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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 février 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 786) M. Maertens procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre :

« Les membres de l'administration communale et des habitants de Bolinnes-Harlue demandent que le travail dans les fabriques de produits chimiques soit suspendu pendant l'époque de la végétation et de la maturité des récoltes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Lelièvre. - Je prie le gouvernement de prendre de suite des mesures sur l'objet énoncé à la pétition, mesures promises depuis longtemps.


« Des habitants de la Hulpe demandent la libre sortie du minerai de fer. »

« Même demande des membres de l'administration communale d'Ohain et du sieur Bremard. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de de loi relatif à la sortie du minerai de fer.


« Le conseil communal de Pael demande que le concessionnaire d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit tenu d'exécuter la ligne de Louvain au camp de Beverloo par Winghe-Saint-George, Diest et Beeringen, et subsidiairement que le gouvernement soit autorisé à garantir un minimum d'intérêt de 4 p. c. pour assurer l'établissement de cette ligne. »

M. de T'Serclaes. - Je demande le renvoi de cette pétition et de toutes celles qui nous seront adressées sur le même objet à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemins de fer.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Thieri, ancien capitaine, demande la révision de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Are réclame l'intervention de la Chambre pour que son fils Vincent soit congédié du service militaire. »

- Même renvoi.


« Des consommateurs et industriels à Termonde demandent l'abolition de la surtaxe à laquelle se trouve assujetti le charbon de terre qui emprunte le canal de Charleroi à partir de Seneffe. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Lubbeek demande : 1° que la concession du chemin de fer de Louvain à Diest et au camp de Beverloo soit déclarée connexe avec l’établissement d’une ligne de Bruxelles à Louvain et qu’elle ne puisse être séparée de cette dernière ; 2° que le chemin de fer de Bruxelles vers Diest et Beverloo passe en ligne directe par Louvain et Winghe-Saint-Georges. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemins de fer.


« Le sieur Gérard Théodore Konings, marchand de houille et cabaretier à Bruxelles, né à Weert (partie cédée du Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi au ministère de la justice.


« Le sieur Godefroid Fuchs, ouvrier pelletier à Bruxelles, né à Coblence (Prusse), demande la naturalisation. »

- Même renvoi.


« M. Boulez demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. de Steenhault dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir au département de la guerre un crédit de 77,570 fr.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met la discussion à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi réprimant la falsification des denrées alimentaires

Rapport de la section centrale

M. Moreau dépose le rapport de la section centrale sur l'article additionnel proposé par M. Maertens, à la loi sur la falsification des denrées alimentaires.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et décide qu’elle s'occupera, dans la séance de demain, de l'objet qu'il concerne.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - L'ordre du jour appelle en premier lieu le projet de loi sur la sortie du minerai de fer.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, c'est hier seulement que j'ai pu remettre à M. le président les dernières pièces que j'avais promis de fournir à la Chambre sur la question de la sortie du minerai de fer. Ces pièces sont actuellement à l'impression, je pense qu'elles seront distribuées ce soir. Je proposerai à la Chambre d'ajourner la discussion de ce projet à mardi prochain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit extraordinaire au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

M. le président. - La section centrale propose quelques modifications au projet présenté par le gouvernement ; M. le ministre de la guerre se rallie-t-il à ces modifications ?

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Oui, M. le président.

M. Goblet. - Messieurs, on ne peut nier qu'il existe, au sein de la représentation nationale, de sérieuses préoccupations au sujet des sommes considérables réclamées successivement par le département de la guerre. En présence de telles préoccupations, Chacun de nous doit s'empresser d'apporter le tribut de ses réflexions.

Le projet que nous discutons n'est pas, en lui-même, d'une très grande importance ; mais il en acquiert une bien considérable par sa signification. C'est, messieurs, ce qui me détermine à vous présenter, de nouveau, quelques considérations générales sur l'organisation défensive du pays.

Dans la séance du 30 novembre dernier, je résumais de la manière suivante les développements que j'avais eu l'honneur de vous soumettre :

« Dans l'état actuel de son organisation, l'armée belge n'est pas constituée de manière à satisfaire convenablement aux conditions que je viens d'énumérer ; en bien des cas, elle ne ne pourrait entrer immédiatement en campagne et pourvoir en même temps aux garnisons des nombreuses forteresses disséminées sur tous les points du territoire. Si donc, ce que je ne veux pas préjuger aujourd’ui, l’on veut continuer à suivre les errements qui jusqu’à ce jour, ont dominé nos institutions militaires, il faudra forcément en venir à une nouvelle et considéraable diminution dans le nombre de nos forteresses. C’est le seul moyen pratique de bien sauvegarder celles que l’on conserverait, sans nuire d’une manière regrettable à l’effectif de l’armée active.

