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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 25 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Mérode-Westerloo procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Janssens donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Mérode-Westerloo communique l'analyse dés pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Nivelles demande la libre sortie du minerai de fer. »

« Même demande des sieurs Corr-Vandermaelen, Deheselle et autres membres du comité de l'association pour la réforme douanière. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discusison du projet de loi relatif à la sortie du minerai de fer.


« Le sieur Bernard présente des observations sur l’admission à l’école militaire d'élèves portant lunettes ou dont la taille n'est pas supérieure à 1 mètre 55 centimètres. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Filleul signale une erreur qu'il a commise dans sa pétition en date du 16 février. »

- Même renvoi.


« La veuve Dosemont demande que son fils Louis-Joseph soit libéré du service militaire. »

- Même renvoi.


« La veuve du lieutenant de gendarmerie Vanden Bossche demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Des secrétaires communaux de l'arrondissement d'Eecloo déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux en date du 21 décembre dernier. »

« Même déclaration des secrétaires communaux de l'arrondissement de Nivelles. »

- Même renvoi.


« Le sieur Tallois demande une indemnité pour les dommages qu'il a éprouvés par suite de l'inexécution de l'arrêté royal du 23 mai 1838 relatif à la station du Midi à Bruxelles. »

- Même renvoi.


« Le sieur Mevion, capitaine pensionné, demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires soit applicable aux officiers qui ont été au service militaire avant 1830 et qui sont rentrés dans l'année à cette époque. »

- Dépôt sur le bureau, pendant le vote définitif du projet de loi.


« Le sieur d'Henry présente des observations contre le projet d'augmenter les fortifications de la ville d'Anvers et d'y construire une seconde citadelle. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargé d'examiner le projet de loi concernant le crédit de 8,900,000 fr.


« Des conseillers communaux et habitants de Beloeil, Husseignies, Ellignies-Sainte-Anne, Ladeuze, Grosages, Sirault et Stambruges, présentent des observations sur la direction à donner au chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes dé chemins de fer.


« Le conseil communal de Binckom demande que la société concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenue de prolonger cette ligne jusqu'au camp de Beverloo par Winghe-Saint-George et Diest. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Beverloo demande que la société concessionnaire d’un chemin de fer directe de Bruxelles à Louvain soit obligée de construire une ligne de Louvain au camp de Beverloo par Winghe-Saint-Georges, Diest et Beringen et subsidiairement que le gouvernement soit autorisé à garantir un minimum d'intérêt de 4 p. c. pour l’établissement de cette ligne.

« Même demande du conseil communal d'Exel. »

- Même renvoi.


« Par deux pétitions, des habitants de Braine-le-Comte prient la Chambre d’accorder au sieur tarte la concession d’un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai par Enghien, Renaix et Avelghem.

« Même demande d’habitants de Petit-Roeulx et de Steenkerke. »

- Même renvoi.


« Des industriels, négociants et propriétaires à Châtelet prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif au chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, et d’accorder aux sieurs Lebeau et Dupont, la concession d'un chemin de fer direct du bassin de Charleroi à Bruxelles, et d’une ligne destinée à relier ce bassin aux Flandres.

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à cet objet.


« Plusieurs industriels et commerçants de l'arrondissement de Charleroi présentent des observations en faveur du chemin projeté de Luttre à Denderleeuw. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Toussaint, Vandevin et autres membres du comité de l'association pour l’établissement d'une station centrale à Bruxelles, adressent à la Chambre 110 exemplaires 1° d'une brochure intitulée : « De la pénétration des chemins de fer dans les villes » ; 2° d'un plan indiquant les différents projets de jonction des chemins de fer par la ville de Bruxelles ; 3° d'un extrait de la séance du conseil communal de Bruxelles du 16 février 1856. »

- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi transférant des crédits au sein du budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. de Mérode-Westerloo. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de transfert au budget de la guerre pour l'exercice de 1855.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant des crédits pour l’achèvement du camp retranché d’Anvers

Motion d’ordre

M. Thiéfry. - Messieurs, uu projet de loi a été présenté à la Chambre, il a pour but d'accorder au département de la guerre une allocation de 8,900,000 fr. pour l'achèvement du camp retranché d'Anvers. L'exposé des motifs ne nous apprend qu'une seule chose, c'est que le gouvernement a changé le système de défense d'Anvers. Il est impossible d'apprécier quels sont les changements qui ont été apportés au système primitivement adopté.

Je demanderai que M. le ministre veuille bien nous les faire connaître au moyen d'une carte où figureront les anciennes et les nouvelles fortifications, afin de pouvoir apprécier l'ensemble du sysième de défense auquel on s'est arrêté.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je me propose de remettre à M. le président une note avec les plans complets du camp retranché et des forts qui doivent être construits. J'y joindrai avec plaisir le petit plan que demandé l'honorable M. Thiéfry, il indiquera l'ancien système de fortifications adopté pour le camp et celui qu'on a jugé à propos de lui substituer.

J'en ferai remettre un exemplaire à chacun des membres de la Chambre.

Projet de loi visant à améliorer le sort des officiers qui ont combattu en 1830

Second vote des articles

Article 2

M. le président. - L'article premier n'a pas subi d'amendement.

L'article 2 a été adopté sur la proposition de M. Dumortier dans les termes suivants :

« Les années de campagne seront comptées comme telles aux officiers qui, en qualité de volontaires, ayant pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de 1830, sont entrés dans l'administration civile. »

M. le ministre des finances propose a cet article une nouvelle rédaction ainsi conçue :

« Les dispositions des articles 14, 15 et 35 de la loi du 21 mai 1838 (Bulletin officiel, n°XXI), seront appliquées aux officiers de la même catégorie qui sont entrés dans l'administration civile. »

M. de Perceval. - L'honorable M. Dumortier nous avait soumis dans la séance du 22, vendredi dernier, à l'article 2, une disposition additionnelle qui a été acceptée et par le gouvernement et par la Chambre, sauf rédaction ; cette disposition était ainsi conçue :

« Les années de campagne seront comptées aux officiers et volontaires de 1830 qui, depuis, ont pris service dans l'administration civile. »

L’honorable ministre des finances, dans le but de rendre le texte plus clair et plus précis, a présenté une rédaction qui ne me satisfait point entièrement ; elle me paraît obscure, et je préfère les termes dans lesquels l'honorable M. Dumortier avait rédigé son amendement.

Cependant je ne demanderai pas une nouvelle rédaction, et je pourrai accepter celle que nous propose M. le ministre des finances, s'il est bien entendu que l'article 2 de la loi nouvelle embrasse dans son ensemble toutes les dispositions que nous avons admises àu premier vote par l’amendement de l’honorable M. Dumortier ; s’il est bien entendu que (page 758) les années de campagne seront comptées aux volontaires de 1830 et aux officiers qui depuis cette époque sont entrés dans l'administration civile. Je demande que M. le ministre de la guerre ou M. le ministre des finances veuille bien me donner quelques explications à ce sujet.

