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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1 décembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 197) M. Dumon procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre :

« Le sieur Degeest demande des modifications à la loi sur le régime hypothécaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les électeurs de la commune de Ghoy demandent l'établissement d'un bureau électoral dans chaque chef-lieu de canton. »

- Même renvoi.


« Le sieur Keymolen, consul de Belgique à Mexico, réclame l'intervention de la chambre afin d'obtenir le remboursement des avances qu'il a faites pour le compte du sieur Blondeel Vancuylenbroek. »

- Même renvoi.


« Le sieur Raikemt-Romain demande une loi qui interdise aux huissiers et greffiers des justices de paix de se livrer à la défense des parties. »

- Même renvoi.


« Le collège des bourgmestre et échevins de la ville d'Enghien présente des observations contre l'interprétation donnée par le gouvernement aux dispositions de la loi sur l'instruction primaire qui règlent les conditions de l'intervention de la province et de l'Etat dans les frais decet enseignement. »

M. Matthieu - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un très -prompt rapport. Il s'agit d'une question très importante que je recommande à l'attention toute spéciale de la commission.

- La proposition de M. Mathieu est adoptée.


« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent que la garde civique soit divisée en deux bans. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.


« Plusieurs habitants de Gand demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Gavre prient la chambre d'adopter le projet de loi qui transfère à Bottelaere le chef-lieu du canton de justice de paix d'Oosterzeele.

« Même demande des membres du conseil communal et de plusieurs habitants de Baelegem, Scheldewindeke, Meirelbeke et Schelderode. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur A. F. Ponson, à Liège, fait hommage à la chambre du premier volume de son Traité d'exploitation des mines de houille. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances et frappe de déchéance les obligations provisoires de l'emprunt de 26 millions

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de présenter un projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département des finances les crédits nécessaires pour les frais occasionnés par le dernier emprunt de 26 millions destinés aux travaux publics, ainsi que pour la dotation de l'amortissement et le service des intérêts du même emprunt pendant l'exercice courant.

- Ce projet de loi sera imprimé et distribué ; la chambre en ordonne le renvoi aux sections.

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, le gouvernement a fait parvenir à la section centrale du budget de l'intérieur l'état des dépenses faites en 1851 sur les fonds des lettres et des sciences. La section centrale a l'honneur de vous proposer l'impression de ce document.

- Adopté.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exerice 1853

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

Article 52

M. le président. - La discussion continue sur l'article 52 (encouragements à l'agriculture) ; hier la chambre a épuisé la question des haras ; plusieurs orateurs sont inscrits pour parler sur l'un ou l'autre des litteras de l'article, autres que celui du haras.

M. Coomans. - Je demande que la discussion porte à la fois sur ces divers littéras.

Ces matières sont intimement liées ; il est très difficile de parler, par exemple, des écoles d'agriculture sans parler d'autres encouragements.

- La proposition de M. Coomans est adoptée.

M. le président. - La parole est à M. de Man d'Attenrode.

(page 210) M. de Man d'Attenrode - Messieurs, avant de vous entretenir de l’enseignement agricole qui a été organisé par le département de l’intérieur, je tiens à vous dire en peu de mots quelles sont mes opinions en ce qui concerne les mesures destinées à répandre des procédés nouveaux de culture. J’admets sans difficulté qu’il existe des méthodes perfectionnnées, des connaissances utiles à propager, même dans ce pays où l’agriculture jouit d’un si juste renon et couvre le sol de si riches produits.

Mais je ne partage pas la plupart des mesures qui ont été adoptées par l'administration pour les propager.

Le cultivateur belge a de précieuses qualités. Il est calme, prudent, judicieux : homme pratique avant tout, il ne se laisse pas facilement engouer par des théories enseignées par des professeurs, qui n'ont vécu pour la plupart que sur les bancs de l'école. Il exige des preuves ; il veut des résultats. Les paroles exercent peu d'influence sur lui. Il se délie des nouveautés, il se défie des idéologues.

Avant qu'il ne se décide à aventurer son capital par l'application de procédés importés de l'étranger, il attend la preuve de la bonté de ces importations.

Le patronage du gouvernement en cette matière est pour lui de peu de valeur, et il a raison ; il prouve ainsi son bon sens ; ii fait preuve de ce jugement, qui caractérise nos populations.

Je le dis donc avec conviction, ce n'est que par la pratique démontrée par de féconds résultats, qu'il est possible d'implanter en Belgque de nouvelles méthodes de culture.

Après ce préambule, nous allons examiner le caractère des établissements formés par le gouvernement, et nous verrons si ces établissements sont constitués de manière à perfectionner les procédés de culture agricole, et à inspirer de la confiance.

J'établirai ainsi, qu'il faut sans tarder davantage, que la question de l'enseignement Agricole soit résolue par une loi.

Le gouvernement en usant du crédit destiné à favoriser l’agriculture, pour établir l'enseignement qui le concerne, a déclaré maintes fois, qu'il ne s'était proposé que de se livrer à des essais.

Mais en quoi ces essais consistent-ils? Le gouvernement, pour essayer, a organisé treize établissements ! C'était beaucoup trop, si c'était un essai, dont on voulait sérieusement.

Un de ces établissements, celui d'Oudenbourg, en Flandre occidentale, est tombé sous la réprobation générale. Le scandale était tel, qu'il a fallu le supprimer.

Il en reste donc 12.

Mais examinons d'abord la cause de leur naissance, leur origine, ce qui a déterminé le gouvernement à organiser l'enseignement agricole.

Le cabinet qui prit les affaires en 1847, partageait sous bien des rapports les idées, les utopies de la secte des économistes.

Il ne tarda pas à en faire l'application à l'industrie agricole. Quant à l'industrie manufacturière, on se borne à des déclarations. Elle paraissait peu disposée à subir ce traitement.

L'agriculture fut donc seule soumise au régime du libre échange, et comme il semblait aux réformateurs, qu'une indemnité était indispensable, ils l'eurent bientôt trouvée. Ce fut la science qui fut chargée de la donner.

Les agriculteurs belges étaient gravement prévenus de ne pas être au niveau du progrès, prévenus d'ignorance.

Il n'y avait pas à hésiter. On décréta un bon nombre d'écoles professionnelles, des expositions agricoles, et de larges distributions de médailles, des comices agricoles, des subsides.

Et je crois pouvoir déclarer ici, que l'industrie agricole n'a pas envisagée tout cela comme une compensation suffisante.

M. Rogier. - Il y a encore autre chose.

M. de Man d'Attenrode. - Quoi donc? dites je vous prie... L'honorable M. Rogier m'interrompt en disant que le gouvernement a accordé encore quelque chose.

Je m'en vais vous dire quelle est ce quelque chose.

L'agriculture était en droit d'obtenir un dégrèvement d'impôts, par suite de la position exceptionnelle, où on l'avait placée; c'est ainsi qu'on l'entend en Angleterre. Et c'est au contraire une aggravation de charges, qui lui a été décernée.

Le cabinet qui vient de tomber a imposé au pays et malgré le pays la taxe des successions en ligne directe ; et elle pèse exceptionnellement sur les immeubles, sur la possession de la terre.

Voilà les indemnités que vous avez accordées à l'agriculture.

Le gouvernement entretient donc 12 écoles parmi lesquelles il en est six que je considère comme théoriques ; il en est six qui sont plus ou moins pratiques. Mais parmi ces dernières, il en est deux qui ne concernent pas du tout l'agriculture ; ce sont les écoles d'arboriculture de Vilvorde et horticole ou plutôt des plantes étrangères et des serres chaudes de Gand.

Les six écoles théoriques coûtent à l'Etat au moins 40 mille francs par an ; je ne puis le dire exactement, car l'Etat a fait des dépenses considérables en constructions et pour des serres.

J'ignore aussi pour quelle somme chaque province, chaque commune contribuent à la dépense. Et il en est qui y contribuent en quelque sorte malgré elles.

En 1851, le département de l'intérieur avait proposé au conseil provincial du Brabant de contribuer à la dépense de quelques bourses ; le conseil provincial s'y refusa par un vote nettement formulé. Mais, le lendemain, le gouvernement fit vibrer la corde politique dans un banquet. On n'était admis à être franchement libéral, qu'à la condition de favoriser les écoles agricoles, et le conseil provincial vota 500 fr. pour une seule bourse. Mais il refusa d'en faire davantage. C'est ainsi qu'on fut obligé de soulever les passions politiques pour faire voter 500 fr. in faveur des écoles du gouvernement.

Prenons un exemple, afin de mieux connaître ce que c'est qu'une école théorique.

Arrêtons-nous à Tirlemont. C'est un établissement que ma position me fait mieux connaître.

D'après l'état qui nous a été distribué, cette école a reçu en 1851 un subside de 9,750 fr. J'ignore le montant du subside communal. Celui de la province s'élève à 500 fr. Je viens de le constater.

D'après les renseignements de l'administration, 16 élèves y reçoivent l'instruction. De sorte que chaque élève coûte au pays, je suppose, 800 fr. environ, en tenant compte des subsides communaux, de l'entretien des bâtiments, etc.

Et quels sont ces élèves ? ce sont des jeunes gens, qui presque tous sortent des collèges et athénées, parce qu'ils ont été incapables de poursuivre leurs études moyennes. Ils viennent ensuite essayer d'acquérir quelque instruction scientifique aux frais du trésor public. Ils espèrent ensuite avoir droit à quelque place, car la fréquentation de ces écoles est une bonne recommandation pour obtenir une fonction publique. On le croyait du moins ainsi sous l’ex-cabinet, et je crois qu'on était fondé à le croire.

Or, ce n'est pas avec cettle classe de jeunes gens, que vous ferez des cultivateurs.

Quant aux élèves sortis de la classe si estimable des laboureurs, des fermiers, oa aurait du mal à en citer quelques-uns qui y soient à leurs frais.

Quant à l'enseignement et à la pratique de l'agriculture dans les écoles théoriques, il me suffira de vous lire quelques lignes du rapport qui vous a été distribué et qui a été rédigé par un inspecteur du gouvernement pour vous en donner une idée.

« Les branches dans lesquelles les élèves se sont montrés les plus instruits, sont : la physique, la chimie, la botanique, l'anatomie, la physiologie et la géographie, » déclare l'inspecteur. (Interruption.)

Et l'agriculture? Quant à l'agriculture, l'inspecteur n'en fait pas mention.

Pius loin cependant il ajoute :

« Le cours d'agriculture venait de commencer. Deux leçons d'agriculture générale avaient été données. Jusqu'à ce jour il n'a pas encore été exécuté de travaux d'agriculture, mais on pourra bientôt se livrer à des experiences. Un champ de manœuvres de 20 ares, et 1 hectare à cultiver suffisent à la rigueur pour exercer aux travaux d'agriculture. »

Ainsi, messieurs, le champ sur lequel les élèves des écoles du gouvernement ont à acquérir la connaissance de l'agriculture, s'appelle un champ de manœuvres. comme on indique la plaine sur laquelle les troupes sont appelées à s'exercer à l'entrée des villes.

De sorte que les élèves agricoles apprendront l'usage des instruments aratoires, à peu près comme les soldats apprennent l'exercice du fusil et du canon.

Ce sont là de ces ingénuités qui caractérisent tout un système d'enseignement.