« Cette idée est si naturelle, que ceux-là mêmes qui veulent tout conserver ne cessent de porter leur attention sur l'établissement d'un système de concentration, qui est, à leurs propres yeux, réclamé par l'état de choses existant. L'extension que l'on veut donner à la place d'Anvers et à ses dépendances n'est pas autre chose que la réalisation de ce système de concentration et plus cette extension sera considérable, plus nous serons obligés de renoncer à certaines forteresses, dont l'existence, en affaiblissant l'armée active, pourrait en même temps lui faira courir de graves dangers. Il serait, en effet, possible que ces forteresses fassent, dans des circonstances critiques, le point de départ de combinaisons stratégiques, qui compromettraient les lignes de retraite vers notre refuge, construit à si grands frais. On conçoit facilement qu'un tel événement serait le plus grand désastre qui pût atteindre la patrie. »

Il est facile de conclure de ce qui précède, que je ne regarde pas les différentes parties de notre système défensif comme formant un ensemble bien ordonné. Dès lors chaque fois qu'il s'agit d'élever des travaux nouveaux, ou d'améliorer des ouvrages anciens, je ne puis me dispenser d'examiner si ce que l'on propose peut contribuer à établir un système plus rationnel et plus capable de rassurer le pays sur les conséquences d'une violation de sa neutraliié.

Un tel examen exige préalablement la connaissance, non seulement de la situation présente, mais encore de toutes les circonstances auxquelles cette situation doit son existence. On ne peut, en effet, bien apprécier les mérites et les défauts d'une institution sans remonter aux précédents qui ont exercé sur elle une influence quelconque.

Si nous portons nos regards sur le passé, nous serons facilement convaincus qu'en reconnaissant la Belgique comme Etat indépendant, on n'eut jamais l'intention de lui imposer un système militaire qui ne fût pas en rapport avec les ressources qu'elle pourrait y consacer. On admettait que, dans l'intérêt général comme dans celui du nouvel Etat, il suffisait de conserver sur son sol des ligues d'opération, destinées à faciliter les mouvements de ses alliés éventuels, venant au secours de sa neutralité violée.

Mettez-vous en mesure, nous disait-on en 1831, de bien défendre les places fortes dont la conservation vous est recommandée ; c'est votre seule obligation.

En gardant ces places, vous pourrez toujours compter que toute agression contre votre neutralité, par l'une ou l'autre des grandes puissances, sera promptement réprimée par toutes les autres. Nous ne pouvons vous imposer une autre tâche, nous ne pouvons exiger que votre organisation militaire reçoive une extension telle, que vous puissiez tenir tête, en rase campagne, aux armées des grandes nations voisines. Votre rôle doit être plus modeste, sans être moins honorable, parce qu'il suffit à garantir l'indépendance de votre patrie.

Tel était le langage que l'on tenait, et, dans la pensée des puissances qui s'occupaient de nos intérêts, la Belgique ne devait avoir qu’une force publique, spécialement organisée pour l’accomplissement de la mission qu'elle avait à remplir.

Il est très probable, messieurs que si nous fussions entrés immédiatement dans toutes les conditions normales de notre existence politique, (page 787) on se fût empressé de réaliser l'organisation de l'armée dans l'esprit de ce système ; c'était un moyen de conjurer une bonne partie des périls attachés à notre position internationale, sans nous condamner à des dépenses trop considérables.

Mais, comme j’ai eu l'honneur de vous l'exposer dans la séance du 30 novembre dernier, la Belgique fût entraînée dans une autre voie. Les retards apportés à nos arrangements définitifs avec les Pays-Bas contribuèrent à la constituer militairement suivant des règles générales applicables à des armées destinées aux luttes entre puissances d'égale importance, ou bien encore aux armées d'une nation qui, loin de n'avoir à garder qu'une défensive absolue, pourrait faire alliance pour l'offensive avec l'un ou l'autre pays voisin.

Et cela on ne peut se dissimuler que l'on a tout à fait perdu de vue le but des sacrifices que s'impose la Belgique pour l'entretien de sa force publique.

Lors du vote du dernier budget du département de la guerre, j'ai exposé la cause première de l'abandon des idées d'abord admises si les circonstances qui ont fait considérer comme définitive une organisation qui n'était qu'accidentelle. J'ai eu l'honneur de vous dire, messieurs, que l'on avait trouvé le rôle attribué à la Belgique par les puissances garantes de sa neutralité, peu digne d'elle, et l'on a prétendu que son armée devait aspirer à une gloire plus éclatante.

