Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 janvier 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 439) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

La séance est ouverte.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la précédente séance : la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Ansiau fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Philippeville prie la chambre d'autoriser le gouvernement à concéder à cette ville les terrains des fortifications de la place. »

M. de Baillet-Latour. - Je demande que la pétition du conseil communal de Philippeville soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire un prompt rapport. La position de cette ville devient de plus en plus grave depuis la décision du goovernement pour la suppression de ses remparts : M. le rapporteur pourrait joindre cette pétition à celle du 25 septembre, qui a été déposée sur votre bureau le 18 décembre dernier, pour en faire l'objet d'un même rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs propriétaires de Courtrai prient la chambre d'adopter la proposition de loi concernant l'exemption de droits en faveur des actes relatifs à l'expulsion de certains locataires. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le comice du 10ème district agricole de la province de Hainaut déclare adhérer à la pétition du comice agricole de Nivelles tendant à modifier la loi sur les distilleries. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Lammelaer Costers et autres propriétaires dans la Campine prient la chambre d'accorder à la société Riche-Restiau la concession d'un chemin de fer d'Arschot à Turnhout par Gheel. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Becquevoort demande la construction d'un chemin de fer direct entre Diest et Louvain. »

« Même demande du conseil communal de Caggevinne-Assent. »

- Même renvoi.


« Le sieur Deleuze, pharmacien à la Roche, demande une loi qui assimile les pharmacies des campagnes à celles des villes et qui interdise aux médecins la vente des médicaments. »

— Même renvoi.

« Le sieur Molte-Schieries, demande qu'il soit pris des mesures pour empêcher la vente publique et à vil prix des marchandises neuves, et présente des observations au sujet d'un trailé de commerce à négocier avec la France. »

— Même renvoi.


« M. le ministre de la justice adresse à la chambre les pièces relatives à diverses demandes en naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. Ponson adresse à la chambre le tome II de son ouvrage sur l'exploitation des mines de houille. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Osy

Vice-président : M. Ch. Rousselle

Secrétaire : M. Brixhe

Rapporteur de pétitions : M. de Steenhault


Deuxième section

Président : M. Mercier

Vice-président : M. Loos

Secrétaire : M. Ansiau

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Troisième section

Président : M. de Renesse

Vice-président : M. de Muelenaere

Secrétaire : M. Matthieu

Rapporteur de pétitions : M. Orban


Quatrième section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Lelièvre

Secrétaire : M. Moreau

Rapporteur de pétitions : M. Mascart


Cinquième section

Président : M. Lesoinne

Vice-président : M. Julliot

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Jacques


Sixième section

Président : M. Delehaye

Vice-président : M. E. Vandenpeereboom

Secrétaire : M. Magherman

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe

M. le président. - La commission chargée d'examiner le projet de code pénal modifie par le sénat, se trouve incomplète par suite de la non-réélection de M. d'Hont.


- La chambre décide que cette commission sera complétée par le bureau.

M. Magherman est nommé en remplacement de M. d'Hont.


M. le président. - L'examen du budget de la guerre a été confié aux sections de novembre. Je proposerai à la chambre de renvoyer aux mêmes sections le projet de loi d'organisation de l'armée qui a été déposé hier.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi interprétatif de l’article 18 de la loi du 12 mars 1818 sur l’art de guérir

Discussion générale

L'article unique du projet du gouvernement est ainsi conçu :

« Article unique. L'article 18 de la loi du 12 mars 1818 est interprété de la manière suivante :

« Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir lorsque, habituellement, une personne qui n'est pas qualifiée examine ou visite des malades, remet ou prescrit un remède propre à la guérison de certaines maladies, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »

- La section centrale propose de rédiger l'article de la manière suivante :

« L'article 18 de la loi du 12 mars 1818 est interprété de la manière suivante :

« La distribution habituelle et gratuite d'un remède inoffensif, avec indication de la manière de s'en servir, alors même qu'elle est précédée de la visite des malades, ne constitue point l'exercice illégal d'une branche de l'art de guérir, ni par suite une contravention à l'article 18 de la loi du 12 mars 1818. »

Le gouvernement ne se rallie pas à cet amendement.

M. Vander Donckt. - Messieurs, l'affaire qui nous est soumise peut être envisagée sous deux points de vue différents : le point de droit et le point de fait ; quant à la question de droit, je l'abandonne aux hommes compétents de cette chambre, aux jurisconsultes distingués qui pourront la traiter mieux que moi. Je me bornerai à traiter cette affaire sous le point de vue moral.

Messieurs, vous n'êtes pas simplement appelés à interpréter l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, la solution qu'on vous demande implique encore soit l'acquittement, soit la condamnation de celui dont le procès a amené un conflit enlre les différentes autorités judiciaires.

Le sieur Kervyn s'est rendu coupable d'avoir exercé, dit-on, l'art de guérir. Nous croyons que, pour exercer réellement cet art, il faut plus que ce que Kervyn a fait. En effet, Kervyn a distribué un remède innocent, un onguent qui se trouve dans toutes les pharmacopées de la France, dont la formule est parfaitement connue, et dont la distribution, en France, n'a jamais souffert la moindre difficulté : il faisait venir cet onguent à ses frais. Ce n'était pas par spéculation, mais par charité qu'il le distribuait aux malheureux afllctés de maladies d'yeux pour les guérir.

En interprétant cet article dans le sens de M. le ministre de la justice, vous condamneriez inévitablement le sieur Kervyn, dont toute la faute consiste dans un sentiment de charité qui le pousse à aider les malheureux de sa commune et des environs. On ne demande pas seulement l'interprétation de l'article 18 ; mais la chambre serait érigée en jury, et le sieur Kervyn serait en quelque sorte appelé à votre barre, placé sur la sellette. Vous auriez à le condamner, ou à l'acquitter.

Il ne s'agit donc pas d'une question que nous puissions examiner avec une entière indépendance, puisque l'une des solutions à y donner peut avoir pour conséquence la condamnation définitive d'un individu condamne pour n'avoir pas péché.

Antérieurement à toute espèce de poursuites, le sieur Kervyn s'est adressé aux jurisconsultes de Gand, qui lui ont dit : « Continuez, vous ne courez aucun risque : nous vous garantissons. »

Confiiant dans l'avis des premiers jurisconsultes du barreau de Gand qui, il y a peu de temps, ont siégé sur ces bancs et ont occupé le banc ministériel, Kervyn a continué, croyant bien faire, croyant user de la faculté de faire la charité aux malheureux.

Aujourd'hui, on le poursuit : la cour d'appel de Gand a prononcé une ordonnance d'acquittement. La cour de cassation, au contraire, a rejeté cette jurisprudence.

Mais une question sur laquelle j'appelle surtout votre attention, c'est la position de la cour d'appel de Bruxelles : après que le tribunal de première instance avait condamné, que la cour d'appel de Gand avait acquitté le prévenu, que la cour de cassation avait rejeté cette jurisprudence, la cour d'appel de Bruxelles est appelée à se prononcer. Pour cette cour, rien n'était plus facile que de condamner le prévenu, et il n'était plus question d'interprétation. Mais la cour d'appel de Bruxelles doit s'être trouvée dans une position telle qu'elle avait la conviction profonde que réellement Kervyn n'était pas coupable : c'était donc en acquit d'un strict devoir que la cour s'est prononcée contrairement à la décision de la cour de cassation, la cour de Bruxelles a jugé dans le même sens que la cour de Gand.

Il n'y a rien d'étonnant que la cour de cassation ait maintenu sa première décision et que, chambres réunies, elle ait décidé comme elle l'avait fait une première fois. Mais ce qui est remarquable, c'est la décision de la cour d'appel de Bruxelles, se prononçant contrairement à une première décision de la cour de cassation. A cet égard, je (page 440) n’entrerai pas plus plus avant dans cette question : c'est plutôt le point moral que j'entends traiter.

Si, messieurs, sous interprétez l'article 18 dans le sens que veut lui donner le gouvernement, vous allez tarir la source de la charité qui n'a déjà été que trop tarie, et à laquelle on n' a déjà mis que trop d'entraves.

La charité, dans nos campagnes, s'exerçait, avant la révolution française, par les convents, par les monastères, par les abbayes et par les châteaux. Vous connaissez, messieurs, quel a été le sort des couvents et des abbayes, de ces institutions bienfaisantes. Quant aux châteaux, ils sont restés debout, ils ont pu continuer leurs actes charitables dans nos campagnes.

Or, il n'y a presque pas de châteaux, presque pas de campagnes qui n'aient quelque remède usuel et inoffensif. Lorsque, n'écoutant que les sentiments de leur cœur généreux, les habitants des châteaux vont visiter les malheureux malades, non seulement ils leur donnent ces remèdes innocents, même avec l’avis des médecins, mais ils y ajoutent du linge, des literies, de l'argent. C'est là un sentiment qu'il faudrait encourager plutôt qu’entraver.

Messieurs, j'ai exercé pendant trente ans l'art de guérir, et je puis vous dire que j'ai trouvé de grands secours dans les habitants charitables des châteaux, dans les environs de ma localité, qui sont venus efficacement à mon aide lorsque je traitais les malheureux. Quelquefois ils donnaient des remèdes sur la distribution desquels iis me demandaient mon avis, et jamais, dans ma longue pratique médicale, pas plus que mes collègues exerçant l'art de guérir, nous n'avons vu, dans ces sortes de distributions, une concurrence, comme certains médecins le prétendent aujourd'hui.

