loi de la section centrale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la mise à la pension de quelques officiers d'origine étrangère.


« M. C. Sainclelette fils, avocat, fait hommage à la chambre de 112 exemplaires de sa brochure sur les chambres de commerce. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliolhèque.


- M. de T'Serclaes, obligé de s'absenter pour affaires, demande un congé.

- Accordé.

Composition des bureaux de section

Les sections du mois de novembre se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Osy

Vice-président : M. E. Vandenpeereboom

Secrétaire : M. Vanden Branden de Reeth

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Deuxième section

Président : M. de Steenhault

Vice-président : M. de Royer

Secrétaire : M. Landeloos

Rapporteur de pétitions : M. Moxhon


Troisième section

Président : M. Ch. Rousselle

Vice-président : M. Dautrebande

Secrétaire : M. Moreau

Rapporteur de pétitions : M. Jacques


Quatrième section

Président : M. Loos

Vice-président : M. Deliége

Secrétaire : M. Maertens

Rapporteur de pétitions : M. de Perceval


Cinquième section

Président : M. Ad. Roussel

Vice-président : M. Lange

Secrétaire : M. Closset

Rapporteur de pétitions : M. Pierre


Sixième section

Président : M. Delehaye

Vice-président : M. de Renesse

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Allard

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du budget de l'intérieur.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, dans l'intérêt des travaux du sénat qui reprennent aujourd'hui, je prierai la chambre de vouloir fixer un jour pour la discussion du projet de loi qui réprime les offenses envers les souverains étrangers.

Le sénat est saisi de plusieurs projets de loi renvoyés par la chambre, dépendant tous du département de la justice, et à l'égard desquels je devrai faire des études préliminaires et me tenir à la disposition du sénat.

Il serait fort à désirer que la discussion du projet de loi relatif aux offenses eût lieu immédiatement.

Je demanderai à la chambre si elle ne pourrait pas interrompre la discussion du budget de l'intérieur et commencer demain ou jeudi la discussion du projet de loi relatif aux offenses.

M. de Haerne. - Il me semble qu'on pourrait fixer la discussion du projet de loi sur les offenses immédiatement après le budget de l'intérieur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - L'honorable M. de Haerne propose précisément le contraire de ce que demande M. le ministre de la justice.

Mon honorable collègue en effet exprime le désir que la discussion ait lieu à un jour fixe, qui serait déterminé par la chambre, afin qu'il puisse se livrer à des études qu'il ne peut pas différer pour se mettre à la disposition du sénat qui ne tardera pas à réclamer sa présence.

M. Rodenbach. - Il est très probable que le budget de l'intérieur ne sera voté qu'après-demain ; vendredi ou samedi nous aurons la discussion du budget des affaires étrangères. Je suppose que cette discussion ne durera pas plus de deux jours ; mais comme le lundi la séance ne commence que fort tard, je crois que l'on pourrait fixer à mardi la discussion du projet proposé par M. le ministre de la justice.

M. de Haerne. - J'ai très bien compris la proposition de M. le ministre de la justice ; mais je croyais qu'il s'agissait seulement de fixer l'ordre du jour relativement au budget de l'intérieur ; d'après l'ordre du jour établi maintenant, je crois que ce serait seulement après le budget des affaires étrangères que viendrait le projet relatif aux offenses envers les souverains étrangers.

Si l'on veut interrompre la discussion du budget de l'intérieur, je n'ai aucun motif de m'y opposer. Seulement, il serait utile, je crois, de ne pas maintenir à demain la discussion du projet sur les offenses envers les souverains étrangers. Il faut au moins un jour franc pour pouvoir aborder cette discussion.

M. de Perceval. - L'honorable ministre de la justice demande à la chambre qu'elle veuille fixer un jour pour commencer la discussion du projet de loi tendant à réprimer les offenses envers les souverains étrangers. L'honorable ministre ne fixe pas de jour.

- Plusieurs membres. - Si, Si.

M. de Perceval. - Il a demandé simplement à la chambre qu'elle voulût bien fixer un jour. Je propose de fixer à lundi prochain l'ouverture de la discussion de cette loi.

Nous avons la discussion du budget de l'intérieur, qu'il convient de terminer ; en second lieu, je crois devoir faire observer que le rapport de l'honorable M. Lelièvre est un travail très sérieux qui mérite d'être médité. Je demande donc que la discussion du projet de loi dont il s'agit soit fixée à lundi.

M. Delehaye. - Je ne puis admettre la proposition de mon honorable ami, M. de Perceval ; le projet de loi dont il s'agit a un caractère plus ou moins urgent. (Interruption.) Il est bon que cette question soit tranchée.

Messieurs, je suis inscrit, et quand il s'agira de discuter le projet, je n'hésiterai pas à faire connaître mon opinion ; mais il s'agit de fixer le jour de la discussion ; le rapport a été déposé il y a plusieurs jours, il avait même été mis à l'ordre du jour de demain ; il a été distribué dimanche, et vendredi il avait été convenu que la discussion commencerait mercredi si les budgets étaient votés.

Que demande M. le ministre de la justice ? Que la discussion soit fixée à jeudi, c'est-à-dire 24 heures plus tard, ce qui donne assez de temps pour étudier le projet de loi. Il est temps, je le répète, d'en aborder la (page 186) discussion. Déjà j'ai fait connaître en section et en section centrale ce que j'en pensais, je le ferai également en séance publique. Pour le moment je me borne à demander la fixation de la discussion à jeudi.

M. de Decker. - Je ne dirai qu'un mot.

Je serais curieux de savoir s'il est dans cette chambre un seul membre qui soit impatient de voir discuter ce projet de loi.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Si j'ai demandé qu'on fixât un jour jour la discussion du projet de loi relatif aux offenses envers les souverains étrangers, ce n'est pas que je considère ce projet comme urgent ; j'ai fait ma proposition dans l'intérêt des travaux du sénat, pour pouvoir dire quel est le règlement des travaux en ce qui me concerne dans cette assemblée, afin de pouvoir m'engager devant le sénat à jour fixe. Voilà le seul but de ma proposition.

- La discussion est close.

La proposition de M. Rodenbach de fixer la discussion à mardi est mise aux voix. Elle n'est pas adoptée.

La fixation à lundi proposée par M. de Perceval, après une épreuve douteuse, est rejette.

La fixation à jeudi, proposée par M. le ministre de la justice, est adoptée.

En conséquence le projet de loi relatif aux offenses envers les souverains étrangers sera mis en tête de l'ordre du jour de jeudi.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 52

M. le président. - La discussion continue sur l'article 52 (chapitre XI, Agriculture), que la section centrai propose de diviser en deux articles.

M. Thienpont. - Messieurs, le discours relativement au haras, qui a été prononcé par mon honorable ami de Naeyer, à la fin de la séance de samedi, m'a engagé à prendre la parole pour soumettre quelques observations à la chambre.

Mon honorable ami a exagéré l'importance qu'il faut attacher au dissentiment qui a surgi au sein du conseil supérieur d'agriculture, relativement à certaines questions qui ont rapport à l'article qui nous occupe.

Le dissentiment, messieurs, n'a à mes yeux rien d'étonnant. Il se présente bien peu de questions à l'examen de cette chambre, qui rallient l'unanimité de ses membres sans la moindre observation.

Que le conseil supérieur d'agriculture, après de longues discussions, ne soit pas tombé d'accord sur la question de savoir quelle est l'origine du cheval anglais, c'est fâcheux, sans doute ; car ce fait est intéressant à connaître. Cependant je suis loin d'y attacher la même importance que mon honorable ami, et certainement la connaissance de ce fait n'a rien de commun avec le vote que nous avons à émettre.

C'est là, messieurs, une question qui doit nous intéresser d'une manière tout à fait secondaire. Ce qu'il nous importe de savoir, et c'est, je pense, ce que le conseil supérieur d'agriculture ne met pas en doute, c'est que le cheval anglais, judicieusement employé, soit très propre à régénérer et à améliorer notre race indigène. Je crois que ceci n'est pas contesté.

Un autre problème, messieurs, qui paraît avoir trouvé des opinions divergentes au sein du conseil supérieur d'agriculture, c'est l'emploi des métis dans la reproduction pour le perfectionnement de notre race indigène.

Cette divergence d'opinion parmi des hommes si compétents se comprendra facilement, messieurs, lorsqu'on se persuade qu'il faut trente ans pour créer une race nouvelle, ayant toute la constance des caractères propres, nécessaires à cet effet.

Or, messieurs, la création du haras ne remonte pas à une époque si éloignée de nous. Il n'y a donc rien d'étonnant que des personnes très compétentes hésitent à employer des entiers impropres encore, de l'aveu de tous, à améliorer la race, à transmettre aux descendants cette stabilité de conformation qui est le but vers lequel tendent tous nos efforts.

Mon honorable ami nous dit que rarement les fermiers amènent une seconde ou une troisième fois leurs juments aux stations de l'Etat. C'est une erreur, messieurs, dont font justice les tableaux où sont annuellement inscrits les produits provenant des étalons du gouvernement.

On y remarque grand nombre d'éleveurs, qui, depuis plusieurs années, n'ont pas discontinué d'avoir recours aux entiers du haras, et j'ajouterai, messieurs, qu'ils réussissent d'autant mieux qu'ils y mettent plus de persévérance.

Mon honorable ami de Naeyer dit qu'il connaît quelques cultivateurs qui après deux ou trois essais ont renoncé aux étalons du haras. J'en connais, messieurs, plusieurs autres qui, depuis de longues années, y ont recours et qui sont loin d'avoir l'intention de renoncer aux avantages qu'ils y trouvent.

Les métis, messieurs, qui se vendent 1,000 fr. et au-delà ne sont pas très rares dans le district que j'ai l'honneur de représenter. Il n'y a pas longtemps qu'un marchand de chevaux de la capitale, qui annuellement vient y faire des achats, vendit à Bruxelles, au prix de 1,800 fr. un cheval métis dont il avait fait l'acquisition dans notre arrondissement.

