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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 janvier 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 535) M. Dumon procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres de l'administration communale de Neufmaison prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession du chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, Eecloo et Terneuzen. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des fermiers, cultivateurs, marchands de bestiaux gras, et commerçants à Meulebeke, demandent que les artistes vétérinaires soient admis à continuer l'exercice de leurs fonctions. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Moll se plaignent de ce que l'ancien bourgmestre de cette commune a été remplacé. »

- Même renvoi.


« Le sieur François, employé des douanes, demande une gratification. >

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Arville demande que le gouvernement constitue la compagnie du chemin de fer du Luxembourg en demeure d'exécuter ses engagements dans un délai très court qu'il fixerait, et qu'à défaut d'exécution, il fasse déclarer purement et simplement la compagnie déchue de son entreprise. »

« Même demande du conseil communal d'Hatrival. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. de Moor. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Grootenberge déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand relative au projet de loi sur l'enseignement agricole. »

« Même adhésion des membres de la société de rhétorique dite : « Eikels worden Boomen », établie à Eecloo. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« M. Tremouroux, devant assister aux funérailles d'une parente, demande un congé. »

- Accordé.


« M. Martens, professeur à l'université de Louvain, adresse à la Chambre 108 exemplaires d'une brochure sur le jury d'examen. »

- Distribution aux membres de la Chambre.

M. Vanden Branden de Reeth. - Mon honorable ami M. de Brouwer, qui est parti hier pour Londres, m'a chargé de demander pour lui un congé à la Chambre.

- Ce congé est accordé.

Motion d’ordre

Insuffisance du matériel du chemin de fer

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, l'insuffisance du matériel de traction du chemin de fer a été constatée pendant la discussion du budget des travaux publics ; plusieurs membres ont engagé le gouvernement à acheter des locomotives à l'étranger s'il ne parvenait pas à s'en procurer dans'le pays.

Depuis quelques jours, un de nos établissements les plus considérables, celui du Phénix, s'est trouvé dans la nécessité de renvoyer 200 ouvriers et de diminuer les heures de travail. Un autre établissement est sur le point de prendre des mesures analogues. Le Phénix a fait ses preuves depuis longtemps, il a fourni au gouvernement deux locomotives d'une rare perfection, le Duc de Brabant et le Comte de Flandre.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si avant de faire des commandes à l'étranger, il a fait appel aux constructeurs du pays et si, après avoir pourvu aux besoins les plus urgents, il ne pourrait pas en échelonnant les commandes ultérieures, accorder aux établissements que je viens de citer des délais qui leur permettent de compléter leur outillage s'il était insuffisant.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - En réponse à l'interpellalion de M. T'Kint de Naeyer, je puis déclarer que le premier et le principal devoir du gouvernement sera toujours de favoriser dans la mesure du possible les établissements du pays. Le gouvernement a mis le plus louable empressement à accepter les propositions acceptables qui lui ont été faites par les établissements du pays, il a même élargi le cercle de ses commandes. Il a accueilli les propositions d'établissements que je qualifie de privés, parce que jusqu’à présent ils n'avaient pas fourni de matériel au chemin de fer de l'Etat.

Quant à l’établissement dont a parlé l'honorable M. T'Kint de Naeyer, il est vrai que cet établissement a fourni deux machines, mais je pense rester dans le vrai en déclarant que cet établissement n'a plus l'outillage voulu pour ces genres de constructions ; il est outillé pour construire des machines à tisser et à filer, mais non des locomotives. Du reste, si cet établissement était monté en conséquence et si des propositions m'étaient faites, ce serait un devoir et un devoir rigoureux pour moi, d'examiner les offres avec une grande bienveillance et de lui accorder des commandes comme je l'ai fait en faveur d'autres établissements.

Je saisirai cette occasion pour faire une observation sur un point spécial qui a fait l'objet d'un rapport de pétition par l'honorable M. Vander Donckt. Cet honorable membre a présenté un rapport sur des pétitions qui témoignent le désir de voir trancher la question de savoir à qui l'on accordera la concession des chemins de fer en instruction au département des travaux publics et qui ont pour but de rattacher les divers bassins houillers au marché des Flandres.

Je ne puis que renouveler la déclaration que j'ai faite à plusieurs reprises à savoir qu'aussi longtemps que l'enquête ne sera pas complète, c'est un devoir de légalité et de convenance de ne pas se prononcer sur l'une ou l'autre des demandes en concession.

Il n'a pas dépendu du gouvernement que cette instruction fût complète. Depuis le 18 novembre, les diverses pièces qui se rapportent à ces chemins de fer ont été renvoyées à la députation permanente de la Flandre orientale. Ce n'est que le 30 décembre dernier que la chambre de commerce de Gand s'est prononcée en ce qui concerne les divers projets concurrents. La chambre de commerce d’Alost, - je n'en suis pas encore officiellement informé, je ne connais le fait que pour l'avoir lu dans un journal, - s'est prononcée tout récemment en ce qui concerne les mêmes demandes en concessions de chemin de fer.

Il est évident que le gouvernement se mettrait tout à fait en dehors de la légalité, des prescriptions formelles de l'arrêté de 1836, si, négligeant l'instruction, il allait se prononcer en faveur de l'un ou l'autre des demandeurs en concession.

Je dois, du reste, faire remarquer à la Chambre qu'indépendamment de ces motifs de légalité il y a des motifs d'intérêt public qui exigent qu'on attende la fin de cette instruction. En effet, les diverses demandes en concession n'ont pas seulement pour objet de rattacher le bassin du Couchant au marché des Flandres, mais ils ont également pour objet de rattacher le Centre et Charleroi au marché des Flandres.

Il faut donc que l'instruction, en ce qui concerne ces diverses demandes concurrentes, soit complétée, que le gouvernement soit mis en mesure de se prononcer en parfaite connaissance de cause. C'est alors seulement aussi que la Chambre pourra apporter à l'examen de cette affaire toute la maturité qu'elle réclame.

Projet de loi portant le budget du ministère de l’intérieur de l’exercice 1855

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XI. Agriculture

M. Rousselle. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui fixe le chiffre du littera C de l'article 56 qui a été tenu en suspens par la décision de la Chambre.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Article 60

M. le président. - La discussion continue sur l'article 60 : « service du drainage ».

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, le service du drainage figure au budget pour une somme de 9,000 fr. Ce service a été d'une incontestable utilité au pays. Beaucoup de personnes le reconnaissent ; beaucoup même font l'éloge du drainage.

La section centrale elle-même semble s'y être associée, mais elle y ajoute un correctif qui fait de cet éloge en quelque sorte une oraison funèbre ; car la section centrale invite la Chambre à faire mourir ce service à la fin de l'année 1855.

Je viens, messieurs, vous présenter quelques observations qui vous amèneront, j'espère, à ne pas partager sur ce point l'avis de la section centrale. Mais avant tout, la Chambre me permettra de rectifier une erreur qui est échappée à l'honorable rapporteur, lorsqu'il a dit, en parlant du drainage, que ce service était un de ceux qui avaient été primitivement organisés sans l'assentiment de la Chambre, qu'on le voit figurer pour la première fois au budget de 1854.

Sous ce rapport, l’honorable rapporteur est dans l'erreur. La Chambre, par une loi du 21 juin 1851, avait alloué, en vue de ce service, un crédit spécial de 75,000 fr. sur lequel le gouvernement a fait plusieurs dispositions successives à concurrence de 28,000 fr. seulement.

Plus tard, quand il s'est agi de régulariser ce service au budget, vous l'y avez fait figurer pour une somme de 9,000 fr. C'est encore ce chiffre que je viens proposer à la Chambre de maintenir.

Messieurs, le gouvernement ne peut se rallier dès à présent à la suppression qui est proposée par la section centrale. Le drainage est en effet l'un des plus utiles encouragements que l'on ait pu accorder, depuis un certain nombre d'années à l'agriculture. Dans le principe, le (page 536) gouvernement y intervenait d'une manière active ; il exécutait des travaux utiles qui servaient ensuite de modèle à tous ceux qui voulaient se livrer à la pratique du drainage recommandée dans les pays voisins et notamment eu Angleterre.

Depuis que l'art du drainage a fait de notables progrès ef que cette industrie s'est étendue dans presque toutes les provinces, le gouvernement a pu successivement retirer une partie de son intervention active ; il ne s'occupe plus de ce service que par voie d'avis, par voie de conseils donnés à tous les propriétaires qui veulent se livrer au drainage.

Cependant le gouvernement croit encore à la nécessité de prolonger pendant quelque temps encore la durée de ce service. Indépendamment du besoin qu'on éprouve dans toutes les provinces de recevoir des avis utiles, il est des provinces qui, par leur éloignement du centre, sont, sous ce rapport, dans une position exceptionnelle et difficile. Je citerai notamment le Luxembourg. Dans le Luxembourg où le drainage commence aussi à pénétrer, il a été jusqu'à présent fort difficile aux propriétaires de profiter des avis donnés par les ingénieurs, parce que tous vivent à de grandes distances de la résidence de l'ingénieur qui donne un cours sur le drainage.

Ainsi pendant quelque temps encore, le gouvernement devra continuer le système d'encouragement qui procède par voie de conseil et d'instruction.

La section centrale, tout en proposant de voter la somme de 9,000 fr. demande que ce soit pour la dernière année.

Je demande à mon tour : A quoi bon cette mention ? Quelle que soit l'opinion qu'on se forme de la nécessité de conserver, pendant quelques années encore, le service du drainage, à quoi bon mettre dans un budget cette mention que c'est pour la dernière année ?

Je ne sache pas que le parlement ait l'habitude de procéder de cette manière.

N'est-il pas notoire que tous les crédits sont annuels, que les budgets sont annuels, et n'est-il pas tout simple que quand le parlement n'est plus disposé à continuer une allocation, il fasse justice des propositions du gouvernement dans le budget même qui les contient ?