Si l'article 2 nouveau est rédigé par M. le ministre des finances dans le sens de l'amendement de M. Dumortier, je le voterai.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Assurément mon intention a été de conserver le sens de l'amendement de l'honorable M. Dumortier de la manière la plus absolue ; on pourrait toutefois me reprocher d'aller plus loin que l'honorable membre, si l'on ne consultait que la lettre de son amendement.

Voici comment est conçu cet amendement.

« Les années de campagne seront comptées comme telles aux officiers qui, en qualité de volontaires, ayant pris part aux combats de la révolution dans les quatre derniers mois de 1830, sont entrés dans l'administration civile. »

Dans cette rédaction il n'est pas fait mention spécialement de cette année de campagne qui est accordée, par l'article 35 de la loi sur les pensions militaires pour les combats de la révolution et qui compte en sus des autres années de campagne. En citant l'article 35, je fais disparaître le doute que pouvait laisser l'amendement de l'honorable M. Dumortier quant à cet avantage spécial.

Le changement de rédaction que j'ai indiqué a été fait en suite des observations qui se sont produites dans cette Chambre relativement à la rédaction de l’honorable auteur de l'amendement ; elle paraissait laisser à désirer et l'honorable membre s'est empressé de se rallier à la nouvelle rédaction. Du reste, au fond le résultat esl le même ; et l'incertitude qui pouvait exister, disparaît.

M. de Perceval. - Je remercie M. le ministre des finances des explications qu'il vient de nous donner. Elles me satisfont complètement.

M. Dumortier. - Lorsque j'ai présenté mon amendement à la Chambre, j'ai eu en vue de faire jouir les officiers volontaires qui ont servi dans l'armée et qui sont ensuite entrés dans les fonctions civiles, des avantages que l'on accorde aux officiers qui sont restés dans l'armée. C'était mon but principal. Mais comme je n'étais pas certain du succès de cette proposition, j'avais proposé tout au moins de leur compter leurs années de campagne.

Le nombre de ces fonctionnaires est très peu considérable et en général ils jouissent de pensions excessivement minimes.

Ce sont des hommes qui ont contribué puissamment à fonder notre existence nationale et il est important de ne pas oublier de pareils services. C'est ce que M. le ministre de la guerre a parfaitement compris, et je l'en remercie.

Cependant je dois faire remarquer que par la rédaction qui nous est présentée, les dix années cesseraient d'être comptées ; seulemeut on tiendrait compte à ces anciens officiers des années de campagne qui ne leur étaient pas comptées dans l'état actuel des choses.

Tel est le sens de l'amendement de l'honorable M. Mercier.

Je dois dire que si je vois la possibilité de faire compter aux officiers de volontaires les mêmes avantages qu'à ceux qui sont restés dans l'armée, mon vote leur est certainement acquis. D'abord ils sont très peu nombreux, et en second lieu, ils ont rendu des services énnnenis au pays. Comme le disait fort bien M. le rninistre de la guerre, ce sont ces hommes qui se sont levés au son du tocsin qui, en réalité, ont constitué notre Belgique comme elle est. Il est à désirer que de pareils services ne soient pas oubliés. Nous jouissons depuis vingt-cinq ans des bienfaits de notre émancipation politique ; nous devons nous montrer reconnaissants envers ceux à qui nous la devons.

Il s'agit d'ailleurs d'une somme excessivement minime ; il y a peut-être 15 à 20 fonctionnaires dans ce cas. Les officiers de volontaires n’étaient pas nombreux, et beaucoup se trouvent encore dans l'armée. Je prie la Chambre d'examiner cette question. J'ai reçu plusieurs réclamations de volontaires qui sont entrés dans les emplois civils et qui n'obtiendront rien par la loi actuelle, J'en ai reçu d'autres d'hommes qui avaient été blessés, qui ensuite, avaient fait partie du premier ban et qui ne recevront rien non plus par cet amendement.

Je désirerais qu'on pût faire quelque chose pour tous. Mais je ne conçois pas qu'uue proposition en ce sens ait grandes chances de succès. C'est pourquoi je n’en fais pas. Je m'en réfère à la sagesse de la Chambre.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - C'est parce que la Chambre et le gouvernement partagent toutes les sympathies que l’honorable M. Dumortier éprouve lui-même pour ces volontaires et qu'ils veulent se montrer reconnaissants des services rendus par eux, que nous n'avons pas hésité à adopter les deux amendements qui étaient proposés. Mais je me fais un devoir de déclarer que je ne les ai jamais compris que dans le sens qui leur est attribué dans la nouvelle rédaction. C'est dans ce sens d'ailleurs que je me suis expliqué dans la discussion, lorsque l’honorable M. Dumortier a bien voulu déclarer qu'il se ralliait à la rédaction que j’avais indiquée.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Le premier amendement de l’honorable M. Dumortier a nécessairement été accueilli avec beaucoup de sympathies et par la Chambre et par le ministère. Mais je me permets de lui faire observer qu’en admettant une modification à cet amendement, la récompense ne serait plus proportionnelle aux services rendus. En effet le gouvernement a considéré l’armée comme en campagne pendant cinq années. Ces cinq années de campagnes ont été portées sur les états de service. En admettant la modification qu'il s'agirait d'introduire, il en résulterait pour tout le monde une récompense égale. Cela ne serait pas juste, car quelques-uns des officiers de volontaires se sont retirés en 1832, d'autres en 1833, d'autres en 1834. Or, celui qui s'est retiré en 1832 a eu deux campagnes, celui qui s'est retiré en 1833 a eu trois campagnes, et ainsi de suite. Rendre la récompense uniforme ce serait méconnaître la différence des services Je crois qu'il serait plus équitable de s'en tenir à l'amendement tel qu'il a été formulé primitivement.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 3

M. le président. - Le gouvernement a présenté un article 3 destiné à remplacer les articles 4 et 5. Il est ainsi conçu :

« Art. 3. Le bénéfice des articles qui précèdent est acquis aux ofliciers y mentionnés qui, depuis le 11 février 1831, ont été admis à la pension.

« Leurs pensions seront révisées et les augmentations auxquelles ils auront droit, prendront cours à partir de la publication de la présente loi. »

- Cet article est adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi, qui est adoptée à l'unanimité des 59 membres qui prennent part au vote (un membre, M. de Renesse, s'étant abstenu).

Les membres qui ont voté l'adoption sont : MM. Sinave, Tack, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghern, Van Overloop, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Anspach, Boulez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps de Decker, de Haerne, Delfosse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, Dumon, Dumortier, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem,, Lebeau, Loos, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach et de Naeyer.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. de Renesse. - Etant opposé à toute augmentation des charges de l'Etat, qui, depuis un certain temps, ont pris une certaine extension par suite de la mise a la retraite d'un assez grand nombre d'officiers, je n'ai pu donner un vote favorable au projet de loi, parce que je désire, avant tout, que l'on prenne aussi en considération la position des contribuables, et que l'on n'augmente pas constammenl leurs charges. Cependant, comme le projet de loi est applicable à une catégorie d'officiers qui ont pris part aux premiers événements de notre révolution, je n'ai pas voulu voter contre.

