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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 21 janvier 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 453) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Grosjean soumet à la chambre diverses questions relatives à l'exercice des droits électoraux, et demande que les élections communales à Vaux-sous-Chévremont ne se fassent plus dans la maison du bourgmestre, qu'il soit interdit aux membres des administrations communales, appelés à remplir les fonctions de scrutateurs, de se transformer en courtiers électoraux ; que tout candidat au siège vacant de conseiller communal puisse assister aux opérations électorales, et qu'une loi fixe le délai endéans lequel il doit être pourvu à la nomination des places vacantes de conseillers communaux. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Maerke-Kerkhem demandent qu'il soit interdit aux hospices de recevoir des indigents sans un ordre du gouverneur de la province ou l'assentiment des administrations communales et que ces établissements ne puissent réclamer des communes que les frais d'entretien. »

M. Thienpont. - Messieurs, voici encore une pétition qui appelle l'attention et l'intervention de la législature sur l'indemnité exorbitante réclamée par les établissements de bienfaisance pour le séjour momentané dans leurs établissements de personnes étrangères à la localité.

Les communes de Schoorisse, Nukerke, Maerke-Kerkhem, Etichove et grand nombre d'autres nous ont déjà adressé leurs plaintes, sur lesquelles, messieurs, je tiens à appeler, de votre part, une attention d'autant plus particulière qu'elles sont plus justes et plus fondées.

Ces plaintes continuelles, messieurs, ne doivent pas nous étonner.

Je demande, messieurs, le renvoi de ces pétitions à la commission qui est chargée de les examiner, avec prière d'un prompt rapport.

M. Vander Donckt. - J'appuie de toutes mes forces les pétitions dont il s'agit ; j'en demande aussi le renvoi à la commission des pétitions avec prière d'un prompt rapport.

- La proposition de M. Thienpont est adoptée.


« L'administration communale de Montaigu prie la chambre de d'accorder à la compagnie Beeckman la concession d'un chemin de fer de Louvain à Diest par Aerschot, à condition que cette ligne traverse la commune de Montaigu. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Casterlé prie la chambre d'accorder à la société Riche-Restiau la concession d'un chemin de fer d'Aerschot à Turnhoul par Hersselt, Westerloo, Tongerloo, Gheel et Casterlé. »

- Même renvoi.


« Des électeurs de Cautille demandent que les élections pour les chambres puissent se faire au chef-lieu du canton de justice de paix. »

- Même renvoi.


« Le sieur Bartholomé, commissaire de police de la commune de Boussu, demande une indemnité du chef des fonctions de ministère public qu'il exerce près le tribunal de simple police du canton. »

- Même renvoi.


« Le sieur Clercx, distillateur à Overpelt, déclare adhérer à la pétition du comice agricole de Nivelles, tendant à modifier la loi sur les distilleries. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Gand demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi qui modifie l'article 24 de la loi sur la garde civique.


« Le sieur Vanden Bussche, colonel pensionné, demande la place de conseiller vacante à la cour des comptes. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« Les médecins et pharmaciens à Gand présentent des observations contre le projet de loi de la commission, portant interprétation de l'article 18 de la loi sur l'art de guérir. »

« Mêmes observations des médecins et pharmaciens du canton d'Avesnes. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Dépêche de M. le ministre de la guerre envoyant copie d'un arrêté royal en date du 12 janvier courant, par lequel M. l'intendant militaire en chef Servaes, directeur de la 6ème division (administration) au département de la guerre, et le colonel Renard, du corps d'état-major, chef d'état-major de la quatrième division territoriale, sont nommés commissaires pour la discussion à la chambre des représentants et au sénat, des projets de loi relatifs à l'organisation de l'armée et du budget du département de la guerre pour l'exercice 1853. »

- Pris pour notification.


- M. Le Hon, retenu à Paris pour affaires urgentes, demande un congé. »

- Ce congé ett accordé.

Projet de loi prorogeant le terme fixé pour la révision des tarifs en matière criminelle

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant prorogation du terme fixé pour la révision des tarifs en matière criminelle.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi interprétatif de l’article 18 de la loi du 12 mars 1818 sur l’art de guérir

Discussion générale

M. de Haerne. - Messieurs, dans la discussion qui nous occupe depuis quelques jours, il y a deux idées bien distinctes : le fait, d'un côté, et le strict droit, de l'autre ; on les rencontre, d'ailleurs, le plus souvent dans les actes qui rentrent sous le domaine des lois répressives. Le juée souvent se place entre ces deux extrêmes et prononce avec équité d'après les circonstances : de manière que parfois les faiis qui d'après le texte de la loi paraissent répréhensibles, ne sont pas condamnés par les tribunaux.

Si ce principe est généralement reconnu, il me semble qu'il doit être appliqué surtout à la matière qui nous occupe, à cause de sa nature délicate, principalement dans la pratique.

Il y a donc deux extrêmes ; il y a d'abord le strict droit qui peut certes mener à des abus, qui pourrait tarir la charité que tout le monde veut sauvegarder dans l'espèce, qui pourrait interdire la distribution de certains remèdes utiles.

D'un autre côté, vous avez la proposition de la commission qui présente ausi des inconvénients, car la charité peut s'égarer, se tromper ; en portant un jugement, en prononçant des diagnostics, elle usurpe en quelque sorte sur l'art médical.

Entre ces deux extrêmes, comme je le disais tout à l'heure, nous devons placer l'équité du juge qui, dans beaucoup de cas, tranche la question en faveur du prévenu.

C'est la cause de la divergence d'opinion qui s'est élevée entre les cours d'appel d'un côté et la cour de cassation de l'autre. Les cours d'appel ont été appelées à juger du fait, la cour de cassation a dû seulement se prononcer sur le droit. Je crois même que M. Kervjn qui a donné lieu à cette double interprétation pourra, en s'entouraiit de certaines garanties de prudence, continuer l'exercice de son œuvre charitable, et je crois qu'il a été condamné ou plutôt que le principe a été condamné par la cour de cassation plus que les actes posés par cet honorable philanthrope.

Mais lorsqu'il s'agit d'interpréter une loi, lorsqu'il s'agit de poser un principe, il faut bien réfléchir à toutes les conséquences qui peuvent, en résulter, et j'ai la conviction que c'est à cause des conséquences dangereuses auxquelles l'application des principes pourrait donner lieu que la cour de cassation s'est prononcée dans le sens le plus rigoureux.

Je viens appuyer pour le fond le système du gouvernement, tout en donnant la préférence à l'amendement de M. Lelièvre, qui me paraît moins restrictif.

Je crois que l'amendement de l'honorable membre offre plus de latitude quant à l'équité dont je parlais tout à l'heure, parce qu'il suppose l'ensemble de plusieurs actes qui constituent l'exercice de l'art médical Selon moi, on ne doit pas prendre cette proposition dans un sens disjonctif, mais dans un sens collectif, de telle sorte que si une des condiltions dont il s'agit ne se réalisait pas, n'était pas établie par le jugement, je crois que le prévenu ne pourrait pas être condamné. Par conséquent, la proposition de l'honorable M. Lelièvre sauvegarde l'exercice de la charité tout en prescrivant une certaine prudence, certaines garanties qui sont réclamées dans l'intérêt de la santé publique.

Cet amendement, il me semble, caractérise mieux que le projet le jugement médical qui constitue l'exercice de l'art de guérir.

L'honorable M. de Theux, dans un discours remarquable qu'il a prononcé hier, a parlé beaucoup de ce qui s'est passé sous l'empire au conseil d'Etat de France ; il a cité un avis de ce conseil. L'honorable membre a déclaré que, si M. le ministre de la justice pouvait donner la garantie légale que le système d'interprétation sera suivi dans l'application de la loi que nous discutons, il se rallierait à notre opinion, qui est celle du ministre. Mais il ne trouve pas de garantie à cet égard.

(page 454) Je crois que la garantie se rencontre dans tout se qui se passe ici. Il me semble que tout le monde est d'accord pour donner ce sens à la loi, et puisqu'il n'y a pas de réclamations, les tribunaux jugeront dans ce sens. C'est ainsi que l'on applique la loi dans le cas de doute, c'est-à-dire, d'après l'interprétation du législateur, d'après les discussions parlementaires.

L'absence de toute réclamation contre l'opinion de M. le ministre de la justice à cet égard est pour moi une garantie suffisante.

Mais examinons la décision du conseil d'Etat dont il s'agit. Je suis loin d'y trouver toutes ces garanties dont on parle en faveur de l'exercice de la charité, exercice auquel j'attache autant de prix que qui que ce soit. J'en trouve moins que dans le système proposé. Car on doit bien remarquer d'abord que cet arrêt du conseil d'Etat porte sur un cas spécial : il s'agit de la charité qui se pratique à l'occasion de l'exercice du ministère ecclésiastique.

On y parle de curés qui exercent la charité en fréquentant les malades en acquit de leurs fonctions spirituelles.

M. de Mérode. - Il s'agit aussi de tous les citoyens.

M. de Haerne. - Je sais très bien qu'on y parle des citoyens, mais ce n'est qu'incidemment.

M. Lelièvre. - Cela est clair.

M. de Haerne. - Je désirerais beaucoup que l'on pût m'éclairer à cet égard, mais j'ai lu et relu cet avis du conseil d'Etat, et je trouve qu'il ne s'agit qu'incidemment de tous les citoyens et que le cas spécial qui a donné lieu a ce jugement est celui qui se rapporte aux actes d'humanité auxquels donne lieu l'exercice des fonctions ecclésiastiques. C'est donc un cas spécial ; mais ce n'est pas tout. En second lieu, je trouve que dans cet arrêt même il y a une restriction qui pourrait donner au juge la faculté de condamner à peu près qui il voudrait, au point de vue du strict droit et abstraction faite de l'équité.