Au contraire, nous avons trouvé là un grand appui ; car les médecins de la campagne se ruineraient s'ils devaient pourvoir à la centième partie des besoins de ces malheureux nécessiteux dans leurs maladies et ne pourraient y suffire.

On dira : il y a des bureaux de bienfaisance. Oui, messieurs, nominalement, mais souvent ces bureaux de bienfaisance n'ont pas à leur disposition les moyens d'accorder des secours aux malheureux malades, dont plusieurs se meurent sans secours. Car, je le dis à la honte de la Belgique, chaque année encore des personnes nécessiteuses et malades se meurent de misère, et faute de secours suffisants, dans les communes du plat pays.

On a beau dire : Il faut qu'ils reçoivent des secours, il faut que les communes y pourvoient. Cela est impossible, et pour preuve de cette impossibilité, je vous dirai que dans la Flandre il y a des communes, et M. le ministre peut s'en assurer en s'adressant au gouvernement provincial, qui sont endettées de 10, de 11 et jusque des 20 mille francs, qu'ils doivent aux dépôts de mendicité, aux hôpitaux, etc. Et leurs budgets en sont tellement obérés qu'elles se trouvent dans l'impossibilité de payer. La députation permanente de la Flandre orientale a la conviction que ces communes ne peuvent disposer par an que d'une somme de 500 à 2.500 fr. pour solder ces dettes qui renaissent et se reproduisent sans cesse.

Eh bien, vous comprenez que ces communes sont entièrement ruinées par les dépôts de mendicité, par les secours de toute espèce qu'elles sont forcées de donner. Ces communes s'exécutent autant qu'elles le peuvent, mais je le répète, les secours efficaces viennent des personnes charitables qui ne donnent pas seulement de l'argent, mais qui donnent aussi gratuitement des remèdes inoffensifs.

Eh bien, messieurs, si vous adoptiez l'interprétation proposée par M. le ministre, vous allez tarir cette source, vous allez jeter l'alarme parmi les personnes charitables qui ne distribuent ces remèdes que dans une bonne intention.

J'appuie donc de toutes mes forces les conclusions de la commission et vous en propose l'adoption.

J'ai dit.

M. Rodenbach. - En votant le rapport de la commission sur l'interprétation de l'article 18 de la loi sur l'art de guérir, n'allons-nous pas, messieurs, légitimer l'exercice illégal de cet art ? Et pour favoriser dans le royaume une demi-douzaine d'individus désintéressés et véritables amis de l'humanité, ne protégerons-nous pas un nombre considérable d'empiriques non diplômés, et ne laisserons-nous pas aux charlatans, qui pullulent, le droit d'administrer des médicaments ? Je suis d'avis qu'en sanctionnant ce rapport, nous aurions à craindre de livrer l'humanité au plus stupide empirisme et au charlatanisme du plus bas étage. En définitive, nous mettrions les médecins sur le même pied que feu Driesken Nypers, les Montius et tutti quanti. Avant d'obtenir son diplôme, le médecin a dû faire de longues et fatigantes études, et le charlatan éhonté, en préconisant un soi-disant remède secret, l'emportera bien souvent sur lui et aura des admirateurs.

Vous croyez, messieurs, ne permettre dans votre rapport que d'administrer des remèdes inoffensifs ; cela est fort bien ; mais qui vous dira que l'on n'administrera que des remèdes inoffensifs, et si ia maladie est grave, qu'arrivera-t-il ?

Je ne veux pas autoriser par mon vote que, sous le prétexte d'humanité et de bienfaisance, des charlatans octroient leurs panacées universelles ; parce que je suis convaincu que pour un ou deux individus, hommes probes comme M. Kervyn, de Gand, il y a mille hâbleurs, trompeurs, médicastres.

L'honorable préopinant doit savoir mieux que personne, qu'il n'y a pas de panacée universelle, et cependant les empiriques emploient presque toujours le même onguent pour toutes les maladies. Et qu'on ne dise pas qu'is ne se font pas payer, car ils trouvent presque toujours moyen de se faire payer indirectement.

Ainsi on paye dans l'antichambre pour obtenir une prompte expédition ; ce n'est pas entre leurs mains qu'on paye, mais le résultat est absolument le même.

Je ne pense pas que la chambre veuille favoriser ces médicastres, et alors elle ne peut pas sanctionner une disposition semblable à celle que la commission propose.

L'honorable préopinant a parlé de personnes bienfaisantes, de dames de château qui, par humanité, administrent des remèdes inoffensifs aux malades ; mais, messieurs, il y a à la campagne des médecins payés par les bureaux de bienfaisance ; oh bien, lorsque les dames charitables dont on parle, et qui ont du reste toutes mes sympathies, désirent secourir un malade, elles peuvent lui envoyer un de ces médecins ; il y aura là dès lors un contrôle. Agir autrement, co serait posé un principe extrêmement dangereux et que je ne puis pas admettre. Vous donneriez une protection efficace aux hâbleurs, aux médicastres qui n'ont en vue que de tromper les malades. J'ai dit.

M. Lelièvre. - La chambre est appelée, en vertu de l'article 23 de la loi du 4 août 1832, à interpréter l'article 18 de la loi du 12 mars 1818 sur l'art de guérir et à se prononcer sur le différend qui existe à cet égard entre la cour de cassation, d'un côté, et les cours d'appel.de Gand et de Bruxelles, de l'autre.

S'il s'agissait d'examiner l'affaire au point de vue moral, on n'hésiterait pas à adopter le système des cours d'appel, mais c'est sous le rapport juridique qu'il faut envisager la question. C'est le sens d'une loi positive qu'il s'agit de fixer, et à ce point de vue, il m'est impossible de ne pas admettre l'opinion de la cour de cassation, opinion conforme, du reste, à celle des hommes éminents du parquet de la même cour.

Les lois qui n'ont permis à personne de s'immiscer dans l'art de guérir, sans avoir fait preuve des capacités requises, ont eu pour but de protéger la santé publique et d'empêcher que ceiie-ci n'éprouvât des atteintes sérieuses. Sous ce rapport, elles ne devaient pas tenir compte des intentions de l'agent, parce que, quelque louable que soit le mobile de la conduite de ce dernier, son immixtion dans l'exercice de l'art qu'il est réputé ne pas connaître présente des dangers sérieux que le législateur a voulu prévenir. En effet la santé des citoyens peut être compromise par des actes de ce genre, quels qu'en soient les motifs, et la pureté des intentions n'exclut pas l'imprudence que la loi veut réprimer.

S'il en est ainsi, il importe peu qu'en agisse dans des vues de bienfaisance ou de spéculation. Il y a délit, par cela seul qu'on pratique habituellement des actes concernant un art qu'on est présumé ignorer complètement, dès qu'on n'a pas fait preuve de connaissances spéciales d'après le mode prescrit par la loi.

Il ne s'agit donc plus que de rechercher si le prévenu, dans l'affaire qui vous est soumise, a effectivement posé des actes constituant l'art de guérir.

Or, examinez les faits énoncés au projet de loi. Ils sont réellement ceux qu'un médecin oculiste pose en semblable occurrence.

Ce qui me paraît du reste péremptoire, c'est que l'individu en question non seulement visite les yeux des malades, mais n'indique le remède qu'après avoir apprécié si le mal est curable ou pas. Par conséquent, il se constitue juge des cas d'application, il juge si le nerf optique est attaqué ou ne l'est pas. En conséquence, il apprécie le caractère et l'intensité de l'affection ; en outre, il indique le même remède pour toute maladie de l'œil et en prescrit l'emploi uniforme, quel que soit l'âge du malade, et sans égard aux circonstances particulières qui exigeraient des modifications à raison du tempérament de la personne atteinte de l'affection.

Eh bien, messieurs, il m'est impossible de ne pas rencontrer, dans ces actes posés habituellement, des faits constituant l'exercice de l'art de guérir, parce que l'individu dont il s'agit pose des actes qui réellement sont ceux d'un homme de l'art appréciant la nature d'une affection, et parce que d'ailleurs pareille conduite présente des dangers réels. L'œil peut souvent n'être attaqué que par suite de l'altération de l'économie générale ; or il y a danger réel à appliquer en cette occurrence un remède qui suppose l'organe de l'œil principalement affecté. D'un autre côté, appliquer le même remède à toute affection quelconque, sans nul égard à l'âge et au tempérament des individus, c'est, à mon avis, s'exposer à de graves erreurs et par suite, même avec les meilleures intentions, compromettre la santé publique que la loi a voulu protéger.

Ce n'est pas tout ; adopter une interprétation contraire à celle du gouvernement, c'est, selon moi, introduire un ordre de choses qui dans la pratique donnera lieu à des abus sérieux et à des inconvénients dont la gravité m'effraye. Pareille loi serait réellement le refuge de tous les empiriques et le signal de désordres déplorables que le législateur serait bientôt forcé de réprimer par des dispositions nouvelles.

Ce serait rayer d'un trait da plume les preicriptions protectrices de la loi de 1818.

Quant à moi, messieurs, j'estime qu'en se pénétrant de la pensée et du but du législateur, on doit nécessairement admettre l'interprétation de la cour de cassation.

Tous ceux qui sont versés dans la pratique des affaires correctionnelles seront convaincus que sanctionner un autre système, ce serait réellement assurer l'impunité de tous les individus contrevenant aux lois sur (page 441) l'art de guérir. Ceux-ci ne manqueront pas d'user de manœuvres de tout genre, à l'aide de dispositions prêtant à l'arbitraire, pour échapper aux prescriptions de la loi portées dans des vues d'ordre supérieur.

