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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 12 décembre 1854

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 279) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Willems se plaint des retards que l'on met dans l'examen de son système d'inoculation de la pleuropneumonie qu'il a soumis au gouvernement. »

- Renvoi à la commission des- pétitions.

M. de Renesse. - M. le docteur Willems, de Hasselt, à qui l'on doit l'heureuse invention de l'inoculation de la pleuropneumonie exsu-dative des bêtes bovines, croit devoir s'adresser à la Chambre pour réclamer son intervention auprès du gouvernement afin qu'il soit donné suite aux expériences contradictoires qu'il a demandées à plusieurs reprises, pour constater l'efficacité de son moyen préservatif.

Dans d'autres pays, les expériences qui ont été faites paraissent favorables à cette belle découverte, d'un si grand intérêt pour l'industrie agricole ; cependant, il semble qu'en Belgique, pays où cette méthode a été découverte, la commission nommée à cet effet, par arrêté ministériel du 3 avril 1852, reste dans la plus complète inaction, n'ayant plus rien fait depuis une année, malgré les réclamations de M. le docteur Willems.

J'ai donc l'honneur de proposer à la Chambre de vouloir bien ordonner le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un rapport avant la discussion du budget de l'intérieur.

M. Rodenbach. - J'appuie de toutes mes forces ce que vient de dire l'honorable préopinant ; cette question, qui est de la plus haute importance, paraît négligée ; car le gouvernement avait promis un rapport, et nous n'en entendons plus parler.

Cependant, comme l'a dit l'honorable préopinant, la découverte du sieur Willems a eu le plus grand succès en France, en Hollande et en Belgique, et sans doute pour justifier le proverbe qu'on est difficilement prophète dans son pays, le gouvernement belge n'a encore pris aucune décision.

J'appuie la proposition de M. de Renesse.

- La proposition est adoptée.


« Le sieur Zaman présente des observations sur la différence qui existe entre les fonctions de secrétaire de parquet et celles de commis-greffier. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Albert, secrétaire du parquet de Tongres, demande une augmentation de traitement pour les secrétaires des parquets. »

- Même renvoi.


« Le sieur Walgraeve, facteur rurale à Eecloo, demande une augmentation de traitement. »

- Même renvoi.


« Le sieur Roulot prie la Chambre d'augmenter le crédit demandé au budget de l'intérieur pour le service des pensions accordées aux décorés de la croix de Fer. »

- Renvoi à la section centrale chargé d'examiner le budget de l'intérieur.


« Les sieurs Van Raes, détenus préventivement à Furnes malgré l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal qui a mis à néant le mandat de dépôt décerné à leur charge, réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir leur mise en liberté. »

- Même renvoi.


« M. Manilius, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Motion d’ordre

Poursuite à l'encontre d'un parlementaire pour un discours tenu en séance plénière

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, hier l'honorable M. Verhaegen a témoigné le désir d'interpeller le gouvernement sur un fait relatif à une plainte qui avait été déposée par le procureur général. J'ai eu l'honneur d'informer la Chambre que M. le ministre de la justice et M. le ministre des affaires étrangères étaient retenus par une indisposition, mais que je pensais que M. le ministre des affaires étrangères pourrait assister à la séance d'aujourd'hui.

J'ignorais jusqu'à quel point l'indisposition de M. le ministre des affaires étrangères le retiendrait ; j'ai eu occasion de m'assurer que son indisposition était assez grave pour l'empêcher de se présenter devant la Chambre avant demain ou après-demain. Je prierai donc la Chambre de vouloir bien postposer les explications demandées jusqu'au moment où M. le ministre de la justice ou M. le ministre des affaires étrangères pourra assister à la séance ; par exemple de les fixer à jeudi ou vendredi.

M. le ministre de la justice a désiré être présent à l’interpellation pour donner quelques explications.

M. Verhaegen. - Je ne m'oppose pas à ce qu'un nouveau délai soit donné pour les explications que j'ai demandées ; mais il faut que cette affaire finisse. Elle regarde le cabinet tout entier. Si M. le ministre de la justice ou M. le ministre des affaires étrangères ne pouvait pas assister à la séance de jeudi, je demanderai que les explications soient données par les ministres présents.

M. de Mérode. - Je serais charmé aussi de voir terminer cette affaire puisqu'on en parle toujours. Je désire que M. le ministre ne soit plus malade jeudi, pour deux raisons : d'abord parce que je vois, avec peine son indisposition, et, en second lieu, parce que je désire voir mettre au plus tôt possible fin à cette affaire qui est très facile à expliquer.

M. Tesch. - Il serait à désirer qu'avant l'ouverture de la discussion sur les explications demandées, la Chambre ait connaissance de la plainte qui a été déposée par M. de Bavay, afin qu'on connût bien les faits sur lesquels on discutera. Je demande donc qu'au jour fixé pour les explications réclamées par l'honorable M. Verhaegen, en pièces soient produites.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - L'observation que vient de faire l'honorable M. Tesch prouve combien il serait désirable que M. ie ministre de la justice assistât en personne à l'interpellation, car il serait possible qu'il donnât des explications fort intéressantes pour la Chambre. Tout en regrettant ce qu'a fait M. le procureur général, je me sers d'une expression très douce, M. le ministre de la justice pourra avoir des observations à faire sur le discours qui a donné lieu à cette plainte ?

Maintenant quel péril y a-t-il en la demeure ? Nous désirons tous que M. Faider soit rétabli d'ici à jeudi, mais on voudra bien faire la remarque que la chose publique ne peut pas souffrir d'un retard de quelques jours. La plainte est mise au néant, les interpellations sont sans utilité immédiate ; je comprendrais l'impatience des honorables membres, s'il y avait péril en la demeure. Mais ici il n'existe plus rien de fait, il ne s'agit plus que d'explications morales de la pati du gouvernement.

Eh bien, personne n'est mieux à même que l’honorable ministre de la justice de les donner. Je désire que l'honorable membre qui a fait l'interpellation veuille bien attendre que M. le ministre soit rétabli. Si, au contraire, la Chambre ne veut pas accepter cette proposition, je demande qu'on fixe un jour un peu plus éloigné. Il est impossible de fixer à jeudi le parfait rétablissement de l'honorable ministre.

M. Verhaegen. - Je ne me suis pas opposé, par égard pour les personnes, à ce qu'on accordât un nouveau délai. C'est cependant une affaire qui, comme l'a dit très bien l'honorable comie de Mérode, doit avoir une fin. On s'est ému de cette affaire.

M. de Mérode. - Personne n'est ému.

M. Verhaegen. - Il faut qu'on sache à quoi s'en tenir. Le cabinet tout entier s'est occupé de cette affaire ; elle a fait l'objet d'un conseil des ministres. Le cabinet peut donc nous donner des explications, M. le ministre de la justice désire être ici pour dire son opinion sur le discours de mon honorable ami M. de Perceval. Mais il assistait à la séance où ce discours a été prononcé et il n'a pas dit un mot pour défendre M. de Bavay. Je ne puis donc admettre le motif que l'on met en avant.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Bien que M. le ministre de la justice n'ait rien dit dans la séance où le discours de l'honorable M. de Perceval a été prononcé, il ne s'ensuit pas qu'il n'ait rien à dire aujourd'hui. L'honorable ministre pouvait-il répondre sans avoir une connaissance complète de toutes les circonstances qui avaient entouré cette affaire, alors qu'un ministre, en cas pareil, ne doit rien répondre qui ne soit parfaitement exact ? Il est donc naturel que ce jour-là M. le ministre de la justice ait gardé le silence, sauf à répondre plus tard aux faits qui ont été articulés.

M. Verhaegen. - Je demande que les interpellations soient remises à jeudi.

- Plusieurs membres. - Lorsque M. le ministre sera rétabli.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois qu'il serait sage de remettre les interpellations à un ou deux jours plus loin que ne le propose l'honorable M. Verhaegen, à lundi, par exemple.

M. Mercier. - Je demande que les interpellations soient renvoyées au jour où M. le ministre de la justice pourra se rendre dans cette enceinte. Il n'y a rien de pressant dans cetlc affaire.

- La proposition de M. Mercier est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - M. Tesch a demandé la production des pièces pour le jour où les interpellations seront reprises. M. Tesch fait-il une proposition formelle ?

M. Tesch. - Non, M. le président ; je désire qu'il soit tenu compte du vœu que j'ai exprimé.

Projet de loi sur la police sanitaire des animaux domestiques

Discussion des articles

Article 16

« Art. 16. Les contraventions aux articles 3, 5, 6 et 9, en ce qui concerne les mesures ou visites y mentionnées, ainsi qu'aux dispositions (page 280) intervenues en exécution des articles 10 et 13, seront punies d'une amende de 100 à 500 francs et d'un emprisonnement de huit à quinze jours

« En cas de récidive, l'amende sera de 500 fr. au moins et de 1,000 fr au plus, et la durée de l'emprisonnement de quinze jours à un mois. »

M. le président. - M. de Steenhault a présenté à l'article 15 un amendement dont la discussion a été ajournée jusqu'au moment où l'on s'occuperait de l'article 16. Cet amendement formerait le second paragraphe de l'article 16.

« Seront, en outre, punis d'une amende de 100 à 500 francs, sans préjudice de celles comminées par les paragraphes précédents, ceux qui auront fait stationner ou héberger leurs animaux atteints de maladie dans des écuries ou locaux placés hors de la commune qu'ils habitent, ou qui les auront exposés dans des foires ou marchés. »

La section centrale avait d'abord proposé l'adoption de cet amendement, avec un léger changement de rédaction. Mais M. le ministre de l'intérieur a présenté à son tour un autre amendement destiné à remplacer celui de M. de Steenhault. Voici cet amendement :

« Seront punis d'une amende de 100 à 500 francs et d'un empriosonnement de huit à quinze jours :

, « Ceux qui auront contrevenu aux articles 3. 5, 6 et 9, en ce qui concerne les mesures ou visites qui y seront mentionnées, ainsi qu'aux dispositions intervenues en exécution des articles 10 et 13.

« Ceux qui, sans avoir fait la déclaration voulue par l'article premier et en l'absence des mesures prévues par les articles 2, 3 et 4, n'auront pas isolé dans des lieux fermés ceux de leurs animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de l'une des maladies contagieuses déterminées par le gouvernement.

« En cas de récidive, etc. (Le reste comme à l'article.) »

La section centrale, appelée de nouveau à délibérer sur l'article 16 et les amendements, propose de rédiger l'article 16 en ces termes : «

Seront punis d'une amende de 100 à 500 francs :

« Ceux qui auront contrevenu aux articles 3, 5, 6 et 9, en ce qui concerne les mesures ou visites qui y sont mentionnées, ainsi qu'aux dispositions intervenues en exécution des articles 10 et 13.

« Ceux qui, sans avoir fait la déclaration voulue par l'article premier, et en l'absence des mesures prévues par les articles 2, 3 et 4, n'auront pas isolé, dans des lieux fermés, ceux de leurs animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de l'une des maladies contagieuses déterminées parie gouvernement.