Je puis ajouter, messieurs, qu'il est à ma connaissance personnelle qu'un éleveur de nos environs, à l'intelligence et aux connaissances pratiques duquel je me plais à rendre hommage, M. Delbar de Renaix, a vendu au-delà de 1,400 fr. plus d'un de ses produits.

Ces faits prouvent qu'on peut obtenir des résultats très satisfaisants en élevant des métis, et une preuve, messieurs, que les éleveurs le savent bien, c'est qu'à Audenarde deux étalons n'ont pas suffi à toutes les demandes, c'est que la direction du haras s'est trouvée dans la nécessité d'y en envoyer un troisième, et, si je ne me trompe, il en a été de même à Grammont.

L'honorable membre dit encore qu'il est de notoriété publique que les métis sont loin d'être toujours satisfaisants. Cela est vrai, messieurs, et je suis loin de prétendre que tous ces produits soient de premier choix. Mais les produits croisés ont cela de commun avec les produits de n'importe quelle espèce.

En Angleteterre, messieurs, pays où l'on s'entend si bien à l'élève des animaux domestiques, pays où l'on ne néglige rien pour obtenir des résultats heureux, ni frais considérables, ni soins de toute espèce ; eh bien, messieurs, en Angleterre, croyez-vous que toute la production chevaline soit irréprochable ? Non, messieurs, les produits de grande distinction y sont, comme ici, comme partout, les plus rares.

En Arabie même, messieurs, où l'on rencontre encore le cheval primitif, tout aussi distingue par le feu du regard, par son altitude fière et énergique, par ses facultés à résister aux privations, que par ses formes admirables, ses belles proportions, son courage à toute épreuve, son fond inouï, en Arabie, messieurs, où l'on rencontre encore le cheval dans toute sa perfection, tel qu'il est sorti des mains du Créateur, il ne suffit pas qu'un produit soit issu du sang le plus noble pour être considéré comme possédant toutes les qualités du père et de la mère ; il faut qu'il ait fait ses preuves par des courses de longue haleine, et ce n'est qu'après qu'il les a fournies, à la satisfaction des juges, qu'il est inscrit sur les registres qui doivent transmettre son nom à la postérité.

Ne soyons donc pas plus exigeants que les Anglais et les Arabes. Contentons-nous du possible et ne négligeons rien pour arriver aux résultats les plus satisfaisants.

Tout en constatant, messieurs, que notre haras rend de grands services au pays, j'ai la conviction que son utilité serait bien plus grande et moins contestée, si le gouvernement se décidait à acheter dans le pays, lors des remontes, un plus grand nombre de chevaux qu'il ne l'a fait jusqu'ici.

On ne prétendra pas, messieurs, que ces chevaux ne sont pas propres au service de notre cavalerie, puisque bon nombre d'officiers en achètent et en sont parfaitement satisfaits. Vous avouerez, messieurs, que si nos officiers de cavalerie peuvent se contenter de nos métis, il est de toute impossibilité qu'ils soient impropres au service de la troupe. Par suite de cette mesure, des sommes énormes, dépensées à l'étranger, resteraient dans le pays et contribueraient au développement d'une industrie qui mérite toute notre sollicitude.

Une observation que je me permettrai de faire à M. le ministre de l'intérieur, qui, j'aime à le croire, y fera droit en temps opportun, c'est que les éleveurs de certains arrondissements sont fort peu favorisés sous le rapport des stations que le gouvernement établit dans le pays au moment des saillies.

Le gouvernement n'a, je pense, jamais envoyé des entiers du haras en station dans les arrondissements de Thielt et de Roulers. Cependant il est à Thielt et dans les environs des éleveurs nombreux, très judicieux et très entendus, et j'ai la conviction, messieurs, que s'ils pouvaient jouir des avantages de certaines autres localités, la production des métis y serait considérable.

Je regrette, messieurs, que notre industrie chevaline ne produise pas toujours des sujets d'élite. Comme je l'ai dit plus haut, nous avons le malheur d'avoir cela de commun avec tous les pays où l'on s'occupe de cette industrie. Mais parce que, dans le nombre, il se rencontre quelques produits moins privilégiés sous le rapport des formes, ou moins propres aux services si nombreux qu'ils rendent à l'homme, on ne devrait pas, messieurs, je le regrette pour ma part, jeter le mépris sur ces animaux moins favorisés, mais toujours utiles, on ne devrait pas les qualifier d'un nom que je ne veux pas répéter. Le cheval sera de longtemps encore indispensable à l'homme, et si la vapeur est appelée à le remplacer partout, si un jour son utilité peut être contestée, l'agrément et la jouissance qu'il donne à l'homme ne sera jamais.

M. Rodenbach. - Messieurs, on nous propose de voter pour le matériel des haras, achat d'étalons, amélioration des races et traitement du personnel, une somme de 211,000 fr. Tous les ans, on a porté au budget 60,000 fr. pour achat d'étalons destinés à remplacer ceux hors de service ; maintenant on nous demande de majorer ce crédit de 40,000 fr., ce qui le porterait à la somme de 100,000 francs.

Croyez-vous, messieurs, que les haras qui grèvent le budget d'une somme aussi énorme et qui ont probablement coûté depuis 15 à 18 ans 2 à 3 millions de francs, répondent à leur but ? Tel n'est pas mon avis, tel n'est pas celui non plus, il paraît, d'hommes que l'on doit supposer compétents dans la matière ; je veux parler de quelques membres de la commission supérieure d'agriculture, qui sont d'opinion que les haras doivent être entièrement réorganisés, que cette institution nuit à l'industrie privée, et qu'il faudrait protéger plus efficacement la race chevaline indigène.

Je pense, messieurs, que le gouvernement, tout en réalisant une économie de 75,000 fr., atteindrait mieux son but par le système des primes allouées pour les chevaux étrangers pur sang, métis, etc., de la manière qu'on fait maintenant pour les étalons indigènes. En effet, à l'aide de quelques légères gratifications qui, pour nos trente arrondissements administratifs, ne s'élèvent pas au-delà de 20,000 à 30,000 fr., on a obtenu d'excellents résultats ; il en serait de même, sans nul (page 187) doute, pour les chevaux de race étrangère pour lesquels on pourrait établir des primes plus fortes, comme de 3,000 à 4,000 francs.

Cette question étant fort grave et M. le ministre de l'intérieur n'ayant eu qu'à peine le temps d'étudier son budget, je ne demanderai pas la brusque suppression des haras ; seulement je désire que pour le budget prochain il nous fasse un rapport sur cette institution qui nous coûte annuellement 241,000 francs ; et ce qui n'est pas moins digne de remarque, c'est que, d'après le dire d'hommes qui se prétendent bien informés, quoiqu'il y ait des étalons de 27,000 fr., les proîuits sont rarement satisfaisants.

C'est pour les divers motifs que je viens d'alléguer, que je me prononce contre l'augmentation de crédit de 40,000 francs demandée pour l'achat d'étalons.

Je le répète, le suis persuadé que l’institution des haras a besoin d’être réorganisée, qu’il faut surtout introduire de grandes économies et qu’il doit en être de même des écoles d’agriculture, dont les résultats laissent également beaucoup à désirer et dont chaque élève nous coûte en moyenne 500 francs par an. J'ai dit.

M. le président. - Beaucoup d'orateurs sont inscrits sur cet article. Les uns se proposent, je pense, de parler sur le haras, les autres sur l'enseignement agricole et horticole. Je propose, pour que la discussion ne soit pas confuse, d'entendre d'abord les orateurs qui veulent parler sur le haras. (Adhésion.) S'il n'y a pas d'opposition, cette marche sera suivie.

M. Vander Donckt. - Je me propose de voter contre l'augmentation de 40,000 fr. pour achat d'étalons destinés au haras.

Je suis étonné, messieurs, de trouver cette allocation au chapitre de l'agriculture. Je crois qu'elle trouverait mieux sa place dans un chapitre de dépenses facultatives, de dépenses de luxe et d'agrément.

Vous vous souviendrez qu'au congrès agricole, où cette question a été longuement débattue, on a examiné la question de savoir si le gouvernement devait intervenir par des subsides dans les courses de chevaux. Cette question a été résolue négativement à une grande majorité, et le gouvernement, tenant compte de cette décision, n'a plus, depuis cette époque, accorde de subsides pour les courses. Je crois qu'il a bien fait ; car les courses ne sont nullement utiles à l'agriculture ; nos cultivateurs n'ont pas besoin de ces chevaux habiles à la course ; ce qu'il leur faut, ce sont des chevaux de gros trait, des chevaux ayant les qualités nécessaires pour conduire de grosses charges et labourer les champs à la campagne.

Je crois donc que l'allocation qu'on nous demande n'est nullement en faveur de l'agriculture.

En voulez-vous une autre preuve ? Dans les premiers moments de l'organisation des stations, on admettait indistinctement à la saillie toutes les juments qui se présentaient. Mais il en est résulté de graves mécomptes.

On a trouvé que trop souvent l'on obtenait des produits détestables. Ceci n'a pas manqué d'éveiller l'attention des hommes compétents et des autorités constituées.

On a pris des mesures et l'on a exigé un certificat délivré par un vétérinaire, du propriétaire de la jument-présentée à la saillie. Par là, messieurs, on a écarté un grand nombre de juments appartenant à l'agriculture, précisément celles dont il était le plus nécessaire de perfectionner les produits, par le croisement des races nouvelles, preuve que cette institution des haras n'est nullement favorable à l'agriculture, qu'elle n'est favorable qu'aux amateurs de chevaux, à ceux qui voulaient contribuer à améliorer les races plutôt pour eux que pour l'agriculture.

Examinons maintenant dans quelle proportion le cultivateur doit s'occuper de l'élève des chevaux. Il est connu, messieurs, que dans les pays voisins, en Hollande, en Allemagne, le prix des fourrages et de la nourriture en général est inférieur à ce qu'il est chez nous.

Je parle des Flandres parce que ces provinces me sont beaucoup mieux connues que les autres parties du pays.