Il y est dit que les ecclésiastiques pourront donner des soins et des conseils « pourvu qu'il ne s'agisse d'aucun accident qui intéresse la sanié publique. »

Quand on veut être sévère, suivre le strict droit, on peut, d'après cette disposition, prononcer des condamnations même à propos d'actes exercés dans un but médical. Rien de plus vague, en effet, que les accidents qui intéressent la santé publique.

Je ne trouve donc pas cet avis aussi large qu'on veut bien le dire.

On n'y fait pas même mention de remèdes ; on parle de soins et de conseils donnés aux malades, le mot « remède » ne se trouve pas dans l'avis du conseil d'Etat.

Pour juger si les accidents dont il s'agit dans ce document législatif sont nuisibles à la santé publique, il faut être homme de l'art. D'après cette législation on s'expose donc, même en exerçant la charité, aux peines comminées, si le juge ne se conforme pas à l'équité.

Je trouve même que, dans cette supposition, le vague de la législation française serait plus à craindre que le sens assez précis de la proposition du gouvernement.

Lorsque j'examine l'ensemble et l'esprit des propositions qui nous sont soumises, je trouve plus de garantie dans le système du gouvernement et dans l'amendement de M. Lelièvre pour l'exercice de la charité, que dans l'avis même du conseil d'Etat.

Après tout, il ne s'agit que d'interpréter une loi ; s'il s'agissait d'une loi nouvelle on devrait se livrer à un examen plus approfondi, on devrait procéder à une enquête. Dans une nouvelle loi, toutes les dispositions seraient mises en harmonie les unes avec les autres, tandis que si on introduit dans le système de notre législation médicale une disposition spéciale qui ne fût pas en rapport avec les autres, il en résulterait de fâcheuses anomalies, de sérieux inconvénients. Voilà la différence que je trouve entre le système d'interprétation qui nous est soumis et une loi nouvelle.

Les questions de liberté en matière de médecine pourraient alors se présenter sous une autre face. On pourrait se demander s'il ne serait pas utile au point de vue de la science, au point de vue de la charité, de donner une plus grande latitude, une plus grande liberté dans l'exercice de la médecine. Mais on doit être très prudent quand il ne s'agit que d'interpréter une lui, pour qu'il n'y ait pas de contradiction entre les diverses parties qui la constituent.

Comme on l'a déjà dit, il y aurait quelque chose de fort étrange si, d'un côté, on se montrait facile pour la vente et la distribution des remèdes par les particuliers non qualifiés ; tandis qu'on exige des examens très compliqués des docteurs en médecine et des pharmaciens, qu'on surveille les pharmaciens, qu'on interdit même à des personnes qualifiées la vente des remèdes, dans certain cas, et que la police exerce à cet égard une surveillance réelle par les commissions médicales. Dans une révision générale de la loi, on atténuerait ces dernières restrictions, je suppose, pour éviter la contradiction choquante avec une plus grande liberté accordée aux hommes non qualifiés.

On parlait hier de la vente de certains remèdes qui se fait impunément, dit-on ; si cela est ainsi, c'est un abus de plus contre lequel il faut s'élever.

J'ai été ébranlé hier, je l'avoue, pendant quelque temps par l'amendement qu'a si bien développé l'honorable M. Van Overloop.

Mais j'ai réfléchi et je trouve que la disposition qu'il veut introduire pourrait être éludée dans la pratique.

Les empiriques ne seraient pas embarrassés à cet égard. Ils ne manqueraient pas de dire qu'ils ne font aucunement profession de médecine, qu'ils ne font qu'exercer la charité. Ils n'exigeraient rien pour leurs conseils et pour leurs remèdes ; mais les troncs, les cadeaux, le pourboire aux domestiques, etc., remplaceraient la monnaie. C'est ce qu'on a vu bien souvent.

J'ai donc trouvé que la disposition proposée par l'honorable M. Van Overloop n'était pas assez précise pour qu'on pût l'adopter.

On dit que, bien souvent, nous sommes nous-mêmes dans le cas de prescrire des remèdes. Je l'admets ; mais, tout en voulant exercer la charité ou donner un conseil, on ne doit pas avoir la présomption d'usurper le rôle du médecin, en décidant si le mal est curable, ou s'il ne l'est pas, si le remède est nuisible ou non dans le cas dont il s'agit.

Si ce n'est pas là exercer l'art médical, je ne sais quand on l'exercerait. Si cela est permis à tout le monde, à quoi bon les diplômes ?

Souvent, comme un autre, j'ai proposé des remèdes ; j'ai parlé de ce qui m'était arrivé à moi-même ou à d'autres ; mais jamais il ne m'est arrivé de trancher la question au point de vue de l'art.

Le charlatanisme prononce dans ces cas-là, pour se faire des chalands, pour inspirer une fausse confiance, tandis que l'homme charitable est prudent ; tout en donnant un remède gratuit, celui-ci conseille de recourir au médecin, afin que le remède soit appliqué avec sécurité et qu'il ne donne pas lieu à des abus.

Il y aurait, d’ailleurs, un moyen facile selon moi, d'éviter dans beaucoup de cas les inconvénients qu'on signale : quiconque voudrait se servir d'un de ces remèdes connus qu'on appelle inoffensifs pourrait consulter un médecin. Si celui-ci s'y opposait, ce serait une indication, un conseil utile dont on pourrait profiter ; mais qu'on ne devrait pas suivre, et dans ce dernier cas, il serait constaté que celui qui aurait délivré le remède n'aurait pas eu l'intention de pratiquer la médecine, puisqu'il en aurait appelé à l'avis d'un homme diplômé. On conçoit que cela peut se faire avec une parfaite bonne foi, surtout de la part de celui qui reçoit le médicament.

On a parlé des découvertes faites en médecine, des remèdes nouveaux signalés de temps en temps ; on a soutenu que le système restrictif du gouvernement porterait atteinte aux inventions, aux découvertes en médecine.

Il y a une réponse à cette objection ; car le gouvernement doit soumettre, a la demande des inventeurs, ces découvertes au jugement d'une commission, ou du jury. Je ne sais si le jury, composé comme il l'est, présenterait assez de garanties, à raison de l'élément scientifique quelquefois un peu exclusif qu'il renferme.

Toujours est-il qu'en général, lorsqu'une découverte est réellement utile, elle finit par se faire jour, comme l'expérience le prouve. C'est ce qui a eu lieu en Allemagne, quant à la cure hydrothérapique. Le nom de Priessnitz est assez connu ; mais tout le monde ne sait pas que, dans le principe, Priessnitz a rencontré dans l'exercice de sa méthode hydrothérapique beaucoup de difficultés, qu'il a été accusé d'exercer illégalement la médecine.

Le gouvernement de Vienne a nommé une commission qui a été chargée d'examiner sur les lieux ce qui se passait à Graefenberg.

La commission composée de médecins a été divisée ; mais la majorité s'est prononcée en faveur du docteur improvisé par la nature, et c'est après ce jugement porté par la commission que Priessnitz a pu se livrer à l'exercice de sa méthode curative.

C'est ainsi, messieurs, que ces thérapeutiques nouvelles se font jour ; c'est ainsi que les médecins à la fin se les approprient et en font une étude plus profonde, et que du conflit jaillit la lumière. Preuve les établissements dans lesquels on traite les malades à l'eau froide et qui maintenant se trouvent dans tous les pays.

Nous en avons deux, en Belgique, qui jouissent d'une juste réputation, l'un établi à Courtrai, l'autre à Grammont. Les établissements hydropathiques sont généralement bien fréquentés. Mais s'ensuit-il qu'il n'y ait pas de danger dans le traitement à l'eau froide, qui paraît si inoffensif ? En aucune manière ; j'ai connu des personnes qui se sont traitées à l'eau froide et qui se sont tuées par cette médication ; et je n'excuserais pas, dans tous les cas, celui qui, sans connaître l'art de guérir, prescrirait ce remède.

M. de Mérode. - On a été tué par beaucoup d'autres remèdes.

M. de Haerne. - Je ne dis pas le contraire ; mais c'est une raison de plus pour être circonspect ; c'est une raison de plus pour entourer de certaines garanties l'exercice de ces fonctions délicates.

Messieurs, permettez-moi de dire encore quelques mots relativement à la question de la charité qui, avec raison, nous préoccupe beaucoup.

Dans une séance précédente, un de nos honorables collègues qui est bourgmestre d'un de nos grands villages depuis longtemps et dont l'opinion est d'un grand poids en cette matière, l'honorable M. Rodenbach nous a donné un excellent conseil en disant que l'homme charitable, voulant donner un remède à un pauvre, peut envoyer celui-ci au médecin nomme par le bureau de bienfaisance. Je sais qu'on a répondu que les bureaux de bienfaisance ne sont pas toujours à même de permettre que l'on recoure au médecin à raison des dépenses.

Mats il me semble évident que si le bureau de bienfaisance ou le médecin nommé par ie bureau de bienfaisance, pour un motif ou pour un autre, refuse de recevoir le pauvre, alors l'homme charitable, donnant son remède, ne peut, en aucun cas, être passible des peines comminées par la loi. C'est ici le cas d'une de ces exceptions dont a parlé dans la (page 455) séance d'hier l'honorable ministre de la justice. C'est bien là le cas, s’il peut se présenter, de permettre la distribution de certains remèdes, c'est ce qui est permis partout.

