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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 18 janvier 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 421) M. Dumon procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Legon, militaire pensionné, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement des termes arriérés de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les directeurs de wateringues de Blankenberghe et d'Eyen-Sluis-Groot-Reygaers-Vliet et les administrateurs communaux et propriétaires dans le ressort de ces deux wateringues demandent le rétablissement de l'écluse de Blankenberghe. »

M. Devaux. - Je prierai la commission des pétitions de vouloir s'occuper prochainement de cet objet et de nous faire un rapport à bref délai.

- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport est adopté.


« Le sieur Luyckx, sergent à la première compagnie sédentaire, prie la Chambre de le faire admettre à participer à la pension du fonds de Waterloo. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Quelques habitants de Liège prient la Chambre d'accorder à l'ingénieur Stevens la concession d'un chemin de fer de Liège à Hasselt et à Diest. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants d'Anvers demandent une loi qui déclare les vidanges non imposables.

« Même demande des bourgmestre, conseillers communaux, propriétaires et cultivateurs à Vlimmeren. »

- Même renvoi.


« Le sieur Raeymaekers, pharmacien à Bruxelles, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir l'autorisation de se représenter devant le prochain jury combiné d'examen, ou une dispense qui lui permette d'être admis au service médical de l'armée, en qualité de pharmacien de troisième classe. »

- Sur la proposition de M. Roussel, renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.


« Les bourgmestres et échevins des communes de Hombourg et de Moresnet prient la Chambre de voter les fonds nécessaires à la construction d'une route partant du bassin de la Meuse à Visé, vers le territoire hollandais et la Prusse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs distillateurs agricoles dans les deux Flandres présentent des observations contre le projet de loi sur les distilleries et prient la Chambre de rejeter l'article 45 de ce projet. »

M. Rodenbach. - J'ignore quand on discutera le projet de loi sur les distilleries. Mais comme je crois que cette discussion est prochaine, je demanderai que cette pétition, qui paraît être importante, soit l'objet d'un prompt rapport.

M. le président. - Les pétitions de cette nature sont renvoyées à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.

M. Rodenbach. - Je demande que la section centrale fasse un rapport spécial sur cette pétition.

- Le renvoi à la section centrale est ordonné.


« Quelques distillateurs agricoles des cantons de Hasselt et de Herck-la-Ville prient la Chambre de rejeter la disposition du projet de loi sur les distilleries qui réduit de 5 p. c. la remise accordée aux distillateurs agricoles. »

M. Rodenbach. - Je fais la même demande pour cette pétition.

M. le président. - La section centrale examinera avec soin toutes les pétitions qui lui seront renvoyées.


« Par message du 10 janvier, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, une demande de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par dépêche du 17 janvier, la Cour des comptes adresse à la Chambre son cahier d'observations relatif au compte définitif de 1850 et à la situation provisoire de 1851. »

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce document.


« Il est fait hommage à la Chambre par M. Lienart, bourgmestre de la ville de Leuze, de quelques imprimés en faveur de l'agriculture dans le Hainaut. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. Sinave demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Composition des bureaux de section

Les sections de janvier se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Osy

Secrétaire : M. Deliége

Rapporteur de pétitions : M. Julliot


Deuxième section

Président : M. Ad. Roussel

Vice-président : M. Orban

Secrétaire : M. Jacques

Rapporteur de pétitions : M. H. de Baillet


Troisième section

Président : M. Delehaye

Vice-président : M. de Renesse

Secrétaire : M. Moxhon

Rapporteur de pétitions : M. Matthieu


Quatrième section

Président : M. Ch. Rousselle

Vice-président : M. de Steenhault

Secrétaire : M. Brixhe

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Cinquième section

Président : M. Loos

Vice-président : M. Thiéfry

Secrétaire : M. Closset

Rapporteur de pétitions : M. Tremouroux


Sixième section

Président : M. de Theux

Vice-président : M. Lelièvre

Secrétaire : M. de Naeyer

Rapporteur de pétitions : M. Thibaut

Rapports sur des pétitions

M. H. de Baillet, rapporteur. - « Les bourgmestres des communes d'Assche, Beyghem, Molenbeek-Saint-Jean, Dilbeek, Grimberghen, Bodeghem-Saint-Martin, Schepdael, Jette-Saint-Pierre, Laeken, Koekelberg, Beckerzeel, Strythem, Thollembeek, Lombeek-Sainte-Catherine, Bergh, Zellick, Vollezeele, Perck, Grand-Bigard, Berchem-Sainte-Agathe, Gammerages, Lombeek, Lennick-Saint-Martin, Sempst, Bueken, Strombeek-Bever, Cappelle-Saint-Ulric, Goyck, Wambeek, Lombeek-Notre-Dame, Borght, Ganshoren, Hamme, Meysse, Wemmel, Anderlecht, Cobbeghem, Releghem, Humbeek, Eppeghem, Elewyt et Campenhout demandent que le gouvernement soit mis en mesure de distribuer des secours extraordinaires aux populations dont les récoltes ont été ravagées par la grêle dans la journée du 9 juillet dernier. »

Les pétitionnaires susdits font l'affligeant tableau des maux que cet orage a causés aux habitants de leurs communes qu'il a privés non seulement des denrées nécessaires à leur subsistance pendant l'hiver, mais même des semailles pour l'année prochaine.

Les communes sont sans ressources. Les bureaux de bienfaisance, dont les revenus consistent en grande partie en fermages, ont eux-mêmes trop souffert pour venir efficacement au secours des malheureux, et les pertes sont trop générales pour que les habitants puissent s'entr'aider mutuellement. Une affreuse misère attend les populations des communes susdites, si le gouvernement, s'empresse de venir à leur aide.

(page 422) La commission a résolu de proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur ; mais ultérieurement le gouvernement a proposé une loi tendant à mettre à la disposition du département de l'intérieur un crédit supplémentaire de 374,000 fr. pour secourir les victimes des événements calamiteux dont il s'agit ; c'est pourquoi le rapporteur croit devoir proposer, outre le renvoi à M. le ministre, le dépôt de la pétition sur le bureau de Chambre pendant la discussion du projet de loi qui les concerne.

Certain nombre de ces mêmes bourgmestres, en présence de l'imminence des besoins, rappellent leur première pétition et demandent le vote d'un crédit supplémentaire équivalent aux pertes éprouvées.

Nous vous proposons également le renvoi de cette seconde pétition à M. le ministre de l'intérieur et son dépôt sur le bureau pendant la discussion.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. H. de Baillet, rapporteur. - « La dame Duchêne, veuve du sieur Debatice, réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils soit libéré du service militaire et qu'en attendant il obtienne un congé illimité. »

La pétitionnaire se plaint du refus fait à son fils par les conseillers certificateurs de la commune, d'un certificat que ce dernier avait droit à l'exemption comme soutien de veuve, et elle produit une déclaration du bourgmestre dont il résulte que ce fonctionnaire est d'avis qu'il y avait lieu à la délivrance du certificat en question.

Votre commission reconnaît que la chambre ne doit pas intervenir dans ce cas particulier où la règle prescrite par la loi actuellement en vigueur a été appliquée, mais elle pense qu'il pourrait être utile, lors de la révision de la législation qui concerne la milice, que l'attention du gouvernement se portât sur le mode à prescrire pour la délivrance des certificats dont il s'agit. C'est pourquoi elle propose le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre en même temps que son dépôt sur le bureau de la Chambre lors de la discussion de la loi de révision en question.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et la république orientale de l'Uruguay

Rapport de la section centrale

M. Van Iseghem. - J’ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et la république orientale de l'Uruguay.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Proposition de loi sur la compétence des tribunaux militaires

Développements

M. Orts. - Messieurs, le projet de loi proposé aux délibérations de la Chambre a un but très simple ; sa portée est facile à saisir.

Les tribunaux militaires en Belgique connaissent seuls aujourd'hui des méfaits ayant pour auteurs des militaires ou des personnes qui leur sont légalement assimilées. Sous le rapport de la compétence, on ne distingue pas entre les méfaits punis par les lois particulières à l'armée, et les méfaits punis par les lois obligatoires pour tous les citoyens. Il importe peu que le délinquant ait méconnu les devoirs exceptionnels qu'impose |a profession des armes ou les devoirs communs à tous les membres de la société humaine.

Il suit de là, que les tribunaux ordinaires appliquent la loi répressive générale à tous les citoyens non militaires. Les tribunaux militaires, de leur côté, appliquent parallèlement la même loi, sauf de rares exceptions, aux militaires qui l'enfreignent.

Ces exceptions embrassent notamment les contraventions aux lois d'impôt, les délits de chasse et parfois le duel.

La proposition actuelle ne tend pas à la suppression de la justice militaire.

Tout homme de sens comprend à merveille quïl faille à l'armée des tribunaux spéciaux et un droit répressif spécial, comme cette grande et utile association, organisée pour la défense du pays, a des devoirs spéciaux à remplir.

Certains actes sont donc et doivent être délits dans l'armée, alors que dans l'ordre civil ils ne sauraient revêtir ce caractère, et pour ces actes une juridiction militaire apparaît indispensable, car le juge civil ne les comprendrait pas ou les comprendrait mal.

A ce point de vue, on peut sans crainte d'erreur, répéter après un homme d'Etat, après M. de Broglie : « La justice militaire est légitime, parce qu'elle est nécessaire. »

Telle est la raison d'être des juridictions exceptionnelles établies pour l'armée ; mais aussi - hâtons-nous de le dire - leur seule raison d'être.

« L'on n'a établi la juridiction militaire, que parce qu'il est impossible aux juges civils de bien apprécier les délits militaires, » disait en 1809 deja le conseiller d'Etat Regnault de St-Jean d'Angely. Et il s'empressait d’ajouter :

« Une juridiction exceptionnelle ne doit pas s'étendre au-delà des cas pour lesquels elle a été créée. On ne peut empêcher un citoyen offensé de porter sa plainte aux tribunaux civils sans lui ôter les garanties qu’on lui doit »

L'exposé des motifs d'un projet de loi réglant l'organisation des tribunaux militaires, présenté à la chambre française de Paris en 1829, reproduisit, au nom du gouvernement d'alors, cette pensée si juste : « La législation spéciale ne doit comprendre dans son domaine rien de plus que ce que le bien du service exige. »

On ne conçoit guère en effet la nécessité pour le bien du service de faire juger par des juridictions exceptionnelles le soldat réputé escroc, bigame ou assassin de par un Code qui inflige dans les mêmes circonstances la même loi à tous les citoyens, sans distinction d'habit. On la conçoit peu surtout, alors que ces tribunaux exceptionnels sont obligés d'appliquer cette loi précisément comme l'appliquerait le juge ordinaire.

Le projet proposé veut effacer de nos Codes cette anomalie législative en rendant aux juges ordinaires la connaissance, en temps de paix, des infractions aux lois communes, alors même que ces infractions seraient commises par des militaires.

La juridiction des tribunaux militaires en temps de paix se bornera à la connaissance des délits prévus et définis par la loi militaire. La compétence dépendra désormais de la qualité du fait et non plus de la qualité de la personne.

Il n'est rien changé à la législation qui régit l'état de guerre ou l'armée hors du territoire du royaume.

La réforme proposée dans ces termes n'est pas une innovation irréfléchie, mais le redressement d'un abus depuis longtemps signalé.

Elle réalise un vœu exprimé à diverses reprises au sein de cette chambre sans que sa légitimité ait jamais été contestée.

Elle est un retour à d'anciennes et nationales traditions, comme aux institutions nées des conquêtes libérales de 1789 dont notre Constitution de 1831 est le glorieux couronnement.

L'adoption de cette réforme aura pour premier avantage d'ajouter un degré nouveau de vérité pratique au salutaire principe de notre pacte fondamental : « Tous les Belges sont égaux devant la loi. » L'égalité devant la loi implique, en effet, l'uniformité de la législation dans son principe et l'uniformité dans l'application.

Elle augmentera enfin les garanties offertes aux accusés, à la société et aux parties lésées, garanties que de récents et douloureux événements ont démontrées insuffisantes.

Peu de mots vont justifier chacune de ces propositions.

Qui l'oserait nier ? L'égalité devant la loi n'est-elle point un mensonge, lorsque l'interprétation de la même loi appartient à des tribunaux hétérogènes dont les uns innocentent à l'égard d'une classe privilégiée, des Belges ce que les autres déclarent coupables vis-à-vis de l'immense majorité ?

L'hypothèse n'est pas une oeuvre de pure fantaisie. N'a-t-on pas vu, avant la loi du 8 janvier 1841, les tribunaux ordinaires punir le duel en vertu du Code pénal de 1810, tandis que les tribunaux militaires le dotaient d'impunité au nom du même code. Les garanties ? Parlons de la société d'abord.

Qui donc le soldat offense-t-il en posant un acte que la loi commune défend et réprime ? L'ordre social, l'ordre civil sans aucun doute. Or, les maîtres de la science ne nous enseignent-ils pas que la « société n'est plus en sûreté lorsque la poursuite des délits qui blessent l'ordre civil n'est point confiée aux magistrats chargés de sa défense. »

Pour l'accusé, l'amoindrissement des garanties en justice militaire éclate d'évidence. Nous ne dirons qu'un mot.

