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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 2 mai 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)

(Présidence de M. Delfosse.)

(page 1567) M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

M. Vermeire présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le conseil communal de Meulebekc prie la Chambre de rejeter le projet de loi qui proroge le délai fixé pour l'achèvement de la ligne de chemin de fer de Deynze par Thielt et Meulebeke à Ingelmunster, et demande l'entière exécution de la loi de concession de cette voie, ou tout au moins qu'une section soit immédiatement construite. »

M. Thienpont. - Messieurs, je ne puis laisser passer cette pétition sans vous faire remarquer l'importance de son objet. Il s'agit, en effet, de la prorogation, sans conditions, d'un délai ou de l'envoi aux calendes grecques des derniers travaux à exécuter dans la Flandre occidentale pour parfaire les différentes voies ferrées, y concédées à une société étrangère.

L'achèvement de ces travaux intéresse au plus haut degré non seulement l'arrondissement de Thielt, que cette nouvelle voie de communication doit traverser dans toute sa longueur, mais encore la Flandre orientale et le Hainaut qui, après l'achèvement de la ligne d'Audenarde, seront mis plus directement en rapport avec la Flandre occidentale et cela en passant par le centre d'un des districts les plus importants de cette province.

Messieurs, j'ai quitté Thielt il n'y a pas deux fois 24 heures, et j'y ai appris que la société allait entamer les travaux dans la journée d'hier. Du moins, samedi passé, des brouettes étaient arrivées sur les lieux, et l'ordre avait été donné, quelque temps qu'il fît, de commencer immédiatement les travaux de terrassement.

Ce déploiement d'activité et de travail étonne tout le monde, vu qu'il est de notoriété publique que la société concessionnaire n'a définitivement acquis qu'une seule pièce de terre de la contenance de deux hectares au plus. C'est sur ce point unique que doit se concentrer l’immense travail de la société, des manœuvres de laquelle je suis peu disposé à devenir la dupe, et c'est parce que je crains, messieurs, que l'honorable ministre des travaux publics ne trouve dans cette coïncidence du commencement des travaux avec sa demande de prorogation, des arguments pour faire adopter son projet de loi, que j'ai jugé utile de vous présenter ces observations.

Je demande, messieurs, l'envoi de cette pétition à la section centrale qui est saisie du projet de loi de prorogation. Les honorables membres de cette section ne manqueront pas d'examiner cette affaire avec tous les soins nécessaires, et bientôt la Chambre pourra juger en parfaite connaissance de cause.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur J. Ophoff, préposé des douanes à Desschel, prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Heetveld prie la Chambre de rejeter le projet de loi sur la réunion des faubourgs à la capitale et les sieurs Schavy et Bastin, se prononçant en faveur de l'agrandissement de Bruxelles, demandent l'abolition du droit d'octroi. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Par deux pétitions, des habitants de Saint-Josse-ten-Noode présentent des observations contre le projet de loi sur la réunion des faubourgs à la capitale. »

« Observations dans le même sens des sieurs Renson, Moonens et autres habitants d'une commune suburbaine de Bruxelles. »

- Même décision.


« Par 18 pétitions, des négociants, marchands, fabricants, industriels et autres habitants de Bruxelles prient la Chambre de rejeter le projet de loi sur la réunion des faubourgs à la capitale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.


« Par 11 pétitions, plusieurs propriétaires et habitants de Saint-Josse-ten-Noode, Ixelles, Molenbeek-Saint-Jean, Bruxelles, Laeken, Anderlecht, Schaerbeek, Saint-Gilles, Koekelberg et du Quartier-Léopold demandent l'annexion des faubourgs à la capitale.

« Même demande de propriétaires et habitants de la partie rurale de la commune de Schaerbeek. »

- Même décision.


« M. Ch. Rousselle, forcé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé de trois jours. »

- Accordé.

Projets de loi portant règlement définitif des budgets des exercices 1847 et 1848

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). présente deux projets de lois ayant pour objet le règlement définitif des budgets des exercices 1847 et 1848.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets et les renvoie à l'examen de la commission des finances.

Projet de loi portant le budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VII. Commerce, navigation, pêche

Articles 30 et 31

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 30 qui avait été tenu en suspens et qui est ainsi conçu :

« Art. 30. Encouragements pour la navigation entre les ports belges et étrangers, sans que, dans l'un ou l'autre cas, les engagements puissent obliger l'Etat au-delà du crédit alloué pour l'exercice 1855, et sans que les crédits puissent excéder 40,000 fr. par service. Personnel : fr. 1,050.


« Art. 31. Idem. Frais divers : fr. 113,350. »

Le gouvernement a proposé d'ajouter après les mots : « Encouragements pour la navigation entre les ports belges et étrangers, sans que dans l'un ou l'autre cas, » ceux-ci : « Sauf pour le service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil. »

La section centrale propose l'adoption de cet amendement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, cette disposition du budget impliquant de la part de la Chambre l'approbation de la convention que j'ai conclue avec un armateur d'Anvers pour la création d'une ligne régulière de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil, je demande à la Chambre la permission de lui dire quelques mots à l'appui de cette convention.

L'utilité des communications maritimes à vapeur n'a plus besoin d'être démontrée. C'est une question jugée au-dehors par l'autorité des faits, et vous-mêmes vous avez eu l'occasion de manifester votre manière de l'envisager quand vous approuviez naguère d'un vote à peu près unanime la création d'un service de ce genre entre Anvers et New-York.

Je ne rappellerai pas les considérations qui vous frappaient alors. Il me suffira de vous faire remarquer que les circonstances, depuis un an, n'ont pu que les renforcer.

Le système des droits différentiels va se restreignant. Ce qu'on lui avait surtout demandé, c'était le développement de nos relations avec les contrées transatlantiques. Bon ou mauvais, ce régime a en partie disparu, et il est devenu opportun d'y suppléer par d'autres combinaisons parmi lesquelles, je n'hésite pas à le dire, il n'en est pas de plus efficaces que des communications accélérées et régulières entre nos ports et les marchés d'outre-mer.

Les traités de commerce, à leur tour, donnent lieu à des difficultés sans cesse renaissantes. Il est de plus en plus difficile de les conserver ou de les renouveler. A ce point de vue encore il est sage, semble-t-il, de préparer à nos industries des voies nouvelles qui ne les laissent point dans la dépendance absolue des débouchés européens.

Enfin, il est une raison qui domine toutes les autres par son actualité et qui, à elle seule, suffirait, je crois, pour attacher à la création de lignes de navigation à vapeur transatlantiques le caractère d'une prévoyante nécessité : cette raison, c'est que nos rapports avec le Levant et avec le Nord sont aujourd'hui sérieusement embarrassés, pour ne pas dire plus. Le mal peut durer, il peut s'étendre. On comprendra aisément que, dans une telle situation et devant une telle perspective, les Etats essentiellement producteurs tournent les yeux vers d'autres directions et cherchent à ne point se laisser prendre au dépourvu.

L'établissement d'un service vers New-York était un acheminement important vers le but que nous avions en vue, mais il était évident que l’œuvre ne serait complète qu’alors que nous aurions fait, pour nos relations avec l’Amérique du Sid, ce que nous avions décidé pour nos rapports avec l’Amérique du Nord. Cette seconde partie du plan messieurs, la convention qui vous est soumise la remplit. Les lignes de New-York et de Rio seront les deux grandes artères de notre commerce avec les deux Amériques. L’Etat, par son concours, assure la création de ces lignes principales ; mais on peut déjà prévoir avec certitude que de nombreux embranchements, si on peut s’exprimer ainsi, viendront bien y aboutit.

Nous vendons à l'Europe pour 212 millions de francs de nos produits,

A l'Amérique du Nord, pour 10 millions ; A l'Amérique du Sud pour 7 millions (valeur réelme). Ces chiffres en disent plus que tous les commentaires. Nous avons évidemment beaucoup de terrain à gagner dans les parages transatlantiques. Notre lot actuel y est suffisant, mais ce que nous faisons déjà permet d'augurer ce que nous pourrions faire, si notre commerce avec l'Amérique était pourvu de toutes les facilitées qui lui manquent encore.

Or, et pour ne parler que du Brésil, les maisons de commerce établies à Rio, à Bahia, etc. ont souvent signalé l'infériorité de leur position comparée à celle des maisons anglaises sur le même marché. Il ne suffit pas de produire bien et à bon compte ; il faut encore arriver à propos sur les marchés de cette espèce, et pour cela des communications, régulières et certaines sont indispensables.

(page 1568) La navigation à voiles, si nombreuse qu'elle soit, ne peut satisfaire entièrement à cette condition, parce qu'elle ne procure point des occasions d'expéditions fixes. On ne doit pas craindre, du reste, soit dit en passant, que la navigation à vapeur vienne porter préjudice à la navigation à voiles L'expérience a depuis longtemps fait justice de ces améliorations en Angleterre et, dans le cas actuel, il y a assez d'aliments pour desservir l'une et l'autre. Nos échanges avec le Brésil représentent déjà une valeur de 10 à 15 millions annuellement. Le Brésil est aujourd'hni calme et tranquille ; non moins que sa situation politique, sa situation économique et commerciale accuse des progrès sérieux. Son commerce avec l'Europe prendrait une extension considérable s'il était aidé par le mouvement d'une immigration abondante et soutenue. L'immigration européenne au Brésil a jusqu'ici marché avec lenteur par suite d'une cause bien connue de tous ceux qui se sont occupés de cette question, c'est-à-dire par suite de l'incertitude et de l'obscurité de la législation sur les terres publiques. Cet obstacle va disparaître. Des règlements précis sur la matière seront prochainement promulgués au Brésil, je crois même qu'ils le sont à l'heure actuelle, et je crois pouvoir annoncer que des arrangements importants interviendront entre le gouvernement impérial et la ligne belge pour le transport des émigrants qui d'Allemagne, de Hollande, de Belgique et même de France viendront s'embarquer à Anvers en destination du Brésil.

Le projet qui nous occupe est donc d'une utilité incontestable en même temps que d'une actualité parfaite ; c'est le complément naturel du service de New-York, et c'est, enfin, une entreprise qui a des chances assurées de succès. Bien que le gouvernement n'ait traité qu'avec un seul armateur, de fait l'arrangement sera exécuté par les plus notables maisons d'Anvers et par des maisons belges établies au Brésil.

Il me resterait à examiner, messieurs, si, pour atteindre ce résultat, le gouvernement a dû souscrire à des conditions onéreuses. Je crois pouvoir m'en dispenser. Il vous aura suffi, pour former votre conviction à cet égard, de jeter les yeux sur la convention.

L'Etat ne se charge pas de garantir l'intérêt du capital, tandis que le budget ne sera grevé que de charges très minimes, et qui seront d'ailleurs compensées par des recettes équivalentes. Le subside alloue à l'entreprise sera pris sur l'allocation annuellement affectée à l'encouragement de la navigation, et les payements sont répartis en une série de termes échelonnés sur les crédits de 1853 à 1860 et même au-delà, si le service était momentanément interrompu pour des causes de force majeure.

Il n'est pas besoin, je pense, d'insister sur ce point que si l'Etat rembourse les frais de pilotage, de tonnage, etc., il ne fait que rendre d'un côlé ce qu'il a perçu de l'autre.

La convention laisse, quant à l'époque de la mise en activité, quelque latitude aux entrepreneurs. Il en a été de même dans l'affaire de New-York. Il ne faut pas placer les fondateurs entre un terme fatal et trop rapproché, et les conditions des constructeurs. Dans la réalité, on peut s'attendre que le premier départ aura lieu d'Anvers vers le milieu de 1855 et peut-être encore avant ; les entrepreneurs ayant intérêt, une fois leurs capitaux engagés, à en retirer les fruits le plus tôt possible.

Je crois être certain aussi que le tonnage des navires dépassera notablement la limite minima fixée par la convention.

La Chambre reconnaîtra que des garanties convenables ont été prises pour assurer l'exécution du contrat.

Je n'entrerai pas dans les autres détails de la convention. Ils sont empruntés, pour la plus grande part, aux dispositions adoptées pour la ligne de New-York.

J'ai moins tenu à vous entretenir des clauses isolément prises qu'à vous les signaler dans leur ensemble et dans leur portée générale. J'ai pensé, messieurs, que pour bien juger le projet actuel, il fallait surtout le considérer dans ses rapports avec l'état de notre législation maritime, de nos traités, de notre commerce d'exportation et surtout des circonstances actuelles ainsi que des difficultés qu'elles recèlent et qui déjà se font jour. Je résumerai toute mon opinion, messieurs, et j'espère que la Chambre la partagera, en disant qu'à mes yeux les lignes de New York et de Rio présenteront pour le pays une importance au moins égale et dans tous les cas plus durable que n'en pourraient avoir deux bons traités de commerce !