L'honorable collègue que je nommais toutà l'heure a fait, messieurs, il y a longtemps, à l'âge de onze ans, une triste expérience de ce que c'est que de tomber entre les mains d'un oculiste inhabile. Je fais ici cette observation, puisqu'il s'agit précisément, dans l'espèce, de l'art de guérir les yeux. Si les oculistes se trompent, à plus forte raison ceux qui n'ont pas étudié la partie sont exposés à l'erreur.

Après tout, messieurs, la charité, pour être réelle, doit être éclairée. Les remèdes inutiles ou dangereux peuvent bien flatter l'amour-propre de celui qui les donne. Mais, selon moi, ils ne constituent en aucune manière un acte de charité. Pour qu'il y ait charité réelle il faut qu'il soit probable que le remède produira quelques bons effets.

La charité, messieurs, est généreuse ; la charité se dilate envers tout le monde, envers tous les malheureux, mais elle s'égare quelquefois, permettez-moi de le dire. Messieurs, j'ai connu un homme qui, par charité, exerçait aussi la médecine à sa manière ; il soignait tout le monde, et la preuve qu'il le faisait par conviction, c'est qu'il se saignait lui-même, et il s'est tellement saigné à blanc qu'il est mort d'inanition. Il avait un autre remède, c'était une pilule qui lui servait de panacée ; il la donnait en cas de typhus, en cas de choléra et d'autres maladies. Lors de l'invasion du choléra, sa maison était assiégée ; son spécifique faisait fureur.

Il distribuait de ses pilules à tout le monde. Les médecins se révoltaient contre ce hardi csculape, on disait : Les médecins ont tort, c'est par intérêt qu'ils agissent. On criait contre eux, on les aurait assommés, si la police n'était pas intervenue. Le brave homme dont je parle croyait ses pilules et ses saignées très inoffensives. Je dis que ce sont là des actes qui peuvent être inspirés par la charité, mais par une charité mal entendue, peu éclairée, que nous ne devons pas encourager par la loi, que nous ne pouvons pas tolérer.

Il est à désirer que la charité marche, autant que possible, escortée par la science ; la charité et la science doivent s'unir et se soutenir en ce qui concerne la santé du peuple.

Et ici, messieurs, permettez-moi de dire quelques mots en faveur des médecins dont on méconnaît un peu trop les services.

Puisqu'on a eu l'air de les mettre sur la même ligne que ceux qui ne méritent pas ce nom, je dois dire, à l'honneur de mon pays, à l'honneur de la localité que j'habite et que, par conséquent, je connais le mieux, je dois dire que le corps médical, en général, sa distingue par une noble émulation au point de vue de la charité autant qu'au point de vue de la science. Je connais une foule de médecins très charitables. Je pourrais en citer qui, lorsque le choléra éclata parmi nous, ont exercé envers les pauvres un véritable sacerdoce.

Je connais des médecins qui, par zèle, ont succombé au typhus ; j'en connais qui par pur dévouement pour les indigents, ont été à deux doigts du tombeau ; et ces hommes, messieurs, dont le gouvernement n'a pas toujours assez reconnu les services, ont eu, en général, pour seule récompense la satisfaction que donne la conscience d'avoir accompli une bonne œuvre.

Je pourrais nommer un médecin qui distribuait gratuitement des médicaments pour une somme dix fois supérieure à celle que lui valait toute sa clientèle ; plusieurs ont mis leur ministère, leur bourse, leur vie à la disposition des malades sans ressource.

Ainsi, messieuïs, soyons justes envers ces hommes de l'art, que la charité distingue autant que la science, et parmi lesquels règne une si noble émulation pour le bien-être de leurs semblables, émulation que j'aime à attribuer au caractère spécial de la nation autant qu'à l'amour du devoir et de l'humanité.

Au point de vue national nous respestons l'état militaire que nous envisageons comme un état de dévouement et de sacrifice ; respectons aussi les soldats de la santé publique qui souvent, pour sauver leurs semblables, meurent sur un champ de bataille peu brillant aux yeux de la foule, mais qui n'bu est pas moins glorieux aux yeux des hommes charitables.

On dit, et cette objection je l'entends encore faire autour de moi, on dit que des abus se rencontrent partout, qu'on voit des médecins qui se trompent, qu'il y a des charlatans diplômés.

J'en conviens, mais comme je l'ai déjà dit, c'est une raison de plus d'être prudent ; car si l'ignorance, le chalatantisme se réfugie sous le diplôme, les abus qui se commettent par des personnes non diplômées sont d'autant plus à craindre.

On parle de communes où il n'y a pas de médecins ; cela est assez rare en Belgique. (Dénégation.) Soit ; je n'insiste pas là-dessus ; je vous accorde tout ce que vous voudrez à cet égard. D’un autre côté, il y a des villades qui en possèdent plusieurs. Mais j’admets qu’il n’y a pas assez de médecins. Savez-vous ce qu’il fait faire pour qu’il y en ait dans toutes les localités ? Il faut encourager la science, l’art médical ; il fait que les diplômes ne soient pas un vain chiffon de papier ; il faut que les examens faits devant les jurys soient sérieux et ne puissent pas dans la pratique être éludés par les personnes qui ne sont pas graduées. Voilà lemoyen d’attirer ces médecins dans les localités où leur présence est nécessaire.

On fait aujourd'hui dans le pays et ailleurs de très louables efforts en faveur de l'hygiène publique ; on assainit les quartiers malsains et infects ; on préserve les populations des émanations morbifiques, et on proscrit aussi par des règlements de police la vente de certaines substances alimentaires peu saines et qui pourraient engendrer des maladies.

Mais si l'on prend tant de précautions pour prévenir la maladie, il faut, pour rester conséquent, user des mêmes précautions lorsqu'il s'agit de traiter les malades. Il ne faut pas détruire d'une main ce qu'on a établi de l'autre.

Voi'à pourquoi on ne saurait être trop prudent à cet égard. Si l’empirisme était directement ou indirectement autorisé, par suite d’une disposition légale, ceux qui en seraient victimes ne feraient pas entendre leurs plaintes, parce qu’en général ceux qui recourent aux empiriques sont des personnes peu éclairées et qui ne savent pas distinguer entre les charlatans et les médecins ; ils sont victimes sans qu’on s’en doute parmi leurs proches ou leurs amis.

En résumé, je dois dire que personne plus que moi ne veut donner un libre cours à la charité ; je veux que l'exercice de la charité puisse avoir lieu dans toute sa latitude ; mais je désire aussi que la charité ne s'égare pas, par de fausses inspirations ; je veux qu'en matière médicale elle soit entourée de certaines garanties ; je ne veux pas l'isoler complètement de la science, je veux que directement ou indirectement elle y recoure autant que possible. La science et la charité doivent s'unir, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, dans l'intérêt de la santé publique.

En défendant aux hommes non qualifiés d'exercer ce qu'on appelle proprement l'art médical, ce qui se fait par le diagnostic, par le jugement porté sur le mal et sur l'opportunité du remède, je suis persuadé que nous sauvegardons pleinement l'exercice de la charité, car on pourra toujours donner un remède quelconque, en disant qu'on n'entend pas se prononcer sur l'état du malade et qu'on lui conseille, au contraire, de recourir, autant que possible, aux lumières d'un médecin, et de lui soumettre le remède dont il s'agit. C'est ainsi que la charité sera toujours à l'aise, et que le charlatanisme seul sera frappé.

Il n'y a donc aucun inconvénient à craindre, en entrant dans le sens du projet et de l'amendement présenté par l'honorable M. Lelîèvre. Agir autrement, ce serait, selon moi, j'en ai la conviction profonde, méconnaître l'économie de la loi que nous avons, non pas à réviser, mais à interpréter. J'ai dit.

M. le président. - Voici un amendement qui a été déposé sur le bureau par M. Thibaut :

« Je propose d'ajouter, après les mots : « il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir, lorsque, habituellement, etc. », ceux-ci : « et à moins de circonstances urgentes ou exceptionnelles. »

(Le reste comme dans la rédaction de M. le ministre de la justice. )

M. Thibaut aura la parole, pour développer cet amendement, lorsque son tour d'inscription viendra.

M. de Mérode. - Après les observations présentées hier par un honorable représentant du Limbourg, homme d'ordre, homme de gouvernement, qui fut ministre pendant plusieurs années cet qui ne peut être suspect de vouloir des libertés dangereuses ; après la citation qu'il a faite de l'avis du conseil d'Etat impérial sous un régime où le laissez-faire ne péchait point par excès, il reste peu de chose à dire à l'appui du genre de faculté curative gratuite que croyait posséder M. Kervyn, faculté dont l'exercice était reconnu louable de la part des prêtres desservant les paroisses, comme de tous autres citoyens, selon le conseil d'Etat de l'empire.

M. l'abbé de Haerne est venu vous citer un traitant gratuit qui avait l'habitude de saigner à outrance tous ceux quî venaient demander ses conseils, et qui se saignait en personne de la même manière. Si telle eût été la conduite de M. Kervyn, nul doute que la cour d'appel de Gand n'eût confirmé à son égard le jugement de première instance.

Ainsi donc l'interprétation humaine et pratique des cours d'appel de Gand et de Liège à l'égard d'une loi qui, par sa nature même, exige les tempéraments les plus doux et l'appréciation spéciale et morale des faits par les tribunaux, doit être la nôtre ; puisque nous sommes appelés à trancher un conflit entre les cours supérieures de justice.

Je ne doute point que le tribunal de première instance qui a condamné M. Kervyn ne l'ait fait à regret, et en déplorant l'interprétation dure qu'il se croyait obligé d'appliquer, je suis persuadé que les membres de la cour de cassation eux-mêmes se félicitent, comme individus, des facilités que vous assurerez à la charité.