Je persiste donc à rejeter le système des cours d'appel de Bruxelles et de Gand.

Toutefois, je pense qu'il est essentiel d'énoncer dans le projet la circonstance capitale qui démontre que le prévenu est tombé sous le coup des dispositions pénales, c'est-à-dire que non seulement il examine ou visite les malades, mais se constitue juge du point de savoir si l'affection dont ils sont atteints est curable ou pas. C'est cette circonstance qui me paraît décisive pour justifier le système du projet, et c'est sur elle aussi que s'appuient principalement le réquisitoire de M. le procureur général Leclercq et l'arrêt même émané de la cour suprême. La modification que sous ce rapport le projet me semble devoir subir, sera de ma part l'objet d'un amendement.

On peut regretter sans doute de devoir sévir contre un homme honorable mû par des sentiments de générosité et de bienfaisance. Mais la loi avant tout ; telle sera toujours ma devise.

Je donnerai mon assentiment au projet du gouvernement, en le modifiant de la manière suivante :

« Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir lorsque, habituellement, une personne qui n'est pas qualifiée, examine ou visite des malades, jugs si l'affection dont ils sont atteints est curable ou pas, remet ou prescrit un remède destiné à la guérison de la maladie, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »

Avant de terminer, je soumettrai à la chambre une dernière consisération.

Le projet de la commission me paraît devoir être repoussé surtout par les inconvénients graves et les dangers sérieux qui résulteraient de son adoption. Il n'est pas un individu en contravention aux lois sur l'art de guérir qui ne trouve un appui dans les dispositions vagues et élastiques de ce projet. Je pense que les importants intérêts de la société à l'endroit de la santé publique exigent que nous sanctionnions la proposition du gouvernement modifiée dans le sens de mon amendement, et tel sera le vote que j'émettrai dans l'occurrence actuelle.

Remarquez, messieurs, que la cour de Liège, à laquelle la cause sera renvoyée, sera sans doute liés par votre interprétation ; mais elle pourra encore examiner la question de fait, la bonne foi du prévenu et en conséquence acquitter le dernier, s'il était démontré que celui-ci eût erré de bonne foi, après avoir consulté des jurisconsultes qui l'auraient convaincu qu'il a pu agir comme il l'a fait. Par suite, la résolution de la chambre ne décidera que la question de droit, sans préjuger en fait la culpabilité du prévenu en faveur duquel militent des circonstances particulières que les tribunaux pourront apprécier.

Je conçois parfaitement que la cour qui sera saisie de la cause renvoie le prévenu des poursuites, parce qu'en présence de la difficulté de la question sur laquelle les cours d'appel et la cour de cassation sont divisées d'opinion, on comprend qu'il ait pu se tromper de bonne foi. Mais pour le moment nous n'avons à trancher que la question de droit et sous ce rapport il ne nous est pas possible de nous écarter de la décision de la cour de cassation qui consacre, à mon avis, les vrais principes de la matière.

M. Thienpont. - Messieurs, l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, soumis à notre interprétation, me paraît tellement clair et precis que je suis étonné que nous ayons à émettre un jugement à cet égard.

En effet, messieurs, cet article dit que toutes personnes, non qualifiées, qui exerceraient « quelque branche que ce soit » de l'art de guérir encourent une amende de 25 à 100 florins.

En présence, messieurs, de paroles aussi claires et aussi précises pour tout homme qui n'a pas l'habitude d'interpréter les lois, pour quiconque prend les mots dans leur véritable acception, il est évident que sans aucune qualification, c'est-à-dire sans diplôme, il n'est pas seulement défendu de se livrer à la pratique de la médecine, prise dans son acception la plus large, mais même à quelque branche que ce soit de l'art de guérir. Il est évident, messieurs, que le législateur n'a pas voulu se contenter des meilleures intentions, des intentions les plus désintéressées et les plus louables de ceux qui veulent sacrifier leur vie et leur fortune au soulagement de leurs semblables.

Pour garantir la société contre tes dangers d'un zèle trop ardent et mal placé, le légisateur a exigé de longues et laborieuses études, des connaissances spéciales, approfondies, attestées par des diplômes ; ii a exigé des garanties sérieuses de ceux qui avaient à soigner ia santé publique, de ceux entre les mains desquels se tiouvent déposes la santé et la vie des citoyens.

Messieurs, sans examiner jusqu'à quel point un agent thérapeutique quelconque, iniempestivement administré, peut devenir nuisible et pour ne m'occuper ici que du cas spécial qui a amené ce débat dans cette enceinte, je vous dirai que la pommade employée par le digne et respectable citoyen qui s'efforce de sacrifier sa fortune et ses loisirs au soulagement des infortunés, et aux vues et sentiments philanthropiques duquel je suis le premier à rendre un sincère hommage, je vous dirai, messieurs, que la pommade de lion, connue et employee par tous les praticiens, est loin d'être un médicament aussi innocent et aussi inoffensif que veut bien le prétendre la majorité de la commission. Ce médicament, employé sans plus de discernement que celui qui nous est révélé par les débats devant les différentes cours de justice, doit amener nécessairement et fréquemment de fâcheux résultats.

En effet, messieurs, je remarque dans la justification du respectable citoyen qui a eu à expliquer sa conduite devant les tribunaux, que lorsque la prunelle de l’œil est blanche à l’intérieur, c’est un signe certain que le nerf optique est attaqué, qu’alors, il envisage le mal comme incurable et s’abstient de donner la pommade ; dans tous les autres cas il en conseille l’application.

J'abandonne à l'appréciation des hommes de l’art cette théorie médicale, ces moyens précieux de diagnostic et de pronostic. Ces questions ne doivent pas nous occuper. La discussion en serait oiseuse et déplacée dans cette enceinte. Deux mots seulement, messieurs, sur les effets plus que probables d'un traitement si peu rationnel et basé sur des principes si vagues.

Je n'hésite pas à le dire, messieurs, parce que c'est l'expression d'une conviction profonde, l'usage de cette pomrrade, comme on le préconise dans la justification que je viens de citer, l'usage de cette pommade dans toute ophthalmie avec absence de blancheur dans la prunelle de l’oeil, doit être cause d'insuccès nombreux et provoquer des désordres graves.

L'œil, messieurs, est un organe trop délicat, la vue est trop précieuse trop indispensable, pour que nous n'ayons pas quelque souci de sa conservation, et que, par des considérations de philanthropie mal comprises, nous soyons disposé à en abandonner le sort entre des mains inhabiles Car ce remède, très précieux lorsqu'il est judicieusement employé, n'a malheureusement pas le privilège d'être inoffensif lorsque intempestivement il en est fait usage.

Messieurs, je n'ajouterai plus qu'une dernière considération c'est que s'il est permis de visiter et d'examiner habituellement des personnes affectées d'un mal quelconque, de prescrire et de remettre des médicaments, d'en conseiller l'application, d'indiquer la manière de s'en servir, sans que cela soit considéré comme constituant l'exercice d'une branche de l'art de guérir, plus aucune condamnation ne devient possible de ce chef ; cela bouleverse complètement notre législation médicale, car la pratique de la médecine n'est pas autre chose.

Si, contre toute attente, l'avis de la commission était adopté, messieurs, l’on pourrait se demander où est la nécessité de maintenir plus longtemps et nos facultés de médecine et nos jurys d'examen ? L'on pourrait se demander pourquoi le médecin diplômé continuerait à payer annuellement anufisc un droit de patente dont s'affranchit celui qui n'a aucun titre, celui qui, mû par les meilleures intentions, par les sentiments les plus louables et les plus généreux, n'a donné à la société aucune garante pour se livrer a son amour ardent et inconsidéré de faire le bien.

M. Van Overloop. - Il y a, messieurs, une grande différence entre faire une loi nouvelle et interpréter une loi existante. Aussi ai-je été étonné d'entendre l'honorable M. Lelièvre, dans ses développements, se livrer à des considérations sur les inconvénients qui pourraient résulter de l'un ou de l'autre système : du système de la cour de cassation ou de celui des cours d’appel ; s’il, comme il l’a dit, il s’agit simplement d’examiner quelle est la portée de l'article 18 de la loi de 1818 sur l'art de guérir, à coup sûr nous n'avons pas à nous occuper de la question de savoir quels sont les inconvénients qui pourraieat résulter, soit du système de la cour de cassation adopte par le gouvernement, soit du système des cours d'appel de Gand et de Bruxelles adopté par la commission.

Deux systèmes d'interprétation, messieurs, se trouvent en présence ; d'après le premier, celui de la cour de cassation, il y aurait exercice illégal de l'art de guérir par celamême qu’on se livrerait à la pratique habituelle d'une branche quelconque de l'art de guérir ; d'après le système des cours d'appel, au contraire, il faut quelque chose de plus ; il est vrai que les cours d'appel ne déterminent pas ce qu'il faut de plus, mais leur système se rapproche de la liberté, tandis que le système de la cour de cassation s'éloigna complètement de la liberté.

Cependant, je l'ajoute immédiatement, je ne puis me rallier ni au système de la cour de cassation ni au raisonnement des cours d'appel.

Je ne puis me rallier au système de la cour de cassation bien qu'il repose sur une argumentation extrêmement logique ; c'est que, malheureusement, cette argumentation me semble partir d'une base fausse.