Le nombre d'heures employées en classe à l'enseignement agricole est en général partout de 2 ou 3 heures par semaine et seulement pendant l'été.

Mais il est cependant une de ces écoles, celle de Leuze, où l'on donne l'enseignement pratique, il faut que je lui rende cette justice. Mais il paraît réellement, qu'on ne la donne que malgré soi, et seulement parce que l'école eût manqué d'élèves, si on ne s'y était pas déterminé. Voici ce qui; je lis dans le rapport :

« Les autres ne reçoivent qu'une instruction purement pratique, qui consiste dans l'enseignemeut de l'agriculture, du dessin et de l'arithmétique.

« On a eu l'idée de créer cette division, parce qu'il se présentait un aussi grand nombre d'élèves peu propres à profiter de l'enseignement des sciences, dont l'utilité n'est pas encore généralement bien comprise, el qui effrayaient d'ailleurs un certain nombre de parents d'élèves. Je crois donc que l'institution de cetle division... produira de bons résultats, en ce qu'elle amènera des élèves, et qu'elle accoutumera à l'idée, que l'agriculture est un art susceptible de s'enseigner théoriquement. »

Cette citation établit donc à l'évidence, que le personnel de l'enseignement agricole a pour principe, que la science de l'agriculture peut s'enseigner théoriquement, et qu'on ne donne l'enseignement pratique que pour se soumettre aux exigences des familles.

Voici une autre observation, qui m'a été suggérée par la lecture du rapport.

Une de ces écoles possède 22 élèves - elle en avait le même nombre l'année précédente - 10 nouveaux élèves ont été admis. Ce qui prouve que 10 élèves sont sortis. Cette circonstance fait croire qu'il y a peu de constance dans le parti (page 211) que prennent les élèves en entrant dans ces écoles. Ce mouvement prouve qu'il n'y a aucune fixité dans le parti que prennent les jeunes gens de se livrer aux études agricoles. Cette clause d'élèves est une classe flottante, incertaine entre les études moyennes et primaires.

Ausi, messieurs, ces écoles sont-elles déconsidérées dîns l'opinion publique, on n'en entend parler qu'avec ironie.

Elles n'inspirent pas de confiance, et pourquoi cela ? C'est qu'il est avéré que plusieurs de ces établissements laissent considérablement à désirer au point de vue de la moralité et de l'esprit qui y régnent.

J'ai recueilli à cet égard le témoignage d'hommes considérables, éclairés, et qui comprennent la part qu'il faut faire à la jeunesse.

En général, on n'y attire des élèves que par l'appât des bourses ; on fait en quelque sorte la presse des élèves comme la presse maritime en Angleterre.

On achète des élèves pour motiver la présence des professeurs.

Le but que l'on s'était proposé. en France, en instituant des écoles d'agriculture, avait été de porter les hommes vers la culture des champs, de les pousser hors des villes ; centres de population qui, en prenant trop d'accroissement, entretiennent de nombreux éléments de démoralisation.

Que vient de faire le gouvernement français ? Reconnaissant que ces écoles ont complètement manqué leur but, il vient de décréter la suppression d'un grand nombre d'entre elles.

Je prétends que ces écoles ne tendent pas à introduire des méthodes perfectionnées dans les campagnes ; je prétends qu'elles formeront des hommes qui ne feront pas de l'agriculture, mais qui en parleront, en écriront peut-être, des hommes qui comptent que le gouvernement, après les avoir lancés dans cette carrière, leur procurera des subsides et des places pour assurer leur existence. Ces écoles ne tendent qu'à multiplier le nombre des solliciteurs de subsides, et ce seront encore les véritables travailleurs agricoles qui payeront les frais.

Un mot maintenant sur les écoles pratiques; elles sont au nombre de six.

Il y a d'abord les écoles de Rollé et d'Ostin. Ce sont de véritables fermes-modèles. Ces établissements sont constitués d'après un système qui est le plus recommandable. Deux établissements de ce genre, l'une dans une situation où la terre est forte et une autre dans une situation où la terre est légère, me sembleraient suffire dans un aussi petit pays que le nôtre. Je ne ferais pas difficulté d'admettre encore une école professionnelle.

Il y a ensuite l'école de la Trapperie, sur laquelle je n'ai pas de renseignements suffisants.

La quatrième est l'école de Haine-Saint-Pierrc, où l'on forme des jeunes gens pour la fabrication et la réparation d'instruments d'agriculture perfectionnés. L'institution de cette école m'a étonné, car il est certain que la Belgique est, après l'Angleterre, le pays où les instruments d'agriculture sont le plus propres à la culture. Mais enfin, puisqu'on croit au département de l'intérieur que les instruments d'agriculture ont besoin d'être perfectionnés, je ne combattrai pas l'existence de cette institution. J'observerai cependant qu'il faut pour chaque nature de terrain des instruments différemment confectionnés.

Je doute que l'on ait égard à cette observation.

Viennent ensuite deux écoles dont les subsides sont imputés sur le chapiire destiné à favoriser l'agriculture, mais qui n'ont cependant guère de rapport avec l'agriculture.

La première est celle de Vilvorde, où l'on enseigne la taills et la multiplication des arbres fruitiers et la culture maraîchère. Cet établissement reçoit un subside annuel de 14,350 francs, et on se propose de l'augmenter encore.

On ne peut se dissimuler que, sauf dans les environs de Tournay, la taille des arbres fruitiers est extrêmement arriérée, et qu'il serait désirable qu'on répandît dans le pays les nouvelles méthodes introduites dans les environs de Paris, dont j'ai compris tous les avantages, puisque j'en fais moi-môme l'application. Il y a aussi des progrès à faire faire à la culture maraîchère. J'ignore si, sous ce rapport, l'enseignement donné à l'école de Vilvorde répond au but que l'on s'est proposé en l'instituant. Mais ce qui m'étonne, c'est que le gouvernement y ait fait construire des serres.

Je conçois qu'on s'y occupe de culture force ; cette culture exige des couches, des bâches. La culture forcée des légumes ne demande pas de serres. D'ailleurs, la culture forcée du raisin est parfaitement entendue dans ce pays. Elle donne des produits que l'on exporte à l'étranger. Le gouvernement a fait construire à ses frais des murs, des terres. Tout cela monte à des frais très élevés, qui constituent pour l'établissement subsidié des avantages considérables.

Il profite de ces avantages pour faire aux établissements, qui s'occupent de la vente des arbres fruitiers, une concurrence insoutenable. Je vous le démande, messieurs, quel est le pépiniériste qui peut lutter contre un établissement privilégié ainsi ?

Il n'y a pas de concurrence possible avec des établissements montés sur ce pied-là, et jouissant du patronage de l'Etat. C'est là un fait constant.

L'établissement dont j'ai encore à parler est celui que le gouvernement fondé à Gand, pour répandre la manière de cultiver les plantes exotiques, les orchidées, les plantes du Sénégal, etc., etc.

Je suis défavorable en général à l'intervention du gouvernement dans toutes ces choses.

Cependant, lorsqu'il y a quelques connaissances utiles et nouvelles à introduire, et lorsque les particuliers n’en prennent pas l'initiative, je conçois alors que le gouvernement se charge de ce soin. Mais ici il s'agit d'une culture dont la connaissanec est très avancée en Belgique. : Manquons-nous de jardiniers qui connaissent cette culture ? S'il vous prend fantaisie de vous en procurer, cela est-il donc difficile? Tout le monde sait que les jardiniers intelligents connaissant les soins à donner à une serre, ne font pas défaut.

D'ailleurs c'est une culture complètement de luxe, c'est une culture qui n'a nullement besoin du patronage du gouvernement pour prospérer ; les autres établissements, qui existent sans ce patronage, sont là pour le prouver.

Je ferai aussi, à l’égard de cette industrie, la même observation qu’à l’égard de l’établissement de Vilvorde; c’est encore une concurrence organisée contre des établissements rivaux. Cela ne me sembla conforme ni à la justice ni à l’équité.

Je termine par une observation.

Le gouvernement a inscrit au budget pour cette école un subside de 12,000 francs. Mais, messieurs, ne serait-il pas juste que celui auquel ces 12,000 francs sont destinés commençât par rembourser les sommes considérables que l'Etat lui a avancées ?

Je suppose que le principe de l'intervention de l'Etat dans la culture des plantes de serre soit admis, et ce serait contre mon avis, je voudrais au moins qu'on disposât du subside pour faire rentrer les sommes qui ont été prêtées par le trésor public.

Sans cette précaution, je le crains, ces sommes ne seront jamais restituées.

Veuillez-vous-le rappeler, messieurs, cette affaire vous a été exposée au mois de mars dernier, lorsqu'il s'est agit du compte rendu du million de 1849.

Messieurs, les propositions du gouvernement tendent à maintenir, pendant l'exercice 1853, les institutions qu'il a établies soau forme d'essais.

Ces essais se poursuivent depuis plusieurs années.

Si c'est un essai, le temps a suffi pour le juger. Si ce n'est pas un essai, la Constitution vous oblige de régler cet enseignement par une loi. Ainsi, en tous cas, le devoir nous force à obliger le gouvernement à discuter le principe de ces établissements.

L'administration prétend que c'est un essai. Franchement, messieurs, voici ma pensée : Le but de l'administration est de prolonger ces essais, de manière que la question soit résolue lorsque vous serez appelés à vous en occuper et à la juger. Le but de l'administration a été de faire des établissements organisés de manière à ce que, lorsque vous discuterez le principe, vous ne pourrez plus le discuter librement.

Je dis que cela est une atteinte portée à nos prérogatives, une atteinte portée à la dignité parlementaire.

Plus vous reculerez l'époque où vous discuterez le principe, plus vous rencontrerez des embarras.

Les professeurs, les directeurs finiront par croire que leurs commissions sont définitives ; ils croiront que leurs fonctions ne leur ont pas été confiées à titre d'essai.

Si vous ne fixez pas d'époque pour discuter la loi de l'enseignement agricole, le pays finira par rester grevé de la charge de positions acquises, si le personnel a été trop développé.

Je conclus donc à ce qu'une discussion spéciale décide du sort de l'enseignement agricole.

Je demande de plus qu'une loi arrête les bases de l'enseignement vétérinaire ; il est temps que les programmes, les examens, l'avenir des professeurs, acquièrent la stabilité, que la loi seule peut leur donner ; tous les intérêts sont abandonnés pour le présente l'arbitraire administratif.

C'est au nom de la Constitution, que je réclame ; je demande que l’article qui veut que l'enseignement donné par l'Etat soit réglé par la loi soit mis à exécution.

Je ferai observer en terminant que des projets ont été déposés par le gouvernement en 1846.

Le département de l'intérieur y trouvera des notions qui rendront sa tâche facile.

(page 197) M. Coomans. - Messieurs, comme vient de le dire, en finissant, mon honorable ami M. le baron de Man, la Constitution exige que l'enseignement donné aux frais de l'Etat soit réglé par la loi. Cette prescription est restée méconnue en ce qui concerne l'enseignement agricole ; elle est restée méconnue sous prétexte qu'il fallait se livrer à des expériences. Soit. Des expériences ont été faites ; j'eusse désiré qu'elles le fussent sur une moindre échelle, à titre d'essai seulement, et qu'on ne créât pas, comme l'a signalé aussi l’honorable préopinant, une douzaine d'écoles à la fois. Au lieu d'un essai, nous avons eu l'application d'un système tout entier, et cela n'était nécessaire dans aucune hypothèse. Cependant l'expérience a été faite et, il faut bien l'avouer, elle n'a pas été heureuse.