M. Rodenbach. - Je consens volontiers à l'allocation de 3,500 fr. affectée cette année à l'établissement d'un service de navigation à vapeur entre la Belgique et le Brésil ; j'y donne mon entière adhésion, et ce d'autant plus que nous devons chercher tous les moyens d'étendre nos relations commerciales d'outre-mer.

Il est reconnu, messieurs, que dans notre industrieuse Belgique il y a exubérance de fabricats en tous genres, et que ce sont les débouchés qui manquent à l'exportation de nos produits. Je ne citerai pour exemple qu'un seul article : je veux parler des toiles ; eh bien, messieurs, les Anglais importent annuellement pour au-delà de 60 millions de toiles dans le Brésil, les colonies et d'autres parties de l'Amérique méridionale ; tandis que nous, qui possédons la matière première et la main d'oeuvre à meilleur marché qu'en Angleterre, nos exportations de toiles se bornent à quelques centaines de mille francs vers les contrés transatlantiques que je viens de citer. Un autre motif qui me fait appuyer fortement l'amendement qui nous est soumis, c'est que notre débouché de toiles pour la France diminuera d'année en année, car déjà dans le département du Nord il y a considérablement de communes qui comptent de 5,000 à 6,000 ouvriers tisserands qui tissent les mêmes, toiles que nous. Je me bornerai à ce peu de mots, étant convaincu que le trésor doit savoir faire quelques sacrifices pour augmenter nos exportations.

-L'article est mis aux voix et adopté.

Article 31bis

M. le président. - Le gouvernement a proposé un article 31 bis, ainsi conçu :

« Service de navigation à vapeur entre Anvers et les Etats-Unis, remboursement des frais de port : fr. 14,400.

« Idem entre Anvers et le Brésil, remboursement des frais de pilotage, tonnage, etc. : fr. 11,152. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Service de navigation à vapeur entre Anvers et New-York, subside accordé en vertu du n°1 de l'article 10 de la convention du 29 mai 1853 : fr. 14,400.

« Idem entre Anvers et Rio de Janeiro, remboursement des droits de tonnage, de pilotage, de phares et fanaux, spécifiés à l'article 6 de la convention du 25 avril 1854 : fr. 11,152. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere) déclare se rallier à la rédaction de la section centrale.

- L'article est adopté avec cette rédaction.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

Les articles 1 et 2 du projet de loi du budget sont successivement mis aux voix et adoptés.

Ils sont ainsi conçus :

« Art. 1er. Le budget du ministère des affaires étrangères est fixé, pour l'exercice 1855, à la somme de deux millions quatre cent vingt-six mille quatre cent trente-quatre francs soixante-sept centimes (fr. 2,426,434 67 c), conformément au tableau ci-annexé. »

« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à affecter à l'établissement d'un service de navigation à vapeur enlre la Belgique et le Brésil, une somme de trente-cinq mille francs restée disponible sur l'article 31, chapitre VII du budget du même département, pour l'exercice 1853. »


Il est procédé au vote par appel uominal sur l'ensemble du budget.

76 membres ont répondu à l'appel.

Tous ont répondu oui.

En conséquence, la Chambre adopte. Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Dumon, Faignart, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moucheur, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vander Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegenn Vermeire, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Clep, Closset, Coomans, Coppieters, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Brouckerc, de Decker, de Haerne, Delehaye, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T’Serclaes, Devaux, de Wouters et Delfosse.

Projet de loi réunissant certains faubourgs à la ville de Bruxelles

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement maintient sans doute son projet ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, M. le président.

M. David, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour vous rendre attentifs à deux fautes d'impression qui se sont glissées dans l'impression du rapport. La première est à la page 10, deuxième ligne, où il est dit : » En cas d'émeute, de rassemblements et de désordre, la police des faubourgs serait insuffisante, incapable de maintenir l'ordre. »

Il faut lire : « En cas d'émeute, etc., la police serait, dit-on, insuffisante, incapable de maintenir l'ordre. »

La seconde faute d'impression se trouve à la page 11, deuxième alinéa où il est dit : « La population de Bruxelles pourra être portée, dans un avenir, etc. »

Il faut lire :

« La population de Bruxelles agrandie pourra être portée dans un avenir assez rapproché à 400,000 âmes.

Dans l'annexe A que j'ai donnée, j'avais cru pouvoir me dispenser d'indiquer les taxes pour la voirie vicinale, parce que, dans ma pensée, le produit de l'octroi de Bruxelles devait être supérieur à la somme indiquée également au budget de Bruxelles.

Voyant que la moyenne des cinq dernières années ne donnait que 2,650,000 fr., je viens rectifier le tableau en y ajoutant la somme à payer pour la taxe de la voirie vicinale, ce qui entraîne une petite augmentation dansle chiffre des charges à payer par tête dans les communes suburbaines.

Cette taxe se répartit de la manière suivante :

(page 1569) (Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée).

Il en résulte que les habitants de ces diverses communes payeraient en tout par tête :

A Lacken, fr. 1 80 au lieu de fr. 1 29 indiqués à l'annexe A.

A Uccle, fr. 1 71 au lieu de fr. 1 29.

A Saint-Gilles, fr. 2 22 au lieu de fr. fr. 2 00.

A Molenbeck-St-Jean, fr. 2 43 au lieu de fr. 2 04.

A Koekelberg, fr. 1 25 au lieu de fr. 0 95.

A Ixelles, fr. 3 14 au lieu de fr. 2 86.

A Schaerbeek, fr. 2 92 au lieu de fr. 2 23.

A Etterbeek, fr. 1 53 au lieu de fr. 1 30.

A Anderlecht, fr. 2 12 au lieu de fr. 1 80.

M. Manilius. - Pour pouvoir prendre part à la discussion qui va s'ouvrir, j'ai besoin d'un renseignement que le gouvernement peut nous donner et que je n'ai pas trouvé complet dans le rapport de l'honorable M. David. L'honorable rapporteur, dans les pièces à l'appui, donne les divers budgets des recettes et des dépenses des communes qu'il s'agit d'incorporer dans la capitale. Je désirerais connaître pour toutes les villes ce tarif et barrière d'octroi, quelle est la nature de recettes qui figure à l'article premier du budget de la ville de Bruxelles, il comporte :

« Art. 1er. Pour taxes communales une somme de 2,650,000 fr. »

Je désire que le gouvernement veuille bien faire distribuer à la Chambre ou mettre sur le bureau le détail de ces recettes ; nous faire connaître combien on perçoit à l'aide de l'administration du gouvernement et combien on perçoit par les autres moyens dans la somme portée à l'article premier et s'élevant à 2,650,000 francs.

Il est important pour que je puisse prendre part à la discussion que je sache quelle est la recette qui se fait aux portes de la ville et sur quels objets elle porte.

M. Ch. de Brouckere. - L'article premier du budget comprend exclusivement sous le titre taxes communales et l'octroi, et la taxe personnelle qui remplace l'octroi dans le Quartier-Léopold. L'octroi est indiqué comme devant rapporter 2,620,000 fr. et la taxe personnelle dans le Quartier-Léopold 40,000.

C'est une hypothèse.

M. Manilius. - J'ai demandé au gouvernement de nous donner les chiffres divisés et officiels. Je remercie l'honorable M. de Brouckcre d'avrir donné quelques détails. Mais je regrette de devoir dire que ce n'est pas cela que je demande.

J'ai demandé les détails des recettes aux portes, et celles dans les usines, et les entrepôts de l'Etat sur vin, etc.

M. le président. - Le gouvernement verra s'il peut fournir les renseignements demandés par M. Manilius.

Onze orateurs sont inscrits dans la discussion générale. Je crois qu'il convient d'entendre alternativement un orateur pour et un orateur contre. (Adhésion.) S'il n'y a pas d'opposition, cette marche sera suivie.

La discussion générale est ouverte.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, la question qui vous est soumise n'est pas une question de pur intérêt local, de simple délimitation de communes.

Des considérations d'un ordre plus élevé la dominent. L'avenir, la prospérité, la splendeur de la capitale du royaume dépendent en partie de la résolution que vous prendrez.

La conservation de l'ordre, de la sûreté publique au milieu d'une grande agglomération de population n'y est pas moins intéressée.

Cette question de la réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles, ce n'est pas nous qui l'avons soulevée. Ce ne sont pas même les administrations précédentes qui l'ont fait naître.

Elle est née le jour où la Belgique, en se constituant, a décrété que la ville de Bruxelles serait la capitale du pays.

Dès cette époque, chacun a pu prévoir que Bruxelles, en voyant grandir son importance politique, recevrait successivement de nouveaux éléments de population qui s'établiraient soit dans son enceinte, soit autour de ses murailles.

Ces prévisions se sont accomplies. La population de Bruxelles est arrivée à ce point de développement qu'elle a dû se répandre dans les faubourgs, et qu'elle forme aujourd'hui une masse d'environ 250,000 habitants.

N'est-il pas évident, en effet, pour tout le monde, que ces fractions nombreuses de la population de la capitale qui vivent, sous le nom de faubourgs, de l'autre côté du mur d'enceinte, ne sont autre chose que des habitants de Bruxelles, ayant la même origine, les mêmes intérêts, le même but à poursuivre, c'est-à-dire la participation à des affaires dont le siège est dans la capitale, ou la jouissance en commun des avantages d'une grande résidence !

Si l'on veut un exemple frappant de cette vérité, il existe dans la capitale un nombre considérable de fonctionnaires d'un ordre plus ou moins élevé dans toutes les parties de l'administraiion. Or, il résulte d'un relevé récemment fait que parmi eux, il en est 295 qui habitent les faubourgs. Je ne compte pas les employés de tout genre qui n'y sont pas moins nombreux.

N'est-il pas évident que cette agglomération ne forme en réalité qu'une seule communauté qu'aucune distance ne sépare, et qui éprouve le besoin de resserrer chaque jour davantage les liens qui rattachent toutes les parties les unes aux autres ?

Faut-il ou ne faut-il pas que cette agglomération soit soumise à un même régime administratif ?

Sans vouloir préconiser outre mesure les avantages de la centralisation, on admet sans difficulté que l'unité d'administration entre des éléments homogènes est une condition de vie et de bien-être ; qu'elle facilite la prompte et régulière expédition des affaires.

Nos institutions communales sont fondées sur ce principe. Il ne peut y avoir pour une même communauté d'habitants qu'une seule administration, un seul pouvoir chargé de veiller à la sûreté de tous les membres de l'association.

Ce principe qui reçoit partout son application, dans les grandes comme dans les petites villes qui ont des faubourgs, cesse d'être une vérité pour la capitale.

Dans plusieurs de nos cités l'unité administrative ne s'arrête pas à la partie qui forme le centre et qu'on appelle plus spécialement la ville. Elle s'étend aux faubourgs qui constituent avec la cité la commune légale, et qui sont soumis au même régime. Je citerai la ville de Liège (page 1570) dont plusieurs faubourgs pourraient, à raison de leur importance, former chacun une commune séparée.

D'autres villes encore sont dans une situation analogue.

Et nulle part on n'a signalé les inconvénients d'un pareil système.

Partout, au contraire, ville et faubourgs s'applaudissent de vivre sous la protection d'une même autorité, et de participer aux bienfaits d'une administration disposant de grandes ressources et combinant dans un but d'utilité réciproque les grands travaux d'intérêt public.

Bruxelles seul vit sous un régime exceptionnel. Ici le pouvoir municipal meurt au seuil de la porte de la cité. La même population reçoit la loi de dix ou douze autorités différentes. Nous avons autant de communes légales qu'il y a de faubourgs.

L'unité administrative qui est partout considérée comme un élément de force et une garantie d'ordre, fait ici complètement défaut.

Cependant, elle a été considérée à toutes les époques, à Bruxelles particulièrement, comme un acte de bonne administration.

Si nous consultons l'histoire, nous y voyons, en effet, que l'autorité souveraine a successivement étendu la juridiction de la ville à toutes les parties de sa banlieue, de manière à ne former qu'un seul corps, un seul être moral, de toutes les parties de cette population.

Pendant plusieurs siècles Bruxelles et ses nombreux faubourgs ne formaient donc qu'une seule administration désignée sous le nom de « cuve bruxelloise ».

Les charges, les avantages, tout y était partagé, et il n'a fallu rien moins qu'un acte révolutionnaire pour briser, en 1795, une union qui n'avait en aucun temps soulevé la moindre plainte.