En Flandre toutes les parcelles de terre sont louées à des prix assez élevés, ce qui élève dans la même proportion le prix des fourrages. Or, pour engager le cultivateur à élever des chevaux, il faut qu'il y trouve son compte ; sans cela il vaut mieux qu'il ne s'en occupe pas. C'est ce qu'a fait comprendre l’honorable M. de Naeyer quand il a dit que le cultivateur trouvait mieux son compte à élever des bêtes à cornes. Est-ce à dire qu'il ne faut pas que le cultivateur se mêle de l'élève des chevaux ? Non, il doit s'en mêler dans une certaine proportion, par exemple pour renouveler ses écuries.

Il peut sagement spéculer sur l'élève des chevaux, mais du moment où il dépasse les bornes raisonnables, il court grand risque de faire une fausse spéculation.

Dans les pays voisins on élève les chevaux à un prix très faible : on y donne la vaine pâture, le parcours de terrains boisés très étendus et on y élève des chevaux presque sans frais, tandis que dans les Flandres il faut calculer qu'un poulain coûte au moins 100 francs par an depuis sa naissance. Ainsi à 4 ans le cheval coûte beaucoup plus dans les Flandres que dans les pays étrangers. C'est pourquoi nous ne pourrons jamais soutenir la concurrence des Allemands et des Hollandais pour ce qui regarde les chevaux de luxe. Je pense donc que nos cultivateurs ne doivent pas s'occuper, sur une échelle trop large, de l'élève des chevaux, malgré tous les sacrifices que fait le gouvernement pour les y engager.

Voilà, messieurs, les motifs qui m'empêchent de voter pour le crédit demandé.

M. de Denterghem. - Messieurs, la question du haras doit être envisagée à deux points de vue tout à fait différents. Si je me mets dans la position où se sont trouvés quelques-uns de mes honorables collègues, qui sont comme moi de la Flandre, vous trouverez en effet que le haras n'est pas d'une très grande utilité ; mais si le haras n'est pas utile pour les Flandres, est-ce à dire pour cela qu'il n'est pas utile pour d'autres parties du pays ? Si le haras est utile, s'il favorise une branche du commerce qui ne nuit en quoi que ce soit à une autre branche de commerce, qui vit et prospère à côté d'elle, je vous le demande, messieurs, faut-il supprimer une institution qui a créé en Belgique une industrie qui n'y existait pas ?

Messieurs, on prête au haras bien des défauts ; parmi ces défauts, il en est qui n'existent plus aujourd'hui.

Un haras était pour nous une institution nouvelle, et quand une industrie comme celle-là vient à se former, il est presque impossible, je dis même qu'il est impossible qu'il ne se commette pas d'erreurs.

Qu'il y ait des améliorations à inlroduire dans l'organisation du haras, je l'admets volontiers ; il y a encore des progrès à faire ; mais il faut prier les honorables membres qui connaissent ces améliorations, de les signaler, afin qu'on puisse les réaliser.

On a parlé de modifier les races de chevaux qu'on rencontre en Belgique pour les rendre en quelque sorte uniformes. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui puisse avoir une intention de ce genre.

Je crois qu'aucune des commissions, aucune des personnes qui se sont occupées de la question, n'a eu en vue de changer les races de chevaux que nous possédons en Belgique ; au contraire, pour ce qui me concerne, j'ai toujours entendu parler de l'amélioration des races par elle-même et des moyens qu'il y avait d'en tirer le meilleur parti possible.

Ainsi, vous avez en Belgique deux systèmes différents ; l'un qui consiste dans l'organisation du haras, dans l'introduction d'animaux d'un sang plus ou moins relevé, de manière à donner à nos chevaux plus d'énergie ; l'autre système, qui est le système des primes, consiste à améliorer les races par elles-mêmes. Dans tous les pays de l'Europe, vous remarquez des races de chevaux complètement différentes ; pourquoi ? Parce que la nature du terrain s'y prête, parce que le caractère des habitants s'y prête, parce qu'enfin il y a des besoins différents.

Il est incontestable qu'autrefois il fallait des chevaux très forts, excessivement corpulents, pour traîner les énormes fardeaux dont on les chargeait, lorsqu'il s'agissait de transporter les marchandises par les routes. Aujourd'hui que c'est la vapeur qui se charge de la plupart des fardeaux, on n'a plus besoin d'animaux aussi forts que ceux qui étaient nécessaires autrefois. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est de transporter ave célérité ; c'est le but qu'on a cherché à atteindre, donnant à nos chevaux plus d'énergie en les accouplant avec des chevaux de sang ; et à cette occasion je dirai que c'est, selon moi, une immense erreur de songer à acheter des chevaux métis pour les placer au haras.

La mission du haras doit se borner à introduire des chevaux de races distinguées, que les particuliers ne peuvent pas se procurer. Pour le reste, il faut recourir au système des primes et laisser faire les particutiers. Les étaloniers, éparpillés sur le territoire, savent très bien quels sont les besoins de nos races, et pour peu qu'ils soient encouragés, ils choisissent très convenablement les animaux qu'ils doivent avoir. Contester l'utilité des haras est une chose qui me paraît impossible en présence du grand nombre de saillies que les étalons de l'Etat font en Belgique dans les différentes stations où ils se trouvent.

On ne peut pas admettre que ce soit par le fait d'un caprice que les éleveurs envoient leurs juments près de ces étalons ; ils doivent y trouver un avantage quelconque, ceci est d'autant plus évident que le nombre de demandes d'étalons augmente chaque année.

Maintenant, que ces demandes soient plus ou moins importantes, je l'admets ; mais enfin on ne peut pas dire que lorsque les commissions d'agriculture demandent des stations c'est dam un but du vanité simplement, que ce n'est pas dans un but utile.

Je ne m'étendrai pas sur cette question, mais j'arriverai à un autre point et je dirai que l'industrie des chevaux métis existe et prospère à côté du cheval du trait.

Sous ce rapport, le commerce n'a pas diminué, mais a augmenté chaque année de plus en plus.

Ainsi en 1848 on a exporté de la Belgique 12,414 ; en 1849 14,520 ; en 1850 15,722 : en 1851, 16,549 ; et ponr les neuf mois de 1852, 12,142. Ces chiffres, qui vont continuellement croissant, vous prouvent que l'élève des chevaux de trait ne diminue pas en Belgique, vous verrez ensuite par le nombre de saillies faites par les chevaux du haras, que le commerce des métis prospère également.

En 1848, 1,665 saillies ; en 1849, l,839 saillies ; en 1850, 2,390 saillies ; en 1851, 2,546 saillies et en 1852 2,702 saillies.

Je n'entrerai pas dans de trop grands détails à cet égard, car ces chiffres me semblent concluants et je me bornerai à citer un autre fait.

Personne ne peut contester qu'actuellement il y a à Bruxelles des chevaux métis qui sont nés et élevés en Belgique, et qui font ici l'ornement des plus beaux équipages. Eh bien ! autrefois qu'arrivait-il ? On attelait des chevaux allemands ou anglais ; et le prix qu'on payait à des étrangers on le paye aujourd'hui à des Belges ; il est incontestable que cette industrie prospère encore parmi nous, il est de notre devoir de chercher à la conserver, c'est notre devoir pour toutes les industries.

Je vous prie de me pardonner de parler de moi-même, je le fais pour donner à la chambre la conviction que je connais la question, et que je (page 187) ne suis pas aveugle sous ce rapport ; j'ai essayé l'élève du cheval métis, j'y ai complètement renoncé parce que les produits du sol que j'habite ne sont pas assez nutritifs, ils n'ont pas les qualités nécessaires pour bien élever les chevaux et je me suis borné à l'élève des animaux de la race bovine. Eh bien ! ce que j'ai fait et qui m'a été utile ne le serait pas à ceux de nos concitoyens qui sont placés dans des conditions différentes. Ainsi, par exemple, dans le Hainaut, l'année dernière il y a eu une exposition agricole à Mons où les animaux de la race bovine, porcine, etc., étaient peu nombreux et où les animaux de la race chevaline étaient au contraire très remarquables et très nombreux; et à Bruges l'année précédente on remarquait le contraire, preuve que l'industrie des agriculteurs s'exerce différemment.

Le gouvernement fait des sacrifices pour l'amélioration de la race bovine, ainsi que pour les animaux de la race chevaline ; eh bien, permettez au gouvernement de faire ce qu'il juge le plus de nature à favoriser nos concitoyens qui ont besoin d'être aidés ; contentons-nous de la part que nous avons, et laissons aux autres celle qui leur appartient.

Je n'ajouterai qu'un mot à ce que je viens de dire, c'est que si l'on devait faire, cette année, une réduction quelconque sur le budget à l'égard du haras, on ferait une chose excessivement nuisible. Le haras, dans ce moment-ci, se trouve dans une position que j'appellerai tout à fait exceptionnelle. On a demandé l'année dernière une augmentation, parce que le haras se trouvait dans une position excessivement gênée, et cette année il se trouve dans une position plus gênée encore ; on a supprimé à la fin de la saison douze chevaux.

Il y a en ce moment dans le haras 55 chevaux. Eh bien ! pour satisfaire les besoins rigoureusement nécessaires, pour rendre à ceux qui jusqu'ici ont eu toujours des stations, les chevaux auxquels ils ont droit, pour répondre aux sacrifices que des particuliers ont faits dans le but d'élever des chevaux métis, il faut 70 chevaux, il faut permettre au gouvernement de faire à son tour des sacrifices. Et vous serez presque dans l'impossibilité de le faire, vous compromettrez les succès qu'on a déjà obtenus !

Il est nécessaire de remplacer un aussi grand nombre de chevaux parce que l'on a tardé longtemps de s'occuper des écuries de Tervueren et qu'on a refusé de donner les sommes nécessaires par les budgets antérieurs.

Je suis convaincu que ceux de mes honorables adversaires qui voudront bien réfléchir à l'importance de leur vote, accorderont la somme demandée, et ceux surtout qui sont intéressés à d'autres faveurs que le gouvernement accorde à tant de nos concitoyens ne refuseront pas le même avantage à ceux qui sont intéressés dans cette question.

M. Delehaye. - La plupart des membres qui ont parlé aujourd'hui dans la discussion se sont attachés exclusivement à la question des haras. Or, comme vient de le dire l'honorable membre qui vient de se rasseoir, il n'est pas, je pense, question de supprimer les haras ; mais de là il ne résulte pas qu'il faille adopter les haras dans toutes leurs conséquences.

