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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 avril 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 975) M. Calmeyn procède à l’appel nominal à 2 heures un quart.

M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Calmeyn présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Les sieurs Darras et Bavay prient la Chambre d'interpeller le gouvernement sur l'inexécution de la loi relative à l'érection de la colonne du Congrès. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des négociants en cendres de foyer, à Louvain, demandent la construction d'une mesure légale pour le commerce des cendres. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les poids et mesures.


« Le sieur Pierre-Ferdinand Capésius, sergent-major au régiment des grenadiers, né à Gaesdorff (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur François Schmitz, sous-officier au corps des ouvriers militaires à l'arsenal d'Anvers, né à Trêves (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.

Projet de loi concernant les poids et mesures

Discussion des articles

Article 12

« Art. 12. La vériticaiion des étalons de troisième rang, dont se servent les vérificateurs des poids et mesures, a lieu, chaque année, à Bruxelles, en présence d'une commission nommée par le ministre de l'intérieur.

« Des mesures d'un mètre et d'un kilogramme, conformes à ceux mentionnés à l’article 2 ci-dessus, sont conservées à cet effet, comme étalons de deuxième rang, au département de l'intérieur. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, je propose d'apporter à l'article 12 un très léger changement de rédaction que je demande à la Chambre la permission de justifier en quelques mots.

Il est dit : « La vérification des étalons de troisième rang se fera chaque année à Bruxelles. » Cette vérification à date si rapprochée est nécessaire dans l’état actuel des choses, parce que ces étalons servent ordinairement aux travaux des vérificateurs et qu'ils sont ainsi très sujets à s'user par une continuelle manipulation. Sous l'administration hollandaise il y avait, à côté des étalons officiels, ce qu'on appelait des contre-étalons, des étalons absolument de la même forme, mais qui servaient exclusivement aux opérations habituelles de la vérification. Les étalons officiels étaient conservés intacts et comme moyens de contrôle.

Si la Chambre entrait dans ces vues, et je crois qu'elles sont sages, au point de vue de l’administration, il faudrait par un arrêté réglementaire ordonner aux vérificateurs d'avoir, à côté de leurs étalons officiels, qu'ils conservent intacts, des contre-étalons pour les travaux de la vérification. Dans ce cas, il n'y aurait plus de motif pour soumettre les étalons officiels à une vérification annuelle.

Je proposerai donc de substituer aux mots ; « chaque année », ceux-ci : « tous les deux ans. »

- L'article 12 est adopté avec le changement proposé par M. le ministre de l'intérieur.

Article 13

« Art. 13. Tous les dix ans, au moins, ces étalons de deuxième ordre sont vérifiés et confrontés avec les étalons prototypes.

« Cette opération se fait par une commission nommée par le Roi, et en présence du président du Sénat, du président de la Chambre des représentants et du ministre de l'intérieur. »

M. le président. - La section centrale adopte l'article.

M. Lebeau. - Messieurs, je dois faire observer que parmi les personnes en présence desquelles se fera l'opération, se trouvent des titulaires de fonctions qui ne sont pas permanentes, je veux parler des présidents des deux Chambres législatives.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - J'entends faire autour de moi une observation très juste qui donnera sans doute à l'honorable député de Huy de complets apaisements. L'opération dont il s'agit pourra se faire pendant les sessions législatives, alors que les deux présidents sont à Bruxelles.

- L'article 13 est mis aux voix et adopté.

Article 14

« Art. 14. Les commis des accises, spécialement commissionnés à cet effet, constatent, concurremment avec les officiers de police judiciaire, les infractions à la loi et aux règlements sur les poids et mesures.

« L’inspecteur des vérificateurs et vérificateurs adjoints ont qualité pour constater les mêmes infractions.

« Les vérificateurs et vérificateurs adjoints prêtent serment devant le président du tribunal de première instance de leur ressort.

« L'inspecteur prête serment entre les mains du président de la cour d'appel de Bruxelles.

« Une expédition de l'acte de serment sera envoyée au greffe des autres cours, et enregistrée sans frais. »

M. le président. - La section centrale propose trois modifications à cet article ; elle demande la suppression du mot « inspecteur » dans le deuxième paragraphe, elle supprime également le dernier paragraphe du projet ; elle propose un paragraphe nouveau final qui est ainsi conçu ;

« Leurs procès-verbaux font foi en justice jusqu'à preuve du contraire. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je me rallie aux amendements de la section centrale, sous la réserve que si la Chambre admet les fonctions d'inspecteur, on maintiendra le mot « inspecteur » dans le deuxième paragraphe ; ja fais la même réserve pour le dernier paragraphe qui devra être maintenu dans la même hypothèse.

M. Allard. - Messieurs, aux termes de l'article 14, les commis des accises sont chargés de constater les contraventions à la loi. Je comprends que les employés puissent se présenter dans les établissements où l'on se sert de poids et mesures, et s'assurer à l'instant même que ces poids et mesures portent la marque annuelle. Je demanderàî à M. le ministre de l'intérieur comment ils constateront si les futailles contiennent réellement la contenance indiquée. Je suppose que les employés des accises rencontrent des futailles remplies de bière ou d'huile, ou de petits tonnelets contenant du savon liquide ; auront-ils le droit d'arrêter la voiture pour jauger ces futailles ?

Par l'adoption de l'article 9, on a mis une catégorie de citoyens en dehors de la loi. Les contribuables qui se servent de poids et mesures les portent annuellement dans les bureaux des vérificateurs des poids et mesures ; le travail se fait par les agents de l'Etat, sans aucuns frais.

Quant aux futailles, ce sont les propriétaires qui devront faire les opérations, ils devront constater la contenance indiquée sur leurs tonneaux et apposer leur marque.

J'estime que la dépense pour chaque futaille sera de 50 centimes. C'est une contribution énorme qui vient frapper une classe de négociants, quand les autres sont exempts des frais qu'engendre annuellement la vérification des poids et mesures.

Ces frais sont énormes pour certains fabricants Il y a une espèce de savon, le savon liquide qu'on renferme dans des tonnelets, je connais une fabrique qui expédie tous les ans plus de 50 mille de ces tonnelets. Voyez à quelle dépense énorme les fabricants de savon vont être astreints.