Il est donc vrai de dire que la réunion des faubourgs à la ville, sous le rapport administratif, est le fait ancien, le régime normal de îa population bruxelloise et que la séparation n'est autre chose, dans l'histoire de la capitale, qu'un fait anomal, exceptionnel, le produit de la violence.

Aussi, voyez avec quelle énergie, avec quelle persistance la ville de Bruxelles a protesté contre un acte qui l'a arbitrairement dépouillée.

Déjà sous le régime français des démarches sérieuses furent faites par la municipalité pour ressaisir l'influence que la ville possédait autrefois sur sa banlieue, et surtout pour rétablir dans les faubourgs le système de charges en vigueur dans la ville même. .

C'est ce qui est attesté par un décret impérial du 19 mai 1810, destiné à assimiler les faubourgs à la ville, à y étendre le régime de l'octroi.

Ce décret, comme le décret organique du 17 mai 1809, était motivé sur la nécessité de faire concourir, dans une proportion équitable, aux charges générales de la commune tous ceux qui recueillaient une partie des avantages inhérents au séjour de la cité.

Ces mesures ne furent pas exécutées. Des affaires plus graves préoccupaient alors les esprits.

Mais après les événements de 1814, la ville de Bruxelles reprit l'examen du projet de réunion des faubourgs.

Ce projet fréquemment modifié ne prit une consistance réelle qu'en 1836. Par une délibération du 23 décembre 1836, le conseil communal émit le vœu d'une réunion de toutes les parties de territoire qui avaient formé avant 1795 l'association bruxelloise connue sous le nom de « cuve ». C'était demander le retour au droit primitif.

En 1843, le 24 juillet, le conseil provincial adopta le principe de la réunion des faubourgs, laissant au gouvernement et à la législature le soin d'en régler l'exécution, et se bornant à recommander l'adoption de certaines mesures de transition en faveur des communes de la banlieue.

La question spéciale de l'incorporation du Quartier-Léopold fut agitée dans l'intervalle, et le conseil communal, qui avait d'abord refusé de se prononcer sur la réunion de ce quartier, qu'il subordonnait à la réunion générale des faubourgs, émit, le 5 juin 1847, un avis favorable sur la demande partielle, et se décida pour une incorporation immédiate.

Mais le conseil provincial, persistant dans l'opinion qu'il y avait lieu d'incorporer tous les faubourgs, repoussa la demande de réunion du Quartier-Léopold.

Cependant la nécessité de soumettre le territoire du Quartier-Léopold à l'administration de la capitale dont il faisait une véritable annexe, était chaque jour mieux démontrée, et la question fut reproduite en 1852 dans le conseil communal de Bruxelles, et y reçut un accueil favorable.

Cet avis fut partagé par le conseil provincial qui se prononça le 22 juillet à la presque unanimité pour l'incorporation immédiate du Quartier-Léopold, tout en émettant le vœu d'une réunion prochaine de tous les faubourgs.

« Cette réunion générale dans la pensée du conseil n'était plus qu'une affaire de temps, et l'incorporation du Quartier-Léopold était considérée comme un acheminement à cette grande œuvre. »

Ici commence l'intervention de la législature dans la question de la réunion générale.

La discussion de cette affaire dans les Chambres est encore présente a votre mémoire.

Examinée d'abord dans les sections, la nécessité de la réunion du quartier-Leopold fut unanimement reconnue.

La première section adopta le projet de réunion à la majorité de cinq voix contre une.

Mais elle déclara à l'unanimité que la réunion de tous les faubourgs était une nécessité. Elle considéra la réunion du Quartier-Léopold comme un acheminement à l'incorporation générale.

La deuxième section émit le même vœu à l'unanimité.

La troisième section ne formula aucun vœu.

Dans la 4ème section, plusieurs membres ne donnèrent leur adhésion au projet du Quartier-Léopold, qu'à la condition que tous les faubourgs, seraient réunis.

Les 5ème et 6ème sections exprimèrent la même opinion à la presque unanimité.

Dans la section centrale la nécessité d'une réunion générale des faubourgs fut également reconnue, et après avoir adopté le projet de loi particulier au Quartier-Léopold, elle formula à l'unanimité le vœu :

« Que le gouvernement procédât le plus tôt possible à l'instruction des questions qui se rattachent à la réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles. »

Dans la Chambre, au Sénat, des opinions conformes au vœu d'une réunion générale ont été exprimées.

Le projet a réuni la presque unanimité des suffrages.

Ceux-là mêmes qui l'ont combattu n'y formaient opposition que parce qu'il n'embrassait pas la généralité des faubourgs (Laubry).

D'autres, comme l'honorable M. Rogier, se sont bornés à faire une réserve sur la question d'une incorporation complète.

En résumé, le fait de la réunion des faubourgs à la ville était signalé au gouvernement par la généralité des membres des deux Chambres comme une mesure d'une urgence incontestable.

Le gouvernement était expressément invité à présenter un projet dans ce sens. Se conformant au vœu exprimé par la législature, le gouvernement a pressé l'instruction du projet de réunion par les soins des autorités compétentes ; et après avoir recueilli leur avis, à peu près unanime, il vous apporte un plan d'incorporation des faubourgs avec un système d'administration qui donne au pouvoir central des garanties pour la conservation de l'ordre au milieu d'une population considérable, et aux habitants des assurances pour la bonne gestion des intérêts communaux.

Le projet qui vous est soumis se compose de deux éléments :

1° Le principe de la réunion ;

2° Les conditions auxquelles elle sera subordonnée.

Quant au principe de la réunion, nous ne pensons pas qu'il puisse être sérieusement contesté dans cette enceinte.

Les précédents que nous venons de rappeler font assez pressentir que l'opinion de la Chambre est fixée à cet égard.

C'est que la Chambre a compris qu'indépendamment des considérations d'équité qui recommandent, en faveur de la ville de Bruxelles, le retour à l'ancien état des choses ; l'intérêt général du pays est lié à l'existence d'une capitale imposante par sa nombreuse population comme par la force de ses institutions et la splendeur de ses monuments.

La Chambre a compris que si la prospérité de la capitale augmente à l'intérieur le sentiment de l'indépendance nationale, elle ajoute au dehors, dans l'opinion des peuples, à l'idée que l'on se forme de la puissance et de la richesse d'une nation.

Ce qui ne vous touchera pas moins, messieurs, c'est l'urgence de chercher un remède à une situation administrative qui, en divisant l'action de la police enlre un grand nombre de fonctionnaires chargés de maintenir l'ordre au milieu d'une agglomération unique, affaiblit nécessairement le ressort de l'autorité, et pourrait, dans les jours d'agitation, devenir compromettante pour la capitale elle-même.

Le remède à cette situation ne peut se trouver que dans la réunion, sous une même surveillance, de toutes les fractions qui composent aujourd'hui la population bruxelloise.

Cette unité administrative, nous l'avons cherchée, non pas en créant des pouvoirs nouveaux, en empruntant à l'étranger des institutions auxquelles nos mœurs communales répugneraient ; mais dans notre législation communale elle-même, dont nous conservons les principes essentiels.

Nous proposons uniquement sous ce rapport d'accorder au gouvernement une intervention directe et sans partage dans la nomination du bourgmestre ; nous demandons de modifier quelques-unes des attributions de ce fonctionnaire pour les matières de police.

Mais si l'accord a existé jusqu'ici sur le principe de la réunion, il n'en est plus de même quand il s'agit de discuter les conditions sous lesquelles le gouvernement propose d'opérer la fusion.

Deux genres d'objections sont faites au projet.

Les unes, et ce sont les plus graves, concernent la nomination du bourgmestre, sa position vis-à-vis du conseil, et les attributions dont il est investi.

C'est le côté politique de la question.

Les autres ont un caractère d'intérêt privé, et sont relatives aux charges qui atteindraient les habitants des faubourgs par suite de leur réunion à la ville, en les comparant à leur situation actuelle.

Ici se rencontre le grief principal, l'octroi.

Examinons successivement ces diverses objections, et d'abord celles qui ont un caractère politique et qui s'adressent au chapitre III du projet, principalement à l'article 12 qui règle le mode de nomination du bourgmestre.

On convient sans peine qu'il y a quelques précautions à prendre, en dehors des dispositions qui règlent aujourd'hui l'exercice de la police (page 1571) communale, afin d'assurer le maintien de l'ordre au milieu d'une population qui atteindra bientôt le chiffre de 300,000 âmes.

On ne conteste pas davantage que le gouvernement n'ait lui-même quelque mesure à proposer pour se prémunir contre les dangers d'une commune dont la puissance pourrait, dans les temps d'agitation, devenir inquiétante pour l'intérêt politique du pays.

Dans la Chambre, comme au Sénat, cette pensée a été exprimée à propos de l'incorporation du Quartier-Léopold.

Le gouvernement s'en est sérieusement préoccupé.

Deux systèmes se présentent pour donner au gouvernement les garanties qui lui sont nécessaires sous ce double rapport.

L'un consiste à créer un pouvoir nouveau uniquement chargé de la police de la capitale, et n'ayant avec l'administration communale aucune espèce de contact ; une institution analogue à celle qui est connue en France sous le nom de préfet de police.

L'autre avait pour objet d'utiliser le régime actuel en maintenant l'autorité de la police aux mains du bourgmestre, mais en la renforçant et en rattachant ce magistrat par des liens plus intimes au pouvoir central.

Quant au premier système, sans méconnaître les avantages de la centralisation de la police dans les mains d'un fonctionnaire spécial indépendant de la commune, nous avons pensé que dans un pays comme la Belgique, où l'esprit communal est fortement développé, il fallait tenir compte des habitudes locales, conserver l'institution du bourgmestre comme chef de la police, et conférer à ce magistrat, outre les attributions actuelles, quelques pouvoirs nouveaux qui ne sont que la conséquence logique de la responsabilité plus grande qui pèsera sur lui.

Mais plus la responsabilité d'un chef d'administration est étendue, plus grande aussi doit être son indépendance et sa liberté d'action.

Ce principe est vrai quand il s'agit du gouvernement qui doit choisir le chef chargé de la sûreté de la capitale.

Il est vrai également quand il s'applique au magistrat qui doit répondre de la tranquillité publique dans une cité de 300,000 habitants.

Cette considération nous a porté à demander que le gouvernement soit entièrement libre dans le choix du bourgmestre de la capitale, comme ce fonctionnaire sera plus libre lui-même, dans l'accomplissement de ses devoirs de police, en cessant de faire partie du conseil communal.

L'article 12 du projet consacre ce régime exceptionnel pour la capitale.

Il a été combattu dans les sections, parce qu'il apporte, dit-on, une modification profonde à la loi communale ; cette loi renferme des libertés précieuses pour les communes. Nous devons les respecter.

Un membre a même fait observer que la tentative que l'on fait aujourd'hui pourrait n'être qu'un premier pas dans un système qui serait ensuite appliqué à d'autres grandes villes.

Messieurs, cette appréciation me semble manquer complètement de justesse.

Nous reconnaissons que l'article 12 du projet contient une innovation à la loi organique, qu'il crée pour la capitale un régime administratif exceptionnel.

Mais nous demanderons à ceux qui veulent le maintien absolu des principes de cette loi, si elle a été faite pour des situations comme celle où se trouve la population agglomérée de la ville de Bruxelles et de ses faubourgs ?

La loi communale, en faisant la part du gouvernement dans la nomination du bourgmestre chargé de la police, n'avait à s'occuper que de centres de population qui ne dépassaient pas 100,000 âmes.

Elle n'est faite que pour les cas ordinaires.

On conçoit qu'en présence de besoins ainsi limités, la législature n'ait pas cru devoir attribuer au gouvernement un droit plus étendu que celui qu'il possède dans la nomination du chef de l'administration communale.

Si, au contraire, les auteurs de la loi s'étaient trouvés en face d'une capitale renfermant une population triple et quadruple de celle de nos grandes villes, pense-t-on qu'ils n'auraient pas augmenté les prérogatives du pouvoir pour ce cas spécial, et qu'ils n'auraient pas réglé sa liberté d'action dans le choix du bourgmestre, d'après la responsabilité qui devait peser sur le gouvernement ?

N'est-il pas vraisemblable qu'ils n'auraient apporté aucune entrave au droit de nomination ?

L'intérêt public eût commandé évidemment aux auteurs de la loi communale de créer un régime à part pour l'administration de la police dans la capitale.

On ne peut donc pas argumenter d'une manière absolue de la loi communale, faite pour les circonstances normales, et et l'appliquer indistinctement à des communes qui existent dans des conditions tout à fait exceptionnelles.

On craint les tendances ; on laisse entrevoir que l'exception pourrait devenir la règle.

Messieurs, cette insinuation n'a rien de sérieux. Ce n'est pas nous qui proposerons jamais des mesures réactionnaires.