Selon nos institutions, deux avis conformes de cour d'appel forment équilibre avec un jugement contraire de la cour de cassation. Les questions de droit savant ne sont pas à ma portée. Je serais donc fort embarrassé, s’il se prèsentait à résoudre pour moi l'une de ces questions difficiles ; mais ici je sens très bien que dans un pays où il est permis de vendre, sans contrôle, tous les poisons moraux littéraires quelconques, il est incroyable que l'on défende de donner gratuitement un remède parfaitement connu et qui n'est, pour ainsi dire, jamais nuisible, bien que parfois insuffisant.

De deux choses l'une : les Belges sont des enfants pleins d'ignorance et d'étourderie, ou ils jouissent d'une dose passable d'intelligence et de bon sens.

Or, en permettant qu'on leur vende tous livres et journaux quelconques, même les plus immoraux, les plus trompeurs, on leur accorde nécessairement beaucoup de tact et beaucoup de discernement, dès lors on peut bien attribuer une suffisante sagacité à des tribunaux composés d'hommes plus instruits que la foule, pour leur laisser le droit de ne pas confondre un Kervyn avec un trafiquant de drogues nuisibles.

C'est là toute la prétention que j’ai pour nos juges en ce qui concerne l'objet de notre discussion actuelle, et j'ai cette prétention dans l'intérêt (page 456) des pauvres ; c'est pourquoi je l'exprime avec tant de chaleur en faveur de ces malheureux dont les besoins incessants sont trop imparfaitement connus de bien des personnes plus heureusement placées en ce monde.

Le système adopté par les cours de Gand et de Bruxelles n'est pas un système dépourvu de garanties raisonnables pour la santé publique. Ces cours n'entendent point briser à volonté les prescriptions de la loi, elles les expliquent avec modération, avec intelligence, en maintenant le juge dans le droit de peser les circonstances qui accompagnent les faits soumis à leurs arrêts.

M. de Steenhault. - Messieurs, j'étais opposé au projet de loi présenté par le gouvernement, mais hier M. le ministre de la justice a donné une interprétation telle au projet de loi, que je suis prêt à m'y rallier complétement, si toutefois je l'ai bien comprise. Je dois dire que cette interprétation me paraît si différente du projet même du gouvernement que je ne puis me dispenser d'y revenir et de demander quelques explications à M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice disait hier :

« Il est de toute évidence que la mère de famille dans sa maison, le châtelain dans son domaine, le curé dans sa paroisse, le citoyen possesseur d'un spécifique, au milieu de ses amis ou d'individus qui viennent en confiance lui demander de temps en temps un conseil ; il est évident que toutes ces personnes-là resteront libres d'appliquer certains remèdes dans certains cas.

« Mais il s'agissait, la cour de cassation vous l'a déclaré, d'une personne qui ouvre son château à jour fixe, qui y reçoit tous ceux qui, étant atteints de maux d'yeux, viennent demander un remède ; il s'agissait d'une personne qui examine, qui apprécie la nature du mal et qui, après avoir fait un diagnostic régulier, juge s'il y a lieu, oui ou non, d'appliquer le remède. Eh bien, c'est là le cas de l'habitude gratuite, et nous soutenons que l'habitude gratuite doit être comprise dans l'interprétation de la loi de 1818. »

M. le ministre faisait donc consister la culpabilité dans l'examen, dans l'appréciation de la nature de la maladie, dans le diagnostic, dans le jugement en général qu'on porte sur la maladie. Je demande à M. le ministre si, à ses yeux, un homme distribuant gratuitement tantôt un remède, tantôt un autre à des malades qui viennent lui demander un secours ; le distribuant sans examiner les malades, sans décider de la curabilité ou de l'incurabilité du mal, s'en rapportant, quant au mal, à la déclaration du malade lui-même, sans que ce soit à jour fixe ; je demande à M. le ministre de la justice si cet homme-là est coupable.

M. Rodenbach. - Je dois déclarer que dans les Flandres il y a quelques communes sans médecins ; mais là où il n'y a ni médecins, ni chirurgiens, il se trouve des hommes diplômés qui viennent des villages circonvoisins et qui reçoivent un salaire pour soigner les malades.

On a pailc de châteaux où l'on exerce la charité, de sœurs de charité et de sœurs de Saint-Yincenl-de-Paul ; on a cité des ecclésiastiques et d'autres personnes bienfaisantes qui, tant par des moyens pécuniaires que par leur esprit de religion et de dévouement désintéressé, donnent leurs soins aux malades. Cela eît exact, et même dans la localité dont j'ai l'honneur d'être bourgmestre, cela se pratique beaucoup, et au grand contentement de toute la population.

Je suis convaincu qu'avec la nouvelle rédaction de M. le ministre de justice, toutes ces personnes bienfaisantes que je viens de citer pourront continuer à exercer ces actes de véritable philanthropie chrétienne.

J'ajouterai que mon expérience d'administrateur m'a prouvé que lorsque des malheureux ont perdu la vue, les bureaux de bienfaisance leur accordent des subsides pour se faire traiter par des oculistes, et je citerai même à ce propos le remarquable établissement ophthalmique de Bruxelles, dirigé d'une manière si distinguée et si désintéressée par le savant oculiste M. Cunier dont la réputation est presque européenne et où l'on envoie ces malheureux pour les y faire soigner ; ce qui fait honneur à la Belgique et ce qui prouve que les hommes privés de la vue n'y sont pas aussi abandonnés qu'on a bien voulu le soutenir.

D'ailleurs, lorsque des personnes charitables donnent des conseils ou des soins, elles le font sous le contrôle même des médecins payés par les bureaux de bienfaisance ; mais les empiriques n'agissent pas ainsi.

L'honorable comte de Mérode nous dit que les tribunaux ont acquitté deux fois M. Kervyn ; mais il paraît certain, puisque M. le ministre de la justice l'a avancé, que M. Kervyn avait fixé des jours dans son château pour y recevoir ses malades, comme le font les docteurs. Certes c'est un homme humain, désintéressé, animé des meilleures intentions et d'une générosité éprouvée ; mais il paraît qu'il emploie presque toujours la pommade de Lion, c'est sa panacée universelle, il n'en possède pas d'autre, et je trouve que l'emploi du même remède pour toutes les maladies d'yeux peut-être souvent funeste.

Le premier jour de la discussion, un des docteurs qui se trouvent parmi nous, l'honorable M. Thienpont, m'a dit que la recette de cette pommade se trouve dans un grand nombre de pharmacopées de France ; il paraît qu'on l'a fait analyser en Belgique et l'on a reconnu que ce remède n'est pas aussi inoffensif qu'on a bien voulu le dire puisqu'il contient un quinzième de précipité rouge. La philanthropie de M. Kervyn peut donc être très funeste, car un médecin distingué, M. André Uytterhoeven, qui dirige l'hôpital St-Jean à Bruxelles, m'a dit que le précipité contenu dans cette pommade peut bien souvent augmenter l'inflammation qui peut exister dans les yeux. Vous voyez donc, messieurs, combien il est dangereux de vouloir protéger une trop grande philanthropie !

Lorsqu'il s'agit de traiter des chevaux, des bœufs, ou d'autres animaux, on exige des diplômes ; vos commissions médicales parcourent les campagnes pour contrôler les pharmacies des médecins, des chirurgiens et des vétérinaires, elles dressent des procès-verbaux en cas de contravention, et par le rapport de la section centrale, on pourrait sans contrôle et gratuitement débiter un remède ! C'est ce qui ne peut être toléré.

D'ordinaire l'empirique ne perçoit rien pour sa drogue, mais il a des compères qui ont à leur service des domestiques et ceux-ci reçoivent, des personnes qui se rendent chez ces médicastres, soit un cadeau, soit une indemnité pour qu'ils les fassent passer les premières à l'examen de ces empiriques. C'est là un fait qui s'est passé à Bruxelles même. Le remède n'est donc pas gratuit.

Lorsqu'un homme, véritablement ami de l'humanité et du bien, comparaîtra devant un tribunal, d'après la déclaration que MM. les ministres de la justice et de l'intérieur viennent de nous faire en nons citant l'avis du conseil d'Etat de France et l'esprit de votre loi, je suis convaincu qu'on ne le condamnera pas ; mais il faut cependant que l'on ait des mesures répressives, car sans cela les empiriques vont pulluler, et au lieu d'en avoir un millier d'ici à peu de temps, on en verra décupler le nombre.

M. Van Overloop. - Je serai très bref dans ce que j'ai à répondre aux arguments qu'on a fait valoir contre mon amendement. Personne ne rend un hommage plus sincère que moi au talent distingué, aux sentiments généreux qui animent l'honorable ministre de la justice ; mais quel que soit le respect que je professe pour des opinions lorsqu'elles émanent de personnes telles que M. le ministre de la justice, je ne puis, dans cette discussion, me rallier à son argumentation.

L'honorable ministre de la justice a commencé hier par dire que mon amendement allait au-delà de ce que la chambre, exerçant le droit d'interpréler, peut faire. Je dirai à M. le ministre que c'est résoudre la question par la question.

La question est de savoir, d'après moi, telle a été toute ma thèse, est de savoir si le mot « uitoefenen », employé par la loi hollandaise, implique l'dée de profession ou non. Pour justifier que ce mot signifie profession, je l'ai interprété grammaticalement ; j'ai dit que j'avais consulté des littérateurs flamands, des notabilités et que, selon ces personnes, le mot « uitoefenen » implique effectivement l'idée de profession.