De telles pensées tiennent à de nobles sentiments ; elles étaient de nature à trouver dans l'armée de très nombrenx partisans. Mais, s'il était difficile d'y être insensible, il fallait immédiatement ne négliger aucune des modifications que réclamait le nouveau système dans la disposition de nos établissements militaires.

En renonçant à une défensive, que j'appellerai passive, pour en adopter une autre, qui n'était plus glorieuse qu'en raison des périls auxquels elle exposait le pays, il fallait se mettre en garde contre ces mêmes périls ; il fallait enfin ne pas oublier que tout système défensif exige une parfaite corrélation entre l'organisation du personnel de la force publique et la disposition, le nombre et la valeur des établissements permanents de défense.

Dans les idées de 1831, pour établir cette corrélation, on devait partir de l’existence de ces établissements tels qu'on voulait les conserver, pour en déduire l'organisation à donner à l'armée. Aujourd'hui cette manière de procéder doit être renversée. On veut, en effet, autre chose qu'en 1831 ; on veut une armée considérable en campagne, qui absorbe presque toutes les ressources destinées au personnel de la force publique. C’est donc cette armée qui est actuellement l’objet capital. Par suite, c’est elle qui doit servir de point de départ, pour arrêter la disposition à donner à nos établissements permanents de défense. C’est en prenant en considération ce qu’exiege la sûreté de cette armée, que l’on peut déterminer ce que command ele changement de système, ce qu’il faur créer, ce qu’il fait supprimer pour qu’il y aut un parfait accord entre toutes les parties de l’organisation défensive.

On ne tarda pas à être convaincu que, dans la position internationale du pays, une armée belge ne pouvait tenir la campagne qu'en opérant dans un système de concentration et qu'il fallait à ce système une bonne base d'opération, qui offrît en même temps à l'année un refuge assuré.

On fut ainsi conduit à donner à Anvers et à ses dépendances une importance qui a fait déjà et fera bientôt encore l'objet de vos plus sérieuses délibérations.

Mais là ne doivent pas se borner toutes les modifications à faire dans la disposition de nos forteresses. Après avoir donné à l'armée les garanties qu'elle avait le droit d'obtenir, il faut adopter des mesures qui ne laissent pas de doute sur la disponibilité de cette même armée ; il faut coordonner l'ensemble du système, de manière à rester dans la limite des ressources que la Belgique peut y consacrer, et c'est ce que l'on n'a pas fait jusqu'à ce jour, en conservant toutes les places fortes existantes.

Dans l'esprit de la convention du 14 décembre 1831, il ne pouvait y avoir le moindre doute sur la possibilité de bien garantir toutes les forteresses conservées, mais, dès que la meilleure et la plus grande partie du personnel de la force pubiique, la seule même, qui soit complètement organisée, fut destinée à tenir la campagne, on put craindre qu'il n'en serait plus ainsi.

Dans la situation actuelle, la Belgique se trouve en présence de deux combinaisons qui, toutes deux. ont des nécessités absolues, tandis que les seules nécessités de l'une d'elles suffiraient pour absorber les ressources permanentes, dont elle peut convenablement disposer.

Elle doit en effet veiller aux succès de son armée, opérant dans un système de concentration, et maintenir à la fois un système d'extension en occupant toutes les forteresses. Elle doit préserver son centre d'action de toute atteinte et laisser en même temps, sur ses frontières, des garnisons nombreuses, qu'elle ne peut obtenir qu'au détriment de l'effectif de son armée active.

La Belgique, messieurs, est hors d'état de remplir celle double mission ; elle doit nécessairement opter pour l'un ou pour l'autre système. Si elle s'est crue assez puissante pour répudier uu système de prudence, elle doit marcher franchement dans la combinaison à laquelle elle a donné la préférence et ne rien négliger pour s'assurer des chances de succès.

Or, selon moi, on n'aura rien fait dans ce sens aussi longtemps que le nombre de forteresses actuellement existantes ne sera pas diminué. C’est chez moi une conviction d’autant plus profonde, que je ne me suis jamais fait illusion sur toute l’étendue des charges que nous imposait déjà le système de 1831, tout restreint qu'il parût être. Juges donc, messieurs, quelles doivent être mes appréhensions, quand on prévoit que l'on donnera à Anvers des proportions gigantesques, que Mons, condamné par la convention de 1831, est conservé et que l'on a jugé convenable d'établir une nouvelle forteresse sur la ligue du Démer.

La seule conservation des nombreuses positions fortifiés serait incontestablement déjà un bien lourd fardeau, et cependant nous avons encore la prétention d'avoir une armée considérable en campagne. Eh bien, messieurs, dans cette situation il me paraît impossible de compter sur cette dernière pour l'emploi auquel elle est destinée.