Si le gouvernement n'employait une partie des fonds qui sont à sa disposition pour les haras, à protéger une autre manière d'élever les chevaux, il rendrait un très grand service au pays.

Remarquez ce qui se passe. Comme on vient de le dire, en Belgique on exporte beaucoup de chevaux. Eh bien, je dis que la race belge est très propre à rendre d'immenses services, et ce qu'il faudrait faire, ce serait de l'améliorer par la race elle-même. Que faut-il faire pour cela ? Chercher les meilleurs sujets, les meilleurs individus entre les sujets bien portants et réunissant toutes les qualités voulues pour constituer un bon cheval.

La plupart des chevaux qui proviennent des croisements avec la race anglaise ne répondent pas à l'attente des cultivateurs; ils sont trop maigres pour le labeur et trop lourds pour la selle et la voiture, ils ne trouvent pas d'amateurs, et le cultivateur s'en dégoûte bientôt.

Je voudrais que le gouvernement s'adressât aux conseils communaux, aux comices agricoles et même à l'industrie privée.

Ne pourrait-on pas offrir une prime importante à celui qui présenterait un produit réunissant les conditions les plus favorable ? On pourrait faire décerner ces primes par le conseil provincial, le comice agricole, à celui qui aurait produit les meilleurs résultats. Le but qu'on atteindrait serait plus général.

Un honorable membre a dit que depuis la création des chemins de fer, on s'était habitué à marcher vite et qu'on voulait aussi avoir des chevaux aux vives allures ; mais ce but vous ne l'atteindrez pas, car, comme on vous l'a dit, il faudrait quinze générations pour arriver là. Comment voulez-vous qu'on compte sur des résultats qu'on ne peut obtenir qu'après quinze générations ? Pourquoi n'avons-nous pas une race de chevaux aussi belle que d'autres pays ? C'est que nos poulains sont soumis trop tôt aux travaux de l'agriculture.

Si lescullivateurs comprenaient leurs intérêts, ils ne les emploieraient pas si tôt ; ils leur laisseraient le temps de développer leurs membres et leur force. Il en est de même pour la race bovine. Croyez-vous que si on permettait à notre race bovine de se développer, elle n'aurait pas les mêmes qualités que celle des pays voisins? Je connais des cultivateurs qui possèdent de magifiques troupeaux de race bovine belge qui leur donnent de beaux produits, parce qu'ils les élèvent avec tous les soins nécessaires. Pourquoi n’en est-il pas de même partout? Parce que nos cultivateurs n'attendent pas que les génisses aient atteint leur développemen pour les faire produire.

Tous les cultivateurs intelligents sont unanimes pour reconnaître que le moyen d'améliorer la race bovine aussi bien que la race chevaline, c'est de laisser longtemps les animaux en liberté, de ne faire travailler les chevaux et couvrir les vaches que quand ils ont atteint un degré de force suffisant.

Plusieurs collègues ont exprimé leur opinion sur le meilleur moyen d'améliorer l'agriculture. Un honorable membre, présidant comme moi un comice agricole, vous a parlé des droits des fermiers à leur sortie. Il serait très utile, sans doute, que le gouvernement fît une codification des coutumes, c'est-à-dire réunît en un seul code tout ce qui règle les droits des fermiers sortants et entrants.

Mais quand vous aurez fait cela, vous n'aurez pas encore rendu un grand service à l'agriculture, car les fermiers intelligents savent stipuler des avantages réciproques pour ne pas avoir à subir les exigences d'individus récalcitrants ; cependant cette codification aurait l'avantage de mettre les fermiers à même d'apprécier leurs droits et leurs devoirs.

Un autre membre vous a dit que les terres appartenant aux hospices étaient mal cultivées parce qu'on les louen pour des termes trop courts. Quant à moi, je dois dire que les terres appartenant à des hospices, que j'ai eu occasion de voir, étaient cultivées avec soin, dans les grandes fermes surtout, à ce point qu'on pourrait les citer pour modèle.

Cependant ce qu'a dit l'honorable membre constitue un inconvenient ; le gouvernement fera bien d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de défendre la mise en adjudication des terres des hospices et de les faire louer à main ferme. Les cultivateurs seraient dans une position plus favorable.

Il y a là un grand inconvénient. L'adjudication a été prescrite, pourquoi ? Pour avoir une garantie d'une bonne gestion. Mais ce n'était pas nécessaire. Les administrations des bureaux de bienfaisance sont composées d'hommes honorables vis-à-vis desquels on n'a pas besoin de prendre des précautions de cette nature.

Je dirai en peu de mots quelles sont les choses dont l'agriculture a besoin. La mesure la plus utile et la plus avantageuse, celle à laquelle aussi le gouvernement a porté le plus de soin, c'est la voirie vicinale, c'est de mettre lea cultivateurs en communication avec les grands centres de consommation.

Il est un autre point que je recommande à l'attention du gouvernement et qui est plus important encore. Nous voulons augmenter la production agricole et nous n'essayons pas de conserver ce que nous possédons.

Dans les deux Flandres, il y a une masse de terres qui n'ont pas encore pu recevoir une première façon ; la cause en est que les cours d'eau sont mal entretenus ; indépendamment des cours d'eau, il y a les grandes rivières qui débordent chaque année ; je sais que cette année nous sommes dans une situation anormale, mais chaque année nous sommes dans l'impossibilité d'ensemencer nos terres, parce que les cours d'eau sont mal entretenus. Si le gouvernement veut faire une chose très utile à l'agriculture, qu'il empêche les inondations qui viennenl chaque année détruire les espérances des cultivateurs.

Une dernière considération sur laquelle j'appelle l'attention du gouvernement, c'est l'industrie maraîchère. Il peut faire beaucoup pour l'agriculture en favorisant cette industrie.

Nous avons un immense marché à notre porte, le marché de Londres, qui nous offre les plus grands avantages, car nous sommes plus heureusement placés pour l'exploiter que l'Irlande.

Tâchons d'encourager la production maraîchère, la grande culture est assez répandue en Belgique.

Le cultivateur connaît les soins que demande la terre ; ce qu'on ne connaît pas assez, c'est l'industrie maraîchère.

C'est là une immense ressource ; elle est pour la plupart de nos provinces ce que seraient pour d'autres pays les branches les plus importantes de l'agriculture. Si nous entendons bien les exigences de l'Angleterre, nous tirerons de ce marché tout le parti désirable.

Je terminerai par un dernier mot sur l'industrie qui se rattache à la culture des fruits.

Il est vraiment déplorable de voir le triste état des vergers dans un pays si renommé, si avancé dans l'agriculture où il n'a pas de rival. Parcourez la plupart de nos fermes, vous y verrez rarement un cultivateur qui entende la culture des vergers. La pomologie n'est pas répandue, n'est pas connue. Vous voyez les hommes les plus entendus en agriculture ne pas savoir ce que c'est que la culture des arbres fruitiers.

Il faudrait que les instituteurs communaux eussent quelques notions de pomologie.

Ce que je vais vous dire ne vous paraîtra peut-être pas sérieux. Cependant ce serait, d'après moi, fort utile. Je voudrais qu'il y eût dans toutes les écoles communales un spécimen en cire des bonnes espèces de pommes et de poires, et qu'on y enseignât la manière de cultiver et de cueillir ces fruits. (Interruption.)

A l'honorable membre qui m'interrompt je dirai que c'est une science de savoir cueillir des fruits à propos.

En résumé, je demande que l'on développe la culture maraîchère, que l'on répande les notions de pomologie : ce sont des éléments de richesse que nous ne devons pas négliger, car ce sont des éléments importants de prospérité pour le pays.

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, le gouvernement demande, à l'article 52, trois augmentations ayant un caractère permanent et s'élevant ensemble à 15,000 fr.

(page 189) Je ne m'oppose pas à cette augmentation qui me paraît justifiée. Quant à l'augmentation de 40,000 francs portée à la colonne des charges extraordinaires, j'avoue que je manque de renseignements pour savoir si cette augmentation est ou non nécessaire. Dans le doute, je m'abstiendrai donc.

A cette occasion je ferai remarquer à M. le ministre, qu'il serait utile que la chambre sût de quelle manière sont employés les crédits alloués par elle pour l'amélioration de la race chevaline, et quels résultats on obtient des dépenses faites.

Selon moi on dépense trop d'argent pour le haras de l'Etat et on n'en dépense pas assez en encouragements aux éleveurs. Un système de primes intelligent aurait des effets dont nos races indigènes pourraient se ressentir.

Mais, soit manque de confiance dans l'effet de ces encouragements, ou dans les efforts de la spéculation individuelle ; soit incertitude (et c'est l'hypothèse la plus vraisemblable) dans les principes mêmes de l'amélioration chevaline, l'administration chargée d'entretenir et d'améliorer nos races ne consacre en primes aux éleveurs qu'une très petite portion de son allocation annuelle.

Cependant, des encouragements généraux et judicieusement répartis imprimeraient une vie et une impulsion nouvelle à l'industrie particulière qui a l'élève des chevaux pour objet. Or, les efforts collectifs de cette industrie sont seuls, on ne saurait trop le répéter, assez intelligents et assez puissants pour conjurer la ruine de nos races.

Je voudrais que l'administration des haras ne se chargeât pas seule de l'amélioration de la race.

Je voudrais qu'elle évitât toujours de faire une concurrence maladroite à la spéculation privée, et que dans les localités, au contraire, où le secours de l'industrie particulière manquerait aux éleveurs, l'administration y suppléât au moyen des étalons dont elle dispose. On comprend que si la possession d'un cheval entier de pure race assurait par ses saillies un revenu à son propriétaire, l'industrie d'étalonnier deviendrait lucrative, beaucoup de personnes s'empresseraient de l'exercer, et on pourrait ainsi servir l'amélioration de la race chevaline sans qu'il en coûtât autant aux contribuables.