Motion d'ordre

Incident survenu au navire « la Belgique »

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII) monte à la tribune et donne lecture du rapport suivant. (Nous donnerons ce rapport.) (Ce rapport n’est pas repris dans la présente version numérisée).

Je pense, messieurs, que l'examen de ce rapport pourrait être renvoyé à la discussion du budget des affaires étrangères, où je demaude un crédit pour le service dont il s'agit.

M. Sinave. - Je demanderai à M. le ministre de vouloir bien donner lecture du rapport officiel des experts de Southampton, en date du 4 février dernier. Je demanderai aussi à la Chambre de me permettre de faire mes interpellations avant qu'elle fixe le jour de la discussion.

M. Osy. - Messieurs, je conçois que M. Sinave soit impatient de faire ses interpellations, mais vous comprenez également que s'il y a des interpellations il y aura des réponses. Il me semble que ces interpellations viendraient beaucoup plus à propos quand tous les documents auront été imprimés et que nous discuterons le budget des affaires étrangères.

M. Sinave. - J'ai le droit de faire des interpellations.

M. Osy. - Je ne m'oppose pas à ce que M. Sinave fasse des interpellations, mais j'ai demandé que la discussion soit renvoyée à l'examen du budget des affaires étrangères.

M. Sinave. - J'ai prié M. le ministre des affaires étrangères de donner lecture du rapport officiel des experts de Southampton.

M. Vandenpeereboom. - Je pense qu'on ne peut pas empêcher un membre de la Chambre d'adresser des interpellations au gouvernement.

La Chambre peut décider que la discussion aura lieu à une époque déterminée, mais personne ne peut enlever à un représentant le droit qu'il a à interpeller le gouvernement par motion d'ordre.

Du reste, il y a avantage à ne pas ajourner trop longtemps les interpellations. Toutes sortes de suppositions et de bruits circulent dans le pays et à l’étranger ; l'entreprise se discrédite. Or, d'après le rapport qui vient d’être fait par M. le ministre des affaires étrangères, la compagnie n'a rien à se reprocher, tout s'est passé de la manière la plus régulière ; les éléments seuls sont causes du désastre ; il est donc utile, dans l'intérêt même de l'entreprise, que la discussion ait lieu le plus tôt possible.

Ou pourrait autoriser l'honorable membre à faire ses interpellations à un jour déterminé, vendredi par exemple ; la Chambre jugera alors s'il y a lieu de discuter ou de ne pas discuter, d’après les interpellations qui seront faites.

(page 759) Je propose donc d'ajourner à vendredi les interpellations de l'honorable M. Sinave.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, je n'ai aucun motif personnel pour retarder les explications qui pourraient m'êlre demandées ; mais je ferai observer qu'il n'y a aucun péril en la demeure. Le bâtiment est sur la cale sèche de Southampton, et y restera encore pendant quelque temps. Il est encore à remarquer que les dommages ne sont pas réglés complètement entre les assureurs et les assurés, et que si la Chambre venait à discuter toutes ces questions, tous ces détails, avant que la chose fût parfaitement réglée, elle pourrait exprimer des avis qui auraient peut-être, contre son intention, des conséquences fâcheuses.

M. Sinave. - Messieurs, il me semble que, si les faits sont exacts, comme M. le ministre des affaires étrangères vient de le déclarer, la discussion peut très bien ne pas être ajournée : elle ne peut faire aucun effet fâcheux sur les assureurs ni sur le public ; ce que je demande en ce moment c'est la lecture du rapport de Southampton. Si M. le ministre des affaires étrangères veut bien donner lecture de ce document, je ferai mes interpellations.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Ce document n'est pas dans mon dossier.

M. Sinave. - C'est précisément ce document qui est important et nécessaire puisqu'il marque du doigt ce qui existe réellement. C'est ce document que je désire avoir. M. le ministre dit qu'il ne l'a pas.

M. Thiéfry. - Demandez qu'il soit imprimé.

M. Sinave. - Puisque M. le ministre des affaires étrangères n'a pas le document, je déclare que je l'ai et que je suis prêt à en donner lecture, si on le désire ; mais je ne garantis pas qu'il soit littéralement exact, je l'ai pris dans un journal.

Je demande l'impression du rapport officiel des experts de Southampton, en date du 4 février.

M. Loos. - Messieurs, je crois qu'il serait véritablement dangereux de donner lecture de pièces que l’honorable M. Sinave annonce lui-même n'être pas officielles. Or, vous vous rappellerez toutes les pièces et toutes les assertions qui ont été publiées dans les journaux anglais ; si c'est à pareille source que l'honorable M. Sinave est allé prendre le document dont il veut donner lecture, il y aurait les plus graves inconvénients à sa publicité, et surtout a sa publicité par le fait de la Chambre.

M. le ministre des affaires étrangères a signalé le danger qu'il pourrait y avoir à ce que la Chambre fit connaître son appréciation sur des faits qui se sont passés loin d'elle, sur des faits qui doivent être appréciés par des compagnies d'assurance, compagnies qui ont à régler avec la société les avaries survenues au navire.

Dans cet état de choses, nous n'avons réellement rien à gagner à discuter aujourd'hui ; nous pourrions, sans le vouloir, porter préjudice à des intérêts privés par une discussion intempestive. Dans tous les cas, la Chambre ne perdra rien à ajourner cette discussion ; les pièces déposées vont être imprimées ; l'honorable M. Sinave pourra les contester, s'il ne les trouve pas exactes.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, si l'honorable M. Sinave renonce à son interpellation, je retire nécessairement ma proposition ; mais si l'honorable membre persiste, je maintiens ma motion. Je le répèle, personne n'a le droit d'empêcher M. Sinave d'interpeller le ministère, et si je fixe uue date, c'est pour que tous les membres de la Chambre soient présents, s'ils le jugent convenable.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Il est évident que la Chambre ne peut pas empêcher un de ses membres de faire une interpellation ; mais le gouvernement, de son côté, est libre de répondre ou de ne pas répondre ou plutôt de faire la Chambre juge de l'opportunitè qu'il y aurait de répondre ou de ne pas répondre.

Je désire que la discussion sur mon rapport ne s'ouvre que quand l'assurance aura été réglée et que le Lloyd anglais aura donné le certificat qui a été annoncé. C'est ce certificat qui décidera, car on ne pourrait pas imaginer une commission d'enquête plus impartiale ou plutôt plus partiale contre le navire que la société qui opère l'assurance.

Si le certificat établit que le navire est de première qualité, nous pouvons être certains qu'il a été bien construit et qu'il est en parfait état de navigabilité. Dans ce moment ce document manque, mais il est annoncé. Il n'y a pas péril en la demeure, rien ne presse, le navire ne va pas reprendre la mer, a quoi bon une interpellation si précipitée ? Pour moi, je désire ne pas répondre avant que ces deux faits se soient accomplis : le règlement des avaries entre les assureurs et les assurés, et la décision du Lloyd anglais sur le classement du navire.