Je ne me pique pas d'être prophète, surtout prophète infaillible ; mais j'ai prédit l'insuccès, le Moniteur le constate. Sur une douzaine d'écoles, treize même, trois ou quatre sonr dans un état de prospérité relative ; les autres végètent et souffrent, il y eu a même qui ne souffrent plus, car elles sont mortes.

Messieurs, les causes de l'insuccès sont multiples, j'en indiquerai quelques-unes.

En premier lieu, on a trop entrepris à la fois. Au lieu de se borner à une ou deux écoles, ainsi que j'avais l'honneur de le dire, on en a fondé une douzaine, comme s'il était facile de créer des établissements de ce genre.

Je le dis avec une conviction profonde, il est moins aisé de trouver de bons professeurs d'agriculture que des professeurs de belles-lettres, même que des députés cl des ministres.

Si j'avais eu à créer des établissements de ce genre, je me fusse considéré comme très heureux de pouvoir trouver immédiatement 5 ou 6 progesseurs d’agriculture, des professeurs dignes de ce nomn c’est-à-dire, des professeurs qui en sachent au moins autant que nos cultivateirs expérimentés.

Messieurs, les livres en cette matière ne font pas le savant vrai et utile. La théorie sans la pratique est vaine et impuissante. J'ai lu des centaines de livres plus ou moins agricoles, y compris ceux que le gouvernement a édités. J'ai habité la campagne, j'ai causé beaucoup avec les paysans ; eh bien, messieurs, je n'ai pas encore la prétention de donner des leçons à un valet de ferme.

On en a jugé autrement, on a décrété une douzaine d'écoles à titre d'expérience, faute grave d'où il est résulté qu'il a fallu recourir à des professeurs insuffisants, au nombre de ceux qui ont été choisis et qu'il a fallu renoncer à avoir les bancs garnis.

En deuxième lieu, messieurs, on a établi des écoles dans les villes ; à grand renfort de bourses on y a attiré quelques élèves. On ne pouvait pas avoir une plus malheureuse pensée. En appelant les campagnards dans les villes à un âge où ils reçoivent facilement des impressions nouvelles, on dénature leur caractère ; on en fait des messieurs aux mains tendres, aux goûts délicats, de petits savantasses qui souvent apportent au village le mépris des aïeux, s'ils n'y sèment pas le trouble, afin de se désennuyer.

Pour être bon cultivateur, il faut des vertus, des habitudes qu'on ne contracte guère dans les villes ; il faut être patient, robuste, sobre, modeste, content de peu, et heureux chez soi.

Les écoles d'agriculture dans les villes, c'est un véritable, un fatal contresens. Loin de faire du bien, je le dis sérieusement, elles feraient du mal, si elles avaient des élèves.

Les nôtres n'en ont pas, et je ne puis pas m'en affliger. Nos écoles urbaines sont dans la situation la plus piteuse du monde. Le peu d'élèves qu'elles ont produits, loin d'aller fortifier l'agriculture, lui ont été presque tous enlevés.

A part quelques-uns qui sont retournés au village, ces jeunes gens semi-campagnards, senà-citadins, ces pauvres métis sonl devenus tout autre chose que cultivateur. L'un s'est fait cabarelier, un autre marchand, un autre encore valet de grande maison. Franchement messieurs, était-ce la peine de faire tant de bruit de cet enseignement ? Et était-il raisonnable de le présenter comme assurant à l'agriculture la protection efficace qu'elle réclamait et qu'on lui avait solennellement promise ?

En troisième lieu, on enseigne trop de choses à la fois dans nos écoles d'agriculture ; l'instruction y est plus apparente que solide, plus étendue que profonde ; on y fait plus de phrases que de progrès réels. Je ne conçois pas qu'il soit nécessaire à l'agriculteur d'étudier à fond la grammaire, de sonder les arcanes de la chimie, et de se familiariser avec les problèmes de la trigonométrie.

M'adressera-t-on, cette fois encore, le reproche niais d'être l'ennemi du progrès agricole, un détracteur des belles moissons, un admirateur des jachères de l'agriculture tartare, en un mot un rétrograde et un obscurantin ? Peut-être ; mais je doute que cette argumentation me convertisse et je doute qu'elle touche la chambre.

(page 198) Messieurs, le progrès agricole consiste à obtenir les meilleures récoltes possible avec le moins de peine et d'argent possible ; nul plus que moi n'est partisan de ce progrès ; je me trompe : les agriculteurs en sont les plus grands admirateurs.

Leur principale raison d'aimer le progrès, c'est qu'ils en recueillent tous les bénéfices. Nos cultivateurs, croyez-le bien, ne suent pas pour le plaisir de suer, et chaque fois qu'ils pourront épargner leur argent, leur peine et leurs outils, ils ne s'en feront pas faute, ils n'ont pas besoin de professeurs pour cela.

Messieurs, leur intérêt nous répond d'eux en ce point. Aussi y a t-il peu de choses utiles à leur apprendre. Un professeur aura beau leur dire : Cette terre est trop argileuse, trop forte, il faut y ajouter 10 ou 20 p. c. de sable ; cette autre terre est trop légère, trop sablonneuse ; il faut y mêler de l'argile, le professeur pourra encore leur dire : « Asséchez ce pré : mettez des tuyaux en terre ou pratiquez le drainage à ciel ouvert au moyen de rigoles d'écoulement. » Les cultivateurs n'ignorent rien de tout cela ; mais ils diront au professeur : « Procurez-nous les moyens de pratiquer vos belles leçons. »

Quand le professeur leur dira :« Il faut mettre dans vos étables de belles vaches hollandaises ; il faut acheter du guano, des engrais artificiels. » Le cultivateur répondra : « Nous savons bien tout cela, mais procurez-nous le moyen de profiter des conseils que vous nous donnez ; nous ne demandons pas mieux que de les suivre ; mais quand nous les aurons pratiqués, quand nos terres, nos étables, nos prés, nos bois seront en plein rapport, quand nos caves seront remplies de beurre et de fromage, donnez-nous surtout le moyen de vendre ; donnez-nous des routes où nous puissions nous engager, sans éreinter nos chevaux, sans briser nos voitures ; mettez nous, autant que possible, en relation avec les chemins de fer, avec les grands centres de populations où nous aurons encore à lutter contre la concurrence étrangère. »

Messieurs, ce qui manque avant tout à nos agriculteurs, c'est une bonne voirie vicinale, et nous aurons occasion de revenir sur ce point au sujet du chapitre qui y est relatif. Dans l'état défectueux de notre voirie vicinale, les frais de transport figurent souvent pour 10, 15 et même 20 p. c. dans le prix de la marchandise.

Messieurs, j'insiste sur cette idée, parce qu'elle me semble vraie ; la masse de nos cultivateurs n'est pas aussi ignorante qu'on le dit ou qu'on semble le croire : ils se trouvent vis-à-vis de MM. les professeurs à peu près dans la situation où sont les malades pauvres vis-à-vis des médecins.

Les médecins leur disent :

« Soignez-vous bien, nourrissez vous solidement, habillez-vous chaudement et prenez de la viande, un doigt de vin de temps à autre. »

« A merveille, répondent les pauvres gens, mais où trouver tout cela ? Fournissez-nous d'abord de la soupe et des pommes de terre. »

De même nos cultivateurs apprécient les excellents conseils de la science, les avantages des puissantes fumures, des profonds labours, du drainage, des irrigations ; mais le moyen de suivre ces bons conseils sous la pression des impôts, de la mendicité et dans l'état déplorable où nous voyons des centaines de chemins vicinaux ?

Messieurs, voulons-nous servir efficacement les intérêts ruraux, voulons nous acquérir une popularité solide, légitime, montrons-nous économes afin de pouvoir diminuer les impôts qui pèsent sur nos populations ; améliorons, autant que nous le permettent nos ressources, la voirie vicinale ; essayons de supprimer le vagabondage, de restreindre la mendicité, toujours dans la mesure du possible, et nous aurons assuré alors à nos cultivateurs une protection efficace.

Si nous nous rendions bien compte de la difficulté de la perception des impôts dans les campagnes, en ce qui concerne les familles pauvres et même celles qui sont peu moyennées ; si nous ne perdions pas de vue la sueur et les larmes qui s'attachent à chaque pièce de cinq francs absorbée par le fisc rural, nous y regarderions de plus près, dans toutes les circonstances, avant de disposer des deniers des contribuables, nous ne voterions pas à chaque instant des sommes très fortes, des dépenses de fantaisie ou de simple utilité qui ne sont pas indispensables ; nous nous restreindrions au strict nécessaire ; les percepteurs de contributions savent ce qu'il en est, et ils s'étonnent les premiers de notre libéralité parfois aventureuse.

Je sais que cette thèse n’est pas destinée à un grand succès aujourd'hui ; qu'après avoir été si chaudemenl plaidée en 1848, elle est presque tombée en désuétude ; mais je suis décidé à y revenir chaque fois que l'occasion m'en sera offerte.

Je me résume donc, et je dis qu'on établit trop d'écoles à la fois ; qu'on a eu grand tort d'en placer dans les villes, et en troisième lieu, qu'on y enseigne beaucoup trop de choses.

Est-ce à dire que je repousse l'enseignement agricole ? Mais non ; Dieu m’en garde ; bien que nos cultivateurs ne soient pas aussi ignares qu'on ke proclame, je dis qu'ils ont diverses choses à apprendre encore. Je ne m'oppose pas à ce que l'on crée une ou deux écoles pour les hommes de bonne volonté, pour les fils de fermiers qui ont quelque argent, afin qu'ils puissent aller s'initier aux découvertes nouvelles et suivre des démonstrations pratiques.

J'eusse donc trouvé rationnel (peut-être utile même, ceci dépend des règlements et du personnel que l'on aurait choisi), j'eusse trouvé rationnel que l'on eût établi deux écoles d'agriculture pratique, une dans les provinces flamandes, une autre dans les provinces wallonnes. J'eusse même approuvé encore une école horticole dans le genre de celle qui se trouve dans les environs de Gand, et une école d'arboriculture. Ainsi que l'a dit hier l'honorable M. Delehaye, l'arboriculture est de toutes les sciences qui se rattachent à l'exploitation de la terre la plus arriérée chez nous. C'est celle-là que nous devons développer dans la mesure de nos forces, dans la mesure de l'influence légitime que le gouvernement peut exercer. Il y a de très grandes richesses à récolter par l'arboriculture, et j'ajouterai que la salubrité publique y est intéressée.

Le fruit est non seulement agréable à l'homme, mais il lui est même indispensable, disent les médecins. Eh bien, il est déplorable qu'on n'ait à offrir à nos populations des classes inférieures, que de détestables fruits qui, pour être cultivés, coûtent autant que les bons fruits. Propager les bons arbres, cela n'est pas difficile, et c'est de ce côté-là que j'appelle l'attention des amis pratiques de nos populations rurales.

Un grand propriétaire qui a de bons arbres fruitiers peut rendre aux populations qui l'entourent les plus grands services, en les autorisant, en les invitant même à venir se pourvoir chez lui de greffes, qui ne lui coûtent rien, et en mettant son jardinier au service des cultivateurs de bonne volonté pour leur enseigner la plantation, la greffe, la récolte des fruits.