Ce qu'il y a de plus sage, c'est de ne rien préjuger. Le gouvernement n'a pas l'intention de faire durer au-delà d'une époque raisonnable le service dont nous nous occupons.

D'ailleurs s'il fallait des preuves plus convaincantes que celles que le gouvernement peut puiser dans sa propre expérience, afin de conserver encore pendant quelques années le service du drainage ;, j'opposerais à quelques opinions individuelles qui se sont produites et notamment à l'opinion de la section centrale, l'avis des corps qui s'occupent plus particulièrement de l'agricullure. Le conseil supérieur de l'agriculture, les commissions provinciales d'agriculture, recommandent au gouvernement, dans l'état de prospérité où le drainage a commencé, de continuer encore pendant quelque temps le concours des ingénieurs de l'Etat.

La section centrale voit, dans l'établissement du service du drainage aux frais du gouvernement, un double privilège ; un privilège pour la propriété privée, un privilège pour les agents spéciaux qui sont chargés de ce service.

Quant à la propriété privée, il est évident que les avantages qu'elle en retire tournent au profit de l'agriculture, qui est un intérêt général.

Quant à l'Etat, il ne dépense, comme vous l'avez vu, qu'une somme de 9,000 fr. C'est une petite dépense en présence des grands intérêts qui se rattachent à l'agriculture.

Quant aux agents au profit desquels on dit que le drainage constitue un privilège, est-il possible de supposer que les agents ont un intérêt quelconque à faire durer un service réduit à des proportions si modestes que le drainage, composé d'un chef et de quelques agents secondaires ?

D'ailleurs, ne sait-on pas que l'honorable chef de ce service, homme distingué à tous égards et qui appartient au corps des ponts et chaussées, ne sera jamais abandonné par le gouvernement ?

Il ne s'agit donc pas ici du personnel, qui, du reste, ne retire aucun espèce d'avantage direct ou indirect des rapports établis entre lui et les propriétaires ; les propriétaires qui réclament le concours des agents du drainage ne payent absolument rien que les frais de déplacement. Il n'est donc pas possible de supposer qu'il y ait le moindre abus dans ce service.

Ces considérations, messieurs, me semblent suffisantes pour déterminer la Chambre non seulement à maintenir le crédit mais encore à rayer du budget la mention extraordinaire que la section centrale a cru devoir y introduire.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, j'aurai l'honneur de proposer deux changements aux conclusions de la section centrale ; d'abord je proposerai de réduire le crédit à 7,200 francs ; en second lieu, je demande avec M. le ministre la suppression des mots : « pour la dernière année. »

Messieurs, le crédit de 9,000 francs a été alloué en vue d'un personnel se composant de 3 ingénieurs. Aujourd'hui, si je suis bien informé, il n'y a plus que le chef du service du drainage assisté d'un seul ingénieur ; le troisième, je pense, est employé à l'administration des chemins de fer ; eh bien, comme il s'agit ici d'un service temporaire répondant maintenant à des besoins moindres que ceux qui existaient il y a 3 ou 4 ans, je crois qu'il n'y a pas lieu de remplacer ce fonctionnaire, c'est-à-dire de nommer un troisième ingénieur pour le service du drainage.

Je pense que M. le ministre sera d'accord avec moi sur ce point, puisqu'il reconnaît que c'est un service temporaire, il ne peut pas entrer dans ses intentions de créer encore une nouvelle position pour trois ou quatre ans, laquelle devrait alors donner lieu à une compensation quelconque.

Messieurs, je demande en outre la suppression des mots « pour la dernière année », et je m'expose un peu, sous ce rapport, à un reproche de contradiction.

J'en ai déjà essuyé un hier de la part d'un membre qui semblait avoir oublié que de ce côté-là surtout il est lui-même très vulnérable.

Messieurs, il y a des économistes, en petit nombre à la vérité, qui repoussent la protection douanière en vertu du libre échange et qui vantent néanmoins les grands bienfaits de la protection gouvernementale au moyen de subsides. Dans leur manière de voir, la protection douanière gâte les industries, les empêche de vivre en contact avec la concurrence illimitée qui est le seul moyen efficace de féconder réellement le champ de la production nationale ; mais la protection gouvernementale au moyen des subsides leur paraît tout autre chose : il semble que le gouvernement est doué d'un tact merveilleux pour choisir les personnes à qui la protection ne peut faire aucun mal au point de vue industriel et procurer au contraire un bien réel au point de vue personnel, tandis que ce malheureux tarif douanier est tellement stupide et aveugle qu'il ne fait même aucune distinction entre ses amis et ses ennemis.

Ainsi la protection douanière, protection de droit commun, mauvais, détestable, mais la protection gouvernementale au moyen de subsides, protection, par conséquent, avec acception de personnes, puisqu'il est impossible de donner à tout le monde, excellent, délicieux !

Je laisse à de plus habiles que moi le soin de concilier ces choses-là.

Quant à moi, il n'est jamais entré dans mes intentions de soutenir que ce système d'intervention du gouvernement doit être brusquement supprimé ; j'ai toujours dit qu'il y avait des ménagements à garder, des positions à respecter, et sous ce rapport je me rallie aux idées exprimées dans l'excellent rapport de l'honorable M. Rousselle.

Abordant maintenant directement la question du drainage, je dirai que je n'admets aucunement que cette grande amélioration, dont je suis le premier à reconnaître la haute importance, n'eût pas été importée en Belgique sans l’intervention du gouvernement. (Interruption.) Ah ! vous allez me répondre qu'on drainait peu avant que le gouvernement s'en soit mêlé. C'est vrai. Je dirai même que les essais qui avaient eu lieu jusqu'alors étaient généralement défectueux, outre leur faible importance ; mais il y a une circonstance que l'on perd de vue.

Il n'y a pas bien longtemps que le drainage a atteint le degré de perfection où il est parvenu aujourd hui ; les Anglais avant d'arriver là ont dû passer par une foule de tâtonnements ; ils ont essayé successivement une foule de systèmes qui se sont détrônés les uns les autres ; il y a eu de très grandes divergences d'opinions qui se sont manifestées dans la pratique sur la question de savoir à quelle profondeur les drains doivent être placés et sur bien d'autres points. Eh bien, qu'est-il encore arrivé pendant ce temps-là ? C'est que les Anglais ont enfoui dans leurs rigoles souterraines une foule de sottises, ou, si vous voulez, d'expériences malheureuses ; tant qu'ils ont fait cela, nous les avons laissé faire ; heureusement le gouvernement ne s'en est pas melé, sans quoi il aurait pu faire en Belgique, aux frais des contribuables, les expériences malheureuses qui se faisaient en Angleterre, expériences qui y avaient moins d'inconvénients, parce que chacun y travaille à ses propres frais, sans puiser dans les poches d'autrui.

Quand le drainage a acquis un plus haut degré de perfection, quand il est devenu une amélioration réelle, quand la supériorité du système a été constatée par des faits nombreux, il pouvait et il devait se propager dans nos communes rurales ; le seul obstacle qu'il pouvait encore rencontrer, c'est la pénurie des capitaux. J’insiste sur cette circonstance, parce qu'elle prouve à la dernière évidence que les agronomes citadins sont très mal fondés à reprocher aux campagnards lenr esprit de routine prétendument rebelle même aux innovations utiles.

Cet esprit routinier est le plus souvent du bon sens, et c'est ce bon sens campagnard qui contrarie beaucoup, qui irrite souvent au plus haut degré les amateurs agricoles et les agronomes des villes. Pourquoi ? Mais parce qu’il forme un obstacle invincible à la propagation d'une foule de sottises agronomiques inventées dans les villes et dans les livres, parce que les campagnards avouent, avec une naïveté cachant une certaine malice, qu'ils ne sont pas assez éclairés pour vouloir s'exposer à une ruine très probable, afin de faire plaisir aux faiseurs de systèmes. Mais quand une chose est réellement bonne et utile, les campagnards consentent assez facilement à l'adopter, et tous ces grands obstacles résultant de l'esprit routinier des campagnards sont en grande partie des fantômes ; il y a parmi les campagnards de l'intelligence et surtout un grand bon sens ; il peut y avoir des traînards dans la voie du progrès, (page 537) tout comme il y en a dans les villes. Mais les améliorations réelles destinées tout à la fois à améliorer la position du cultivateur et la production du pays sont adoptées sans difficultés par les campagnards. Les développements du drainage en sont une preuve des plus convaincantes.

A l'heure qu'il est, je puis vous garantir que les fermiers flamands consentent généralement à servir à leurs propriétaires un intérêt de 5 p. c. pous les capitaux employés à des opérations de drainage reconnues réellement utiles ; voilà la réponse, et elle est péremptoire, à toutes ces déclamations contre l'esprit routinier des campagnards. Cependant je reconnais volontiers que l'intervention du gouvernement en cette circonstance a été couronnée de succès. Il ne pouvait en être autrement, parce que le moment était opportun, parce que le drainage avait acquis un degré de perfection tel, qu'il devait nécessairement être accueilli, mais surtout parce que le gouvernement a eu la main heureuse (ce qui n'arrive pas toujours) en confiant ce service à un fonctionnaire très intelligent et très capable, appartenant d'ailleurs à cette catégorie d'hommes de bon sens qui ne se croient pas propres à tout, mais qui font des choses utiles, parce qu'ils savent se renfermer dans leur spécialité. Quel que soit l'avenir du service de drainage, le pays aura une dette à acquitter envers cet honorable fonctionnaire en lui accordant une position qui soit une juste rémunération des services émiunents (c'est le mot propre) qu'il a rendus.

J'espère que sous ce rapport, an moins, j'aurai le bonheur d'être d'accord avec M. le ministre de l’intérieur, bonheur que j'apprécierai d'autant plus qu'il m'arrive très rarement.