Un autre tort de l'administration des haras, c'est qu'elle encourage trop, selon moi, l'élève du cheval fin et pas assez celle du cheval moyen. L'Allemagne n'est pas aussi riche en chevaux qu'on le croit ; plusieurs Etats sont même inférieurs à la Belgique sous ce rapport.

Mais voici l'avantage qu'elle a sur nous. Prenez-y au hasard, dans les champs, sur les routes, cent chevaux, et sur ce nombre vous en trouverez au moins quatre-vingt-dix qui, par la taille et la forme, conviendront à la cavalerie, tout en étant excellents pour le trait. Eh bien ! nous pouvons arriver à cette position, sans rien faire perdre à nos races des qualités qui les rendent précieuses, et au contraire en les améliorant encore. Que faut-il faire pour cela ? Agrandir la taille de nos petites races, alléger celle de nos tailles moyennes qui tiennent trop du cheval de gros trait, limiter l'emploi, et par conséquent la production de ce dernier aux services auxquels il convient exclusivement.

En d'autres termes il faut ramener une notable portion de notre population chevaline à une branche unique, le cheval moyen. C'est le cheval que les éleveurs vendent le mieux, c'est celui dont la production sert le mieux les besoins de l'agriculture, c'est le plus nécessaire pour la remonte de notre cavalerie.

En l'absence de rapports de l'administralion des haras, de renseignements sur le but qu'elle se propose, sur les résultats qu'elle obtient, convaincu d'ailleurs par de nombreux exemples qu'elle s'écarte quelquefois des principes qui devraient la diriger, selon moi, je ne puis voter l'augmentation de 40,000 fr. qui nous est demandée.

M. de Naeyer, rapporteur. - Dans les observations que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre, il y a quelques jours, je ne me suis nullement attaché à préconiser ni à blâmer un système quelconque de reproduction de la race chevaline. Je n'ai pas examiné s'il convient, oui ou non, et jusqu'à quel point il conviendrait d'employer les étalons métis élevés dans le pays pour améliorer la race indigène. Je m'abstiens donc de rencontrer à cet égard les observations de mes honorables contradicteurs. Dans ma manière de voir, ce sont là des questions d'industrie, d'agriculture, de science, étrangères aux attributions du pouvoir législatif, qu'il faut abandonner aux hommes de science, d'industrie, d'agriculture. Je n'ai envisagé le haras qu'à un seul point de vue, au point de vue économique. Je crois que c'est le seul qui appartient en réalité à l'appréciation du pouvoir législatif.

Je ne conteste pas l'utilité chevaline (si je puis m'exprimer ainsi) de cette institution, c’est-à-dire qu'elle peut être utile pour perfectionner nos races de chevaux ou pour créer de nouvelles races. Mais je dis et je persiste à dire que cela se fait et continuera à se faire à des conditions ruineuses pour les contribuables. Que nous coûte le haras et quels avantages peut-il nous procurer ? Voilà, en résumé, toute la discussion qui mérite d'occuper l'attention du pouvoir législatif.

Je vois figurer au budget de cette année une somme de 211,000 fr. pour le haras ; et ce chiffre, sauf de légères différences, se reproduit au budget depuis une vingtaine d'années. Mais ce n'est pas toute la dépense du haras ; car elle ne comprend pas l'intérêt du capital engagé, le loyer du logement que nous accordons gratuitement au directeur, ni celui des écuries où nous logeons les étalons, ni le fermage de 10, 15 ou 20 hectares de terres mises à la disposition de l'établissement dont il s'agit. La dépense peut donc être évaluée à 240,000 fr. Si vous considérez que cette dépense se répète depuis 1836, vous arrivez, en tenant compte des intérêts composés, à une dépense de 5 à 6 millions au moins.

Je crois donc pouvoir appeler le haras l'enfant gâté de notre budget.

Maintenant qu'est ce que cette nouvelle industrie chevaline, pour laquelle nous faisons des sacrifices si considérables ? C'est une industrie qui est constamment en perte et qui ne reproduit pas les valeurs qu'elle consomme. Si c'était révoqué en doute, je vous renverrais au budget. A quoi servent les sommes très considérables qui y sont portées et que nous discutons en ce moment ?A combler le déficit de la production, à faire en sorte qu'il y ait balance entre les profits et les pertes. Oui, c'est pour cela que vous jetez dans l'un des plateaux le denier du contribuable.

Cela est évident, et ne peut être contesté par personne. Maintenant faut-il conserver, à grands renforts de subsides, une industrie qui consomme improductivement, qui ne couvre pas les frais de production ?

Le gros bon sens suffit pour résoudre cette question fort simple. Il y a dans cette chambre beaucoup d'économistes distingués, et je suis sûr qu'il n'en est aucun qui n'admette cette solution du gros bon sens.

Mais on me dira que je suis d'une grande impatience, qu'il faut savoir attendre, que l'avenir compensera les sacrifices du passé, que nous sommes sur le point de recueillir les fruits de nos sacrifices. Il y a longtemps qu'on tient ce langage. Je ne vois rien qui en constate la vérité. L'avenir nous récompensera ! Mais je trouve dangereux de dévorer le présent pour obtenir un avenir incertain.

Le meilleur moyen de juger de l'avenir, c'est le passé. Que donne-t-il ? Une opération ruineuse qui a déjà coûté 5 à 6 millions aux contribuables et qui ne nous donne par conséquent aucune garantie pour l'avenir.

Mainlenant je suppose que les promesses qu'on vous fait viennent à se réaliser (je vous fais là sans doute une concession beaucoup trop large), qui peut dire quelle sera, dans vingt ou trente ans, l'importance du cheval dans le jeu des rouages économiques ? Nous sommes dans un siècle où tout marche très vite. Les inventions du jour sont à tout moment détrônées par les inventions du lendemain Qu'est-ce que le cheval ? Un instrument de travail. Or y a-t-il une branche de l'économie politique qui ait subi plus de transformations que le travail ? Et qui sait quels agents nouveaux pourront remplacer le cheval comme instrument de travail dans dix, vingt ou trente ans ?

Messieurs, on aurait dit aussi : oh ! il y a une centaine d'années, si l'on avait parlé des chemins de fer, de l'éclairage au gaz, du télégraphe électrique et de bien d'autres inventions. On aurait aussi dit : oh ! cela va trop loin ; mais aujourd'hui qu'on voit le résultat, on n'ose plus le dire.

Eh bien ! Dieu sait si dans dix, dans vingt, dans trente ans, il n'en sera pas de même des inventions auxquelles j'ai fait allusion et qui seraient de nature à diminuer l'importance du cheval en général ?

Or, on dira encore, cependant, si ces résultats se réalisent, si vous parvenez à créer une race nouvelle égale, ou peut-être supérieure à la race anglaise, ce sera un résultat magnifique ; vous serez récompensé de tous les sacrifices que vous avez faits.

Eh bien ! je n'admets aucunement ce raisonnement. Je dis que ce résultat, tout magnifique qu'il soit, s'il a coûté plus qu'il ne vaut, est toujours mauvais.

Je crois qu'il en est un peu ds la production économique comme de la production végétale. Toutes les plantes ne viennent pas partout, et toutes les industries ne fleurissent pas partout. Je sais bien qu'on peut renverser cet ordre de choses ; que le gouvernement, par exemple, qui a le droit de puiser dans le budget des contribuables, peut bouleverser en quelque sorte les lois de la nature. Mais les lois de la nature n'ont besoin ni de tribunaux, ni de gendarmerie pour se venger. Elles se vengent, et se vengent cruellement par les mécomptes et les déceptions.

Si vous envisagez de plus près cette nouvelle industrie chevaline, qu'est-ce que c'est ? C'est la partie luxueuse, la partie que j'appellerai somptueuse de l'agriculture. En voulez-vous la preuve ?

Voyez le grand nombre de cultivateurs de la Belgique. Combien y en a-t-il qui s'occupent de cette industrie ? Il y a des cantons où l'on n'en trouve peut-être pas deux, où l'on n'en trouve pas un. Si vous considérez cette masse de travailleurs agricoles qui représentent, après tout, l'industrie agricole, vous trouverez que ce nombre d'éleveurs de chevaux de nouvelle race est extrêmement restreint ; c'est donc pour le petit nombre que vous réservez les grandes faveurs du budget, que vous réservez peut-être le tiers de la dotation de votre agriculture ! Et ce petit nombre, à quelle catégorie de cultivateurs appartient-il ?

Je crois que si l'on en faisait la revue, on en trouverait d'abord un grand nombre que j'appellerai des amateurs en agriculture, c'est-à-dire des personnes riches qui s'adonnent à l'agriculture par pur délassement, pour occuper leurs loisirs, qui ont des fortunes considérables et qui peuvent se permettre quelques petits mécomptes, parce que cela ne peut aucunement déranger le chiffre de leurs budgets.

Voilà, je crois, un grand nombre de ceux qui s'occupent de l'industrie nouvelle.

Vous trouverez encore de grands cultivateurs qui ont aussi de la fortune, et qui trouvent beaucoup plus de plaisir, plus d'agrément à élever des chevaux que des bœufs ; qui croient que c'est une occupation plus noble, plus grandiose, si vous le voulez. Voilà qui vous trouverez encore, et cette classe de cultivateurs ne doivent pas non plus établir très rigoureusement la balance de leurs profits et pertes ; ils peuvent aussi se (page 190) permettre quelques fantaisies coûteuses, sans déranger l'économie de leurs finances.

Enfin, vous trouverez peut-être encore, mais en beaucoup plus petit nombre, des cultivateurs qui doivent subsister des profits de leur travail. Mais parmi ceux-ci qu'arrive-t-il ? C'est que beaucoup, après avoir essayé la nouvelle industrie, l'abandonnent et que les autres ne se soutiennent que par les primes qu'on leur alloue, par les faveurs du budget.

Messieurs, on vous dit encore : Si la Belgique était un pays comme l'Angleterre, nous n'aurions pas besoin de haras ; on pourrait s'en passer, parce que là il y a des fortunes colossales qui font des sacrifices énormes pour créer de nouvelles races de chevaux. Mais en Belgique il n'en est pas de même. Si le gouvernement ne fait pas de sacrifices, il ne se fera rien, Qu'est-ce que cela signifie ? C'est que les lords anglais payent eux-mêmes leurs tours de force agricoles et qu'en Belgique on voudrait les faire payer par le budget. Voilà la signification rigoureuse de cette objection qu'on fait à tous moments.