Voilà ce qui serait pratique, éminemment utile et ce qui ne coûtrait pas un liard au gouvernement. J'ajoute avec bonheur que cet excellent exemple a déjà été donné.

Le campagnard est méfiant et rallieur de son naturel, et il pardonne moins au gouvernement qu'à tout autre de poser des actes qui ne sont pas sérieux. Or, la vérité est que beaucoup de nos écoles d'agriculture ne sont pas sérieuses, et je dis que c'est un mal, que l'on puisse reprocher le gouvernement d'être maladroit et aventureux.

Ces diverses considérations m'engagent à insister de nouveau sur une large modification à introduire dans notre enseignement agricole, sur une organisation légale ; et c'est dans ce but qu'à la prière de plusieurs honorables membres de cette assemblée j'ai rédigé la proposition suivante :

« J'ai l'honneur de proposer de réduire de 10 mille francs l'allocation pour les écoles d'agriculture, en indiquant par ce vote l'intention de donner, dans le cours de la présente session, une organisation légale à l'enseignement agricole. »

J'ai fini, quant aux écoles, si l'on ne me force pas à y revenir. Permettez-moi maintenant de dire quelques mots des expositions.

Les expositions introduites en Belgique depuis quelques années peuvent assurément offrir des avantages. Elles répandent l'instruction et l'émulation, elles familiarisent les cultivateurs avec les procédés nouveaux, elles les rapprochent, en un mot elles méritent que le gouvernement les favorise, je suis très loin de nier cela ; mais ceci n'est vrai qu'en principe, car en fait il en est tout autrement.

Les expositions que nous avons eues, ou du moins presque toutes, n'ont pas répondu à l'attente générale ; elles sont discréditées.

Ce n'est pas que nos populations rurales soient contraires en principe aux expositions, mais les règlements ont été si mal faits, les récompenses distribuées avec tant de profusion et d'étourderie que les expositions sont devenues dans toutes nos provinces un juste sujet de raillerie. Je le regrette beaucoup.

A certains égards, je puis en dire autant des concours de charrues et autres.

Il y avait là une pensée assez heureuse qu'une mauvaise exécution a fait manquer. Si je devais citer des faits à l'appui de ce que j'avance, vous les trouveriez si étranges, si drôles, qu'ils vous paraîtraient incompatibles avec la dignité de nos débats. Cependant, ce n'est pas ma faute si les actes posés par le gouvernement et ses agents sont peu sérieux. (Interruption.) On me dit : Citez ! citez !

J'ai déjà cité des faits, en d'autres circonstances, et alors on m'a reproché d'avoir été trop loin, d'avoir été trop plaisant. Pourtant ce n'est pas moi qui suis plaisant, ce sont les faits, et dans tous les cas, dans les faits que je pourrais citer, il y a un côté très sérieux, c'est que l'argent des contribuables y a été consacré.

Il faut remanier nos expositions d'agriculture et surtout le système des récompenses ; il faut que nos expositions soient sérieuses et que les récompenses ne deviennent pas ridicules, quasi frauduleuses ; à ces conditions elles auront encore mon approbation.

M. le président. - Voici la proposition que vient de déposer M. Coomans :

Il propose de réduire de 10,000 fr. l'allocation pour les écoles d'agriculture, en indiquant par ce vote l'intention de donner, dans le cours de la présente session, une organisation légale à l'enseignement agricole.

Le gouvernement avait demandé entre autres une augmentation de 5,500 fr., la section centrale ne l'a pas admise. La réduction proposée par M. Coomaus s'applique-t-elle au chiffre du gouvernement ou à celui de la section centrale ?

M. Coomans. - C'est au chiffre de la section centrale.

M. Prévinaire. - Messieurs, la question que nous avons à examiner est assez sérieuse pour que nous la traitions sérieusement.

Quant à moi, je suis disposé à accepter le bien de quelque main qu'il vienne, et comme dans mon opinion on ne peut contester l'utilité du but que se proposait le gouvernement en créant un ensemble d'écoles spéciales pour le développement des connaissances agricoles et horticoles, je voudrais voir traiter cette question en dehors de toute préoccupation politique.

(page 199) M. de Theux, en proposant la loi sur les défrichements, a posé un acte d'une incontestable utilité, et jamais je ne me laisserai aveugler par l'esprit de parti au point de le méconnaître. J'engage mes honorables collègues à se placer sur le même terrain.

La question de l'enseignement agricole se rattache à la question de l'enseignement professionnel général. L'enseignement professionnel théorique a été organisé en partie par la loi du 21 mai 1850 ; je reviendrai sur cette question dans le cours de la discussion du budget ; pour le moment je ne veux m'attacher qu'à l'article du budget en discussion.

Les écoles d'agriculture dues à l’initiative du gouvernement ont été créées à titre d'essai : elles ont été organisées d'après les véritables principes en séparant l'enseignement théorique de l'enseignement pratique. En effet le premier doit se donner à l'école, fandis que le second ne peut se donner utilement que dans une exploitation agricole régtlière. En séparant l'enseignement théorique de l'enseignement pratique, le gouvernement a bien fait parce qu'il a maintenu une subdivision qui est dans la nature des choses.

Il a bien fait aussi en organisant l'enseignement pratique avec le concours de quelques agriculteurs, auxquels je rends ici un hommage public pour l'appui qu'ils ont prêté au gouvernement.

Je considère, messieurs, l'intervention du gouvernement comme un devoir en matière d'instruction. Des besoins nouveaux se font sentir aujourd'hui. L'enseignement littéraire ne suffit plus à nos populations, ou plutôt une autre sorte d'enseignement, l’enseignement professionnel doil être mis à la portée des classes de la société qui, par leur position et leurs destinées, ont un moindre intérêt à l'enseignement littéraire. Le gouvernement ne peut se croiser les bras en présence de semblables besoins sociaux, il faut que son initiative se fasse sentir, il faut qu'il intervienne.

Mais si je veux cette intervention, je la veux dans de justes limites, et je veux abandonner aux communes la part qui leur appartient légitimement dans une mission aussi noble.

Je suis bien loin de ceux qui réclament, comme les deux honorables préopinants, la suppression d'une partie de nos écoles d'agriculture, car je pense au contraire qu'il y a lieu d'en développer le nombre. Je n'ai point à m'expliquer aujourd'hui sur l'organisation ; il se peut qu'elle laisse à désirer, et je serais disposé à croire que les bases d'enseignement devront se modifier. C'est ce que l'expérience démontrera, c'est aussi ce qui résultera probablement d'une organisation plus complète ; ce sont là des questions dont la solution doit dépendre de circonstances locales.

L'enseignement agricole ne peut pas être un ; il se modifie suivant les localités.

Je dis donc que j'admets l'intervention de l'Etat, mais dans une certaine mesure.

Je pense que, dans certaines localités, il serait très utile de donner, dans les écoles d'enseignement primaire, quelques notions théoriques sur la culture des champs.

Le gouvernement peut pousser les communes dans cette voie sans trop de charges pour lui ou pour les communes. Voilà pour l’enseignement théorique le plus élémentaire ; à côté de l'enseignement théorique de l'école communale auquel succéderait l'enseignement donné dans d'autres écoles d'un ordre plus élevé, viendrait se placer l'enseignement pratique donné dans des exploitations agricoles dont le concours serait obtenu grâce à l'initiative du gouvernement ou de la commune.

L'enseignement agricole d'un degré plus élevé exigerait des études plus spéciales et l'école vétérinaire pourrait en grande partie y pourvoir. Le gouvernement pourrait aussi favoriser ces études au moyen de bourses que l'on accorderait à quelques sujets d'élite pour voyager à l'étranger, afin d'y recueillir les notions utiles.

Cette organisation que je ne fais qu'indiquer ne pourrait recevoir un développement complet sans l'intervention de l'Etat. Je ne suis pas disposé à appuyer ce qui existe comme mesure normale, mais comme mesure transitoire que le gouvernement a dû prendre pour ariiver à apprécier quel pouvait en être le résultat.

Une commission a été instituée par le département de l'intérieur pour examiner l'état actuel de l'enseignement professionnel en Belgique: elle s'est livrée très consciencieusement à l'examen de la question. Vous avez tous dû recevoir son rapport.

J'invite les honorables membres à lire ce rapport ; ils y trouveront de précieux détails sur ce qui existe en Belgique et à l'étranger en fait d'institutions d'enseignement professionnel, et j'aime à croire que le mode d'intervention de l'Etal proposé par cette commission, recevra l'approbation d'un grand nombre de membres de cette chambre.

La conséquence de cette manière de voir sera de me faire voter contre la réduction du chiffre proposée, parce que je ne crois pas que la période de transition soit terminée ; je ne crois pas que le gouvernement ait tous les éléments nécessaires pour faire réglementer cette institution, si une réglementation est possible.

Je crois que nous devons donner au gouvernement le moyen de continuer des essais qu'il serait très dangreux d'interrompre ; car nous devons être d’accord sur ce point qu'il y a un intérêt sérieux et réel à développer les connaaissances de nos agucullettrs Je ne dirai pas que ces connaissances soient complètement absentes. Mais il est incontestable, les faits sont là pour le prouver, que la généralisation des bonnes pratiques sera extrêmement utile.

Nous entendons protéger l'agriculture autrement que par le régime douanier sur les céréales. Nous voulons une protection plus efficace et qui concilie à la fois l'intérêt du producteur et celui du consommateur ; nous voulons favoriser le développement de la production par des améliorations dans la culture, et améliorer les conditions économiques de la production. C'est ainsi que le subside pour l'amélioration de la voirie vicinale a trouvé sur nos bancs un appui sincère et empressé. Ce subside de 500,000 fr. accordé à la voirie vicinale est assurément un grand bienfait pour l'agriculture ; et c'est le ministère qui représente notre opinion qui l'a proposé.

Nous en eussions fait la proposition, eussions-nous été dans l'opposition, parce que cette allocation est la conséquence de tout un système. On fait assez bon marché de certaines améliorations très sérieuses que l'agriculture doit à l'ancien cabinet ; messieurs, cela n'est ni juste ni loyal.

On oublie volontiers une mesure qui sera un titre de gloire pour le ministère qui vient de quitter les affaires. De même que la loi sur les défrichements restera pour M. le comte de Theux un titre incontestable à la reconnaissinee du pays, de même l'introduction ou pour mieux dire, le développement du drainage sera un titre de gloire pour l'administration dont a fait partie l'honorable M. Rogier. C'est un bienfait immense, notamment pour les Flandres qui demandent à êlre débarrassées de leurs eaux. J'en ai vu les résultats ; ils sont merveilleux.

En fait d'agriculture, il esl bon de sortir quelquefois de chez soi. Si tous les membres de la chambre visitaient toutes les parties du pays, ils apprécieraient les progrès de l'agriculture ; ils apprécieraient l'importance de la propagation du drainage.

Il y a longtemps dit-on, qu'on l'a pratiqué. Je le sais, mais pas par les voies actuelles. Il y a eu autrefois des essais qui ont été infructueux, parce que les moyens appliqués n'étaient pas convenables.