Maintenant, je veux que le service soit maintenu encore pendant quatre à cinq ans. Voici mes motifs : d'abord l'intervention du gouvernement est un fait accompli, cette intervention a eu une utilité réelle sans donner lieu à des inconvénients sérieux. D'un autre côté, la mission que le gouvernement a entreprise ne me paraît pas accomplie. Je pense que le but qu'il a eu en vue ne sera atteint que dans 4 ou 5 ans, et dès lors je ne veux pas arrêter en quelque sorte le gouvernement à moitié chemin et cela dans une entreprise où jusqu'ici il n'a pas fait fausse route.

Je ferai remarquer en outre qu'ici l'intervention gouvernementale n'a pas pour objet de créer un monopole dans les mains de l'Etat, ni de substituer l'action du gouvernement à celle de l'industrie privée. En réalité le gouvernement ne fait que donner un enseignement dont tout le monde peut profiter, qui répond par conséquent à un intérêt social. Mais on me dira peut-être que les ingénieurs du gouvernement ont dirigé l'exécution de plusieurs travaux du drainage.

il y a à cela plusieurs observations à faire ; d'abord les frais de ces améliorations agricoles n'ont pas été supportés par le trésor public, mais ils tout restés à charge des particuliers qui en ont profité ; ce sont eux qui ont payé la main-d'œuvre, l'achat des tuyaux.

Le concours même des ingénieurs n'a pas été accordé gratuitement ; les propriétaires ont payé les frais de séjour et de voyage. Ensuite ces travaux ont été disséminés autant que possible sur différents points du pays, pour servir partout de spécimen et de modèle. En troisième lieu, les propriétaires, les cultivateurs et même les ouvriers qui en ont exprimé le désir, ont été admis à assister à l'exécution de ces travaux ; et dans le cours des opérations, les ingénieurs se sont empressés de donner toutes les explications de nature à faire connaître les principes relatifs à l'assainissement des terrains humides et la manière de’n faire l'application suivant les différentes localités.

La direction des travaux n'a eu véritablement lieu que pour fournir aux ingénieurs l'occasion de faire les démonstrations pratiques indispensables pour expliquer d'une manière intelligible pour tout le monde les opérations matérielles et manuelles qui constituent le drainage.

L'honorable M. Magherman désire, si je me trompe, que les ingénieurs ne dirigent plus les travaux.

Cette opinion est un peu trop absolue. Je voudrais qu'exceptionnellement, dans les cantons où le drainage est encore chose inconnue, les ingénieurs pussent prêter leur concours à l'exécution, comme moyen de donner convenablement l’enseignement dont il s'agit et qui est essentiellement un enseignement d'application.

D'autres mesures du gouvernement ont encore eu plus directement pour objet l'enseignement. Ainsi le chef du service du drainage a composé un petit traité sur cette matière que le gouvernement a fait publier et qui contient un exposé très lucide et très complet, tant de la théorie que de la pratique de la grande amélioration agricole qui nous occupe.

Ce traité se trouve entre les mains de tous ceux qui s'occupent de travaux relatifs à l'assainissement des terres humides et a contribué beaucoup à propager les bonnes méthodes.

M. Rodenbach. - A t-il été traduit en flamand ?

M. de Naeyer, rapporteur. - Cela doit être, car il fait partie de la Bibliothèque rurale, ce qui ne veut pas dire que sans cette Bibliothèque ce livre n'eût pas été publié et n'eût pas trouvé d’acheteurs en Belgique.

Le gouvernement a fait encore donner un cours de drainage, à Bruxelles, qui a été suivi par beaucoup de personnes et qui a servi à former un certain nombre d’agents draineurs appartenant aux différentes provinces. Une quatrième mesure a également contribué à répandre la connaissance des bonnes méthodes de drainage.

Le chef de ce service appelé à diriger l'exécution des travaux dans des localités où l'amélioration était encore peu connue, a donné des conférences publiques qui ont également été très suivies et dans lesquelles il s'est attaché particulièrement à faire comprendre aux propriétaires les effets que le drainage peut produire et les conditions dans lesquelles il peut être appliqué avec avantage. En considérant l'ensemble de ces mesures, il est donc évident que le service dont il s'agit a pour ainsi dire exclusivement pour objet de donner un enseignement et, sous ce rapport, la dépense qui nous occupe peut être assimilée à celles relative à l'enseignement industriel ou bien encore à celles concernant l'enseignement donné dans les écoles des mines ou des ponts et chaussées, et je ferai remarquer qu'en France, en vertu d'un décret impérial, le drainage fait partie de l'enseignement des écoles des mines et des ponts et chaussées.

Ici c'est l'objet d'un enseignement spécial, mais cela ne change en rien la nature de la dépense.

Toute la question est de savoir si la mesure, caractérisée comme je viens de le faire, telle qu'elle est en réalité, pourrait être supprimée ; c'est demander, en d'autres termes, si les bonnes méthodes de drainage sont assez répandues dans le pays, s'il y a un nombre de draineurs répondant aux besoins, et en même temps si les propriétaires, les cultivateurs sont suffisamment initiés à ces opérations.

Pour répondre à ces questions, je ferai remarquer avant tout qu'il y a ici un grand intérêt social en jeu. Nous avons déjà drainé 11 mille hectares. Je ne crains pas d'être taxé d'exagération en déclarant qu'il en est résulté une augmentation dans la production agricole d'un demi-million par an.

Le drainage peut encore prendre de grands développements. Il serait difficile de préciser le nombre d'hectares susceptibles de recevoir cette grande amélioration ; mais encore une fois, je ne crois pas exagérer le chiffre de 150 mille ou 200 mille hectares, c'est-à-dire à peu près la dixième partie de nos terres arables. Il y en a qui indiquent un chiffre bien plus considérable. Mais supposons 200.000 hectares. Eh bien, cela exigera un capital de 40 à 50 millions, et si les travaux sont convenablement exécutés, il pourra en résulter un accroissement annuel de la production agricole de 8 à 9 millions.

Il y a là un grand intérêt en jeu et il est réellement d'utilité publique que toutes les entreprises soient dirigées d'après les bonnes méthodes, et pour atteindre ce but, je ne puis, quant à moi, reculer devant un sacrifice qui va probablement se borner à 7,200 francs et qui, d'ailleurs, ne doit plus grever nos budgets que pendant un petit nombre d'années.

Je me demandais si les bonnes méthodes de drainage sont suffisamment répandues en Belgique, et je ferai remarquer qu'on ne pourrait pas répondre affirmativement à cette question, alors même qu'il y aurait un assez grand nombre de draineurs ; car veuillez-le remarquer, les draineurs, lors même qu'ils sont au courant de l'opération, n'exécutent pas toujours des travaux, de manière qu'ils ne laissent rien à désirer. Ce qui arrive très souvent : on traite à forfait, c'est l'agent draineur quit se charge de tous les frais de l'entreprise, par exemple, à raison de 2.00 ou 300 fr. par hectare. Mais évidemment son intérêt à lui n'est pas de faire le travail le plus parfait possible, mais bien de travailler économiquement. Ainsi il sera porté à réduire la profondeur des drains, à les trop espacer. C'est ce qui revient à dire que les propriétaires ou les cultivateurs doivent aussi avoir des connaissances réelles en matière de drainage, sous peine d'avoir des travaux mal exécutés et de devenir peut-être hostiles au drainage, parce qu'ils auront été trompés par suite d'une opération vicieuse. Sous ce rapport aussi il y a encore beaucoup à faire. Je voudrais que ces cours qui ont été donnés à Bruxelles fussent donnés aussi dans quelques localités du pays, notamment dans celles où le drainage est susceptible d'être appliqué sur la plus grande échelle.

Sous ce rapport, je dois relever une erreur échappée à la science agronomique de l'honorable M. Prévinaire. Il a cru que c'était surtout dans les Flandres que le drainage doit être appliqué. Il fait un signe affirmatif. Je crois que ce n'est pas sérieux. Il y a des parties de la Flandre orientale où le drainage peut être pratiqué avec fruit. C'est surtout dans l'arrondissement d'Audenarde et dans une grande partie de l'arrondissement d'Alost. Mais l'honorable membre a été p rbablement induit en erreur par cette considération que les députés des Flandres demandent souvent qu'il soit pris des mesures pour remédier aux inondations. Mais il a perdu de vue que l'utilité du drainage ne consiste aucunement à porter remède à ce fléau-là.

Pour drainer, il faut avoir avant tout une chute d'eau. Là où il y a des inondations, il n'y a pas de chute d'eau. Il faut même que les terrains soient situés à une certaine élévation au-dessus de l'étiage des rivières ou canaux, où les eaux s'écoulant des drains doivent venir se décharger ; or, voici, en général, la situation dans les Flandres, ou bien les terrains sont situés trop bas et manquent d'une chute d'eau nécessaire pour qu'ils puissent être drainés avec avantage, ou bien ce sont des terrains élevés,m ais d'une nature sablonneuse, ayant un sous-sol très perméable et qui, par conséquent, sont drainés par leur nature même ; je le répète, il n'y a guère d'exceptions un peu importantes à cette règle que dans les arrondissements d'Audenarde et d'Alost, et peut-être aussi dans les arrondissements de Courtrai et d'Ypres.

Je dirai un mot des examens qu'à mon avis l'honorable M. Magherman a trop préconisés. Je crois qu'il y a des draineurs diplômés qui font moins bien la besogne que ceux qui ne le sont pas. Ces diplômes peuvent très bien induire en erreur et inspirer une trop grande confiance aux propriétaires ; il ne suffit pas qu'un agent ait passé un examen et (page 538) même un examen très satisfaisant pour que les opérations qu'on lui confie soient toujours bien exécutées. Pour les travaux de ce genre, il faut surtout une surveillance très active et très suivie sur tout ce que font les ouvriers ; la moindre petite négligence peut gâter toute l'entreprise ; or, les draineurs diplômés se reposent quelquefois, quant à cette surveillance, sur leur diplôme, et alors elle laisse naturellement à désirer, en répandant les connaissances relatives au drainage parmi les cultivateurs et les propriétaires ; les examens deviennent absolument utiles, car les propriétaires et les cultivateurs sont les plus aptes à constater les capacités des agens qu'ils emploient, par cela même qu'ils y ont le plus grand intérêt.