« En cas de récidive, l'amende sera de 500 fr. au moins et de mille francs au plus ;

« Ceux qui auront contrevenu aux dispositions intervenues en exécution des articles 10 et 13, seront, en outre, condamnés à un emprisonnement de huit à quinze jours. En cas de récidive, la durée de l'emprisonnement sera de quinze jours à un mois. »

La section centrale fait disparaître, excepté pour les contraventions aux articles 10 et 13, la peine de l'emprisonnement ; elle tient ainsi compte, jusqu'à un certain point, du vote que la Chambre a émis à l'article 15.

Le gouvernement se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, M. le président.

M. le président. - M. de Steenhault maintient-il sa proposition ?

M. de Steenhault. - Oui, M. le président.

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 16 nouveau, proposé par la section centrale, et sur l'amendement de M. de Steenhault.

M. de Steenhault. - Messieurs, bien décidément, si je devais avoir l'honneur de voir accueillir la pensée de mon amendement par la Chambre, ce ne serait pas à l'honorable rapporteur que je le devrais. Il a épuisé contre ce malheureux amendement tous les arguments possibles.

Il a commencé par vous dire que mon amendement prévoyait un cas qui était déjà prévu par le Code pénal. Il vous a dit ensuite que cet amendement détruirait l'économie de la loi générale.

En troisième lieu il nous a dit que le projet de loi n'ayant en vue que les faits posés avani la déclaration, or ne pouvait dans un seul contexte prévoir les faits postérieurs à la déclaration.

Aujourd'hui, en adoptant l'amendement de M. le ministre, qui n'est qu'une aggravation du mien, l'honorable rapporteur reconnaît que les arguments qu'il a opposés, dans la dernière séance, à ma proposition n'étaient pas sérieux.

L'honorable M. Lelièvre vient aujourd'hui nous opposer de nouveaux arguments. Il nous dit : L'amendement est inadmissible parce qu'il établit deux pénalités pour un même fait, parce qu'il est inouï, en style législatif, de comminer une nouvelle amende sans préjudice de celle qui a été comminéc par un paragraphe précédent.

D'abord, messieurs, je ne propose en aucune façon deux amendes pour un seul et même fait. Remarquez qu'ily a deux faits bien distincts : il y a d’abord le fait de ne pas avoir déclaré, ou d ene pas avoir isolé l’animal. Puis il y a un second faot complétement indépendant du premier, celui d’avoir communiqué la maladie, soit directement, soit indirectement, en infectant les écuries étrangères.

Le premier cas est prévu par les articles 1 et 2 du projet. Il est passible d'une amende de 26 à 100 francs.

Si le délinquant, outre ce premier fait, en pose un second, plus coupable sans doute, en s'exposant volontairement à commniquer le mal hors de chez lui, il devient passible d'une nouvelle amende complètement indépendante de la première.

Il n'est donc pas exact de dire qu'on commune deux amendes pour le même fait.

Il ne se passerait ici que ce qui se passe pour les hypothèses des articles 1 et 2. Il y a deux faits et deux amendes.

Il y a un troisième fait, et c'est pour ce troisième fait plus coupable, que je demande une amende plus forte.

Quant à l'objection qu'il est inouï dans le style législatif de comminer une deuxième amende indépendamment d'une autre amende, je renverrai pour cela l'honorable rapporteur à l'article 461 du Code. Que dit cet article ?

(L'orateur donne lecture de cet article.)

Ainsi, messieurs, ce que je propose ne me paraît pas inouï du tout.

Pour en revenir à l'amendement de M. le ministre, je crois qu'il est doublement inadmissible.

C'est à cet amendement bien plus qu'au mien qu'on peut faire le reproche de comminer deux peines contre un seul et même fait. Qui punissez-vous, d'après l'amendement de M. le ministre ? Ce sont ceux qui n'ont pas déclaré et ceux qui n'ont pas isolé. Qui punissez-vous, d'après l'article 15 combiné avec les articles 1 et 2 ? Ce sont ceux qui n'ont pas fait la déclaration prescrite par l'article 2 et ceux qui n'ont pas isolé. Vous punissez donc de deux peines diverses un seul et même fait, à la différence près cependant que vous punissez beaucoup plus sévèrement celui qui n'aura ni déclaré ni isolé, que celui qui n'aura pas isolé après avoir fait sa déclaration, c'est à-dire en connaissance de cause, au mépris de l'autorité.

Pour moi, c'est de la théorie des circonstances atténuantes prise à rebours.

On allègue qu'il faut être plus sévère envers celui qui ne s'est en aucun point conformé à la loi que contre celui qui a déjà posé un premier acte de bonne volonté en faisant sa déclaration.

Je dis que cet argument est inadmissible, qu'il manque de logique, qu'il manque de justice. En effet, messieurs, je suppose un cultivateur qui a un cheval simplement soupçonné. Il ne fait pas de déclaration, il va labourer son champ, mais son cheval ne communique avec aucun autre animal ; il ne crée donc aucun danger.

Eh bien, d'après la proposition de M. le ministre, il y aura dans ce cas une amende qui pourra aller jusqu'à 500 fr., cela est exorbitant.

On dit que cette proposition me donne satisfaction ; elle ne me donne que trop satisfaction, c'est là le mal, et c'est pour cela que je n'en veux pas.

Il s'agit ici, messieurs, d'un délit spécial ; si vous voulez généraliser, vous tournerez dans un cercle vicieux, vous vous exposez aux inconvénients les plus graves et, je le crois sérieusement à l'arbitraire.

M. Thienpont. - J'ai demandé la parole, messieurs, pour vous présenter quelques considérations qui, je l'avoue, eussent trouvé mieux leur place dans la discussion générale. Elles ne seront pourtant pas déplacées ici ; d'ailleurs elles me paraissent avoir une importance réelle, et à ce titre, messieurs, j'espère que vous ne me refuserez pas quelques minutes de bienveillante attention.

Je ne parlerai pas des formalités, des tracasseries, des abus de toute espèce ; de ces abus provenant de la complaisance des uns, des rancunes des autres ; je ne parlerai pas de ces inconvénients de tout genre très nombreux et très fréquents.

Déjà ils ont été exposés avec beaucoup de vérité et de justesse par plusieurs honorables membres, MM. Julliot, Vander Donckt et autres qui ont pris part à cette discussion.

Toutefois, avant d'aborder la question qui me détermine à prendre la parole dans ce moment, avant de vous parler de la contagion, à laquelle a été attribué un rôle évidemment beaucoup trop important, je vous dirai que la loi me paraît d'une sévérité excessive à l'égard de l'homme ignorant, duquel elle exige qu'il voie, qu'il apprécie des symptômes de maladie sur lesquels les hommes de l'art ne sont souvent pas d'accord.

Le recours successif aux lumières d'un, de deux, de trois artistes, pour parvenir à décider la question, prouve ce désaccord à la dernière évidence.

Je me le demande, depuis le commencement de la discussion, quel délit peut-il y avoir dans une affaire de pure appréciation, se rapportant à des faits qui sont loin d'être déterminés avec exactitude et sur lesquels les hommes de l'art sont profondement divisés ?

De quel droit, messieurs, prétendez vous qu'un cultivateur doive connaître, sous peine de condamnation, l'état plus ou moins maladif d'un cheval, d'une vache, d'un veau qui se trouveraient dans ses élables ou ses écuries ?

Le cultivateur, messieurs, n'a aucune qualité pour cela, et le projet de loi lui décerne très gratuitement des connaissances qui ne s'acquièrent qu'à la suite d'un long travail et d'études, toutes spéciales.

Je ne disconviens pas que beaucoup d'hommes observateurs et studieux possèdent ces connaissances spéciales, et je ne demande pas mieux que de les voir se propager dans toutes les classes de la société. Mais le cultivateur ne sera guère heureux d'apprendre que le législateur les lui attribue forcément, surtout lorsque cette attribution peut le mener en prison.

(page 281) Si vous attribuez au propriétaire, au cultivateur ou au détenteur d'un animal malade non pas la faculté, la possibilité, mais la nécessité, le devoir de porter un diagnostic exact ; au même titre, accordez-lui les connaissances nécessaire pour l’application des remèdes. Et alors qu’il ne soit plus question de médecins vétérinaires, dont il ne nous reste qu’à supprimer l’école, qui dans ce cas n’a plus de raison d’être.

Mais ce qui est surtout curieux et digne de remarque, c'est la comparaison de la position faite au cultivateur avec celle réservée à l'artiste.

L'honorable M. Orts propose un article nouveau tendant à engager la responsabilité des agents chargés de l'exécution de la loi. La section centrale, par l'organe de son honorable rapporteur, répond : « La section centrale n'hésite pas à déclarer que l'adoption de cet amendement rendrait loi inexécutable. En effet, la disposition proposée fait pceser sur les médecins vétérinaires une responsabilité exorbitante, à raison d'erreurs même involontaires. Pareille prescription est en opposition avec tous les principes du droit. »

Un peu plus loin l'honorable rapporteur ajoute : « Il est évident, qu'on ne peut rendre les médecins vétérinaires victimes d'erreurs involontaires qui peuvent être commises par les hommes les plus instruits et les plus délicats, erreurs qui sont la conséquence inévitable de la fragilité humaine. »

Cette indulgence, si bien motivée envers le médecin vétérinaire, fait ressortir, beaucoup mieux que tous les commentaires, la sévérité excessive, injustifiable de la loi envers le cultivateur.

Voilà donc le médecin vétérinaire, l'homme de la science, inviolable. Il parle en maître ; il dispose des écuries, des étables ; il y a droit de vie et de mort. Il arrive qu'il se trompe : patience ! la loi n'est pas faite pour lui.

Le cultivateur, au contraire, qui ne connaît rien à tout cela, qui n'y voit que du feu lorsqu'il y voit quelque chose, a le malheur de ne pas reconnaître un symptôme de maladie chez un de ses animaux. Il néglige de le mettre dans un lieu isolé, lors même qu'après avoir péniblement logé son bétail, il ne lui reste que la place nécessaire pour se loger lui-même. Il pèche par pure ignorance. Rien à faire : la loi est là. Condamné et exécuté.

Je passe, messieurs, à la contagion, idée fixe qui domine l’élaboration de ce projet de loi jusque dans ses moindres prescriptions. On n'a vu que de la contagion ; partout et toujours de la contagion !

Qu'elle existe dans certains cas et conditions données ; qu'elle existe à là dernière évidence, là où la maladie peut se transmettre par inoculation, là où l'homme peut la développer à volonté ; c'est incontestable ; personne ne peut le nier Mais ne nous exagérons pas les dangers de la contagion, et ne nous imaginons pas, comme quelques honorables membres paraissent le croire, qu'un animal sain ne peut approcher, de près ni de loin, un animal malade sans ressentir les effets de la maladie. S'il en était ainsi, le monde serait bientôt dépeuplé.