Nous avons pour nos institutions, et pour la loi communale en particulier, un respect que la pratique a éclairé et qu'elle augmente chaque jour.

Mais ce respect ne nous empêche pas d'examiner si, dans un cas spécial, unique, et dont tout le monde reconnaît la gravité, il n'y a pas de concession à faire à l'un des principes de cette loi, dans un but d'intérêt général.

Et d'ailleurs la proposition que le gouvernement vous soumet de lui laisser pleine liberté dans la nomination du bourgmestre de la capitale, est-elle donc si exorbitante ?

A toutes les époques où la discussion s'est engagée sur le mode de nomination des bourgmestres, on a reconnu que la position du gouvernement devait être rendue libre ; et que si, dans les cas ordinaires, il était désirable que le chef de la commune fût pris dans le sein du conseil, il pouvait se présenter des circonstances où le choix, ainsi limité, deviendrait impossible.

On a donc admis généralement que le roi devait avoir la faculté de nommer le bourgmestre en dehors du conseil communal.

Les opinions n'étaient partagées que sur le point de savoir si l'exercice de ce droit serait subordonné à l'avis conforme de la députation permanente.

La loi de 1842 dégagea le droit de nomination réservée au Roi, de toute intervention étrangère.

Seulement, le bourgmestre devait être pris parmi les électeurs de la commune âgés de 25 ans.

La loi de 1848 fit retour au système de la loi organique, et exigea de nouveau l'avis conforme de la députation.

Nous reconnaissons que ce dernier régime fait une part convenable aux prérogatives des communes et aux nécessités gouvernementales.

Il fonctionne bien, et dans les cas ordinaires il a suffi jusqu'à présent aux besoins de l'administration des communes.

Mais la situation change complètement quand il s'agit de choisir le chef d'une commune aussi considérable.que la capitale.

On admettra sans doute bien que, dans nos grandes villes, la direction de la police est entourée d'obstacles sérieux qui rendent parfois assez difficile le choix d'un bourgmestre dans le sein du conseil. Or, combien ces difficultés ne s'aggravent-elles pas en présence d'une agglomération de 300,000 habitants !

La responsabilité qui accompagne, pour le chef de la police, une surveillance aussi étendue, la responsabilité beaucoup plus grande qui pèse sur le gouvernement au sujet du maintien de la tranquillité publique dans une ville qui est le siège de la royauté, du pouvoir législatif et de toutes les grandes administrations de l'Etat ; les dangers qui peuvent résulter de l'exercice d'un grand pouvoir s'il n'est pas confié à des mains qui inspirent une complète sécurité au gouvernement ; toutes ces considérations rendent le choix du bourgmestre très délicat, et militent pour affranchir l'autorité royale de toute entrave dans la nomination du chef administratif delà capitale.

Comment ! la paix publique, la conservation de l'ordre général peuvent dépendre, jusqu'à un certain point, de la volonté d'un seul homme. Tous ces grands intérêts sont confiés au bourgmestre. Le gouvernement en est responsable vis-à-vis du pays, et il ne serait pas entièrement libre dans le choix de son mandataire !

Il devrait, lui responsable, aller demander à un pouvoir d'une autre origine, qui n'a aucune responsabilité, la permission de choisir librement son représentant dans la capitale !

Non seulement un pareil système n'est pas logique, mais les conséquences pourraient en être tellement exorbitantes, que je ne concevrais pas un gouvernement qui consentirait à réunir, sous une direction unique, une population de 300,000 à 400,000 âmes, s'il ne possédait pas la liberté de nommer et de révoquer le chef, chargé de la police d'une semblable commune, librement et sans partage d'autorité avec qui que ce soit.

Pourquoi d'ailleurs s'alarmer de cette prérogative que le gouvernement réclame ?

Peut-on craindre l'abus que le gouvernement ferait de la faculté de choisir le bourgmestre en dehors du conseil ?

Cette crainte serait chimérique, car si le gouvernement est libre de choisir le bourgmestre de la capitale, il n'en reste pas moins sous le coup d'une responsabilité morale immense. Son droit, il l'exerce en présence des Chambres qui peuvent tous les jours lui demander compte de l'usage qu'il a fait de son pouvoir, et lui infliger un blâme s'il s'en servait dans un but oppressif pour les libertés publiques.

Réduite à sa portée réelle, la mesure proposée pour la nomination du bourgmestre de la capitale, n'a donc aucune importance quant aux libertés communales.

Elle en a beaucoup, au contraire, quant à la responsabilité du gouvernement. Si l'on veut que cette responsabilité soit complète, il faut bien lui donner les garanties sans lesquelles il y aurait imprudence et témérité à l'accepter.

Une réflexion trouve ici sa place.

Elle s'adresse à ceux qui sont favorables au principe de la réunion, et qui l'ont recommandée au gouvernement à propos de l'incorporation du Quartier-Léopold comme une mesure d'une urgente nécessité.

Les partisans de la réunion n'ont jamais cru qu'elle pouvait s'accomplir sans donner au gouvernement quelques garanties nouvelles pour assurer le maintien de l'ordre public au sein de la capitale agrandie.

Non seulement ils ne l'ont point pensé, mais à la Chambre, comme au Sénat, comme partout, on a provoqué la vigilance du gouvernement sur ce grave intérêt.

Sans garanties nouvelles, il est permis de dire que personne ne voudrait de la réunion.

(page 1572) Or, ces garanties sont impossibles si l'on interdit d'une manière absolue de toucher à la loi communale.

Quel que soit le système qu'on adopte, si c'est un magistrat spécial qui se trouve investi de la police, en dehors de l'autorité communale, il faut dépouiller le bourgmestre des attributions que la loi lui donne.

Une semblable innovation rencontrerait probablement les plus vives résistances.

Nous ne la conseillons pas.

Si c'est le bourgmestre qui conserve les attributions générales de police, il faut bien étendre un peu son pouvoir, puisqu'on augmente sa responsabilité. Il faut bien aussi fortifier l'action du gouvernement sur le bourgmestre.

On ne peut donc pas être partisan de la réunion, sans admettre une modification quelconque à la loi communale. Or nous croyons nous être renfermés par le projet de loi dans les limites de la plus stricte nécessité.

Résumons cette partie de la discussion.

La question de la réunion des faubourgs n'est pas née de la simple initiative du gouvernement. Les Chambres elles-mêmes l'ont indiquée.

Elle est la conséquence d'un fait dont la puissance augmente chaque jour, l'agglomération dans les mêmes lieux d'une population considérable.

La nécessité de la fusion administrative a été proclamée par la législature elle-même, par l'opinion de toutes les autorités consultées.

Cette réunion nous vous la présentons avec les garanties dont il importe à la sécurité de l'Etat et à la bonne administration de la capitale qu'elle soit environnée.

Notre système est logique. Il engage la responsabilité du pouvoir, anais il lui donne la liberté d'agir.

Il respecte nos usages, et il ne compromet aucune de nos franchises communales.

Nous n'en connaissons pas d'autre qui réunisse autant de garanties pour le maintien de l'ordre et qui s'écarte moins des principes libéraux de nos institutions communales.

Si la Chambre continue à penser que la réunion est désirable, qu'elle est nécessaire, elle ne la prononcera pas sans donner au gouvernement les moyens efficaces de remplir sa mission conservatrice.

Si les adversaires des garanties demandées par le gouvernement en connaissent d'autres qui soient aussi complètes, et qui leur semblent avoir plus de chances de rallier les opinions, nous sommes prêts à les examiner, mais la Chambre comprendra que nous ne pourrions en aucun cas accepter un système qui affaiblirait le pouvoir, tout en augmentant sa responsabilité.

Nous venons de réduire à sa valeur réelle la dérogation que le projet apporte à la loi communale, en ce qui concerne la nomination du bourgmestre.

Il est vrai que le projet crée en outre une incompatibilité de fonctions entre le bourgmestre et le conseil communal ; cette proposition se justifie parfaitement.

En effet, si, d'une part, il importe que le bourgmestre chargé de la police jouisse de la confiance de la population ; il n'importe pas moins que ces fonctions soient exercées avec une grande fermeté, et que le chef de l'administration, obligé de faire exécuter les lois générales et les règlements de police, ne se laisse entraîner à aucune espèce de préoccupation nuisible aux intérêts du service public.

Pense-t-on que le chef d'une administration sorti de l'élection, ne soit pas quelquefois gêné dans l'accomplissement de sa difficile mission par le désir de ménager les intérêts ou les convenances des électeurs ?

N'est-il pas permis de supposer que le caractère de l'homme fléchira quelquefois dans ces occasions critiques où il se verra placé entre une exécution régulière des lois de police, et les espérances d'une réélection plus ou moins prochaine ?

Ce sont là des éventualités auxquelles un gouvernement doit être attentif, parce que de très grands intérêts sont attachés à l'exercice du pouvoir des bourgmestres dans notre organisation communale. La tranquillité des communes dépend presque toujours de la fermeté que le bourgmestre saura déployer dans ses fonctions.

Or, si ces considérations ne manquent pas de justesse, n'est-il pas logique, n'est-il pas nécessaire de soustraire le bourgmestre de la capitale aux dangers d'une position mixte qui pourrait troubler sa liberté d'action et compromettre par conséquent les intérêts qu'il est chargé de protéger ?

Nous sommes donc d'avis que le bourgmestre de Bruxelles ne doit pas faire partie du conseil communal.

Mais en même temps que nous isolons le bourgmestre du conseil communal, nous évitons de toucher aux libertés dont ce corps électif doit jouir dans l'administration des affaires de la commune.

Si nous lui enlevons le président nommé par le pouvoir exécutif, nous lui conférons le droit de choisir lui-même le chef chargé de diriger ses délibérations.

Cette prérogative est un droit nouveau, plus étendu que celui que la loi donne aujourd'hui aux conseils communaux. Nous avons cru qu'une disposition aussi libérale serait accceplée avec faveur.

Elle est une preuve irrécusable du soin avec lequel le gouvernement évite d'amoindrir les franchises communales.

La section centrale n'a pas admis l'article 12, et elle a rejeté toutes les autres dispositions de ce chapitre comme conséquence de la résolution prise de ne pas admettre de modification à la loi communale.

Comme cet article 12 renferme le principe fondamental du projet en ce qui concerne les conditions sous lesquelles le gouvernement propose de décréter la réunion, il nous semble que c'est sur ce point que la discussion devra d'abord porter, parce que de son adoption ou de son rejet peut dépendre l'utilité d'examiner les autres dispositions du projet.

Ce point une fois réglé, si le principe est admis, il serait plus aisé de s'entendre sur les autres dispositions.

Jusqu'ici nous nous sommes occupé de la réunion des faubourgs, an point de vue de l'intérêt général. Il nous reste à envisager la question sous le rapport des intérêts de localité.

Les principales objections qui ont été faites contre la réunion sont relatives à l'octroi, et à l’augmentation des impositions générales qu'elle doit entraîner.

Octroi. Les adversaires du régime de l'octroi ont motivé leur opposition au projet de réunion, sur l'existence de ce mode de charges locales dans la ville de Bruxelles.

Ils soutiennent qu'il est injuste de soumettre les habitants des faubourgs à un système d'imposition dont ils sont actuellement exempts.

Disons d'abord qu'il ne peut s'agir aujourd'hui de se prononcer sur le maintien ou sur l'abolition de l'octroi.

Cette question aura sa place quand on aura trouvé un autre système d'impositions communales mieux approprié aux intérêts des villes qui ont de grands besoins, et aux convenances des habitants.

La loi n'a pas, d'ailleurs, à s'en occuper spécialement pour une ville déterminée. Chaque commune règle comme elle l'entend, et sauf l'approbation de l'autorité supérieure, le système financier qui lui convient.

Relativement à la ville de Bruxelles, c'est au conseil communal qu'il appartient de se prononcer à cet égard.

En cas de réunion, les faubourgs y seront représentés et feront connaître leur opinion.

Nous avons dit, dans l'exposé des motifs du projet de loi, la situation qui sera faite aux faubourgs sous le rapport des charges locales.

Des concessions ont déjà été résolues au profit des grandes industries établies sous la foi qu'elles n'auraient pas à compter avec les exigences de l'octroi.

Des entrepôts fictifs, des réductions de droits sur les combustibles ont été consenties.

D'autres adoucissements pourront être discutés contradictoirement quand tous les intérêts seront représentés dans le conseil communal.

Nous ne dissimulons pas, au surplus, qu'il peut résulter de l'application du régime d'octroi aux faubourgs, une certaine aggravation de charges pour ceux-ci ; mais nous croyons que les conséquences en ont été singulièrement exagérées.