Je crois que depuis quelque temps les examens ne sont que trop prodigués en Belgique. Comme on l'a dit encore dans cette enceïnte, à certaines époques de l'année, une partie considérable du pays est occupée à examiner l'autre ; il en résulte des pertes de temps et d'argent qu'il convient d'éviter autant que possible, parce que l'argent et le temps sont des capitaux précieux qui doivent être employés avant tout au développement de la richesse publique. Je crois pouvoir m'arrêter à ces observations pour justifier les propositions que j'ai eu l'honneur de faire.

M. de Steenhault. - J'avais demandé la parole pour demander, comme l'honorable M. de Naeyer, la radiation des mots « pour la dernière année » proposés par la section centrale. Mais après ce qui a été dit, je ne pourrais rien ajouter.

Je ne dirai plus qu'un mot du gros argument, de l'argument capital du discours de l'honorable M. Rousselle, qui, selon moi, prouve précisément le contraire de ce qu'il a voulu établir. Il argumente de l'immense progression de la fabrication des drains, de l'immense progression des terrains drainés.

Mais c'est, à mes yeux, précisément cette immense progression, tout à fait hors de proportion avec la progression du nombre des draineurs diplômés qui prouve combien sont nombreuses les terres drainées aujourd'hui par des personnes n'ayant, à coup sûr, que des connaissances fort imparfaites.

Les faits correspondent à la statistique, et tous nous avons pu juger de la grande quantité de terres drainées par des gens ne s'y entendant pas.

Et cependant le drainage n'est pas une chose aussi simple qu'on semble l'imaginer, comme s'il ne s'agissait que d'établir des drains à une certaine profondeur. Cependant le moindre écart peut rendre inutiles et même nuisibles des travaux considérables.

Je crois que si l'on ne forme pas un certain nombre de bons exemples pour faire tête à la réaction que ne manquera pas de se manifester, nous perdrons le fruit de ce que nous avons fait jusqu'ici.

Je terminerai par une seule remarque que me suggère le discours de l'honorable M. de Naeyer. Cet honorable membre demande la traduction en flamand d'un ouvrage qui a paru dans la Bibliothèque rurale, de l'ouvrage de M. Leclercq. J'ai peine à concilier cette demande, qui est parfaitement raisonnable, avec le vote qu'admis dernièrement l'honorable membre relativement à la Bibliothèque rurale. Il a voté contre le crédit pour la publication de cette Bibliothèque et voici qu'il demande la traduction en flamand d'un ouvrage qui en fait partie.

M. de T'Serclaes. - Je n'ajouterai que peu de mots à ce qu'ont dit les préopinants sur la question du drainage. L'honorable M. de Steenhault a fait valoir l'argument qui me semble capital pour maintenir le service du drainage sur le pied actuel, c'est que les travaux d'assainissement afin de produire un effet utile, doivent être pratiqués avec beaucoup de soin et une connaissance approfondie des meilleurs procédés ; si l'on suit la routine ou des méthodes imparfaites, le résultat est nul ou défectueux.

Le drainage, ne l'oublions pas, messieurs, est parmi toutes les améliorations agricoles qui ont été réalisées depuis vingt ans en Belgique, celle qui, à mes yeux, peut produire les effets les plus généraux et les plus considérables.

Vous avez fait de très grands sacrifices pour les irrigations ; plusieurs de nos collègues, beaucoup de propriétaires du pays se louent des efforts effectués par l'Etat pour faire connaître et exécuter l'opération de l'irrigation.

Vous avez alloué de forts subsides. Vous avez formé des ingénieurs en grand nombre, principalement pour cette spécialité.

Pour le drainage, qu'avez-vous fait ? Le gouvernement a pris l'initiative, il a rencontré un homme très intelligent.

Je n'ajouterai rien aux éloges qui lui ont été donnés dans cette Chambre et qu'il mérite à tous égards. Mais le gouvernement n'emploie à cet effet qu'un seul agent. Seul, M. l'ingénieur Leclercq est chargé d'enseigner sur toute la surface de la Belgique les bonnes méthodes de drainage. Est-ce là un encouragement, une initiative digne de nous, lorsque nous voyons qu'en Angleterre le parlement alloue des subsides énormes, 200 millions, pour favoriser les opérations du drainage ?

M. Rousselle, rapporteur. - A titre de prêts aux propriétaires.

M. de T'Serclaes. - Soit ; mais le chiffre démontre l'importance que l'on attache à cette amélioration !

Comment, c'est lorsque le pays peut espérer des résultats analogues à ceux que l'Angleterre a déjà obtenus, c'est lorsque toute la pratique est encore à enseigner, à faire connaître, que l'on parle de supprimer entièrement l'intervention de l'Etat ? Mais si vous laissez pratiquer le drainage par des gens inintelligents, par des entrepreneurs particuliers, abandonnés entièrement à eux-mêmes, vous n'aurez qu'un drainage défectueux, comme vous n'auriez eu que des irrigations infructueuses et plus nuisibles qu'utiles si le gouvernement n'avait pas prêché d'exemple. On connaît maintenant assez ce mode d'amélioration pour que le service des irrigations puisse être supprimé.

On dit que le drainage est aussi connu. Oui, mais il n'est pas assez connu ; dans plusieurs provinces que j'ai parcourues l'année dernière, on continue à drainer avec des fascines, et c'est là un moyen tout à fait insuffisant.

Je crois, non seulement que le service du drainage doit être maintenu tel qu'il est mentionné au budget, mais que le gouvernement ferait chose utile en chargeant les agents du service actif du drainage d'inspecter les travaux qui s'exécutent et d'éclairer les propriétaires pour qu'ils ne fassent pas des dépenses en pure perte. J'espère que la Chambre maintiendra la proposition du gouvernement dans son entier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable M. de Naeyer propose de réduire le chiffre de 1,800 fr. On vient en effet de réduire le personnel d'un agent. Je n'avais pas proposé de diminuer le crédit immédiatement, parce que je doute encore si un agent, assistant l'ingénieur en chef, étant supprimé, il ne faudra pas recourir à des agents subalternes pour faciliter à l'ingénieur en chef la tâche considérable qui lui est dévolue. Voilà pourquoi je n'ai pas pris l'initiative de la réduction. Dans tous les cas, le crédit ne sera pas complètement dépensé, si le gouvernement n'a pas besoin de recourir à des agents secondaires.

- La clôture est demandée.

M. Rousselle, rapporteur. - Je désire relever une erreur qui a été commise par M. le ministre de l'intérieur.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

M. Lelièvre. - L'énonciation proposée par la section centrale me paraît inadmissible. En effet, je ne vois aucun motif d'engager l'avenir ni de (erratum, page 550) préjuger d'avance la solution que doit recevoir la question lors du prochain budget. Il me semble plus rationnel de laisser la difficulté intacte et de nous réserver la faculté d'apprécier si l'année prochaine l'on maintiendra ou non au budget le crédit dont il s'agit. Il peut se présenter des faits nouveaux qui porteront à voter l'allocation ceux-là mêmes qui aujourd'hui la contestent.

Quant à l'allocation en discussion, je dirai que le service du drainage a déjà produit les résultats les plus avantageux. Il en est ainsi dans la province de Namur où cette invention commence aussi à être appréciée. Toutefois le drainage n'est pas encore assez développé dans le pays pour pouvoir être abandonné dans un an par le gouvernement. Il s'agit d'une invention qui n'est pas encore perfectionnée ni suffisamment comprise pour être laissée à l'industrie privée. Je ne conçois pas comment on peut, au risque de compromettre cette amélioration importante, supprimer entièrement l'intervention de l'Etat en cette matière. Ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'une invention de date récente et que la suppression du service au budget de l'Etat peut avoir pour conséquence de rendre vains et illusoires tous les sacrifices faits jusqu'à ce jour.

M. Rousselle, rapporteur. - Je ne veux pas mettre d'insistance, pour faire adopter l'amendement de la section centrale qui me paraît rencontrer dans la Chambre peu de faveur. Je crois avoir à cet égard rempli tout mon devoir avec conscience et j'espère que la Chambre me rend cette justice.

L'honorable ministre a relevé une erreur qu'il dit avoir trouvée dans les observations que j'ai présentées hier. Voici ce que j'ai dit : « Le service du drainage a été primitivement organisé sans l'assentiment préalable des Chambres. Il a été payé depuis 1849 jusqu'en 1855 sur le fonds spécial des défrichements. »

Cette remarque, messieurs, est exacte. Le ministère précédent, je ne lui en fais pas un grief, a organisé le service du drainage, sans que la Chambre en ait été préalablement avertie. Le fonds spécial des défrichements étant épuisé, le ministère a sollicité un nouveau crédit de 600,000 fr. C'est ce fait qui était échappé de ma mémoire.

La loi citée par l'honorable ministre porte :

« Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 600,000 fr. pour mesures relatives :

« a. Aux défrichements et aux irrigations, fr. 450,000

« b. Pour délivrance de la chaux, 75,000

« c. Pour drainage. 75,000. »

Evidemment dès cette époque la Chambre a donné son assentiment à l'application des fonds de l'Etat au service du drainage.

Mais ce n'est, comme je l'ai dit dans mon discours d'hier, qu'au budget de 1854 qu'on est venu demander un crédit spécial pour le drainage et c'est ainsi que l'attention de la Chambre a été plus spécialement appelée sur cet objet.

On a dit : Mais pourquoi ces mots « dernière année » ? La Chambre est toujours maîtresse de revenir sur ses votes et le budget est annal. Messieurs, cela est vrai ; mais la section centrale a voulu donner un avertissement tant au gouvernement qu'aux propriétaires qui peuvent demander l'assistance gratuite des agenls de l'Etat pour faire drainer leurs terres. La section centrale a pensé qu'il pouvait devenir nécessaire de donner cet avertissement, eu ce sens qu'il arrive quelquefois, comme c'est le cas cette année, que le budget n'est pas voté avant l'ouverture d'un nouvel exercice.