Voyez les médecins, les gardes-malades en contact du matin au soir, jour et nuit, continuellement en contact avec ce que vous appelez peut-être des maladies contagieuses, avec des malades atteints du typhus, du choléra ; les voyez-vous frappés de ces maladies plus fréquemment que d'autres personnes, passant leur vie dans des circonstances tout opposées ? Non, messieurs, et en voici la raison :

C'est que, dans le très grand nombre de cas, les conditions à la transmission de la maladie par contagion n'existent pas. Il faut pour cela que le ou les malades se trouvent dans des lieux trop étroits, trop resserrés, mal aérés. Il se forme alors un foyer d'infection qui se développe avec d'autant plus de facilité qu'il y a manque ou absence complète des soins de propreté.

Et remarquez-le bien, ce foyer d infection se produit aussi lorsque des hommes ou des animaux sains se trouvent entassés dans les mêmes conditions défavorables. Là il y a danger réel, et la contagion peut se produire. L'air altéré fournit incessamment à la respiration des éléments nuisibles, et cette fonction, essentielle à la vie puisqu'elle ne peut être interrompue, exige des conditions meilleures pour le maintien de la santé.

Ne direz-vous pas avec moi, messieurs, que c'est nuire essentiellement à cette fonction, que c'est provoquer la maladie que de forcer l'animal à vivre dans un lien presque hermétiquement fermé, à respirer continuellement un air altéré par toutes espèces d'émanations, à inspirer encore ce que déjà il a expiré pour la centième fois.

Cette cause de maladie est, je crois, trop souvent méconnue, et il serait à désirer que les cultivateurs aussi bien que le gouvernement et les Chambres ne la perdissent pas de vue.

Ajoutez-y l'usage d'aliments détériorés ou de mauvaise nature, une nourriture trop ou trop peu abondante, des travaux outrés, et l'on pourra déjà très raisonnablement faire une petite brèche à la contagion.

J'ajouterai, messieurs, qu'il est nécessaire de ne pas confondre la contagion avec l'épidémie ou l'épizooiie, et c'est ce qui est arrivé à quelques-uns d'entre nous, et attribuant tout à la première et rien à la seconde. Il est bon cependant de faire la distinction entre l'une et l'autre, de laissera chacune d’elles la part de responsabilité qui lui revient dans les maux qui nous désolent et de rendre à l'épizootie ce qu'à bon droit elle peut revendiquer comme sien.

Ne perdons donc pas de vue que dans l'épidémie ou l'épizootie la maladie se propage, non pas par le contact ou l'approche d'un animal malade, mais par suite de certaines influences, atmosphériques on autres, qui étendent leur action délétère à des distances plus ou moins éloignées.

Dans ce cas, la maladie se propage tantôt avec rapidité, tantôt avec lenteur ; envahissant dès le commencement un grand nombre de localités, ou bien seulement un point-isolé, et gagnant ensuite des étendues immenses.

Ce caractère un peu bizarre, mais incontestablement vrai, de l’épidémie peut disculper dans quelques cas (je dis dans quelques cas, messieurs), ces individus, se promenant de commune en commune, de foire en foire et qui ont le malheur ou tout au moins la réputation de laisser partout les tristes traces de leur passage.

A propos de foires, il est inutile de mentionner ce que nous savons tous, c'est que les animaux qu'on y conduit sont souvent astreints à des marches très pénibles, forcées et prolongées. Les chevaux surtout, essayés à outrance durant le temps de la vente, sont encore, au retour, obligés à lutter de vitesse et à soutenir des concurrences rudes et ruineuses. De plus, en nage et haletants, exposés à toutes les intempéries de l'air, ils sont abandonnés pendant des heures et des heures à la porte des cabarets, pendant que celui sous la surveillance duquel ces pauvres animaux se trouvent placés, se livre à de copieuses libations et dépense son dernier sou.

Arrivé à l'écurie ou à l'étable, le mal se déclare, et l'on viendra en attribuer la cause au brin d'herbe que « peut-être » l’animal aurait mangé au râtelier qu'on ne manquera pas de déclarer suspect.

Je ne puis pas l'admettre, messieurs ; à mon avis, le râtelier n'y est pour rien. L'absence du râtelier y sera plutôt pour quelque chose.

Veuillez donc ne pas perdre de vue toutes ces circonstances, pas plus que la marche de l'épizootie, dont j'ai parlé plus haut, et vous vous convaincrez, messieurs, que tout animal sain, vivant dans l’athmosphère épizootique, qu'il soit ou qu'il ne soit pas isolé, est soumis à l'influence épizootique et par conséquent exposé à contracter la maladie. Et soyez bien convaincus que ce mode de transmission, de propagation, contre lequel l'isolement est complètement inutile, est infiniment plus fréquent que la transmission par contagion. Cette considération, messieurs, a aussi son importance.

Pour vous inspirer une horreur plus vive et plus profonde de la contagion, on s'est plu à vous dépeindre la négligence coupable d'un propriétaire, qui se refuserait à tuer, à mettre a l'attache ou à isoler d une nunière quelconque un chien soupçonné d’être sous l'influence du virus produisant la rage.

Mais, messieurs, c'est là une pure hypothèse, inadmissible et insoutenable. Car le propriétaire, l'expérience le prouve, serait le premier exposé aux atteintes de l'animal. Il ignorerait ce fait ou ce ne serait pas un homme sensé, et dans l'un et l'autre cas, la loi n'aurait pas à sévir contre lui.

Je me résume, messieurs, et je dis que dans quelques cas, la négligence du propriétaire ou détenteur est inadmissible.

Il est le premier et seul intéressé à prémunir son bétail contre les funestes effets de l'entassement, de la malpropreté, de l'alimentation malsaine, de l'excès de travail, etc.

Je lui accorde assez de prudence pour le préserver de la contagion par inoculation, et quant aux maladies qui se déclarent avec tous les caractères de l'épidémie ou de l'épizootie, de bonnes mesures hygiéniques peuvent certainement en atténuer les effets ; mais toutes les lois du monde ne les empêcheront pas d'exercer de temps en temps leurs funestes ravages.

Aucune force humaine ne les empêchera de découvrir et d'atteindre les animaux les plus isolés, les mieux enfermés, tout aussi bien que ceux pour lesquels on n'aura pas pris les mêmes précautions.

Je voterai contre le projet de loi.

M. Vander Donckt. - Messieurs, c’est principalement au sujet de l'amendement de l’honorable M. de Steenhault que j'aurai l'honneur de présenter quelques observations à la Chambre. J'appelle l'attention de l’assemblée sur la distinction qu'il convient de faire entre le roulier, le marchand de bétail ou le maquignon d'une part et le cultivateur sincère d'autre part.

L'honorable M. de Steenhault a principalement motivé son amendement sur ce que, dans sa province, un seul roulier avait infecté un nombre considérable de chevaux ; eh bien, y a-t-il lu quelque chose de comparable à la situation d'un cultivateur qui tient son bétail dans la sphère de son exploitation ? Il se trouve daus l'impossibilité de faire la centième partie du mal que peut faire un voiturier ou un marchand de bétail qui promène de foire en foire des animaux infectés. Voilà pourquoi la peine que l'honorable M. de Steenhault a proposé de comminer contre ces derniers est parfaitement motivée, tandis que l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, qui serait destiné à remplacer celui de l’honorable M. de Steenhault, ne remplit nullement les intentions de l'honorable membre.

Pour que la loi fût bonne, il faudrait une bonne fois distinguer le cultivateur sincère, celui qui s'occupe exclusivement d'agriculture, qui n'est détenteur que de vaches laitières, d'avec le distillateur et l'engraisseur.

Ainsi que l'a dit avec beaucoup de raison mon honorable collègue, M. Thienpont, il est fort inutile de prendre toutes les mesures d'isolement possibles pour les distillateurs et les engraisseurs. Les qualités échauffantes que contient la nourriture qu'ils donnent en quantité trop (page 282) copieuse à leurs bestiaux, provoquent la maladie et la développent en entretenant dans leurs étables une température beaucoup trop élevée pour être en rapport avec l'état de santé de leur bétail. Ce fait est prouvé d'une manière irrécusable. Il est des distillateurs, et j'en connais, qui de tout temps ont la maladie permanente dans leurs étables ; il est presque impossible de l'en déraciner. Sous ce rapport encore j'ai déjà fait ressortir dans un discours précédent l'injustice qu'il y a à mettre sur la même ligne des cultivateurs pour qui c'est un malheur d'avoir du bétail infecté, et les distillateurs et engraisseurs qui se trouvent dans une position telle, que presque jamais leurs étables ne sont affranchies de ce fléau.

Qu’il est donc indispensable, si l'on veut faire une bonne loi sur la police sanitaire des animaux domestiques, d'échelonner les pénalités d'après les différentes catégories de détenteurs de ces animaux et d'après la gravité des circonstances, mitigées pour le simple cultivateur, plus sévères pour les engraisseurs et pour les distillateurs, et beaucoup plus sévères pour les rouliers, les marchands de bétail et les maquignons. J'ai dit.

M. Lelièvre. - L'honorable M. de Steenhault a pour son amendement un attachement vraiment paternel auquel je voudrais pouvoir m'associer. Mais il m'est impossible de me rallier à la proposition parce qu'elle ne me paraît pouvoir figurer convenablement dans le projet.

L'amendement est d'abord vicieux en la forme ; en effet, sans préjudice des amendes comminées par le paragraphe précédent, il commine une nouvelle amende. Or, cela est contraire à toutes les règles du droit et au style législatif. Je conçois très bien qu'on prononce une amende supérieure à celle énoncée au paragraphe précédent, mais que l'on commine une double amende contre le même fait, c'est ce que je ne puis admettre.

Vainement l'honorable membre oppose-t-il qu'il en est ainsi dans le cas de l'article 461 du Code pénal ; car tous les auteurs qui ont écrit sur cet article, notamment Carnot, enseignent qu'il n'est nullement question, dans la disposition dont il s'agit, d'un cumul de peines et d'amende ; mais que le législateur se réfère aux lois et règlements prévoyant des faits autres que ceux énoncés à l'article 461.

Au fond, l'amendement est incomplet. En effet, il ne punit que ceux qui ont fait stationner ou héberger leurs animaux infectés dans des locaux placés hors la commune.

Or, on peut poser des faits non moins graves dans la commune même. C'est ainsi que si le propriétaire, sans avoir fait la déclaration voulue à l'autorité administrative, laissait communiquer son animal infecté avec d'autres dans l'intérieur de la commune, il ne pourrait être atteint par l'amendement de M. de Steenhault, et la contagion fût-elle même résultée de cette communication, la peine édictée par l'amendement ne lui serait pas applicable.

Cependant ce cas est plus grave que celui énoncé en la proposition de notre honorable collègue, et cependant dans son système il serait puni d'une peine plus légère (celle énoncée à l'article 15).