Ensuite, j'ai examiné l'ensemble des dispositions de la loi de 1818, et je crois avoir démontré qu'il résulte de cet ensemble de dispositions qu'il est impossible de comprendre le mot « uitoefenen » autrement. Enfin, j'ai invoqué l'ancienne législation et puis la législation moderne ; et à l'aide de tous ces arguments je crois avoir prouvé que la loi n'a jamais voulu réprimer que la profession.

On a insinué que d'honorables membres de cette chambre, appartenant à la profession médicale, ne sont pas, par cela seul, en position d'interpréter convenablement un texte de loi, quoique la loi ait pour objet l'art de guérir.

Mais, s'il en est ainsi, l'Académie de médecine, quelques capacités qu'elle renferme au point de vue médical, n'est pas plus habile que nos honorables collègues.

Remarquez-le bien, messieurs, je vous en adjure, il ne s'agit que d'une question d'interprétation. Sur quoi ont roulé les objections qu'on a opposées à mon amendement ? Sur les inconvénients qu'il peut entraîner aussi bien que celui de la commission.

Je ne tiens pas à mon amendement ; je serais même disposé à me rallier à la proposition de la commission si elle me paraissait suffisamment expliquer la volonté du législateur de 1818. Si j'ai déposé mon amendement, c'est que je trouve qu'il est plus général, qu'il rend d'une manière plus complète la pensée du législateur de 1818.

Quels arguments a-t-on fait valoir contre mon opinion ? Des arguments tirés non de la volonté présumée du législateur, mais des inconvénients qui peuvent résulter de tel ou tel système. Je dis que si, ait lieu d'interpréter, on veut faire disparaître des inconvénients, on ajoute à la loi ou on la diminue ; si nous ajoutons, nous commettons une injustice, car notre décision entraînera une condamnation ; si nous diminuons la loi, nous compromettons la salubrité publique ; c'est ce que nous n'avons pas le droit de faire.

On ne peut pas se le dissimuler, des inconvénients doivent résulter des deux systèmes, il n'y a rien de parfait.

Ce qu'il faut voir, ce qu'il faut rechercher, c'est l'interprétation qui donnera lieu à la moindre somme d'inconvénients, non dans l'intérêt de la faculté, mais dans l'intérêt de la société.

A ce point de vue nous devons uniquement examiner quels inconvénients pourraient résulter de l'une ou de l'autre interprétation pour des personnes auxquelles nous nous intéressons tous, qui méritent toutes nos sympathies pour les malheureux.

L'honorable M. de Haerne vous a cité, messieurs, le malheur arrivé à un de nos collègues par suite du traitement qui lui a été administré. Je ferai une simple observation, c'est que cet honorable membre a été traité par une personne diplômée. L'honorable membre a également parlé de ce qui s'est passé lors du choléra. Je vous demanderai de quelle, utilité a été la faculté pour introduire des moyens de parer aux malheurs du choléra ? Elle est restée impuissante.

Si en définitive on a pu parer à quelques-uns des dangers de ce fléau, (page 457) c’est par des mesures d'hygiène publique, non par les conseils ou les médicaments donnés par la faculté.

Si mes souvenirs sont exacts, cela est et doit être constant pour tout le monde.

L'amendement, dit-on, aurait pour ce résultat de détruire l'harmonie de la législation sur l'art de guérir, mais il ne s'agit que d'interprétation.

Dès lors, je demanderai pourquoi l'on objecte que mon amendement détruirait l'harmonie de nos lois.

Il ne s'agit pas de maintenir l'harmonie dans la législation, pas plus que d'y introduire le défaut d'harmonie. Laissons de côté tous ces arguments, qui ne peuvent pas donner satisfaction complète à l'intelligence sur la question qui nous est soumise.

En insérant le mot « profession », dit M. Lelièvre, vous arriveriez à ce résultat que bientôt vous devriez faire une nouvelle loi interprétative pour fixer le sens du mot « profession ». Une pareille objection m'a étonné de la part d'un jurisconsulte si distingué que l'honorable M. Lelièvre ; le Code de commerce porte dans son premier article : « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession, etc., » les tribunaux sont appelés tous les jours à appliquer cet article, je ne sache pas qu'un doute se soit jamais élevé sur la portée du mot « profession ».

L'honorable membre a relevé la citation que j'ai faite de l'article 319 du Code pénal. Pourquoi cet article établit-il une sanction pénale ? Pour dire à tous les citoyens qui sont présumés connaître la loi : Si vous faites telle chose vous encourrez telle peine ; si, en donnant un conseil ou en appliquant un remède sans en avoir le droit, par votre imprudence, vous occasionnez un malheur, l'article 319 du Code pénal vous sara applicable.

À ce point de vue j'ai pu citer le Code pénal, la menace qu'il renferme est une mesure préventive. On a voulu punir dans toutes les législations le charlatanisme, l'empirisme, la profession, car les charlatans, les empiriques sont profession de charlatanisme, ils se présentent comme exerçant une branche quelconque de l'art de guérir. Qu'est-ce qui anime l'homme généreux qui vient au secours de ses semblables, à l'aide de conseils et de médicaments ? C'est le désir d'être utile à ses semblables.

Par cela même il est prudent ; par cela même qu'il est mû par le désir d'être utile à ses semblables, il ne fait pas d'acte d'imprudence.

Voilé pourquoi le législateur ne punit que la profession.

L'empirique, au contraire, n'a pas en vue l'utilité de son semblable ; il n'a en vue que l'utilité de sa bourse, voilà pourquoi il expose les gens crédules à des dangers réels ; voilà pourquoi le législateur a dû intervenir pour réprimer le charlatanisme ou la profession de l'art de guérir, alors qu'on n'est point diplômé.

Voilà pourquoi le législateur n'a jamais entendu frapper que le charlatan et l'empirique de profession.

Voici en fait ce qui est arrivé de l'affaire de M. Kervyn. M. Kervyn qui par sa pratique, par l'étude qu'il avait faite de l'œil, par ses observations, était parvenu à distinguer s'il pouvait ou non appliquer la pommade qu'il donnait, ne la donne plus ; mais elle se vend chez tous les pharmaciens, elle se vend en aveugle ; une personne affectée d'un mal d'yeux fait demander un pot de..... ; on le lui délivre sans examen ; mais au lieu de l'avoir pour rien, le malade doit aujourd'hui payer.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Le pharmacien est en contravention.

M. Van Overloop. - Je n'en disconviens pas, je cite le fait.

M. Orts. - M. Kervyn a-t-il guéri quelqu'un ?

M. Van Overloop/ - Qu'on use cite des cas où son remède a été nuisible.

On ne le pourrait pas.

Messieurs, ce serait abuser des moments de la chambre que d'insister plus longtemps.

Si mes renseignements sont exacts (et j'en appelle à M. le ministre de l'intérieur), un projet nouveau sur l'exercice de l'art de guérir est prêt ; il doit être déposé sous peu. De sorte que cette interprétation qui nous occupe depuis trois semaines aura, en définitive, pour résultat de donner un caractère déterminé à l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, pendant quelques semaines ; rien de plus.

M. Rodenbach. - Croyez-vous que vous aurez une loi, dans quelques semaines ? Quant à moi, je crois que vous ne l'aurez pas avant deux ans.

M. Van Overloop. - En résumé, messieurs, il s'agit de savoir si l'on veut frapper la charité ou l'empirisme, de savoir si une personne qui, par charité, distribue aux malades des remèdes connus (jamais que je sache, on n'en distribue d'autres) peut être condamnée à l'amende, et en cas de récidive à la prison. C'est une question d'humanité, et partout où l'humanité est en cause, je voterai pour elle.

Par conséquent, je ne puis admettre l'interprétation proposée par le gouvernement, tout en reconnaissant que l'honorable ministre de la justice a fait une grande et utile modification à la rédaction primitive.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le projet de loi en discussion présente à la fois un intérêt social et un intérêt scientifique. Il se rattache aussi, comme on vient de le dire, à une législation qui s'élabore, en ce moment, par les soins du département de l'intérieur, et sur laquelle probablement, dans le cours de cette session, la chambre pourra être appelée à donner son avis.

C'est au nom de tous ces intérêts que je vous prie de me permettre d'insister sur la nécessité d'admettre l'interprétation du gouvernement, avec la rédaction nouvelle proposée par M. le ministre de la justice.

Hier, un honorable orateur, M. le comte de Theux, a parlé de la nécessité d'accorder quelques facilités à l'esprit de charité ; il a dit qu'il ne demandait autre chose que ce qui se pratique en France, que l'exécution complète de l'avis du conseil d'Etat du 8 vendémiaire an XIV.

Pourquoi, dit l'honoroble orateur, n'aurions-nous pas en Belgique, ce qui est pratiqué généralement sans inconvénient, en France ?

Déjà, M. le ministre de la justice a fait remarquer que l'interprétation donnée à la loi de 1818, en Belgique, ne s'écarte pas du tout des instructions données par le gouvernement français sous l'empire de l'avis du conseil d'Etat de l'an XIV.

Pour bien se rendre compte de l'esprit dans lequel a été rédigé cet avis, il faut d'abord bien le lire et ensuite l'expliquer, et vous verrez que nous ne serons pas éloignés de nous entendre. Permettez-moi d'en donner une lecture attentive. Cela aura peut-être pour résultat d'abréger beaucoup la discussion.

Voici cet avis :

(M. le ministre donne lecture de cet avis.)