Les officiers composant les conseils de guerre et les 4/5 de la cour militaire jugent en droit du code pénal commun qu'ils ne connaissent que d'inspiration ; car, personne ne le leur enseigne durant leur éducation professionnelle, où il y a, en effet, mieux que cela à leur apprendre dans l'intérêt du pays.

Oublions un instant l'accusé pour nous occuper encore de la société et surtout des victimes du délit, et comparons.

Devant les tribunaux militaires, le ministère public a seul le droit de saisir la justice. S'il refuse de poursuivre et si le gouvernement, dont il est l'agent révocable, l'approuve, tout est dit pour la société, tout est dit pour celui que le délit commis par un militaire a lésé. L'action publique ne sera pas exercée.

Devant les tribunaux ordinaires, la plainte de la partie lésée lui donne un droit d'intervention ou d'initiative dans la poursuite. S'agit-il de délits correctionnels ou de contraventions de police, le plaignant peut saisir directement la justice répressive nonobstant l'inaction ou le mauvais vouloir des parquets.

Devant les tribunaux militaires, il n'est pas permis de se constituer partie civile : le plaignant n'y a pas même la parole.

D'autre part s'agit-il dans l'ordre civil, de faits graves, de crimes ? Les grands corps judiciaires composés de magistrats inamovibles et indépendants, les cours d'appel peuvent, àlJa différence des tribunaux militaires, se saisir elles-mêmes, évoquer, c'est-à-dire enjoindre de poursuivre aux parquets peu diligents.

Devant les tribunaux ordinaires, en un mot, il ne saurait dépendre du gouvernement et de ses agents que les délits restent impoursuivis.

Rendre le ministère public ou le gouvernement arbitre souverain de la répression en matière de délits généraux, c'est un abus et un abus grave.

Cet abus existe lorsque les délits de l'espèce sont jugés par les tribunaux militaires. La proposition de loi soumise à la Chambre tend à le faire disparaître.

(page 423) L'existence de ce vice dans la législation belge est d'ailleurs une importation étrangère que le sentiment national a toujours repoussée. Un rapide coup d'œil rétrospectif l'établit.

Le premier Code militaire régulier ayant régi nos provinces, est une ordonnance du duc d'Albe du 5 juillet 1570. Quelque étrange que puisse sembler le rapprochement d'un pareil nom et dune idée libérale, nous devons constater que d'après le lieutenant de Philippe II, le jugement des délits militaires et des fautes légères que les gens armés peuvent commettre, appartenait seul aux juges militaires. Les militaires, auteurs de délits capitaux communs, devaient être traduits devant les tribunaux ordinaires.

Cet état de choses demeura debout, malgré quelques tentatives, jusqu'à l'avènement de la maison d'Autriche au gouvernement de nos provinces. L'empereur Charles VI, imbu des idées allemandes sur la matière, lesquelles n'étaient autres qu'un vieux souvenir du droit romain, vint soustraire les troupes nationales à la justice civile pour ce qui concernait les délits communs, par trois édits des 15 novembre 1732, 3 mars 1736 et 20 mars 1739.

Mais cette usurpation de pouvoirs souleva de vives répugnances. On y vit une tendance à séparer l'armée nationale de la nation qui est sa source. Et lorsque vint pour le pays l'heure de régler compte avec la domination impériale, un demi-siècle de persistance n'avait pas enlevé à l'acte que nous venons de citer le caractère d'un grief populaire.

Ouvrons le manifeste insurrectionnel des Etats du Hainaut du 21 décembre 1789 et nous y lirons :

« Depuis l'édit de Charles VI du 3 mars 1756 qui met les troupes des Pays Bas sur le pied des troupes allemandes et qui les exempte de la juridiction des juges ordinaires, la milice nationale se regarda comme étrangère à sa patrie. »

Au pays de Liège les vrais principes demeurèrent intacts, jusqu'à l'absorption de nos provinces par la France.

L'article 7 du règlement militaire liégeois du 5 août 1715 porte : « Ils (les militaires) seront de plus sujets aux lois et judicatures du pays tant au civil qu'au criminel à la réserve des cas purement militaires.3

La France, pays où l'esprit militaire et l'intérêt de l'armée n'ont jamais cessé d'être compris et appréciés, la France a vécu, la France a grandi par les armes sous le régime auquel la proposition ramènerait la Belgique. Elle l'a répudié pour la première fois à l'une de ces époques de trouble et de sang dont l'histoire conserve l'exemple, non pour qu'on le suive, mais pour que l'on s'en écarte.

Avant 1789, les délits commis de soldat à soldat à l'occasion du service et dans lesquels il n'y avait aucun habitant intéressé, étaient seuls de la compétence des officiers militaires. Encore fallait-il excepter de cette règle le duel, les cas royaux, les cas prévôtaux, c'est-à-dire tous les délits communs doués de quelque gravité.

Comme bien on pense, les réformes de la fin du XVIIIème siècle n'entamèrent pas ces sages prescriptions, elles les complétèrent en les régularisant.

La loi du 22 septembre 1790, votée à l'unanimité et sans discussion par l'Assemblée constituante, portait :

« Art. 2. Les délits civils sont ceux commis en contravention aux lois générales du royaume qui obligent indistinctement tous les habitants de l'empire. Ces délits sont du ressort de la justice ordinaire quand même ils auraient été commis par un officier ou par un soldat. »

« Art. 4. Les délits militaires sont ceux commis en contravention à la loi militaire par laquelle ils sont définis ; ceux-ci sont du ressort de la justice militaire. »

En agissant ainsi, l'Assemblée annonçait dans le préambule de son décret la volonté « d'assurer de plus en plus l'exacte et scrupuleuse observation des règles protectrices de la subordination et de la discipline. »

Le Code du 30 décembre 1791, titre 1, article 3, ajouta : « tout délit qui n'attaque pas immédiatement le devoir, ou la discipline, ou la subordination militaire, est un délit commun dont la connaissance appartient aux juges ordinaires et pour lequel le prévenu, soldat, sous-officier ou officier ne peut être traduit que devant eux. »

Quelques années plus tard, il est vrai, des lois « empreintes des passions soupçonneuses qui agitaient la Convention et la France, » des lois qu'excusent la guerre étrangère permanente aux frontières et la guerre civile non moins vivace au cœur même du pays investirent les tribunaux militaires du droit de juger tous les délits commis par des militaires.

Le Directoire maintint, le 13 brumaire an V, cet ordre de juridiction, mais jusqu'à la paix seulement.

Vint la paix, et le provisoire resta debout, de fait plus que de droit. Plusieurs bons esprits contestèrent en eifet et à diverses reprises, en France, depuis 1815, la légalité des juridictions militaires étendues au-delà des délits purement militaires.

Observons, en terminant, que cette législation de circonstance étend moins que le code hollandais imposé en 1815 à la Belgique la compétence exceptionnelle sous le rapport des personnes.

Les militaires ne sont justiciables des conseils de guerre français qu'à raison des délits qu'ils commettent se trouvant à leurs corps, en garnison ou sous les drapeaux.

Les militaires en congé, hors de leurs corps, en état de désertion, à l'hôpital, rentrent pour les délits communs dans la juridiction des tribunaux ordinaires.

En Belgique, tout militaire est et demeure soumis à la justice militaire aussi longtemps qu'il n'a pas perdu complètement cette qualité, et même, pour certains faits, jusqu'un an après qu'il est rentré dans la société civile.

Si la légalité du système français que nous venons d'exposer a paru douteuse, la nécessité de le modifier dans le sens de la proposition actuellement soumise à la Chambre, a été hautement reconnue en ce même pays, et par des autorités trop imposantes pour qu'il soit permis de les passer sous silence.

Lors de la discussion du Code pénal commun dès 1808, devant le conseil d'Etat de l'empire, la question que la proposition soulève fut solennellement agitée.

Le système en vigueur, système moins exorbitant, on l'a vu plus haut, que celui qui fonctionne en Belgique, se vit, à cette époque toute militaire, presque unanimement réprouvé par des législateurs dont le calme, la science et l'esprit conservateur ne peuvent être sérieusement révoqués en doute.

Des réformes plus ou moins timides se produisirent d'abord pour le remplacer, lorsque intervint au milieu des délibérations l'Empereur, c'est-à-dire, - il est bon de le rappeler, - le plus grand homme de guerre du siècle, un soldat que l'armée avait élevé jusqu'au trône et dont le sceptre était une épée.

Avec le bon sens qui caractérise avant tout son génie législatif, Napoléon n'hésita pas longtemps sur la solution.

« La question est toute simple, s'écria-t-il, il n'y a de délits militaires que ceux auxquels le Code militaire donne cette qualification ; tous les autres sont des délits communs, encore qu'ils soient commis par des soldats envers des soldats.

« La justice est une en France ; on est citoyen français avant d'être soldat. Si, dans l'intérieur, un soldat en assassine un autre, il a sans doute commis un crime militaire, mais il a aussi commis un crime civil.

« Il faut donc que tous les délits soient soumis d'abord à la juridiction commune, toutes les fois qu'elle est présente. »

Puis l'Emperenr résuma son opinion dans un système de compétence fondé sur trois propositions qu'il prescrivit comme base d'un projet de loi spécial.

Ces propositions les voici ; nous citons textuellement :

« Qu'on adopte les définitions des délits militaires données par l'Assemblée constituante ;

« Que tous les délits commis dans les armées soient jugés par les tribunaux militaires ;

« Qu'ailleurs tous les délits soient portés devant les cours impériales ; mais que le procureur général puisse renvoyer devant les tribunaux militaires ceux qui lui paraîtront être de leur compétence, et que ces tribunaux les jugent comme par délégation de la cour. »

Les événements de la guerre empêchèrent sous l'empire la discussion du projet réclamé par le chef de l'Etat. La Restauration trouva des travaux préparatoires à l'aide desquels, en 1829, fut rédigé un projet de loi sur la compétence des juridictions militaires que nous avons déjà rappelé.

Les principes simples, vrais et féconds de l'Assemblée constituante lui servirent de fondement, selon le vœu exprimé vingt ans auparavant par l'empereur.

Toute la pensée du projet de 1829 est résumée dans cette phrase du rapporteur de la commission à la Chambre Haute, M. le duc de Broglie : « On doit restituer à la connaissance du droit commun les délits commis contre le droit commun par des individus appartenant à l'armée. »

C'est ce que firent les pairs par leur vote. C'est ce que demande la proposition actuelle. C'est ce que réclament au nom de la science et de l'équité, les jurisconsultes de l'Europe entière, comme le réclament les publicistes, les hommes politiques au nom de la raison d'Etat.

Nous disions, au début de ces développements, que les précédents parlementaires en Belgique prolégeaient aussi de leur autorité la réforme proposée.

Notre législation militaire tout entière est frappée de réprobation par l'article 131 de la Constitution ; on le sait quoiqu'on l'oublie parfois.

Mais pour rentrer dans un ordre d'idées plus spécial, nous rappellerons qu'en séance de cette Chambre du 23 février 1856, l'honorable M. Dumortier, usant de son initiative, demanda le renvoi aux juges ordinaires de tous les crimes ou délits commis par des militaires autres que les crimes et délits purement militaires ou commis entre des militai-rcs»

La proposition de cet honorable collègue, à très peu de chose près conforme à la proposition actuelle, était, d'après lui, « sollicitée depuis longtemps par l'opinion publique, impérieuse, urgente.»

Le gouvernement ne s'opposa pas à la prise en considération.

Cinq sections de la Chambre approuvèrent le principe du projet de l'honorable député de Tournai. Une seule demanda l'ajournement jusqu'à la révision générale des Codes militaires dont le gouvernement venait de confier le soin à une commission spéciale. Cette motion d'ajournement fut appuyée par la section centrale qui présenta son rapport en séance du 6 mai 1836 par l'organe de l'honorable M. Raeymaekers.

Ce rapport n'était pas discuté lorsque survint la dissolution du parlement en 1848.

(page 424) La session législative de 1848-1849 vit la question renaître lors de la présentation, devant la Chambre, de la loi instituant la cour militaire.

Une section proposa à la section centrale un système de justice militaire fondé sur le principe de l'attribution aux juges civils des délits communs commis par des militaires.

La section centrale crut que cette réforme n'était pas à sa place dans une loi spéciale ayant pour but unique d'organiser économiquement une institution destinée à fonctionner, même dans le cas où la réforme projetée serait accomplie.

Lors de la discussion publique, cette manière de voir fut unanimement partagée, mais un honorable député de Namur, aux connaissances juridiques duquel nous rendons tous un légitime hommage, appuya fortement, appela de tous ses vœux ce qu'il nommait « un retour aux saines doctrines du droit criminel réclamé par les hommes sérieux comme fondé sur les motifs les plus graves. »

En résumé, les précédents parlementaires belges et français sont favorables à la proposition actuelle.

Les fins de non-recevoir qui ont fait désirer par quelques esprits un ajournement en 1837 et en 1848 ne peuvent plus se reproduire. Des faits nouveaux et graves démontrent l'urgence. La révision générale annoncée en 1837, comme prochaine, est plus qu'ajournée.

Le sentiment du pays, vivement excité par des causes récentes que l'on n'entend plus discuter, réclame une satisfaction.

Quel que soit le sort réservé au projet que l'on vient de développer, son auteur a la conscience d'avoir fait, dans la limite de ses forces, ce qui dépendait de lui pour que la justice soit une en Belgique, comme la voulait Napoléon pour la France.