Ce n'est pas tout, d'après l'amendement, celui qui exposerait des animaux atteints de maladies contagieuses dans des foires ou marchés, serait frappé d'une peine plus grave que celui qui « dans l'intérieur de la commune aurait, sans avoir fait la déclaration prescrite par l'art premier, et en l'absence de défense de l'autorité administrative, communiqué la contagion. »

L'amendement de M. de Steenhault n'est donc pas complet, et c'est pour ce motif que je préfère l'amendement de M. le ministre qui est général et qui, dans sa généralité, atteint aussi les cas énoncés à l'amendement de notre honorable collègue.

Vainement ce dernier prétend-il que, dans notre système, le cultivateur qui, sans avoir fait la déclaration voulue, emploierait l'animal infecté au labour des terres, encourrait une amende de 100 à 500 francs ; mais il est à remarquer que le juge a, d'après le projet, le droit de réduire les peines au taux de celles de simple police. Il peut donc atténuer l'amende d'après les faits et circonstances de la cause.

D'un autre côté, dans l'hypothèse énoncée à l'amendement de notre collègue, les tribunaux pourront élever la peine comme en justice ils le croiront convenable. La disposition proposée par le ministre satisfait donc à toutes les exigences.

Il me reste à répondre quelques mots à M. Thienpont. L'honorable membre a perdu de vue un point capital, c'est que le projet est beaucoup moins sévère que la législation en vigueur. L'article 459 du Code pénal punit d'un emprisonnement de six jours à deux mois et d'une amende de 16 francs à 200 francs celui qui ne fait pas la déclaration au maire, et celui qui, après cette déclaration, ne tient pas les animaux renfermés.

L'article 460 punit d'une amende de 100 à 500 francs et d'un emprisonnement de deux mois à six mois ceux qui, au mépris des défenses de l'administration, ont laissé les animaux communiquer avec d'autres.

Eh bien, le projet a pour objet de réduire considérablement les peines. Lorsqu'on critique le projet, on se plaint donc de ce qu'il diminue les peines. En cas de rejet du projet ministériel, nous restons sous le coup d'une législation beaucoup plus sévère. Est-ce ce résultat que l'on veut ?

Ce n'est pas loul ; qu'on ne perde pas de vue que l'article 17 autorise même le juge à réduire les peines au taux de celles de simple police. Je ne puis vraiment concevoir comment on peut critiquer un projet dans lequel on laisse aux tribunaux la plus grande latitude. Or, les juges sont impartiaux et ils n'appliquent les peines qu'avec discernement ; jamais un individu n'est condamné sans qu'il y ait faute de sa part.

Il y a plus, les articles qu'on a le plus vivement critiqués sont tirés d'anciens règlements qui ont été consacrés par les différentes coutumes du pays. Ainsi Sohet, Instit. du pays de Liège, liv. 2, tit. 52, n°18, nous dit : « Les bêtes soupçonnées d'être malades devront être déclarées aux connaisseurs établis dans chaque communauté pour les visiter. »

Cette disposition est énoncée dans un mandement du prince de Liège, de 1744, princ. et article 2.

Semblable prescription était établie par les ordonnances du comté de Namur.

En définitive, le projet ne fait que régulariser l'état de choses existant. Il ne fait que reproduire les dispositions des lois et règlements en vigueur, sauf qu'il atténue avec un soin particulier les pénalités qu'elles comminaient. L'exécution du projet qui dépendra de l'appréciation équitable des tribunaux ne donnera lieu à aucun abus, pas plus que la législation existante qu'il confirme, et je considère comme entièrement mal fondées les critiques dont il est l'objet.

M. Tesch. - Messieurs, l'amendement proposé par M. le ministre de l'intérieur commine une somme de 100 à 500 fr. contre ceux qui auront contrevenu aux articles 3, 5, 6 et 9 en ce qui concerne les mesures ou visites qui y sont mentionnées ; il prononce la même peine contre ceux qui ont contrevenu aux dispositions des articles 10 et 15.

En ce qui concerne l'article 6, je désire savoir de M. le ministre de l'intérieur ou de M. le rapporteur quelle est la contravention à laquelle cet article peut donner lieu, quel est le fait qu'on entend réprimer ?

L'article 6 porte :

« Lorsque le propriétaire d'un animal dont l'abattage est provoqué conteste la nature ou l'incurabilité de la maladie, le bourgmestre réclame la présence d'un second médecin vétérinaire pour faire une visite contradictoire.

« En cas de dissidence, il appelle un troisième médecin vétérinaire qui décide en dernier ressort.

« Les frais auxquels donneront lieu les mesures énoncées aux paragraphes qui précèdent seront supportés par le propriétaire ou le détenteur de l'animal, si le résultat de l'expertise lui est défavorable. Dans le cas contraire, les frais sont à charge de l'Etat. »

Je ne trouve pas qu'il y ait là de contravention possible.

J'adresserai une seconde question : je demanderai en quoi les contraventions, prévues par l'amendement de M. le ministre de l'intérieur sont plus graves que celles prévues par l'article 15.

L'article 15 porte :

« Seront punis d'une amende de 26 à 100 francs :

« Ceux qui n'auront pas fait, dans le délai voulu, les déclarations prescrites par les articles 1 et 7 ;

« Ceux qui se seront abstenus d'isoler, conformément à l'article 2, leurs animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse ;

« Ceux qui auront contrevenu à l'article 4.

« L'amende sera de 200 fr. en cas de récidive, et le délinquant pourra, en outre, être condamné à un emprisonnement de huit jours. »

L'amendement de M. le ministre prescrit plusieurs infractions qui ne sont pas plus graves que celles qui sont punies par l'article 15. Mais il les punit d'une peine de 100 à 500 fr. Cela ne me paraît pas admissible.

Je ferai une troisième question quant à l'article 10, je voudrais savoir quels sont les faits prévus par l'article 10 qu'on a voulu punir.

Cet article porte :

« Le gouvernement détermine les cas où il est interdit aux propriétaires ou détenteurs d'animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, de les vendre, faire vendre, tuer ou faire tuer pour la consommation ou tout autre usage ; il règle tout ce qui est relatif à l'équarrissage et à l'enfouissement des cadavres et des dépouilles des animaux morts ou abattus par suite de l'une de ces maladies, et il donne les instructions nécessaires pour purifier les écuries, étables et autres locaux dans lesquels les animaux atteints ou suspects de l'une de ces affections ont séjourné, ainsi que les équipages, harnais, colliers et autres objets à leur usage... »

Je comprends qu'on punisse de peines, même sévères, celui qui a vendu ou tué pour la consommation, contrairement aux ordres du gouvernement ; mais punira-t-on des mêmes peines celui, par exemple, qui n'a pas exécuté les instructions du gouvernement quant à la purification des écuries ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable M. Tesch demande quel genre de contraventions on peut coin mettre aux termes de l'article 6. Cet article porte :

« Lorsque le propriétaire d'un animal dont l'abattage est provoqué conteste la nature ou l'incurabilité de la maladie, le bourgmestre réclame la présence d'un second médecin vétérinaire pour faire une visite contradictoire.

« En cas de dissidence il appelle un troisième médecin vétérinaire qui décide en dernier ressort. »

Eh bien, il peut arriver que le propriétaire, quand le bourgmestre aura désigné un deuxième vétérinaire et, en cas de dissidence, un troisième, il peut arriver que le propriétaire résiste à la deuxième ou à la (page 283) troisième visite, qu'il se refuse à laisser accomplir jusqu'au bout l'expertise prescrite par l'autorité.

C'est pour ce cas-là que la pénalité de l'article 16 est portée. Cela est dit dans l'article 16 : ceux qui auront contrevenu aux articles 3, 5, 6 et 9 en ce qui concerne les mesures ou visites qui y sont mentionnées, ainsi qu'aux dispositions intervenues en exécution des articles 10 et 13. Ces visites sont celles que le bourgmestre ordonne et auxquelles le propriétaire résiste. C'est contre la résistance que la pénalité est portée.

En second lieu, l'honorable membre demande en quoi la contravention punie par l'article 16 est plus grave que celle punie par l'article 15 ?

L'article 15 punit ceux qui, devant spontanément isoler leurs animaux malades aux termes de l'article 2, ont négligé de le faire. Le bourgmestre peut, sur une déclaration ou un avis, ordonner une visite ; en attendant, le propriétaire doit isoler l'animal malade ou suspect ; l'article 15 prévoit le cas où le propriétaire n'obtempérerait pas à l'obligation d'isoler l'animal soupçonné d'être atteint ; dans l'article 16 on punit celui qui refuse d'isoler son animal après avoir reçu du bourgmestre l'injonction de le faire. Il y a double contravention : la première en ce qu'il n'a pas spontanément isolé un animal qu'il savait être suspect de maladie contagieuse ; la seconde en ce qu'il ne l'a pas isolé, alors qu'il avait été averti et qu'il avait reçu l'ordre de le faire.

Voilà pourquoi la pénalité comminée par l'article 16 est plus forte que celle comminée par l'article 15.

En troisième lieu, l'honorable membre a demandé en quoi l'on contreviendra à l'article 10 ?

L'article 10 porte :

« Le gouvernement détermine les cas où il est interdit aux propriétaires ou détenteurs d'animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, de les vendre, faire vendre, tuer ou faire tuer pour la consommation ou tout autre usage ; il règle tout ce qui est relatif à l'équarrissage et à l'enfouissement des cadavres et des dépouilles des animaux moi ts ou abattus par suite de l'une de ces maladies, et il donne les instructions nécessaires pour purifier les écuries, étables et autres locaux dans lesquels les animaux atteints ou suspects de l'une de ces affections ont séjourné, ainsi que les équipages, harnais, colliers et autres objets à leur usage. »

Ce sont des mesures pour préserver la consommation de toute espèce de danger.

Maintenant si les mesures que prescrit le gouvernement pour interdire la vente d'un animal infecté, si ces mesures sont enfreintes, il y aura lieu d'infliger une pénalité. C'est à un cas de cette nature que rapporte la pénalité au sujet de laquelle M. Tesch a demandé une explication.

M. Tesch. - Le gouvernement donne des instructions pour purifier les écuries, étables et autres locaux dans lesquels ont séjourné les animaux atteints. Si le propriétaire ne se conforme pas à ces instructions, sera-t-il passible des peines comminées par l'article 16 ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Evidemment, sauf aux tribunaux à apprécier la gravité de la contravention et à y proportionner la peine.

Le gouvernement donne des instructions, ayant pour but d'empêcher la mise en vente des animaux abattus, d'assainir un lieu où un animal abattu a séjourné ; si les mesures qu'il prescrit ne reçoivent pas d'exécution, il est évident que le contrevenant doit encourir une répression, La peine sera graduée d'après la gravité des circonstances que le juge appréciera.

M. Tesch. - Aux termes de l'article 2, le propriétaire doit spontanément isoler l'animal qu'il soupçonne atteint de maladie. Il connaît la situation de l'animal, puisqu'il a fait la déclaration prescrite par l'article premier.