Messieurs, je crois avoir prouvé d'abord qu'il est déraisonnable de vouloir créer, à grands renforts de budget, une industrie factice, une industrie qui est constituée en perte, qui doit être soutenue, depuis je ne sais combien d'années, par les faveurs du budget, et qui devra l'être pendant longtemps encore. Car je crois que la conséquence rigoureuse de ce fait, c'est que c'est là une industrie qui appauvrit le pays, puisque le déficit des valeurs qu'elle a consommées pour les produits doit être comblé par les crédits annuels du budget, c'est-à-dire par les deniers des contribuables.

Il y a donc perte pour le pays. Je dis que c'est déraisonnable et j'ai ajouté que c'est injuste, parce que si l'on a des faveurs à accorder, il faut les employer avant tout au soulagement des faibles, des petits cultivateurs qui ont besoin d'être soutenus. Mais des faveurs pour les forts qui peuvent se soutenir eux-mêmes, jamais !

M. de Mérode-Westerloo. - Personne plus que moi, messieurs, ne désire voir introduire une sage économie dans les dépenses du budget de l'intérieur. Cela ne m'empêche pas, cependant, d'appuyer une augmentation de crédit que je crois nécessaire au maintien d'un établissement pour lequel elle est, à mes yeux, une condition indispensable d'existence dans l'avenir.

Le haras de Tervueren est appelé à rendre des services au pays, en y faisant demeurer des capitaux considérables qui en sortent encore aujourd'hui, par l'achat, à l'étranger, du cheval de selle ou de voiture.

Son utilité a été mise en doute, dernièrement, par l'honorable M. de Naeyer qui, à mon sens, n'a pas envisagé la question à un point de vue assez général.

Quel est en effet le but que l'on s'était proposé, en créant le dépôt de Tervueren. C’était d'obtenir dans le pays un cheval qui ne fût point exclusivement propre à l'agriculture, comme l'est la plus grande partie de nos races indigènes, mais qui pût offrir les qualités requises pour servir de cheval de selle ou de trait léger ; ce résultat a-t-il été atteint ? A cette question je n'hésite pas à répondre que oui, quoique partiellement, je l'admets, mais avec des progrès visibles chaque année. L'existence du haras étant relativement récente, on ne pourrait exiger, dans le présent, un résultat plus satisfaisant, sans dépasser les limites du possible, dans un pays où la propriété foncière est très divisée et où les ressources d'un grand nombre d'éleveurs sont fort restreintes et ne leur permettent d'arriver que peu à peu à l'amélioration des juments destinées à la reproduction.

Il n'en est pas moins vrai, messieurs, que l'élève du cheval de trait indigène ayant considérablement perdu de son importance, par la dépréciation de ce cheval, à laquelle les chemins de fer ne sont point étrangers, beaucoup de fermiers se sont tournés vers le cheval croisé, et leur nombre va s'augmentant tous les jours. Ceci est prouvé par les registres de la monte et les nombreuses demandes de nouvelles stations, Or, est-il raisonnable de supposer qu'il en serait ainsi, si ces nombreux éleveurs ne trouvaient pas dans la vente de leurs produits un bénéfice qui se répandra davantage encore, lorsque, non seulement le cheval de voiture ou de selle sera offert à l'acheteur isolé, au particulier, mais lorsque la remonte de notre cavalerie s'effectuera généralement dans le pays, comme cela a lieu en France ? Et ce jour n'est pas si éloigné de nous, messieurs, pour que nous ne persévérions pas dans la voie où nous marchons depuis quelques années seulement et non sans succès.

M. de Steenhault. - Messieurs, je ne pensais pas prendre la parole dans cette discussion, mais je désire répondre un mot à ce que vient de dire l'honorable M. de Naeyer.

Le cheval de bataille de l'honorable M. de Naeyer, puisque cheval il y a, est tout entier dans la mauvaise qualité des produits, dans les mauvais résultats qui ont été obtenus jusqu'ici. Il y a quelque chose de vrai, je ne le nie pas, dans les assertions de l'honorable M. de Naeyer, mais il y a aussi beaucoup à en rabattre.

Il a probablement oublié qu'il s'agit ici d'une innovation ; qu'il en a été, dans le principe, de cette innovation, comme de toutes celles qu'on introduit en agriculture.

Nos cultivateurs, poussant la prudence comme vous le savez jusqu'à l'exagération, ont été longtemps avant de consentir à envoyer à la saillie des juments de bonne qualité. C'était primitivement tout ce qu'ils avaient de plus mauvais dans leurs écuries, tout ce qu'ils ne voulaient pas laisser saillir par leurs chevaux de gros trait.

Mais aujourd'hui il n'en est pas de même. L'expérience s'est faite, il est évident que de très bons résultats ont été obtenus. Je m'étonne même du langage de l'honorable M. de Naeyer ; car, dans son arrondissement, à Alost même, j'ai trouvé des produits tellement beaux, que pour un cheval métis j'ai offert un prix de 1,600 fr. et qu'on m'a refusé. Je crois que c'est déjà là un assez beau résultat.

Il y a encore une autre raison qui fait que nos cultivateurs se porteront de plus en plus sur l'élève du cheval métis, c'est qu'aujourd'hui le cheval de gros trait a baissé tellement de valeur, que le prix de revient l'emporte sur celui de vente. Or, l'élève du cheval étant une partie essentielle de l'économie rurale, il est nécessaire aujourd'hui, si le cultivateur veut encore retrouver le prix de ses sacrifices, qu'il s'adonne à l'élève du cheval métis. Lui enlever les étalons de sang, c'est lui enlever une dernière ressource.

Je ne dis pas que toutes nos provinces ont un égal intérêt à posséder des chevaux de sang comme étalons. Mais il est hors de doute que l'on s'en trouve parfaitement dans le plus grand nombre de nos districts. La demande de stations en est la preuve.

On a cité la France, messieurs ; mais en France on fait des sacrifices considérables, et cela depuis 1814. Le gouvernement y possède 1,400 étalons ; nous, au contraire, nous sommes à peine entrés dans cette voie. On parlait dernièrement d'un mal chronique au sujet des crédits supplémentaires ; mais il y a encore un autre mal chronique, c'est celui du bouleversement de tout ce que nous avons à peine commencé à établir.

Pour moi, je n'hésite pas à le dire, refuser le crédit demandé, ce serait se couper la main au moment d'atteindre le fruit.

M. Van Overloop. - Messieurs, je partage tout à fait l'opinion qui vient d'être exprimée par l'honorable M. de Naeyer ; je pense que pour un résultat aussi problématique que celui des haras, il ne faut pas imposer aux contribuables des sommes aussi fortes que celles que nous voyons figurer au budget depuis 18 ans. Messieurs, l'expérience, si elle devait se faire, si elle devait justifier la bonté de l'institution des haras, l'expérience, d'après moi, devrait être complète, et si elle n'est pas concluante il faudrait, je le répète, renoncer à faire payer aux contribuables des sommes aussi fortes que celles qui figurent au budget.

Quoi qu'il en soit, messieurs, ce n'est pas sur ce point que je me propose d'attirer votre attention.

L'article 52 porte : « Exécution des règlements provinciaux sur la matière. » J’ouvre le budget de l'intérieur, et je lis dans les développements littera B. « Exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race chevaline : fr. 20,000. »

A coup sûr, messieurs, en votant cette allocation de 20,000 francs, la chambre n'a pas entendu approuver les règlements en eux-mêmes.

La chambre ne pouvait pas les approuver par une raison fort simple, c'est qu'ils n'ont jamais été soumis à son inspection. Or, messieurs, je désire qu'il soit bien constaté que la chambre, en votant cette allocation, n'a nullement entendu approuver législativement les règlements tels qu'ils sont formulés, ni juger de leur légalité ou de leur illégalité. Mes motifs sont très simples, c'est que dans un récent arrêt rendu par une de nos cours, on argumentait précisément de l'allocation dont il s'agit, pour faire consacrer comme légal un règlement dont l'illégalité avait été consacrée par le tribunal de Bruxelles.

Je crois qu'en votant l'allocation dont il est question, la chambre a simplement voulu concourir à l’amélioration de la race chevaline ; mais je ne pense pas qu'il soit entré dans l'idée d'un seul membre d'apprécier en eux-mêmes les règlements provinciaux.

Je désire que toute espèce de doute disparaisse à cet égard, puisqu'il s'agit de pénalité et qu'en matière pénale il importe que tous les citoyens connaissent parfaitement la loi. Il ne faut pas qu'en matière pénale surtout, on puisse aller chercher des arguments dans une volonté qui n'a pas été exprimée par le législateur d'une manière expresse.

Ensuite, messieurs, il me semble que l'allocation de 20,000 fr. ainsi libellée : « Exécution des règlements provinciaux », consacre un principe contraire à nos institutions. En effet, messieurs, exécution des règlements provinciaux dans le budget de l'intérieur, que veut dire cela en réalité ? Intervention du gouvernement dans les affaires provinciales et communales. Eh bien, messieurs, quant à moi, je proteste contre l'intervention du gouvernemenl dans l'exécution des règlements provinciaux ou communaux.

Je proteste contre cette intervention parce qu'elle rappelle une époque de triste mémoire, époque à laquelle la Belgique n'était pas Belgique, où la Belgique était réunie à la France, époque où la liberté provinciale n'était rien, où la liberté communale n'était rien, où les municipalités étaient complètement soumises au département et les départements au pouvoir central, où le gouvernement pouvait dire comme Louis XIV : L'Etat c'est moi !

Eh bien, messieurs, je proteste contre cette centralisation administrative. Je crois que quand nous sommes dignes d'être jurés, de disposer de la vie de nos semblables, quand nous sommes dignes de concourir aux fonctions publiques, quand nous sommes électeurs, quand nous pouvons même parvenir à la chambre et concourir à la confection des lois, quand nous sommes majeurs vis-à-vis de tous, nous devons être majeurs vis-à-vis du gouvernement, nous n'avons pas besoin d'une tutelle administrative.