M. de Baillet-Latour. - Si M. Sinave voulait faire son interpellation aujourd’hui, comme nous avons d'autres objets à l'ordre du jour, la Chambre devrait être consultée.

M. Sinave. - Je ne demande pas à faire mon interpellation aujourd’hui. Je demande la production du document que j’ai cité ; il est de la plus haute importance, c'est le document fondamental de toute l'affaire. Je ne conçois pas qu’il ait été possible à M. le ministre des affaires étrangères de faire un rapport sans mettre en tête le procès-verbal des experts de Southampton, parmi lesquels se trouvaient trois experts nommés par les intéressés eux-mêmes. J’accepte l’ajournement à vendredi. J’interpellerai vendredi M. le ministre des affaires étrangères.

- La Chambre ordonne le renvoi des pétitions des sieurs Human et Massot au ministre des finances et la pétition du sieur Ancion au ministre de la guerre.

Projet de loi réprimant la falsification des denrées alimentaires

Discussion des articles

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Le gouvernement se rallie aux propositions de la section centrale.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la discussion des articles.

Article premier

« Art. 1er. Ceux qui auront falsifié ou fait falsifier, soit des comestibles ou des boissons, soit des denrées ou substances alimentaires quelconques, destinés à être vendus ou débités, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 0O francs à 1,000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. »

M. de Mérode. - J'espérais que quelqu'un prendrait la parole dans la discussion générale. On ne dit rien, on va en quelque sorte voter incognito. Je désirerais avoir quelques renseignements sur la portée de cette loi.

J'ai vu un article de journal dans lequel on faisait des objections très fortes aux dispositions de la loi. Par exemple pour les falsifications, on établissait que certains mélanges de farines pouvaient être innocents, licites, qu'il suffirait de les indiquer d'avance pour qu'il n'y eût pas de délit. Les dispositions de la loi étaient fortement critiquées comme empêchant des mélanges utiles à la consommation.

Si nous votons tous les articles tels qu'ils sont proposés, je crains que nous ne fassions de la mauvaise besogne, que nous n’entassions difficulté sur difficulté, embarrassant les boulangers qui croiraient pouvoir mêler les différentes substances dans la panification, substances qui ne seraient pas malfaisantes, mais qui donneraient le moyen de fournir le pain à meilleur marché.

En l'absence de discussion et d’explications, je ne sais trop que faire.

M. Rodenbach. - Je regrette que les honorables membres qui se sont fait inscrire pour parler sur le projet de loi qui nous occupe ne soient pas présents. Si personne n'est prêt à prendre la parole maintenant et que dans cette situation, la Chambre soit disposée à renvoyer la discussion à demain, je ne m'y opposerais pas. (Non ! non !)

Cette loi est assez ardue, elle mérite de mûres réflexions. Je répondrai à l'honorable préopinant que les mélanges dont il a parlé et qui sont dans l'intérêt du public, pour pouvoir lui procurer à meilleur marché, tels que les mélanges du froment avec le seigle, le maïs, le riz, les fêveroles ne sont pas contraires à la loi, du moment que le vendeur l’annonce ; il faut que le consommateur sache que c'est du pain de froment mélangé avec autre chose qu'on lui vend.

Il faut eu un mot que les meuniers et les boulangers vendent la marchandise pour ce qu elle est réellement.

J'engage le gouvernement à donner des instructions à cet effet.

Cette loi prévoit tout cela.

Il importerait aussi de prévenir soit par cette loi, soit par une loi spéciale, des falsifications de médicaments, telles que celle qui consiste à vendre des matières inertes telles que la salicine pour de la quinine, spécifique efficace contre la fièvre ;

Dans beaucoup de cas la falsification des denrées équivaut à un vol.

Ensuite, il y a cet inconvénient que les honnêtes gens qui ne vendent que des matières pures ne peuvent soutenir ia concurrence, lorsque les falsificateurs vendent au-dessous du cours. L'honnête homme est victime du malhonnête homme.

Il est inutile que je vous dise que je suis partisan du principe de cette loi dont j'ai, à diverses reprises, réclamé la présentation. Mats je la crois susceptible d'être améliorée par les amendements.

L’honorable M. Félix de Mérode a dit qu'il a lu des journaux où l’on dit qu’il y a eu en France beaucoup de condamnations sous l'empire d’une loi analogue à celle dont nous nous occupons. Il y a eu en effet, en France 14,000 condamnations. Mais qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve qu'il y a en France une foule de gens âpres au gain.

M. Coomans. - et beaucoup d'avocats !

M. Rodenbach. - S'il y a eu 14,000 condamnations, il y a eu 14,000 individus déclarés coupables par des jugements bien motivés. Cela prouve que la loi était utile.

Elle n’est pas moins nécessaire eu Belgique où les sophistications donnent lieu à des plaintes générales.

Je me bornerai à ces courtes observations, me réservant de reprendre la parole si le projet de loi état combattu.

M. Dumortier. - Nous avons à discuter sur un projet de loi relatif à la falsification des denrées alimentaires au moyeu de substances pernicieuses. C’est un abus auquel il faut porter remède, et c'est une bonne chose que de pouvoir empêcher cette falsification ; mais il y a un autre abus que les journaux ont signalé et sur lequel je voudrais avoir des explications.

Nous avons vu dans plusieurs journaux que, dans les principaux marchés aux grains, il y a eu des agiotages scandaleux qui ont amené (page 760) momentanément des hausses de trois et quatre francs par hectolitre d'un marché à l'autre.

C'était bien le résultat de l'agiotage ; car il n'y avait aucun motif pour qu'il y eût une hausse pareille d'un marché à l'autre. Je demanderai si le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour réprimer de tels abus. J'espère que le gouvernement fera exécuter la loi avec la dernière rigueur contre ceux qui se livrent à de pareils trafics contre les premiers besoins de l'alimentation publique.

M. de Mérode. - Je ne suis pas du tout opposé à ce que l'on réprime la sophistication des denrées alimentaires contre laquelle l'honorable M. Rodenbach s'est élevé avec beaucoup dée aison. Mais je crains qu'en faisant cette loi trop légèrement, on n'empêche des combinaisons très licites qui donneront lieu à des condamnations par milliers comme en France. Dans l'article que j'ai lu, on a fait ressortir tous les inconvénients de ces condamnations qui ne s'appliquent pas à des faits nuisibles, et qui, en restant dans les termes de la loi, s'appliquent à des actes très innocents. Ainsi j'ai vu que des meuniers avaient été condamnés pour avoir fait des mélanges de grains qui n'avaient rien de nuisible, lors même qu'ils avaient indiqué exactement à l'acheteur les proportions du mélange.