Or, alors, on ouvre un crédit provisoire et sur ce crédit provisoire (page 539) on prend des engagements pour l’exercice qui doit s’ouvrir. C’était pour éviter ces inconvénients, pour que la Chambre restât maîtresse de faire cesser le service du drainage comme elle a fait cesser le service de distribution de chaux à prix réduit, que la section centrale vous a proposé d’intercaler ces mots. C’est à la chambre à statuer.

- La discussion est close.

Les mots « pour la dernière année » sont mis aux voix ; ils ne sont pas adoptés.

Le chiffre de 9,000 fr. est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 61

« Art. 61. Mesures relatives au défrichement des terrains incultes : fr. 20,000. »

- Adopté.

Article 62

« Art. 62. Personnel enseignant, administratif, et gens de service de l'école de médecine vétérinaire et d'agriculture de l'Etat : fr. 54,800. »

Le gouvernement avait demandé 55,800 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je demande le maintien du chiffre du gouvernement. La section centrale a été amenée à proposer une réduction de mille francs parce qu'elle a supposé que le traitement du directeur de l'école vétérinaire était fixé à un chiffre trop élevé. Des renseignements ont été demandés au gouvernement sur les circonstances dans lesquelles le chiffre de ce traitement avait été établi. Le gouvernement a fait connaître ces circonstances, et je pense que la Chambre sera de l'avis du gouvernement quand elle m'aura entendu.

Messieurs, la nécessité de remplacer l'ancien directeur de l'école vétérinaire s'est fait sentir à la suite des regrettables discussions qui ont eu lieu dans le cours de l'exercice précédent sur certaines parties de la gestion de ce fonctionnaire. Ces circonstances sont connues de tout le monde, il est inutile que j'y revienne ; mais ce qui était plus fâcheux encore que les discussions elles-mêmes, c'est le retentissement qu'elles ont eu dans l'école et l'influence qu'elles ont exercée sur la discipline intérieure et sur tout ce qui concerne l'administration de cet établissement. Il était temps de porter remède à cet état de choses. M. le directeur Verheyen qui a rendu de longs et de grands services à l'école, avait fait connaître au gouvernement qu'il lui était impossible de conserver davantage la direction et qu'il priait instamment le gouvernement de pourvoir à son remplacement.

Pour apprécier, messieurs, ce qui s'est passé relativement au nouveau directeur, il faut que la Chambre sache quelle était la position du directeur précédent. Cette position n'était pas simple, elle se liait à d'autres fonctions que le titulaire occupait au ministère de la guerre. Le gouvernement a pensé que l'école vétérinaire devait nécessairement souffrir de ce cumul de fonctions. L'ancien directeur recevait une partie de son traitement sur les fonds de l'école et une autre partie sur les fonds du département de la guerre ; il touchait en tout cinq mille et quelques centaines de francs.

Il exerçait les fonctions de chef du service vétérinaire de l'armée, et sous ce rapport encore il avait certains avantages. Mais la surveillance des études à l'école vétérinaire et la surveillance de l'éducation, car il s'agit là d'un internat où il y a 70 à 80 élèves, cette double surveillance exigeait désormais de la part du directeur une assiduité beaucoup plus complète.

Il fallait trouver, pour ces fonctions, un homme qui réunît à l'autorité morale que le caractère donne, un rang scientifique suffisant pour se rendre utile dans la nouvelle position qu'il s'agissait de lui offrir. Le gouvernement a fait appel à une notabilité dans la science médicale.

La Chambre connaît parfaitement l'homme qui est actuellement à la tête de l'école vétérinaire, et je me bornerai à dire qu'il occupait dans la science une position des plus élevées, qu'il était à la tête d'une clientèle des plus considérable et que, quand il a accepté la place qui lui était offerte, le gouvernement a dû nécessairement prendre en considération les exigences des fonctions nouvelles qui allaient être conférées.

Le gouvernement a cru que le directeur de l'école vétérinaire devait avoir une position analogue à celle des professeurs aux universités.

On a fait observer que le directeur de l'école vétérinaire, indépendamment du traitement de 6,000 fr., jouit du logement. Cela est vrai ; mais le logement est une nécessité indispensable dans les obligations nouvelles imposées à ce fonctionnaire, et qui l'obligent à intervenir sans cesse, dans l'internat et à s'occuper sans relâche de la surveillance des études.

Ce que l'on a perdu de vue, messieurs, c'est que sous le rapport du travail de tous les jours, la position du directeur de l'école vétérinaire est bien autrement onéreuse que celle d'un professeur d'université. Depuis le matin jusqu'au soir il doit être continuellement attaché à ses fonctions afin que rien de ce qui concerne les études, rien de ce qui concerne l'internat ne puisse lui échapper.

Or, vous savez, messieurs, que sous ce rapport la position des professeurs d'université est infiniment moins chargée.

Quand le professeur d'université a donné 6 ou 8 heures de leçon par semaine, il est parfaitement quitte envers ses fonctions.

Du reste, messieurs, le gouvernement s'est entouré de tous les éclaircissements, nécessaires non seulement pour obtenir un homme convenable, et pour quiconque a connaissance de l'importance des fonctions dont il s'agit, il est de toute évidence que le gouvernement est resté dans les bornes d'une juste modération.

Messieurs, quand la section centrale a proposé celle réduction de mille francs, je suis persuadé qu'il n'est pas entré dans sa pensée d'intervenir dans une question de fixation de traitement, c'est là une question purement administrative.

Je sais bien que la Chambre peut, d'une manière indirecte, exercer son action en cette matière par le vote du budget ; mais la Chambre voudra bien faire état des considérations qui militent en faveur de ce que le gouvernement a fait, et elle comprendra qu'il ne serait pas équitable de vouloir le modifier, aujourd'hui que la position est acceptée et que les fonctions sont remplies à la satisfaction de tout le monde.

La Chambre ne voudra pas porter le trouble dans un régime qui commence à porter ses fruits, grâce à la fermeté déployée par le directeur pour conserver à l'école vétérinaire l'ascendant dont elle jouit dans l'enseignement en général et dans l'estime de l'Europe entière, car nos vétérinaires sont recherchés avec empressement dans plus d'une contrée.

M. de Mérode. - Messieurs, j'appuie les observations que vient de présenter M. le ministre de l'intérieur. Il me semble que les professeurs d'université qui n'ont que quelques heures d'occupation par semaine, jouissant d'un traitement de 6,000 fr., on ne peut pas faire moins pour le directeur de l'école vétérinaire, qui est obligé de rester consomment dans son établissement et de s'occuper de 60 à 80 élèves. L'importance de ces fonctions est très grande, parce que les vétérinaires formés à l'école doivent plus tard être répandus sur tout le pays, et y exerceront nécessairement une certaine influence. Si, grâce aux soins d'un bon directeur, leur éducation a été bien conduite pendant leur séjour à l'école, leur action dans le pays sera d'autant meilleure. Une réduction de 1,000 fr. sur le traitement du directeur de l'école vétérinaire constitue le cinquante-sixième d'un total de 55,800 francs et cette économie, obtenue sur le directeur, ne me semble pas désirable ; c'est pourquoi je voterai le chiffre demandé par M. le ministre de l'intérieur.

M. de Perceval. - Je désire adresser une question à M. le ministre de l'intérieur ; je lui demanderai si le directeur de l'école vétérinaire donnera des cours.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Jusqu'à présent il n'en a pas donné. C'est un point que le gouvernement a réservé ; il attend, pour charger le directeur d'un cours, que l'expérience ait démontré que cette mesure est compatible avec les exigences de la surveillance nouvelle introduite par lui, quant aux études et à l'internat.

- La discussion est close.

Le chiffre de 55,800 fr., demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Articles 63 et 64

« Art. 63. Matériel de l'école vétérinaire et d'agriculture de l'Etat ; travaux d'entretien, de réparation ei de construction ; jury vétérinaire : fr. 72,700. »

- Adopté.


« Art. 64. Subside à la société royale d'Horticulture de Bruxelles : fr. 21,000. »

- Adopté.

Chapitre XII. Voirie vicinale

Article 65

« Art. 65. Encouragements pour l'amélioralion de la voirie vicinale : fr. 490,290. »

M. le président. - La section centrale propose d'ajouter au libellé de l'article ces mots : « à distribuer entre les provinces pour être réparties par les députations permanentes des conseils provinciaux. »

MM. Vander Donckt, Boulez, Thienpont, Van Renynghe, de Naeyer et Magherman proposent de voter pour l'exercice 1855 le chiffre de 700,000 francs, tel qu'il a été établi pour l'exercice 1854.

La discussion est ouverte sur l'article 65 et les amendements.

M. Vander Donckt. - Messieurs, à l'occasion de la discussion du chapitre XII, voirie vicinale, je dois vous déclarer que pour moi tout l'intérêt du budget de l'intérieur se résume en deux chapitres, c'est celui de la voirie vicinale et celui de l'industrie. Je n'attache pas le moindre intérêt à tout le chapitre de l'agriculture. Il n'y a pas de dépenses qu'on puisse réduire avec plus de facilité que celles qui figurent au chapitre de l'agriculture.

Je déplore la tendance du gouvernement à réduire une allocation qui, dans la session dernière, a été arrêtée par un vote solennel de la Chambre ; la majorité de l'assemblée a décidé que le crédit pour la voirie vicinale serait augmenté de 200,000 francs. Eh bien, c'est en nous appuyant sur ce vote que vous avez émis dans la session dernière, que mes honorables collègues et moi, nous venons vous demander le rétablissement de ce chiffre. Je le répète, je déplore la malencontreuse tendance du gouvernement à réduire un chiffre qui est l'expression de la volonté de la majorité de la Chambre et du Sénat.