En agissant ainsi, il estime avoir servi l'intérêt de l'armée et l'intérêt du pays que sa pensée ne sépare jamais.

- La proposition de M. Orts est appuyée.

Prise en considération

M. le président. - La discussion est ouverte sur la prise en considération de cette proposition.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je ne m'oppose nullement à la prise en considération de la proposition dont l'honorable M. Orts vient de vous lire les développements.

La question n'intéresse pas seulement le département de la justice au point de vue de la justice civile ; elle intéresse encore essentiellement le département de la guerre au point de vue de la législation militaire et de la discipline de l'armée.

Le gouvernement ne pourra donc se prononcer sur le fond de la question que lorsque les divers départements intéressés se seront mis d'accord sur les questions très graves que vient de soulever l'honorable M. Orts.

La question de savoir si les délits communs commis par les militaires doivent être renvoyés à la juridiction civile, est une des questions les plus sérieuses que soulève la législation militaire. Elle a été discutée, il y a peu d'années, en France, par la cour des pairs et on n'a pas abouti à autre chose qu'à ce qui existe dans notre pays.

Quoi qu'il en soit, je demanderai que la proposition de l'honorable M. Orts soit renvoyée à la commission spéciale qui est déjà saisie en ce moment d'un projet de loi portant diverses modifications à la législation militaire. C'est l'honorable M. Moncheur qui est rapporteur de cette commission. Le rapport sera fait prochainement par cet honorable membre. Il est certains points sur lesquels le département de la guerre a été consulté. Les réponses aux questions qui lui ont été posées m'ont été communiquées, il y a quelques jours, et je transmettrai prochainement à l'honorable rapporteur l'opinion du gouvernement sur ces divers points.

La Chambre trouvera peut-être logique et opportun de renvoyer à cette même commission dont l'honorable M. Orts ferait partie, la proposition qui vient d'être développée. La commission pourra peut-être statuer sur le tout par un seul et même rapport, par un seul et même projet.

Je me réserve donc, quelle que soit la résolution de la Chambre sur ce point, de m'expliquer lorsque je me serai mis d'accord avec l'honorable ministre de la guerre.

M. Moncheur. - La proposition de l'honorable M. Orts est tellement importante, elle soulève des questions si graves que je la considère comme une de celles sur la prise en considération desquelles il n'est pas même besoin de délibérer ; cette prise en considération doit être prononcée par la Chambre.

Toutefois sans me prononcer d'une manière complète sur la proposition en elle-même, je dois faire quelques réserves sur ce qu'elle a de trop absolu. Je crois aussi devoir vous prémunir un peu contre certains entraînements qui, à mon avis, pourraient avoir des inconvénients dans cette matière.

Je suis convaincu avec l'honorable auteur de la proposition qu'il y a quelque chose à faire relativement à la compétence, trop étendue aujourd'hui, des conseilsde guerre. Mais je désire que, dans cette matière comme dans toute autre, il n'y ait pas réaction trop vive, et je pense qu'il faut faire ici un peu la part des soixante années pendant lesquelles nos mœurs et les mœurs de l'armée se sont accoutumées à l'ordre de choses actuel.

Quant à moi, je vous avoue qu'il ne m'est pas démontré d'une manière parfaitement claire que la société ait à souffrir de la législation actuelle. Il est certain du moins qu'au point de vue de la répression des crimes et des délits ordinaires, la société n'a pas eu jusqu'à présent à se plaindre de la manière dont, généralement parlant, cette répression a été faite par les tribunaux militaires. Le nombre de condamnations pour crimes et délits communs a été, je pense, supérieur, eu égard au nombre des accusations, à ce qu'elles sont devant la juridiction ordinaire. Si donc l'intérêt de la société consiste dans le nombre de répressions, cet intérêt a été bien sauvegardé.

J'ai dit, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Orts était trop générale. En effet, elle ne distingue pas entre le temps de paix et le temps de guerre.

M. Orts. - C'est une erreur.

M. Rodenbach. - On a distingué dans les développements.

M. Moncheur. - Dans les développements, c'est possible. Mais il n'en est pas dit un mot dansl'a proposition même.

D'après la rédaction de sa proposition, l'honorable M. Orts n'a évidemment eu pour but que de déposer ici le germe d'une discussion approfondie de la matière. Ce n'est pas le moment de nous livrer à cette discussion approfondie. Mais j'ai seulement voulu faire ici quelques réserves qui me paraissaient utiles et même nécessaires.

Je me rallie donc à la proposition de l'honorable ministre de la justice, tendant au renvoi de la proposition à la commission spéciale qui est chargée de l'examen du projet de loi apportant quelques modifications au Code pénal militaire.

Ainsi que vous venez de l'entendre par les explications données par M. le ministre de la justice, il n'a pas dépendu jusqu'ici de cette commission de venir vous présenter son rapport.

En présence du discours du Trône qui annonçait la discussion de ce projet de loi comme prochaine, la commission pensait que l'accord existait entre le gouvernement et elle. Mais les explications qui lui ont été transmises, quelques jours après la rentrée des Chambres, par le gouvernement, lui ont prouvé que cet accord n'existait pas. De nouvelles observations ont été faites par la commission au gouvernement, et comme vient de le dire l'honorable ministre de la justice, la réponse à ces observations n'est pas encore arrivée à la commission. Elle regrette les retards, indépendants de sa volonté, que cette affaire a subis. Elle fera son possible pour hâter, autant que possible, le terme de ses travaux et la présentation de son rapport à la Chambre.

M. Lelièvre. - Je crois devoir appuyer la prise en considération de la proposition de M. Orts. Il est certain que le principe du projet est conforme aux règles générales du droit criminel. On ne voit pas pourquoi les militaires commettant des délits réprimés par le droit commun ne seraient pas soumis à la juridiction ordinaire et à quel titre ils jouiraient sous ce rapport d'un véritable privilège.

C'est du reste ce qui a déjà été sanctionné par la loi de 1846 sur la chasse et par le Code forestier qui va bientôt être sanctionné par les Chambres.

Du reste, je pense que la proposition de M. Orts devra être restreinte au temps de paix et que lorsque l'armée est en campagne, il y a nécessité de soumettre les militaires à la juridiction exceptionnelle pour tous les délits quelconques.

Il me semble aussi qu'il faudra déterminer avec soin, netteté et précision quels sont les délits qui devront être considérés comme délits militaires.

Nous pourrons examiner ces divers points lorsqu'il s'agira de discuter le fond même de la proposition. Pour le moment il est impossible de ne pas prendre en considération un projet qui tend à faire cesser un privilège, à ramener les choses aux principes équitables du droit commun et à faire disparaître un état de choses qui présente de sérieux inconvénients.

Cela est d'autant plus évident que devant les tribunaux militaires on n'admet pas de parties civiles, de sorte que dans l'état des choses actuel, les personnes lésées ne peuvent se joindre au ministère public et obtenir réparation par une voie simple et rapide.

Du reste, messieurs, le projet soulève certaines difficultés. Il s'agira de savoir si l'on ne doit pas déférer à une juridiction supérieure les délits commis par les généraux et autres officiers supérieurs. Je pense qu'à cet égard, la proposition n'est pas complète et que certains militaires devront être assimilés aux fonctionnaires publics qui ne sont justiciables que de la Cour d'appel.

Toutes ces questions seront discutées lors de l'examen de la proposition ; entre-temps, je ne puis qu'appuyer le projet qui, à mes yeux, a un caractère d'utilité incontestable et réalise un progrès dans notre législation.

M. Orts. - Je ne répondrai pas maintenant à quelques observations, d'ailleurs très bienveillantes, qui viennent d'être présentées sur le fond, je dois me borner à dire deux mots sur le renvoi proposé par l'honorable ministre de la justice. Je ne demande pas mieux que d'accepter comme premier juge de la valeur de ma proposition, la commission indiquée par l'honorable ministre de la justice ; j'aurais grand tort de m'en plaindre, puisque je fais moi-même partie de cette commission ; mais je ne puis pas accepter le renvoi dans les termes où il a été demandé ; voici pourquoi. M. le ministre de la justice désire que la commission fasse un seul et unique examen d'une proposition qui lui a été soumise antérieurement et de la proposition que je viens d'avoir l’honneur de développer. Si la commission veui faire un esamen spécial de (page 425) ma proposition, je ne demande pas mieux que d'accepter le renvoi, mais je crois qu'il serait peu juste, peu logique de lier le sort de ma proposition au sort d'une proposition qui est précisément enrayée dans les mains de la commission par le fait du gouvernement ; lier ma proposition à celle-là, ce serait donner au gouvernement le moyen de retarder la discussion jusqu'au moment, très éloigné dans tous les cas, où là chambre, fatiguée de subir des délais, prendrait des mesures pour obtenir les renseignements dont elle a besoin. Le gouvernement doit depuis deux ans à la commission des éclaircissements sans lesquels elle ne peut continuer ses travaux.

J'adhère donc au renvoi de ma proposition à la commission indiquée par M. le ministre de la justice, mais je demande qu'elle l'examine séparément.

M. le président. - Avant tout, la Chambre doit se prononcer sur la prise en considération. Ce n'est qu'après la prise en considération qu'on pourra s'occuper du point de savoir comment la proposition sera examinée.

- La prise en considération est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - La discussion est ouverte sur le point de savoir comment la proposition sera examinée.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, il y a, dans les paroles que vient de prononcer l honorable M. Orts, une teinte de défiance qui m'afflige et que je ne mérite pas, je pense. Voici comment les choses se sont passées relativement au projet de loi dont il s'agit :

Au moment où la Chambre s'est séparée, l'honorable M. Moncheur m'a communiqué des observations écrites par lui en sa qualité de rapporteur, sur celles que le ministre de la guerre et le ministre de la justice avaient adressées quelque temps auparavant à la commission.

J'ai communiqué à mon collègue de la guerre les observations de l'honorable M. Moncheur et il y a quatre ou cinq jours que M. le ministre de la guerre me les a renvoyées, avec ses propres observations. Dans deux ou trois jours je les renverrai à l'honorable M. Moncheur. Voilà comment l'affaire peut être enrayée d'une manière indéfinie par le gouvernement !

Pour ce qui concerne la proposition de l'honorable M. Orts, j'ai cru qu'on pouvait la renvoyer à la commission qui, ai-je eu soin d'ajouter, devait prochainement présenter son rapport à la Chambre. La commission, du reste, sera libre d'examiner si elle veut fondre la proposition de l'honorable M. Orts avec le projet en question ou si elle entend maintenir à la proposition de M. Orts son caractère de spécialité. Je n'avais pas, en proposant le renvoi à la commission, l'intention de trancher cette question : c'est évidemment à la commission de juger quelle marche elle aura à suivre.

Je le répète, messieurs, avant de me prononcer sur le fond de la question j'aurai à m'entendre avec M. le ministre de la guerre ; j'aurai également à m'entourer des lumières que peuvent me procurer les rapports des chefs de service de la justice militaire. Il faudra un certain temps pour que ces rapports me parviennent, pour que le gouvernement soit en possession des appréciations fondées sur l'expérience de ces hommes pratiques, fondées sur les nécessités de la discipline.

Mais je suis persuadé que, dans un délai de quelques semaines, nous serons parfaitement d'accord sur le fond comme sur la forme à donner à la disposition, et que cette session ne se passera pas sans que la Chambre se soit prononcée sur la proposition de l'honorable M. Orts.

- La Chambre, consultée, renvoie cette proposition à la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet de modifier le Code pénal militaire.

Projet de loi, amendé par le sénat, de code forestier

Second vote des articles

Article 50

M. le président. - La chambre en est restée à l'article 50. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 50. Les coupes des bois des communes et des établissements publics, réservées pour l'affouage des habitants ou le service de ces établissements, n’auront lieu qu'après la délivrance faite par les agents forestière.

« L'exploitation sera faite, soit par un entrepreneur spécial, soit sous la garantie de trois habitants solvables, choisis par la commune et agrées par l'administration forestière. Ces habitants seront soumis aux mêmes obligations que les entrepreneurs.

« Néanmoins, si les conseils communaux sont d'avis qu'il convient d'effectuer le partage sur pied des coupes destinées à l'affouage en nature, ils pourront y être autorisés par le Roi, sur l'avis de la députation permanente du conseil provincial.

« L'arrêté royal réglera la responsabilité des exploitants pour les délits et les contraventions commis pendant l'exploitation, si la délibération du conseil communal ne contient pas à cet égard de règles convenables.

« Si, dans les quarante jours à dater de la réception de l'acte de délibération au gouvernement provincial, il n'intervient pas d'arrêté royal, la résolution du conseil communal sera exécutoire. »

M. le ministre de la justice a proposé une nouvelle rédaction de l'article 50, ainsi conçue :

« Les coupes des bois des communes et des établissements publics, réservées pour l'affouage des habitants ou pour le service de ces établissements, n'auront lieu qu'après la délivrance qu'en feront les agents forestiers.

« L'exploitation sera faite par un entrepreneur spécial ; toutefois elle pourra avoir lieu, pour les coupes des bois des communes, sous la garantie de trois habitants solvables choisis par le conseil communal et agréés par l'administration forestière. »

Paragraphe 3 et 4 sans changement.