M. Rodenbach. - C'est une erreur.

M. de Mérode. - Pardon ! c'est signalé dans l'article. Je l'ai même pris en note.

J'entends dire qu'on ne doit pas faire de la farine composée en partie de froment et en partie de féveroles. C'est-à-dire que quand on fait de tels mélanges on ne doit pas les laisser ignorer à l'acheteur, puisqu'ils doivent exercer de l'influence sur le prix ; car en temps de disette, il faudrait plutôt encourager de tels mélanges qui aideraient à sustenter toute la population.

Je le répète, si malheureusement on n'examine pas assez la loi, si tous les articles sont adoptés sans que nous puissions faire d'observations, je crains que nous n'adoptions une loi beaucoup trop sévère

M. le président. - Nous en sommes à l'article premier. Rien n'est encore voté.

M. Moreau, rapporteur. - Nous reconnaissons tous, je pense, qu'aujourd'hui les falsifications de marchandises de toute espèce se sont considérablement multipliées et que celles des denrées alimentaires surtout sont devenues très fréquentes.

Les pétitions qui nous sont adressées, les plaintes qu'on nous fait en font foi, on les signale dans des ouvrages, dans des brochures tant à l'étranger qu'en Belgique.

Déjà en 1851, au congrès d'hygiène, un membre demandait qu'on déclarât l'insuffisance de nos lois actuelles pour garantir la salubrité d'un grand nombre de denrées alimentaires et qu'il était indispensable d'établir des peines rigoureuses pour assurer définitivement, contre des fraudes odieuses, les éléments divers de l'alimentation publique.

Et le congrès d'hygiène, messieurs, s'associant à cette pensée, émit le vœu ci-après :

« Le congrès invite le gouvernement à porter son attention sur l'insuffisance de la législation relative à la vente de substances alimentaires et à charger le conseil supérieur d'hygiène et les commissions médicales de préparer à ce sujet un projet de loi. »

Vous voyez donc que les hommes distingués qui composaient le congrès d'hygiène ne partageaient pas la manière de voir des honorables orateurs qui critiquent la présentation du projet de loi.

Eux ils reconnaissent, comme la section centrale, que l'action de nos lois pénales n'est pas assez puissante pour prévenir et réprimer les fraudes et les tromperies qui se multiplient chaque jour.

Il y a même plus, c'est que des jurisconsultes ont fait publier qu'ils regardaient le projet de loi comme incomplet et insuffisant parce qu'il renfermait des lacunes.

J'ai, messieurs, indiqué dans le rapport de la section centrale, toutes les dispositions de nos lois qui concernent la falsification des marchandises et les faits qui constituent des tromperies ; je crois inutile de vous en donner lecture.

Il résulte de ces dispositions que si la falsification des denrées ou des boissons au moyen de substances vénéneuses ou nuisibles et la vente de denrées ainsi falsifiées sont punies par le Code pénal et la loi de 1829, le fait d'avoir falsifié ou fait falsifier des substances liquides ou solides avec des matières qui ne sont ni vénéneuses ni nuisibles à la santé n'est prévu par aucune loi, et qu'il en est de même de la possession dans des boutiques ou magasins de denrées falsifiées avec des substances inoffensives, lorsque le délenteur a connaissance de cette altération artificielle.

A la vérité l'article 423 du Code pénal punit le vendeur qui a trompé l'acheteur sur la nature de la marchandise qu'il lui a livrée.

Mais veuillez remarquer que pour que la pénalité soit applicable il faut d'abord que la vente ait eu lieu et ensuite que la tromperie porte sur la nature de la marchandise vendue.

Or, la jurisprudence varie sur le sens des mots « nature de la marchandise » ; les uns exigent que la fraude ait rendu la chose complètement impropre à remplir sa destination, pour rendre applicable l'article 423 du Code pénal, les autres pensent qu'il suffit qu'il existe entre la marchandise demandée et la marchandise vendue des différences qui en changent la nature ou des différences essentielles qui en modifient la nature.

Le projet de loi tranche cette difficulté en ce qui concerne les denrées alimentaires ; toute tromperie qui s'exercera sur la qualité des denrées alimentaires par voie de falsification sera punie par la loi nouvelle.

En France on a senti aussi la nécessité de renforcer sur ce point important la législation pénale, c'est ce qui a fait l'objet de la loi du 27 mars 1851, dont le projet de loi actuel est en partie la reproduction et si dans ce pays elle a donné lieu à beaucoup de poursuites, à beaucoup de procès, cela ne prouve qu'une chose, c'est que, là comme ici, les fraudes se sont multipliées ; que là il y avait beaucoup de falsificateurs.

Je comprends du reste que le projet de loi donne lieu à des critiques, que des meuniers par exemple se plaignent vivement des dispositions nouvelles qu'on veut introduire dans notre législation pénale.

Pourquoi en serait-il autrement, quand on vient déranger leurs combinaisons nombreuses et savantes dont ils retiraient paisiblement profit, quand on veut faire cesser un trafic déloyal dont ils palpaient sans crainte les bénéfices ?

Mais on craint d'exposer des industriels loyaux et de bonne foi à être condamnés à des peines pour des actions non punissables.

Non, messieurs, telle n'est ni la portée ni le but du projet du loi.

On oublie toujours que pour qu'il y ail délit, il faut que l'intention de l'agent soit criminelle. Personne ne mettra en doute qu'en mélangeant deux substances non nuisibles à la santé, en incorporant par exemple de la graisse dans du beurre, ou en mêlant des farines de différentes espèces, eh bien, si ce mélange a été fait à dessein de nuire, méehanment et dans l'intention de tromper, l'auteur de ces mélanges sera punissable ; sinon il échappera à toute pénalité, s'il a agi loyalement et de bonne foi, s'il a vendu ou exposé en vente ces marchandises mélangées en en donnant connaissance à l’acheteur.

Et c'est le juge en cette matière comme en toute anure qui est nécessairement appelé à rechercher l'intention qui a été le mobile des actions de l'agent et à décider de sa bonne foi, de sa loyauté ; c'est le juge qui est appelé à réprimer, comme nous l'avons dit, la fraude, mais seulement la fraude.

Il en est de même, messieurs, dans toute notre législation pénale. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, la loi inflige au faussaire une peine sévère et cependant celui qui appose sur un acte une fausse signature n'encourt ces peines que pour autant qu'il ait agi avec une intention criminelle. S'il a pris la signature d'un autre soit par ignorance sans dessein de nuire à qui que ce soit, il ne sera ni poursuivi ni puni. Ne voit-on pas chaque jour des personnes peu instruites signer des quittances d'autres noms que les leurs et du consentement même de ceux qui devraient y apposer leur signature ? C'est cependant là un faux, mais un faux matériel qui ne donne pas lieu à des poursuites, pas plus que si on donnait des mélanges franchement avoués, non pernicieux et ne pouvant causer préjudice aux acheteurs. Je crois donc que vous pouvez adopter le projet de loi sans craindre de tracasser les marchands et les industriels et de faire naître les inconvénients qu'on signale.