Au reste cette disposition est votée ; je demanderai que la loi dise comment les employés devront opérer quand ils penseront que des futailles ne sont pas de la contenance indiquée ?

M. Moreau, rapporteur. - Les employés des accises, aux termes de l'article 14, sont charges de constater les contraventions à la loi. Or aux termes de l'article 18, ceux-ci seuls sont en contravention qui emploient des mesures ou récipients non revêtus des marques prescrites par la loi.

Ainsi la mission des employés sera uniquement de vérifier et de constater si les futailles soumises à leur inspection portent les marques prescrites. Il y a contravention si elles ne portent pas les indications prescrites par la loi. Ces marques seront un moyen pour l'acheteur de contrôler la contenance indiquée sur le tonneau.

M. Rodenbach. - Messieurs, l'exécution de l'article 9 qui a passé hier, pendant qu'une indisposition m'avait éloigné de la Chambre, ne sera pas possible en ce qui concerne les tonneaux.

Mais d'après ce que vient de dire l'honorable député de Tournai on ne peut pas revenir sur cet article. Je vais cependant dire quelques mots de cette disposition.

Quand on fait confectionner des tonneaux, presque toujours on les fait d'une contenance d'un hectolitre et demi.

Mais pour qu'ils conservent cette capacité, on les fait d'une contenance de 154 à 155 litres, parce que quand on en a fait usage pendaut une année et que la bière en a été tirée, on met ces tonneaux sur le grenier ; quand, après les avoir fait réparer pour les employer, on les jauge de nouveau, on trouve que la capacité, qui était de 154 ou 155 litres, n'est plus de 150. J'en appelle à M. Allard qui doit être à même de le savoir. Ce que j'avance ici est une vérité. Comment alors exécuterez-vous la loi ? Ce sera fort difficile. Si les employés sont d'une grande sévérité, et ils le seront, car ils sont stimulés par la part qu'on leur alloue dans les amendes prononcées sur leurs procès-verbaux, ce sera une espèce de droits réunis.

Je regrette, je le répète, que cette disposition ait été adoptée, et il serait vivement à désirer que l'on pût prévenir les inconvénients auxquels elle donnera lieu dans la pratique.

L'industrie de la fabrication de la bière est une des plus importantes du pays ; elle met en circulation des valeurs pour plus de 80 millions ; et il importe, par conséquent, de ne pas lui susciter des embarras (page 976) comme ceux que cette disposition ne manquera pat de lui occasionner.

Je sais bien que l'intention du gouvernement est de procurer aux consommateurs un moyen de contrôle, un moyen de s'assurer si on les trompe ; mais je ne crois pas à l'efficacité de la mesure qu'il propose pour arriver à ce résultat.

Ainsi, le particulier verra bien, par la marque apposée sur le tonneau, la quantité de liquide qu'il devra contenir ; mais si l'industriel n'est pas honnête homme, il ne remplira pas complètement le tonneau, et de cette manière il pourra tromper le consommateur, nonobstant la marque apposée sur le tonneau ; car je ne pense pas que les particuliers puissent se livrer eux-mêmes à la vérification de la marchandise qu'ils reçoivent des fabricants de bière.

Je pense donc que cette disposition sera d'une exécution impossible, et qu'elle donnera lieu à l'arbitraire autant qu'autrefois les droits réunis.

M. Coomans. - L'honorable M. Allard a soulevé une difficulté réelle sur laquelle je reviens parce que l’honorable M. Moreau, rapporteur de la section centrale, ne me semble pas l'avoir convenablement résolue.

Lors du transport des futailles pleines, comment, demande M. Allard, les agents du gouvernement en constateront-ils la contenance ? Auront-ils le droit de les vider ?

M. Moreau, rapporteur. - Non.

M. Coomans. - Non, répond M. le rapporteur de la section centrale ; et, a-t-il ajouté tout à l'heure, les agents se borneront à constater si les récipients sont marqués ou ne le sont pas.

Mais, messieurs, cette réponse vraiment ne me semble pas sérieuse ; l'important n'est pas d'avoir des marques sur des poids et des mesures mais d'avoir des poids et des mesures exacts. Par conséquent, il importe, si vous vous placez au point de vue de l'intérêt des consommateurs, de punir les fausses indications de poids et de mesures.

Et, en effet, messieurs, d'après l'explication donnée par M. le rapporteur de la section centrale, voici l'étrange résultat que vous obtiendriez ; un honnête industriel oublie de faire marquer sa mesure, il est mis à l'amende ; un autre appose une marque fausse sur les poids ou les mesures dont il se sert et il est considéré comme étant parfaitement en règle. C'est là une anomalie des plus choquantes et qui condamne évidemment le système d'où elle découle.

Puisque j'ai la parole, je ferai remarquer qu'au paragraphe final de la rédaction proposée par la section centrale, il faudrait « les procès-verbaux », au lieu de « leurs procès-verbaux ».

M. Vermeire. - Je crois que l'on verse ici dans une erreur complète. L'article 9, qui a été voté à la séance d'hier, dit seulement que les tonneaux devront porter la marque du vendeur et la contenance ; et que lindication de cette contenance et cette marque devront être apposées par les soins du vendeur et sous sa responsabilité ; c'est-à-dire que le vendeur ne devra pas se rendre chez le vérificateur pour faire apposer la marque ; il pourra jauger lui-même ses tonneaux et les faire marquer.

Eh bien, je crois que l'exécution de cette disposition sera très facile dans la pratique.

Ainsi pour les liquides d'une plus haute valeur que la bière, cela se pratique tous les jours.

Les futailles contenant des huiles sont marquées, elles portent le nom du fabricant et la contenance du fût. Il en est de même des genièvres. Pourquoi cela ne pourrait-il pas se faire pour les bières ? Sans doute il y aura une certaine tolérance nécessitée par le rétrécissement des douves ; mais c'est là une mesure qui peut s'exécuter facilement.