Paragraphe 5 supprimé.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - La Chambre se rappellera que, dans la séance du 1er décembre et sur les observations de l'honorable M. Tesch, une modification a été introduite dans l'article 50, tel que la commission l'avait proposé. Cette modification tendait à spécialiser en quelque sorte le mode d'exploitation des coupes des établissements publics.

L'honorable M. Orts, à la fin de la discussion sur l'article 50, a posé quelques questions auxquelles j'ai eu l'honneur de répondre.

L'honorable M. Thibaut a déposé un amendement qui tendait à satisfaire aux interpellations de l'honorable M. Orts. Il m'a paru que, pour rendre l'article très clair, il y avait lieu de faire un remaniement des deux premiers paragraphes de l'article, et c'est ce remaniement que j'ai formulé dans l'amendement actuellement en discussion.

D'après cet amendement, il resterait très clairement entendu que l'exploitation, dans tous les cas, c'est-à-dire lorsque les coupes de bois appartiennent aux communes ou aux établissements publics, serait faite par un entrepreneur spécial ; et qu'en outre, pour ce qui concerne les coupes de bois appartenant aux communes, l'exploitation pourrait également se faire sous la garantie de trois habitants solvables choisis par le conseil communal.

Je pense que cette rédaction n'est pas susceptible d'une discussion, et qu'elle rend inutile l'amendement de l'honorable M. Thibaut.

Je propose de supprimer le paragraphe 5 de l'article 50 ; je ne puis mieux faire, pour expliquer cette suppression, que de lire quelques passages d'une lettre d'un des membres de la commission qui a élaboré l'avant-projet de loi du gouvernement. Ces observations sont essentiellement pratiques et expliquent comment le maintien du paragraphe 5 de l'article 50 ferait naître une véritable difficulté dans l'exécution.

Messieurs, ce paragraphe dit : Si dans les 40 jours à dater de la réception de l'acte de délibération au gouvernement provincial, il n'intervient pas d'arrêté royal, la résolution du conseil communal sera exécutoire.

C'est la fixation de ce délai qui constitue d'après l'administration forestière une impossibilité. L'article 50 amendé par le Sénat et sous-amendé par la commission de la chambre sera inexécutable si les arrêtés royaux sur les demandes d'exploiter sur pied doivent intervenir dans les quarante jours.

Ni le Sénat ni la commission n'ont sans doute connaissance du véritable état des choses. L'exploitation sur pied étant le mode le plus ordinaire des coupes communales, il y aura presque autant d'arrêtés d'autorisation ou de refus que de coupes à partager ; et comme il y en a immensément, il serait impossible d'instruire toutes ces demandes et de préparer les arrêtés ; tout le temps des forestiers et de l'administration n'y suffirait pas.

Il est donc essentiel, selon moi, de supprimer le dernier paragraphe de l'article 50 et de laisser à l'arrêté d'exécution le soin de réglementer cet article.

Il me semble que ces observations, qui émanent d'un des plus anciens forestiers du pays, doivent être prises en considération et justifient la proposition que je fais de laisser aux arrêtés royaux le soin de statuer sur les demandes d'exploitation sur pied, faites par les communes sans assigner de délai fatal ; l'arrêté d'exécution de la loi fixera ce délai et le mode de statuer sur les demandes suivant les possibilités de l'administration.

M. Moncheur. - Messieurs, je pense que le paragraphe dont M. le ministre de la justice vient de demander la suppression doit être maintenu et je vais vous en dire la raison.

Il s'agit ici de coupes à faire sur pied ; lorsque ce mode d'exploitation est demandé par les conseils communaux, vous avez, comme garantie que l'exploitation sera bonne et régulière, ordonné par le paragraphe 5 de l'article 50 que ce mode d'exploitation ne pourra avoir lieu que pour autant qu'il aura été autorisé par le Roi, sur l'avis de la députation permanente du conseil provincial.

Par le paragraphe 4, vous avez statué que l'arrêté royal réglera la responsabilité des exploitants pour les délits et les contraventions commis pendaut l'exploitation, si la délibération du conseil communal ne contient pas à cet égard de règles convenables.

Ainsi, quand une commune désire faire exploiter sur pied la coupe destinée à l'affouage, un arrêté royal qui l'autorise doit intervenir ; mais on a, avec raison, dans le paragraphe 5 prévu le cas où l'arrêté royal se ferait attendre et même se ferait peut-être attendre indéfiniment.

Car comme les coupes doivent se faire à certaines époques de l'année, c'est-à-dire, avant que la sève ne monte, avant le printemps, ou pendant la sève s'il s'agit d’écorces, il pourrait arriver que si l'arrêté loyal n'arrivait pas ou arrivait trop tard, c'est-à-dire après l'époque obligée de l'exploitation, celle-ci serait devenue impossible.

De sorte que c'est avec un motif de nécessité qu'on a statué par le paragraphe dernier de l'article 50, que si dans les 40 jours à dater de la réception de l'acte de délibération au gouvernement provincial, il n'intervient pas (page 426) d'arrêté royal accordant ou refusant l'autorisation, il sera passé outre, c'est-à-dire que la résolution du conseil communal sera exécutoire

Evidemment 40 jours suffisent pour que le gouvernement s'explique à cet égard. Du reste, le gouvernement connaîtra la loi ; il n'aura qu'à donner les ordres nécessaires, pour que les affaires obtiennent, en temps utile, leur solution.

C'est à tort que l'honorable auteur de la lettre que M. le ministre vient de lire à la Chambre dit, qu'il faudrait autant d'instructions d'affaires qu'il y aurait de communes ; car il existe sur l'exploitation des coupes sur pied des règles déterminées d'une manière claire et précise dans des règlements locaux ou provinciaux ; les obligations imposées aux exploitants y sont bien déterminées, et en règle générale, les délibérations des conseils communaux qui se réfèrent à ces règlements existant depuis un temps immémorial dans les communes seront jugées suffisantes par le ministre et par le Roi.

Il n'y aura donc pas un travail bien spécial ni bien considérable à faire sur chaque demande d'exploitation, puisque ce travail est tout fait. Dans tous les cas 40 jours suffiront pour l'examen de ces sortes d'affaires. Si vous ne déterminez pas un délai quelconque après lequel les délibérations seront exécutoires, vous serez exposés à voir s'écouler le temps dans lequel les coupes doivent être faites, et ce sera souvent en juillet ou août qu'on recevra un arrêté royal autorisant une coupe qui devait se faire en janvier ou février ou au printemps au plus tard, s'il s'agit d'écorces.

Je pense donc que nous devons maintenir le dernier paragraphe de l'article 50.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je me suis fait l'écho de l'expérience de l'administration forestière par l'organe d'un de ses agents les plus habiles, membre de la commission qui a élaboré le projet de loi.

Il affirme que l'article 50 dans son paragraphe 5 serait un véritable obstacle, un grand embarras pour l'administration. J'ignore si c'est une erreur. L'honorable M. Moncheur l'affirme. L'honorable auteur de la lettre que j'ai lue dit le contraire. Je me réfère à l'expérience de cet agent, en qui j'ai toute confiance.

Pour compléter sa pensée, voici comment il explique que l'arrêté royal aurait réglé cette partie du service :

« Ce moyen consiste à prescrire aux communes qui demanderont à être autorisées conformément à l'article 50 à partager sur pied, de faire parvenir leurs demandes aux agents forestiers avant le 1er février de chaque année, époque de la formation des états d'assiette de l'ordinaire suivant.

« Ces états d'assiette indiqueraient celles de ces demandes susceptibles d'être autorisées. Celles qui offriraient des inconvénients ou des difficultés feraient l'objet d'un état particulier contenant les motifs qui s'opposent à ce mode d'exploitation.

« Cet état serait joint à l'état d'assiette et soumis comme celui-ci à la députation du conseil provincial et au ministre des finances ; il ne faudrait ainsi qu'un seul arrêté royal par inspection forestière, à annexer aux états d'assiette. Cet arrêté unique réglerait en même temps la responsabilité des exploitants et les mesures de précaution à observer. On éviterait ainsi un millier et plus d'arrêtés royaux et d'instructions de demandes faites partiellement pendant toute l'année.

« Une seule chose est donc essentielle, indispensable, c'est de supprimer ce dernier paragraphe de l'article 50 en laissant à l'arrêté d'exécution à réglementer cet article. Vous en comprendrez du reste la nécessité. »

Il me paraissait que les précautions indiquées dans cette lettre et qui auraient fait l'objet des dispositions réglementaires d'un arrêté royal, offraient toute garantie contre ces retards présumés de l'administration forestière, retards qu'on ne peut supposer, parce que, en définitive, l'administration forestière a intérêt à ce que les choses soient réglées dans le délai prescrit et pour le temps où les coupes peuvent se faire utilement.

En engageant les communes à faire parvenir leurs demandes motivées avant le 1er février, on aura le temps suffisant pour les apprécier et les soumettre à la sanction royale.

Voilà les motifs que je soumets à l'attention de la chambre et qui me font croire qu'on peut supprimer le dernier paragraphe de l'article 50, avec cette réserve que le gouvernement réglera sur le pied que je viens d'indiquer les autorisations à accorder.

M. Lelièvre. - Il est bien certain que si le système de M. Moncheur était admis, la disposition que nous examinons ne pourrait être maintenue telle qu'elle est conçue, parce qu'elle détruit complètement tout le système énoncé à l'alinéa 5 de notre article. En effet, d'après cet alinéa le partage sur pied doit être autorisé par le Roi. En conséquence, sous ce rapport les communes sont frappées d'une véritable incapacité. Or, ce principe une fois posé dans l'article, il est évident que tant que l'autorisation du Roi n'est pas obtenue, l'incapacité subsiste et ce n'est pas l'expiration d'un délai de quarante jours qui peut rendre les communes habiles à poser un acte qui leur est interdit sans l'assentiment du pouvoir royal.

Le système énoncé au dernier paragraphe a été emprunté à la loi communale de 1836 ; mais on a évidemment confondu l'hypothèse actuelle avec celle dont s'occupe la loi communale de 1836.

En effet, lorsque les résolutions des conseils communaux cessent de pouvoir être annulées après certain délai, c'est lorsqu'il est question de décisions prises par les conseils dans les limites de leurs attributions, décisions qui ne sont pas soumises à l'approbation de l'autorité supérieure.

Dans l'espèce, au contraire, on exige, par le troisième alinéa, l'autorisation royale. Or, ce principe une fois posé, ce n'est pas parce que cette autorisation n'a pas été accordée dans certain terme qu'il est possible de s'en passer.

Le système qu'on veut introduire est donc illogique, en opposition formelle avec une partie de la disposition que nous discutons, et relève la commune d'une incapacité dont elle est frappée d'après le projet tel qu'il est conçu.

M. Orban. - Je crois aussi qu'il y aurait de graves inconvénients à supprimer le dernier paragraphe de l'article 50.

Les demandes de partage sur pied des coupes de bois des communes ont lieu ordinairement pour les haies à écorecs. Or, l'exploitation des haies à écorces ne peut se faire convenablement que dans un temps limité et très court, c'est-à-dire pendant le temps de la sève.

Que les autorisations demandées ne reviennent pas en temps opportun et les conseils communaux se trouveront privés de la faculté si précieuse pour eux d'opérer le partage sur pied et l'exploitation en temps opportun.

Or, si une disposition semblable à celle que propose le gouvernement était adoptée, nous verrions se produire, en ce qui concerne les demandes de cette nature, l'inconvénient qui existe aujourd'hui en ce qui concerne les demandes de coupes extraordinaires faites par les communes.

Lorsque les communes demandent des coupes extraordinaires, elles doivent obtenir à cet effet l'autorisation royale. Eh bien, il en résulte un retard tel, que souvent l'autorisation pour effectuer les coupes extraordinaires se fait attendre pendant 5 ou 6 mois. Voilà le régime auquel vous soumettrez le partage sur pied des coupes ordinaires des communes si vous supprimez le dernier paragraphe de l'article 50.

Quant à moi j'insiste pour que le dernier paragraphe de l'article 50 soit maintenu.

M. Moncheur. - L'honorable M. Lelièvre ne me semble pas bien comprendre la matière relativement à l'article 50. Les communes ne sont pas frappées d'incapacité absolue en ce qui concerne le mode d'exploitation de leurs bois, ni en général, ni en fait de coupes sur pied.

Dans l'état actuel de la législation, les communes jouissent à cet égard d'une liberté dont elles n'ont pas abusé. Elles peuvent, sous l'approbation de la députation permanente, exploiter leurs coupes, soit par un entrepreneur spécial, soit en les livrant à l'exploitalions des habitants. Or, c'est un ordre de choses qui aurait dû être maintenu.

On est allé plus loin ; on est entré dans un système plus restrictif et à mon avis beaucoup trop restrictif de la liberté communale. On a dit : Outre l'avis de la députation permanente, il faudra l'autorisation du Roi.

Eh bien, messieurs, que s'est dit le Sénat ? Car il s'agit ici d'un amendement du Sénat. Il s'est dit et avec raison : Que si l'arrêté royal n'intervenait pas en temps utile, la délibération de la commune et l'avis de la députation permanente devenaient caduques. Quelques retards, un peu de négligence, comme cela n'arrive du reste que trop souvent et ainsi que vous l'a dit l'honorable M. Orban, rendraient complètement inutiles tous les projets de la commune et de la députation permanente concernant les coupes à faire. Une simple abstention suffirait pour que rien ne pût se faire.