Nous sommes encore convaincu que si l'on voulait établir un compte sérieux et comparatif des charges résultant de l'impôt indirect appliqué aux villes, et du système de la capitation, on reconnaîtrait très peu d'avantages à ce dernier mode de contributions locales.

Un savant économiste a dit, messieurs, que la capitation était l'impôt des peuples primitifs, des sociétés peu nombreuses ; tandis que l'impôt indirect était le système d'imposition des peuples libres, des nations civilisées.

Nous ne rappelons pas cette opinion qui est d'ailleurs celle du plus grand nombre d'hommes qui ont étudié la science administrative dans ses rapports avec la pratique, pour demander le maintien absolu de l'octroi. Nous ne la mentionnons que pour nous préserver, dans les appréciations auxquelles nous devons nous livrer, de toute exagération systématique.

Voyons maintenant si l'octroi appliqué aux faubourgs, en le considérant comme une cause d'augmentation des charges communales, ne sera pas balancé par des avantages équivalents dont les habitants seront immédiatement appelés à jouir ?

Au nombre des conséquences favorables à résulter de la réunion, je signale en première ligne la suppression du fossé d'enceinte qui crée entre la ville et la banlieue une barrière aussi désagréable à la vue que dangereuse pour la circulation.

Celte barrière n'est ette pas le principal grief des habitants des faubourgs ?

La surveillance qui s'exerce aux portes n'est-elle pas pour ces mêmes habitants une source de contrariétés non interrompues dans leurs rapports d'affaires avec la ville ?

- N'est-ce pas aux tracasseries qui en sont l'accompagnement inévitable, que s'adresse la plus grande partie des répugnances que l'octroi rencontre dans les communes suburbaines ?

Eh bien, la réunion fait disparaître ce double grief.

D'abord le fossé d'enceinte sera comblé. Une rue large et accessible aux faubourgs dans toute sa longueur, au lieu de l'être comme aujourd'hui sur quelques points seulement, mettra les habitants en contact immédiat avec la ville.

C'est un avantage immense, et que tous auraient voulu depuis longtemps se procurer à prix d'argent.

Ensuite la libre circulation des faubourgs vers la ville, sans avoir à rencontrer des visites douanières, fait cesser l'un des plus grands inconvénients du régime actuel.

(page 1573) Examinons la situation comparée sous d'autres rapports. L'introduction de l'octroi de Bruxelles dans les faubourgs aura-t-elle pour eifet d'aggraver si considérablement les conditions de la vie ? Nous ne le croyons pas.

Remarquons d'abord que la différence des prix des principales denrées n'est pas bien grande entre les faubourgs et la ville.

La viande particulièrement ne se vend pas beaucoup plus cher au dehors qu'à l'intérieur de la ville, ce qui prouve de nouveau que l'affranchissement de certaines taxes sur les objets de consommation profite souvent plus aux détaillants qu'aux consommateurs.

Ensuite, on ne peut nier qu'un très grand nombre d'habitants, et principalement parmi ceux qui payent la plus grande portion des impôts, ne vienne s'approvisionner en ville, parce qu'ils y trouvent plus généralement ce qui leur convient, et que la qualité des denrées passe pour y être supérieure.

Il est évident que cette catégorie d'habitants n'aurait pas à se plaindre du remplacement de la capitation par l'octroi.

Mais en supposant que les charges locales variées, auxquelles on doit recourir dans les faubourgs, soient actuellement moins élevées que dans la ville, pense-t-on qu'elles ne seront pas successivement aggravées ?

La capitation dans les limites où elle s'exerce aujourd'hui peut suffire aux besoins les plus ordinaires de l'administration des faubourgs, parce que jusqu'à présent ces communes qui viennent pour ainsi dire de naître ont pu restreindre de grandes dépenses d'ulililé publique ou s'abstenir complètement de les faire.

Mais à mesure que la population augmente, et que les besoins de toute nature se révéleront davantage à l'esprit des habitants, il faudra songer à les satisfaire.

Les travaux qui intéressent la voie publique, la salubrité des communes ; les besoins de l'instruction, de la bienfaisance, même ceux qui regardent l'embellissement des localités, réclament de nombreux subsides et par conséquent obligeront l'administration à créer de nouvelles ressources.

Ces faubourgs qui vivent aujourd'hui à l'état de communes rurales, mais qui formeront bientôt des agglomérations de 30,000 et 40,000 habitants, aspireront un jour à se transformer en ville.

Leur administration, si modeste encore, voudra rivaliser avec celle de nos communes les plus populeuses, peut-être même avec la capitale.

Dès lors tout change. Les établissements publics doivent être en rapport avec les nécessités et les convenances des villes qui sont le mieux administrées. Chaque jour révèle alors de nouveaux besoins qui veulent être satisfaits.

A quelle source puisera-t-on les fonds nécessaires à toutes ces nécessités administratives ?

Sera-ce à l'emprunt ? Déjà plusieurs de nos faubourgs ont dû recourir à ce genre de ressources pour exécuter des travaux urgents que leur état financier ne permettait pas de couvrir. Mais les emprunts exigent eux-mêmes des revenus ordinaires capables de payer les intérêts et l'amortissement ; à quel mode d'impôt fera-t-on appel ?

A la capitation sans doute, car les faubourgs ne connaissent pas d'autres moyens de battre monnaie.

Or, la capitation poussée au-delà de certaine mesure applicable à des communes de peu d'importance, devient intolérable ; et tous ceux qui ont essayé de formuler leur appréciation pour répartir par cette voie une somme considérable, ont reculé d'effroi en voyant les énormités de chiffre auxquelles ils arrivaient, au détriment surtout de la classe moyenne qui est la plus nombreuse. L'abandon de la commune par les habitants surtaxés, serait la conséquence d'une semblable mesure.

Ou bien si la capitation est reconnue impuissante pour alimenter le trésor de ces villes nouvelles, celles-ci sentiront le besoin de recourir à l’impôt indirect, à l'exemple de leurs aînées qui n'ont pas encore trouvé de meilleur moyen de créer des revenus suffisants.

Et si c'est là un résultat probable de l'éta d'isolement où l'on veut maintenir les faubourgs, ne convient-il pas mieux à leurs intérêts de se prononcer dès à présent pour leur union avec la ville et la communauté de charges qui en sera la conséquence, sauf à modifier ce système d'impôt aussitôt que les circonstances le permettront.

L'augmentation successive de leurs charges actuelles est donc pour les faubourgs une éventualité à laquelle ils ne pourront échapper s'ils continuent à exister à l'état de commune indépendante.

Leur réunion à la ville sera donc pour eux une transformation dans le système des impositions bien plutôt qu'une aggravation réelle.

Et celle-ci fût-elle même démontrée, elle trouvera de notables compensations dans les avantages que j'ai déjà indiqués.

Elle en réalisera d'autres :

Par l'augmentation de valeur de toutes les propriétés,

Par la jouissance en commun de tous les établissements d'utilité publique.

La réunion à la ville sera pour les faubourgs un moyen de voir améliorer ou compléter un grand nombre de services publics, celui de la voirie, de l'éclairage, de la sûreté, de la salubrité, de la bienfaisance.

Sans doute, nous le reconnaissons, tous ces intérêts administratifs ont été l'objet des plus louables efforts de la part des autorités dans les communes de la banlieue ; mais ces autorités sont souvent dans l'impuissance, à défaut de ressources suffisantes, de donner à leurs projets d'amélioration ou d'embellissement toute l'impulsion désirable.

S'agit-il de construire un édifice civil, une église, des ouvrages qui concernent la voirie ou l'hygiène, et qui exigent l'emploi de fonds considérables, les moyens financiers leur manquent, et le temps n'est pas éloigné où, la population continuant à s'augmenter, elles ne pourront plus satisfaire à des besoins chaque jour plus pressants, sans recourir à des charges extraordinaires. C'est un objet qui mérite toute l'attention des habitants des faubourgs.

Réunies à la ville, toutes ces localités prendront leur part dans les ressources générales de la capitale, et verront successivement s'exécuter une masse de travaux auxquels elles ne peuvent aujourd'hui prétendre.

N'est-il pas sensible que sous ce rapport la réunion doit réaliser pour les faubourgs des avantages incalculables ?

Et quand on songe à toutes les dépenses que réclamera l'administration des faubourgs pour des travaux publics et pour la création d'établissements d'intérêt général, on est tenté de se demander de quel côté sont les avantages de la réunion ; si c'est la ville qui gagnera le plus à la fusion, ou si ce sont les faubourgs ?

Que l'on veuille bien peser toutes ces considérations avec impartialité et l'on reconnaîtra bientôt que si les faubourgs supportent par suite de la réunion une certaine augmentation de charges, ils obtiennent d'amples dédommagements par leur participation à tous les avantages résultant de la communauté d'intérêts avec les habitants de Bruxelles.

Les intérêts des faubourgs ne sont pas moins bien ménagés dans les rapports des habilants avec les impositions de l'Etat.

Le projet de loi contient à cet égard des dispositions parfaitement équitables.

Que dirai-je, messieurs, des oppositions que te projet de fusion a rencontrées ?

Les unes sont émanées des administrations locales.

Les autres proviennent des habitants ut singuli.

Les unes et les autres sont respectables dans leur source.

Quant à l'opposition des communes, elle est en quelque sorte la conséquence de l'accomplissement d'un mandat.

Chargée par leurs concitoyens, du soin d'administrer leurs intérêts dans une commune indépendante, l'autorité locale n'avait pas mission de venir proclamer la nécessité de supprimer ces mêmes communes. Elle aurait méconnu son origine.

Ce n'était pas à elle non plus qu'il appartenait d'apprécier la question au point de vue de l'intérêt général. Cette appréciation était dévolue aux autorités supérieures, à la législature.

L'opposition des administrations communales des faubourgs est donc un fait normal qui ne doit pas vous surprendre.

Celle des habitants s'est manifestée par un grand nombre de pétitions.

Formulées toutes dans un même ordre d'idées, elle se rencontrent nécessairement par les motifs sur lesquels elles s'appuient.

Les opposants réclament au nom de leurs intérêts qu'ils prétendent devoir être compromis par l'assimilation des faubourgs à la ville.

Si quelques-unes de ces pétitions s'écartent du but par l'exagération de leurs apperçus, elles protestent toutes contre l'introduction du régime de l'octroi et l'application des bases admises pour la ville de Bruxelles dans la perception des impôts de l'Etat.

Nous avons déjà apprécié les conséquences du système d'octroi étendu aux faubourgs, et nous avons montré les adoucissements que l'on peut apporter transitoirement dans le mode de perception des contributions générales.

Ces pétitions au surplus sont loin de représenter une opinion aussi générale qu'on cherche à le faire croire. En effet, sur une population d'environ 80,000 âmes répartie dans les différents faubourgs, c'est à peine si l'on a réuni, après de longs efforts, 4,000 signatures.

A ces protestations on oppose d'ailleurs des pétitions favorables à la réunion et signées par un grand nombre de propriétaires et autres habitants établis dans les faubourgs.

Celles dont j'ai dépouillé les signatures au 29 avril comprenaient 608 noms, et parmi eux figurent plusieurs industriels des plus considérables de la localité, et qui n'ont aucune inquiétude sur le sort de leur industrie par suite de la réunion de leur commune à la capitale.

Au milieu de cette contradiction de vœux et d'intérêts privés, la législature et le gouvernement ont à peser les motifs d'intérêt général qui recommandent l'adoption ou le rejet de la mesure proposée.

C'est à ce point de vue aussi que s'est placée l'autorité provinciale.

Dans une question de cette nature où l'intérêt des localités exerce une si grande influence, le conseil provincial est un excellent juge à consulter. Et quand nous le voyons dans deux occasions solennelles, après une instruction des plus minutieuses, et des discussions approfondies, se prononcer à la presque unanimité tant sur les détails que sur l'ensemble du plan de réunion, il est permis de supposer que l'intérêt général de la province, non moins que l'intérêt du pays, réclame une décision affirmative.

On a cherché à affaiblir l'importance de la décision prise par le conseil provincial en alléguant qu'il ne s'est prononcé pour la réunion qu'en la faisant dépendre de la suppression de l'octroi.

C'est une erreur, le conseil provincial n'a point subordonné son vote à l'abolition de l'octroi. Il a simplement émis le vœu que cette suppression aitl lieu le plus tôt possible.

Or, sur ce point toutes les opinions sont d'accord, et le conseil communal de Bruxelles lui-même s'est prononcé dans le sens d une suppression.

(page 1574) Ceci n'est donc plus qu'une affaire de temps, et les faubourgs, qui s’opposent au maintien de l'octroi, aideront à la solution de cette difficulté administrative lorsqu'ils seront représentés dans le conseil de la capitale.