L'article 15 punit ce défaut d'isolement d'une amende de 26 à 100 fr. ; et remarquez que c'est la loi qui impose au propriétaire l'obligation d'isoler ; ce sont donc des prescriptions législatives que le propriétaire enfreint, et, dans ce cas, l'amende n'est que de 26 à 100 francs, et quand il s'agit de contraventions à des prescriptions administratives, à des mesures ordonnées par le bourgmestre, l'amende est portée de 100 à 500 fr. On ne tient pas, ce me semble, suffisamment compte de la criminalité de l'acte. Cette criminalité est, à mon sens, la même dans les deux cas. Je ne pourrai donc pas voter deux peines différentes.

J'appelle l'attention de la Chambre sur l'amendement de M. de Steenhault.

Cet amendement tend à établir une distinction qui, à mon avis, est parfaitement justifiée. Si, comme le dit l'honorable M. Lelièvre, la rédaction n'est pas suffisante, la Chambre peut la modifier ; mais au fond le principe qu'il tend à consacrer est juste. Le projet a pour but d'empêcher la communication des animaux atteints de maladies contagieuses avec d'autres animaux, mais cette communication peut être locale, se restreindre à la commune ou bien s'étendre au loin à d'autres communes.

L'amendement de l'honorable M. de Steenhault fait une distinction entre la communication dans la'commune et la circulation de l'animal atteint dans d'autres communes. Il punit plus sévèrement ce dernier fait, par l'excellente raison qu'il est beaucoup plus grave. Ainsi un cheval atteint de la morve, qui ne quitte pas la commune, ne peut propager la maladie autant que si on le fait voyager à 15 ou 20 lieues ; dans ce dernier cas, il infecte toutes les écuries dans lesquelles il séjourne.

Il convient donc de faire une distinction entre le défaut d'isolement dans la commune et la circulation hors de la commune, parce que ce dernier fait est beaucoup plus grave et doit par conséquent être plus, sévèrement réprimé.

M. Lelièvre. - J'ajouterai quelques mots à ce qui a été dit par M. le ministre de l'intérieur en réponse aux observations de l'honorable M. Tesch.

L'amendement de M. le ministre de l'intérieur commine une peine de 100 à 500 fr. contre celui qui sans avoir fait la déclaration prescrite par l'article premier et en l'absence des mesures prévues par les articles 2, 3 et 4, n'a pas isolé ses animaux atteints de maladie contagieuse.

Cette peine est plus sévère que dans le cas de l'article 15, parce qu'effectivement l'hypothèse est plus grave.

En effet il y a cumul de délits, c'est-à-dire absence de déclaration et en outre absence d'isolement. Lorsqu'un individu a fait une déclaration à l'autorité communale, l'attention de celle-ci est éveillée et dès lors le danger est moindre, alors même qu'on ne se conforme pas à la disposition concernant l'isolement.

Mais celui qui ne fait pas de déclaration et n'isole pas ses animaux infectés commet une double contravention.

Sa conduite présente du reste de plus grands dangers, il peut en résulter de plus graves inconvénients, puisque l'attention de l'autorité n'est pas éveillée.

Il est donc rationnel que la peine soit plus élevée, comme le propose le gouvernement.

M. de Steenhault. - L'honorable M. Lelièvre me reproche de ne pas parler du cas de communication dans la commune, je le reconnais parfaitement ; mais vous reconnaîtrez que cette communication n'existe pas, ou qu'elle ne peut exister qu'à de très rares exceptions. Celui qui habite la commune ne met pas ses chevaux dans des écuries étrangères. Le cultivateur emploie son bétail chez lui sur son terrain, et je ne vois pas comment il y aurait là grand danger que la maladie dont ils pourraient être atteints se communiquât à d'autres chevaux.

Le cas que je cherche à prévoir est bien différent ; c'est le voyageur, le charretier parcourant les routes à des distances qui peuvent être très grandes.

L'honorable M. Lelièvre dit encore que mon amendement rentre dans celui de M. le ministre de l'intérieur. Je le sais bien. C'est une satisfaction qu'on me donne sans doute ; mais elle est beaucoup trop large. L'amendement du ministre va beaucoup plus loin que le mien. Il demande une amende de cent à cinq cents francs pour celui qui communique la maladie, dans sa commune, sans savoir ce qu'il fait, ou même qui se met seulement dans le cas de la communiquer.

Je prie la Chambre de remarquer la différence qu'il y a entre l'amendement de la section centrale et le mien. Il y a deux faits complètement distincts que l'honorable M. Lelièvre malheureusement confond. Il y a un délit, dit-il. Je dis qu'il y en a deux très distinctement marqués.

L'honorable M. Lelièvre prétend encore que celui qui ne déclare pas au bourgmestre et qui n'isole pas est plus coupable que celui qui, après avoir déclaré au bourgmestre, n'isole pas. Je crois que c'est tout à fait le contraire qui existe. Comment ! voilà un individu qui ne connaît pas la loi, qui ne fait pas de déclaration, qui n'isole pas, et il serait plus coupable que celui qui, faisant la déclaration au bourgmestre, connaissant la loi, sachant ce qu'il fait, et qu'il doit isoler, s'en abstient pour des motifs d'intérêt probablement, sans tenir compte des dangers qu'il fait courir. Cela n'est pas possible, et je vous prie d'y faire, messieurs, une sérieuse attention.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable préopinant reconnaît que son amendement ne prévoit pas le cas où des animaux atteints de maladie contagieuse communiquent avec d'autres animaux dans la même commune, et que ce cas se présentera fort rarement. C'est une erreur complète. Dans nos villes, les chevaux malades sont souvent sur la place publique. C'est un cas qu'il faut prévoir, parce qu'il est très grave. Mon amendement prévoit tout : la communication dans la commune et hors la commune. Je conviens qu'il y a plus de gravité dans un cas que dans l'autre. Mai si, comme l'a fait observer l'honorable rapporteur, le juge y appliquera une peine plus ou moins grave suivant les circonstances.

M. Lelièvre. - Je persiste à croire l'amendement de M. de Steenhault inadmissible, parce qu'il ne punit les faits y repris que lorsqu'ils sont posés par l'individu dont il s'agit, hors la commune.

Or, je dis que celui qui, dans l'intérieur de la commune, sans avoir fait la déclaration, conduirait, par exemple, au pâturage commun ses bestiaux infectés, commettrait un délit aussi grave que celui prévu par l'amendement. Celui qui, même dans la commune, laisserait, avant toute déclaration, communiquer son cheval morveux avec d'autres, mérite la peine édictée par l'amendement, non moins que les voituriers dont parle M. de Steenhault.

Le fait dont il s'agit, prévu par la proposition de ce dernier, commis dans une grande ville, peut avoir des conséquences aussi déplorables que s'il était posé hors la commune. Donc il faut une disposition plus générale. Celle de notre collègue est trop restreinte. Il faut une disposition plus complète, ainsi que le propose M. le ministre.

- La discussion est close.

Les deux premiers alinéas de l'article 16 sont mis aux voix et adoptés.

L'amendement de M. de Steenhault est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Il en est de même des troisième et quatrième alinéas.

(page 284) M. le président. - Je mets aux voix le dernier paragraphe de l’article 16 proposé par la section centrale.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal sur ce paragraphe.

75 membres sont présents ;

49 répondent non ;

24 répondent oui.

2 s'abstiennent.

En conséquence le paragraphe n'est pas adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Dubus, Lambin, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Loos, Mercier, Orts, Roussellc, Tack, Tesch, Thiéfry, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Remoortere, Veydt, Calmeyn, Closset, de Brouwer de Hogendorp, Delehaye, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Royer et de Steenhault.

Ont voté le rejet : MM. de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lesoinne, Malou, Mascart, Matthieu, Moreau, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Sinave, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt. Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Wasseige, Brixhe, Coomans, Coppieters ’t Wallant, David, de Bronckart, de Decker, de Haerne, Deliége, Dellafaille, F. de Mérode, de Moor, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières et Delfosse.

Se sont abstenus : MM. Visart et de Baillet-Latour.

M. Visart. - Je n'ai pas vote contre l'article, parce que je le regarde comme favorable ; mais je n'ai pas voté pour l'article parce que, depuis que la loi a été ébréchée, je la considère comme inexécutable.

M. de Baillet-Latour. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pu assister à la discussion.

- L'article 16, tel qu'il vient d'être modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 17 (nouveau)

« Art. 17 (nouveau). Il y a récidive, dans le sens des articles 15 et 16 qui précèdent, lorsqu'il a été rendu contre le contrevenant, dans les trois années précédentes, un premier jugement pour contravention semblable.

- Adopté.

Article 18

Article 18 (anciennement article 17). - Lorsqu'il existe des circonstances atténuantes en faveur du prévenu, les tribunaux sont autorisés à réduire la peine d'emprisonnement portée par la présente loi, même au-dessous de huit jours, et l'amende même au-dessous de 26 francs. Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'en aucun cas elle puisse être au-dessous des peines de simple police.

M. Lelièvre. - D'après la décision de la Chambre qui supprime toute peine d'emprisonnement, je propose de rédiger l'article en ces termes :

« Lorsqu'il existe des circonstances atténuantes en faveur du prévenu, les tribunaux sont autorisés à réduire l'amende même au-dessous de vingt-six francs. »

C'est la conséquence de la suppression de la peine d'emprisonnement dans toute hypothèse quelconque.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Lelièvre :

« Lorsqu'il existe des circonstances atténuantes en faveur du prévenu, les tribunaux sont autorisés à réduire l'amende même au-dessous de 26 francs. »

- L'article ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

Article 19

« Art. 19 (18 du projet). Il n'y a pas lieu d'accorder l'indemnité mentionnée à l'article 12 ci- dessus, en cas de contravention à l'une des dispositions de la présente loi ou des règlements pris pour en assurer l'exécution. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - Nous pourrions nous occuper maintenant de l'article nouveau proposé par M. Orts. Il est ainsi conçu ;

« Dans tous les cas où l'autopsie d'un animal abattu par ordre d'un médecin vétérinaire établirait l’absence de maladie contagieuse, le médecin de qui émane l'ordre d'abattage sera passible de tous les frais d'expertise, abattage, fourrière, etc., et de dommages-intérêts qui ne pourront être inférieurs à la valeur de l'animal. »

M. Vander Donckt. - Messieurs, je viens appuyer l'amendement de l'honorable M. Orts, et je désire surtout vous faire comprendre combien il est nécessaire de donner plus de garanties aux simples cultivateurs. Dans la position actuelle, lorsqu'un cultivateur se rendra avec son bétail dans une foire, si un vétérinaire présume ou soupçonne seulement que les animaux sont infectés, le cultivateur n'aura pas seulement le droit de demander un second vétérinaire ; il n'aura aucune garantie contre l'arbitraire du vétérinaire.

Je ne veux pas supposer le cas de mauvais vouloir du vétérinaire ; je ne veux pas supposer qu'il puisse agir par rancune, et cependant les vétérinaires sont des hommes, mais ce qui est certain, c'est qu'ils peuvent se tromper.