La cour de cassation me paraît avoir donné à un mot une signification que ce mot n'a pas : le teste hollandais de la loi de 1818, qui est le seul texte officiel, le seul texte, en définitive, qtii puisse faire connaître la volonté du législateur, le texte hollandais porte :

« Art. 18. Alle onbevoegde personen, eenigen tak der geneeskunst hoe ook genaamd uitoefenende, zullen voor de eerste maal, » etc.

La traduction française porte :

« Art. 18. Toutes personnes non qualifiées qui exerceront quelque branche que ce soit de guérir (non pas de l'art de guérir), encourront pour la première fois, etc. »

Eh bien, messieurs, je crois que ie mot « exercer » ne traduit pas le mot « uitoefenen ». Si mot « uitoefenen » a la signification d'exercer que lui donne le teste français de la loi de 1818, je me rallie volontiers au système de la cour de cassation, dont l'argumentation est excessivement logique ; si, au contraire, ce mot a une toute autre signification que celle d'exercer, dans ce cas, je devrais plutôt me rallier au système des cours d'appel et de la commission, parce que, dans ce cas, le système de la liberté serait seul conforme à la volonté manifestée par le législateur dans l'article 18.

(page 442) Messieurs, le mot « uitoefening « a été traduit, comme j'ai eu l'honneur de le dire, par « exercice ». On a confondu le mot « uitoefening » avec le mot « oefening ». « Il est évident pour moi, m'écrivait il y a peu de jours un de nos premiers littérateurs flamands que j'avais consulté, il est évident pour moi que le texte hollandais de l'article 18 de la loi a été mal traduit, le mot « uitoefenende » impliquant l'idée d'un acte professionnel ». Il y a plus : dans le dictionnaire de Marin au mot « oefenen », on lit : « De geneeskunde oefenen, daer zyn beroep van maaken. » Or, puisque « oefenen » signifie « en faire sa profession », à fortiori « uitoefenen » implique l'idée de profession.

J'en appelle à tous les membres de la chambre qui comprennent le flamand, tout en demandant pardon aux honorables collègues qui ne comprennent pas notre langue.

Donc, en interprétant grammaticalement le seul véritable texte de la loi qui est le texte hollandais, vous devez reconnaître que la traduction française de la loi de 1818 a été mal faite et que la cour de cassation s'est trompée, précisément parce que la traduction française a été mal faite.

Il y a plus encore : toutes les dispositions de la loi de 1818 combinées prouvent, à mes yeux, à l'évidence, que le mot « uitoefening », dans cette loi, implique l'idée de profession.

Que fait le législateur dans la loi de 1818 ? Il commence par instituer des commissions d'examen et de surveillance.

Il charge ses commissions de délivrer des diplômes à ceux qui veulent s'établir « tot uitoefening van eenigen tak der geneeskunst... » s'établir « pour l'exercice » : ces mots n'impliquent-ils pas l'idée de profession, alors même qu'on traduirait « uitoefening », non pas par le mot profession, mais par le mot exercice ?

Le législateur va plus loin : il charge par l'article 4, paragraphe C, la commission de surveiller la profession de la pratique. Je demande pardon à la chambre de lui donner lecture de cet article paragraphe C, mais cette lecture me paraît indispensable :

« Art. 4. De werkzaamheden der provinciale commissien zullen bestaan :

« C. In het toevoorzigt binnen dezelve op de rigtige en goede uitoefening van de praklyk der geneeskundige wetenschappen... »

La commission est chargée de surveiller la profession de la pratique ; donc « uitoefening » n'est pas exercice, mais profession.

Si le mot « uitoefening » signifiait exercice, il faudrait traduire le paragraphe de la manière suivante :

« Charge les commissions de la surveillance de l'exercice de la pratique », ce qui constituerait un pléonasme. Or, le législateur ne peut pas être présumé avoir employé des mots inutiles.

Donc, d'après les dispositions combinées de la loi, « uitoefening » signifie profession et non pas seulement exercice, ni même exercice habituel.

Le tribunal de la Haye, qui est évidemment un juge compétent, car il juge, le texte officiel sous les yeux ; le tribunal de la Haye, par un jugement du 5 octobre 1849, s'exprime de la manière suivante : « Considérant que de la loi citée du 12 mars 1818 et du règlement basé sur elle ainsi que des instructions y annexées (Journal officiel, n°16 et 25), considérés dans leur relation respective, il suit que, si le législateur a voulu surtout et principalement prendre des mesures dans l'intérêt de la santé et de la vie des citoyens, ces mesures ont aussi été prises en partie dans l'intérêt des personnes exerçant les diverses branches de la médecine ou de la chirurgie, de sorte que d'une part on a eu en vue que des individus reconnus capables fussent seuls admis à faire leur profession de la guérison des maladies, et que d'autre part on a donné aux habitants la garantie que des commissions formées de telles personnes veillent à leur hygiène et qu'ils peuvent raisonnablement compter sur l'efficacité de l'aide qu'ils peuvent et même qu'ils sent en quelque sorte obligés de chercher auprès de ces individus reconnus de la part du gouvernement et non ailleurs.

« Considérant que la disposition de l'article 18 de la loi sur l'exercice illégal de quelque branche de l'art de guérir doit donc être entendue en ce sens que cet article défend à tous individus non reconnus et admis par le gouvernement de faire leur profession de la guérison des maladies, de se porter et d'agir comme s'ils pouvaient réellement exercer cette profession, et de persuader ainsi faussement aux personnes souffrantes que l'aide nécessaire peut avec toute confiance être cherchée et trouvée auprès d'eux. »

Il me semble que ce jugement, qui interprète le mot « uitoefenen » dans mon sens, est décisif, puisque c'est un mot hollandais, et que le jugement est rendu par des juges hollandais ayant sous les yeux une loi hollandaise.

La cour de Gueldre a rendu un arrêt contraire. La vérité m'oblige à le déclarer ; mais je ne puis apprécier la valeur de cet arrêt, car je n'ai pas pu me le procurer.

J'ai commencé, messieurs, par établir que, d'après l'interprétation grammaticale, au mot « uitoefenen » se rattache l'idée de profession ; j'ai complété cette démonstration en prenant l'ensemble des dispositions de la loi de 1818. Je vais plus loin.

Toute la législation sur la police médicale, tant ancienne que moderne, prouve que te n'est que de la profession qu'on a voulu s'occuper : je vais le prouver.

Il serait inutile de vous faire connaître, pour la France, l'éditée Philippe le Bel de 1314 ; les lettres patentes de Charles VI de 1390 ; l'ordonnance de Henri III de 1579, dont l'article 87 porte : « Nul ne pourra pratiquer en médecine qu'il ne soit docteur etc. » ce qui implique bien l'idée de profession ; l'arrêt du parlement de Paris du 12 septembre 1598, contre les empiriques ; pour les Pays-Bas autrichiens, le placard de l'empereur Charles, du 18 août 1732 ; celui de Marie-Thérèse du 17 février 1743 ; pour le pays de Liège, le mandement de Jean-Théodore du 2 juin 1760 ; celui de François-Charles du 5 juin 1773 ; celui du même du 7 juin 1779 ; celui de Constantin-François du 23 mai 1785, porté « contre les charlatans et les empiriques »...

Que veulent encore dire les mots : nul ne pourra pratiquer en médecine, charlatan, empirique, si ce n'est exercer la profession, qui exerce la profession, dont l'état est... ?

Il résulte pour moi de l'esprit de toutes ces dispositions anciennes que le législateur n'a jamais voulu s'occuper que d'une chose ; prévenir les abus résultant de la profession d'une branche quelconque de l'art de guérir, prévenir le charlatanisme, l'empirisme.

Je laisse la législation ancienne et je prends la législation moderne.

L'ancienne législation que je viens de vous indiquer subsista jusqu'au décret du 15 août 1792. Ce décret supprima les universités, les facultés et les corporations savantes. Depuis ce décret, il n'y eut plus guère de réception régulière de médecin ni de chirurgien ; l'anarchie la plus complète prit la place de l'ancienne organisation antérieure à 1789.

« L'empirisme le plus dangereux, dit Fourcroy dans l'exposé des motifs de la loi du 19 ventôse an XI, le charlatanisme le plus éhonté... abusèrent partout de la crédulité et de la bonne foi... »

Le danger que présentait un tel état de choses pour la vie des citoyens entraîna l'adoption de la loi du 19 ventôse an XI.

L'examen de cette loi prouve encore à l'évidence que ce n'est que la profession qu'on a voulu atteindre. L'article premier de celle loi est ainsi conçu : « A compter du 1er vendémiaire an XI, nul ne pourra embrasser la profession de médecin, de chirurgien ou d'officier de santé, sans être examiné et reçu comme il sera prescrit par la présente loi. »

Voila un texte bien clair.

« L'article 3, paragraphe 2, continue : Quant à ceux qui exercent la médecine ou la chirurgie en France, et qui se sont établis depuis que les formes anciennes de réception ont cessé d'exister, ils continueront leur profession, etc. »

Encore une fois, voilà un texte formel.

Je vais plus loin encore.

La loi du 19 germinal an XI, contenant l'organisation des écoles de pharmacie, prouve également que c'est la profession seule que le législateur a en vue.

L'article 25 porte : « Les pharmaciens reçus... pourront s'établir et exercer leur profession... »

« Nul, dit l'article 25, ne pourra obtenir de patente pour exercer la profession de pharmacien... »

Qu'a-t-on voulu interdire, si ce n'est la profession ? Les textes sont là !