Ainsi, messieurs, vous le voyez, l'avis du conseil d'Etat se borne à autoriser les conseils, les soins, les secours que peuvent donner les curés (comme les autres citoyens) à leurs paroissiens malades, quand ils seront appelés auprès d'eux par les devoirs de leur ministère. Cela veut dire seulement que les cures peuvent indiquer aux malades, tout ce que la raison et l'expérience leur suggéreront, leur prescrire, par exemple, certaines précautions, certains aliments, leur en défendre d'autres, indiquer des remèdes familiers ; en un mot, donner aux malades ces soins, ces secours, que tout homme intelligent comprend, que l'on applique dans la famille, en attendant que le médecin arrive pour éclairer la situation.

Voilà quels sont les soins que peuvent donner les curés charitables, quand ils se rendent auprès de leurs paroissiens.

Méditez, messieurs, cet avis du conseil d'Etat, et vous aurez à l'instant la conviction qu'on ne peut pas aller au-delà de ces conseils, de ces secours que je viens d'indiquer. En effet, l'avis du conseil d'Etat, après avoir autorisé les conseils et les secours de cette nature, a soin d'ajouter à l'instant même : « pourvu qu'ils ne signent ni ordonnances, ni consultations. »

Ainsi en France, alors comme aujourd'hui, il n'est pas permis à un curé, pas plus qu'à tout autre, quand il se rend auprès d'un malade, de prescrire, d'administrer des remèdes qui supposent l'intervention de la pharmacie. Je répète que cela n'est pas permis en France sous l'empire de l'avis du conseil d'Etat auquel on a fait hier appel comme à un acte de souveraine justice que nous devions nous empresser d'imiter. En effet, pourquoi interdit-on, au curé, la faculté de délivrer des ordonnances ? Quel est le but d'une ordonnance délivrée à un malade ?

C'est de se procurer un remède, de pouvoir aller chez le pharmacien de se faire délivrer, à l'aide de cette ordonnance, l'objet dont il a besoin pour combattre la maladie. Or, l'avis du conseil d'Etat défend littéralement, à toute personne autre que le médecin, de délivrer des ordonnances dans un cas de maladie. La seule chose qui soit permise au prêtre charitable qui se rend auprès des malades, c'est de donner des conseilsn de donner les soins, de donner les secours que l'on donne généralement en pareille circonstance.

Et, messieurs, je rencontre ici l'observation qui a été faite par plusieurs honorables membres, notamment par l'honorable M. Dumortier. On a dit : Vous voulez donc interdire toute espèce de secours ? Vous voulez donc interdire l'administration de ces remèdes familiers que tout le monde connaît, que tout le monde indique au premier signal d'une indisposition ? Vous voulez empêcher la mère de famille de donner des soins à sa fille ? Vous voulez proscrire du foyer domestique les premiers secours que l'on donne, quand une maladie s'annonce ?

N'exagérons rien. Non, messieurs, jamais on n'a voulu proscrire des soins, des secours de cette nature ; jamais la pensée n'en est venue à personne dans aucun pays. D'abord, dans sa famille, chez soi, on est maître absolu de faire ce que l'on veut ; mais la pratique constante est que nulle part on n'empêche les hommes charitables de donner des conseils, de porter des secours, d'indiquer même de ces remèdes que l'intelligence la plus vulgaire peut comprendre, qui sont à la portée de tout le monde. Voilà ce qui est de pratique et de raison écrite dans l'avis du conseil d'Etat auquel on nous ramenait.

Le prêtre, puisqu'il s'est agi des ecclésiastiques qui ont plus souvent l'occasion de porter des secours aux malades des campagnes, ne pourra donc délivrer des ordonnances, et par là je suis autorisé à dire qu'il n'a pas le droit de délivrer des médicaments qui supposent l'intervention du pharmacien. Rien, selon moi, n'est plus clair que cette proposition aux termes mêmes de l'avis du conseil d'Etat.

Voilà, à mon avis, le sens de la décision du conseil d'Etat bien établi ; voilà, me semble-t-il, dans quelles limites vous devez l'entendre. Si vous êtes d'accord avec moi, sur la nécessité de renfermer les termes de cet avis dans les limites que j'ai indiquées, vous verrez que nous n'avons rien en Belgique qui répugne à ces secours que la charité indique, que la liberté permet à tout le monde d'employer, et que les affections de famille comme la philanthropie des particuliers nous commanderont toujours de mettre en pratique.

Messieurs, dans la pratique que laisons-neus ? Nous faisons précisément ce que je viens d'indiquer ; et jamais il n'est venu à l'esprit de (page 458) personne, par exemple, d'interdire à la sœur de charité, à la soeur de Saint-Vincent-de-Paul, d'administrer, dans les maisons particulières où elle se rend, les premiers soins que réclame l'état des malades ; et même en l'absence des médecins, d'improviser de ces remèdes que la raison, que l'expérience prescrit à tout le monde.

En Belgique comme en France la répression ne commence que quand on se substitue au médecib, au pharmacien, pour prescrire d'un côté, pour administrer de l'autre, des remèdes pour l'application desquels il faut, pensez-y bien, autre chose que la charité ; pour l'application desquels il faut de l'intelligence, des connaissances spéciales. Il faut, en premier lieu, savoir apprécier dans quel état se trouve le malade, et en second lieu, quelle sera l'efficacité du remède que l'on conseillera au malade d'employer.

Messieurs, c'est là aussi la pensée de la loi de 1818. C'était la pensée du gouvernement, et jamais dans des circonstances analogues, la loi n'a été appliquée au-delà des termes que je viens d'indiquer ; jamais, je le répète, il n'est venu à l'esprit de personne que cette loi pût devenir l'occasion d'un obstacle à l'exercice de l'esprit de charité applique soit dans la famille, soit à des individus envers d'autres individus qui leur sont étrangers.

L'honorable comte de Theux a dit aussi que la loi de 1818 permettait en tout cas de donner, que la seule chose qu'elle interdisait, c'était de vendre.

Messieurs, j'ai vainement cherché dans la loi de 1818 la distinction que l'honorable comte a indiquée, et je crois que c'est une véritable erreur. La loi ne s'occupe pas de la question de savoir, si celui qui prend la qualité de médecin donne le remède ou s'il exerce un acte à titre onéreux, en d'autres termes s'il vend.

La loi défend une seule chose ; elle défend d'administrer, de donner des remèdes à ceux qui n'ont pas la qualité nécessaire pour cela, la qualité reconnue par la loi.

Voilà ce que fait la loi de 1818, et il importe fort peu, dans l'intérêt du malade, que le remède que l'on administre soit le résultat d'une pensée charitable, ou que ce soit le résultat d'un acte intéressé. Ce qui importe au malade, c'est de recevoir des secours efficaces ; et quand à l'aide d'un secours qui sera le résultat de l'esprit de charité, le malade aura vu sa santé, et peut-être sa vie compromise, je voudrais bien qu'on me déclarât si le malade se trouvera satisfait ; et s'il n'aimerait pas mieux mille fois d'avoir payé, au poids de l'or, le remède qu'il aurait dû recevoir, et qui, donne avec intelligence, lui aurait sauvé la vie, ou tout au moisis la santé.

Et ici, pour rencontrer l'objection que l'on a faite dans le cours de la discussion, au sujet de l'impossibilité où se trouvent beaucoup de malades pauvres de recevoir immédiatement les secours du médecin, je dirai que les cas d'urgence échappent à l'application de toute espèce de loi, et qu'il y a une loi suprême, une loi de raison, une loi de charité, qui nous dit que quand un de nos semblables souffre, et qu'il n'a pas à côté de lui les moyens de se procurer immédiatement les secours nécessaires, nous devons intervenir par les moyens que le bon sens et la prudence indiquent.

Mais ce n'est pas pour des cas pareils (à cet égard tout le monde peut se tranquilliser), que la loi de 1818 a été faite et que, tout en soutenant les intérêts de la science et de l'administration, nous vous proposons d'adopter l'interprétation qui vous est soumise par le gouvernement.

Un intérêt plus élevé que celui de la vente on du don d'un remède a inspiré la loi. Cet intérêt, c'est celui de l'humanité, des malades, et cet intérêt vent que nous la protégions par tous les moyens qui sont à notre disposition.

Cette protection est-elle efficace ? On a dit que non. On prétend que dans les campagnes il y a défaut de- médecins dans bien des circonstances.

Messieurs, on a déjà beaucoup fait sous ce rapport. Dans un grand nombre de communes il esiste des médecins ; presque partout on peut s'en procurer en quelques heures.

Et s'il y a des lacunes encore, comme je le reconnais, dans certaines localités, eh bien, la loi qui vous sera soumise, j'espère, dans le cours de la session, s'occupera des moyens de combler ces lacunes. Des propositions ont été élaborées, d'après lesquelles, par exemple, il y aurait toujours dans chaque chef-lieu de canton un médecin à la disposition de tous ceux qui en auraient besoin, et, par conséquent, du pauvre en premier lieu.

On a dit aussi, pour combattre la proposition du gouvernement, qu'il y a bien d'autres abus à réprimer. Tous les remèdes spéciaux, dit-on, circulent librement, sont annoncés par les journaux, et personne ne s'en occupe ; mais quand il s'agit d'actes que la charité inspire, à l'instant le gouvernenent s'arme pour les combattre.

C'est encore une erreur : ces remèdes ne circulent pas sans que l'administration n'ordonne des poursuites. Sans doute quelquefois des faits irréguliers échappent à l'administration, mais il y a aussi des sentinelles vigilantes préposées par le gouvernement pour veiller à tout ce qui intéresse la santé publique.

Ce sont les commissions médicales, et je puis affirmer à la chambre que dans beaucoup de circonstances les commissions médicales signalent aux gouverneurs des provinces une quantité de contraventions.