Ces idées, messieurs, ont été définitivement consacrées par la Constitution. La Constitution a aboli la centralisation administrative qui régnait en France et qui nous a régis aussi longtemps que nous avons été réunis à ce pays, tant sous la République que sous l'Empire.

(page 191) Moi aussi, messieurs, je suis partisan des idées de 1789 en ce sens qu'elles ont généralisé les idées de liberté et d'égalité, mais loin de moi d'en être partisan en ce sens qu'elles n'ont fait que continuer le principe de Louis XIV ! Je ne veux pas, je le répète, de tutelle administrative.

En 1815, messieurs, lors de la formation du royaume des Pays-Bas, une première réaction s'est faite contre la centralisation administrative, et cette première réaction a été complétée en 1830. Je lis dans le rapport sur la loi provinciale qui est, je pense, l'œuvre de l'honorable M. de Theux : (L'orateur donne lecture du passage invoqué.)

Eh bien, je vous le demande, messieurs, que devient donc cette indépendance des pouvoirs provinciaux, en présence de l'intervention du gouvernement dans l'exécution de leurs règlements ? Que devient-elle en présence de l'intervention du ministre de l'intérieur, âme et force motrice des règlements de l'espèce ?

Je dis, messieurs, que dans les circonstances actuelles surtout nous de vons vouloir franchement, loyalement, l'application des principes consacrés par la Constitution et nous devons, par conséquent, supprimer l'intervention du gouvernement dans tout ce qui est d'attribution provinciale ou communale. C'est parce que je veux, moi, la Constitution en entier et rien que la Constitution, que je crois devoir présenter ces considérations.

Il est un autre point, messieurs, sur lequel j'appelle spécialement l'attention de M. le ministre de l'intérieur. C'est M. le ministre de l'intérieur qui est chargé de soumettre à l'approbation royale les règlements des conseils provinciaux et des conseils communaux.

Je me suis demandé s'il est bien constitutionnel, bien légal qu'un conseil provincial ou un conseil communal commine des pénalités dans un règlement qui n'a pas pour objet des intérêts purement provinciaux ou communaux, mais qui s'applique à des questions d'un intérêt général.

Comme j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure, le tribunal de Bruxelles a dit non ; la cour de cassation a dit oui ; mais veuillez ne pas oublier que devant la cour de cassation il n'y a pas eu de défense ; le système que j'ai soutenu n'a pas été défendu devant la cour suprême.

Pour moi ce point est de la plus haute importance : il s'agit d'une liberté constitutionnelle.

J'appelle donc sur ce point l'attention sérieuse de M. le ministre de l'intérieur, je le fais avec autant plus d'empressement que la question a été débattue dans le conseil provincial de Liège à différentes reprises et uotamment en 1852. Je viens de vérifier le fait à la bibliothèque : le conseil provincial de Liège, en 1852, a persévéré dans sa doctrine, à savoir que les conseils provinciaux ne peuvent pas comminer de pénalités dans des règlements d'intérêt général.

Nos conseils provinciaux, aux termes de la Constitution, ont dans leurs attributions tout ce qui est d'intérêt exclusivement provincial. Ainsi, pour tout ce qui est d'intérêt provincial, les conseils provinciaux sont souverains, et ils sont souverains à tel point, que la loi même ne peut porter atteinte à leur souveraineté. Mais les conseils provinciaux ont encore d'autres attributions ; ce sont celles d'agents du pouvoir central.

Eh bien, sous ce rapport, il est incontestable que les règlements sur l'amélioration de la race chevaline, de la race bovine, règlements sanctionnés par des pénalités, sont des règlements qui sont d'intérêt général.

Dès lors, les conseils provinciaux ne peuvent pas faire de règlements sur cet objet, en leur qualité de pouvoir provincial proprement dit ; ils ne peuvent le faire, qu'autant qu'il y ait délégation du pouvoir central.

Or, le Roi, chef de l'administration centrale, ne peut pas faire cette délégation ; le Roi n'a d'autres attributions que celles que la Constitution et les lois lui confèrent.

Parcourez tous les articles de la Constitution, et vous n'en trouverez pas un seul qui donne au Roi une attribution que je qualifie d'attentatoire au droit de propriété.

Il existe, je le sais, une loi de 1791 qui charge les corps administratifs de prendre les mesures qu'ils jugeront utiles pour l'amélioration de la race chevaline ; mais autre chose sont des mesures d'amélioration et autre chose sont des mesures de répression.

Quelle est la conclusion de tout ceci ? C'est que le Roi, chef du pouvoir exécutif, ne peut faire de règlements semblables à ceux dont je m'occupe en ce moment, parce que la Constitution s'y oppose. De leur côté, les conseils provinciaux ne peuvent pas non plus faire des règlements de ce genre.

Encore une fois, j'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur ce point ; je le prie de faire examiner la constitutionnalité de cette question ; je le répète, je le fais avec d'autant plus de confiance que dans le conseil provincial de Liège, on a longuement discuté la question et que l'on a fini par y rejeter toutes les pénalités comminées dans le règlement sur la race chevaline et dans celui sur la race bovine, parce qu'on a considéré cette répression comme une véritable atteinte au droit de propriété qui est consacré par la Constitution.

Je ne crois pas devoir dire davantage : j'espère que la chambre qui, comme moi, veut le maintien vrai de la Constitution, finira par se rallier à la manière de voir que je viens d'avoir l'honneur de développer devant elle.

- M. Vilain XIIII remplace M. Delfosse au fauteuil.

M. le président. - La parole est à M. Prévinaire.

M. Prévinaire. - Messieurs, je ne tiens pas à prendre la parole. Si, comme je le suppose, l'honorable M. de Naeyer, qui a présenté les observations les plus vives contre le crédit en discussion, n'a pas déposé d'amendement...

M. le président. - Il n'y a pas d'amendement déposé.

M. Prévinaire. - Je crois inutile dès lors de prolonger la discussion ; sinon, j'aurais présente quelques chiffres propres à relever les erreurs dans lesquelles est tombé l'honorable M. de Naeyer. (Aux voix ! aux voix !)

M. de Denterghem. - Je conçois l'impatience de la chambre ; je ne veux pas prolonger ce débat ; je me bornerai à dire à l'honorable M. de Naeyer qu'il me serait très facile de lui prouver qu'il a été complètement en erreur dans beaucoup de points qu'il a avancés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, les haras ne semblent pas avoir beaucoup de faveur aujourd'hui dans cette chambre : ils sont en effet l'objet d'attaques assez vives de la part de quelques orateurs.

Les uns les critiquent d'une manière absolue, comme une institution inutile, improductive et demandent leur suppression ; les autres, et j'aime à le constater, c'est le plus grand nombre, demandent simplement si les haras répondent au but de leur institution, s'il n'y a pas quelques améliorations à y introduire.

Messieurs, les haras ne sont pas une institution nouvelle, et si quelque chose doit surprendre, c'est qu'aujourd'hui encore on vienne remettre en question leur existence. L'établissement des haras remonte à des temps antérieurs à 1830, et toutes les innovations qui sont survenues depuis, n'ont eu d'autre but que d'introduire des améliorations reconnues indispensables par les hommes les plus compétents.

Chaque année le gouvernement était l'objet de représentations nombreuses en ce qui concerne l'administration des haras ; il a voulu enfin se livrer à un examen définitif pour ne plus laisser remettre sans cesse en question leur existence.

En 1850 une enquête administrative fut instituée. Elle a porté sur des bases très larges ; vous savez, messieurs, mieux que moi ce que cette enquête a produit.

On a démontré, d'une part, que les haras devaient être conservés ; qu'ils produisaient de bons résultats ; mais que pour compléter ces résultats, il était nécessaire d'introduire sur-le-champ des réformes considérables.

Sur quoi portaient ces réformes ?

Sur la qualité des étalons dont on se servait depuis longtemps, et sur le petit nombre des reproducteurs. L'enquête a conclu par une demande de fonds extraordinaires pour acheter tous les ans un certain nombre d'étalons de première classe et en augmenter successivement le nombre.

C'est ce qui s'est passé en 1850. Et qu'avez-vous fait depuis ? Vous avez reconnu la justesse des observations présentées par le gouvernement ; vous avez admis les conclusions de l'enquête, et vous avez porté au budget une première somme extraordinaire de 40,000 francs, pour servir à l'achat d'étalons nouveaux.

Cette année, le gouvernement vient demander une seconde allocation de 40,000 francs à l'extraordinaire pour compléter le système dont l'application n'est pas terminée.

Ce n'est pas la dernière allocation qui sera demandée, car on veut une chose d'intérêt général, on la veut complète, ou veut arriver à des résultats aussi satisfaisants que possible. Eh bien, que s'est-il passé depuis 1850 ? Les haras ont été réorganisés, les achats ont été faits, le nombre des stations a été augmenté. Ont-ils produit de bons résultats ? Les renseignements administratifs que j'ai pu consulter me permettent de répondre affirmativement à cette question, et je n'en veux pour preuve que les explications qui ont été données par plusieurs des honorables membres de cette chambre sur le nombre considérable de chevaux exportés de Belgique depuis quelques années.

Ce nombre s'est élevé à 12 mille, puis à 14 mille, puis à 16 mille, et cette année le nombre de 16 mille sera très probablement dépassé. Maintenant, quel est le but d'abord de l'institution des haras ? Je l'ai indiqué sommairement. C'est d'abord d'influer sur la qualité de nos chevaux indigènes, d'améliorer la race au point de vue de l’agriculture, et ce but est très important pour le pays.

C'est ensuite de former de bons chevaux de trait, c'est d'influer sur le commerce de chevaux, très considérable en Belgique ; c'est enfin, de faciliter à la longue, et quand nos essais auront complètement réussi, la remonte de la cavalerie. Voilà des résultats que nous devons chercher à obtenir et que nous obtiendrons si le système d'encouragement qui a déjà été consacré par nous depuis quelques années est conservé.