C'est donc à juste titre que le dernier paragraphe de l'article 50 a pourvu à cette hypothèse qui, malheureusement (l'expérience le prouve), s'est présentée trop souvent et qui se présentera encore, et a statué que, dans ce cas, les délibérations des conseils communaux, approuvées par la députation permanente, sortiront leurs effets. Je ne vois rien là que de très naturel et de très conforme d'ailleurs à toutes les règles, conforme à ce qui est statué dans plusieurs circonstances semblables, notamment dans plusieurs cas prévus par la loi communale.

Par ces considérations et celles qu'a fait valoir l'honorable M. Orban, je crois que ce paragraphe doit être maintenu.

Notez d'abord, messieurs, qu'il est sans inconvénient même dans le système préconisé par la lettre dont M. le ministre a donné lecture. Car si, en vertu du système qu'il a proposé, on arrive à faire des états généraux de demandes sur lesquelles on pourra statuer par un seul arrêté royal, il en résultera que ce paragraphe sera heureusement inutile ; mais il n'en résulte pas qu'il sera nuisible, et j'insiste pour que cette garantie soit donnée aux communes, afin que leurs délibérations approuvées par les députations permanentes puissent sortir leurs effets.

- La discussion est close.

L'amendement de M. le ministre de la justice aux deux premiers paragraphes est adopté.

Le troisième et le quatrième paragraphes sontdéfinitîvement adoptés.

Le dernier paragraphe, dont M. le ministre de la justice a demandé la suppression, est mis aux voix ; il est adopté.

- L'ensemble de l'article 50 est adopté.

Articles 62 et 72

« Art. 62. Si les adjudicataires ne font pas, dans les délais fixés, les travaux que le cahier des charges leur impose, ces travaux seront exécutés à leurs frais, à la diligence des agents forestiers, sur l'autorisation du ministre pour les bois de l'Etat et sur celle de la députation permanente du conseil provincial pour les bois des commuues ou des établissements publics. Le ministre ou la députation arrêtera ensuite et rendra exécutoires, contre les adjudicataires, les mémoires des frais. Le payement en sera poursuivi par les mêmes voies que le recouvrement du prix de vente. »

- Adopté.


« Art. 72. Dans les bois des communes ou des établissements publics, (page 427) le réarpentage est facultatif. S'il est requis indûment par l’une des parties, elle en supportera seule les frais.

Dans le cas contraire, les frais seront à charge des deux parties.

- Adopté.

Article 78

« Art. 78. Si aucune contravention n'est constatée et si le procès-verbal de récolemenl ne donne lieu à aucune difficulté, l'administration délivrera à l'adjudicataire la décharge de l'exploitation.

« Faute par l'administration de délivrer cette décharge dans le mois du procès-verbal, l'adjudicataire sera déchargé de plein droit. »

M. Lelièvre. - Je pense qu'on pourrait rédiger le second alinéa en ces terùes :

« Si cette décharge n'est pas délivrée dans le mois du procès-verbal, l'adjudicataire sera libéré de plein droit. »

Cette rédaction me semble préférable, parce que le texte actuel, faute par l'administration de délivrer cette décharge, etc., pourrait faire supposer qu'il est nécessaire de mettre l'administration en demeure. D'un autre côté, il est possible que l'administration ne soit pas même en faute, et cela arrive lorsque aucune demande de décharge ne lui a été adressée.

Sous un autre rapport, la rédaction doit être améliorée, le mot « décharge » figure trois fois dans la disposition.

J'estime donc que mon amendement rend la disposition plus claire, énonce clairement qu'il ne peut être question de mise en demeure et améliore la rédaction.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je me rallie à cette rédaction.

- L'article 78, rédigé comme le propose M. Lelièvre, est adopté.

Articles 84, 97 et 105 à 107

« Art. 84. Il ne sera plus fait à l'avenir, dans les forêts de l'Etat, des communes ou des établissements publics, aucune concession de droits d'usage, de quelque nature et sous quelque prétexte que ce puisse être. »

- Adopté.


« Art. 97. Chaque année, avant le 1er mars, pour le pâturage, et le 15 septembre, pour le panage ou la glandée, l'administration forestière fera connaître aux usagers les cantons déclarés défensables et le nombre de bestiaux qui seront admis au pâturage ou au panage, ainsi que la durée du parcours.

« Le collège des bourgmestre et échevins fera, sans retard, la publication de ces décisions dans les communes usagères. »

- Adopté.


« Art. 105. Aucun essartage autre que celui des baies à sart d'essence chêne désignées par l'administration forestière ne pourra être opéré sans l'autorisation du ministre, dans les bois de l'Etat et sans l'autorisation de la députalion permanente du conseil provincial, sur l'avis de l'administration forestière, dans les bois des communes ou des établissements publics.

« En cas de dissentiment entre la députation permanente et l'administration forestière, le Roi prononcera. »

- Adopté.


« Art. 106. Quiconque essartera, en contravention à l'article précédent, sera puni d'une amende de 26 à 100 francs, par hectare essarté sans préjudice de la confiscation de la récolte obtenue et des condamnations encourues pour les souches ou les arbres endommagés par le fer ou le feu. »

- Adopté.


« Art. 107. Aucune extraction, aucun enlèvement de pierre, de sable, de minerai, terre ou gazon, tourbe, bruyères, genêts, herbages, feuilles vertes ou morles, engrais existant sur le sol des forêts, glands, faines et autres fruits ou semences, des bois et forêts, ne pourront avoir lieu que du consentement du propriétaire, sans préjudice des autorisations exigées par les lois et règlements.

« Le consentement des communes et des établissements publics devra, en outre, être approuvé par la députation permanente du conseil provincial, l'administration forestière entendue.

« Toute extraction, tout enlèvement obérés contrairement aux dispositions qui procèdent seront punis ainsi qu'il suit :

« Par voiture ou tombereau, de 10 à 30 francs pour chaque bête attelée ;

« Par charge de bête de somme, de 5 à 10 francs ;

« Par charge d'homme, de 2 à 5 francs.

« Les délinquants pourront, en outre, être condamnés à ua emprisonnement de un à sept jours. »

- Adopté.

Article 110

« Art. 110. L'article 672 du Code civil est applicable aux arbres de lisières des bois et forêts.

« Néanmoins, les propriétaires riverains ne pourront se prévaloir de la disposition de cet article concernant l'élagage, à l'égard des arbres ayant plus de 30 ans, au moment de la publication de la présente loi.

« Tout élagage exécuté sans l'autorisation des propriétairas des bois et forêts, sera puni comme si le bois avait été coupé en délit. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, le Sénat se trouvait en présence des trois paragraphes qui composent l'article 110. Il a retranché les deux derniers paragraphes et il a maintenu cet article dans les termes suivants : « L'article 672 du Code civil est applicable aux arbres de lisières des bois et forêts. »

Votre commission a proposé de rétablir les deux paragraphes qui consacrent le droit acquis après trente années au profit de certains arbres anciens, qui font l'objet du paragraphe 2 et a interdit tout élagage sans autorisation du propriétaire.

J'avais dit dans une précédente séance que la suppression des deux derniers paragraphes devait être une erreur, parce qu'il résultait des Annales Parlementaires que le vote du Sénat avait porté sur les trois paragraphes de l'article, et que, par conséquent, ces trois paragraphes avaient été maintenus ; la vérification que j'ai faite sur le texte de l'original, transmis par le Sénat à la Chambre, m'a prouvé que les Annales avaient mal reproduit cette partie de la discussion du Sénat, et que les deux paragraphes avaient été retranchés. Je crois devoir faire cette rectification de fait, parce que dans une précédente séance j'avais dit que la suppression des deux paragraphes dans le texte transmis à la Chambre, devait être le résultat d'une erreur.

Maintenant, la Chambre a adopté les deux paragraphes par respect pour certains droits acquis ; je pense qu'il n'y a pas de motif sérieux pour ne pas se rallier à l'opinion exprimée par la commission et adoptée déjà par la Chambre et je ne doute nullement que le Sénat ne s'y rallie également.

- Le maintien des deux paragraphes est mis aux voix et adopté, ainsi que l'amendement introduit dans le dernier paragraphe.

Article 121

« Art. 121. Les agents et gardes forestiers recherchent et constatent, jour par jour, par procès-verbaux, les délits et contraventions en matière forestière et de chasse, savoir : les agents, dans toute l'étendue du territoire pour lequel ils sont commissionnés, et les gardes, dans l'arrondissement du tribunal près duquel ils sont assermentés. »

M. le président. - M. Lelièvre a proposé de rétablir le mot « arpenteurs » là où il a été supprimé au premier vote.

M. Lelièvre. - J'estime qu'il faut maintenir aux arpenteurs forestiers le droit de dresser des procès-verbaux, d'abord parce qu'ils ont été investis de cette prérogative par les lois antérieures et qu'il n'existe aucun motif sérieux de déroger à ces dispositions qui n'ont donné lieu à aucun inconvénient.

Il est à remarquer que les opérations des arpenteurs forestiers se continuent quelquefois sur le terrain pendant plusieurs mois, et qu'ils ont même une aptitude spéciale à constater certains délits, par exemple les empiétements et attires qui échappent souvent aux autres agents forestiers.

Il n'y a donc aucune raison d'abroger la législation antérieure à cet égard, abrogation qui ne doit jamais avoir lieu sans motifs graves.

Du reste, ce que je viens d'annoncer résulte déjà de l'article 6 du projet qui considère comme fonctionnaires les arpenteurs forestiers. Dès lors il est naturel qu'ils aient le droit de dresser des procès-verbaux dans l'exercice de leurs fondions.

Au surplus, si vous adoptez mon système, il faudrait rayer de notre disposition les expressions « jour par jour », ces mots ne pouvant s'appliquer qu'aux arpenteurs forestiers.

M. Orts, rapporteur. - Messieurs, la commission avait supprimé le mot « arpenteurs », lors de son premier examen, et elle a persisté à le supprimer lorsqu'elle s'est occupée la seconde fois de cette question. Voici les raisons qui l'ont déterminée à ne pas admettre les arpenteurs forestiers parmi les agents ordinaires de l'administration, et à ne pas leur donner les mêmes devoirs et les mêmes droits. Les arpenteurs forestiers, à la différence des autres agents, ont une mission purement temporaire, ils ne sont quelque chose dans l'administration que quand ils sont requis pour faire un arpentage ; hors ce cas ils n'ont aucun rapport avec elle.

Maintenant quand ils sont requis pour faire un arpentage, ils peuvent constater dans leurs procès-verbaux d'arpentage tous les délits qu'ils ont découverts, et il n'est pas besoin de leur en donner le droit, puisque ces procès-verbaux n'ont pas d'autre but. Or, les procès-verbaux d'arpentage faisant foi devant les tribunaux, il n'y a pas le moindre inconvénient à maintenir ce qui existe, c'est-à-dire à conserver aux arpenteurs forestiers le droit de constater ce qu'ils voient en arpentant, sauf à laisser à l'administration la faculté de faire de ces actes tel usage qu'elle jugera convenable.

Si vous mettez les arpenteurs forestiers sur la même ligne que les agents ordinaires de l'administration, vous arrivez à un inconvénient qui a déterminé la commission lors des deux examens auxquels elle s'est livrée successivement ; cet inconvénient, l'honorable M. Lelièvre l'a signalé tout à l'heure en faisant sentir les conséquences de sa proposition : les agents de l'administration forestière doivent rechercher de par la loi, jour par jour, toutes les contraventions et constater jour par jour celles qu'ils découvrent. C'est le devoir des agents permanente de rechercher les contraventions jour par jour, et je dirai même, nuit par nuit, car la surveillance de nuit est tout aussi indispensable que la surveillance de jour.

Il faut donc rappeler aux agents ordinaires de l'administration la surveillance permanente, de tous les instants, qu'ils doivent exercer ; or, il est impossible d'exiger une telle surveillance des arpenteurs forestiers, et l'honorable M. Lelièvre l'a compris, car il maintient les arpenteurs dans l'article pour en faire des agents permanents ; mais comme il est impossible de leur faire exercer une surveillance de tous les (page 428) instants, l'honorable membre supprime l'injonction faite aux agents de rechercher jour par jour tous les délits.

Dès lors qu'arrivera-t-il ? Vous aurez rendu la chose très bonne, très facile pour les arpenteurs forestiers, mais vous aurez diminué de beaucoup la surveillance que vous devez imposer avant tout aux autres agents de l'administration, agents dont les fonctions sont très importantes et auxquels il convient de conserver toutes leurs attributions et tous leurs devoirs.

Je pense donc qu'il n'y a pas de raison pour rétablir les arpenteurs forestiers dans l'article et qu'il y a de très bonnes raisons pour ne pas le faire.

Les arpenteurs forestiers ne sont, en définitive, que des personnes prêtant leur concours à l'administration dans une circonstance donnée où ce concours est utile, comme des avocats, par exemple, donnent des conseils, en cas de procès, à d'autres administrations publiques sans être le moins du monde des agents permanents de ces administrations ; si vous mettez les arpenteurs forestiers sur la même ligne que les agents ordinaires de l'administration, vous aurez créé une nouvelle classe de fonctionnaires publics et vous verrez probablement s'élever plus tard, de ce chef, des prétentions relatives à la pension, point sur lequel j'appelle spécialement l'attention de la Chambre, en terminant.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - J'avais proposé à la Chambre, dans une précédente séance, de maintenir aux arpenteurs le droit qui leur était dévolu par l'article 121 du projet adopté par le Sénat ; je viens, messieurs, appuyer l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, qui tend à rétablir le mot « arpenteurs » dans cet article et dans toutes les autres dispositions où il a été supprimé.