Dans les Flandres, le nom du fabricant se trouve déjà sur les tonneaux, il ne s agira donc plus que d'y ajouter l'indication de la contenauce. Tout cela est de la plus grande facilité. Aussi l'article du gouvernement n'a donné lieu dans la section centrale à aucune observation.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, il me semble qu'on s'exagère les inconvénients que pourrait entraîner l'exécution de l'article, actuellement eu discussion. On pense que les tonneaux seront bouillis à la vérification, c'est une erreur. Les futailles ne sont pas, à proprement parler, une mesure, ce sont des récipients ; mais pour prévenir les fraudes, la loi exige que ces récipients aient une capacité déterminée, sous la responsabilité de celui qui s'en sert. Ce n'est pas uue mesure légale, et le vérificateur n'intervient en rien dans l'apposition de la marque ; elle se fait par les soins du vendeur, et, je le répète, sous sa responsabilité. Cette responsabilité est réelle et efficace.

L'honorable M. Coomans dit : A quoi bon d'indiquer telle ou telle contenance sur un tonneau ; cette indication de la contenance peut n'être pas exacte, et, puisqu'on ne peut pas vérifier cette exactitude, il n’y a aucune garantie. Mais si l'indication de la contenance n'est pas exacte, on est faussaire, on est voleur, on est passible des peines comminées par ces cas pour le Code pénal.

Il n'y a ici aucune espèce d'arbitraire, aucune intervention tracassière de l’administration des poids et mesures ; les employés n'ont absolument rien à faire que de vérifier si la marque existe. Et remarquez, messieurs, que la loi ne s'applique pas aux tonneaux qui servent à l'usage des particuliers., elle ne concerne que les tonneaux dont on se sert dans le commerce.

M. Sinave. - Messieurs, le ministre vient pour ainsi dire de rendre inutiles les observations que je voulais présenter. Cependant, ce qu'a dit l'honorable M. Allard est exact ; quand on fait un tonneau neuf, il doit être plus grand, parce qu'il se rétrécit par la suite ; mais, messieurs, quand nous avions des hectolitres en bois, ils devenaient trop grands ou trop petits par les simples variations de l'atmosphère ; eh bien, quand ils étaient trop grands on y plaçait un talon en bois, et quand ils étaient trop petits, on enlevait ce talon. La même chose peut se pratiquer pour les tonneaux.

Mais d'après ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur cette opération sera même inutile, puisque les tonneaux ne devront pas avoir une contenance fixe.

M. Allard. - M. le ministre de l'intérieur et l'honorable rapporteur ont dit que les employés auront uniquement à constater si la marque se trouve sur le tonneau. Mais alors je demanderai ce que signifie l'article 21 qui porte ;

« Les futailles portant des indications fausses, quant à leur contenance, seront assimilées aux fausses mesures. »

Il faudra donc que les employés vérifient la contenance pour voir si la futaille contient une indication fausse.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je crois que l'art. 21 pourrait s'expliquer en ce sens, que la constatation d'indications fausses, en ce qui concerne la contenance, serait la suite d'une plainte déposée par la personne lésée. (Interruption.)

Je ne vois pas que l'article 21 emporte nécessairement que les employés auront à vérifier la contenance. Du reste, il y aurait peut-être quelque modification à apporter à la rédaction de cet article, pour faire disparaître toute équivoque. J'avoue, au premier abord, qu'il ne me semble pas suffisamment clair.

M. Vandenpeereboom. - L'honorable M. Allard a demandé qui constatera qu'une futaille ne contient pas le nombre de litres indiqués. Il me semble, messieurs, que ce seront les officiers de police chargés de constater toutes les contraventions. Il est évident que si quelqu'un indique sur une futaille une contenance fausse, cela constitue une espèce de vol qui devra être constatée par ses agents et poursuivie, soit d'office, soit sur la plainte de la personne lésée.

M. Coomans. - Je ferai une observation qui doit aggraver encore le doute loyal, exprimé par l'honorable ministre de l'intérieur ; c'est qu'il serait très dangereux d'admettre en justice des futailles qui ne se trouveraient plus dans la possession du vendeur. Il pourrait arriver qu'un acheteur déloyal falsifiât la mesure. Tout négociant ou industriel se trouverait ainsi dans une situation très difficile. Si la simple présentation d'une mesure fausse devait suffire pour faire condamner l'industriel dont elle porte le nom, cela pourrait entraîner de très fàcheuses conséquences.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je désire, messieurs, faire une observation relativement à ce que disait tout à l'heure l'honorable M. Coomans en ce qui concerne les mots « leurs procès-verbaux » L'honorable membre a demandé qu'on dise : « les procès-verbaux. » Je crois qu'il est convenable de conserver le mot « leurs ».

En réalité, messieurs, la dernière disposition de l'article 14 ne peut s'appliquer qu'aux vérificateurs adjoints et aux vérificateurs à titre principal. Il n'était pas nécessaire, en ce qui concerne les agents dont parle le paragraphe premier, de dire que leurs procès-verbaux feront foi jusqu'à preuve contraire, car il s'agit là des commis des accises et des officiers de police judiciaire, qui sont déjà investis de cette prérogative. Les commis des accises en sont investis en vertu de la loi organique, les officiers de police judiciaire en vertu du Code d'instruction crimiuellle.

On ne pouriait donc pas, sans faire double emploi, dire de ces agents que leurs procès-verbaux feront foi jusqu'à preuve contraire. Mais il faut le dire des vérificateurs et des vérificateurs adjoints, parce ce que ce sont, en quelque sorte, des agents nouveaux auxquels, jusqu'ici, aucune loi n'attribue le droit de faire des procès-verbaux qui soient crus en justice jusqu'à preuve contraire.

Je crois donc, messieurs, que le mot « leurs » doit être maintenu.

Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour soumettre à la Chambre une observation concernant la nomenclature des agents auxquels on accorde le droit de constater les contraventions.

Le premier paragraphe de l'article 14 parle des commis des accises, des officiers de police judiciaire et, plus bas, des vérificateurs et vérificateurs adjoints ; mais il est une autre classe d'agents qui sont appelée plus souvent encore que ceux-là à constater les contraventions ; ce sont les employés de l'enregistrement. En effet, l'article 3 défend l'emploi, dans les actes publics, de dénominations autres que celles qui sont prescrites par la loi. Or ce sont les employés de l'enregistrement qui sont le plus souvent appelés à constater les contraventions que ces actes peuvent contenir.