L'avis du conseil d'Etat du 8 vendémiaire an XIV, cité par l'honorable rapporteur de la commission, constate que le gouvernement interprétait la loi comme nous.

La loi de 1818, comme le dit également l'honorabble rapporteur, n'a pas dérogé à ces prescriptions.

Son argument me paraît juste en logique. Ajoutons-y que le message qui a accompagné le dépôt du projet de loi confirme explicitement l'argument de l'honorable M. Lelièvre, car, comme le dit le message, le projet de loi a pour but de régler l'administration médicale du royaume sur un pied uniforme.

Donc la loi n'a pas eu en vue d'innover.

Ainsi donc l'argument de M. Lelièvre se trouve confirmé par le message qui a accompagné le projet de loi de 1818. Cette loi n'a pas eu pour but d'innover, mais de maintenir l'état de choses existant. Or, si cette loi n'avait pas pour but d'innover, comme la législation existante n'interdisait que la profession et que cette législation nous régit encore aujourd'hui, la législation antérieure à 1818 doit encore être invoquée. Mais tout n'est pas dit encore : Par la loi sur l'enseignement supérieur, vous, messieurs, vous avez émis la même idée que moi. L'article 65 de la loi du 27 septembre 1835, porte : « Nul ne peut pratiquer en qualité d'avocat, de médecin, de chirurgien ou d'accoucheur, s'il n'a été reçu docteur... »

Que signifient ces mots pratiquer en qualité de... si ce n'est exercer la profession ? Vous avez donc confirmé d'avance mon interprétation.

L'article 69 continue : « Les art. 64 et 65 du titre III ne sont pas applicables à ceux qui exercent ou qui ont acquis le droit d'exercer une fonction ou un état en vertu des lois ou règlements en vigueur. » Qu'est-ce qu'exercer une fonction ou un étal ? C'est exercer une profession.

En résumé donc il est établi par l'interprétation grammaticale du mot « uitoefenen » ; par la combinaison des diverses dispositions de la loi de 1818 ; par la législation antérieure à 1818 et par la législation postérieure à 1818, qu'il faut, pour être coupable de contravention à la loi sur l'art de guérir, qu'il y ait exercice de la profession d'une branche quelconque de l'art de guérir.

On objecte que l'exercice, non à titre de profession, mais habitue d'une branche de l'art de guérir peut entraîner de graves inconvénients ; (page 443) j'admets cela, mais je rappellerai que tous les dangers sont prévus par l'article 319 du Code pénal, qui punit quiconque par imprudence, négligence ou maladresse, cause la mort de quelqu'un ; vous avez en outre l'article 1385 du Code civil qui, dans tous les cas, rend passible de dommages-intérêts celui qui cause du dommage à autrui... (Interruption.)

Les sanctions pénales ont pour but de prévenir ce qui peut léser quelqu'un ; or, je dis que l'article 319 du Code pénal et l'article 1382 du Code civil sont là pour prévenir les lésions qui pourraient résulter de l'exercice de l'art de guérir.

Puisqu'on a fait valoir, messieurs, les conséquences qui pourraient résulter du système de la commission, permettez-moi de vous faire connaître les conséquences qui peuvent résulter du système de la cour de cassation.

Prenez le texte du projet du gouvernement, et demandez-vous si un père peut encore donner des médicaments à ses enfants, peut encore leur subministrer des soins sans encourir les pénalités comminées par la loi de 1818.

Consultez les personnes de la campagne ; vous avez même entendu un médecin qui a habité longtemps la campagne ; que de fois n'arriverait-il pas que des malheureux mourraient faute de soins, si quelque propriétaire ne leur venait en aide au moyen d'un médicament qui les rend à la santé et à vie ? Cela arrive à tout moment.

Il y a quelques jours, je lisais dans le Moniteur belge une note qui justifie complètement le système que je défends, je lisais que plus de 600 villes en France d'une population de 2,000 à 8,000 âmes n'ont ni médecin ni pharmacien.

La même proportion existe certainement en Belgique, et vous voudriez que toutes ces populations abandonnées, qui n'ont aucun homme de l'art à leur disposition, ne pussent recevoir de secours d'une personne philanthrope, ou, pour mieux dire, charitable, sans que cette personne fût passible d'une amende, voire même de l'emprisonnement en cas de récidive... !

Quiconque habite la campagne sait qu'il est nécessaire que le propriétaire vienne fréquemment en aide aux ouvriers et aux malheureux

Je suis moi-même, dirai-je, susceptible d'être poursuivi pour fait d'exercice illégal d'une branche de l'art de guérir, parce qu'il m'arrive aussi de temps en temps de venir en aide, à l'aide de conseils et de fortifiants, à des malheureux. Loin de moi la pensée de vouloir jeter du blâme sur la noble profession de médecin ; je suis fils et petit-fils de médecin et je n'irai pas critiquer une profession que mes parents ont eu l'honneur d'exercer et qu'un de mes proches exerce encore.

Mais il y a une chose qu'il faut éviter, c'est de constituer les médecins en caste privilégiée. En le faisant, vous couperiez court à tout progrès ; vous êtes tous hommes de progrès, et vous ne voudriez pas l'arrêter. Qui a inventé le mercure ? Ce n'est pas un médecin. Quia inventé le quinquina ? Ce sont les sauvages d'Amérique. Presque tous les remèdes ont une origine à peu près semblable. L'huile de foie de morue, ce sont les marins qui en ont reconnu les bons effets ; il faudrait, comme on me le disait tantôt, qu'on se mît d'accord sur ce qu'on entend par l'art de guérir, avant de porter atteinte, sous prétexte de santé, à la liberté humaine ! Est-ce l'hydropathie ? l'homéopathie ? l'allopathie ? Est-ce le système de Broussais ? dit-on derrière moi.

Il est un autre point qui pour l'honneur de la profession de médecin doit appeler la sérieuse attention du gouvernement ; ce ne sont pas ces hommes charitables qui par dévouement viennent au secours des malheureux qu'il faut surveiller, poursuivre ; mais ce sont ces charlatans qui sous la protection d'un diplôme, soutirent aux malheureux jusqu'à leur dernier centime en détruisant leur santé ; car vous le savez, messieurs, l'homme souffreteux est ordinairement crédule.

Voilà sur quoi j'appelle l'attention du gouvernement ; s'il est des hommes qui font tort à la considération du médecin qui honore sa profession et à la juste rémunération qu'il mérite, ce sont les charlatans diplômés. L'attention du gouvernement doit d'autant plus être appelée sur ces abus que, il ne faut pas se le dissimuler, tous les jours on lit dans les journaux des annonces qui portent atteinte non seulement à la considération des médecins, mais encore à la moralité publique. Nous faisons bien en nous occupant de la santé du corps, mais nous ferions mieux en nous occupant un peu plus que nous ne le faisons de la santé du cœur.

La première condition, messieurs, de la salubrité publique se trouve dans la moralité. Moralisez les hommes et vous sauvegarderez beaucoup mieux la santé de vos concitoyens qu'en adoptant, sous prétexte de santé publique, des mesures restrictives de la liberté dans ce qu'elle a de plus beau : la charité !

Mon amendement est ainsi conçu :

« Toutes personnes non qualifiées qui exerceront quelque branche que ce soit de l'art de guérir et en feront profession, encourront, pour la première fois, une amende de 25 à 100 florins, avec confiscation de leurs médicaments ; l'amende sera double en cas de récidive ; pour une troisième contravention, le délinquant sera puni d'un emprisonnement de 45 jours à 6 mois. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - L'article 68 de l'arrêté de 1816 organique de l'enseignement supérieur est ainsi conçu :

« La pratique d'aucune des parties des sciences médicales ne peut être exercée par celui qui n'aurait pas obtenu le grade qui en donne l'autorisation, excepté les cas de nécessité urgente, et sauf les stipulations faites par les règlements existants ou à faire. »

L'article 18 de la loi du 12 mars 1818 est ainsi conçu : « Toutes personnes non qualifiées, qui exerceront quelque branche que ce soit de l'art de guérir, encourront pour la première fois une amende de vingt-cinq à cent florins avec confiscation de leurs médicaments ; l'amende sera double en cas de récidive ; pour une troisième contravention, le délinquant sera puni d'un emprisonnement de 15 jours à six mois. »

L'article 65 de la loi du 15 juillet 1849 sur l'enseignement supérieur est ainsi conçu :

« Nul ne peut pratiquer en qualité d'avocat, de médecin, de chirurgien, d'accoucheur ou d'oculiste, s'il n'a été reçu docteur, conformément aux dispositions du chapitre premier du présent titre.

« Néanmoins le gouvernement peut accorder des dispenses spéciales pour certaines branches de l'art de guérir, après avoir pris l'avis du jury d'examen.

« La dispense spécifie la branche, et ne peut s'appliquer qu'à ce qui y sera nominativement désigné. »

L'article 26 de la loi du 11 juin 1850 sur l'exercice de la médecine vétérinaire est ainsi conçu :

« Nul ne peut exercer la médecine vétérinaire dans le royaume, s'il n'a été reçu médecin vétérinaire conformément aux dispositions du titre premier.