On a critiqué aussi l'école de Haine-Saint-Pierre. Quel est le but de cette école ? On n'y perfectionne pas des instruments d'agriculture ; mais on y apprend à fabriquer des instruments perfectionnés. Pourquoi ? Parce qu'une des choses les plus essentielles, c'est de répandre dans le pays des ouvriers capables de réparer ces instruments perfectionnés ; c'est à l'absence d'ouvriers capables d'opérer ces réparations qu'il faut attribuer la lenteur avec laquelle l'emploi ces instruments se propage.

Ainsi, pourquoi le semoir est-il si peu répandu, quoiqu'il soit constaté que, ne fût-ce que par l'économie dans la quantité des semailles, il présente un avantage considérable ? Parce que pour le maintenir en bon état, il faut un artiste, un ouvrier très habile. C'est donc un service immense qu'on rend à l'agriculture, en mettant à sa disposition des hommes capables de réparer ces instruments.

Les expositions ! Je ne comprends pas, en vérité, comment un ami de l'agriculture puisse contester l'immense avantage qu'il y a à réunir fréquemment les hommes qui ont intérêt à se communiquer les résultats de leur expérience.

Je me rappelle avoir rencontré, revenant de l'exposition de Bruges, un des grands agriculteurs du Brabant, il me dit : « Combien je me félicite d'être allé à cette exposition ! Combien j'y ai reçu de notions nouvelles ! et je crois qu'à mon tour je me suis trouvé dans le cas d'en communiquer ! »

Ces expositions sont, pour chacun, l'occasion d'échanger ses observations. Ai-je besoin de parler de l'heureuse influence qu'elles exercent en excitant chez l'agriculteur une vive émulation et un sentiment moins hostile aux innovations !

Les concours de charrue ! C'est le plus grand stimulant que vous puissiez offrir, non pas aux agriculteurs, mais aux ouvriers agricoles.

Au reste ces expositions, ces concours de charrues, le ministre les provoque, mais ce sont les comices agricoles qui les organisent ; c'est donc à eux que doivent être renvoyées vos critiques.

Messieurs, ainsi que je l'ai dit, je rejette toute réduction au crédit primitivement pétitionné par le gouvernement.

Le chapitre du budget qui a trait à l'enseignemenl et aux subsides accordés a quelques écoles industrielles me fournira l'occasion de revenir sur la question de l'enseignement professionnel.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je demande la parole pour vous exposer avec simplicité et bonne foi l'état de la question, dans l’espérance surtout de ramener la discussion à des proportions beaucoup plus restreintes et d'obtenir une prompte décision de la chambre.

Messieurs, les écoles d'agriculture se ressentent un peu des impressions qui se sont produites à la séance d'hier, à l'occasion des haras. Elles sont, à leur tour, l'objet de critiques très vives, de critiques qui ont un caractère absolu, et qui ne tendraient à nen moins qu'à anéantir dès aujourd'hui l'institution elle-même.

Ces critiques sont générales pour les uns, pour les autres elles sont réduites à des questions de fails qui n'ont d'autre but que d'appeler les améliorations et la présentation d'un système complet réglé par la loi.

Messieurs, la critique générale et absolue est rarement jute, et je pense que quand vous aurez entendu les observations que le gouvernement va avoir l'honneur de vous soumettre, vous serez d'avis que si ces écoles d'essai, je n'ose pas les appeler des écoles d'agriculture de l'Etat, ne répondent pas encore complètement à votre attente, nous sommes cependant sur la voie d'un bon système d'enseignement agricole (page 200) pratique, que, qui pourra d'ici à la session prochaine, je l'espère, se convertir en proposition de loi.

Messieurs, ne vous trompez pas et que le public ne se trompe pas au-dehors sur le caractère de nos écoles d'agriculture. Ce ne sont pas, comme on pourrait le croire en écoutant une partie de la discussion, des écoles du gouvernement. Le gouvernement n'a pas d'écoles d'agriculture. Les institutions de cette nature, dont je reconnais l'utilité quand elles sont bien organisées, n'existent pas ; et pour les faire naître, il faudrait s'imposer des sacrifices bien autrement considérables que ceux qui sont affectés aujourd'hui aux encouragements de l'enseignement agricole. Ce n'est qu'à titre de subsides que nous intervenons aujourd'hui dans les écoles qui existent et qui sont dues à l'initiative des communes ou des particuliers.

Ces écoles existent en Belgique au nombre de douze. Elles ont toutes un caractère plus ou moins pratique. Il n'est pas de ces écoles dans lesquelles on se borne à enseigner la théorie et où l'enseignement pratique serait exclu. Il y a des écoles où l'enseignement pratique domine, il en est d'autres où il existe un degré moindre.

Parmi les plus considérables et les premières, je puis en citer une, l'école pratique de Rollé, où la culture embrasse une étendue de 170 hectares. Cette école est en même temps une école de défrichement. Il y a l'école de la Trapperie qui possède une surface de 130 hectares. Il y a l'école d'Ostin qui a une surface de 200 hectares. Ce sont de véritables fermes modèles.

Il y a d'autres écoles qui ont certainement à côté d'elles, non pas un champ de manœuvre, dans le sens littéral du mot, comme le disait tantôt plaisamment un honorable membre ; mais un champ de travail où l'ouvrier s'exerce à la pratique. C'est dans ce sens qu'il faut entendre le mot.

Nous avons ensuite l'école d'horticulture de Vilvorde, l'école de Gand, qui sont des écoles pratiques sur une grande échelle et qui produisent d'excellents ouvriers.

Je sais qu'il y a des écoles comme celles de Tirlemont, qui n'ont pas un caractère pratique aussi développé. Ne croyez cependant pas que là encore l'enseignement pratique soit entièrement négligé.

Il y a quelques terres qui en dépendent.

Les élèves qui fréquentent cette école sont au nombre de dix-huit ou vingt. Indépendamment de cela, on a permis, à l'école de Tirlemont, à quelques enfants appartenant à l'hospice des orphelins, de venir y faire leur apprentissage.

Voilà ce que sont nos écoles. Vous voyez que les unes sont établies sur une assez grande échelle au point de vue pratique ; les autres, dans une limite beaucoup plus restreinte, chacune d'elles répond à la nature des encouragements que le gouvernement a eu en vue de donner à l'agriculture en intervenant par des subsides dans les frais qu'elles occasionnent à leurs fondateurs.

Est-ce à dire que ces écoles répondent en toute chose au but définitif que le gouvernement s'est proposé ? Nous savons très bien qu'il y a des améliorations à y introduire. Mais le caractère de ces écoles est purement provisoire.

Nous procédons par voie d'essai, et jamais le gouvernement n'a dissimulé à la législature qu'un système d'ensemble lui serait présenté, et qu'on pourrait convertir bientôt en disposition législative les tentatives d'organisation dont il s'est occupé.

Mais, messieurs, à toute chose il faut du temps. Qu'auriez-vous dit, par exemple, si le gouvernement vous avait soumis, dès l'origine, des propositions qui n'auraient pas subi l'épreuve de l'expérience ; qui, dans une matière aussi spéciale, auraient été mal étudiées et n'auraient par conséquent pas répondu à l'attente des hommes pratiques ? Vous auriez voulu alors que le gouvernement procédât comme il l'a fait, c'est-à-dire qu'il essayât le meilleur système à vous proposer.

Lorsque des observations de la nature de celles qui se sont produites dans cette chambre ont été émises dans la section centrale, quel a été le langage du gouvernement ? J'ai répondu et je m'empresse de dire de nouveau que le gouvernement comprend parfaitement les vœux de la législature, le devoir qui lui est imposé de lui soumettre un jour des mesures définitives qui organisent l'enseignement agricole ; mais qu'il ne peut le faire que lorsque les mesures provisoires auront répondu d'une manière satisfaisante à l'attente de l'administration. Eh bien, ce temps n'est pas encore arrivé ; je le dis franchement, ce n'est pas dans le cours de cette session qu'une loi pourra être présentée à la chambre.

- Ds membre. - Pourquoi ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Parce que les essais ne sont pas complets ; parce qu'il est impossible au gouvernement de présenter des propositions formelles ; et que pour arriver devant vous avec des mesures qui puissent obtenir votre assentiment, il faut lui permettre d'étudier les systèmes en présence.

On a dit encore que ces écoles sont trop nombreuses, qu'au lieu de douze, deux ou trois auraient suffi pour faire des essais.

Mais si le gouvernement s'était borné à faire des essais dans deux ou trois localités, qu'auriez vous dit ? Vous auriez dit que, dans notre pays, il y a quantité de cultures variées, que chaque province a ses nécessites, ses besoins résultant de la nature du terrain et du climat, qu'il fallait faire partout des expériences, que les expériences faites dans deux ou trois localités ne pouvaient présenter des éléments suffisants pour établir un système d'enseignement agricole.

Voilà ce que vous auriez répondu, et vous seriez non seulement dans le droit, mais dans la raison, en tenant ce langage. Eh bien ! le gouvernement a tenu compte par anticipation de ces nécessités. Il a encouragé l’établissement d'écoles d'agriculture dans le Luxembourg, dans la province de Namur, dans toutes les provinces et surtout dans les localités où il était le plus urgent d'apporter des améliorations à la culture.

Ces observations m'amènent à rencontrer une objection très grave faite tantôt, ou du moins qui serait grave si elle était fondée.

On a dit que les élèves étaient formés à un enseignement qui n'est pas proportionné à leur intelligence, surtout à leurs besoins ; que les élèves ne comprenaient pas leurs professeurs, qu'il fallait aux élèves un enseignement presque entièrement pratique

Messieurs, nous savons trop en Belgique, par l'état de langueur où certaines parties de notre agriculture ont été tenues jusqu'à présent ; nous savons trop ce qu'il en coûte quand on ne se tient pas au courant des bonnes méthodes, quand on n'a pas une instruction suffisamment appropriée à nos besoins.

Nous savons aujourd'hui par quels moyens la culture en Angleterre est parvenue à ce degré de prospérité qui lui est envié par d'autres pays.

Elle doit cette prospérité à l'instruction qui distingue ses agriculteurs, aux encouragemenls que ceux-ci y reçoivent.

Nous savons aussi ce qu'il en coûte quand on hésite longtemps à se jeter à son tour dans la voie d'un progrès mesuré. Et nous sommes enfin arrivés à un système d'encouragement par l'Etat, les provinces, les villes, système d'efforts combinés qui produit de bons résullats.

Quant aux encouragements privés, ceux-là sont difficiles à obtenir ; car on ne rencontre pas ici, comme en Angleterre, de grandes fortunes prêtes à venir au secours des intérêts publics.

Il faut donc tenir compte de toutes les nécessités auxquelles le gouvernement a dû obéir, et je pense que quand vous voudrez bien examiner dans quel état se trouvait l'agriculture lorsqu'on a admis pour la première fois qu'il y avait des encouragements à lui donner, quand vous comparerez cet état à a qui existe aujourd'hui, vous arriverez à vous dire avec le gouvernement que si tout n'est pas encore pour le mieux, on a au moins préparé les voies aux améliorations, et que le gouvernement, sans chercher, comme on l'a dit, à répandre l'enseignement scientifique jusque dans les chaumières, a du moins cherché à apporter un peu de lumière dans cette branche si importante de la prospérité publique, où la lumière, je le dis avec regret, n'avait pas jusqu'à présent pénétré à un degré suffisant.