M. Coomans. - Je regrette avec l'honorable comte de Mérode qu'une discussion plus approfondie ne semble pas devoir s'engager sur ce projet de loi. J'aurais désiré, pour ma part, en profiter pour dissiper les scrupules qui m'empêchent jusqu'à présent de voter la loi.

Il me semble, messieurs, que s'il est vrai de dire que le gouvernement, a le droit d'empêcher les falsifications insalubres et les tromperies manifestes et notables, il faut cependant reconnaître que son droit s'arrête là et qu'il doit s'interdire une intervention trop minutieuse, dans l'industrie et le commerce.

Je conçois donc que le gouvernement frappe d'uue peine le fait d'un homme qui mêle à des substances alimentaires des matières dangereuses. Je conçois aussi qu'il frappe d'une peine le fait d'un homme qui frauduleusement mêle à des denrées assez chères des ingrédients sans valeur, quoique ces ingrédients n'offrent pas de danger pour la santé. Mais je n'admets pas que le gouvernement ait le droit de s'ingérer trop avant dans le commerce, dans l'industrie, de poser des règles vexatoires et d'entraver toute espèce de progrès. Je n'admets pas que, sous prétexte de se mêler de tout, il puisse vexer non seulement les commerçants et les industriels, mais les consommateurs également. Je n'admets pas surtout qu'il provoque des milliers de procès qui ne profitent réellement qu'à MM. les hommes de justice. Bien que nous sachions qu'il y a de ce chef des milliers de procès en France, je ne crois pas qu'il y ait eu autant de condamnations.

Du reste, il me semble qu'il y a déjà assez bien de procès en Belgique, et que nous pouvons nous dispenser de faire une loi qui en augmenterait le nombre trop sensiblement, sans utilité pour personne.

Ainsi donc, je voudrais que la loi se bornât à punir les mélanges insalubres et les tromperies manifestes. Mais je n'entends pas que la loi défende les mélanges qui ne portent aucune atteinte à la santé publique, ni ceux qui sont loyalement avoués. Le projet de loi n'excuse pas les opérations les plus loyales. C'est une lacune regrettable.

Eh ! quoi, messieurs, à l'article 6 du projet on dispose que les denrées et toutes les substances alimentaires soi-disant falsifiées, pourront être mises à la disposition des bureaux de bienfaisance. Si ces substances ne renferment pas d'éléments malsains, à quoi bon les remettre aux bureaux de bienfaisance ? Ce qui n'est pas malsain, le public peut le manger, je pense, et nous ne devons pas, nous ne pouvons pas en interdire la vente.

Cette disposition me paraît exorbitante. C'est investir le gouvernement d’un pouvoir despotique, hostile à l’esprit de nos institutions et (page 761) à l'ensemble de nos lois libérales. Les auteurs de la Constitution ont voulu que les Belges pussent travailler et commercer en liberté, pourvu que l'ordre public n'en souffrît pas. Or le mélange de féveroles avec le froment ou d'eau avec le vin n'est pas contraire à l'ordre public.

En faisant ces observations, messieurs, je reste fidèle à l'opinion que je professe plus que jamais que le gouvernement se mêle de trop de choses. J'éprouve aujourd'hui les répugnances qui m'ont empêché de voter le projet de loi sur la police sanitaire des animaux domestiques. Il m'a été impossible de voter cette intervention minutieuse, vexatoire, inutile et inefficace du gouvernement dans le commerce, dans l'industrie et dans la propriété.

Je n'admets l'action gouvernementale que lorsqu'elle est nécessaire, surtout dans un pays de liberté comme la Belgique, ennemi de la fonctionomani et des gros impôts.

Pour m'occuper du fond du projet de loi, je dis que nous n'avons aucun intérêt réel à empêcher ce qu'on appelle les falsifications de denrées alimentaires, lorsqu'il s'agit du mélange d'ingrédients saluhres.

Je crois même que le gouvernement a été le premier à provoquer des mélanges de ce genre, et je l'en loue ; et comme je ne crois pas que le gouvernement a la prétention, qui serait du reste déplacée de la part de tout gouvernement, d'avoir atteint le « nec plus ultra » en fait de commerce et d'industrie, de s'être élevé au zénith du progrès, je voudrais que le gouvernement laissât faire un peu les industriels, les commerçants, les consommataurs qui peuvent eux-mêmes prendre goût à çe que vous appelez des denrées falsifiées. Laissez faire dans le cercle des choses permises, et je suis bien sûr que les inconvénients résultant de cette liberté naturelle seront bien moindres que ceux que créera le projet de loi.

Ce qui m'a engagé, messieurs, à me lever quoique mon intention ne fût pas de prendre la parole aujourd'hui, c'est qu'un grand nombre de membres de cette Chambre ont émis la même opinion, éprouvent la même répugnance que moi à voter le projet de loi. J'espère que la discussion continuera, et surtout que le gouvernement pourra nous donner des éclaircissements plus satisfaisants, car je dois dire que l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale m'ont paru très incomplets.

M. Prévinaire. - Messieurs, je crois que la loi dont nous avons à nous occuper ne doit pas avoir exclusivement trait aux substances nuisibles et aux tromperies manifestes. Je crois qu'il faut que nous allions plus loin et que c'est là le but que la loi doit avoir en vue. Je crois que précisément à cause de la liberté dont jouissent nos industries, qu'en présence de la liberté rendue dans presque toutes nos villes aux transactions et à la fabrication de certaines denrées alimentaires, il importe que le contrôle public s'exerce, que les abus soient réprimés, et que dès lors il faut armer l'autorité d'une loi nouvelle.

On a dit tantôt, et avec raison, qu'il ne fallait pas s'exposer à ce que l'industrie fît certaius mélanges, mais je pense qu'il est nécessaire que le public soit prévenu de leur nature. Ainsi dans ces derniers temps des essais ont été faits pour introduire dans la fabrication du pain d'autres denrées que le froment et le seigle, en vue d'obtenir une réduction de prix.

On a fait des essais de mélange de maïs et jusqu'à présent on n'est malheureusement arrivé qu'à des résultats assez peu favorables. Je pense que de longtemps encore on n'arrivera pas à substituer la consommation du mais à la consommation du grain ; mais comme il peut se faire que du jour au lendemain on découvre un procédé qui donne au pain de maïs les apparences du pain ordinaire, il est indispensable que la loi intervienne pour obliger celui qui veut vendre un produit de ce genre, à prévenir son acheteur. Eh bien, messieurs, c'est précisément, selon moi, le but que doit avoir la loi qui nous occupe.

Il est important aussi, messieurs, que la loi réprime la vente du beurre mélangé de farine en quantité très notable, ce qui arrive souvent sur nos marchés ; il est important de réprimer la vente du lait mélangé avec de l'eau ; il est important que vous puissiez prohiber la vente de la bière fabriquée avec des denrées destiner à remplacer le houblon. Ainsi on fabrique de la bière avec une denrée (je ne cite que celle-là parce que l'emploi en est très général) avec une denrée qu'on appelle gentiane. Or cette gentiane est nuisible à la santé, elle irrite les organes.