Voyons maintenant les critiques élevées contre l'institution des haras. C'est, dit-on, une institution improductive, il faudrait abandonner l'amélioration de la race chevaline à l'industrie privée... Est-ce une institution improductive, celle qui donne les bons résultats ci-dessus indiqués ? Est-ce une institution improductive, celle qui, dans tous les pays, est l'objet de la sollicitude la plus active des gouvernements ?

Il y a des haras en France, en Allemagne, partout ; et en Belgique, où nous avons tant besoin de chercher à nous passer de l'étranger, on voudrait que ce fût une institution improductive ? Il ne me paraît pas que cela puisse être sérieusement soutenu. C'est une institution, dit-on, (page 192) qu'à l'exemple de l'Angleterre, on devrait laisser à l'industrie privée...

Il se passe beaucoup de choses en Angleterre, sous le rapport des encouragements d'utilité publique, qu'on voudrait pouvoir imiter chez nous, mais qui n'obtiennent pas de faveur parmi nous.

Là l'industrie privée prend l'initiative dans beaucoup de circonstances. Ici nous sommes obligés d'encourager aux frais de l'Etat un grand nombre de choses utiles dans une proportion d'intervention plus ou moins considérable.

Je reconnais qu'il est désirable d'arriver à cette époque où l'industrie privée pourra s'affranchir en très grande partie du concours actif du gouvernement par l'allocation de subsides ; mais, messieurs, descendez dans la pratique, voyez ce qui se passe autour de nous ; si l'industrie privée devait se passer en Belgique de ces encouragements que nous lui offrons, que deviendrait-elle ?

Chaque pays a ses nécessités, parce qu'il obéit à des faits qui lui sont propres, et, à défaut des encouragements particuliers, je conclus que nous devons soutenir, en Belgique, l'élève, par l'établissement des haras. Sans doute, dans une institution de cette nature, il se commet parfois des erreurs ; on ne fait pas toujours bien ; mais s'ensuit-il que le gouvernement ne doit pas continuer ses tentatives, redoubler d'efforts pour améliorer la situation ?

On a cité des erreurs, des fautes commises dans la manière dont on encourage la reproduction. On a dit qu'on avait acheté des chevaux métis. C'est une erreur. Le gouvernement n'a pas fait d'achat de chevaux métis. Voici ce qui s'est passé.

On a demandé dans les commissions qui se sont occupées de ces questions si, en dehors des étalons reproducteurs, il était convenable d'autoriser l'usage de chevaux métis pour servir à la reproduction de la race indigène. Et on a répondu que quand il se présentait des sujets utiles, il serait injuste de les exclure du concours pour aider à la reproduction des chevaux indigènes ; mais on n'achète pas de chevaux métis, on les admet seulement à la reproduction quand ils sont jugés aptes à ce service. On a parlé de chevaux de luxe. C'est une autre erreur. Il s'agit uniquement d'améliorer notre propre race. Voilà à quoi sont employés les fonds de l'Etat. Si des erreurs se glissent dans l'administration, le gouvernement peut les rectifier ; et d'ailleurs, ces erreurs où sont-elles ?

Il me semble qu'il ne suffit pas, pour combattre un article aussi important que celui des haras, de se borner à des considérations générales ; il faut citer des faits ; à des faits, on peut en opposer d'autres, détruire les fausses impressions et rétablir la vérité. Des considérations générales sont insuffisantes pour faire la critique d'une institution qui a reçu pendant des années l'autorité de vos suffrages.

Après avoir attaqué l'institution comme improductive, on s'est demandé si nous devions voter une somme annuelle de plus de 210 mille francs, indépendamment de ce capital improductif représenté par les frais de premier établissement.

Messieurs, pensez-vous que ce soit en effet une dépense trop considérable pour tous les résultats que nous venons d'indiquer ? Vous ne devez pas oublier la différence qui existe entre les budgets antérieurs à 1830 et le budget actuel. Ce crédit extraordinaire de 40 mille fr. a été demandé comme conséquence d'une réforme sans laquelle il était impossible de conserver à nos haras de bons éléments de succès.

Il a pour but ensuite de multiplier les stations, de les étendre à beaucoup de points qui en sont dépourvus. Enfin, il permet de reporter sur plusieurs exercices une dépense qui aurait été trop considérable pour le faire en une seule fois.

A l'aide de ces ressources qui devront être continuées pendant quelques années, il est permis dès maintenant d'apercevoir les résultats qu'on attend, il est permis de penser que d'ici à peu de temps vous pourrez donner au haras de l'Etat sa véritable destination et que le gouvernement aura pu y introduire toutes les améliorations qui seront de nature à faire disparaître en grande partie les critiques.

Moyennant ces explications, j'espère que la chambre n'hésitera pas à voter les fonds qui lui sont demandés par le gouvernement, et qu'après avoir fait des essais coûteux et multipliés pendant de longues années, nous ne verrons pas, à la veille du succès, tomber, faute de quelques fonds nouveaux, une institution élevée à grands frais, et que l'exemple des autres peuples recommande, comme nos propres expériences, à l'attention de la législature.

- Plusieurs voix. - La clôture !

M. le président. - Un amendement vient d'être déposé par M. de Naeyer. Il propose de retrancher de l'article les 40,000 fr. destinés à la remonte des haras.

M. de Muelenaere. - Je n'ai qu'une seule observation à faire. Je ne dirai rien du chiffre du crédit demandé pour l'entretien et la remonte du haras ; je crois que dans l'intérêt de l'élève du cheval l'intervention du gouvernement sera encore nécessaire en Belgique pendant plusieurs années. Quoi qu'il en soit, si l'institution du haras présente des avantages réels, il est juste qu’on fasse participer à ces avantages le plus grand nombre de localités possible. Or, mon ami M. Thienpont a signalé deux arrondissements des Flandres où l’on se livre à l’élève du cheval et qui jusqu’ici n’ont pas de station.

Si le nombre d'étalons que possède le gouvernement ne permet pas de satisfaire à tous les besoins, de répondre à toutes les demandes, les stations devraient être réparties de manière à répondre autant que possible aux besoins les plus urgents. Je pense que la somme mise à la disposition du gouvernement par la législature a été exclusivement employée à l'acquisition de reproducteurs anglais, car il y a une opinion qui s'accrédite beaucoup dans les Flandres, parmi les cultivateurs les plus instruits et les plus compétents, que d'autres reproducteurs excerceraient une influence plus prompte sur l'amélioration de la race indigène.

Je demanderai à M. le ministre, non pas de nous donner une réponse à ce sujet, mais de s'entourer des renseignements nécessaires, de consulter des hommes compétents sur la question, de savoir s'il n'y aurait pas possibilité de distraire de l'allocation une somme assez minime pour faire l'acquisition de quelques percherons de première qualité ; il paraît que ces animaux seraient d'une utilité réelle dans certaines contrées du pays.

Ce sont là les seules observations que je voulais faire.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. le président. - Si la clôture était prononcée, ce ne serait que sur la partie de l'article concernant le haras. Si la discussion continue, la parole est à M. Orban.

- - Plusieurs voix. - A demain ! A demain !

- D’autres voix. - Terminons le haras ! Parlez !

M. Orban. - Je voulais seulement présenter quelques observations. Après les considérations auxquelles on s'est livré, il n'y a plus que quelques chiffres qui puissent faire impression sur vos esprits. Nous ne méconnaissons pas l'importance de l'élève du cheval en Belgique, mais il ne sera pas difficile de démontrer que l'emploi du crédit voté pour cet objet est contraire aux règles d'une bonne administration.

D'après les documents officiels, la production annuelle de la Belgique, en ce qui concerne la race chevaline, est de 30,000 poulains : 19,000 sont nécessaires pour la consommation intérieure, et 10,000 environ pour l'exportation.

Or, messieurs, sur ce nombre 700 environ proviennent des étalons du haras et profitent des encouragements du gouvernement. De sorte que le reste de la production nationale, c'est-à-dire les 59/60 de cette production sont dus à l'industrie libre. Cette circonstance n'empêche pas que ces derniers produits ne soient excellents et fort appréciés par l'étranger, puisque l'on exporte annuellement 12,000 à 15,000 poulains.

La conclusion à tirer de ces faits, c'est que l'on pourrait sans inconvénient abandonner à elle-même l'industrie de l'élève des chevaux et qu'en tout cas la répartition qui est faite du fonds mis à la disposition entre le haras et les étalons indigènes n'est nullement en rapport avec l'importance respective de ces deux branches de la production.

Il me semble que l'on peut conclure de ces faits, invoqués par M. le ministre de l'intérieur, dans le discours auquel je réponds, que la protection qu'il préconise pourrait être complètement supprimée.

Je m'en tiendrai à ces observations, en raison de l'heure avancée.

M. Prévinaire renonce à la parole.

M. le président. - Il n'y a plus d'orateurs inscrits. La chambre entend-elle procéder au vote ? (Oui ! oui !) Je dois faire remarquer qu'un grand nombre de membres ont quitté la séance.

M. de Liedekerke. - Je propose de voter par appel nominal sur l'amendement si nous sommes en nombre.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. de Naeyer (réduction de 40,000 fr. montant de l'allocation demandée pour achat d'étalons).

Voici le résultat du vote :

56 membres sont présents.

1 (M. Moxhon), s'abstient.

55 prennent part au vote.

16 votent pour l'adoption.

39 votent contre.

La chambre n'adopte pas.

Ont voté pour : MM. de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, Dumortier, Jacques, Orban, Orts, Pierre, Rodenbach, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Boulez, Clep et Coomans.

Ont voté contre : MM. de Renesse, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Dumon, Faignart, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Maertens, Mascart, Matthieu, Mercier, Prévinaire, Rogier, Rousselle (C), Sinave, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Grootven, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Allard, Anspach, Brixhe, de Breyne, de Decker, de Denterghem, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere et Vilain XIIII.

- M. le président invite M. Moxhon à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Moxhon. - Je voulais la suppression totale du haras, dont la chambre veut le maintien. Je ne pouvais donc voter sur un amendement qui n'est qu'une proposition de réduire le crédit demandé. J'ai dû m'abslenir.

- Le vote sur les articles est renvoyé à demain.

La séance est levée à 4 heures 3/4.