Il me paraît donc qu'il serait utile d'énoncer dans la loi nouvelle que les contraventions seront constatées par les commis des accises, préposés à cet effet, concurremment avec les employés de l'enregistrement et autres officiers de police judiciaire. Je crois que cette modification rendrait la disposition beaucoup plus complète.

M. Van Overloop. - Messieurs, je ne partage pas l'opinion exprimée par M. le ministre de la justice sur l'observation que l'honorable M. Coomans a présentée. L'honorable membre propose de substituer le mot « les » au mot « leurs » dans le dernier paragraphe qui serait alors ainsi conçu ; « les procès-verbaux font foi en justice jusqu'à preuve du contraire. » D'après cette rédaction il s'agirait des procès-verbaux des commis des accises qui font l'objet du premier paragraphe, tout comme (page 977) de ceux des vérificateurs et vérificateurs adjoints dont on parle dans les deux paragraphes suivants. « Il est inutile, dit M. le ministre de la justice, d'appliquer le dernier paragraphe au premier paragraphe, c'est-à-dire aux commis des accises, parce que déjà, d'après la loi existante, les commis des accises ont le droit de dresser des procès-verbaux. »

Mais je ferai remarquer à M. le ministre de la justice que si on rédigeait le dernier paragraphe conformément à l'observation faite par l'honorable M. Coomans, les mots « les procès-verbaux » s'appliqueraient également aux vérificateurs et aux vérificateurs adjoints ; de cette manière le but qu'on a eu en vue, je veux parler de la faculté qu'on a voulu accorder aux vérificateurs et aux vérificateurs adjoints de dresser des procès-verbaux ; de cette manière, dis-je, le but sera atteint ; d'un autre côté, la loi, dans sa rédaction, sera plus claire.

En effet, nous voulons faire une loi complète sur les poids et mesures ; eh bien, s'il en est ainsi, pourquoi ne pas permettre aux contribuables ou, pour parler plus exactement, aux justiciables de comprendre, à la première lecture, la loi telle qu'elle est. Tous les justiciables ne savent pas que les commis des accises ont le droit, d'après la législation existante, de dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

Or, en maintenant le mot « leurs » au lieu de « les », quelques-uns pourraient croire que ce ne sont que les procès-verbaux des vérificateurs et des vérificateurs adjoints qui font foi en justice jusqu'à preuve du contraire, tandis que les procès-verbaux des autres emplovés se trouvent sur la même ligne.

J'appuie donc l'amendement de M. Coomans, qui est, du reste, conforme à une observation qu'hier j'ai faite moi-même à l'honorable rapporteur, en appelant son attention sur le vague de la rédaction de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, bien qu'il soit inutile, ainsi que l'a prouvé M. le ministre de la justice, de dire que les procès-verbaux font foi en justice jusqu'à preuve du contraire pour les employés des accises et les officicrs de police, je ne vois aucun inconvénient à me rallier à l'observation présentée par les honorables MM. Coomans et Van Overloop. Ainsi je ne m'oppose pas à ce qu'on mette « les procès-verbaux » au lieu de « leurs procès-verbaux ». IL y aura surabondance de clarté, et ici aussi l'abondance ne nuit pas.

Messieurs, permettez-moi de revenir sur la question qui a été soulevée par l'honorable M. Allard, relatif aux futailles. L'article 21, qui semblait faire naître un doute, doit être entendu ainsi que je l'avais expliqué la première fois. L'exposé des motifs, que je viens de relire, confirme pleinement ma manière de voir.

Voici ce que j'y lis, en ce qui concerne l'article 21 :

« Les futailles portant des indications fausses quant à leur contenance, seront assimilées aux fausses mesures ; cette disposition de l'article 21 est nécessaire, puisque les indications dont il s'agit devront être apposées par les soins du vendeur et sous sa responsabilité ; elle a pour but de prévenir la fraude qui pourrait se commettre par des indications inexactes, et elle consacre implicitement, pour tout intéressé, le droit de contrôler la capacité des vaisseaux dans lesquels les matières vendues lui seront livrées. »

Ainsi, c'est de la part de l'intéressé seul qu'il y aura contrôle. C'est dans ce sens qu'à la première vue j'avais cru devoir interpréter l'article 21.

- La discussion est close sur l'article 14.

Là proposition de M. le ministre de la justice, tendant à insérer dans le premier paragraphe les mots : « les employés de l'enregistrement » et entre les mots « concurremment avec » et ceux-ci : « les officiers de police judiciaire », est mise aux voix et adoptée.

M. Coomans a proposé au dernier paragraphe de dire ; « les procès-verbaux » au lieu de « leurs procès-verbaux ».

Cet amendement est également adopté.

L'ensemble de l'article 14 est mis aux voix et adopté.

Article 15

« Art. 15. Les assujettis sont tenus de se prêter aux visites des fonctionnaires, agents ou employés dénommés à l'article qui précède. »

M. le président. - La section centrale propose un deuxième paragraphe ainsi conçu :

« Toutefois ceux-ci ne peuvent pénétrer dans les lieux fermés sans l'assistance d'un officier de police judiciaire. »

Le gouvernement se rallie-t-il à l'amendement de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Le gouvernement se rallie à l'esprit qui a dicté cet amendement, mais il ne peut se rallier à la forme sous laquelle cette pensée a été exprimée.

Nous voulons tous que la vérification des poids et mesures ne devienne pas, directement ou indirectement, une occasion de violer le domicile des citoyens. Le domicile est inviolable de par la Constitution ; il faut donc que sous prétexte, de rechercher les contraventions en matière de poids et mesures, un principe si essentiel, si sacré, ne puisse courir le moindre danger d'être violé ; mais je crois que le terme « fermés » dont se sert la section centrale va au-delà du but.

Ce n'est pas la fermeture matérielle qu'il faut envisager ici ; si les agents ne peuvent pénétrer dans des lieux fermés dans le sens rigoureux de l'expression, ils ne pourront jamais s'introduire même dans les magasins et les boutiques, qui, en hiver surtout, sont presque toujours fermés.

Il faut voir si les lieux ou doivent pouvoir pénétrer les personnes appelées à constater les contraventions à la loi sur les poids et mesures, sont des lieux accessibles au public. Il ne peut être question pour ces agents de se glisser dans l'intérieur même du domicile des citoyens, ni d'aller les surprendre dans le foyer de la famille ; mais il faut que tous les lieux publics, où se font les transactions, qu'ils soient momentanément fermés, oui ou non, puissent être accessibles aux agents sans assistance d'un officier de police.