M. Thiéfry. - J'ai fait partie de la minorité de la section centrale, c'est vous dire, messieurs, que je suis partisan de la réunion des faubourgs à la ville.

Je la veux, non comme habitant de Bruxelles, mais parce que je la crois utile à tout le monde et plus encore à ceux qui demeurent dans les faubourgs qu'aux habitants de la ville.

Depuis le XIVème siècle jusqu'à la conquête de la Belgique par la France, le territoire qu'il est question d'annexer à la capitale supportait toutes les charges qui grevaient celle-ci ; si l'administration communale de Bruxelles en a réclamé plusieurs fois l'annexion, mieux éclairée sur ses seuls intérêts, elle avait oublié ses prétentions.

Mais l'augmentation de la population des faubourgs faisant chaque jour ressortir davantage la nécessité de la réunion, l'honorable M. Liedts, ministre de l'intérieur, en 1840, provoqua l'examen de toutes les grandes questions qui se rattachent à ce projet ; M. Vanderstraeten, aujourd'hui bourgmestre d'Ixelles, fit à cette époque un plan qui a été communiqué à toutes les communes et dont le périmètre est beaucoup plus grand que celui dont nous nous occupons.

L'incorporation des faubourgs devant être très onéreuse à la ville, l'administration communale de Bruxelles répondit alors qu'elle ne pouvait prendre aucune résolution à ce sujet, avant que sa situation financière ne fût améliorée ; si aujourd'hui elle y a donné son assentiment, c'est qu'elle a fait taire les craintes qu'elle éprouvait jadis, pour n'envisager l'annexion qu'au seul point de vue de l'intérêt du pays.

Le conseil provincial après avoir émis, en 1843, par 40 voix contre 10, un vote favorable à la réunion des faubourgs à la ville, a rejeté en 1843 et 1847 les demandes d'incorporation partielles, par la raison qu'elles étaient basées plutôt sur les convenances de la ville, que sur l'intérêt général. Si, en 1852, il a admis par 45 voix contre 4 l'annexion du Quartier-Léopold seulement, c'est que, M. le ministre de l'intérieur vient de le dire, cette incorporation était regardée comme un acheminement à la réunion de tous les faubourgs à la ville.

Le conseil provincial enfin a adopté le principe du projet qui vous est soumis par 44 voix contre 9, en y ajoutant le vœu d'une suppression ou tout au moins d'une transformation prochaine de l'octroi.

Quand la Chambre s'est occupée l'année dernière de l'annexion du Quartier-Léopold à la ville, quoique plusieurs honorables membres aient demandé que la question de la réunion totale restât intacte, on ne peut néanmoins avoir oublié qu'à cette époque la presque unanimité des membres de cette Chambre voyait dans l'annexion du Quartier-Léopold, le premier pas vers l'incorporation de tous les faubourgs. Cinq sections sur six l'ont considérée comme une nécessité ; leurs procès-verbaux en font foi.

L'honorable M. Laubry, si opposé aujourd'hui au projet de loi, disait alors :

« A mon avis, je ne comprends l'intérêt général que dans l'annexion totale des faubourgs. Une grande agglomération de population mêlée d'étrangers pouvant présenter quelque danger, il est sage, prudent de placer sous une même direction administrative les faubourgs ; on peut ainsi donner une unité d'action à la police, aux règlements sur la voirie et la bâtisse, et une plus vigoureuse application à ceux sur l'hygiène publique.

« Si l'on proposait cette mesure, il y aurait toujours des opposants, mais soyez-en certains, bien des affections se tairaient pour faire place à un sentiment d’intérêt et d’ordre public. »

Après un semblable langage, nous ne devions pas nous attendre à compter l'honorable M. Laubry parmi les adversaires du principe de la réunion.

Quoi qu'il en soit, il est vrai de dire qu'ici et au conseil provincial, on regardait, il y a peu de temps encore, l'annexion comme un acte de bonne politique.

Les opinions ne sont plus maintenant les mêmes, beaucoup de membres de cette Chambre envisagent avec inquiétude les graves atteintes que le projet porte aux libertés communales. Je dois reconnaître que ces craintes sont fondées, car moi-même, quoique très favorable en principe à la réunion, je ne saurais me décider à voter la loi telle qu'elle nous est présentée.

L'opposition des faubourgs s'est considérablement accrue... A-t-on cependant augmenté les charges qui incomberont aux nouveaux habitants de Bruxelles ? Loin de là, le gouvernement propose des dispositions transitoires pour les alléger. La ville, de son côté, s'engage à prendre des mesures favorables aux industriels des faubourgs.

Pourquoi donc voyons-nous le conseil communal de Schaerbeek dire, au mois de juillet dernier, qu'au point de vue de l'intérêt national, ce serait manquer de patriotisme que de s'opposer à la réunion ; et trois mois après exprimer une opinion entièrement contraire ? Comment se fait-il que tous les conseils communaux des faubourgs soient maintenant unanimes dans leur opposition ? C'est que l'on a amoindri la question ; à une pensée nationale on a substitué l'intérêt privé. Plusieurs personnes ont exagéré les conséquences de l'annexion ; elles ont induit les habitants en erreur en leur faisant accroire que leur existence étail compromise, qu'ils allaient être écrasés d'impôts.

Ou lit dans le rapport de la section centrale : « Le projet de loi a soulevé la plus formidable opposition, les pétitions témoignent de la réprobation générale dont il est frappé dans les faubourgs. » Plus loin on ajoute : « On se formera une idée de learésistance générale des faubourgs, quand on saura que 1,126 chefs de famille de Schaerbeek et 1,694 de St-Josse-ten-Noode ont pétitionné contre la réunion ! » Il y a dans ces quelques mots un peu de vrai et beaucoup d'exagération, Chacun de vous, messieurs, en eût été convaincu si l'honorable rapporteur eût dit comment ces pétitions ont été obtenues. Je constate d'abord un fait, c'est qu'une enquête a eu lieu au gouvernement provincial, et là on n'a compté que 281 opposants de St-Josse ten-Noode, et 447 de Schaerbeek. Après l'enquête, la députation permanente a encore reçu de ces communes 30 oppositions dont 23 de St-Josse-ten-Noode et 7 de Schaerbeek ; ces chiffres sont extraits des documents officiels et je me suis rendu moi-même dans les bureaux du gouvernement pour m'assurer de leur exactitude. Il y a donc eu 454 opposants à Schaerbeek, et cependant on lit au bas des pétitions de cette commune que 1,126 oppositions ont été présentées au conseil provincial. C'est là une erreur commise avec intention pour exercer dans la commune et ici certain effet. Il y a eu à St-Josse-ten-Noode 304 opposants, je cite ces chiffres pour faire voir à M. le rapporteur que le nombre de ceux-ci n'a pas été aussi imposant qu'il le dit dans son deuxième rapport. Les pétitions adressées à la Chambre sont, il est vrai, beaucoup plus considérables ; en voici la raison.

Quelques personnes ont formé, surtout dans les deux communes citées, une sociélé qui a organisé un pétitionnement contre la réunion. Dans le but d'égarer l'opinion des membres de cette chambre sur les véritables sentiments des habitants des faubourgs, et pour grossir le nombre des pétitions et exercer ici une impression défavorable au projet de loi, on a eu recours à des moyens que je m'abstiendrai de qualifier, pour faire preuve de modération.

M. le rapporteur de la section centrale a compté les pétitions, il les a vues en détail ; il les a analysées, puis il a fait sonner bien haut le total de ce qui nous est parvenu.

Pour moi, messieurs, j'ai peine à comprendre comment l'honorable M. David ne s'est pas aperçu de suite que leur nombre devait être considérablement réduit par les doubles et triples emplois dont on a fait usage.

Pour Schaerbeek, par exemple, voici 364 pétitions, chaque habitant en a signé 2. Pour que l'on puisse s'en convaincre immédiatement, j'ai attaché les doubles ensemble. Beaucoup d'autres portent des noms semblables et offrent assez d'indices pour faire supposer qu'elles viennent aussi des mêmes personnes. Je ne parle ici que des pétitions analysées dans le premier rapport de la section centrale. N'est-il pas permis, dès lors, d'avoir des doutes sur l'authenticité de 93 pétitions non signées, sur 202 pétitions émanant d'individus qui n'ont pas pu les lire ; car elles ont pour signature une croix non certifiée.

Après avoir comparé les pétitions partielles, j'ai examiné les pétitions collectives, et quel n'a pas été mon étonnement de voir encore de nombreuses signatures répétées sur des pétitions différentes !

Il ne pouvait en être autrement ; comment les habitants se seraient-ils refusés à signer deux ou trois fois, alors que les premiers magistrats de certaines communes leur en donnaient l'exemple, et signaient jusqu'à 4 et 5 pétitions ?

J'ai ici le relevé des noms de ceux que j'ai découverts comme ayant signé plusieurs fois. Je mettrai ce tableau à la disposition des membres de cette Chambre qui voudront vérifier le fait.

Pour vous rendre compte des moyens employés pour augmenter le nombre des pétitions, je vous dirai que j'en avais remarqué 11, cotées même rue et même numéro ; j'ai pris des renseignements à ce sujet et j'ai su qu'un homme ayant dix locataires, presque tous ouvriers terrassiers, avait, à la suite de sollicitations, signé une pétition en son nom propre, et en avait fait faire d'autres par chacun de ses locataires. Voilà pourquoi il y a au dossier 11 pétitions de la même maison.

Je regrette que l’honorable M. David ait inséré dans le rapport une assertion inexacte, qui a produit une certaine impression. Je vais maintenant parler des envois qui ont eu lieu depuis huit jours.

Dès que les conclusions de ce rapport ont été connues, des personnes habitant les faubourgs, ou y ayant des propriétés, ont voulu protester contre la manifestation qui avait eu lieu ; elles ont à leur tour présenté à la Chambre des pétitions revêtues, dit le rapporteur, de 539 signatures, et au commencement de cette séance il y en a encore eu 126 ; on y voit figurer les principaux fabricants établis dans les faubourgs, et cela répond à ce que l'on a dit du commerce ; il y a des magistrats, des rentiers, des personnes enfin très capables d'apprécier les conséquences de la réunion.

Dans le principe, les pétitions en faveur de l'annexion n'étaient pas très nombreuses, parce que les habitants de Bruxelles sont restés calmes au milieu de cette agitation factice, ils ont cherché à éviter de diviser la population en deux parties hostiles. Ceux qui demandent la réunion ont compté sur le bon jugement des hommes qui doivent examiner le projet de loi ; tandis que l'opposition, comme toutes les minorités qui veulent devenir majorité, a été active, remuante au-delà de toute idée.

Pour vous en donner une preuve, je vous dirai qu'ayant appris le pétitionnement en faveur de l'annexion, on a sur-le-champ fabriqué de nouvelles pétitions, et le 25 avril on en a envoyé 400 à la Chambre. Ce sont toujours de doubles signatures. Voici un paquet de 126 pétitions (page 1575) de Saint-Josse-ten-Node, et un autre de 37 provenant de Schaerbeek, on peut les vérifier, les doubles sont attachées ensemble. Vous comprendrez parfaitement, messieurs, que je n'ai pas pu tout découvrir.

Voilà une pétition d'Ixelles ; sur 137 signatures, il y a 66 croix, beaucoup de noms écrits par la même personne.

En voici une autre : sur une seule page il y a 52 noms et 32 croix.

J'ajouterai que dans la totalité bon nombre de signataires savent à peine écrire leur nom.

Depuis le 25 avril, jour où le rapport de la section centrale a été déposé, on nous a encore inondés de pétitions ; il a fallu que l'honorable M. David fasse un rapport supplémentaire, et ici je dois relever certaine manière de rendre les choses.

Toutes les fois que le nombre des pétitionnaires dépasse celui des pétitions, M. le rapporteur a soin d'en indiquer le chiffre ; mais quand il est le même, il donne à sa phrase une tournure qui permet de le supposer deux et trois fois plus considérable ; ainsi, au numéro 8, il dit que par 1,540 pétitions une très grande quantité d'habitants de Saint Josse-ten-Noode protestent contre l'annexion ; et cependant l'honorable rapporteur sait bien que chaque pétition ne contient qu'un nom. Comme cela est répété plusieurs fois dans ce même rapport, il est impossible de ne pas en faire la remarque.

Il me paraît que M. le rapporteur en disant plusieurs fois que les pétitionnaires protestent vivement, énergiquement, aurait pu ajouter qu'ils protestent tous de la même manière. Il n'est pas du tout prouvé que la vivacité et l'énergie existent bien chez les pétitionnaires. Il est de fait seulement qu'elle a été dans la plume de celui qui a rédigé la pétition.