Eh bien, si le vétérinaire se trompe et s'il ordonne l'abattage, c'est une peine excessivement forte et qui va bien au-delà des peines comminées par la loi. Je dis donc qu'il faut donner au cultivateur toutes les garanties possibles. Il faut de toute nécessité qu'il y ait des mesures propres à garantir le cultivateur contre les vexations, contres l'impéritie, contre le défaut d'expérience du vétérinaire.

La loi ne fait aucune distinction entre le cultivateur et le marchand de bétail ou le propriétaire de chevaux qui peuvent être infectés de la morve. Ceux-ci peuvent faire beaucoup de mal, tandis que le cultivateur qui tient son bétail dans ses étables n'est pas dans le cas de propager le mal dans la même proportion.

La loi ne fait non plus aucune distinction entre le cultivateur qui ne tient qu'une vache laitière et l'engraisseur. Or, l'expérience de ce qui s'est passé dans l'administration : du fonds provincial d'agriculture de la Flandre orientale, nous a appris que c'était là le grand foyer d'infection ; que c'était dans les étables des distillateurs et engraisseurs que la maladie était en quelque sorte en permanence ; d’abord à cause de la nourriture trop excitante et trop copieuse dont on nourrit le bétail ; 2° parce qu'on entretient dans ces élables une température que ne supporte pas la bête à corne, et 3° parce que l'air n'y est pas renouvelé toutes ces mesures sont prises dans le but d'accélérer l'engraissement du bétail, mais elles sont destructives de l'état de santé et développent le germe des maladies qui ravagent ces troupeaux.

Le projet peut être bon en théorie, conforme aux principes de la jurisprudence, mais en pratique, il est détestable, inexécutable, et les vices dont, à mon avis, le projet de loi est entaché me forceront à émettre un vote négatif.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, en se méprend singulièrement, en discutant le projet de loi, sur la manière dont il convient de protéger les cultivateurs. Je dis que cette loi est uniquement faite dans leur intérêt. S'il s'agissait de l'intérêt de la salubrité publique, l'isolement suffirait au gouvernement. Pourquoi, dans le système de la loi, va-t-on jusqu'à l'abattage ? Parce que, d'après la loi, une indemnité est accordée, en cas d'abattage, au propriétaire d'un animal atteint d'une maladie contagieuse. Eh bien, que faut-il faire maintenant dans l'intérêt des cultivateurs ? Il faut que le médecin vétérinaire et l'autorité arrivent à temps pour que l'animal, atteint d'une maladie contagieuse, soit abattu avant qu'il succombe à la maladie. Que résulterait-il de l'adoption de l'article nouveau qu'on vous propose ? C'est que dans la plupart des circonstances, on laissera mourir les animaux atteints de maladie contagieuse, et que les propriétaires de ces animaux n'obtiendront pas d'indemnité.

Par l'amendement qui est en discussion, on appelle les sévérités de la Chambre sur la manière dont les expertises sont faites. Le gouvernement, je le répète, n'a aucun intérêt à provoquer l'abattage d'un animal.

Ce ne sont pas les propriétaires qui doivent se défendre contre l'abattage, c'est le trésor public qui doit veiller à ce qu'on n'abatte pas trop tôt, et, sous ce rapport, les médecins vétérinaires, agents du gouvernement, ne peuvent jamais être soupçonnés de donner un avis tendant à précipiter l'abattage.

Ainsi, qu'on le sache bien, toutes les difficultés dont on veut entourer les expertises ont directement pour but de contrarier l'intérêt de ceux qu'on veut protéger. Le trésor public y trouvera son compte, mais je doute que ce système faste le compte des propriétaircs des animaux atteints d'une maladie contagieuse. Il arrivera fort rarement à ces propriétaires de recevoir une indemnité de ce chef sur les fonds de l'Etat.

Messieurs, l'amendement de l'honorable M. Orts tend à provoquer l'abstention des médecins vétérinaires. Quel est le médecin vétérinaire qui osera s'exposer à donner l'ordre d'abattre, lorsqu'il aura à craindre le cas de responsabilité spéciale qu'on veut créer ? On dit en effet que quand il résultera de l’autopsie que l’animal n'aurait pas dû être abattu, le médecin vétérinaire pourra être l'objet d'une poursuite ; eh bien, tous les hommes de l'art vous diront qu'il est impossible de reconnaître par l'autopsie si réellement l'animal était atteint de la maladie contagieuse.

- Un membre. - Pourquoi dans ce cas a-t-on fait abattre ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On a fait abattre parce qu'on a cru que les symptômes révélaient suffisamment l'existence d'une maladie contagieuse ; vous ne vous contentez pas de cela ; vous voulez que, malgré l'existence des symptômes, il soit reconnu par l'autopsie que l'animal n'était pas atteint d'une maladie contagieuse. C'est créer pour les médecins une responsabilité toute particulière à laquelle ils ne voudront pas s'assujettir. Autant vaudrait ne pas avoir de loi, car ce serait inscrire dans la loi une impossibilité d'exécution.

M. Orts. - Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur se trompe beaucoup s'il croit que l'article nouveau que j'ai eu l'honneur de proposer tend à introduire dans la loi une impossibilité d'exécution ou à imprimer aux médecins vétérinaires l'effroi d'une responsabilité qui ne pèserait pas encore sur eux. Loin de là ; l'article est tout dans l'intérêt des médecins vétérinaires ; il n'a d'autre but que de les associer à cette sollicitude paternelle du gouvernement qui lui a inspiré, paraît-il, le projet de loi.

En effet, la section centrale, tout en combattant l'article nouveau, a reconnu l'existence d'un fait qui répond à ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur.

D'après la législation et les règlements provinciaux qui régissent actuellement la matière, le vétérinaire qui fait abattre à tort, par impéritie, par légèreté, par dol, est passible de dommages-intérêts ; la section le reconnaît, et ces dommages-intérêts peuvent être réglée arbitraireent par les tribunaux. Voilà ce qui est dans la jurisprudence ; mais cela, n'est pas dans la loi que nous discutons. Je désire que cela y soit, dans l'intérêt même des vétérinaires, pour que ceux-ci ne soient pas pris à une espèce de traquenard. Je veux qu'ils soient avertis par la loi même (page 285) par la loi qu'ils consulteront seule désormais, que s'ils viennent à ordonner à tort l'abattage d'un animal, soit par impéritie, soit par dol, soit par toute autre cause, ils sont passibles de dommages-intérêts, et j'en limite la hauteur. La cour de Liège, et M. le ministre de l'intérieur est plus à même de le savoir que personne, la cour de Liège a condamné un vétérinaire de Hasselt à des dommages-intérêts pour avoir fait abattre un cheval un peu trop légèrement...

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est le droit commun.

M. Orts. - C'est le droit commun, il est vrai ; dès lors quel inconvénient y a-t-il à mettre le droit commun dans la loi spéciale ? Pourquoi endormir les vétérinaires au sein d'une confiance trompeuse ? Pourquoi leur laisser croire qu'ils ne sont responsables de rien du tout, qu'ils peuvent abattre, tuer impunément et que tout est au mieux pour eux dans le meilleur des mondes possibles, tandis qu'un beau jour ils seront étonnés de se réveiller en butte à des poursuites sérieuses ?

Les médecins vétérinaires, d'ailleurs, sont sur le même pied que tout le monde, sur le même pied que tous les fonctionnaires de notre pays. Quand un fonctionnaire, par impéritie, ignorance, dol ou par des motifs plus graves, cause préjudice à un citoyen, l'article 24 de la Constitution reconnaît formellement qu'on peut le traduire devant les tribunaux pour obtenir réparation.

C'est ainsi que l'on a vu récemment des lieutenants généraux, pour avoir fait arrêter trop vite un citoyen, condamnés à des dommages-intérêts ; il en a été de même pour l'administrateur de la sûreté publique, convaincu d'avoir fait reconduire trop rapidement à la frontière, je ne sais pour quelle raison, une pécheresse étrangère. La responsabilité ! c'est le droit commun pour tous les fonctionnaires ; il en sera de même pour les médecins vétérinaires.

Ne craignez pas, nous dit encore M. le ministre de l'intérieur, que l'abattage ait lieu trop vite ; la mesure est toute dans l'intérêt du paysan. Les cultivateurs sont intéressés à voir prononcer l'abattage, parce qu'ils auront droit à l'indemnité. Mais on oublie que ce n'est pas la valeur absolue de la bête abattue que l'on paye au propriétaire, loin de là ; si l'on payait la valeur entière, il n'y aurait plus d'inconvénient à exproprier le cultivateur de sa vache et de son veau pour cause d'utilité publique, il recevrait une juste indemnité ; mais l'abattage pour cause de maladie ne lui donne droit qu'à une minime indemnité, il n'est donc pas autant dans l'intérêt du cultivateur que veut bien le dire M. le ministre de l'intérieur.

Je désire enfin, pour le gouvernement qui paye, comme pour le cultivateur que l'on paye mal, que l'abattage ne soit pas trop promptement prononcé.

Le gouvernement dit que si, après l'abattage, l'autopsie est requise, elle ne pourra démontrer d'une manière irréfragable que l'animal était sain avant sa mort. Je concevrais l'objection si M. le ministre prétendait qu'il est des cas où l'autopsie peut tromper et ne point révéler les symptômes d'une maladie qu'il a fallu pouvoir déclarer, avant la mort de l'animal, contagieuse et incurable pour ordonner l'abattage. Mais mon amendement porte que l'autopsie doit fournir la preuve que l'animal non seulement ne présentait aucun symptôme de maladie contagieuse, mais de maladie arrivée à un degré tel d'intensité qu'on la proclamait incurable

Je ne suis pas médecin vétérinaire ; sous ce rapport, je n'ai pas plus de connaissances spéciales que n'en peut avoir M. le ministre de l'intérieur ; mais dans des fonctions que j'exerce en dehors de cette enceinte, j'ai eu occasion de contrôler ou de discuter des autopsies, et j'ai pu reconnaître que, dans la plupart des cas, les symptômes des maladies contagieuses réputées incurables étaient facilement remarquables. Tout ce que je veux, c'est, en un mot, quand l'autopsie ne révélerait pas l'existence du moindre symptôme, que le cultivateur ait raison contre l'artiste vétérinaire qui aurait ordonné l'abattage.

Je crois, en sûreté de conscience, sans crainte de causer préjudice à personne, à l'Etat pas plus qu'au cultivateur, que mon amendement peut être admis et je le maintiens. Aux vétérinaires il donnera un salutaire avertissement avant de se prononcer sur les cas que la loi soumet à leur appréciation.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les vétérinaires, dit l'honorable membre, sont dans le droit commun. Pourquoi dès lors avoir présenté l'amendement ? Pourquoi faire aux médecins vétérinaires une position exceptionnelle, alors qu'on a de tout temps reculé devant l'application du principe qu'on veut introduire ici ?