Voilà la pensée que nous avons à exprimer, car telle est aussi, au fond, la pensée des honorables membres de la section centrale. Je propose donc de substituer à la rédaction de la section centrale le paragraphe suivant ;

« Toutefois ceux-ci ne peuvent pénétrer, sans l'assistance d'un officier de police judiciaire, que dans les lieux qui sont accessibles au public. »

Les magasins, les boutiques sont fermés pendant l'hiver, l'été il y a des vitrines ; en réalité il y a fermeture matérielle, mais ce sont des lieux ou peuvent pénétrer les agents chargés de constater les contraventions ; on ne peut pas prétendre qu'il y ait là violation du domicile des citoyens.

M. Allard. - Il est bien entendu que les agents de l'administration ne pourront pénétrer dans les lieux accessibles au public, pour constater des contraventions que pendant le jour, c'est-à-dire entre le lever et le coucher du soleil.

M. de Perceval. - Je demande le renvoi à la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il y a des règles de droit commun qui seront appliquées.

M. de Perceval. - Je demande le renvoi de cet amendement à la section centrale ; elle pourra le comprendre dans l'examen d'autres amendements auquel elle se livre en ce moment et qui lui ont été également adressés dans ce but

Il s'agit ici d'une prescription constitutionnelle, de l'inviolabilité du domicile des citoyens que nous devons maintenir intacte, Quand une question aussi grave est en jeu, une mûre délibération est nécessaire ; elle est même indispensable dans l'occurrence actuelle, car nous voyons déjà présenter trois rédactions différentes pour exprimer la même idée.

J'insiste donc pour le renvoi de l'amendement de M. le ministre à la section centrale ; elle l'examinera, elle en pèsera les termes, enfin elle nous présentera une rédaction telle que le dissentiment qui s'est produit dans cette séance ne soit plus possible. Il me semble que l'honorable ministre de l'intérieur ne peut avoir aucun motif sérieux pour s'opposer à ma proposition.

Encore une fois, messieurs, ne perdons pas de vue que la question soulevée touche à un grand principe constitutionnel ; l'inviolabilité du domicile des citoyens.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il y aura un second vote ; cependant comme il s'agit ici d'une question très grave, d'une question constitutionnelle, je ne m'oppose pas au renvoi.

- Le renvoi est ordonné.

Article 16

« Art. 16. Le produit des amendes prononcées en matière de poids et mesures sera partagé, par moitié, entre les employés verbalisants et l'Etat. Toutefois, lorsqu'il s'agira de contraventions constatées par l'inspecteur, les vérificateurs et vérificateurs adjoints, le produit des amendes sera en totalité versé dans les caisses du trésor. »

M. le président. - La section centrale propose la suppression du mot : « L'inspecteur ».

Cette question est réservée comme pour l'article 14.

M. Van Overloop. - L'article 16 porte : Le produit des amendes prononcées, en matière de poids et mesures, sera partagé par moitié entre les employés verbalisants et l'Etat ; on excepté les vérificateurs et vérificateurs adjoints.

J'appelle l'attention de la Chambre sur l'amendement introduit à l'article 14 sur la proposition de M. le ministre de la justice. Est-ce que les employés de l'enregistrement auront droit à une part des amendes ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Non !

M. Van Overloop. - Dans ce cas il faut les mettre sur la même ligne que les vérificateurs et les vérificateurs adjoints, je propose de dire après ces derniers mots : « ainsi que pour les employés de l'enregistrement ».

- L'amendement de M. Van Overloop est mis aux voix et adopté.

L'article 16 ainsi amendé est également adopté.

Article 17

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Pour la section relative aux pénalités, il vaut mieux mettre en discussion les propositions de la section centrale auxquelles je me rallie.

« Art. 17. Seront punis :

« A. D'une amende de 15 à 25 francs :

« 1° Ceux qui posséderont de faux poids, de fausses mesures ou de faux instruments de pesage, et ce sans préjudice des peines correctionnelles établies par le Code pénal, contre ceux qui auraient fait emploi de ces faux instruments de pesage ou de mesurage.

« 2° Ceux qui se seront refusés ou opposés à la visite des agents investis du droit de rechercher les infractions en matière de poids et mesures.

(page 978) « B. D'une amende de 10 à 20 francs :

« Ceux qui posséderont ou qui emploieront des poids et mesures prohibées par l'article 4 de la présente loi.

« C. D'une amende de 5 à 15 francs :

« 1° Ceux qui posséderont ou qui emploieront des poids, mesures, futailles, instruments de pesage non revêtus des marques prescrites ;

« 2° Les contrevenants à l'article 3 de la présente loi.

« L'amende sera perçue pour chaque acte ou écriture sous signature privée ; quant aux registres de commerce, ils ne donneront lieu qu'à une seule amende pour chaque contestation dans laquelle ils seront produits. »

M. Coomans. - Je crois que nous ne pouvons pas discuter l'article 17 avant d'avoir voté sur l'article 3, attendu que l’article 17 n’est que la conséquence de l'article 3 et que la discussion de celui-ci a été suspendue. Je me réserve de prendre ensuite la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je ne pense pas qu'il faille, pour ce motif, suspendre la discussion sur fout l'article en discussion ; il suffirait de surseoir à la discussion du n°2° du littera C, qui, seul, se réfère à l'article 3.

M. Coomans. - Soit ; je n'y vois pas d'inconvénient.

M. Sinave. - L'article en discussion renferme tout un système de pénalités, et ces pénalités sont assez sévères. La loi doit être exécutée sévèrement, à cet égard, tout le monde est d'accord ; mais je crois qu'on n'atteindra pas tous les coupables ; il y a d'une certaine catégorie qui échapperont à ces pénalités.

Ainsi, messieurs, quelle peine appliquerez-vous à un haut fonctionnaire qui, dans le moment même où nous discutons cette loi, vient déposer sur le bureau de la Chambre un acte signé par lui, dans lequel il emploie une dénomination prohibée.

Prenez, en effet, le projet de loi tendant à allouer des crédits supplémentaires au département des travaux publics et vous trouverez à l'article 24 le mot « pieds ».