Il y a une foule d'articles sur lesquels on pouvait réaliser des économies notables, et le seul qui ne fût pas susceptible de réduction, c'est précisément celui-là sur lequel l'honorable ministre de l'intérieur a trouvé à rogner.

Le gouvernement a eu la main bien malheureuse dans ce choix.

(page 540) Du reste, ce n'est pas par une opposition systématique à l'allocation de 1854, que M. le ministre de l'intérieur à proposé de la réduire, car voici comment il s'exprime dans une note qui est jointe au budget :

« Le gouvernement reconnaît l'utilité de l'allocation. Mais obligé de renfermer les dépenses de l'Etat dans les limites les plus rigoureuses, il regrette de ne pouvoir prendre l'initiative d'une proposition qui tendrait à maintenir l'augmentation de crédit que les Chambres ont votée pour 1854. »

Ce n'était plus une initiative, ce n'était que la continuation de l'expression de la volonté manifestée de la Chambre.

De son côté, la section centrale dit dans son rapport que toutes les sections, à l'exception de la quatrième, ont demandé le rétablissement de l’allocation. Cette manifestation nouvelle pouvait-elle laisser le moindre doute à cet égard dans l’esprit du ministre ?

Il est vrai qu'en section centrale quelques honorables membres ont combattu cette augmentation, sous prétexte que les communes étaient obérées ; cette observation ne s'applique pas à toutes les communes, toutes ne se trouvent pas dans ce triste état obéré. Il est vrai, et je suis le premier à le reconnaître, qu'un grand nombre des communes des Flandres se trouves obérées, mais à qui la faute ? En grande partie à l’incurie du gouvernement ; c’est le retard apporté par le gouvernement à nous proposer la réforme de la loi sur les dépôts de mendicité, loi qui grève tous les ans d’une manière extraordinaire les budgets des communes.

J'ai eu l'honneur d'interpeller à cet égard l'honorable ministre de la justice lors de la discussion de l'adresse ; la session est déjà assez avancée, et la réponse se fait encore attendre. (Interruption.) J'apprécie les motifs qui ont pu retarder cette réponse ; cependant l'honorable ministre a déjà répondu à l'interpellation faite par l'honorable M. Verhaegen qui à eu ses apaisements ; et moi j'attends toujours la réponse de ce haut fonctionnaire à l'interpellation qui concerne les dépôts de mendicité.

Et malgré cet état obéré de leurs finances les communes font des efforts inouïs pour se relier au chemin pavé le plus voisin, et dans ce but elles sollicitent des subsides.

Messieurs, je n'hésite à dire que l'allocation pour l'encouragement de la voirie vicinale est la plus utile, la plus nécessaire et la plus opportune qui se trouve au budget. Messieurs, sous le rapport de l'utilité, je n'ai pas besoin de m'étendre longuement, l'utilité des voies de communication est démontrée clairement à vos yeux ; le gouvernement, toutes les sections comme la section centrale, toute la Chambre en un mot, sont convaincus de ce principe. Mais on dit : Nous ne pouvons pas forcer les recettes. Pourtant le réseau des chemins de fer s'établit sur une grande échelle ; toutes les localités qu'il est appelé à traverser l'ont reçu à titre gratuit du gouvernement ; il n'en est pas de même de la voirie vicinale. Ce moyen de communication, qui doit constituer des affluents au chemin de fer est une compensation aux localités qui pour longtemps encore seront privées du bénéfice du chemin de fer.

Les chemins vicinaux doivent relier les communes au chemin de fer en leur facilitant les communications avec le chemin de fer ; eh bien, cette insignifiante compensation comparée aux dépenses que nécessite un chemin de fer, on la refuse aux pauvres communes des Flandres.

Ainsi l'honorable M. de Naeyer vous disait qu'il fallait faire une carte où seraient tracées toutes les communications vicinales à faire. Ce que demande mon honorable ami a déjà eu lieu. En 1837, au sein du conseil provincial de la Flandre orientale on a produit un relevé de toutes les communes rurales qui n'étaient pas rattachées à une route pavée, et eela par ordre du gouvernement ; il en existe encore un très grand nombre.

Si le gouvernement avait tant soit peu de sollicitude pour ces pauvres communes, il prendrait une mesure générale. L'urgence en est démontrée sous bien de rapports. Je ne m'étendrai pas sur la misère qui règne dans les Flandres, elle est grande, mais je dirai que les ouvriers valides viennent demander du travail et qu'on n'en a pas à leur donner.

Le meilleur moyen de venir à leur secours, c'est de les faire travailler pour se procurer des moyens d’existence. Quant au troisième point, la nécessité de procurer des communications faciles aux populations, je dirai que le gouvernement qui s’ingénie à faire baisser le prix des céréales sur les marchés, est en contradiction avec lui-même s'il perpétue l'impraticabilité de nos chemins pendant plusieurs mois de l’année, car il empêche par là le cultivateur qui a battu son grain de l'amener au marché ; il le force à le garder dans son grenier.

Je connais des fermiers qui ne peuvent pas sortir de leur ferme avec un chariot vide attelé de 4 chevaux.

Remarquez de plus que ce n'est pas un pur cadeau que le gouvernement fait aux communes quand il leur accorde un encouragement pour la voirie vicinale, tandis que les chemins de fer sont des dons gratuits que reçoivent les localités qu'ils desservent ; en matière de chemins vicinaux, on fait contribuer les communes pour un tiers au moins dans la dépense ; quelquefois elles n'obtiennent du gouvernement et de la province que le sixième des frais de construction.

Mais du moins c'est un simulacre de justice distributive, eu égard aux chemins de fer.

Je dis donc que c'est réellement nn moyen de donner du travail à la classe ouvrière indigente dans nos communes ; c'est une compensation pour indemniser les localités privées de chemin de fer et d’autres moyens de communication ; en troisième lieu c'est un moyen de faire baisser le prix des céréales dans le cours de la saison morte.

Un autre motif, c'est de faciliter l'exécution de la loi sur l'enseignement primaire.

Concevez-vous qu'on fasse une loi qui ordonne aux enfants des pauvres de se rendre à l'école placée au centre de la commune quand vous ne leur donnez pas les moyens de communication qui leur permettent de s'y rendre ? Dans une foule de nos communes il est impossible, pendant la plus grande partie de la saison rigoureuse, que les enfants se rendent à l'école. Les grandes personnes parviennent encore à se rendre où les appellent leurs affaires, mais les enfants ne le peuvent pas, ayant à parcourir des chemins où ils s'exposent à des malheurs et à y rester enfoncés.

J'ai, messieurs, maintenant à vous rappeler rapidement un discours prononcé par M. le ministre dans la séance du 9 décembre 1852.

Voici les paroles de l'honorable ministre, je crois que, conséquent avec lui-même, il ne les répudiera pas aujourd'hui :

« Je crois que c'est le moment de présenter à la Chambre quelques observations sur la situation de la voirie vicinale, dont les besoins sont tels, qu'il est fort difficile d'y satisfaire dans l'état actuel des crédits.

« Maintenant je donnerai à la Chambre quelques explications sur le crédit en lui-même, sur l'état où se trouvent un grand nombre de travaux commencés et qui restent dans un état complet d'inachèvement.

« Le crédit de 492,000 francs est depuis quelque temps reconnu insuffisant pour encourager les travaux de voirie jugés même les plus urgents ; tous les rapports venus des provinces s'accordent sur ce point, et il est devenu impossible de pourvoir aux nécessités le mieux constatées.

« Ce sont des faits que je pourrais établir par des documents irrécusables. »

M. le ministre qui a ces documents irrécusables qui témoignent de l'état défectueux de nos chemins, ne se refusera pas aujourd'hui de réunir ses efforts aux nôtres pour tâcher de les améliorer dans une mesure raisonnable.

« Mais il y a aussi les travaux entrepris, au moyen de crédits extraordinaires, que vous ne devez pas perdre de vue. Dans toutes les provinces, des routes nouvelles sont en cours d'exécution ; elles ont été commencées sous l'empire de circonstances tout à fait exceptionnelles.

« Ainsi, dans les Flandres, dans le Brabant et dans d'autres provinces, on a ordonné l'ouverture de nouveaux chemins pour donner du travail aux populations ouvrières, pour alléger des maux très grands que vous connaissez tous.

« Pour achever tous ces travaux en aidant les provinces par des subsides, il faudrait obtenir un crédit extraordinaire d'à peu près un million. J'ai sous les yeux l'état des travaux commencés dans les Flandres, dans le Brabant, dans les provinces d'Anvers, de Hainaut et de Limbourg. Il en résulte qu'un grand nombre de chemins en voie de construction ont dû être abandonnés par suite de l'impossibilité où l'on est d'y affecter des subsides.

« C'est là une valeur improductive dont personne ne peut, par conséquent, retirer le moindre fruit.

« Il me semble, messieurs, qu'en bonne administration, il serait convenable de s'occuper un peu de cet arriéré, et de se demander s'il ne serait pas possible, par un effort nouveau, extraordinaire, d’arriver à compléter ce qu'on a commencé dans des vues très utiles, mais ce qui ne produirait absolument rien, si vous laissiez ces chemins dans, l'état d’inachèvement où ils se trouvent. Or, il résulte, comme je viens de le dire, du relevé que j'ai fait faire, qu'il faudrait, pour arriver avec des subsides proportionnes à l'importance des sacrifices que les communes et les provinces s'imposent, obtenir un crédit extraordinaire d'un million, avec lequel on viendrait au secours de ces provinces et de ces communes et avec lequel aussi on donnerait des secours extraordinaires à d'autres provinces pour commencer de nouveaux chemins vicinaux et les mettre sous ce rapport sur un pied d'égalité avec les provinces où des travaux plus considérables ont été entrepris.

« Je ne sais jusqu'à quel point vous goûterez une observation de cette nature, jusqu'à quel point elle pourra se convertir en proportion formelle qui nous mènerait à obtenir, pour cette année, un crédit extraordinaire d'un million. Quoi qu'il en soit, il était de mon devoir d’appeler votre attention sur la situation où se trouvent plusieurs de nos provinces.