L'honorable M. Orts se trompe s'il croit que les arpenteurs ont une mission purement temporaire et de circonstance ; les arpenteurs employés par l'administration le sont, la plupart du temps, plusieurs mois de suite et les opérations auxquelles ils se livrent durent quelquefois six ou huit mois pendant lesquels ils s'occupent exclusivement de l'arpentage qui leur est confié par l'administration.

L'honorable M. Orts croit aussi, comme il l'a exprimé dans une précédente séance, que ce serait faire un très mauvais cadeau aux arpenteurs que de les charger de dresser des procès-verbaux. Eh bien, les arpenteurs se sont mis en mouvement depuis qu'on a supprimé leur nom dans l'article 121 et ils sont venus réclamer près de moi et près de plusieurs membres de la Chambre, ils ont dit que c'était les dépouiller d'une qualité dont ils sont très honorés, qui inspire au public une sorte de confiance et qui les relève. Ce droit de dresser procès-verbal est une prérogative à laquelles ils attachent beaucoup de prix.

Voilà, messieurs, les faits tels qu'ils m'ont été révélés depuis par les démarches d'un de ces messieurs, organe de plusieurs de ses confrères.

Maintenant on prétend qu'il faudrait supprimer de l'article 121 les mots « jour par jour », si l'on y rétablit le mot « arpenteurs », et en faisant allusion, sous ce rapport, à l'opinion émise par l'honorable M. Lelièvre, l'honorable rapporteur vous dit que cela prouve bien que le droit de dresser des procès-verbaux jour par jour ne peut pas être attribué à des agents de hasard, temporaires, tels que les arpenteurs. Je crois que l'honorable M. Orts comprend mal les mots « jour par jour », lorsqu'il entend par là que les agents arpenteurs ou gardes forestiers doivent rechercher, constater les délits, tous les jours de l'année. Certainement la surveillance des agents forestiers, comme des arpenteurs, doit être constante ; mais lorsqu'on dit que l'on doit constater jour par jour les délits par procès-verbaux, cela signifie que les procès-verbaux doivent se faire au moment où les délits sont constatés, à mesure qu'ils sont découverts. Voilà le sens dans lequel j'entends que les agents doivent rechercher et constater jour par jour, par procès-verbaux, les délits et contraventions.

Ainsi, pendant la période de temps assez longue durant laquelle les arpenteurs sont au service de l'administration, l'administration a grand intérêt à ce que ces agents, qui sont sur les lieux, puissent contribuer au maintien de la bonne police dans les forêts.

Il y a, d'ailleurs, des délits spéciaux pour lesquels les arpenteurs sont extrêmement compétents et à l'égard desquels leur intervention peut être fort utile.

On dit que vous créerez des fonctionnaires en donnant aux arpenteurs le droit de constater les délits. Mais en leur donnant ce droit, vous ne donnez pas beaucoup plus que ce qu'ils ont déjà comme arpenteurs.

Ils sont, comme tels, employés par l'administration pendant plusieurs mois de l'année ; ils ont le droit de dresser des procès-verbaux dans leurs arpentages ; ils ont évidemment une qualité publique. Leurs procès-verbaux font foi pour une chose essentielle, c'est-à-dire pour les limites des coupes.

Dans ces termes donc, je crois qu'il y a de bonnes raisons pour maintenir aux arpenteurs un droit que l'administration trouve convenable et utile de leur conserver, droit qu'eux-mêmes réclament comme une des prérogatives de leur mission.

Je pense donc qu'il y a lieu d'adopter l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.

M. Orban. - Messieurs, je pense qu'il y a lieu de maintenir la suppression du mot « arpenteurs » dans l'article, et de ne pas charger ces agents du soin de faire des procès-verbaux en matière forestière.

En effet, quelle est la mission des arpenteurs forestiers ? Est-ce de surveiller les bois ? est-ce de veiller à la constatation des délits ? En aucune manière : leur mission n'a pas le moindre rapport avec une pareille surveillance ; les agents forestiers sont chargés de constater les limites des coupes, de constater qu'elles n'ont pas été dépassées par l'exploitant ; en dehors de cela, ils n'ont absolument rien à faire. Leur confier le soin de dresser des procès-verbaux serait donc, je le répète, leur attribuer une mission complètement en dehors de leur service.

Maintenant, messieurs, veuillez remarquer ceci : c'est que les arpenteurs forestiers n'exercent pas comme les gardes forestiers leurs mission dans une circonscription restreinte. Ils sont chargés de parcourir les bois appartenant à une foule de communes, et, par conséquent ils auraient à dresser des procès-verbaux sur un territoire extrêmement étendu, où ils ne connaissent ni les lieux, ni les individus qui ont commis les contraventions. Or, il y aurait là un véritable inconvénient.

En effet, la loi qui concerne les gardes forestiers ne leur donne le droit de constater les délits que dans un certain ressort : en dehors de ce ressort, les gardes forestiers n'ont pas le droit de constater les délits ; en dehors du ressort pour lequel il est assermenté, le garde n'a pas qualité pour dresser un procès-verbal.

Maintenant je vous dirai qu'en général il y a un très grand inconvénient à conférer le droit de dresser des procès-verbaux à des individus qui ne sont pas obligés de faire ces procès-verbaux. Ce n'est pas une charge, c'est en quelque sorte un privilège que vous leur accordez... (Interruption.) C'est incontestable. C'est une faculté que vous donnez à l'agent forestier, ce n'est pas une obligation que vous créez pour lui, et cela est si vrai, messieurs, que personne ne songera jamais à rendre un arpenteur responsable d'un délit forestier non constaté, comme cela peut se faire pour un garde.

Eh bien, je dis qu'il y a un inconvénient sérieux à donner le droit de faire des procès-verbaux à ceux qui n'en ont pas l'obligation, car c'est créer un droit à des privilèges comme à des rigueurs exceptionnelles, c'est en quelque sorte légaliser l'arbitraire.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je ne puis pas laisser passer l'erreur dans laquellevient de tomber l'honorable préopinant. L'honorable M. Orban affirme de la manière la plus positive que les arpenteurs, dans le système de la loi, ne seraient pas obligés de constater et de rechercher les délits et contraventions. Il n'en est rien : il suffit, pour s'en convaincre, de lire l'article 121, tel qu'il serait rédigé si l'amendement de l'honorable M. Lelièvre était adopté :

« Les agents arpenteurs et gardes forestiers recherchent et constatent, jour par jour, par procès-verbaux, les délits et contraventions, etc. »

Si l'article est impératif pour les agents et gardes forestiers, s'il impose une obligation aux agents et gardes forestiers, il impose cette même obligation aux arpenteurs, parce que les termes de l'article sont communs à toutes les catégories d'agents, ayant qualité pour dresser des procès-verbaux.

Donc, l'arbitraire que l'honorable M. Orban signale comme le principal inconvénient de l'intervention des arpenteurs, n'existe en aucune façon.

Pour ce qui concerne la qualité des arpenteurs, j'avoue que l'honorable M. Orban ne me semble pas avoir réfuté ce que j'ai eu l’honneur de dire à la chambre sur la nature et la durée de leur mission, et sur la réclamation élevée par les arpenteurs eux-mêmes, quand ils ont vu qu'on allait les priver du droit de faire des procès-verbaux pendant le cours de leurs opérations.

M. Lelièvre. - Je dois d'abord déclarer que, puisqu'il est entendu que les mots « jour par jour » ont le sens de l'interprétation que leur donne M. le ministre de la justice, je ne crois pas devoir insister sur la suppression de ces expressions.

Je dois aussi répondre quelques mots aux honorables préopinants. Il est d'abord à remarquer que le droit conféré aux arpenteurs forestiers de dresser des procès-verbaux n'a rien de commun avec le droit à la pension. Remarquez que, par l'artocle 6 du projet, nous avons conféré aux arpenteurs la qualité de fonctionnaires publics. Sous ce rapport, ils ont droit à la pension, sans égard à la question de savoir s'ils peuvent ou non dresser des procès-verbaux.

Maintenant, messieurs, je demande s'il existe des motifs sérieux pour innover les dispositions antérieures qui attribuent aux arpenteurs forestiers le droit que je revendique pour eux. Qu'on veuille me signaler les inconvénients auxquels a donné lieu l'ordre de choses actuel.

Or, messieurs, on n'abroge jamais les lois antérieures sans des motifs solides. Dans l'espèce, toutes les législations précédentes ont conféré aux arpenteurs forestiers le droit de rédiger des procès-verbaux et lorsqu'il s'agit de déroger à un état de choses remontant à des époques très reculées, il me semble qu'il faudrait apporter des raisons décisives et surtout indiquer les inconvénients qu'ont fait naître les dispositions dont on provoque l'abrogation.

Mais il y a plus, messieurs, il existe certains délits commis dans les bois qui ne peuvent être constatés avec intelligence et connaissance de cause que par les arpenteurs forestiers.

Veut-on maintenant se priver d'agents intelligents qui peuvent être d'un grand secours pour constater de nombreux méfaits et des délits tout spéciaux qui peuvent ne pas être remarqués par des gardes n'ayant pas les connaissances spéciales que doivent avoir les arpenteurs ?

D'ailleurs, les arpenteurs forestiers sont des fonctionnaires publics. Il est dès lors tout naturel de leur conserver la prérogative concernant les procès-verbaux.

(page 429) Je persiste donc à demander qu'on rétablisse le mot « arpenteurs » supprimé au premier vote, avec d'autant plus de motifs que le trésor n'est aucunement grevé par l'état de choses dont je demande le maintien

M. Orban. - Il est une chose évidente ; c'est que le droit de faire des procès-verbaux en matière de délits forestiers est le corollaire, la conséquence de l'obligation d'exercer une surveillance. Si l'agent forestier n'était pas chargé d'exercer cette surveillance dans les bois, il n'aurait pas le droit de faire des procès-verbaux. Or, l'arpenteur n'a pas l'obligation, n'est pas chargé de surveiller les bois et forêts dans lesquels il se rend pour exercer sa mission. Cette mission appartient au garde forestier. Vous ne pouvez pas donner à l'arpenteur un droit qui n'est pas la conséquence de la mission dont il est chargé.

L'honorable M. Lelièvre demande si jamais le moindre inconvénient est résulté de la faculté donnée à l'arpenteur de dresser des procès-verbaux.

Au lieu de répondre à cette question de l'honorable membre, je lui en adresserai une autre ; je lui demanderai si jamais un arpenteur a usé de la faculté de dresser des procès-verbaux, qu'on veut leur conserver. Pour moi, je ne crois pas que jamais un arpenteur ait dressé un procès-verbal pour délit forestier.

Il y a plus, c'est que les arpenteurs sont complètement inaptes à rédiger de semblables procès-verbaux ; il faut pour cela des connaissances spéciales qui ne sont pas, il est vrai, difficiles à acquérir, mais que possèdent seuls les agents forestiers ; de telle manière qu'un procès-verbal rédigé par un homme étranger à cette matière, ne pourrait le plus souvent aboutir à une condamnation.

Encore un mot : presque jamais un arpenteur ne circule dans les forêts où il est appelé à exercer son métier sans être accompagné d'un agent forestier. Dès lors, quand il est accompagné de l'agent spécialement chargé de la recherche et de la constatation des délits, à quoi sert de le charger de ce soin ?

- L'amendement de M. Lelièvre est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 121 est définitivement adopté.

Articles 122 à 127, 132, 137 et 138

« Art. 122. Les agents et gardes sont autorisés à saisir les bestiaux trouvés en délit, et les instruments, voitures et attelages du délinquant, et à les mettre en séquestre. Ils suivront les objets enlevés par le délinquant jusque dans les lieux où ils auront été transportés, et les mettront également en séquestre. Ils ne pourront néanmoins s'introduire dans les maisons, bâtiments, cours et enclos adjacents, si ce n'est en présence, soit du juge de paix, soit du bourgmestre, soit du commissaire de police. »

- Adopté.


« Art. 123. Les fonctionnaires dénommés en l'article précédent ne pourront se refuser à accompagner sur-le-champ les agents et gardes, lorsqu'ils en seront requis. Ils seront tenus, en outre, de signer le procès-verbal du séquestre ou de la perquisition faite en leur présence ; en cas de refus de leur part, l'employé forestier en fera mention dans son procès-verbal. »

- Adopté.


« Art. 124. Les agents et gardes arrêteront et conduiront devant le juge de paix, devant le bourgmestre ou devant le commissaire de police, tout individu surpris en flagrant délit. »

- Adopté.


« Art. 126. Les agents et les gardes dé l'administration des forêts ont le droit de requérir directement la force publique pour la répression des délits et contraventions en matière forestière, ainsi que pour la recherche et la saisie des bois coupés en délit, vendu ou achetés en fraude. »

- Adopté.