Il est important de prohiber la vente du chocolat mélangé de farine, dans une certaine proportion.

Il est très important de prohiber la vente des grains que le fermier a saupoudré de chaux avant de l'envoyer au marché, pour en augmenter le poids, lorsque la vente se fait au poids.

Il est très important de prohiber la vente de farines mélangées de féveroles sans que le vendeur en accuse le mélange.

Il est très important de prohiber la vente du poivre mélangé avec d'autres denrées pour en diminuer le prix ; il est très important de prohiber la vente en détail du café mélangé avec de la chicorée. Je viens de citer au hasard quelques sophistications qui me sont venues les premières à l'esprit ; s'il fallait continuer je ne sais pas où je pourrais m'arrêter. Or je me demande si la loi aura bien toute l'efficacité nécessaire pour réprimer tous ces abus, ces fraudes qui compromettent tout au moins l'intérêt financier des populatious, lorsqu'elles ne compromettent pas en outre la santé publique.

Je serais charmé que M. le ministre voulût bien donner à cet égard quelques éclaircissements sur la portée de la loi proposée.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Messieurs, nous croyons fermement que la loi qui vous est proposée répond à un véritable besoin de la situation. En effet, les supercheries en matière commerciale sont si nombreuses, si ingénieuses, et l'on peut ajouter, si audacieuses, qu'il est nécessaire de prévenir par une loi le développement du mal qu'on a déjà signalé de tous côtés.

Comme le disait l'honorable rapporteur, le projet n'est pas né d'une pensée d'hier. Déjà en 1849, si je ne me trompe, l'Académie royale de médecine signalait au gouvernement l'urgence de faire une loi sur la matière, et dès cette époque aussi le déparlement de l'intérieur se mettrait en correspondance avec celui de la justice pour arriver à la présentation d'un projet de loi. Voici ce qui l'a arrêté à cette époque. On s'est dit : La révision du Code pénal va se faire ; les fraudes en matière de commerce appartiennent à la codification pénale ; attendons-en la révision, et la discussion portera sur l'ensemble. Depuis lors les réclamations sont devenues bien plus vives ; on a signalé de toutes parts le mal qui s'aggravait et c'est surtout à l'époque d'une crise alimentaire que la nécessité d'arriver à prévenir ces fraudes s'est fait le plus impérieusement ressentir.

C'est sous l'empire de ces circonstances, messieurs, que le gouvernement a cru remplir un devoir capital et satisfaire aux légitimes exigences de l'opinion publique en présentant le projet de loi qui vous est soumis.

L'honorable M. Moreau a parfaitement démontré qu'il existe dans la législation actuelle une lacune en cette matière. Je n'ai besoin de rien ajouter à ce qu'il a déclaré et à ce que contient son rapport. Je dirai seulement que la loi du 19 mai 1829 se rapporte uniquement aux denrées alimentaires et aux comestibles auxquels on a mêlé des matières vénéneuses.

L'article 318 du Code pénal ne prévoit que la vente des boissons contenant des substances nuisibles. L'article 423 du même Code ne s'applique qu'à la tromperie sur la nature, c'est-à-dire sur l'identité de la marchandise. Enfin l'article 475, n°6, ne punit comme contravention de police que le délit de boissons falsifiées, Il en résulte que les falsifications portant sur l'ensemble de ce qui constitue la nutrition humaine échappe à toute espèce de répression efficace. Mais je n'insiste pas davantage, l'honorable rapporteur a établi ce point d'une manière qui me paraît irréfutable.

L'honorable M. Coonians vient de critiquer la loi dans son principe. Il s'est placé au point de vue du laisser faire, du laisser passer. A l'entendre, nous faisons une chose complètement nouvelle, insolite ; nous nous ingérons dans la liberté du commerce. Je réponds à l'honorable membre que nous nous ingérons, c'est vrai, dans une liberté, mais c'est dans celle de la fraude, c'est dans celle de tromper ; c'est à cette licence-là que nous nous attaquons.

M. Coomans. - J'admets la punition de la tromperie.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Déjà, messieurs, ce principe est déposé dans nos lois. Les dispositions légales que nous venons de citer le renferment.

Mais le trouvant borné au seul débit des boissons falsifiées, nous I» voulons étendre à la falsification de toute espèce de denrées alimentaires.

Effectivement, comme l'a fait observer l'honorable M. Moreau, le Code pénal ne s'applique qu'au fait de vente ; ici nous allons plus loin ; nous prévoyons le cas où l'on expose en vente, où l'on prépare des denrées sophistiquées, des denrées falsifiées.

Nous restons donc conséquents avec la législation antérieure ; non* la complétons ; nous ne faisons rien de tout à fait nouveau ; nous accordons au principe tous les développements réclamés par la situation.

L'honorable M. Coomans a signalé comme un des inconvénients de la loi, le grand nombre des poursuites qui vont avoir lieu. Sans doute, nous nous persuadons qu'il y aura des poursuites parce que nous voulons une repression sévère de toutes ces fraudes. La loi resterait illusoire, et son but serait complètement manqué s'il n'y avait pas de recherches et, au commencement, d'assez nombreuses poursuites, car il est urgent de remédier à un mal qu'on ne peut sérieusement méconnaître et dont les populations sont à juste titre froissées, puisqu'elles en sont victimes.

Je ferai toutefois remarquer que les poursuites ne seront pas aussi nombreuses qu'elles paraissent l'être en France, parce que notre loi est moins complète. Je crois que la loi française de 1851 comprend également des dispositions concernant le système métrique, les matières médicamenteuses, les tromperies sur la quantité et autres objets qui ne rentrent pas dans le projet en discussion. Les poursuites seront donc moins fréquentes chez nous ; mais, encore une fois, je déclare que je me préoccupe très peu de ceux qu'on poursuivra, mais beaucoup de ceux qus l'on trompe. Je porte aux falsificateurs une très mince sollicitude. J'entends bien qu'on poursuive tous ceux qui audacieusement, méchamment, impudemment, abusent du consommateur, trompent l'homme illettré, l'homme de campagne, l'homme du peuple qui croit acheter à chers deniers une bonne marchandise et qui n'obtient qu'une marchandise frelatée ; ceux-là, je tiens fermement à ce qu'on les poursuive, et, pour ma part, je n'y manquerai pas.

L'honorabie M. Coomans aurait voulu que la loi se bornât à poursuivre certains mélanges insalubres ou les tromperies sur la quantité. Ce (page 762) que je viens de dire à la Chambre prouve que ce système serait insuffisant. Ce que nous voulons empêcher, ce sont ces vols déguisés et bien réels qui se pratiquent à l'aide de la falsification des denrées alimentaires.

Car, messieurs, ne l'oublions pas : c'est au fond un véritable vol. Vend-on pour du vin ce qui n'est qu'un liquide mélangé de moitié d'eau ? Vend-on pour du lait un liquide qui a subi un semblable mélange ? Vendre du beurre qui contient la matière signalée par l'honorable M. Prévinaire, c'est voler ce que l'on aura substitué de mauvaise qualité à la qualité qu'on demandait et qu'on paye en totalité comme bonne.