Vous voyez donc, messieurs, qu'aucun fait n’est négligé, et que ce n'est point pour le plaisir d'attaquer l'esprit de charité dans sa source la plus respectable, que le gouvernement a cru devoir appuyer la proposition qui vous est soumise et qui, du reste, par l'amendement que M. le minislre de la justice y a introduit, est de nature à satisfaire tous les intérêts raisonnaldes.

L'interprétation que le gouvernement propose n'est donc pas si absolue qu'on se l'imagine ; elle ne proscrit pas la bienfaisance ; tout ce qu'elle proscrit, c'est l'habitude, chez l'iudividu non diplômé, de distribuer des remèdes, gratuitement ou autrement, n'importe, et qui lui fait usurper les fonctions de médecin et de pharmacien.

Or, je le répète, quand on se rend bien compte des conditions que doit posséder le médecin, il n'est pis possible d'admettre que toutes ces conditions se rencontrent dans l'homme qui n'a pas reçu le diplôme dont il a besoin pour exercer l'art de guérir.

L'interprétation de la section centrale, reproduite, sous une autre forme, par l'honorable M. Van Overloop, me semble être, messieurs, la source des plus grands abus. Cette interprétation suppose, au moins dans les termes employés par la section centrale, la connaissance de la pratique médicale.

Lisez bien la proposition, rien n'y manque : l'examen du malade, cela y est ; la visite des malades, cela y est naturellement aussi ; la prescription de remèdes, cela s'y trouve également ; les indications relatives à l'emploi du remède, tout cela est dans la disposition proposée par la section centrale.

Or, je le demande, qu'est-ce que tout cela : la visite, l'examen du malade, la prescription de remèdes, l'indication des moyens que l'on doit employer pour appliquer le remède ? Je demande ce que cela signifie, si ce n'est la pratique de la médecine. Vous dites tous avec moi que ce ne peut pas être autre chose.

Eh bien, vous permettez à un homme d'usurper toutes ces qualités, d'exercer la médecine sans y être autorisé. Vous faites des médecins par autorité de la loi, alors qu'on ne peut l'être que par autorité de la science. Non seulement un pareil système serait la source des plus grands abus, mais il transformerait le premier venu en médecin, il nous conduirait en plein moyen âge. Autant vaudrait ressusciter l'époque des chirurgiens-barbiers.

Le danger de ce système est dans l'impossibilité d'une appréciation éclairée. J'avais besoin, messieurs, de dire un mot sur ce point aussi. Où est donc le mal, a-t-on dit, lorsqu'il s'agit d'un remède inoffensif ? (Ce |sont les termes dont en s'est servi pour accréditer l'opinion de la section centrale.) Le mal est dans l'impossibilité d'un jugement suffisamment éclairé. Qui sera donc juge du point de savoir si le remède est inoffensif ? Sera-ce l'homme qui ne possède pas les qualités nécessaires pour apprécier le remède qu'il veut faire employer ? C'est impossible.

Qui sera juge de l'efficacité du remède, en supposant qu'il soit inoffensif, ce qui est, comme en l'a dit, un véritable non-sens ? Sera-ce encore ce même homme dépourvu de la science du médecin ? Sera-ce lui qui prononcera à la fois sur la qualité du remède et sur son efficacité ?

On a indiqué un double moyen pour parer aux inconvénients que je signale et que M. le ministre de la justice a signalés avant moi. L'honorable M. Van Overloop a dit que le Code pénal était là pour faire justice de ceux qui, par imprudence, commettraient un homicide ; que la loi civile, article 1382, était là pour faire indemniser le malheureux qui serait victime de l'emploi d'un remède imprudemment prescrit.

Je vous avoue, messieurs, qu'à mes yeux cette garantie est très peu rassurante. Ainsi, le malade qui aura succombé sous l'influence d'un remède maladroitement administré, ne mourra pas moins malgré la garantie de la loi pénale ; et quant à la famille, elle a autre chose à désirer que la condamnation de celui qui a commis l'imprudence.

En ce qui concerne l'article 1382, vous comprenez, messieurs, qu'il ne peut pas être sérieusement question d'une indemnité au profit de celui dont la santé a été compromise.

Voilà pour les intérêts des malades, et à ce point de vue je crois en avoir dit assez pour justifier la proposition du gouvernement. Permettez-moi d'ajouter quelques mots en ce qui concerne la science médicale.

La loi, messieurs, a voulu entourer l'art médical d'importantes garanties. Elle a créé un enseignement supérieur et les moyens de donner aux hommes qui veulent exercer la médecine, un diplôme qui fait supposer la pleine possession des connaissances nécessaires. Maintenant supposez qu'à côté du corps des médecins diplômés, de ceux qui ont la confiance de la société ; supposez que par l'adoption de la proposition de la section centrale, vous créiez un corps nouveau, un corps d'hommes pratiquant gratuitement la médecine, et qui n'aurait besoin de demander à personne la permission d'exercer leur art, ou plutôt leur pratique ; car je ne reconnais pas les qualités de l'homme de l'art en celui qui manqua des connaissances indispensables, et qui n'a, en definitive, d'autre règle que l'habitude ou l'empirisme. Supposez donc que la loi crée ce corps nouveau d'hommes sans qualité, sans connaissances réells, prouvées par un examen et un diplôme.

Qu'arrivera-t-il ? J'ai honte de le dire : mais ce serait nous reporter encore de plusieurs siècles en arrière, ce serait nous reporter à l'époque où la société était livrés, sans défense, aux charlatans, à l'empirisme ; ce serait, comme on le disait hier, déclarer que tout ie monde peut être médecin.

Et cette prétendue gratuité dont on cherche à se faire un titre pour inspirer à la chambre des sentiments de bienveillance envers quelques hommes qui veulent, à tout prix, exercer la médecine, ne doit pas, nous faire illusion ?

(page 459) Je fais ici abstraction de la personne de l'honorable M. Kervyn, mais ne sait-on pas que dans la plupart des circonstances cette gratuité est un appât qu’on jette à la tête des gens simples, pour leur imposer indirectement des honoraires beaucoup plus élevés que ceux qu’on remet ordinairement aux médecins véritables qui vous donnent les secours de leur ministère.

L'interprétation de la section centrale détruirait donc toute l'économie de notre législation.

L'enseignement supérieur se verrait atteint dans une de ses principales garanties ; les hommes de la science seraient obligés de voir s'asseoir à côté d'eux des charlatans ; l'enseignement supérieur ne serait-il pas déserté par tous les hommes honorables qui font de la profession de médecine une question de dévouement aux intérêts de l’humanité.

Mais alors vous ne devriez pas vous borner à émanciper la médecine. Pourquoi toutes les, professions libérales ne seraient-elles pas émancipées ? Pourquoi l'avocat, par exemple, aurait-il besoin d'aller user sur les bancs de l'école quelques-unes des plus belles années de sa vie, pour acquérir un diplôme à grands frais ? A quoi bon prendre un diplôme s'il suffisait, pour se dire avocat d'annoncer qu'on exerce gratuitement sa profession ?

Les avocats n'auraient-ils pas le droit de réclamer les immunités que vous auriez accordées aux prétendus médecins ?

Et les avocats pourraient peut-être le prétendre avec plus de raison que les médecins, car d'ordinaire leurs services ne sont pas mis à prix fixe. Les rémunérations qu'ils reçoivent sont le résultat d'arrangements volontaires entre eui et leurs clients.

Ainsi, sous quelque rapport qu'on envisage la question, il n'est pas possible, messieurs, que vous hésitiez un instant entre la proposition de la section centrale, qui bouleverse tout, en fait de garanties médicales et d'enseignement ; qui tous replonge dans le chaos ; et la proposition du gouvernement, qui laisse chaque chose à sa place, qui donne à la science le prestige de son autorité morale ; à la société des garanties réelles et qui ne compromet rien dans l'avenir.

La loi de 1818 continuera à être exécutée comme elle l'a été jusqu'à présent sans donner lieu à aucun inconvénient sérieux. On n'a pu signaler aucun danger réel ; j'ai entendu beaucoup d'exagération ; mais des faits, point.

La loi continuera donc à être exécutée dans le même esprit de tolérance ; la loi nouvelle sur laquelle votre attention sera ultérieurement rappelée, trouvera au moins un terrain libre ; les principes seront saufs, et vous pourrez faire plus tard ce qui vous paraîtra le plus convenable pour garantir à la fois les intérêts de la société, ceux de l'humanité, et partant ceux de la société entière.

M. Thibaut. - Messieurs, peu de mots me suffiront pour expliquer mon amendement. Je crois qu'il est nécessaire de l'ajouter au texte qui a été proposé par M. le ministre de la justice, pour rendre complètement la pensée qui a dicté l'arrêt de la cour de cassation, que je considère comme contenant la véritable interprétation de la loi de 1818.

Messieurs, la rédaction de M. le ministre de la justice est bien tirée des considérants de l'arrêt de la cour de cassation, mais elle ne renferme pis toute sa pensée. En effet, la cour de cassation, au commencement de son argumentation, établit que l'ensemble de faits consistant en visite ou examen des malades, distribution des remèdes avec indication de la manière de s'en seivir, lorsqu'ils se représentent fréquemment, constitue réellement l'exercice de l'art de guérir.

C'est dans ce passage que M. le ministre a puisé sa rédaction ; mais il y a dans l'arrêt de la cour de cassation une autre phrase qui est celle-ci : Attendu qu'i' ne s'agit pas dans l'espèce d'actes isolés, posés dans des circonstances urgentes ou exceptionnelles, etc.