Voilà, messieurs, ce que vous vous direz quand vous voudrez vous rendre un comble exact et impartial de la situation agricole du pays.

Pour me résumer, je dirai à la chambre que les écoles d'agriculture ne sont pas des écoles du gouvernement proprement dites ; ce sont des écoles soutenues à l'aide de subsides. Ces écoles ont toutes un caractère pratique plus ou moins développé, mais dans aucune on ne se borne à un enseignement purement scientifique.

Messieurs ces écoles ont été l'objet de critiques d'une autre nature, et il faut bien que j'en dise un mot quoique cela me soit pénible, parce que je suis convaincu que les observations présentées ne sont pas le résultat d'une appréciation exacte des faits. On a dit que nos écoles d'agriculture étaient déconsidérées : on a dit que c'étaient presque des écoles d'immoralité ; pour quelques-unes, au moins, ce langage a été tenu. Messieurs, permettez-moi de dire, à mon tour, quelques mots de cette prétendue déconsidération qu'on a jetée en avant sans donner aucune espèce de preuve.

A une observation d'un caractère si général, et par là même insaisissable je répondrai, moi, par des faits. Messieurs, vous connaissez les comices agrico'es, vous connaissez les commissions d'agriculture, eh bien ! quand vous rentrerez dans vos provinces, faites ce que j'ai fait plus d'une fois, mettez-vous en rapport avec les membres des commissions d'agriculture descendez jusqu'à ces comices agricoles, qui renferment tant d'hommes utiles, et demandez-leur si le gouvernement n'a pas fait une chose profitable aux campagnes, en instituant les écoles d'agriculture ; et vous apprendrez aussi ce que j'ai appris d'un grand nombre d'hommes honorables, de propriétaires qui habitent la campagne et qui cultivent ou qui font cultiver, que le gouvernement a satisfait à un besoin vivement senti et que ces écoles qu'il encourage commencent à répandre de bonnes notions dans nos contrées agricoles.

On vous dira que nous arriverons insensiblement à l'aide de tous ces moyens réunis, et avec le concours des commissions d'agriculture, des comices, à donner à l'agriculture, non pas des savants, dont elle n'a peut-être que faire ; mais, au moins, des connaissances solides et modestes, qui lui permettront de lutter avec l'agriculture des pays plus favorisés.

Quant à la prétendue immoralité qui régnerait dans certaines de nos écoles ; c'est une assertion tellement hasardée, et tellement dépourvue de la moinde vraisemblance ; elle est d'ailleurs si destituée de preuves, que je puis me dispenser d'y répondre.

Quand on citera des faits, je pourrai les vérifier.

Un mot aussi, messieurs, sur les concours et les expositions agricoles, sur lesquels il m'a paru qu'on cherchait à jeter une sorte de ridicule ; on les a traités avec une légèreté que je ne m'attendais pas à rencontrer dans cette assemblée, où l'on encourage volontiers les choses qui (page 201) intéressent la prospérité publique. Or, les expositions et les concours ont ce caractère pour les esprits sérieux, non seulement des campagnes mais aussi des grandes villes ; car, heureusement, en Belgique, les habitants des villes comprennent les intérêts des campagnes, et les sympathies dont celles-ci ont été l'objet dernièrement encore dans une grande ville, l'ont assez prouvé.

Eh bien, messieurs, qu'est-ce que l'on apprend quand on parle aux hommes compétents, des concours et des expositions agricoles ? On apprend que rien n'est plus propre à favoriser l'agriculture, que ces grandes réunions où les campagnards se trouvent à côté des citadins et où les produits du travail agricole sont étalés aux yeux de tous, où tout le monde admire les richesses de la Belgique et où les travailleurs viennent recevoir des récompenses qui sont un stimulant pour l'avenir.

Cela n'a donc pas un caractère léger. Ce n'est pas là un vain spectacle. Cela se passe au sein de nos villes, parce que là il y a un plus grand nombre d'hommes réunis, mais ce n'en est pas moins, pour le campagnard, un puissant motif de s'instruire et un moyen de lui faire comprendre tout l'intérêt qu'il inspire aux populations urbaines.

Tout cela est donc utile, et j'espère que la chambre, par l'assentiment qu'elle donnera à la proposition du gouvernement, prouvera que ses efforts sont compris et qu'il y a lieu pour lui d'y persévérer.

Messieurs, je ne puis donc pas me rallier à la proposition qui vient d'être faite et que j'ai entendu présenter avec beaucoup de regret, la proposition de réduire de 10,000 francs le chiffre demandé par le gouvernement.

Cette proposition ne me paraît admissible à aucun degré, parce que son adoption condamnerait le système d'encouragement qui a été jusqu'à présent essayé avec succès et qui, je l'espère, amènera des résultats satisfaisants pour le pays.

En adoptant cette proposition, messieurs, vous détruiriez par anticipation, et sans rien mettre à la place, des établissements que vous n'avez d'autre but que de soumettre à une révision ; je pense au moins que telle est l'opinion de la grande majorité de la chambre. Eh bien, cela sera fait ; le gouvernement s'en occupe. Mais en réduisant de 10,000 francs le crédit demandé, vous condamneriez l'oeuvre, et vous obligeriez le gouvernement à fermer dès à présent quelques établissements qu'il soutient à peine avec les subsides votés par les chambres.

Je dis plus, si je n'obtenais pas de la chambre la faculté de réunir en un seul paragraphe les differents articles qui ont été l'objet d'une discussion de la part de la section centrale, j'espère lui démontrer à elle-même, tantôt, que je serais encore très probablement dans la nécessité de sacrifier une ou deux écoles, peut-être même une école où l'on construit les instruments aratoires perfectionnés. C'est cependant là une institution que le gouvernement a bien fait decréter, car nous ne possédons pas en Belgique trop d'instruments aratoires perfectionnés pour que le gouvernement doive s'abstenir d'y apporter le tribut de l'expérience acquise dans des pays plus avancés.

Il n'est donc pas possible de rien retrancher au chiffre qui est demandé par le gouvernement, par ce que, encore une fois,vous détruiriez ainsi par anticipation un système qui n'est pas condamné par les hommes compétents, qui est l'objet de quelques critiques, il est vrai, mais qui, en continuant les essais, viendra bientôt se produire devant vous, pour vous indiquer et obtenir de vous tous les perfectionnements dont il est susceptible. Voilà ce que j'avais à dire sur l'amendement.

Je dois ajouter un mot pour appeler l'attention de la chambre sur le caractère de cet amendement. Il me semble que l'amendement n'a pas simplement pour objet de faire réduire de quelques milliers de francs le chiffre du gouvernement, mais qu'il est accompagné d'un appel positif à la présentation d'un projet de loi à faire par le gouvernement, de telle façon que le vote de la chambre sera en quelque sorte subordonné à l'exercice de la prérogative royale, au sujet de la présentation d'une loi.

Messieurs, malgré le peu d'expérience que j'ai des usages parlementaires, il me semble que c'est là aller un peu loin et que la prérogative royale pourrait jusqu'à un certain point, se trouver engagée, si vous attachiez en quelque sorte au vote du chiffre, ainsi réduit, la condition qu'un projet de loi serait présenté par le gouvernement. Je devais, messieurs, vous soumettre cette observation en acquit de mon devoir.

M. Mascart. - Messieurs, si plusieurs de nos écoles d'agriculture ne produisent que des résultats très contestables malgré les dépenses élevées auxquelles elles donnent lieu, c'est que, dans l'opinion de ceux qui devraient en profiter, leur organisation ne répond pas suffisamment à tous les besoins.

Je veux croire que l'enseignement théorique y est donné d'une manière satisfaisante, mais aussi longtemps qu'à ces établissements ne seront pas annexées des exploitations rurales assez étendues pour l'application des théories, dans les conditions ordinaires de culture, et c'est là une condition essentielle, les véritables cultivateurs n'y placeront pas leurs enfants. Ils craindront que, rentrés sous le toit paternel, ils ne fassent des expériences ruineuses. Cette crainte est générale dans l'arrondissement que je connais le mieux, celui de Nivelles, pays de grande culture et partant de grande production agricole.

On n'a pas agi avec toute la prudence désirable en encourageant par des subsides la création de nos douze écoles d'agriculture. Ce nombre me paraît trop considérable et de beaucoup. Mieux valait n'en créer que trois ou quatre au plus, selon la nature du sol de nos provinces et le système de culture indiqué par l'expérience des siècles.

En leur donnant des professeurs capables et un terrain d'une étendue suffisante pour les démonstrations, vous auriez pu créer des établissements utiles sans entraîner l'Etat dans des dépenses exagérées.

En continuant à subsidlier indistinctement toutes les écoles, celles qui ont des chances de prospérité et celles qui n'en ont pas, l'enseignement de l'agriculture peut être compromis pour longtemps.

Et comme si l'enseignement purement théorique donné dans quelques établissements ne suffisait pas, on vient nous demander 5,000 fr. pour étendre cet enseignement. Mais que voulez-vous que fassent des instituteurs dans leurs rares conférences au chef-lieu du canton, la plupart du temps livrés à eux-mêmes, sans connaissances théoriques ou pratiques ?

Mais j'admets un instant qu'ils y acquièrent des connaissances en agriculture, comment s'y prendront-ils pour les inculquer à des bambins qui n'ont pas 14 ans, qui ne prendront jamais au sérieux un pareil enseignement ?

Avant de persévérer dans le système suivi jusqu'ici, j'engage l'honorable ministre de l'intérieur à soumettre le plus tôt possible à la législature un projet de loi réglant l'enseignement agricole. En attendant je voterai contre l'augmentation de 15,000 fr. demandée par le gouvernement.

M. Visart. - evancé dans l'expression des idées, des répliques que m'avaient suggérées les discours des deux honorables collègues qui ont entamé cette discussion, je n'occuperai point longtemps l'attention que je réclame de la chambre.

Je suis convaincu que les écoles, objet des critiques que nous venons d'entendre, ont rendu déjà des services à l'agriculture, et qu'elles sont destinées, perfectionnées elles-mêmes, à les continuer, à les augmenter. Quelques fautes ont été commises ; c'est le tribut payé aux épreuves, à la nouveauté, comme il en est de toutes les institutions stimulées par et pour le progrès.

On a dit, messieurs, que les perfectionnements dans l'application des procédés agricoles n'étaient plus possibles en Belgique ; c'est là, à mon avis, une grande erreur ; le progrès accompagne nécessairement le travail intelligent, car il n'est guère donné à l'homme d'atteindre, en quoi que ce soit, l'apogée du bien.

Les nouveautés utiles que l'on s'efforce d'introduire nous viennent, pour la plupart, d'un pays plus avancé, s'il est possible, que le nôtre en agriculture, uous viennent de l'Angleterre, comme le drainage, devenu si excellent, en même temps que peu coûteux, par l'invention des machines à faire les tuyaux, et par l'introduction ds plusieurs instruments aratoires que l'on s'efforce de perfectionner, en même temps que ceux qui sont dus au génie de nos constructeurs, et l'ayant constaté, je dois le dire, ces épreuves, protégées par le gouvernement, ont déjà porté des fruits ; j'ai vu une partie de ces instruments fonctionner avec beaucoup d'utilité ; l'établissement principal qui les confectionne est à même de les délivrer à un prix inférieur à celui auquel on les obtiendrait de l'étranger.