M. Orts. - C'est qu'ici il y a une présomption légale d'impéritie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Si cet amendement est admis, il n'y aura plus un médecin vétérinaire qui voudra donner son avis. Si vous le laissez dans le droit commun, il sera responsable en cas de faute grave ou de dol ; dans ce cas, les tribunaux appliqueront les principes du droit commun, qui existent pour le médecin vétérinaire comme pour les autres médecins. Mais quand il s'agit de faits qui échappent aux définitions de la science et à l'appréciation d'une pratique éclairée, en dehors des fautes graves et du dol, il est impossible d'assujettir le médecin vétérinaire à une responsabilité exceptionnelle.

L'honorable membre ne demande pas seulement qu'une responsabilité existe dans les cas généraux, il veut qu'elle résulte du cas où, par suite de l’autopsie, apparaîtrait l'absence de toute maladie contagieuse.

Je ne veux pas revenir sur ce que j'ai déclaré à la Chambre d'après l'autorité des médecins les plus accrédités, qu'il était impossible de reconnaître quand un animal était abattu, s'il avait été atteint de telle ou telle affection. Je citerai la pleuro-pneumonie. Eh bien, des médecins qui ont fait les observations les plus judicieuses déclarent qu'il est impossible de distinguer, à l'inspection du cadavre, si la mort a été causée par la pleuro-pneumonie exsudative ou par la pleuro-pneumonie ordinaire.

Mais il est impossible de nous lancer dans des considérations qui doivent échapper à l'appréciation de la Chambre, parce qu'elles sont du domaine de la science médicale.

Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de s'en tenir au droit commun. Il en sera pour les médecins vétérinaires comme pour tous les médecins en général.

M. Lelièvre. - Messieurs, l'amendement de M. Orts est inadmissible à tous égards, En effet, ne perdons pas de vue que la question de savoir dans quels cas les médecins vétérinaires sont responsables est traitée par la législation générale. La jurisprudence a admis que c'était uniquement en cas de dol ou de faute grave ; il ne s'agit donc pas d'écrire dans le projet des dispositions réglées par nos lois générales.

De deux choses l'une, ou l'amendement de M. Orts est conforme à la législation générale, et en ce cas il est inutile ; ou il est contraire à cette législation, et en ce cas il est nuisible et doit être rejeté.

Mais, messieurs, il suffit d'en prendre lecture pour se convaincre qu'il atteint les médecins vétérinaires alors qu'il n'y a ni dol ni faute grave de leur part, il exagère donc la responsabilité des vétérinaires et sous ce rapport il ne peut être admis.

L'article 1382 du Code civil, tel qu'il a été interprété pour le cas qui nous occupe, suffit ; rien ne justifie la nécessité d'une nouvelle disposition introduisant un ordre de choses opposé aux règles générales du droit. D'ailleurs, une responsabilité exagérée empêcherait les vétérinaires de remplir leur mission. Bornons-nous à l'état actuel de la législation qui suffit à tous les besoins et qui en décrétant la responsabilité des médecins, seulement en cas de dol ou de faute grave, sanctionne des principes admis de tout temps par les jurisconsultes et les arrêts.

M. Coomans. - Il me semble qu'il y a confusion dans les explications qui vient de donner M. le ministre de l'intérieur. Dans le cas prévu par l'amendement de M. Orts, il ne s'agit pas de rechercher la cause de la mort de l'animal ; cette cause est parfaitement connue ; il est mort d’un coup d'assommoir.

C'est donc en vain que M. le ministre objecte qu'il est difficile de décider à l'inspection du cadavre d'un animal s'il est mort de maladie ou de toute autre chose.

Je sais, il n'est pas nécessaire d'être médecin vétérinaire pour cela, qu'un animal atteint d'épizootie peut mourir de trente-six autres façons. La manière dont il est mort n'est pas ici ce que nous avons à rechercher ; le procès-verbal est là.

Ce que dit l'amendement, c'est qu'il est injuste de ne pas indemniser complètement le paysan dont on a abattu un animal sain. La question est de savoir si l'on peut reconnaître, après la mort de l'animal, les symptômes de la maladie dont on le soupçonnait atteint.

Je crois qu'il ne peut pas y avoir de doute à ce sujet. Dès qu'un animal est sérieusement malade, le corps, après l'abattage, doit présenter des traces très visibles, attendu que c'est un mal interne.

- La discussion est close.

L'amendement de. M. Orts est mis aux voix. Il n'est pas adopté.

Article 6

M. le président. - La Chambre passe à l'article 6 et aux amendements y relatifs, qui sont ainsi conçus :

« Art. 6. Lorsque le propriétaire d'un animal dont l'abattage est provoqué, conteste la nature ou l'incurabilité de la maladie, le bourgmestre réclame la présence d'un second médecin vétérinaire pour faire une visite contradictoire.

« En cas de dissidence, il appelle un troisième médecin vétérinaire qui décide en dernier ressort. »

« (Amendement présenté par M. de Bronckart.) § 1er. Lorsque le propriétaire d'tm animal, dont l'abattage est provoqué, contestera la nature ou l'incurabilité de la maladie, il pourra désigner au bourgmestre, qui en réclamera la présence, un second médecin vétérinaire pour faire une visite contradictoire.

« § 2. (Comme au projet.)

« § 3. Les frais à résulter des dispositions ci-dessus sont à charge du propriétaire si le résultat de la visite lui est défavorable ; dans le cas contraire, ils sont à charge du gouvernement. »

« (Amendement proposé par M. Coomans.) § 2. En cas de dissidence, l'abattage est ajourné. »

« (Amendement proposé par M. de Theux.) « § 2. En cas de dissentiment, il appelle un troisième médecin vétérinaire qui est désigné par le juge de paix, et décide en dernier ressort. »

(page 286) La section centrale est d'avis qu'on peut adopter le principe de l'amendement de M. de Bronckart, en ce qui concerne les frais de l'expertise.

Si la Chambre partageait cette opinion, il y aurait lieu à ajouter à l’article 6 un paragraphe 3, conçu en ces termes :

« Les frais auxquels donneront lieu les mesures énoncées aux paragraphes qui précèdent seront supportés par le propriétaire ou le détenteur de l'animal, si le résultat de l'expertise lui est défavorable. Dans le cas contraire, les frais sont à charge de l'Etat. »

Elle propose le rejet des autres amendements.

M. de Bronckart. - Messieurs, deux points, semble-t-il, s'opposent à l'adoption de mon amendement par la section centrale et le gouvernement. Il est inutile, et tend à entraver la célérité de l'administration.

Il est inutile, dit l'honorable rapporteur, qui défend son projet avec une énergie et un talent dignes d'un meilleur sort, dignes surtout d'une meilleure cause. Il est inutile ; le bourgmestre par qui nous voulons faire nommer les experts, n'est-il pas l'homme de la commune ? ne relève-til point de l'élection ? n'est-il point en quelque sorte le père de ses administrés ? Et ces derniers ne seraient-ils point des ingrats de ne pas avoir dans sa sollicitude pour leurs intérêts la foi la plus robuste ?

Cette théorie administrative, messieurs, a quelque chose de patriarcal, qui plaît au premier aspect, mais qui ne résiste pas au contact des faits.

Si l'honorable rapporteur veut bien y réfléchir deux minutes, il en comprendra sans peine l'inanité. Qu'il se demande ce qui adviendrait dans les communes où le bourgmestre aura suscité contre lui une opposition plus ou moins forte. C'est le cas des quatre-vingt-dix-neuf centièmes des communes.

. Je n'insisterai pas davantage sur ce point. Je crois avoir démontré dans le développement des motifs qui m'ont porté à proposer mon amendement, son utilité, et je crois que la Chambre l'a, en quelque sorte sorte, reconnue, en faisant à mon amendement l'honneur de le renvoyer à la section centrale.

J'aborde le second grief que l'on fait à mon amendement.

Il entraverait l'administration. En effet, dit le rapport, il faudrait mettre le propriétaire en demeure de désigner son expert. On devrait lui laisser un délai pour faire cette désignation. De là des longueurs et des pertes de temps qui s'accommoderaient mal avec la célérité de l'administration. C'est ce que je n'admets pas. Mais il en serait ainsi, que ce ne serait pas une raison pour rejeter la rédaction que je propose. Il est bon, messieurs, que l'administration, lorsqu'il s'agit de mesures aussi graves que de l'expropriation de tout ou partie de la fortune d'un citoyen, procède lentement. Cette sage lenteur qu'on paraît redouter aujourd'hui, a de tous temps sauvegardé les intérêts des administrés, et épargne chaque jour encore au gouvernement des erreurs et des abus qu'il commettrait s'il se hâtait trop.

N'allons donc pas, par je ne sais quelle impatience des formes, introduire dans nos lois une rapidité d’allure qui peut convenir à l'organisation politique de certains pays, mais qui ne sera jamais compatible avec nos libertés : ce serait peu sage.

Mais, je le répète, messieurs, mon amendement n'entrave en rien l'administration. Pour le soutenir il faut avoir perdu de vue les dispositions de l'article 5 ainsi conçu :

« Les animaux que le médecin vétérinaire a déclarés être atteints d'une maladie contagieuse incurable sont abattus immédiatement après la remise de l'ordre écrit des autorités que le gouvernement chargera du soin d'ordonner l'abattage. »

Qu'est-il besoin d'autre mise en demeure ? Il est évident qu'à la réception de l'ordre écrit d'abattre l'animal, le propriétaire devra déclarer s'il entend profiter de la double faculté que lui donne l'article 6, à savoir, de réclamer une contre-expertise et de désigner le contre-expert.

S'il ne fait pas à l'agent qui lui remet l'ordre cette déclaration, l'animal est abattu immédiatement.

S'il déclare réclamer une contre-expertise et s'il ne désigne pas le vétérinaire par lequel il entend s'y faire représenter, il sera censé s'en rapporter au choix du bourgmestre.

Quoi de plus simple ?

Mais je veux, pour un moment, que cette marche tout à fait rationnelle, puisse entraîner quelques heures de retard. Où serait le grand danger ? N'avez-vous pas fait séquestrer l'animal malade dans un lieu isol .et fermé, d'où il lui est impossible de communiquer avec aucun autre ? Qu'avez-vous donc à redouter ? Il est d'ailleurs aisé de donner satisfaction aux craintes les plus chimériques en insérant dans l'article que je propose, après les mots : « pourra désigner », ceux-ci, « dans les douze heures qui suivront la remise de l'ordre écrit mentionné à l'article précédent. » De cette façon, je pense que les susceptibilités les plus exagérées auraient leurs apaisements.

Le gouvernement veut bien admettre la partie de mon amendement qui met à charge de l'ayant-tort les frais à résulter de l'expertise ; il est vrai que cela ne l'engage en rien. Car il est évident que, si la Chambre adopte l'article 6 telqu'il est proposé par la section centrale, ce sera toujours le cultivateur qui payera.