« Art. 127. Les gardes signeront leurs procès -verbaux et les affirmeront, au plus tard, le lendemain de la clôture, par-devant le juge de paix du canton, ou par-devant le bourgmestre soit de la commune de leur résidence, soit de la commune où le délit a été commis ou constaté ; le tout sous peine de nullité.

« Si le procès-verbal n'est pas écrit de la main du garde, ; l’officier public qui en recevra l'affirmation devra lui en donner préalablement lecture et mentionner cette formalité dans l'acte d'affirmation, sous peine de nullité. »

- Adopté.


« Art. 132. Les tribunaux correctionnels sont seuls compétents pour connaître des délits commis dans les lois soumis au régime forestier. »

- Adopté.


« Art. 137. Les procès-verbaux, dressés et signés par deux agents ou gardes forestiers, font, s'ils sont réguliers, preuve, jusqu'à inscription de faux, des faits matériels relatifs aux délits et contraventions qu'ils constatent. »

- Adopté


« Art. 138. Les procès-verbaux réguliers, dressés par un seul agent ou garde, feront de même preuve jusqu'à inscription de faux, si le délit ou la contravention n'est pas de nature à entraîner une condamnation de plus de 100 francs, tant pour amende que pour dommages-intérêts. Lorsque le délit est de nature à emporter une condamnation pécuniaire plus forte, ces procès-verbiux ne feront foi que jusqu'à preuve contraire. »

- Adopté.

Article 139

« Art. 139. Si un procès-verbal constate à la fois, contre divers individus, des délits ou contraventions distincts et séparés, il n'en fera pas moins foi jusqu'à inscription de faux pour chaque délit ou contravention qni n'entraînerait pas une condamnation de plus de 100 francs, tant pour amende que pour dommages-intérêts, quelle que soit la quotité à laquelle pourront s'élever toutes les condamnations réunies. »

M. le ministre de la justice propose de substituer à cet article la disposition suivante :

« Les procès-verbaux ne feront foi que jusqu'à preuve contraire toutes les fois que l'emprisonnement sera requis comme peine principale contre les délinquants. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - D'après le droit commun, les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire font foi en justice jusqu'à inscription de faux, ou jusqu'à preuve contraire.

L'article 137 de la loi en discussion donne aux procès verbaux dressés et signés par deux agents ou gardes forestiers, force probante jusqu'à inscription de faux sans distinction de la quotité de l'amende ; et l'article 138 ne donne cette force aux procès-verbaux dressés par un seul agent que dans les limites déterminées par cet article quant à l'amende.

L'honorable M. Tesch ne voulant pas que les procès-verbaux fissent foi jusqu'à inscription de faux dans les cas où le délit entraîne l'emprisonnement, a proposé de dire : L'emprisonnement ne pourra être prononcé comme peine principale que dans le cas où le délit sera établi par les moyens ordinaires de preuve.

Dans la pensée de l'honorable membre, les moyens ordinaires sont : la preuve testimoniale. Je me suis à la première vue rallié à cet amendement tout en me réservant d'y revenir au second vote.

Après un examen attentif, j'ai vu que cet article était en contradiction avec les principes généraux de Code d'instruction criminelle, avec la doctrine admise en matière de procès-verbaux. Les procès-verbaux dressés par les agents de l'autorité font foi soit jusqu'à inscription de faux, soit jusqu'à preuve contraire, et dans ce cas le droit de les combattre par la preuve contraire appartient au délinquant ou prévenu.

Je crois devoir vous rappeler à cet égard les dispositions de l'article 154 du Code d'instruction criminelle qui s'applique en vertu de l'article 189 à tous les délits, même à ceux qui entraînent l'emprisonnement.

Cet article est ainsi conçu : (L'orateur donne lecture de cet article.)

Ainsi tout en s'en rapportant au libre arbitre des tribunaux, quant à l'admission et à l'appréciation de la preuve contraire des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, il est évident, suivant moi, que la rédaction de l'honorable M. Tesch va contre le principe que nous devons soigneusement maintenir. J'ai pensé qu'il était plus convenable et plus conforme à ce principe pour entrer dans la pensée de la Chambre, afin que les procès-verbaux pussent être, lorsqu'il y a lieu, combattus par la preuve contraire, de dire : « Les procès-verbaux ne feront foi que jusqu'à preuve contraire toutes les fois que l'emprisonnement sera requis comme peine principale contre les délinquants. »

Lorsqu'un procès-verbal aura été rédigé par un garde et que l'officier du ministère public devant le tribunal se bornera à requérir une amende dans les limites de l'article 138, le procès-verbal, même lorsqu'il aura été rédigé par un seul garde, fera foi jusqu'à inscription de faux. Si l'on requiert l'emprisonnement comme peine principale, le délinquant aura le droit de combattre le procès-verbal par une preuve contraire. Le procès-verbal ne vaudra pas jusqu'à inscription de faux.

Je crois qu'ainsi l'on rendra hommage aux principes et aux scrupules exprimés par l'honorable M. Tesch, et adoptés par la Chambre.

M. Lelièvre. - Je dois proposer une observation sur l'amendement de M. le ministre de la justice. Je pense qu'il serait préférable d'énoncer l'article en ces termes :

« Les procès-verbaux ne feront foi que jusqu'à preuve contraire toutes les fois que l'emprisonnement sera prononcé par la loi, comme peine principale contre les délinquants. »

La raison est qu'en matière répressive le juge n'est pas lié par le réquisitoire du ministère public, auquel l'amendement de M. le ministre fait évidemment allusion. Ainsi, le ministère public ne requerrait pas l'emprisonnement, néanmoins le tribunal pourrait croire qu'il y a lieu de prononcer cette peine. Le prévenu pourrait même se trouver placé dans une position assez équivoque.

En effet, je suppose que le ministère publie n'ait pas requis la peine d'emprisonnement, le prévenu pourrait ne pas demander à débattre le procès-verbal par une preuve contraire. Mais le juge qui n'est pas lié par les réquisitions du ministère public pourrait cependant appliquer la peine en question, sur le vu du procès-verbal contre lequel aucune preuve contraire n'aurait été administrée. A mon avis, du moment que la loi prononce l'emprisonnement, le procès-verbal doit cesser de faire foi jusqu'à inscription de faux. Toutes les parties doivent être averties qu'il ne fait foi que jusqu'à preuve contraire et elles peuvent alors prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder leurs intérêts.

(page 430) Mais à mon avis la force probante des procès-verbaux ne peut dépendre de la nature du réquisitoire du ministère public dont le tribunal a le droit de s'écarter. En second lieu, il est évident que c'est la nature de la peine prononcée par la loi qui doit empêcher qu'on n'attribue aux procès verbaux la force exorbitante de faire foi jusqu'à inscription de faux. Des circonstances subséquentes ne sauraient influer sur la valeur de l'acte constatant le délit.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Vous remarquerez que le Sénat a donné aux tribunaux le droit de prononcer la peine d'emprisonnement, non seulement lorsque l'amende n'est pas payée, ce qui est un emprisonnement subsidiaire, mais encore le droit de prononcer l'emprisonnement, chaque fois qu'une amende aurait été prononcée par la loi, comme aggravation de peine. Si l'on entre dans le système proposé par l'honorable M. Lelièvre, les procès-verbaux ne feront jamais foi jusqu'à inscription de faux, parce que la peine d'emprisonnement, comme peine principale, aura été dans la faculté du juge, en vertu d'une disposition générale introduite par le Sénat. C'est pour cela que je me suis borné à mettre le mot « requis » dans mon amendement.

Il n'y a pas là de surprise à craindre pour les délinquants ; car si la peine d'emprisonnement est requise par le ministère public, par le seul fait de cette réquisition le prévenu aura le droit d'opposer la preuve contraire, parce que le procès-verbal cessera de faire foi jusqu'à inscription de faux. Si l'on entre dans le système de l'honorable M. Lelièvre, les procès-verbaux seront dans tous les cas dépouillés de la preuve probante jusqu'à inscription de faux.

Si la Chambre ne veut pas adopter mon amendement, j'aimerais mieux voir supprimer la disposition qui donne aux tribunaux la faculté d'ajouter l'emprisonnement dans les cas où la loi prononce une amende parce que nous rentrerions dans le texte primitif de l'article, et que nous conserverions aux procès-verbaux des gardes, dans le plus grand nombre des cas, la preuve probante jusqu'à inscription de faux, ce qui est indispensable pour la bonne administration et la conservation des forêts ; en effet, si vous donnez, dans tous les cas, le droit d'opposer aux procès-verbaux la preuve contraire, vous verrez des abus, parce que les maraudeurs se soutiennent entre eux ; ils ne reculeront pas devant un faux témoignage pour sauver un de leurs complices. Par conséquent l'administration forestière sera livrée au libre arbitre des maraudeurs.

Je persiste à croire que mon amendement n'offre pas les inconvénients qu'a signalés l'honorable M. Lelièvre.

Il est vrai qu'une réquisition du ministère public ne lie pas le juge, qui est libre, malgré cette réquisition, de prononcer plus ou moins que ce qui a été requis. Mais la réquisition suffira pour donner au délinquant le droit de se justifier par la preuve contraire. Par conséquent toutes les garanties que peut désirer le prévenu sont suffisamment assurées par mon amendement. Je crois donc qu'il convient de l'adopter

M. le président. - M. Lelièvre insiste-t-il ?

M. Lelièvre. - Je ne partage pas l'opinion de M. le ministre de la justice et je persiste dans mes observations ; mais je préfère l'amendement tel qu'il est conçu à la proposition subsidiaire de M. le ministre.

- L'article 139 est mis aux voix et adopté avec la rédaction proposée par M. le ministre de la justice.

Article 155

« Art. 155. La coupe ou l'enlèvement d'arbres ayant deux décimètres de tour et au-dessus, donnera lieu à des amendes qui seront déterminées dans les proportions suivantes :

« Les arbres sont divisés en trois classes :

« La première classe comprend les chênes, châtaigniers, noyers, ormes, frênes, mélèzes et les acacias ;

« La deuxième se compose des hêtres, charmes, érables, platanes, arbres résineux, autres que les mélèzes, tilleuls, peupliers, bouleaux, aliziers, cerisiers, merisiers et autres arbres fruitiers ;

« Et la troisième, des trembles, aunes, saules, sorbiers et toutes autres espèces d'arbres, non comprises dans les deux paragraphes qui précèdent.

« Si les arbres de la première classe ont deux décimètres de tour, l'amende sera d'un franc par chaque décimètre. Elle s'accroîtra ensuite progressivement, savoir :

« De cinq centimes par chaque décimètre jusqu'à cinq décimètres inclusivement ;

« De dix centimes par chacun des cinq décimètres suivants ;

« De quinze centimes par chaque décimètre, pour les arbres au-dessus d'un mètre jusqu'à quinze décimètres ;

« Et pour les arbres au-dessus de quinze décimètres, de vingt centimes par chaque décimètre.

« L'amende sera de la moitié des sommes fixées ci-dessus pour les arbres de la deuxième classe, et du quart pour ceux de la troisième classe. Le tout conformément au tableau ci-annexé. La circonférence sera mesurée à un mètre du sol.

(Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

« Et ainsi de suite dans la même progression de vingt centimes par chaque décimètre.

« Le juge pourra, suivant les circonstances, porter l'amende jusqu'au double.

« Il pourra, en outre, condamner les délinquants à un emprisonnement ne dépassant pas un mois, si l'amende est de 150 francs ou au-dessous, et six mois si l'amende est supérieure à cette somme. »

- Adopté.

Article 158

« Art. 158. Les amendes pour abatage ou déficit de baliveaux, pieds corniers et parois, et autres arbres de réserve, tant dans les coupes en exploitation que dans celles des deux années précédentes, seront d'un tiers en sus toutes les fois que l'essence et la circonférence des arbres pourront être constatées.

« Si, à raison de l'enlèvement des arbres et de leurs souches, ou de toute autre circonstance, il y a impossibilité de constater l'essence et la dimension des arbres, l'amende sera de 10 a 30 francs pour un baliveau de l'âge du taillis, de 30 à 60 francs pour un moderne et de 60 à 200 fr. pour un ancien.

« Les délinquants pourront, en outre, être condamnés à l'emprisonnement fixé par l'article 155. »

- Adopté.

Article 166

« Art. 166. Quiconque, sans motifs légitimes, sera trouvé dans les bois (page 431) et forêts, hors des routes et chemins ordinaires, porteur de serpe, cognée, hache, scie ou autres instruments de même nature, sera condamné à une amende de 5 francs.

« Si le contrevenant n'est porteur d'aucun instrument, il pourra, suivant les circonstances, être condamné à une amende de deux francs : lorsque le fait aura été constaté dans le bois d'un particulier, la poursuite ne sera exercée que sur la plainte du propriétaire. »

M. David. - Je ne reviendrai pas sur les graves considérations que j'ai eu l'honneur de faire valoir dans la précédente discussion contre le deuxième paragraphe de l'article mis en discussion. Dans tous les cas, je ne toucherai qu'à une seule. Je répète que je trouve excessivement dangereux pour la moralité de nos populations de les attraire pour des vétilles devant les tribunaux correctionnels sous prétexte de contraventions inconnues dans quelque pays civilisé que ce soit.

Quels seront, messieurs, les principaux délinquants, c'est-à-dire de qui se composera la plus grande partie de cette classe de contrevenants ?