« Néanmoins, le gouvernement peut accorder des dispenses aux étrangers munis d'un diplôme, sur un avis conforme du jury d'examen. »

L'article 28 de la même loi porte :

« Les contraventions aux articles 26 et 27 seront punies d'une amende de 25 à 150 fr. Cette amende sera double en cas de récidive, et le délinquant pourra, en outre, être condamné à un emprisonnement dont la durée n'excédera pas quinze jours. »

L'article 26 de cette dernière loi qui stipule des garanties, sur l'étendue desquelles je m'expliquerai dans un moment, en faveur de la médecine vétérinaire et dans l'intérêt des races ovine, bovine et porcine, offre dans la traduction flamande du Bulletin officiel précisément le mot « uitoefenen » pour exprimer le mot français exercer.

Ainsi nul ne peut exercer, sans titre, la médecine vétérinaire, et nous nous trouvons ici, pour le dire en passant, en présence d'un texte identique à ceux de la loi de 1818.

Nous nous demandons, en présence de cet ensemble de dispositions, s'il est vrai, comme le soutient la commission de la chambre, que la distribution habituelle et gratuite d'un remède inoffensif ne constitue pas l'exercice illégal d'une branche de l'art de guérir et n'est pas une contravention à la loi de 1818.

J'avoue qu'en présence de la législation, de l'interprétation qu'il faut y donner et des nécessités auxquelles répond cette législation, je ne puis que répondre négativement à la question que je me suis posée, et que l'interprétation proposée à la chambre par la commission est contraire à l'ensemble de la législation, à son esprit et à la nécessité.

Lorsque nous avons formulé le texte du projet de loi présenté par le gouvernement, nous avons cru rendre hommage à l'esprit du législateur. Nous avons cru qu'il était juste de dire :

« Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir lorsque, habituellement, une personne qui n'est pas qualifiée, examine ou visite des malades, remet ou prescrit un remède propre à la guérison de certaines maladies, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »

Il s'agit, notons-le bien, de l'interprétation de la loi : il est peut-être fâcheux, pour le mérite de certains arguments vis-à-vis de vous, qu'il s'agisse d'un homme très honorable, généreux, de très bonne foi, qui excite beaucoup de sympathies. Mais nous ne pensons pas qu'il y ait ici acception de personnes. Il faut prendre les choses dans leur généralité, raisonner en jurisconsultes, non en avocats qui défendent telle ou telle cause, qui prennent en considération tel ou tel individu.

En nous pénétrant bien de l'ensemble de la loi de 1818 dont une disposition doit être interprétée, voyons ce que cette loi a voulu.

En présence des dispositions antérieures de la loi de l'an XI, en France, qui était destinée à porter remède à des abus dont tout le monde était frappé ; en présence du règlement sur l'enseignement supérieur, qui interdit tout exercice d'une branche de l'art de guérir, en dehors des garanties établies par la loi, voyons si cette loi de 1818 n'a pas, dans son ensemble, dans son esprit le sens que lui donne le projet de loi que nous avons soumis à la chambre.

Les art. 4 et 5 de la loi de 1818 renferment l'énumération des diverses catégories de la pratique médicale, chirurgicale et pharmaceutique.

Les articles 7, 8, 9 et 10 indiquent les conditions d'admission pour les diverses branches de l'art de guérir ; vient ensuite la police des médicaments.

L'article 15 défend la vente publique des drogues.

L'article 16 défend le débit de substances vénéneuses sans certaines précautions.

L'article 17 interdit la vente des médicaments composés par des personnes non autorisées. Or, il s'agit ici de la profession de pharmacien et non de celle de médecin ; et l'article 17, dont on a argumenté dans le rapport de la commission, doit être entièrement séparé de l'article 18 qu'il s'agit d'interpréter en ce moment.

Vient après cela la police de l'art de guérir proprement dit, c'est-à-dire, que dans l'article 18 on interdit l'exercice des diverses branches de l'art de guérir d'après le texte que j'ai eu l'honneur de vous lire tantôt.

(page 444) L'article 19 (et ici est consacré le principe de la spécialité) interdit l'exercice d'une branche de l'art de guérir autre que celle pour laquelle on a été diplômé ou autorisé.

Vous voyez que, par l'ensemble de cette législation, les diverses spécialités des professions qui se rattachent à l'art de guérir sont réglées d'abord, et que les garanties dont on entoure l'exercice de cet art sont sanctionnées au moyen de prohibitions et de peines comminées contre ceux qui enfreignent les prohibitions.

Dans ces termes, la véritable question est de savoir si, lorsque la cour de cassation, conformément au lumineux réquisitoire de son procureur général, a décidé qu'il était défendu d'exercer habituellement l'une des branches de l'art de guérir, n'importe qu'on le fasse gratuitement, elle est entrée dans le véritable esprit d'une loi qui est générale, qui ne distingue pas, qui a pour but de prévenir toute espèce d'empiétement sur des professions pour l'exercice desquelles ou doit avoir fait preuve de capacité et s'être procuré des diplômes, propres à constater cette capacité.

Lorsque la commission de la chambre soutient que la distribution habituelle et gratuite d'un remède inoffensif peut se faire librement, elle s'est servie d'une terminologie qui me paraît, dans tous les cas, inadmissible en ce qu'elle implique contradiction.

Evidemment, messieurs, on ne peut pas comprendre un remède inoffensif ; cette locution ne signifie absolument rien. Le remède est une chose qui doit avoir une efficacité quelconque, sans cela on ne l'emploierait pas. S'il a une efficacité quelconque, on ne peut pas la qualifier d'inoffensif, parce que l'effet peut être nuisible aussi bien qu'utile, et par conséquent il est tout à fait impossible de dire qu'un remède, en tant que remède, est inoffensif.

Si vous interdisez, et je crois que la commission devra reconnaître qu'il est nécessaire de l'interdire, si vous interdisez l'application même gratuite d'un remède offensif, si je puis m'exprimer ainsi, nécessairement vous devez également rejeter la possibilité ou la faculté d'appliquer les remèdes soi-disant inoffensifs, parce que le mot « inoffensif » que vous ajoutez au mot « remède », est un véritable non-sens, permettez-moi de le dire.

Je n'ai pas l'intention de dire rien qui soit désobligeant pour l'honorable commission de la chambre ; je raisonne en langage juridique et je dis qu'un remède inoffensif n'est pas plus tolérable qu'un remède offensif parce que le non-sens est évident et que s'il est permis d'appliquer un remède il faut dire que cette permission est absolue, et qu'on ne doit pas y ajouter une interdiction quelconque.

Vous arriverez à cette conséquence que votre projet de loi devra être conçu dans les termes suivants : « La distribution habituelle et gratuite d'un remède, avec indication de la manière de s'en servir, alors même qu'elle est précédée de la visite des malades, ne constitue point l'exercice illégal d'une branche de l'art de guérir. »

Je demanderai, messieurs, si la commission osera prendre sur elle d'accepter cette rédaction et si, l'ayant acceptée, il n'est pas évident que la législation sur l'art de guérir est renversée, que l'article de la loi sur l'enseignement supérieur que je vous ai lu doit être effacé et que la liberté de la profession de médecin, de l'exercice des diverses tranches de l'art de guérir, doit êlre proclamée. Il vaut mieux supprimer la législation que de porter une disposition semblable à celle que je vous indique.

Il va donc de soi, messieurs, que la chambre, à moins de consacrer une absurdité, ne peut pas admettre la rédaction de la commission, et ne peul pas dire qu'il est permis de distribuer habituellement et gratuitement un remède inoffensif, parce que, je le répète, c'est un non-sens. Il va sans dire aussi que la rédaction qui résulterait de la correction que j'indique ne peut pas être admise non plus, que vous ne pouvez pas dire que la distribution habituelle et gratuite d'un remède, avec l'indication de la manière de s'en servir, est absolument libre sous l'empire de notre législation dont j'ai lu avec intention les monuments dans leur ensemble, parce qu'il en résulterait un danger immense et le renversement d'une loi que nous sommes chargés aujourd'hui, non pas de modifier, mais d'interpréter.

Je vous ai parlé, messieurs, de l'article 20 de la loi sur l'exercice de la médecine véterinaire. La discussion de cet article 20 vous prouvera qu'il a été dans l'esprit de la chambre comme il est dans la nature des choses, d'interdire l'exercice habituel de la profession de médecin vétérinaire, tout comme il est interdit par les autres lois d'exercer librement et habituellement la médecine au profit des êtres humains, laquelle est, ce me semble, au moins aussi importante que celle qu'on applique aux animaux.

M. Jutîien avait demandé que, conformément aux usages et aux traditions des campagnes, on tolérât, au moins de la part des paysans, qu'ils appelassent dans leurs étables des gens accoutumés à soigner les bestiaux et à distribuer des remèdes ; il disait qu'il fallait nécessairement ne pas rendre la loi onéreuse aux paysans, qu'il fallait leur permettre de recourir à ces gens qui avaient, la pratique, qui avaient l'expérience sans avoir le diplôme.

Eh bien, messieurs, vous ne l'avez pas voulu. M. le ministre de l'intérieur a combattu l'amendement de M. Jullien ; il disait :

« Les habitudes des campagnes ne seront pas contrariées par les dispositions de la loi ; elle n'a pour but que de proscrire l'ignorance et le charlatanisme. Elle ne s'appliquera pas aux individus qui, dans certains cas donnés, apporteraient des secours à un propriétaire dans l'embarras. C'est l'exercice habituel de la médecine vétérinaire sans diplôme que nous poursuivons.

« Un membre : Cette distinction n'est pas dans la loi.