Vous comprendrez facilement, messieurs, pourquoi on n'a écrit qu'un.seul nom sur chaque pétition, on a cherché à produire plus d'effet, on a voulu éviter surtout qu'on s'aperçoive qu'une infinité de personnes avaient signé 2 et 3 fois.

J'ai passé hier deux heures à les examiner, bien légèrement même, car ma patience m'a fait défaut ; mais je déclare de la manière la plus formelle, qu'en y jetant un simple coup d'œil, j'ai reconnu une très grande quantité de signatures que j'ai vues dans les premières pétitions ; il y a en outre dans ce paquet plusieurs pétitions signées par les mêmes personnes, et treize sans signature aucune, tout à fait en blanc.

Aussi je n'hésite pas à affirmer que l'honorable rapporteur s'est trompé en disant : « Le pétitionnement hostile à l'incorporation, qui, à chacune des phases de cette question, avait été si imposant de la part des communes intéressées ; » et rappelez-vous, messieurs, combien il y avait peu d'opposants lors de l'enquête provinciale ; « le pétitionnement, dit M. David, grandit au fur et à mesure que le moment solennel de l'arrêt législatif approche. » Non, messieurs, le pétitionnement ne grandit pas, les mêmes pétitions se renouvellent, ceux qui ont ainsi abusé du droit de pétitionner ont manqué aux convenances, à la dignité de la Chambre, au respect que l'on doit avoir pour nos institutions.

D'après tout ce qui s'est passé, on est en droit de dire ici, comme le roi Guillaume en 1815, quand il s'est agi de compter les votes pour et contre la Constitution.

Tous ceux qui ne se sont pas prononcés, a-t-il dit, sont favorables au projet : à ce point de vue on peut affirmer que l'immense majorité des habitants des faubourgs désire la réunion.

J'ai toujours eu beaucoup d'égard pour les pétitions qui ont pour but d'appeler l’attention de la Chambre sur les intérêts privés ; toutefois, le nombre des pétitionnaires n'exerce sur moi aucune influence, parce que je sais, et vous le savez tous comme moi, messieurs, que rien n'est plus facile que d'obtenir des milliers de signatures ; il suffit que les pétitions soient appuyées par des personnes ayant quelque influence dans la commune, comme bourgmestre, échevins, commissaires de police ou autres ; quand les passions s'en mêlent, on fait signer le père, la mère et les enfants sur des pétitions différentes pour en augmenter la quantité.

Je rencontrerai tout à l'heure les objections principales que les pétitionnaires font valoir ; pour le moment, je ne veux m'occuper que de la commune de St-Gilles ; elle comprend les groupes de maisons situés près de la porte de Hal et de la porte Louise. Des habitants de cette commune ont présenté, contre la réunion, plusieurs pétitions ayant aussi des signalures répétées trois et quatre fois : M. le rapporteur les a analysées, je vais le faire à mon tour. Les raisons données par les signataires prouvent la plus grande ignorance de ce qui se passe sous leurs propres yeux. « La capitale, disent-ils doit représenter l'esprit du pays et être l'expression vraie de sa population. Bruxelles avait ce caractère. Il y avait des Wallons. Il y avait des Flamands. Les deux fractions du pays venaient autour du trône se donner la main fraternelle, la population mixte de la capitale reflétait la population mixte du pays. Aujourd'hui il en est autrement, les publications officielles de la régence de Bruxelles se font dans la langue de la minorité au désavantage de la majorité. Le flamand est banni des écoles de la commune. La capitale a perdu sou caractère national, elle a cessé d'être l'expression vraie du pays, l'étranger qui la visite se croit transporté dans une ville française. Les tendances trop françaises de la régence de Bruxelles sont un obstacle au point de vue de la civilisation et du progrès intellectuel du pays !... »

Ce sout les termes dont on s'est servi. Voilà, il faut l'avouer, messieurs, d'admirables raisons, surtout que parmi les populations dont le territoire serait incorporé, il y a plus de Flamands que de Français ; toutes les publications de la ville se font dans les deux langues ; et dans les écoles gardiennes, comme dans les écoles communales de Bruxelles, on enseigne partout la langue flamande. Je n'avais donc pas tort de dire que les pétitionnaires ont signé aveuglément, sans savoir ce qu'ifs faisaient.

Quand les habitants du Quartier-Louise ont appris l'envoi de ces pétitions, tous, sans exception, en présentèrent à leur tour une pour être incorporés à la ville, même en supposant le rejet de la loi qui nous est soumise : ceux-ci donnent-ils de meilleurs motifs ? Vous allez en juger par le langage tenu par les pétitionnaires. Cette incorporation, disent-ils, est d'une urgence extrême ; le Quartier-Louise, l'un des plus beaux par sa situation, est totalement privé d'égouts ; toutes les eaux de ménage et les matières fécales sont reçues dans des puits d'absorption, elles finiront par corrompre toutes les eaux de puits ; la commune de Saint-Gilles, par ses ressources restreintes, est dans l'impossibilité de jamais faire jouir le Quartier-Louise du bienfait d'égouls qui la purgeraient d'une cause d'insalubrité permanente.

La comparaison de ces deux pétitions permettra à la Chambre d'apprécier de quel côté sont les bonnes raisons : d'une part, des griefs sans fondement et de l'autre, des besoins indispensables.

Si je me suis trop étendu sur le pétitionnement, c'est qu'on a voulu en faire un épouvantail, et que beaucoup d'entre vous ignorent les vrais motifs qui ont guidé certaines personnes. Je suis intimement convaincu que si la réunion a lieu, la presque totalité des pétitionnaires reconnaîtra qu'on les a trompés et se féliciteront de l'annexion. La question, d'ailleurs, doit être envisagée au point de vue national et politique, et non sous celui de l'intérêt privé.

L'utilité de la réunion proposée ressort de la nature même des choses. Depuis notre émancipation politique et l'établissement des voies ferrées, la population des faubourgs s'accroît dans de telles proportions qu'elle sera bientôt plus considérable que celle de la ville si l'on observe sa marche progressive depuis six à sept ans seulement, on voit que Ixelles avait, en 1846, 14,251 habitants ; sa population actuelle approche 20,000 ; Saint-Josse-len-Noode, qui en avait alors 14,850, eu compte plus de 21,000 ; c'est une augmentation de 50 p. c. en 7 ans.

Celle nombreuse population ne peut, à mon avis, être maintenue sans danger en communes séparées ; il est absolument nécessaire, dans l'intérêt de la tranquillité et de la sûreté publique, auxquelles tout le monde est intéressé, de donner à la police de Bruxelles et des faubourgs l'unité qui en fait la principale force ; c'est le seul moyen de surveiller plusieurs catégories d'individus qui ont besoin d'être constamment sous les yeux de la police.

J'ajouterai qu'il peut surgir des circonstances où l'ignorance de ce qui se passe dans les faubourgs occasionnerait des désordres graves dans la ville ; une réunion dangereuse peut s'y former clandestinement et faire irruption dans la capitale avant que le bourgmestre en soit prévenu.

Tous les ministres, et je crois M. Rogier lui-même, ont pressent le danger qui pouvait résulter de cette grande agglomération, et tous ont pensé que la réunion devenait indispensable.

M. le ministre vient de donner d'excellentes raisons sur la nécessité de l'unité administrative, et je suis persuadé que l'honorable M. de Brouckere signalera mieux que moi les inconvénients que la pratique des affaires l'a mis à même de reconnaître.

Qu'arrivera-t-il si le principe de la réunion n'est pas admis ? Cela est facile à prévoir ; il faudra, avant peu d'années, enlever la police à tous les bourgmestres des faubourgs et de la ville, pour en donner la direction à un seul chef : ce serait là une des plus graves atteintes à nos libertés communales.

Bien des personnes craignent une capitale trop grande pour le pays ; on aura, m'a-t-on dit, une forte tête et un petit corps. Je prierai ces honorables membres de bien songer que le projet de loi n'a pas pour but d'augmenter la population agglomérée. Cette population existe déjà ; seulement elle est divisée administrativement, et dans l’intérêt de l'ordre et de la sûreté publique, on demande de la soumettre à l'unité administrative. C'est, du reste, une erreur de croire qu'en Belgique, la capitale puisse jamais exercer sur le pays l'influence qu'on redoute ; il suffit, pour n'avoir aucune inquiétude à ce sujet, de consulter l'histoire et l'esprit d'indépendance de nos provinces. Nous en avons encore la preuve tous les jours dans cette Chambre ; les députés de Bruxelles, quoique ayant toujours émis des voles favorables aux subsides à accorder aux autres localités, sont cependant très souvent obligés de repousser des attaques injustes, comme si la capitale absorbait ce qui devrait être remis à d'autres villes.

Pour conserver la division des communes, on a invoqué l'exemple de Londres, on n'a pas réfléchi que si on en excepte la Cité, il n'y a qu'une seule police pour toutes les paroisses qui comprennent 2 millions d'habitants, et on a à Londres, pour cette police, un respect que l'on ne rencontre nulle part ; d'un autre côté le mode d'administration, ne convient pas ici, et l'organisation administrative d'une capitale doit être réglée selon les mœurs et coutumes du pays.

L'adoption du projet de loi aura pour résultat d'éloigner des parties agglomérées un fossé dangereux, une muraille qui entrave la (page 1576) circulation ; ces avantages tourneront autant au profit des habitants des faubourgs que de ceux du la ville.

La Belgique entière en profitera, et en effet, si Paris n'avait pas une aussi grande étendue, si cette ville ne possédait pas tant de beaux monuments, les étrangers n'accourraient pas de tous les coins de l'Europe pour la visiter ; qu'on calcule ce que cela rapporte à la France, et on verra l'immense intérêt d'un pays à avoir une belle capitale. L'annexion des faubourgs contribuera à embellir considérablement Bruxelles, elle y attirera par conséquent plus d'étrangers, et ceux-ci visiteront également les autres villes du royaume. En votant la réunion on créera donc des ressources considérables à la Belgique, d'autant plus que la prospérité d'une capitale réagit toujours favorablement sur tout le pays.

Quelles sont les objections sérieuses que l'on présente ?

Nous voulons bien, disent les pétitionnaires, être réunis à la ville ; mais il faut qu'au préalable l'octroi soit aboli.

Nous nous opposons à la demande de la ville, disent les autres, parce que nous payerions beaucoup plus d'impôts.

Le gouvernement et des membres de cette Chambre envisagent avec inquiétude la trop grande étendue de la ville de Bruxelles, ils s'effrayent de l'autorité qu'aurait le chef de la commune, ils craignent que cela ne devienne un embarras.

Quoique nous ne dussions envisager ici la question qu'au seul point de vue des intérêts généraux, je répondrai cependant quelques mots aux objections qui onl rapport aux intérêts privés, afin de les apprécier à leur juste valeur.

J'aborde d'abord celle qui est dans toutes les bouches, et dont on fait aujourd'hui le motif principal d'opposition.

Les habitants des faubourgs réclament la suppression de l'octroi ; ils sont en cela d'accord avec le conseil communal de Bruxelles, avec le conseil provincial du Brabant, et je crois pouvoir dire avec nous tous. Il y a toutefois une très grande différence qui nous sépare. Les habitants des faubourgs ne s'inquiètent nullement des conséquences de cette suppression, tandis que je n'en suis partisan que pour autant que les revenus de la ville n'en soient point diminués. Ne pouvant supprimer ni la police, ni l'éclairage, ni les travaux publics, ni les secours aux indigents, il faut bien, avant d'abolir l'octroi, exposer un plan financier qui permette d'espérer un revenu égal à son produit, soit 2,650,000 fr. Il faut, en outre, que la répartition des impôts nouveaux soit équitable et que la perception en soit facile sans être vexatoire.

L'octroi est un impôt très ancien en Belgique, il est pour ainsi dire inhérent au pays, puisqu'il date de plus de six siècles, et si on en excepte une suppression de quelques mois, à la suite de notre réunion à la France, on peut dire qu'il n'a pas cessé d'être en vigueur depuis son origine.

Les communes, sauf l'approbation du gouvernement, sont libres de choisir leur mode d'impositions, et 74 localités se sont soumises au régime de l'octroi. Je ne rappelle ces faits que comme preuve qu'il n'est pas aussi facile que beaucoup de personnes le pensent, de remplacer cet impôt ; sinon il n'aurait pas été maintenu depuis tant d'années.