« Sous ce rapport, le gouvernement ne peut qu'applaudir à la pensée qui a inspiré les auteurs des amendements présentés. Je crois qu’en présence de la faveur méritée que rencontre dans cette enceinte tout ce qui se rattache aux chemins vicinaux, il est inutile d'insister sur la (page 541) nécessité de donner au gouvernement des moyens nouveaux d'influer sur la construction de chemins vicinaux.

« Il ne vous échappera pas, messieurs, que ces chemins vicinaux non seulement exercent la plus grande influence sur la prospérité de notre agriculture, mais peuvent augmenter d'une manière considérable les produits que nous attendons de l'exploitation du chemin de fer. Tout ce qui sert d'affluents à la grande communication du chemin de fer, affluents qui résultent des chemins vicinaux que nous construisons aujourd'hui, peut être considéré comme une source de produits nouveaux qui augmenteront d'autant les ressources de l'Etat.

« J'ai cru devoir vous présenter ces considérations pour que vous examiniez s'il ne serait pas utile de donner au gouvernement quelques moyens nouveaux de venir en aide à la voirie vicinale. »

Eh bien, je vous le demande, après un discours semblable, après un témoignage de si bonne volonté de la part du ministre, et alors qu'en dessus de cela, la Chambre a manifesté la volonté d'augmenter l'allocation de 200,000 francs, comment il se fait que le même ministre qui, en 1852, nous disait ces paroles, vienne aujourd'hui proposer de supprimer l'allocation arrêtée par la Chambre en 1851 ?

Je sais parfaitement que l'honorable ministre des finances est venu nous dire : Oh ! c'est vrai, la voirie vicinale a toutes mes sympathies. Mais la situation du trésor, sans être alarmante, est telle, que nous ne pouvons faire de nouvelles dépenses.

Pour 1853, la Chambre appréciant ce motif que donnait l'honorable ministre des finances, ne vota pas, pour cet exercice, une augmentation de subside. Mais qu'arriva-t-il ? Avant la fin de la session, une dépense de plus de 500,000 francs fut proposée pour l'achèvement du monument du Congrès et du monument de la Reine. Que fit-on ? La Chambre, au dernier jour que nous étions réunis, n'examina plus si le trésor était à sec, si sa situation était précaire. Passant outre à toutes ces considérations, elle vota le subside. N'est-ce pas là une preuve qu'il n'y avait pas chez le gouvernement tout le bon vouloir de venir au secours de la voirie vicinale et de l'agriculture ?

Je sais bien que les 500,000 fr. dont je viens de parler furent échelonnés sur plusieurs exercices. Mais nous ne demandons pas autre chose. Nous demandons que ce qui a été voté par la Chambre reste à notre budget ; et après un laps de cinq exercices, le million sera employé de la manière la plus utile.

Je déplore cette tendance qu'a le gouvernement à retirer ce qu'il y a de plus utile au budget, à proposer des dépenses futiles, facultatives et de luxe, tandis que l'on fait des économies sur ce qu'il y a de plus utile, de plus nécessaire, de plus urgent et de plus juste.

J'ose espérer qu'en présence de cet historique de l'affaire de la voirie vicinale, des besoins urgents qui se font sentir dans les communes de nos provinces, vous voterez, non pas une augmentation pour l'exercice 1855, mais le maintien de l'allocation de 700,000 fr, telle qu'elle a été votée pour l'exercice 1854, comme nous avons l'honneur de le proposer à la Chambre.

M. Van Renynghe. - Messieurs, un des objets qui méritent le plus d'attirer l'attention de la Chambre et du gouvernement, est, sans contredit, la voirie vicinale. Et cependant l'on semble vouloir paralyser l'impulsion qui est donnée dans son intérêt par les provinces et les communes, en ne lui accordant pas les subsides suffisants qu'elle a le droit de réclamer à juste titre.

En effet, quels avantages ne doit-on pas attendre des améliorations de cette voirie ? N'est ce pas par elles qu'on augmente la production du sol et les ressources du trésor, qu'on facilite les relations entre les communes, qu'on favorise toutes les industries, qu'on accélère les relations pur correspondance en rendant praticables les chemins de grande communication que doivent parcourir les facteurs de la poste rurale auxquels nous attachons un si grand intérêt ?

Malgré tous les avantages qui doivent résulter nécessairement du bon état de la voirie viciuale, le gouvernement a cru devoir retrancher du budget de 1855 la majoration de 200,000 francs, qui, en 1854, avait été votée, pour cet objet, parl a législature.

La suppression de ce subside diminuera-t-elle le chiffre des dépenses ? Au contraire, le département de l'intérieur propose de l'augmenter de 114,572 francs.

Ainsi donc on s'ingénie à majorer différentes allocations, et la plus indispensable, la plus fructueuse sous tous les rapports, on l'amoindrit, nonobstant le dernier vote décisif de la grande majorité de la Chambre, relatif à cet objet.

On trouve constamment des ressources en faveur d'objets secondaires dont l'opportunité et même la nécessité peuvent être bien souvent contestées, tandis que l'on ajourne ceux dont l'utilité et l'urgence sont évidentes et qui imposent d'impérieux devoirs au gouvernement.

On allègue, pour combattre la majoration du crédit dont il s'agit, que cette augmentation ne pourrait profiter aux communes qu'autant qu'elles subiraient de nouveaux sacrifices qu'elles ne pourraient supporter. Que cela ne nous embarrasse pas ! Les communs savent bien ce qu'elles font quand elles s'efforcent de se placer au niveau d'autres communes plus favorisées sous le rapport de la facilité des communications, et elles savent aussi que, indépendamment des avantages considérables attachés à l'amélioration de la voirie vicinale, les circonstances malheureuses où nous nous trouvons commandent, plus que jamais, de procurer du travail aux populations rurales.

D'ailleurs il y a des provinces et des communes qui se sont imposé de grands sacrifices pour la construction de nouvelles routes vicinales reconnues comme grandes voies de communication et qui, à défaut de subsides de la part du gouvernement, n'ont pas encore reçu un commencement d'exécution. Celles-là aussi devront-elles rester en souffrance ? Indubitablement oui, si l'on n'accorde pas la majoration demandée.

Je me permettrai de vous faire observer en finissant que chez nous comme en Angleterre, c'est par les agriculteurs que l'agriculture a fait ses nombreux progrès et que c'est aussi par eux que de nouveaux progrès se réaliseront. Il faut donc qu'on les encourage sérieusement en leur procurant une bonne voirie vicinale, qu'ils réclament avant tout.

Pour ces motifs j'espère, messieurs, que, conséquents à votre vote de l'année dernière, vous accueillerez d'une manière favorable l'amendement que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

M. de Portemont. - Messieurs, de toutes les allocations portées au budget de l'intérieur en faveur de l'agriculture, celle qui nous occupe en ce moment est sans contredit la plus utile et la plus efficace. La Chambre en est tellement convaincue qu'elle a augmenté l'anné e dernière de 200,000 francs le crédit pour l'amélioration de la voirie vicinale. En bonne logique, cette augmentation si bien justifiée devrait être maintenue ; les réductions que la situation du trésor exige pourraient se faire sur des articles beaucoup moins importants et d'une utilité douteuse. Le gouvernement n'en a pas jugé ainsi ; tout en maintenant des dépenses de cette dernière catégorie, il a réduit à 500,000 francs la somme destinée à l'amélioration des chemins vicinaux.

Dans cet état de choses, mes honorables collègues MM. Vander Donckt, Boulez, Thienpont, Van Renynghe, de Naeyer et Magherman ont présenté un amendement tendant à rétablir pour l'exercice 1855 le chiffre voté pour l'exercice 185t.

Je viens, messieurs, l'appuyer de toutes mes forces. Il y a encore en Belgique un grand nombre de chemins impraticables pendant plusieurs mois de l'année.

L'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte en possède où l'on peut à peine passer en plein été. Après le discours de l'honorable M. Vander Donckt, je crois inutile d'ajouter qu'en hiver, le mauvais état de ces chemins empêche bien souvent l'approvisionnement des marchés voisins. Cependant les habitants de ces contrées déshéritées par le trésor public ne payent pas moins d'impôts que les Belges qui jouissent des meilleures voies de communication.

Il serait juste, messieurs, de leur fournir le moyen de sortir enfin de l'isolement dans lequel ils se trouvent.

Nos cultivateurs ne demandent ni écoles d'agriculture, ni distribution de graines, ni aucune de ces petites faveurs qui figurent au budget de l'intérieur pour une somme assez ronde ; ce qu'ils réclament avec instance ce sont des chemins praticables en toute saison : qu'on fasse droit à cette légitime exigence et ils se résigneront volontiers à la suppression de tous ces prétendus encouragements, qui, comme l'a dit mon honorable ami M. de Naeyer, leur sont portés en compte et dont ils ne profitent guère.

J'aime à croire que la Chambre guidée par les motifs qui l'ont déterminée l'an dernier à voter 700,000 francs pour l'amélioration de la voirie vicinale, maintiendra ce chiffre au budget de 1855 : elle se montrera ainsi conséquente avec elle-même et donnera un véritable encouragement à l'industrie la plus importante du pays.

D'ailleurs l'augmentation du chiffre de l'exercice 1854 a sans nul doute engagé quelques administrations communales à entreprendre des travaux d'amélioration à la voirie vicinale. Parmi les projets formés à cette époque bien peu ont pu déjà se réaliser ; plusieurs ont dû être ajournés ou répartis sur divers exercices. Il est probable que les communes dont les projets n'ont pas encore été mis à exécution ont épuisé toutes leurs ressources et même contracté des engagements afin de pouvoir contribuer pour leur quote-part dans les dépenses à faire.

Ne serait-il pas regrettable de rendre ces sacrifices inutiles, et de décourager nos bons campagnards en supprimant l'augmentation de subside qu'ils devaient considérer comme acquise au budget en discussion ? J'abandonne, messieurs, avec confiance la solution de cette question à vos lumières et à votre impartialité.