Je supplie donc la Chambre de ne point consacrer la disposition monstrueuse de cet article et d'adopter la rédaction que j'ai eu l'honneur de lui proposer. Si j'insiste sur ce point, ce n'est pas, je la prie d'en être bien convaincue, que j'aie la prétention de croire que mon amendement rende la loi bonne, assurément non. Mais il m'est permis, de croire qu'elle la rendrait moins mauvaise.

M. Lelièvre. - L'amendement de M. de Bronckart ne peut être admis, d'abord parce qu'il est incomplet : en effet il ne dit pas ce qui sera statué dans le cas où le propriétaire refuserait de désigner un second médecin vétérinaire. D'après l'amendement, le propriétaire ne nommant pas son expert, on ne dit pas par qui cet expert sera nommé.

Mais il est impossible d'admettre la disposition sous un autre rapport. La désignation laissée au propriétaire amènera des retards ; que ferait-on, par exemple, si le propriétaire désignait un vétérinaire domicilié à dix ou douze lieues de la commune ?

Pour apprécier une loi, il faut voir ce qui se passera lors de son exécution. Or, je dis que la faculté laissée au propriétaire entraînera des retards incompatibles avec la célérité que requiert l'affaire.

Or, tous ces retards seront surtout préjudiciables au propriétaire qui perdra droit à l'indemnité, si l'animal meurt avant qu'il soit abattu par ordre de l'autorité.

Ce n'est pas tout, le bourgmestre mérite toute confiance. Il est le premier magistrat de la commune, le protecteur-né de ses administrés, n'ayant aucun intérêt à les vexer ni à faire ordonner un abattage non nécessaire.

D'un autre côté, toutes ses attributions se bornent à désigner un médecin vétérinaire. Lui-même n'émet aucun avis et n'intervient pas autrement dans l'affaire. Sous tous les rapports, il présente les garanties convenables.

Ne perdons pas de vue qu'il s'agit ici d'un cas d'urgence, et que souvent tout retard dans l'expertise aura pour conséquence de rendre l'abattage sans objet, par suite du décès de l'animal. En ces circonstances, nous avons besoin de formes rapides. Or, celle énoncée à l'amendement de M. de Bronckart me paraît une entrave sérieuse à l'action administrative, et je ne puis m'y associer.

M. Pierre. - Les objections de la section centrale contre l'amendement de l'honorable M. de Bronckart ne me paraissent pas assez déterminantes pour l'écarter. La section centrale veut que l'abattage soit exécuté dans le plus bref délai. D'abord, les garanties proposées par M. de Bronckart exigeraient peu de retard. Quel inconvénient peut encore avoir ce retard, puisque l'animal sera enfermé isolément ? La contagion n'est donc point à craindre. Avons-nous dès lors besoin d'exiger une aussi grande promptitude dans l'exécution de l'abattage ? Il est de beaucoup préférable de sauvegarder le propriétaire, exposé à une erreur préjudiciable à ses intérêts, d'autant plus que nous pouvons le faire sans danger pour l'état sanitaire général des animaux. Le respect de la propriété nous impose évidemment une certaine réserve, lorsque surtout elle ne donne lieu, comme en cette matière, à aucun inconvénient sérieux. Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue que le propriétaire de l'animal atteint, ou soupçonné atteint de maladie contagieuse, n'a pas intérêt à réclamer une visite contradictoire inconsidérément, attendu qu'il devra payer les frais de la contre-visite, si elle aboutit à constater que l'animal doit être abattu.

La section centrale admet la partie de l'amendement relative au payement des frais. C'est une amélioration ; mais elle restera illusoire, si l'amendement n'est pas admis intégralement. En refusant au propriétaire la désignation du second médecin vétérinaire, et en laissant ce choix au bourgmestre, qui a déjà appelé le premier médecin, il y a pour le propriétaire fort peu de chances de voir le résultat de la contre-visite lui être favorable. L'amendement a, selon moi, une telle importance, que, s'il n'est pas admis, je me verrais forcé de voter contre la loi.

M. Lelièvre. - L'honorable M. Pierre perd de vue le véritable état des choses. Pourquoi se défier du bourgmestre, alors surtout que le magistrat ne décrète rien et a seulement le pouvoir de désigner un médecin vétérinaire ? Comment n'accorderait-on pas ce droit à un magistrat impartial qui n'a aucun intérêt à l'affaire ? Mais le gouvernement lui-même n'a pas intérêt à l'abattage, non plus que les médecins vétérinaires.

A quel titre donc met-on en suspicion la bonne foi de tous ces honorables fonctionnaires ?

L'honorable M. Pierre perd de vue qu'il ne s'agit pas d'accorder au bourgmestre le droit d'ordonner l'abattage. Il est appelé seulement à nommer le second médecin vétérinaire. Or, le bourgmestre me semble aussi impartial pour faire cette nomination que le juge de paix.

D'un autre côté la désignation laissée au propriétaire engendrera des retards dont nous avons déjà signalé les conséquences, retards dont le propriétaire sera la première victime.

On oublie toujours que le gouvernement ne doit payer qu'en cas d'abattage pour cause de maladie contagieuse.

Il n'a donc pas d'intérêt à l'abattage, si ce n'est dans des vues de salubrité publique.

El puis, n'est-il pas évident que, lorsque l'opinion d'un médecin vétérinaire sera confirmée par celle du second, c'est que réellement l'abattage sera fondé sur de justes motifs.

Ou sait combien il est difficile que deux médecins vétérinaires soient d'accord, si ce n'est sur un point absolument certain.

Je persiste donc à penser que le mode énoncé à l'amendement de M. de Bronckart est contraire à la célérité de formes exigée en cette matière ; qu'elle n'est pas compatible avec les règles administratives, et (page 287) que, d'un autre côté, il n'est pas exorbitant de confier au bourgmestre, au premier magistrat de la commune, relevant de l’élection, le droit de choisir un expert. Car, enfin là se réduisent ses pouvoirs qui ne peuvent sérieusement émouvoir personne.

M. Pierre. - L'honorable rapporteur de la section centrake vient d'employer, pour combattre l'amendement de mon ami M. de Brockartn des moyens auxquels je ne me serais pas attendu.

L'honorable M. de Bronckart et moi nous désirons sauvegarder le plus possible la propriété particulière : l’honorable M. Lelièvre trouve que la section centrale la sauvegarde mieux, qu'elle rend plus de services au propriétaire, parce que, si son animal vient à périr, il ne recevra rien. Ou doit admettre que le propriétaire connaîtra ses intérêts : il saura qu'il s'expose à cette chance. C'est pour cela qu'il n'usera de son droit que quand il y aura des doutes sérieux sur l'existence de la maladie.

La propriétaire, dit encore M. Lelièvre, ira chercher des vétérinaires a dix ou douze lieues de là. En agissant ainsi, il entendrait très mal ses intérêts ; il ne le fera certainement pas. Il saura pertinemment que si la visite contradictoire aboutit à l'abattage, il devra payer les frais. Il n'aura garde de s'exposer gratuitement à payer des frais triples ou quadruples, complétement frustratoires.

En résumé, les motifs invoqués par l'honorable M. de Bronckart sont infiniment plus fondés en logique que ceux invoqués pour combattre sa proposition. Aussi j'aime à croire, messieurs, que vous n'hésiterez pas à les introduire dans la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il ne s'agit pas de faire abattre immédiatement l'animal, comme le dit l'honorable M. Pierre ; car il est soumis à une triple épreuve. Le correctif que l'honorable M. de Bronckart apporte à son amendement n'en corrige pas les vices. Il ajoute que le vétérinaire devra être désigné dans les douze heures par le propriétaire. Mais quel est le but du gouvernement ? Qu'on arrive à temps, quand le propriétaire conteste l'incurabilîté de la maladie. A cet égard la triple épreuve répond complètement aux intentions de l'honorable préopinant. Pourquoi s'effrayerait-on du vétérinaire du gouvernement ? A-t-il intérêt à l'abattage ? Nullement ; il a l’intérêt contraire ; c'est l'intérêt du trésor qui est engagé, et l'intérêt du trésor est de ne pas accorder d'indemnité, et par conséquent de ne pas faire l'abattage.

- La discussion est close.

L'amendement de M. de Bronckart, avec la modification qu'il y a apportée, est mis aux voix et adopté ; il forme le premier alinéa de l'article 6.

L'amendement de M. Coomans est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Par suite de cette adoption, l'amendement de M. de Theux devient sans objet.

Il reste à voter sur le paragraophe 3.

M. de Bronckart. - Je me rallie à la rédaction proposée par la section centrale.

- Le troisième paragraphe, proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.

L'ensemble de l'article 6 est adopté.

Article 9

« Art. 9. Les animaux chez lesquels les médecins vétérinaires, chargés de la surveillance des foires et marchés, reconnaissent ou soupçonnent l'existence de l'une des maladies contagieuses déterminées en vertu de l'article premier, sont mis en fourrière, sur la déclaration desdits médecins vétérinaires, et isolés dans le lieu désigné par le bourgmestre de la commune, pour être entretenus et traités jusqu'à parfaite guérison, aux frais du propriétaire ou du détenteur, ou abattus conformément aux articles 5 et 6 ci-dessus, le tout sans préjudice des peines encourues pour contravention à l'une des dispositions de la présente loi. »

M. le président. - M. Tesch et M. Thibaut ont proposé des amendements à cet article.

M. Thibault. - Je me rallie à la nouvelle rédaction proposée par la section centrale.

M. Tesch. - Par suite de l'adoption de quelques amendements et du rejet de plusieurs dispositions, la loi ne me semble plus admissible. Je n'insiste donc pas sur l'adoption de mon amendement. Du reste, il est admis par la section centrale et par le gouvernement.

M. le président. - En ce cas, il ne reste plus que la rédaction nouvelle proposée par la section centrale ; elle est ainsi conçue :

« Les animaux chez lesquels les médecins vétérinaires, chargés de la surveillance des foires et marchés, reconnaissent ou soupçonnent l'existence de l'une des maladies contagieuses déterminées en vertu de l'article premier, devront quitter immédiatement les foires ou marchés.

« Les propriétaires ou détenteurs de ces animaux devront les isoler, conformément à l'article 2 de la présente loi.

« Le bourgmestre de la commune pourra même ordonner que ces animaux soient mis en fourrière pour être entretenus et traités aux frais du propriétaire ou détenteur jusqu'à ce qu'ils puissent être transportés sans inconvénient.

« En tous cas, les animaux dont il s'agit pourront être abattus, conformément aux articles 5 et 6 ci-dessus, le tout sans préjudice des peines encourues pour contravention à l'une des dispositions de la présente loi. »

Le gouvernement se rallie-t-il à cette rédaction ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Oui, M. le président.

M. Lelièvre, rapporteur. - Au lieu de : « les animaux… devrant quitter immédiatement les foires ou marchés », je propose de dire : « devront être éloignés immédiatement des foires ou marchés ». C'est un simple changement de rédaction.

- L'article 9, ainsi modifié, est adopté.

Le vote définitif du projet de loi est remis à jeudi.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.