S'ils ne sont pas encore au degré de perfection et de modération de prix que plusieurs doivent atteindre, c'est que l'établissement de Haine-St-Pierre en est aussi à son début ; mais il est hors de doute qu'il ne tardera pas à surmonter les difficultés et à combler les lacunes signalées.

On a dit que beaucoup d'écoles étaient établies dans de grandes villes que l'on a dépeintes comme des foyers de dissipation et de corruption ; vous aurez remarqué, j'en suis certain, messieurs, comme moi, que c'est là une erreur ; les ecoles urbaines ont leur siège dans de petites localités que l'on peut qualifier de villes agricoles ; et, pour ne vous citer que ce que je connais intimement, je nommerai la ville de Leuze, qui est dans mon voisinage ; il y a là une école agricole adjointe à une école industrielle : un quart au moins de la population se livre avec facilité à l'agriculture dans cette ville ouverte, possédant de grands jardins et des champs qui semblent n'en être que l'extension ; cette école de Leuze est, pour l'application des procèdes nouveaux, agréée, assistée par des cultivateurs intelligents ; elle a rencontré et stimulé assez de zèle pour lui assurer un succès progressif.

J'ai fait partie de la commission de surveillance de cet établissement, j'ai donc eu des relations qui m'ont mis à même de certifier que sous le rapport des études scientifiques et de leur application pratique, il a produit et promet beaucoup de bien à mon arrondissement.

Malgré ses sévères appréciations, l'honorable M. Coomans admet cependant que les écoles agricoles ont fait quelque bien ; il ne veut pas les anéantir ; il désire qu'elles soient modifiées, perfectionnées ; c'est, en quelque sorte, ce que nous a annoncé aussi M. le ministre de l'intérieur ; ces choses sont toujours à désirer, alors que l'on en est encore à la série des épreuves, et je lésai entendues avec satisfaction.

J'ai regretté seulement la forme dubitative que l'honorable ministre a donnée a sa déclaration, en se servant de l'expression « peut-être » ; des perfectionnements et quelques économies sont, selon moi, nécessaires, et j'en ai dit les raisons ; et plus tôt elles se feront, plus on profitera du bien que ces améliorations doivent produire.

Je ne déverse point pour cela de blâme sur personne, sur aucun établissement ; les imperfections sont inhérentes aux choses nouvelles.

En résumé, messieurs, j'espère vor accomplir, le plus tôt possible, la promesse de révision que nous a faite M. le ministre de l'intérieur ; et je déclare, qu'entre temps, je ne puis me rallier à la proposition de réduction faite par M. Coomans.

M. Rogier. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur a abrégé (page 202) beaucoup la tâche qui m'est de nouveau imposée. J'ai vu avec une grande satisfaction qu'il se proposait de persévérer dans la marche qui a été suivie jusqu'ici, marche qui a été l'objet, cette année comme les années précédentes, d'attaques si vives et si injustes de la part de quelques honorables membres qui siègent sur les bancs opposés.

L'enseignement agricole doit faire l'objet d'une loi, comme tout enseignement public donné aux frais de l'Etat ; cela n'a jamais été contesté par personne ; ou a seulement mis en discussion l'époque à laquelle la loi serait présentée.

Dans le dernier rapport que j'ai eu l'honneur de soumettre aux chambres sur l'enseignement agricole, j'ai fait connaître qu'un projet de loi serait présenté ; en attendant, je crois que les essais qui se font ne peuvent être que très utiles pour éclairer la chambre au moment où il y aura lieu d'arrêter des règles fixes et définitives pour l'enseignement agricole.

L'honorable M. de Man, suivant son habitude, ne trouve absolument rien de bon dans l'enseignement agricole, tout y est détestable. Le ministère précédent, pendant les cinq années qu'il a passées au pouvoir, n'a eu la main heureuse en quoi que ce soit, il a gâté tout ce qu'il a touché, tous ses actes ont été mauvais. Voilà le thème constant de l'honorable et impartial représentant de Louvain.

Ainsi, en ce qui concerne l'agriculture, qu'est-ce que le gouvernement a fait ? De mauvaises écoles ; puis il a distribué des médailles ; voilà tout. Je me trompe, l'honorable M. de Man a ajouté : Le gouvernement a écrasé l'agriculture d'impôts. Eh bien ! tous les faits protestent contre des pareilles attaques.

Si vous voulez que votre opposition, qui survit même au ministère, exerce quelque influence dans le pays, puisse obtenir quelque crédit, il faudrait au moins vous modérer davantage, il faudrait vous montrer un peu plus équitables, et moins absolus.

Je ne veux pas rappeler tout ce qui a été fait en faveur de l'agriculture.

L'enseignement agricole, à mon avis, est un des grands bienfaits assurés à l'agriculture.

Les expositions agricoles, la création de comices agricoles sont encore un autre bienfait ; ces dernières institutions ont été critiquées par l'honorable M. de Man et par son honorable collègue et ami M. Coomans.

Les expositions agricoles sont, dit-on, un vain spectacle offert aux populations, les distributions de médailles sont pratiquées à tort et à travers, sans intelligence ni justice, et comme toujours, c'est au gouvernement qu'on s'en prend.

Je ne conçois pas que l'honorable M. Coomans, qui se donne ici comme un représentant de la campagne, comme ayant beaucoup pratiqué les travaux des champs....

M. Coomans. - Je n'ai pas dit un mot de cela.

M. Rogier. - Que l'honorable M. Coomans qui n'a sans doute assisté à aucun de ces comices, vienne jeter la pierre précisément aux hommes des campagnes qui composent exclusivement les comices agricoles et le jury qui est chargé de décerner les médailles.

Le gouvernement n'entre pour rien dans ces opérations. Il accorde des subsides, mais les médailles sont distribuées sur l'avis des jurys ; et de quoi se composent ces jurys ? Je le répète, d'hommes de la campagne, de cultivateurs, de fermiers choisis parmi les plus éclairés, les plus considérés du canton.

Ainsi, dans votre désir insatiable d'attaquer l'ancien ministère, vous avez encore blâmé à tort son intervention dans la distribution des médailles.

Vous prétendez que ces comices agricoles sont un objet de pitié et de risée ; mais les comices comme les expositions agricoles jouissent d'une grande popularité dans le pays, et, malgré vos mauvaises plaisanteries, cette popularité s'accroîtra.

Ici, prenez-y garde, ce n'est pas le gouvernement que vous mettez en cause, c'est le pays agricole tout entier ; car ces créations nouvelles sont entrées profondément dans le goût des populations, elles entreront de plus en plus dans leurs habitudes, malgré vos sarcasmes.

On a beaucoup critiqué nos écoles agricoles ; on les a représentées comme déconsidérées, comme désertées, comme propageant je ne sais quelle espèce d'enseignement immoral. Eh bien, je ne puis m'emp-cher de dire que de pareils discours sont, jusqu'à un certain point, de mauvaises actions. Il n'est pas vrai que nos écoles agricoles soient déconsidérées, il n'est pas vrai qu'elles soient dépeuplées, il n'est pas vrai qu'elles soient des écoles d'immoralité. De pareilles attaques, je n'hésite pas à le dire, sont peu dignes de représentants de la nation ; elles sont entièrement contraires aux faits.

Loin que ces écoles se dépeuplent, d'année en année le nombre des élèves y augmente. Loin qu'elles soient déconsidérées, et que l'enseignement qu'on y donne ne soit pas profitable à ceux qui les fréquentent, les premiers résultats connus sont entièrement à l'avantage de ces écoles. On a cité quelques élèves, je ne sais à quelle école ils appartiennent, dont l'un se serait place comme valet dans une maison de ville.

Mais on a négligé, et cependant les faits ont été récemment publiés au Moniteur, on a négligé d'ajouter que d'autres élèves avaient obtenu un placement très avantageux.

Déjà beaucoup de jeunes gens sortis de nos écoles sont très recherchés par les propriétaires du pays et de l'étranger. Voilà ce qu'il faudrait dire, au lieu de s'attacher exclusivement à ne présenter au pays que de mauvais résultats, purement imaginaires du reste. Présentez les faits avec quelque impartialité, et vous serez crus et écoutés. Mais vous présentez tout systématiquement sous un jour odieux.

Il faut, dit-on, supprimer les écoles d'agriculture. C'est le système de l'honorable M. de Man. ;

M. de Man d'Attenrode. - Je n'ai rien dit de semblable. Il vous plaît de fabriquer des discours que je n'ai pas prononcés.

M. Rogier. - Je vous laisse l'honneur de fabriquer vos discours. Je n'ai nullement l'intention de parler pour votre compte ; je vous laisse exclusivement propriétaire de vos paroles : vous avez blâmé toutes les écoles.

M. de Man d'Attenrode. - Cela n'est pas exact.

M. Rogier. - Vous avez commencé par dire qu'il était ridicule de voir enseigner la science agricole à des gens qui en savaient plus que leurs professeurs.

Vous avez trouvé à blâmer toutes nos écoles sans exception. Voilà ce que vous avez fait

M. de Man d'Attenrode. - Non.

M. Rogier. - Si l'on ne reconnaît pas ce que l'on a dit, je fais appel aux souvenirs des membres ds la chambre. N'a-t-on pas trouvé dans le discours de M. de Man la critique la plus absolue, la plus radicale de l'enseignement agricole en général ?

L'ùonorable M. Coomans a même fait une exception sous ce rapport ; il a bien voulu faire grâce à trois ou quatre écoles...

M. Coomans. - Au plus.

M. Rogier. - Voulez-vous retirer aussi cette concession ?

Eh bien, je prédis que lorsque la loi sur l'enseignement agricole sera présentée à la chambre, le nombre des écoles ne sera guère plus restreint qu'aujourd'hui ? Sera-ce l'école horticole de Gendbrugge qu'il faudra supprimer ? L'honorable M. de Man nous dit qu'elle ne vaut rien. Mais je suis sûr que la chambre trouvera que c'est une excellente institution, et qu'il n'y a pas lieu de la supprimer. Sera-ce l'école de Vilvorde ? M. Coomans a déjà fait une reserve en faveur de cette école que son honorable ami M. de Man a très amèrement critiquée ? Sera-ce l'école de Haine-St-Pierre qui a également été critiquée par M. de Man ?

Le gouvernement a eu la manie de croire qu'il serait utile de faire enseigner la fabrication des instruments agricoles, mieux appréciés ou les plus perfectionnés de l'Angleterre et du pays.

Cette instruction pratique est donnée à de jeunes ouvriers qui vont ensuite ia répandre dans les diverses parties du pays. C'est encore une excellente institution, à laquelle un jour tout le monde applaudira. Je fais un appel à un des membres du comité de surveillance qui fait partie de cette assemblée. Je crois que les raisons abonderont pour faire maintenir cette école.

L'école de Leuze vient de trouver ici un défenseur dans la personne d'un honorable représentant auquel vous ne refuserez pas des connaissances pratiques et théorques en agriculture.

Que les adversaires de l'enseignement agricole en prennent donc leur parti.

Aujourd'hui, ils ont beau jeu, ils attaquent, en se renfermant dans le vague, l'enseignement agricole ; ils croient qu'en demandant qu'il soit organisé par une loi, ils vont le renverser de fond en comble. Eh bien, si la loi est faite elle ne fera que consacrer en très grande partie ce qui a été fait ; si quelques corrections, quelques amendements sont reconnus nécessaires aux essais qui ont été faits, ils pourraient être introduits alors même qu'on ne ferait pas de loi.