Il me semble que les ministres doivent surtout prêcher d'exemple ; ce n'est qu'à cette condition qu'il est possible d'assurer l’exécution générale de la loi.

Je sais fort bien que M. le ministre des travaux publics n’est pas le véritable coupable du fait que je viens de signaler ; mais j'ai cru utile de faire cette observation pour que des faits de cette nature ne se reproduisent plus.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il y a beaucoup à dire pour et contre l'abaissement des pénalités en matière de poids et mesures Si vous voulez obtenir l'exécution rigoureuse de la loi nouvelle, il faut maintenir dans toute leur rigueur les pénalités qui ont été depuis longtemps appliquées ; mais, d'autre part, si l'on croit qu'en cette matière il faut procéder par ménagement envers l'opinion publique, et je suis assez de cet avis, je crois qu'il ne faut pas hésiter à admettre un certain abaissement dans ces pénalités.

Aussi, en général, me suis-je rallié aux propositions de la section centrale.

Cependant, au littera A, il s'agit d'une contravention tellement importante, me semble-t-il, qu'il faut maintenir ici le minimum indiqué d'abord par le gouvernement.

Le littera A s'applique à ceux qui possèdent ou qui employent de faux poids, et, en second lieu, à ceux qui s'opposent à la visite des agents du gouvernement. Eh bien, dans ces deux cas, il y a évidemment intention malveillante, il y a intention de tromper le public, d'user de fraude, et, par conséquent, il faut employer des mesures d'une certaine rigueur contre ceux qui contreviendront à cette disposition de la loi.

C'est pour ce motif que je proposerai d'élever le minimum de 15 à 20 francs et d'établir la pénalilé de 20 à 25 francs au lieu de 15 à 25 francs.

Pour les autres catégories, je me rallie aux propositions de aà section centrale.

M. Moreau, rapporteur. - Dans son système, la section centrale a voulu laisser quelque latitude au juge, afin de lui permettre de tenir compte aux délinquants des circonstances particulières qui peuvent militer en leur faveur. Cette latitude était de 10 francs pour chaque contravention. Cependant comme le fait de posséder de faux poids est assez grave, je ne pense pas devoir m'opposer à la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.

L'article 17 ainsi modifié est mis aux voix et adopté, avec la réserve du n°2 du paragraphe C.

Articles 18 et 19

« Art. 19, devenu art. 18. La peine d'emprisonnement de 1 à 7 jours pourra, selon les circonstances, être prononcée contre les contrevenants, dans les cas prévus par le littera A de l'article précédent. »

- Adopté.


« Art. 19 (nouveau). En condamnant à l'amende le juge ordonnera qu'à défaut de payement, elle soit remplacée par un emprisonnement de simple police, qui ne pourra excéder le terme de sept jours et que, dans tous les cas, le condamné peut faire cesser en payant l'amende. »

- Adopté.

Article 20

« Art. 20. Seront, de plus, saisis, confisqués et brisés, les instruments mentionnés dans l'article qui précède, ainsi que les poids et mesures tombant sous l'application de l'article 4.

« Seront simplement saisis, et restitués après jugement, les instruments qui ne présenteraient d'autre irrégularité que d'être dépourvus des empreintes de la vérification ; il en sera de même des futailles qui ne porteraient, pas les indications prescrites. »

M. de Muelenaere. - Il y aura un léger changement de rédaction à apporter à cet article. Il y est dit :« Seront, de plus, saisis, confisqués et brisés, les instruments mentionnés dans l'article qui précède. »

Je crois que c'est l'article 17 qui parle des faux poids et des fausses mesures. Il a été adopté entre cet article et celui dont nous nous occupons des articles intermédiaires.

M. Moreau, rapporteur. - L'observation de l'honorable M. de Muelenaere est juste. Je propose de rédiger l'article de la manière suivante ; « Seront, de plus, saisis, confisqués et brisés les instruments mentionnés au littera A, n°l°, de l'article 17. »

Il n'y a que les instruments faux et les poids faux qui soient saisis, confisqués et brisés.

- L'article, modifié comme le propose M. le rapporteur, est adopté.

Article 21

« Art. 21. Les futailles portant des indications fausses quant à leur contenance, seront assimilées aux fausses mesures. »

M. le président. - Je crois qu'en suite d'observations de M. le ministre de l'intérieur, cet article doit être réservé.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - J'avais d'abord éprouvé quelque doute relativement au sens à donner à cet article 21. Depuis lors, j'ai eu l'honneur de donner lecture d'une partie de l'exposé des motifs qui donne une explication très claire et très catégorique de l'article 21. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de modifier les termes de l'article 21.

M. Allard. - Il est bien entendu que les employés ne pourront vérifier le jaugeage.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est entendu.

- L'article est adopté.

Article 23

« Art. 23. Des arrêtés royaux règlent la forme et la composition des poids et des mesures, et déterminent les conditions que doivent remplir ces instruments, de même que les instruments de pesage.

« Le service de la vérification et celui de la surveillance en matière de poids et mesures, le mode de constater les contraventions, ainsi que toutes les dispositions nécessaires pour assurer l'application régulière et complète de la loi, font aussi l'objet d'arrêtés royaux. »

M. le président. - La section centrale propose la rédaction suivante :

Des arrêtés royaux régleront la forme et la composition des poids et des mesures, et détermineront les conditions que doivent remplir ces instruments, de même que les instruments de pesage.

« Le service de la vérificaiion et celui de la surveillance en matière de poids et mesures, le mode de constater les contraventions, ainsi que toutes les dispositions nécessaires pour l'application régulière et complète de la loi, feront aussi l'objet d'arrêtés royaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale.

- L'article, rédigé comme le propose la section centrale, est adopté.

Article 24

« Art. 24. Les tribunaux de simple police connaîtront de toutes les contraventions à la présente loi et aux arrêtés pris pour son exécution. »

M. Van Overloop. - Je désire avoir une explication de M. le ministre de l'intérieur ou de l'honorable rapporteur de la section centrale, sur la portée de cet article.