Je crois donc qu'il est essentiel de punir de semblables manœuvres.

L'honorable membre a critiqué l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale qui, selon lui, n'élucident pas la loi d'une manière satisfaisante. Je porte volontiers condamnation quant à l'exposé des motifs ; Il est réellement incomplet ; mais quant au rapport de l'honorable M. Moreau, je pense qu'il est très complet, qu'il a parfaitement établi ce que j'appelle le côté économique de la question et son côté légal.

Il ne faut pas le perdre de vue : ce que nous voulons réprimer en cette matière c'est la clandestinité de la manœuvre, c'est-à-dire lorsqu'un marchand quelconque présente comme bonne à la bonne foi d'un acheteur une marchande falsifiée. Quand au contraire le boulanger, par exemple, viendra lui-même déclarer que le pain qu'il débite n'est pas de froment pur, mais qu'il contient du seigle ou du maïs, il n'y aura pas dans ce fait la contravention à la loi.

Ce qu'on veut frapper, c'est la mauvaise foi, c'est la malice, c'est l'intention de tromper quelqu'un à l'aide d'une denrée falsifiée. C'est donc ta clandestinité qui fera le délit ; ce ne sera nullement l'objet même du mélange. Le mélange est par lui-même inoffensif, il ne contient pas de matières qui, par elles-mêmes, sont nuisibles à la santé ; seulement elles dénaturent, diminuent la qualité de la marchandise. C'est en abusant de la confiance de son acheteur que le marchand se rendra coupable, mais s'il annonce lui-même que la marchandise qu'il vend est mélangée, il ne tombera pas sous l'application de la loi. Dans ce cas il ne trompe personne, il ne nuit à personne : il n'est pas fautif. Cela doit être entendu ainsi.

Je crois pouvoir faire connaître à la Chambre que le projet de loi, tel qu'il lui a été soumis, est l'œuvre, en grande partie, de la commission chargée de la révision du Code pénal. Cette commission est composée d'hommes très distingués, notamment de MM. Haus et Nypels, professeurs de droit criminel à l'univensilé de Gand et de Liège ; Delebecque, avocat général ;Stas et Fernelmont, conseillers, à la cour de cassation ; elle avait déjà élaboré depuis longtemps les bases du projet de loi qui se présente ainsi avec un caractère en quelque sorte transitoire. La présentation a été provoquée par l'urgence des circonstances, par les réclamations de l'opinion publique, mais la loi, si elle est adoptée, est destinée à rentrer plus tard dans le Code pénal complètement révisé.

Je me proposais d'entretenir la Chambre de la portée de l'article 423 du Code pénal ; mais, à cet égard, je m. réfèe à ce qu'a dit l'honorable M. Moreau.

L'honorable M. Rodenbach qui appuie très vivement, le projet de loi et qui naguère encore avait demandé dans cette Chambre, la présentation de dispositions de ce genre, a signalé comme une lacune, l'omission de ce qui concerne les matières médicamenteuses.

Je crois que l'occasion de s'occuper de cet objet se rencontrera plus, naturellement dans, le projet de loi qui sera bientôt, présenté sur l'art de guérir, ainsi que sur l'introduction de la nouvelle pharmacopée belge. Du reste, la législation n'est pas complètement désarmée, en qui concerne les matières médicamenteuses ; il existe un, arrêté de 1821, qui punit le pharmacien, détenteur de matières officinales mauvaises ou corrompues, Il n'y a donc pas de péril en la demeure sous ce rapport.

L'honorable M. Dumortier a parlé des manœuvres qui se pratiquent à propos de la hausse et de la baisse des grains ; il a demandé s'il n'y a pas de dispositions pénales applicables à ces faits.

Je répondrai que le Code pénal y a pourvu ; l'article 419 commine des peines contre ceux qui, par des machinations, par des voies ou moyens frauduleux, par des coalitions coupables, font hausser le prix des denrées ou marchandises ; on applique assez rarement, il est vrai, ces dis-positions parce que la liberté des transactions commerciales commande la circonspection ; cependant naguère encore le tribunal de Bruxelles a prononcé une condamnation sévère à propos de maneuvres de cette espèce.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je ne suis pas étonné de l'opposition que rencontre le projet de loi sur plusieurs bancs de cette Chambre ; je crois que cette opposition provient de ce que la loi renferme quelques dispositions trop sévères.

Des hommes très compétents dans cette matière, et qui s'en sont depuis longtemps occupés, ont élaboré une loi préventive et une loi répressive.

Je crois que quelques dispositions préventives auraient beaucoup adouci les rigueurs du projet de loi qui est soumis à vos délibérations.

Si la loi ne contient pas des dispositions préventives, je ne m'en étonne pas : le projet de loi a été préparé par la commission chargée de réviser le Code pénal ; là peut-être des dispositions préventives ne trouveraient pas convenablement leur place, et voilà pourquoi les auteurs du projet ont donné à leur œuvre le caractère d'une loi répressive, et ont négligé les dispositions préventives.

Eh bien, messieurs, il est positif, et je dois, à certains égards, me rallier aux observations judicieuses, présentées par l'honorable M. Coomans, que la loi est trop rigoureuse dans ses dispositions.

L'honorable M. Rodenbach a parlé de la loi comme si elle était applicable aux pharmaciens. Vous avez entendu l'explication de M. le ministre, si on vend de la salicine pour du sulfate, il est impossible aux administrations communales, aux personnes chargées de constater les contraventions, de reconnaître celles qui peuvent se commettre dans les pharmacies.

Il est donc évident que cela doit faire exclusivement partie de la loi sur l'art de guérir ; ce n'est qu'en vertu de cette loi que les hommes de l'art pourront constater les contraventions de ce genre, s'il s'en présente.

Un autre honorable membre a parlé de la gentiane qu'on emploierait au lieu de houblon. Je ferai remarquer que la gentiane entre dans beaucoup de médicaments, qu'elle est très salubre de sa nature, qu'elle n'a rien de nuisible à la santé. C'est un amer comme il y a toute une série d'amers dans le règne végétal.

Que ce soit une falsification, je l'admets ; j'admets qu'il y a quelque chose à faire, qu'il faut quelques moyens répressifs.

J'aurais préféré quelques dispositions préventives au lieu de cette séiie de dispositions répressives qui, à mon point de vue, sont trop sévères.

Je signale, en terminant, une lacune dans la loi, c'est l'absence de toute peine contre ceux qui vendent des farines moisies, avariées ou gâtées, et cependant c'est au moyen de ces denrées altérées qu'on trompe le simple consommateur.

(page 762) M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - J'ai l'honneur de prévenir la Chambre que j'ai annexé à mon rapport la pièce que demandait M. Sinave.

M. le président. - Cette pièce sera imprimée avec le rapport.

- La séance est levée à quatre heures et demie.