Ce sera des enfants et des jeunes gens, car c'est pendant la jeunesse que l'on commet le plus souvent de ces sortes d'infractions, que l'on fait de ces promenades illicites dans les bois.

N'habituons donc pas nos compatriotes à aborder les tribunaux répressifs sans honte, sans appréhension.

La considération nouvelle que je voulais vous présenter est celle-ci. Non seulement dans les provinces que je connais le mieux, dans les provinces de Namur, de Luxembourg et de Liège, mais dans toute la Belgique, un très grand nombre de familles pauvres n'ont pour ainsi dire d'autres ressources que la cueillette des fruits dans les forêts. C'est ainsi que, pendant l'été, un grand nombre de ces familles pauvres vont cueillir des fraises, des myrtilles, des nèfles, des noisettes, pour les vendre sur le marché et se forment ainsi un petit pécule qui leur permet de subvenir à leur entretien pendant l'hiver.

Si vous adoptez le paragraphe qui vous est présenté, il est certain que les propriétaires diront toujours : « Ces gens-là viennent déranger mes faisans, viennent déranger mes chevreuils, et ils n'entreront plus dans mes bois. » Il sera donc impossible à cette partie intéressante des populations qui avoisinent les forêts, de continuer à se former un certain fonds de réserve pour l'hiver.

J'insiste très fortement sur cette considération, parce que moi-même je connais plusieurs familles qui ne vivent que du produit de la récolte des fruits sauvages.

Messieurs, quelques-uns de nos honorables collègues ont, je pense, adopté le paragraphe, parce qu'ils ont supposé que, dans tous les cas, cette espèce de contravention n'amènerait les délinquants que devant le juge de paix ; mais qu'ils se détrompent ; qu'ils veuillent bien lire l'article 132.

Il est indubitable, d'après cet article, que les promeneurs dans les bois soumis au régime forestier seront toujours traduits devant le tribunal correctionnel ; ce ne sont que les promeneurs dans les bois des particuliers qui seront traduits devant le juge de paix.

Je vous en prie, messieurs, réfléchissez bien avant de donner votre vote approbatif à ce paragraphe.

M. Orban. - Messieurs, je crois qu'il n'est pas nécessaire que je revienne sur la longue discussion qui a eu lieu dans cette enceinte, en faveur de l'article que vient d'attaquer l'honorable M. David.

L'honorable membre a lui-même donné tout à l'heure une excellente raison, en faveur de cet article, qui peut être ajoutée à celles qui ont été alléguées dans la première discussion. L'honorable membre a parlé du gibier, des faisans que la présence d'étrangers dans un bois peut en faire disparaître.

Messieurs, c'est là, à mon avis, un des motifs qui militent le plus contre la circulation dans les bois. Il est certain que si vous livrez en quelque sorte un bois à la circulation publique, vous rendrez plus difficiles la conservation de la chasse et la multiplication du gibier ou au moins de certain gibier. Il est sûr, par exemple, que l'élève du faisan deviendrait impossible dans un bois où chacun aurait le droit de s'introduire et de circuler à volonté.

Mais ce n'est pas pour ce motif que j'ai demandé la parole ; car je ne connaissais pas les observations que voulait présenter l'honorable M. David. Mon intention est de dire un mot d'un amendement que j'ai présenté au premier vote et qu'a combattu, selon moi mal à propos, M. le ministre de la justice.

L'article 166 fait un délit de la présence, hors des routes et chemins, d'une personne qui se trouve dans un bois et il punit ce délit d'une amende de 2 fr. Mais lorsque ce même individu est trouvé, hors des chemins, porteur d'instruments de certaine espèce, de nature à favoriser la perpétration d'un délit forestier, le délit s'aggrave et devient passible d'une amende de 5 fr. au lieu de 2 fr.

J'avais proposé de joindre à l'énumération de ces instruments celle des armes à feu. Il me paraissait, en effet, que si la possession des instruments énumérés à l'article 166 était de nature à aggraver le délit, à plus forte raison la possession d'armes à feu devait être une circonstance aggravante du même délit ; car la possession de ces armes est à la fois un moyen de faciliter la perpétration de délits forestiers, de délits contre la police générale, et de délits de chasse.

Mais M. le ministre de la justice n'a pas cru devoir se rallier à cette disposition qui, selon moi, aurait amélioré la loi, et il a présenté une objection qui sans doute a fait beaucoup d'impression sur la Chambre, mais qui avait le défaut de manquer d'exactitude. Il vous a dit que mes observations pourraient être très vraies, mais qu'on ne devait pas, dans une loi forestière, s'occuper de dispositions relatives à la chasse.

Cette observation avait d'abord le défaut de ne pas répondre aux arguments que j'avais eu l'honneur de vous présenter, puisque j'avais fait valoir que la possession d'armes de chasse est à la fois un moyen de faciliter la perpétration des délits de chasse, des délits forestiers et des délits contre la police générale. Mais l'observation de M. le ministre de la justice n'était pas même juste.

J'ai revu, depuis le premier vote, la loi et je me suis aperçu que M. le ministre n'était pas dans le vrai, lorsqu'il disait que le Code forestier ne s'occupait pas de ce qui concerne la chasse.

En effet, je lis à l'article 121 que « les agents et gardes forestiers recherchent et constatent, jour par jour, par procès-verbaux, les délits et contraventions en matière forestière et de chasse ».

Vous voyez donc que l'objection à l'aide de laquelle on a écarté une disposition qui, selon moi, devait améliorer la loi, manquait complètement de fondement.

M. David. - A entendre l'honorable M. Orban, on croirait qu'il n'appartient pas au Luxembourg, à cette province si giboyeuse, où lés grands amateurs de chasse cherchent tous à louer des terrains sur lesquels ils puissent chasser.

Ce que nous demandons, ce n'est pas la concession d'un droit qui n'existe pas ; nous ne demandons que le maintien de ce qui a existé jusqu'à présent. Nous demandons que les propriétés boisées soient régies par le droit commun, comme le sont les propriétés arables, les propriétés cultivées.

Je demanderai à l'honorable M. Orban si les excursions que l'on a faites jusqu'à présent, sous quelque motif que ce soit, dans les bois du Luxembourg, ont amené une diminution considérable du gibier ? Certainement non ; c'est encore cette partie du pays qui est pour ainsi dire couverte de bois, qui est la plus giboyeuse de la Belgique.Ce ne sont donc pas là des considérations que l'on puisse invoquer lorsqu'il s'agit d'introduire dans le Code forestier un nouveau genre de contravention qui n'est connu nulle part. Veuillez consulter tous les Codes forestiers des pays civilisés qui nous entourent et vous ne verrez nulle part qu'on ait trouvé bon d'insérer une pareille disposition.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je ne reviendrai pas sur le fond de l'article ; il a été discuté à trois reprises différentes ; la Chambre est éclairée et je ne pourrais que répéter les considérations au moyen desquelles j'ai justifié l'amendement. Je veux seulement répondre aux observations que vient de m'adresser l'honorable M. Orban au sujet des arguments par lesquels j'avais combattu sa proposition relative aux armes de chasse. J'ai dit qu'il ne fallait pas, dans le Code forestier, créer en quelque sorte un délit spécial de chasse, et l'honorable M. Orban me répond par une disposition qui donne aux agents forestiers le droit de constater les délits de chasse dans les bois de l'Etat et dans les bois soumis au régime forestier.

Mais messieurs, les faits dont il est question dans l'article 166 sont des délits forestiers proprement dits ; la circonstance du port d'un instrument est aggravante, aux termes de l'article 166, au point de vue de la conservation des forêts, et j'ai dit à l'honorable M. Orban que le port d'une arme de chasse dans une forêt ne pouvait pas être considéré par le Code forestier comme une circonstance aggravante parce que ce port d'une arme de chasse n'impliquait pas l'idée d'un délit au même titre que le port d'un instrument tranchant, par exemple, le porteur pouvant être considéré comme disposé à commettre un délit forestier lorsqu'il était rencontré dans une forêt hors des voies et chemins.

De deux choses l'une, ou celui qu'on rencontre dans une forêt est en état de chasse, c'est-à-dire dans une position telle, qu'il doit être considérée comme chassant illégalement, et dans ce cas, il y aura, de la part de l'agent forestier, constatation d'un délit de chasse ; ou bien le porteur d'une arme de chasse ne sera pas dans cette position et il ne sera pas non plus muni d'un instrument propre à faciliter un délit forestier et alors il ne doit être considéré que comme se promenant illégalement dans un bois.

Ainsi, messieurs, il n'y a rien dans les paroles de l'honorable M. Orban qui infirme l'argument que j'avais fait valoir, car la circonstance aggravante au point de vue du Code forestier n'est point dans le simple port d'une arme de chasse ; le délit ne peut exister que lorsque le porteur d'une arme chasse en effet, mais alors il peut contrevenir à la loi sur la chasse et non pas à la loi forestière. Quant au droit de constater des délits de chasse par les agents forestiers, il ne change rien à la nature de ces délits.

M. Moncheur. - L'honorable M. David a dit que des promeneurs innocents et des enfants seront constamment en butte à des procès-verbaux, constamment exposés à être traduits devant le tribunal de première instance ; que les pauvres qui se nourrissent quelquefois au moyen de la cueillette des fruits, seront privés de cette ressource et que, de cette manière, on va amener un ordre de choses tout nouveau ; mais, messieurs, lorsque dans l'état actuel des choses, les pauvres se livrent à la cueillette des fruits, c'est par la tolérance des propriétaires et, par conséquent, rien ne sera innové à cet égard, puisque d'après l'amendement adopté au premier vote et que j'engage la Chambre à maintenir les faits dont il s'agit ne pourront donner lieu à poursuite que sur la plainte du propriétaire.

(page 432) Or, si les propriétaires sont assez bienfaisants aujourd'hui, pour permettre aux pauvres de cueillir des fruits dans les bois, et je les engage beaucoup à continuer sous ce rapport leur manière actuelle de faire, ils agiront, après le vote de la loi, comme ils le faisaient auparavant, et rien ne sera changé.

La proposition, messieurs, a une importance immense pour la conservation des bois, non point peut-être pour le Luxembourg, et pour certaines parties de la province de Namur où les bois sont très considérables, mais pour d'autres contrées où les bois sont très restreints, relativement aux autres propriétés rurales et où ils se trouvent au milieu d'une population tellement dense, tellement portée au maraudage, que si l'on ne porte pas une disposition de ce genre, les bois disparaîtront entièrement du sol belge ; si donc vous voulez que le sol belge conserve quelques bois, il est indispensable de maintenir la disposition adoptée au premier vote.

M. David. - Messieurs, il y a une immense différence entre l'état de choses qu'on veut établir et celui qui existe aujourd'hui. Aujourd'hui le propriétaire est obligé d'intenter une action civile et de prouver le fait du dommage causé pour obtenir une condamnation ; d'après la proposition, au contraire, il suffira d'une simple plainte pour faire condamner un promeneur à deux, francs d'amende.

- Les deux paragraphes de l'article sont successivement mis aux voix et adoptés.

L'article est ensuite adopté dans son ensemble.

Articles 176bis et 177

« Art. 176 bis. Toutes les dispositions de la présente loi, relative aux bois et forêts qui fout partie du domaine de l'Etat, sont applicables aux bois et forêts dans lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis, soit avec des communes ou des établissements publics, soit avec des particuliers.

« Quant aux bois indivis entre des communes ou des établissements publics et des particuliers, ils seront régis comme les bois qui appartiennent exclusivement à des communes ou des établissements publics. »

- Adopté.


« Art. 177. Les gardes des bois des particuliers ne pourront entrer en fonctions qu'après avoir été agréés par le gouverneur de la province, sur l'avis de l'agent forestier du ressort, et avoir prêté serment devant le tribunal de première instance.

« Ils devront être âgés de vingt-cinq ans accomplis., Ils pourront obtenir du gouverneur, sur l'avis de l'agent forestier, une dispense d'âge dans les limites fixées par l'article 10. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote, par appel nominal sur l'ensemble du projet.

En voici le résultat :

71 membres y prennent part.

64 répondent oui.

3 répondent non.

4 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Deliége, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orban, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle (C), Thibaut, Thiéfry, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (A.), Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Anspach, Brixhe, Clep, Coomans, Coppieters, de Baillet (H.), de Breyne, de Bronckart, Delehaye et Delfosse.

Ont répondu non : MM. Lesoinne, Closset et David.

Se sont abstenus : MM. Jacques, Orts, Pierre et Ad. Roussel.

Les membres qui se sont abstenus motivent leur abstention en ces termes :

M. Jacques. - J'admets la plupart des dispositions qui concernent la police forestière ; leur ensemble me paraît améliorer notablement la législation qui est en vigueur. Mais je ne puis pas approuver la plupart des dispositions qui concernent l'administration des bois des communes parce que l'on a resserré les attributions des conseils communaux dans des limites trop étroites.

M. Orts. - Messieurs, je n'ai pas voté contre la loi, parce que je la considère comme une amélioration sérieuse ; je n'ai pas pu voter pour, parce que je ne veux pas attacher mon nom à une loi qui me paraît montrer plus de sollicitude pour les faisans et les chevreuils que pour les honnêtes gens qui se promènent dans les bois.

M. Pierre. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. Orts.

M. Roussel. - Et moi aussi.

- La séance est levée à 4 heures et un quart.