« M. le ministre. L'article porte : Nul ne peut exercer la médecine vétérinaire, etc... apporter gratuitement un secours, dans un cas pressant, ce n'est pas exercer ia médecine vétérinaire ; laissez ces cas à l'appréciation du juge... »

Eh bien, messieurs, en matière de médecine ordinaire, je dis absolument la même chose que ce que disait M. le ministre de l'intérieur à propos de la médecine vétérinaire, c'est-à-dire que dans un cas extraordinaire, dans un cas urgent, lorsqu'un homme généreux, un homme expérimenté, un pasteur charitable, conseillera d'administrer un remède quelconque, celui-là, messieurs, sera à l'abri de toute espèce de poursuites et de vexations ; mais lorsqu'un homme se livrera habituellement à l'exercice d'une branche quelconque de l'art de guérir, même sans exiger de rétribution, lorsqu'un homme se posera comme possesseur d'un remède connu ou inconnu et comme capable, aprèt avoir visité les malades, d'appliquer ce remède qui ne peut pas être inoffensif, eh bien, pour les hommes aussi bien que pour les bestiaux, je dis qu'il faut admettre l'interprétation que nous proposons parce que c'est le sens de la législation qui règle la médecine humaine, comme c'est le sens de la législation qui règle la médecine vétérinaire.

Je crois, messieurs, que ces considérations qui sont des considérations générales et juridiques, doivent être mûrement pesées par la chambre. Je crois que nous devons laisser de côté les questions de personnes, les questions de charité auxquelles il a été fait allusion et auxquelles la loi ne donne aucune atteinte ; je crois que nous devons nous en tenir aux nécessités consacrées par la loi et nous rallier à l'interprétation de la cour de cassation.

Je me borne pour le moment, messieurs, à ces considérations qui, je le répète, sont générales mais qui suffisent pour établir dans ses termes vrais l'interprétation de l'aricle 18 de la loi du 12 mars 1818.

M. Dumortier. - Messieurs, ce que nous faisons en ce moment n'est pas une loi nouvelle ; c'est une interprétation de la loi ancienne ; par conséquent nous devons commencer par nous pénétrer de ce qu'a voulu le legslateur.

En ce moment, nous ne sommes pas législateurs, mais juges, juges de cassation suprême. Ce mandat que la loi nous confère et auquel nous sommes, suivant moi, assez peu propres, serait vicié, si, ne sortant pas de nos habitudes de discussions, nous raisonnions, suivant nos habitudes, comme d'une loi à faire et non d'une loi à interpréter.

Deux systèmes sont en présence : celui des cours d'appel de Gand et de Bruxelles, celui de la cour de cassation ; quel est celui des deux qui répond le mieux à l'interprétation de la loi ? Telle est la question. Pour moi, je partage l'opinion de la commission et de mon honorable ami M. Van Overloop, et il me semble que le système si logiquement exposé par la cour de Bruxelles représente pleinement la pensée du législateur des Pays-Bas dans la question qui nous occupe. Je ne traiterai pas devant vous la question en jurisconsulte, ce n'est pas mon affaire ; mais permettez-moi de vous exposer les motifs que je trouve dans le simple bon sens en faveur de mon opinion.

Pour apprécicr une loi, la première chose que je cherche chez le législateur, c'est le bon sens. Or, il me répugne d'admettre que le législateur ait voulu l'absurde et, dans mon opinion, le système de la cour de cassation, tel qu'il nous est formulé dans le projet de loi, n’aurait qu’un seul résultat, ce serait de mener directement à l’absurde.

On l'a déjà dit tout à l'heure en d'autres termes, ce système aurait pour résultat de rendre passible d'une pénalité toute mère de famille qui remplit ses devoirs. (Interruption.) Cela est incontestable, car toute mère de famille exerce et continue chaque jour d'exercer l'art de guérir : chaque mère de famille soigne son enfant chaque fois qu'il est atteint de quelque indisposition. Nous avons tous été élevés par des mères soigneuses, eh bien, que fait une mère quand son enfant est indisposé ? Mais elle a ses remèdes familiers, ses remèdes inoffesifs, que nous connaissons tous et elle les administre à son enfant, suivant les circonstances.

Eh bien, n'est-il pas évident qu'elle tombe tout à fait sous l'application de la loi si l'on sanctionne l'interprétation admise par la cour de cassation. Que résulte-t-il de là ? Que la loi aurait décrété l'absurde ; or, l'absurdité de la conséquence prouve la fausseté de la prémisse. {Interruption.) Mais si vous n'admettez pas que tel serait le résultat de l'interprétation proposée par le gouvernement, dites-moi où s'arrrêtera le droit de la mère de famille qui soigne ses petits enfants ? Comment la protégerez-vous contre les médecins qui viendront l'accuser d'exercer illégalement l'art de guérir ?

Dans le système de la cour de cassation et du projet de loi, je vous défie de m'indiquer la limite, et tant que vous ne me l'indiquerez pas, vous devrez reconnaître que la loi interprétée à votre manière est absurde et que le législateur qui l'a votée était dépourvu de bon sens. Cette limite, je la trouve, au contraire, très bien tracée psr la cour de Bruxelles et c'est pour ce motif que je lui donne la préférence.

M. le ministre de justice invoque la santé publique ; messieurs, je respecte infiniment la médecine et tout ce qui touche à l'art de guérir, mais il est une chose qu'il ne faut point méconnaître, c'est qu'il ne suffit pas d'avoir un diplôme sur beau parchemin pour guérir tout le monde. Le diplôme ne donne pas la science infuse, et je ne partage pas du tout l'opinion de ce personnage d'une comédie de Molière qui disait qu'il vaut mieux tuer selon les règles que de guérir contre les règles.

J'ai sous les yeux un tableau extrait du Moniteur belge, et qui a été (page 445) dressé à la suite d'une circulaire de M. le ministre de l'intérieur, c'est le relevé des décès par âge et par sexe, et on distingue ceux qui ont été soignés par un médecin, de ceux qui ne l'ont pas été. Eh bien, parmi ceux qui ont reçu les soins d'un médecin, il est mort 1,773 hommes et 1,830 femmes, et parmi ceux qui n'ont pas été soignés par les médecins, il en est décédé 181 pour les hommes et 114 pour les femmes.

Je conclus de là qu'il ne suffit pas d'être traité par la faculté pour ne pas mourir ; je conclus de là qu'il ne faut pas interpréter la loi de manière à arriver à l'absurde ; sans doute, il y a parmi les médecins des hommes très honorables et d'une haute capacité, de très grands médecins ; mais je sais aussi, car j'en ai eu l'expérience personnelle, qu'il y a parmi les hommes diplômés de très grands charlatans. A ceux-là tout est permis ; pour ceux là, on n'invoque pas les grands mots de santé publique, et pourquoi ? Parce que ceux-là ont un diplôme en parchemin.

Eh bien, c'est précisément vers ceux-là que devraient tendre les efforts du gouvernement.

Mais quant à ce qui est de la distribution d'un remède inoffensif, je le demande : est-il possible d'admettre que ce soit là pratiquer l'art de guérir ?

Mon honorable ami M. Vander Donckt, qui a pratiqué trente ans avec grande distinction l'art de guérir, vous l'a dit, et on ne peut assez le répéter, c'est là un véritable service rendu à l'humanité, et ceux qui le remplissent ont droit, non à des poursuites, mais à notre reconnaissance. Ceux qui connaissent un peu la campagne savent très bien que dans la plupart des communes rurales il n'y a pas de médecins ; et que de bonnes personnes y donnent souvent de conseils inoffensifs et utiles. Ce n'est pas tout ; chacun a ses remèdes familiers, et il n'est personne qui ne donne à un ami souffrant le conseil de s'en servir. On le fait, et on le fait chaque jour. Il est donc évident que dans le système que je combats, tout le monde va être mis en contravention, et M. le ministre de la justice probablement le premier.

Car je ne crois pas qu'il y ait un seul d'entre vous, la main sur la conscience, qui, voyant quelqu'un indisposé, ne dise : « Vous devriez prendre telle chose. » Voilà ce que nous disons tous les jours, et voilà ce que nous devrions regarder eomme un crime ! Eh bien, je le répète, il n'y a pas un seul d'entre nous, ni d'entre les membres de la cour de cassation et des cours d'appel qui n'agisse de la sorte.

Ainsi, nous sommes tous passibles d'amende, et en cas de récidive, de prison !

En vérité, peut-on admettre, aujourd'hui que nous interprétons la loi, des conséquences aussi déraisonnables ? Et pourtant, avec le texte du projet, si vous êtes logiques, c'est la conséquence que vous devez admettre.

Elle prouve à la dernière évidence que le législateur n'a pu vouloir une telle absurdité, et qu'il n'a voulu s'attacher qu'à la profession indue.

Messieurs, je me rappelle fort bien qu'il y a quelques années, nous reçûmes ici une pétition d'un homme qui avait rendu de très grands services à l'humanité et qui, quoique non médecin, avait guéri de nombreux malades, c'était M. Lubin. L'honorable M. H. de Brouckere, aujourd'hui chef du cabinet, prit alors dans la chambre la défense de cet excellent homme. Je vous le demande, n'est-il pas pénible de voir de pareils hommes, rendant tant de services, arrêtés de par des procès dans leur œuvre bienfaisante ? Et dans quel but ? Dans le but mercantile d'assurer aux médecins le monopole absolu des malades et d'empêcher ainsi que des personnes charitables ne viennent soulager des souffrances au moyen de remèdes inoffensifs.