Je comprends parfaitement cet article en ce qui concerne les arrêtés royaux, pris en vertu du paragraphe premier de l'article 22 ; mais je ne le comprends pas en ce qui concerne les arrêtés pris en vertu du paragraphe 2 de cet article 22, Je ne comprends pas pourquoi il faudrait punir les contraventions à ces derniers arrêtés par des peines telles que celles qui sont comminées par le littera C de l'article 17.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je crois que si l’honorable député de Saint-Nicolas veut y réfléchir, il devra convenir qu'il peut y avoir aussi des commentions, avant un caractère assez sérieux, aux arrêtés royaux nécessaires pour assurer l'exécution régulière et complète de la loi. Si ces règlements n'ont pas de sanction, ils ne seront pas observés, et la loi deviendra une lettre morte. D'ailleurs, les pénalités qui sont comminées ont si peu d'importance que je ne crois pas qu'il y ait le moindre inconvénient à redouter sous ce rapport.

M. Van Overloop. - Messieurs, plusieurs dispositions ont été renvoyées à la section centrale ; le gouvernement s'opposerait-il à ce que celle-ci le fût également ? Je n'aime pas à voter des pénalités quand je ne vois pas clairement quel est le but qu'on veut atteindre. Ici je suis tout à fait dans le vague. Je comprends parfaitement que lorsqu'un arrêté royal aura déterminé les conditions que doivent réunir les poids et mesures et les instruments de pesage, on punisse les contraventions à cet arrêté, mais je ne comprends pas également bien que nous votions d'avance des pénalités contre les contraventions à un arrêté royal qui aura déterminé toutes les dispositions nécessaires pour assurer l'application régulière et complète de la loi. Cela peut aller excessivement loin.

J'entends dire que les pénalités ne sont pas fortes, mais cela est relatif ; une amende de 15 francs, par exemple, est peu de chose pour une (page 979) forte maison de commerce, mais c'est considérable pour un petit détaillant. Or, les petits détaillants sont en immense majorité.


M. de Baillet-Latour (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'honorable comte de Renesse doit faire un rapport sur le budget des dotations ; il serait donc urgent de discuter le budget de la Chambre.

- Plusieurs membres. - A mardi.

M. de Baillet-Latour. - Je demanderai que ce soit mardi à l'ouverture de la séance.

- Cette proposition est adoptée.

Article 23

M. le président. - M. Van Overloop a demandé le renvoi de l'article 23 à la section centrale.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, ordinairement on ne renvoie à la section centrale que des amendements ; ici on ne pourrait renvoyer que l'article du projet du gouvernement ou plutôt les observations de M. Van Overloop, ce qui serait contraire aux précédents. Je conviens qu'il peut y avoir dans ces observations quelque chose de fondé, et en pareille matière il est bon de réfléchir. Je demande donc qu'on réserve l'article jusqu'au second vote.

M. Coomans. - Le devoir de la Chambre est de voter deux fois le même article ; si on ajourne l'article 23 jusqu'au second vote, nous violons inutilement le règlement de la Chambre.

Je trouverais plus régulier que l'observation de M. Van Overloop, qui est, à mon sens, très fondée, fut formulée dans un amendement même provisoire.

M. Van Overloop. - Je proposerai de dire : « Les contraventions aux arrêtés pris en vertu du paragraphe premier de l'article 22 qui précède, seront punies, etc. »

M. Pierre. - Je ne partage pas la manière de voir de l'honorable M. Coornans sur les inconvénients qu'il y aurait à adopter la proposition de M. Vandenpeereboom ; il y a une foule d'exemples d'articles qui ont été ajournés jusqu'au second vote, et qui ont été ensuite définitivement adoptés en une seule séance.

M. le président. - M. Van Overloop a présenté un amendement, cela lève toute difficulté.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire, il faut que toutes les dispositions qui seront prises pour assurer l'exécution de la loi aient une sanction. Il faut bien supposer que le gouvernement ne prendra que des mesures réglementaires tont à fait nécessaires à l'exécution de la loi.

M. de Theux. - Messieurs, l'observation faite par l'honorable M. Van Overloop me paraît fondée et je crois que nous ferons bien d'adopter provisoirement son amendement, sauf à la section centrale de présenter une autre rédaction. Il est évident que toutes les dispositions des arrêtés royaux pris en vertu de la loi, qui s'adressent au public, doivent avoir une sanction ; mais les objets dont il s'agit dans le paragraphe 2 ne concernent que les employés ; là il peut y avoir des peines disciplinaires, mais il ne peut pas y avoir d'amende. Je pense que la distinction établie par M. Van Overloop est très juste ; mais il est possible que sa rédaction soit incomplète. Le moyen le plus propre à arriver à une bonne rédaction, ce serait de renvoyer l'article à la commission avec l'amendement.

- Cette proposition est adoptée.

Article 24

« Art. 24. Les tribunaux de simple police connaîtront de toutes les contraventions à la présente loi et aux arrêtés pris pour son exécution. »

- Adopté.

Article 25

« Art. 25. Les dispositions législatives antérieures, contraires à la présente loi, sont abrogées. »

M. le président. - La section centrale propose de supprimer cet article.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je me rallie à cette suppression.

- L'article 25 est supprimé.

Article 5

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, la discussion de l'article 5 a été réservée, à ma demande. Cet article est ainsi conçu :

« Art. 5. Les dispositions sur le système décimal des poids et mesures seront applicables aux poids médicinaux immédiatement après la publication de la nouvelle pharmacopée. »

Je disais hier qu'il m'était arrivé un peu tardivement, il est vrai, une réclamation à laquelle il importe, selon moi, d'avoir égard.

Les médecins et les pharmaciens ne pourront pas immédiatement se conformer au nouveau système, d'abord à cause des habitudes prises, ensuite parce que les poids médicinaux, tels qu'ils devront être construits d'après le système médical, ne seront pas immédiatement prêts Il faut donc n'appliquer la loi aux médecins et aux pharmaciens qu'après un délai à déterminer.

Eh France, et c'est le seul précédent que je suis à même d'invoquer ici, on a donné trois années de tolérance pour passer de l'usage des dénominations anciennes à celui du système décimal ; la loi française relative aux poids médicinaux, a été votée en 1837 et n'a été obligatoire qu'en 1840 pour les médecins et les pharmaciens. L'Académie de Paris avait, en 1839, formulé les vœux du corps médical en ce sens :

« 1° A partir du 1er janvier 1840, les ordonnances des médecins seront formulées selon le système décimal des poids et mesures.