Des diveres écoles établies, très peu seront supprimées et même modifiées dans leur système d'enseignement, celui qui a été introduit en général est très bon.

Je prétends aussi que ce ne sera pas dans le courant de cette session que vous serez à même de statuer sur l'enseignement agricole par une loi. L'organisation actuelle esl la plus économique que vous puissiez établir.

Si vous vouliez avoir, instituées par l'Etat, dix écoles, une par province, plus l'école vétérinaire, ce ne serait pas avec cent mille francs que vous pourriez faire face à la dépense.

Vous vous plaignez de l'intervention trop directe de l'Etat en beaucoup de matières.

Aujourd'hui l'Etat n'intervient guère dans les écoles que par des subsides et par l'inspection ; ce sont les particuliers ou les communes qui dirigent les écoles.

Si vous établissiez des écoles où l'Etat intervint plus directement, vous accroitriez l'influence contre laquelle vous vous récriez, et voui accroîtriez la dépense.

Vous ne pourrez guère réduire les écoles à un nombre inférieur, parce qu'elles ont toutes leur raison d'être et que leur enseignement se justifie autant que leur emplacement. Où a-t-on vu qu'elles fussent établies dans les grandes villes ?

M. Coomans. - Je n'ai pas dit cela.

M. Rogier. - Vous avez dit qu'elles étaient situées dans les villes.

M. Coomans. - Je n'ai pas dit dans les grandes villes.

M. Rogier. - Vous avez dit que les jeunes gens venaient y puiser des germes de corruption ; je nie que les grandes villes soient des foyers de corruption. Si vous appliquez votre accusation aux petites villes, votre accusation est encore plus injuste, et il n'est pas vrai qu'elles exercent l'influence pernicieuse que vous leur attribuez.

(page 203) L'injustice de nos adversaires va bien loin. Vos écoles, disaient-ils précédemment, ne servent à rien, vous recrutez vos élèves dans la population des villes, ce sont des jeunes gens qui, attirés par vos bourses, vont recevoir, par désœuvrement, un enseignement qui ne leur servira à rien.

Aujourd'hui il faut renoncera ce thème, la liste imprimée des élèves où se trouve indiquée la profession de leurs parents, prouve qu'ils appartiennent pour la plupart à l'agriculture, à la classe des petits cultivateurs. Oui, malgré tout ce qu'on fait pour jeter de la défaveur sur les écoles agricoles, les habitants des campagnes qui ont du bon sens persistent à y envoyer leurs enfants.

On reproche donc à ces écoles d'être établies dans les villes. Or, où sont-elles situées ? A Vilvorde, celle-là M. Coomans l'a défendue ; à Tirlemont, ville essentiellement agricole ; à Chimay, ville essentiellement agricole. Haine-Saint-Pierre est, je crois, en pleine campagne ; Leuze, on vient de vous en dire la situation ; Oslin, c'est une ferme ; près de Thourout, t'est également une ferme ; dans le Luxembourg, ce sont des fermes ; enfin vous avez l'école d'horticulture près de Gand. Mais connaît-on un emplacement plus favorable pour l'enseignement horticole ?

M. Coomans. - Et celle de Verviers !

M. Rogier. - Je suis très aise qu'on cite la ville de Verviers. Cette ville, juge des besoins de l'arrondissement dont elle est le chef-lieu, a demandé que quelques cours agricoles fussent annexés à son école industrielle. Verviers n'est pas seulement un arrondissement industriel, mais aussi un arrondissement agricole considérable. L'école qu'on y a établie marche bien. On y a organisé des conférences pour les instituteurs primaires, et, chose remarquable, beaucoup de ces modestes fonctionnaires n'hésitent pas à faire plusieurs lieues pour se rendre à ces conférences. Je ne sais quel autre intérêt que l'intérêt de l'instruction agricole pourrait les amener à ces conférences.

Je viens de faire voir que vous avez été injustes en critiquant l'emplacement des écoles d'agriculture.

Je crois que toutes sont parfaitement placées au point de vue du but que nous poursuivons.

On a attaqué les écoles dans leur personnel enseignant. C'est encore là une injustice. Avec un peu de bonne volonté, en parcourant la liste des professeurs, on verrait qu'il y a parmi eux des hommes très distingués.

M. Coomans. - C'est ce que j'ai dit. J'ai reconnu que dans le nombre il y a des hommes instruits. Ne me faites pas dire autre chose que ce que je dis.

M. Rogier. - C'est bien assez de ce que vous dites, sans que j'y ajoute encore.

Vous prenez à tâche de jeter la déconsidération sur ces écoles, en disant qu'elles manquent de bons professeurs.

Or les professeurs ont été choisis parmi les jeunes gens sortis de l'école vétérinaire, qui après être allés compléter leurs études en Allemagne, et dans les établissements français, en sont revenus avec les meilleurs certificats.

Et, je vous le demande, dans quel but, vous représentant du pays, vous qui allouez les fonds dont ces écoles ont besoin, jetez-vous la déconsidération sur des écoles qui ne font que commencer, qui sont accueillies avec faveur par les pères de famille ? Dans quel but dirigez-vous contre leurs professeurs des attaques heureusement dénuées de tout fondement ?

Le but de nos adversaires est de nous représenter comme n'ayant rien fait de bon pour l'agriculture, comme lui ayant donné pour tout encouragement un enseignement frelaté, un enseignement stérile, et comme nous étant bornés à lui distribuer quelques médailles.

Voilà comment les faits sont présentés par l'honorable député de Louvain.

Il a passé sous silence les sommes considérables votées pour la voirie vicinale pendant cinq ans. Je sais que c'est là un fait qui doit gêner l'honorable M. de Man ; car, en 1841, lorsque le ministère libéral d'alors prit l'initiative de cette dépense, si utile, qui s'est successivement accrue, cette proposition ne fut pas accueillie par les bancs de la droite. Le premier crédit de 100,000 francs fut repoussé par les défenseurs si passionnés aujourd'hui des intérêts de l'agriculture. Depuis lors, le crédit a porté ses fruits ; mais on se gardera bien de reconnaître l'initiative de ce service rendu à l'agriculture.

On a également passé sous silence les actes nombreux de défrichements, soit par l'arrosage, soit à l'aide du drainage, que le gouvernement est parvenu à populariser.

On a perdu de vue ce que le gouvernement a fait pour les boisements, pour la propagation des engrais, des semences, des instruments perfectionnés, des méthodes nouvelles, etc.

On dit que l'ancien ministère a chargé l'agriculture dïmpôts. N'a-t-il pas au contraire abaissé les péages sur les canaux et les chemins de fer en faveur des engrais et des produits agricoles ? Voilà toutes mesures dont on devrait tenir compte à l'ancienne administration, et j'ai la conviction que l'agriculture lui en tient compte.

J'ai constaté une lacune dans le discours des honorables MM. de Man et Coomans. Je l'ai constatée avec une véritable satisfaction. Autrefois nous étions les ennemis de l'agriculture, particulièrement parce que nous avions proposé une loi qui admettait les denrées alimentaires d'après un tarif modéré. Pendant plusieurs années, c'était la thèse perpétuelle de nos adversaires.

Nous avions ruiné l'agriculture par notre loi des denrées alimentaires. Aujourd'hui il n'en est plus question ; l'on a abandonnz cette thèse.

M. Coomans. - Du tout !

M. Rogier. - Je suis étonné d'une telle omission. Comment ! vous êtes en train, pour la centième fois, de dresser l'acte d'accusation de l'administration libérale, et vous avez oublié ce chef fondamental d'accusation ! J'en suis surpris et charmé.

Si c'est une thèse que nous devons aujourd'hui considérer comme morte et enterrée, tant mieux ; mais s'il en est autrement, si la législation que nous avons établie de commun accord avec les chambres est encore mauvaise à vos yeux, essayez de la changer ; prenez l'initiative, faites des propositions. Mais vous ne faiites rien.

M. Coomans. - On ne peut pas faire tout à la fois.

M. Rogier. - C'était le plus urgent. Une loi qui ruine l'agriculture ! Cela doit cruellement peser à un cœur agricole comme le vôtre. Il faut en débarrasser le pays. Essayez. Mais vous ne ferez rien. Vous gardez le silence. C'est quelque chose. J'en prends acte.

Vous ne ferez rien, et permettez-moi d'ajouter, qu'en dépit de votre opposition acharnée qui survit à un ministère que vous ne considérez pas comme mort (on doit le supposer, tant votre animosité paraît vive), en dépit de vos attaques, vous n'apporterez aucun changement sérieux à ce qui a été fait depuis cinq ans. Que vous soyez au pouvoir, que vous gardiez la position mixte où vous paraissez être aujourd'hui, que vous deveniez majorité décidée, vous n'apporterez pas, je le répète, de changement sérieux à aucun des actes législatifs ou administratifs qui ont été posés pendant les cinq dernières années de l'administration pour laquelle vous n'avez encore aujourd'hui que des malédictions. Voilà ce que je vous prédis.

Eh bien, messieurs, en rapprochant voire attitude de vos paroles, on peut juger de la justice des attaques auxquelles vous n'avez cessé de vous livrer ; on peut juger de l'opportunité des attaques auxquelles vous continuez de vous livrer. Puisque nous sommes à la question de l'agriculture, je vous provoque à faire cesser les grands dommages que vous prétendez avoir été produite par la loi des céréales.

M. Coomans. - Voulez-vous me laisser répondre ?

M. Rogier. - Vous n'en ferez rien.

M. Vilain XIIII. - Ce n'est pas la question.

M. Rogier. - M. le vice-président veut bien me dire que ce n'est pas la question. Je demande à M. le président si je suis dans la question ?

M. Vilain XIIII. - Quand je suis à ma place, je ne suis pas vice-président.

M. Rogier. - L'honorable M. Vilain XIII a-t-il entendu les discours de l'honorable M. de Man et de l'honorable M. Coomans ?

M. Vilain XIIII. - Oui.

M. Rogier. - Eh bien, l'honorable M. de Man m'a reproché ici de n'avoir rien fait pour l'agriculture que des écoles agricoles qu'il a fortement attaquées et que des distributions de médailles qu'il a déjà critiquées et qu'il critique encore.

Je suis en droit de dire qu'il a éé fait quelque chose de plus, et qu'on ne changera rien à ce qui a été fait.

M. le président. - On discute un article où il s'agit d'encouragements à l'agriculture ; M. Rogier n'est donc pas sorti de la question.

M. Rogier. - Je sais, messieurs, que cette discussion a le malheur de n'être pas nouvelle. Mais je constate encore une fois que ce n'est pas moi qui l'ai provoquée. Je ne fais que répondre. S'il convient à certains membres de revenir constamment à la charge, de reproduire constamment les mêmes griefs, il faut bien, sous peine de désavouer mon passé, que je prenne la parole pour défendre mes actes. Je le fais à contre-cœur. J'ai déjà exprimé le désir de voir cesser de pareilles récriminations. Mais quand on reviendra sur mon passé, quand on attaquera mon administration, je serai là pour la défendre, et je n'ai pas d'autre but en prenant la parole.

- Plusieurs membres. - A demain.

- La chambre décide qu'elle se réunira demain à 1 heure.

La séance est levée à 4 heures 3/4.