Eh bien, quand on a un but aussi mesquin, je dirai aussi misérable, à côté des bienfaits que nous voyons, je ne conçois pas qu'il soit possible d'admettre une interprétation aussi extrême que celle qui est demandée dans cette circonstance ; je ne puis pas admettre qu'une législature quelconque ait pu vouloir l'absurde, ait pu vouloir des conséquences aussi extravagantes. Je ne puis croire que la loi ait eu en vue d'atteindre autre chose que ce qu'a indiqué mon honorable ami M. Van Overloop, c'est-à-dire la pratique, la profession indue de l'art de guérir.

On nous parle des charlatans ; mais les charlatans font profession de l'art de guérir, et c'est en cela qu'ils tombent sous l'application de la loi ; mais les personnes qui habitent la campagne, qui donnent quelques remèdes familiers aux malades de leur localité, pour les soulager, en attendant l'arrivée du médecin ; ces personnes-là n'exercent pas une profession ; elles font un acte de bienfaisance, de charité. Nous ne pouvons pas admettre un système qui aurait pour conséquence de faire cesser de tels bienfaits, autrement elle serait contraire au bon sens, et je ne puis interpréter la loi que par les seules règles du sens commun.

Je me prononce donc en faveur du système de la cour d'appel de Bruxelles qui, selon moi, a parfaitement résolu la question ; je crois que ce que nous avons de mieux à faire, c'est d'admettre l'interprétation proposée par la commission ou celle de mon honorable ami, M. Van Overloop, qui en diffère peu.

M. Rodenbach. - Messieurs, malgré les différentes objections qui viennent d'être présentées, je persiste dans l'opinion que j'ai émise au commencement de la séance.

Je commencerai par répondre deux mots à l'honorable préopinant ; il a parlé à peu près dans le même sens que l'honorable M. Vander Donckt ; il nous a parle des personnes bienfaisantes qui vont visiter les malades et leur administrent certains remèdes.

J'ai déjà dit qu'il y a des médecins payés par les bureaux de bienfaisance ; eh bien, c'est sous le contrôle des médecins que ces personnes bienfaisantes administrent ou doivent administrer les remèdes qu'ils réservent aux malades. Ainsi, cet argument qu'on fait valoir contre nous ne doit pas nous arrêter.

Il me semble que quand ces remèdes sont efficaces, quand par ces remèdes on peut rendre service à l'humanité souffrante, il me semble qu'il est du devoir d'un véritable homme de bien de les communiquer au gouvernement et aux médecins, pour les faire analyser. On se montrerait ainsi véritablement homme de bien, et l'on rendrait un grand service à sa patrie.

L'honorable député de Saint-Nicolas a traité la question de droit qu'il paraît avoir profondément étudiée. Je ne le suivrai pas sur ce terrain : ce n'est pas de ma compétence. Du reste, il a été suffisamment réfuté par M. le ministre de îa justice.

Le même honorable membre a parlé aussi des personnes qui par humanité administrent des remèdes ; j'ai déjà répondu à cette observation en rencontrant les discours des honorables MM. Vander Donckt et Dumortier. Je n'y reviendrai pas. Mais je partage entièrement l'opinion de l'honorable député de St-Nicolas, qu'il y a des médecins diplômés qui exploitent d'une manière scandaleuse leur diplôme, tout comme certains avocats. Leur Dieu, ce n'est pas Esculape, c'est Plutus ; le démon de l'intérêt semble être leur seul mobile ; ne leur parlez pas d'autres sentiments ; dans mon arrondissement judiciaire, il y a des individus, payés par les bureaux de bienfaisance, et qui font faire le travail par des empiriques !

Ce sont des abus que les autorités locales et surtout les commissions médicales devraient faire cesser. Il est très vrai qu'on n'est pas honnête homme par cela seul qu'on est diplômé.

Si vous admettez le système que je combats, vous devez alors supprimer vos universités : vous avez attiré dans ces établissements des professeurs d'un mérite transcendant ; vous accordez des traitements élevés à ces professeurs ; supprimez-les, dis-je, et vous réaliserez ainsi une économie de plusieurs centaines de mille francs ; vous proclamerez alors le grand principe qui a cours aux Etats-Unis ; là, on peut être médecin ou avocat sans diplôme ; mais je ne pense pas que chez nous, en fait de médecine, nous soyons déjà arrivés au point où l'on puisse permettre de pratiquer sans diplôme. Je persiste donc dans mon opinion.

Il ne faut point tolérer que l'art ait à souffrir par le fait de cette masse de médicastres qui pullulent partout aussi bien dans les villes que dans les campagnes. J'ai dit.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. Vander Donckt. - Messieurs, je n'ai que quelques mots à ajouter à ce que j'ai dit dans mon premier discours. J'ai dit que j'abandonnais la question de droit aux hommes compétents. J'ai entendu depuis, dans la discussion, d'honorables membres et entre autres M. Lelièvre, qui a voulu interpréter la manière d'agir du pratiquant qui a voulu empiéter sur l'art médical, ainsi que l'honorable ministre de la justice qui nous a dit qu'il ne comprenait pas l'expression de remède inoffensif, terme dont s'est servie la commission ; il a ajouté que cette expression était un non-sens. Je prends la parole afin d'expliquer que réellement dans la pratique de l'art médical, nous médecins, nous nous servons tous les jours de ce terme de remède inoffensif ; il y a maints cas où nous disons que le remède est inoffeniif. Ce n'est donc pas un non-sens.

Il y a une foule de remèdes qui sont inoffensifs. Je commencerai par vous citer l'eau pure, qui peut être rangée parmi ces remèdes, l'onguent dont on a parlé peut être considéré comme remède inoffensif ; en France il s'en débite plus de 20 mille petits pots par an, le sieur Kervyn en fait venir à ses frais quelques centaines : il les distribue gratuitement. L'honorable M. Rodenbach nous a dit qu'il fallait qu'un homme qui possède un remède secret le fît connaître, le fît analyser avant Je l'appliquer. Mais, messieurs, le remède en question est parfaitement connu en Belgique comme en France, et, comme je vous l'ai dit déjà, la formule s'en trouve consignée dans tous les dispensaires et dans toutes les pharmacopées de la France.

Ce n'est donc pas un remède secret, ce n'est pas un mystère, mais il peut être considéré dans la plupart des cas comme un remède usuel et inoffensif. C'est l'explication que je tenais à donner à la chambre. J'ai dit.

M. de Mérode. - Le gouvernement est charge de protéger la société là où chaque individu ne peut suffisamment se protéger lui-même, mais il ne doit pas exagérer le régime des interdictions qui s'appliquent aux circonstances où chaque personne accepte ce que la nature lui donne le droit d'accepter, quand elle croit bon d'en user à son avantage sans préjudice d'autrui. Si la puissance publique empêche un particulier charitable de distribuer gratuitement des remèdes familiers sous prétexte que ces remèdes pourraient être çà et là mal appliqués, pourquoi n'empêche-t-elle pas la vente des nourritures indigestes qui peuvent fatiguer les estomacs et nuire à la plupart de ceux qui en usent, pourquoi ne défend-t-elle pas aux particuliers l'usage des voitures versantes, des chevaux rétifs ou ombrageux ?

J'aime beaucoup la police qui protège, pourvu qu'elle ne soit pas inquisitoriale et outrée ; j'approuve hautement les règlements établis en Europe sur la construction des bateaux à vapeur ; je considère comme très utile la surveillance de la conduite et de la forme des voitures publiques. Le laissez faire américain, qui entraîne des explosions fréquentes sur les véhicules fluviaux et cause d'effroyables accidents n'est pas (page 446) de mon goût, car il prive la généralité des voyageurs de toute sécurité.

Mais entre le système d'abandon complet des garanties indispensables à la sécurité publique et les interdictions interprétées d'une manière exorbitante et qui porteraient la plus grave atteinte à la liberté privée, à la bienfaisance même la plus louable et la plus favorable aux pauvres, il y a une énorme différence.

Quant à moi je considère ces interprétations excessives dans leur rigueur et très savantes peut-être au point de vue grammatical, comme destructives de la liberté naturelle, de la liberté qui vient de Dieu et que le législateur n'a le droit d'enlever à qui que ce soit.

Des magistrats instruits de part et d'autre ont été divisés sur la question qui nous est soumise. Les uns l'ont comprise dans un sens pratique et humain, les autres dans un sens absolu et inflexible. Je ne saurais me ranger que du côté des premiers.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je dépose un amendement au texte que j'ai proposé primitivement. Voici dans quel sens je rédige l'article :

« Il y a exercice illégal de l'art de guérir, lorsque, habituellement, une personne non qualifiée, en examinant ou visitant des malades, remet ou prescrit un remède pour guérir certaines maladies, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un unt de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »

Le texte primitif portait : « Lorsqu'une personne, qui n'est pas qualifiée, examine ou visite des malades, etc. »

J'ai voulu faire entendre qu'il ne suffit pas d'examiner ou de visiter des malades, puisque l'examen et la visite d'un malade in abstracto ne signifient rien. J'ai voulu dire qu'il faut interdire la remise ou la prescription d'un remède, et c'est pour cela que j'ai dit « en examinant ou visitant des malades, etc. »

C'est donc une simple correction grammaticale que je propose.

- L'amendement sera imprimé et distribué.

La séance est levée à 4 heures et demie.