« 2° Par tolérance, des médecins peuvent écrire leurs ordonnances d'après l'ancien système et laisser aux pharmaciens le soin de les réduire aux valeurs décimales.

« 3° Tous les professeurs de médecine et de pharmacie du royaume ne doivent employer dans leur enseignement d'autres formules de poids et mesures que celles du nouveau système décimal. »

Laissant à l'écart cette dernière question, la question de l'enseignement médical qui peut se résoudre par voie de dispositions réglementaires, il ne faut s'attacher ici qu'à l'emploi du système décimal par les médecins et les pharmaciens. Pour laisser pendant quelque temps une certaine tolérance qui est reconnue nécessaire par tout le monde dans l'intérêt même de la santé publique et pour prévenir les graves inconvénients qui pourraient résulter de l'application trop brusque du nouveau système de poids médicinaux, il y a lieu d'introduire dans l'article 5 une exception que je propose de rédiger en ces termes ;

« Toutefois, pendant deux ans, à partir de cette publication (la publication de la nouvelle pharmacopie) les médecins pourront continuer à se servir des dénominations anciennes, et, dans ce cas, les pharmaciens sont tenus d'inscrire sur l'ordonnance la conversion des anciennes dénominations en dénominations nouvelles. »

En France on a fait la même chose ; le gouvernement avait fait dresser un tableau de réduction des dénominations anciennes dans leurs rapports avec les dénominations nouvelles. La même chose pourrait se pratiquer en Belgique.

Je propose de laisser durer ce régime de tolérance pendant deux ans après la publication de la nouvelle pharmacopée. Le texte latin de la nouvelle pharmacopée est déjà imprimé ; le texte français est déjà imprimé aux deux tiers, de sorte que probablement d'ici à quelques mois la nouvelle pharmacopée pourra voir le jour.

Le délai de deux ans que je propose n'est donc pas trop long, mais il me paraît d'autre part suffisant pour permettre aux médecins et aux pharmaciens de se familiariser avec le système nouveau de poids médicinaux.

- L'article 5, avec l'amendement de M. le ministre de l'intérieur, est renvoyé à la section centrale.

Articles (à définir)

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, comme la section centrale doit délibérer sur divers amendements, je me permets de lui soumettre quelques observations dont la pensée première se retrouve d'ailleurs dans le discours que l'honorable M. Lelièvre a prononcé dans une des dernières séances.

J'ai l'honneur d'appeler l'attention de la section centrale sur la question de savoir si les dispositions de la loi du 1er juin 1849, relativement aux circonstances atténuantes, seront applicables aux contraventions prévues par la loi que nous discutons. Je ne le crois pas ; je ne pense pas non plus que ce soit l'intention de personne dans cette enceinte ; je tiens pour nécessaire de maintenir les pénalités minima telles que la loi en discussion les établira.

Cependant, la loi du 1er mai 1849 est la loi générale ; elle statue en principe que les juges de paix, chaque fois qu'ils connaîtront, comme juges de police, des contraventions aux lois sur les poids et mesures, pourront appliquer le système des circonstances atténuantes et baisser l'amende jusqu'au taux le plus extrême de simple police qui est un franc.

Je pense qu'il serait prudent de dire dans la loi que nous discutons, que cette disposition de la loi du 1er mai 1849 n'est pas applicable aux contraventions dont il est question. Cela préviendrait des difficultés dans l'avenir.

Remarquez que la loi de 1849 est la loi de principe ; il est évident que si on ne dit pas le contraire daus la loi spéciale, celle-ci restera soumise à toutes les conséquences de la loi organique.

Une autre observation a été faite par l'honorable M. Lelièvre ; je la crois également fondée ; c'est le silence gardé par la loi nouvelle sur la durée de la contrainte par corps. Il me paraît utile, nécessaire même, que la loi s'explique sur ce point.

La contrainte par corps, d'après le Code pénal, est fixée à 15 jours pour le payement des frais dans le cas prévu par l'article 464 ; depuis lors, les Chambres ont adopté le projet de révision du titre premier du Code pénal, qui n'a pas été promulgué jusqu'ici ; or, par une disposition de l'article 58, on a considérablement abaissé la durée de cette contrainte par corps ; elle a été fixée à 7 jours, quand les frais n'excèdent pas 25 francs ; cette disposition n'est pas encore en vigueur.

Mais déjà dans le nouveau Code forestier (article 153), on a appliqué ce principe ; on a fixé la durée de cette contrainte à 7 jours ; je crois donc qu'il est utile de reproduire dans la loi nouvelle une disposition analogue à celle de l'article 153 du Code forestier.

Si on ne reproduit pas cette disposition dans la loi nouvelle, il résultera de là que les insolvables condamnés pour une contravention à la loi dont il s'agit, peuvent être retenus durant 15 jours eu prison.

(page 980) Ce qui leur ferait un sort dont les lois nouvelles plus douces ont voulu les préserver,

M. Moreau, rapporteur. - Les observations que vient de présenter M. le ministre de la justice n'ont pas été perdues de vue par la section centrale, mais elle a considéré qu'en matière de simple police, les frais sont extrêmement minimes et ils ne sont en général que de 25 c. pour la notification faite par le greffier au receveur d'enregistrement. On fait comparaître les contrevenants par citations qui ne coûtent rien étant notifiées par les agents de la force publique. Y eût-il même citation par huissier, celle-ci ne coûte qu'un franc. En matière de poids et mesures, il n'est pas nécessaire d'entendre de témoins, les procès-verbaux des employés faisant foi en justice, voilà pourquoi la section centrale, pour des frais pouvant s'élever a 1 fr. 25 c, n'a pas cru devoir insérer de disposition spéciale dans la loi.

M. Rodenbach. - Ce que vient de dire M. le ministre de la justice est très fondé, mais M. le ministre devrait déposer des amendements dans le sens des observations qu'il vient de présenter, on les renverrait à la section centrale ; c'est là la manière de procéder.

- Le renvoi à la section centrale des amendements proposés par M. le ministre de la justice est ordonné.

La séance est levée à 4 heures 20 minutes.