Pour changer de système et atteindre un résultat praticable, les hommes les plus éminents ont consacré beaucoup de temps à des études sérieuses ; jusqu'ici les projets n'ont pas paru pouvoir être mis à exécution. On aurait voulu que l'Etat eût abandonné une partie de ses recettes au profit des villes ; c'est bien, à mon avis, le seul moyen de supprimer les octrois ; mais quand le déficit du trésor augmente chaque année, et que les besoins suivent aussi une marche toujours croissante, peut-on songer à priver l'Etat de ses ressources ?

Si les difficultés sont grandes, ce n'est pas un motif pour considérer la question comme insoluble ; des idées nouvelles surgiront peut-être : deux de nos collègues, usant de leur initiative, ont présenté tout un système, un autre nous a dit que M. le ministre de l'intérieur aurait à examiner des propositions du conseil communal de Gand. D'un autre côté on a cité au sein du conseil provincial de Brabant différents changements pour remplacer quelques recettes de l'octroi ; un nouvel examen aura par conséquent inévitablement lieu, et s'il était démontré qu'il est possible d'abolir cet impôt, le conseil communal de Bruxelles n'hésiterait pas à en adopter les moyens, puisqu'il a déjà émis un vote favorable à cette suppression, et que l'opinion publique se prononce contre un impôt qui n'est conservé que par la difficulté de se créer des ressources et par la nécessité de maintenir les recettes au niveau des dépenses.

Quoique je doute que l'on trouve les moyens d'établir des contributions dont le produit soit aussi important que l'octroi, dont la perception soit aussi facile et donne lieu à moins de réclamations, je ne méconnais cependant pas les défauts que l'on est en droit de lui reprocher. Je sais que les impôts indirects pèsent principalement sur la classe ouvrière qui paye d'autant plus cher les objets de première nécessité ; mais, pour être juste, il faut dire aussi qu'on lui en restitue une bonne partie en assainissant les quartiers qu'elle habite, en lui procurant les moyens d'instruction, en dépensant surtout des sommes considérables pour toute espèce de secours. La ville de Bruxelles, par exemple, fait une recède de 2,650,000 fr. sur l'octroi et elle en consacre 648,745 fr. pour la charité publique seulement. Cependant si l'octroi ne peut être supprimé totalement, je pense qu'il est susceptible de modifications par rabaissement ou la suppression de certains droits ; je n'entrerai ici dans aucun détail, car il s'agit simplement de savoir s'il faut nécessairement supprimer l’octroi avant l'annexion des faubourgs à la ville.

Je comprendrais qu'on en eût la pensée si la réunion devait apporter obstacle au changement d'impôts ; or, c'est précisément le contraire qui arriverait, puisque aux opposants qui siègent déjà au conseil communal de Bruxelles, viendront se joindre les conseillers des faubourgs qui veulent également des réformes.

J'ajouterai qu'en laissant à l'écart la question de savoir si la Chambre peut ou ne peut pas mettre cette condition à la réunion, il est au moins convenable de s'en abstenir ; le système des impôts communaux, d'après l'article 108 de la Constitution, est une des attributions du conseil de la commune, le Roi seul, par la non-approbation du budget des recettes, peut forcer une ville à en changer. Les articles 75 et 76 de la loi communale sont la conséquence de l'article 108 de la Constilution.

La suppression de l'octroi ne regarde pas d'ailleurs uniquement la capitale, elle intéresse encore les 74 localités du royaume : vouloir une solution à ce sujet avant de voter le projet de loi qui nous est présenté, c'est se servir d'un prétexte pour empêcher la réalisation d'une œuvre vraiment nationale.

Je terminerai ces observations en faisant remarquer que les habitants d'une même ville doivent tous être soumis aux mêmes charges ; s'il y a parfois des exceptions pour un petit nombre demeurant en dehors de l'enceinte, il est impossible, dans une ville de 250,000 âmes, d'en soumettre 150,000 au régime de l'octroi et 100,000 à la captlation ; cela ne serait pas équitable, et il faudrait conserver une muraille que tout le monde a intérêt à voir disparaître.

J'approuverai donc la mesure transitoire qui mettra un terme au régime de la capitation imposé momentanément aux parties agglomérées de Molenbeek, Koekelberg et Anderlecht.

Beaucoup des pétitionnaires allèguent l'augmentation des impôts qu'ils auront à payer en raison de l'octroi, et d'un surcroît d'imposition pour les portes et fenêtres. Si on en excepte ceux qui prennent annuellement plusieurs pièces de vin, je crois que la différence des charges sera bien minime ; la suppression de l'impôt communal compensera en partie les augmentations auxquelles ils seront assujettis ; d'autres que moi le prouveront par des chiffres ; il dépend d'ailleurs de la Chambre de diminuer encore cette différence en adoptant la proposition de la section centrale.

Depuis l'établissement de l'impôt personnel et des patentes, la population de beaucoup de villes a augmenté au-delà du chiffre qui a servi de base pour la perception de cet impôt, de sorte que si ces villes devaient payer aujourd'hui suivant la classification portée dans la loi, leurs habitants supporteraient une augmentation, comme ceux des faubourgs après leur réunion à la capitale. Eh bien, la section centrale par le rejet des art. 24 et 26 demande qu'on n'ait pas deux poids et deux mesures, que les nouveaux habitants de Bruxelles ne subissent aucune augmentation pour les portes, les fenêtres et les patentes, tant et aussi longtemps qu'on ne revisera pas la loi, c'est-à-dire jusqu'à ce que les conséquences dé l'augmentalion de la population soient appliquées à tout le monde.

Cette proposition, due à l'initiative de l'honorable M. de Brouckere, a été adoptée à l'unanimité de la section centrale, sauf une abstention.

Ici, messieurs, je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer que c'était la seule condition réclamée par l'administration communale de Schaerbeek, à une époque on elle ne songeait pas à demander la suppression de l'octroi, dont aujourd'hui pourtant elle fait toute la base de son opposition ; cette époque n'est pas éloignée, elle est du 4 juillet dernier. Je vais vous lire un extrait de la délibération de ce conseil :

« Mais si le pouvoir législatif, animé par des considérations d'un ordre supérieur, croyait devoir constituer une capitale vaste et populeuse, le conseil exprime le vœu que cet acte ne s'accomplisse qu'en respectant les droits acquis.

« Réunir la commune sans conditions à la capilale, la faire passer sans transition d'un système de capitation modérée à un système d'octroi, de patente, de contribution foncière et personnelle, applicable à une grande ville, ce serait violer les positions acquises et consacrer une injustice.

« Si la raison d'Etat commande I'incorporation, c'est à la législature de concilier cette haute nécessité avec le droit des communes sacrifiées. »

Et quel est le remède que l'administration communale propose ? Le voici :

« Répartir l'augmentation des charges sur l'espace d'une génération serait peut-être le moyen d'arriver à ce but. »

L'administration communale ne réclamait donc pas la suppression de l'octroi ; car on ne répartit pas cet impôt sur l'espace d'une génération ; ce qu'elle demandait, c'était que l'augmentaiion des patentes, des contributions foncières et personnelles fût répartie sur l'espace d'une génération ; cela ressort encore davantage du rapport du collège qui précède la délibération du conseil, où il est dit :

« Il reste entendu que lors de l’établissement de cette nouvelle ligne d'octroi, les fossés actuels devront être comblés. »

J'espère que si le principe de l'annexion est admis, la proposition de la section centrale, plus favorable aux faubourgs que ce que demandait Schaerbeek recevra l'assentiment de la Chambre.

En parlant de la comparaison des impôts, je rappellerai ce que M. le rapporteur vient de dire ; l'annexe n_1 est bien loin d'être exacte ; elle a pour but de mettre en regard ce que l'on paye par tête en ville et aux faubourgs. Pour Bruxelles, M. le rapporteur fait figurer tous les (page 1577) centimes additionnels ; pour les faubourgs, au contraire, il néglige les centimes additionnels payés pour la voirie et l'instruction primaire.

Il oublie le montant du rôle de répartition pour la réparation et l'entretien des chemins vicinaux.

Pour Bruxelles, enfin, M. le rapporteur porte la totalité du produit de l'octroi, et il ajoute que c'est une charge de 17.20 par tête ; ainsi aux yeux de l'honorable M. David, ce sont les habitants de la capitale qui seuls supportent la totalité de cet impôt, les étrangers n'en payent rien, les habitants des faubourgs n'y contribuent nullement, alors qu'ils viennent s'approvisionner en ville des objets soumis aux droits. Si l'honorable rapporteur avait lu les pétitions adressées à la Chambre, il en aurait remarqué une, elle mérite d'être citée, c'est celle d'un capitaine demeurant à Saint-Josse-ten-Noode et qui est opposé à la réunion, parce que, dit-il, on ne veut pas combler les fossés, et que déjà les habilants des faubourgs payent le tiers de l'octroi. Les fonctionnaires qui demeurent hors de la ville tenaient, il n'y a pas longtemps, un langage à peu près semblable.

Pour en revenir à la comparaison des charges, je veux bien admettre pour un instant l'opinion de mes adversaires, et croire que les impositions des nouveaux habitants seront augmentées. Je soutiens dans ce cas que la mesure sera équitable : car ceux qui participent constamment aux avantages de la grande ville, doivent payer la même quotité d'impôts. Quoi ! des maisons sont séparées par une muraille, on payera d'un côté 1.10 par croisée et de l'autre 1.50, et on dira que cela est juste ! Je prétends le contraire, et j'ai, en faveur de mon opinion, l'avis émis par le conseil d'Etat sous le gouvernement des Pays-Bas à propos des contributions personnelles : ce que l'on réclame, c'est un privilège pour les faubourgs, et les privilèges je les repousse.

Du reste, si les habitants des faubourgs payent un peu plus d'impôts après la réunion, ils en seront largement dédommagés. Les rues seront éclairées toute l'année ; on n'y marchera plus, à certaines époques, dans une profonde obscurité. Les travaux de voirie et d'assainissement seront plus considérables. L'éloignement du mur d'enceinte des parties agglomérées facilitera les communications, on ne perdra plus beaucoup de temps en courses inutiles, en détours que l'on est forcé de faire aujourd'hui pour entrer ou sortir de la ville. Et mieux que tout cela, messieurs, les secours aux pauvres des faubourgs seront plus nombreux ; nous ne verrons plus cet affligeant spectacle douné par le conseil général des hospices qui, pour défaut de payement, a été obligé de fermer l'entrée de ses hôpitaux aux indigents de Molenbeek et de Koekelberg.

La réunion sera très avantageuse à cette classe de la société dont pour le moment on ne se préoccupe pas suffisamment dans les faubourgs, et pourtant elle mérite bien la sollicitude de ses administrateurs. C'est pourquoi je ne veux pas seulement la réunion en ma qualité de représentant, je l'appuie encore comme ami de l'humanité, et sous ce rapport, on doit approuver le bourgmestre de Molenbeek qui, au conseil provincial, a voté la réunion des faubourgs dans l'intérêt de ses administrés. Si le projet de loi est rejeté, je défie cette commune de satisfaire aux besoins des pauvres, de pourvoir, à la moindre crise, aux besoins des ouvriers sans travail ; nous en avons eu la preuve en 1848, époque à laquelle, dans l'intérêt de l'ordre public, et pour céder aux vives sollicitations du bourgmestre de Molenbeek, j'ai moi-même, comme membre du conseil général des hospices de Bruxelles, employé pendant plusieurs mois à des terrassements plus de 100 habilants de cette commune.

Oui, messieurs, dans quelques années, on verra tout ce quartier rempli d'ouvriers et l'administration communale sera dans l'impossibilité de satisfaire aux dépenses obligatoires, sans surtaxer la classe aisée bien au-delà des charges de l'octroi, au-delà de ce qu'elle pourra supporter, et je prie mes honorables adversaires de vouloir bien répondre à ces arguments. Je dois ici rectifier une erreur consignée dans le rapport de la section centrale, je l'ai commise moi-même en parlant des secours distribués par les administrations de bienfaisance, je n'avais pas les chiffres sons les yeux et je ne songeais alors qu'aux seules distributions faites par les comités de charité. La vérité est qu'à Molenbeek on distribue pendant toute l'année en moyenne 7 francs par ménage pauvre, à Saint-Josse-ten-Noode 18 francs et à Bruxelles 47 fr. 38 c.

- Vu l'heure avancée, l'orateur remet la suite de son discours à demain.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. de Brouwer de Hogendorp. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi accordaut des crédits supplémentaires au département des travaux publics.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

M. Dumortier. - Je demanderai à M. le ministre des finances sur quels crédits il entend imputer les neuf millions qui nous sont demandés.

M. le président. - Vous pourrez demander cette explication lors de la discussion du projet de loi.

M. Dumortier. - Je préviens M. le ministre des finances que je lui adresserai une interpellation à ce sujet.

- La séance est levée à 5 heures.