La cour admet donc que des actes posés dans des circonstances urgentes ou exceptionnelles, ne peuvent pas tomber sous l'application de la loi de 1818. Je propose de donner à cette opinion une sanction législative, et tel est le seul but que je veux atteindre, en ajoutant à la rédaction présentée par le gouvernement, les mots : « à moins de circonstances urgentes ou exceptionnelles ».

Je ne voudrais donc pas que la loi fût appliquée aux faits qui se sont passés dans une circonstance comme celle-ci, lorsqu'il s'agit, par exemple, de malades qui sont très éloignés du lieu où résident les médecins, et de malades pauvres. On rencontre beaucoup de localités en Belgique où la visite d'un médecin coûte 10, 20 ou 30 francs ; il faut avouer que, pour les malades qui se trouvent dans cette position, il serait très dur de ne pouvoir recourir à quelque personne charitable de la localité, ayant des connaissances médicales ou du moins en ayant plus que le malade et qui sont en possession de remèdes familiers ; je crois qu'une personne qui administrerait dans ce cas un remède à des malades, demeurant loin de la résidence d'un médecin, pourrait s'excuser devant le tribunal en opposant cette circonstance exceptionnelle.

Du reste, ce sera aux cours et tribunaux d'apprécier ces circonstances ; on laisse par là un peu de latitude aux cours et tribunaux, et il est désirable qu'il en soit ainsi.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je rends hommage aux intentions qui ont dicte l'amendement proposé par l'honorable M. Thibaut ; mais je ne puis pas accueillir cet amendement, non pas qu'il renverse le système de l'interprétation, mais parce que, comme style, il ne peut pas s'harmoniser avec la rédaction du gouvernement.

En effet, il y a contradiction évidente entre l'expression « habituellement » et l'expression « à moins de circonstances\urgentes et exceptionnelles ».

Les « circonstances urgentes et exceptionnelles » sont en dehors de la loi, et le mot « habituellement » se fait suffisamment entendre, de sorte que je ne vois pas pourquoi ce pléonasme serait consacré.

L'honorable M. Thibaut se fonde sur une partie d'un des considérants de l'arrêt de la cour decassation. Voici l'ensemble de l'interprétation de cette cour :

« Attendu que ces considérations établissent qu'il ne s'agit pas, dans le cas actuel, de la simple remise gratuite d'un remède domestique, d'un médicament connu et généralement approuvé ; qu'il ne s'agit pas davantage de quelques actes isolés, posés dans des circonstances urgentes ou exceptionnelles, mais que les faits, tels qu'ils sont constatés par l'arrêt dénoncé, présentent dans leur ensemble tous les éléments qui constituent l'exercice d'une branche de l'art de guérir. »

Eh bien, messieurs, lorsque les chambres assemblées de la cour de cassation, conformément aux conclusions du procureur général, expliquent ainsi la loi, et lorsque le gouvernement, à l'appui de la rédaction qu'il soumet à la chambre, fournit les éclaircissements qu'il a eu l'honneur de donner dans cette enceinte, lorsque, en présence de cet ensemble de faits, on se sert du mot « habituellement », il va de soi que les cas qui sont libellés dans cet arrêt de la cour de cassation sont affranchis, et qu'il est absolument inutile de parler dans le texte de circonstances urgentes et exceptionnelles.

Il faut éviter dans les lois ce qui est inutile, et dans tous les cas, il serait absurde, - le mot est permis sans inconvenance puisque la logique le tolère, - il serait absurde de dire dans cette loi que l'on peut « habituellement et à moins de circonstances urgentes ou exceptionnelles » est faire un acte impliquant évidemment contradiction.

Je dirai encore un mot de l'ensemble de la rédaction du gouvernement, rédaction dans laquelle je crois devoir persister. C'est que l'on a, en la critiquant, fait complètement abstraction de ce qu'il peut y avoir de raisonnable, de sage, de pratique dans l'exercice de la justice. M. de Portalis a dit dans une circonstance solennelle : « Vouloir que les lois prévoient tous les cas et ne rien laisser à l'arbitre du juge, c'est vouloir que le législateur soit un Dieu et que le juge ne soit même pas un homme... »

Faisons la part du législateur, faisons la part du juge. Le législateur se prononce dans des termes généraux ; le juge, qui est sage, raisonnable, et qui n'est point inhabile, l'arrêt de la cour de cassation vous le montre, le juge doit avoir sa part dans la confiance du législateur, et c'est dans la pratique que les exceptions seront appréciées et appliquées. La chambre ayant réclamé la clôture, je puis me borner à ces observations.

- Plusieurs membres. - La clôture !

La clôture est mise aux voix ; elle est prononcée.

Vote de l’article unique

L'amendement de M. Van Overloop est mis aux voix ; il est ainsi conçu :

« Toutes personnes non qualifiées qui exerceront quelque branche que ce soit de l'art de guérir et en feront profession, encourront, pour la première fois, une amende de 25 à 100 florins, avec confiscation de leurs médicaments ; l'amende sera double en cas de récidive ; pour une troisième contravention, le délinquant sera puni d'un emprisonnement de 15 jours à 6 mois. »

L'appel nominal étant demandé, il est procédé à cette opération.

En voici le résultat.

74 membres prennent part au vote.

29 répondent oui.

45 répondent non.

En conséquence l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Brixhe, Coomans, de Decker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, Dumortier, Jacques, Julliot, Lesoinne, Maertens, Magherman, Maîou, Osy et Pirmez.

Ont répondu non : MM. Roussel (A.), Rousselle (C), Tesch, Thibaut, Thiéfry,Thienpont, Vandenpeereboom (E.), Van Iseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspacb, Cans, Clep, Closset, Dautrebande, David, de Breyne, de Haerne, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Steenhault, Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon,Orts, Prévinaire, Rodenbach, Rogier et Delfosse.


- L'amendement de la commission est mis aux voix par appel nominal.

En voici le résultat :

74 membres répondent à l'appel.

46 répondent non.

27 répondent oui.

1 s'abstient.

En conséquence la chambre n'adopte pas.

M. le président. - M. de Steenhault est invité à énoncer les motifi de son abstention.

M. de Steenhault. - Le projet de la commission ne me paraît pas donner des garanties suffisantes ; je n'ai pas voulu voter contre parce que d'un autre côté le projet du gouvernement ne donne pas assez de latitude.

(page 460) Ont répondu oui : MM. Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Vilain XIIII, Brixhe, Coomans, David, de Decker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, de Sécus, de Theux, Dumortier, Jacques, Julliot, Lesoinne, Magherman, Malou, Osy et Pirmez.

Ont répondu non : MM. Roussel (A.), Rousselle (Ch.), Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Vandenpeereboom (E.), Van lseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Cans, Clep, Closset, Dautrebande, de Breyne, de Haerne, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, Desmaisières, Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Maertens, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Prévinaire, Rodenbach, Rogier et Delfosse.


M. le président. - Nous passons à l'amendement présenté par M. Lelièvre, ainsi conçu :

« L'article 18 de la loi du 12 mars 1818 est interprété de la manière suivante :

« Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir lorsque, habituellement, une personne qui n'est pas qualifiée examine ou visite des malades, juge si l'affection doni ils sont atteints est curable ou pas, remet ou prescrit un remède destiné à la guérison de la maladie, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »

- Plusieurs voix. - L'appel nominal !

Il est procédé à cette opération ; en voici le résultat :

74 membres répondent à l'appel nominal.,

71 membres répondent non.

2 membres répondent oui.

1 membre s'est abstenu.

En conséquence la chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui : MM. de Haerne et Lelièvre.

M. de La Coste s'est abstenu.

Ont répondu non : M. Roussel (A.), Rousselle (C), Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van lseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Cans, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Breyne, de Decker, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode (F.), de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Dumortier, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier et Delfosse.

M. le président. - La parole est à M. de La Coste, pour motiver son abstention.

M. de La Coste. - N'admettant pas l'interprétation du gouvernement, j'inclinais vers l'amendement de l'honorable M. Lelièvre. Mais sa portée ne me paraissant pas suffisante, je n'ai pu voter pour.

M. Thibaut. - J'avais demandé la parole lorsqu'on a prononcé la clôture. Je voulais dire qu'après les explications données par M. le ministre de la justice, d'où il résulte que l'article du projet du gouvernement comprend le sens de mon amendement, cet amendement devient inutile. Par conséquent je le retire.


- (erratum, page 468) Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet de loi modifié dans sa rédaction par le gouvernement dans les termes suivants :

« Article unique. L'art. 18 de la loi du 12 mars 1818 est interprété de la manière suivante :

« Il y a exercice illégal d'une branche de l'art de guérir, lorsque, habituellement, une personnne non qualifiée, en examinant ou visitant des malades, remet ou prescrit un remède pour guérir certaines maladies, indique la manière de l'employer, soit qu'elle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu'elle prenne ou non le titre de docteur. »

Voici le résultat du vote :

73 membres sont présents.

1 (M. de Steenhault) s'abstient.

72 prennent part au vote.

47 votent pour l'adoption.

25 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. Adolphe Roussel, Charles Rousselle, Sinave, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Ernest Vandenpeereboom, Van lseghem. Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Cans, Clep, Closset, Dautrebande, David, de Breyne, de Haerne, Deliége, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Royer, Desmaisières, Faignart, Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Prévinaire, Rodenbach, Rogier et Delfosse.

Ont voté contre : MM. Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Coomans, de Decker, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, Félix de Mérode, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere, de Sécus, de Theux, Dumortier, Jacques, Julliot, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Osy et Pirmez.

Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Steenhault. - Je n'ai pas voulu voter pour la loi, parce que cette interprétation me paraît trop rigoureuse.

Je n'ai pas voulu voter contre, parce que je reconnais qu'il est utile de prendre une mesure quelconque en cette matière.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.