M. Lelièvre. - J'appuie la résolution de la section centrale qui propose de faire répartir les subsides concernant la voirie vicinale par les députations permanentes, après que le gouvernement aurait déterminé la part de chaque province. En effet, les députations sont plus à même d'arrêter une répartition équitable, et d'un autre côté, leurs actes sont soumis au contrôle des conseils provinciaux qui peuvent faire redresser les erreurs commises au préjudice des communes.

A cette occasion, je dois faire observer au gouvernement que la province de Namur a toujours été oubliée dans la répartition des subsides et que sous les différents (erratum, page 550) ministères qui se sont succédé, elle a été constamment traitée peu favorablement. J'espère que le ministère actuel se montrera plus juste à notre égard.

Du reste, en ce qui me concerne, j'appuie l'augmentation du crédit destiné à l'amélioration de la voirie vicinale, convaincu que les ressources de l'Etat ne peuvent recevoir une meilleure destination.

M. Coomans. - Je ne ferai pas à la Chambre l'injure de prononcer un long discours sur la voirie vicinale. Deux mots suffisent.

De tous les encouragements offerts à l'agriculture, le plus juste, le plus efficace, le plus nécessaire, le plus urgent, c'est le crédit pour la voirie vicinale.

(page 542) Si l'on introduisait dans le budget les économies que j'ai en vue, si l'on ménageait les contribuables, si l’on ne faisait pas figurer au chapitre « Agriculture » une foule de dépenses insignifiantes et peu utiles, je n'hésiterais peut-être pas sur l'adoption de l'amendement que mes honorables amis ont présenté. Mais dans l'état actuel des choses je dois insister avec énergie, parce que je n'admets point que toutes les sommes portées au budget soient plus utiles, que ne peut l'être l'allocation du crédit sollicité pour la voirie vicinale. Cependant je ferais cet aveu, c'est-à-dire que je reconnaîtrais que toutes les dépenses que nous nous imposons pour l'agriculture, pour l'industrie et pour une foule d'autres choses, sont plus utiles que les crédits pour la voirie vicinale, si je consentais à la réduction proposée par l'honorable ministre.

Un dernier mot, l'honorable ministre de l'intérieur a présenté tout à l'heure comme une raison décisive de voter le crédit nécessaire au service du drainage, l'opinion du conseil supérieur d'agriculture. Si cette raison est décisive, et j'avoue qu'elle a une très grande valeur à mes yeux, l'honorable ministre devra consentir à l'augmentation proposée, attendu que le conseil supérieur d'agriculture, comme toutes les personnes qui ont quelques connaissances agricoles, a déclaré que la dépense pour l'amélioration de la voirie vicinale est la plus utile que l'Etat puisse faire.

Je suis favorable à ce genre de dépense parce qu'elle profite à tout le monde, même au trésor, et parce qu'elle n'oblige pas le gouvernement à entretenir de nombreux fonctionnaires, à se mettre en relation avec des individus.

Rien n'empêche que les provinces ne se chargent de la répartition. Les impôts étant prélevés sur tous les citoyens, il faut que tous profitent ou aient la faculté de profiter des dépenses que nous décrétons.

M. de La Coste. - Messieurs, l'utilité que l'amélioration des chemins vicinaux présente pour l'agriculture est si généralement sentie, qu'il est inutile de s'étendre sur ce point. Ce qu'on aperçoit peut-être moins clairement, moins généralement, c'est l'utilité qu'y trouve le pays tout entier, la partie industrielle du pays aussi bien que la partie agricole. En effet, messieurs, les chemins vicinaux d'une part servent à distribuer dans toute l’étendue du pays les produits des houillères, les produits de l'industrie des villes, et d'un autre côté ils servent à amener vers les villes les objets dont elles ont un indispensable besoin.

Je crois donc, messieurs, qu'il est impossible que l'Etat emploie des fonds à un objet plus généralement utile.

Une seule difficulté, une seule objection pourrait me faire hésiter devant le crédit proposé ou devant l'augmentation de ce crédit : c'est le mode de répartition qui est suivi. J'ai entendu tout à l'heure un honorable député de la province de Namur se plaindre aussi de la répartition, mais j'avoue que ce n'est point de ce côté que j'aurais attendu des réclamations ; car autant que je sache, il n'y a d'autre mode de répartition, il n'y a pas d'autre base que de partager également le crédit entre toutes les provinces ; du moins c'est ce qui a été pratiqué très longtemps.

Lorsqu'il y avait une déviation à ce principe pendant une ou deux années, nous avons vu par un tableau officiel que le ministère, sur une certaine période de temps, corrigeait cette déviation et revenait toujours à établir une parfaite égalité ; en sorte que si vous votiez un million, vous voteriez moins un million au profit de la voirie vicinale, que le neuvième d'un million au profit de chaque province ; que cette province ait des besoins plus ou moins nombreux, qu'elle contribue plus ou moins aux fonds qui doivent servir à pourvoir à ses besoins, la répartition consiste toujours à arriver à une égalité parfaite.

C'est au moins ce qui a été établi par les tableaux qui ont été produits à la Chambre sous le ministère précédent.

Depuis ce temps l'honorable ministre actuel a promis de s'occuper de cette question et d'examiner en particulier si les augmentations votées par la Chambre ne pourraient pas être réparties d'une manière plus équitable.

Mais je crois qu'il est arrivé ce qui arrive souvent et qui forme une espèce de symbole administratif ; c'est à-dire qu'après avoir bien examiné, on a reconnu que tout était pour le mieux et qu'il n'y avait rien à changer.

Du moins je ne pense pas que la Chambre ait eu communication d'aucun nouveau principe, d'aucun nouveau système adopté par le gouvernement.

Messieurs, ce partage égal, lorsqu'il ne s'agissait que d'une somme assez faible, lors même qu'on l'étend à une somme plus considérable, je ne m'y opposerais pas. Il y a là un certain principe de fraternité ; il y a là un secours accordé aux provinces les moins riches. Je ne m'y opposerais pas, dis-je, dans une certaine mesure. Mais comme règle infranchissable, comme principe auquel tout vient aboutir, je dis que c'est un mode de découragement pour la voirie vicinale. En effet, messieurs, plus ce système sera connu des provinces, des arrondissements, des communes, plus on verra qu'après tous les sacrifices que l'on fait n'ont aucune influence sur le subside qu'on obtient par province, et qu'en fin de compte la répartition sera toujours la même.

Il arrivera bien une année que le ministère jugeant les sacrifices insuffisants, rognera un peu le crédit ; mais l'année d'ensuite ou deux ans après, mais certainement dans un laps de dix ans au plus, la province aura toujours sa part du gâteau.

Tel est le système qui a été non seulement suivi, mais officiellement déclaré et soutenu, et l'on ne nous a pas fait connaître qu'il ait été le moins du monde modifié.

Eh bien, je le répète, j'accepterais ce système dans une certaine mesure. Mais je dis qu'on devrait au moins avoir aussi égard aux sacrifices.

L'honorable M. Vander Donckt vient de nous dire que dans sa province les communes obtiennent à peine un sixième de la dépense en subside. Cependant, c'est une des provinces qui contribuent le plus aux besoins de l'Etat. Et pourquoi dans cette province les communes obtiennent-elles si peu ? Probablement, parce que les besoins y sont fort grands.

Dans d'autres provinces, il est arrivé qu'une commune qui se trouvait à la limite n'obtenait, comme subside, qu'une faible portion de la dépense, tandis qu'une commune limitrophe, mais située au-delà de cette limite, recevait quelquefois les deux tiers.

Et cependant ces deux communes étaient dans des conditions absolument les mêmes ; elles étaient seulement séparées par une démarcation politique. Qu'est-ce que c'est, en effet, que la démarcation des provinces ? C'est une démarcation politique ou administrative. Cela n'a rien de commun avec les besoins de la voirie vicinale ni avec aucun des éléments qui devraient entrer en considération.

Je reconnais qu'il y a là une question difficile.

Chacun de nous, il faut le dire franchement, s'il avait à examiner le principe qu'il faut adopter, serait fortement tenté d'en faire l'application à la province et de voir si elle y perdrait ou y gagnerait. Cependant le ministère est placé dans une autre position.

Le ministère peut dominer tous ces intérêts, qui peuvent, à notre insu, agir sur notre jugement ; il pourrait chercher un système de conciliation et d'équité ; mais il y a un principe qui, selon moi, ne pourrai donner lieu à aucune difficulté ; ce serait de faire entrer en ligne de compte, je ne dis pas pour le tout, mais dans une certaine mesure, la quotité des sacrifices dans la répartition des secours entre les provinces.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est ce qui se fait.

M. de La Coste. - Si cela se fait, ce n'est pas depuis longtemps. Le tableau qui a été imprimé par les soins de l'honorable M. Rogier et qui a été soumis à la Chambre le prouve. Il prouve que le ministère prenait à tâche d établir l'égalité, si ce n'était année par année, au moins en moyenne, dans un certain laps de temps. Ce tableau a été joint, je pense, à l'exposé des motifs du budget de l'intérieur. Je ne me rappelle pas à quelle date ; mais cela a eu lieu dans les dernières années du ministère précédent, et depuis lors nous n'avons pas appris qu'on ait adopté un système différend.

Si un système nouveau a été adopté, je serai charmé, pour ma part, et la Chambre sera probablement charmée aussi de savoir sur quelle base on opère : j'en fais, quant à moi, la demande formelle.

Ces observations, messieurs, ne m'empêcheront pas de voter le crédit et même peut-être le supplément qui est demandé, car je regarde ce crédit comme un des plus utiles qui puissent se trouver au budget. D'ailleurs il y aurait, s'il était réduit, un grand mécompte pour les communes qui ont dû supposer que le gouvernement aurait à sa disposition en 1855 les mêmes fonds que l'année dernière.

- La séance est levée à 4 heures et demie.