L'absence d'une organisation réelle de troupes préposées à la garde des places fortes vous entraînera indubitablement, comme je l'ai déjà dit dans une autre circonstance, à laisser dans celles-ci une grande partie de l'infanterie, de l'armée active. Alors, après avoir fait, durant de longues années, en faveur de cette année, de très grands sacrifices, vous n'aurez, pour tenir la campagne, que des éléments disproportionnés, incapables de répondre à l'attente des partisans du système en vigueur ; après avoir fait, en temps de paix, des dépenses considérables pour l'entretien d'une belle cavalerie, d'une bonne artillerie de campagne, on ne pourra faire de ces troupes l'usage pour lequel elles sont spécialement organisées. Enfin, j'ajouterai qu'après avoir flotté, en temps de calme, entre deux combinaisons, dont chacune d'elles peut avoir son mérite, l’on finira par être exposé, au moment du danger, à n'en pouvoir réaliser aucune avec bonheur pour le pays.

Toutes les considérations précédentes, messieurs, m'ont fait voir avec bien des regrets, dans le rapport de la section centrale, que, jusqu'à présent, l'on est peu disposé à donner une solution catégorique à la question de la défense générale du pays.

Ces regrets sont chez moi d'autant plus vifs que l'état de choses actuel peut être aussi fatal au pays, sous le rapport financier, que sous celui plus essentiel d'une bonne défense.

Le projet que nous discutons est un indice positif du maintien de ce même état de choses et, à ce point de vue, je ne puis lui donner mon assentiment.

Ce n'est pas au moment ou nous sommes appelés à voter des sommes considérables pour compléter la base d'un système de concentration, que je puis consentir à faire de nouveaux sacrifices pour l'entretien et l'amélioration d'établissements, qui, loin de se rattacher à ce système, ne peuvent que contribuer à le rendre impuissant.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - A l'occasion d'un crédit concernant principalement le matériel du génie et de l'artillerie, l'honorable général Goblet vient de nous faire l’historique de l'organisation de l'armée. Vous savez tous, messieurs, que cette organisation (qui n'est pas en jeu en ce moment) a été élaborée par une commission mixte émanant de la Chambre elle-même. La réforme d'un système aussi longuement, aussi laborieusement, aussi consciencieusement étudié, ne peut pas être l'objet d'une discussion soulevée à l'improviste. Je ne puis concevoir aucun changement à notre organisation militaire, sans de nouvelles recherches aussi sérieuses, aussi approfondies et aussi consciencieuses que les premières.

Déjà j'ai eu occasion de dire à la Chambre que, dans la question des forteresses, je n'étais pas complètement de l'avis de la commission dont nous avons parlé. Mais il est à remarquer que la décision de cette commission, en ce qui concerne notamment la place de Mons que l'honorable général Goblet a citée tout à l'heure ; que cette décision, dis-je, a été prise à la majorité de 13 voix contre 5.

En présence d'une majorité aussi imposante dans une assemblée composée de capacités aussi notoires, il serait présomptueux de la part du ministre de la guerre de se déclarer immédiatement l'adversaire d'un système qui a été reconnu bon par cette commission.

La conséquence logique de l’incertitude dans laquelle le ministre doit se trouver est nécessairement la conservation de ce qui existe, jusqu'à ce qu'on se soit bien assuré de la nécessité de remplacer le système existant par des dispositions meilleures.

Du reste, je n'ai aucune répugnance à provoquer de nouvelles études sur certains détails de notre organisation qui ont pu faire surgir des incertitudes sérieuses ; je me propose de convoquer à cet effet une commission spéciale ; mais, auparavant, je désire obtenir une décision sur une question qui est, à mon avis, d’une importance tout à fait exceptionnelle.

Je crois devoir borner là mes observations ; il me semble que tout ce qui concerne la conservation ou la suppression de quelques-unes de nos places fortes doit être complètement réservé et qu'en attendant, il ne peut pas y avoir de doute concernant leur entretien. Cesser de les entretenir, ce serait préjuger la question ; un ministre consciencieux ne peut pas agir ainsi.

M. Delfosse. - Messieurs, en prenant la parole contre le projet de loi, je n'ai pas la prétention de le faire rejeter ; je sais d'avance qu'il sera adopté à une forte majorité. Je veux seulement expliquer en quelques mots les raisons du vote négatif que je me propose d'émettre.

Au mois de novembre dernier, M. le ministre des finances évaluait le découvert de l'exercice 1856 à 6 millions et à 16,850,000 fr. le découvert des exercices antérieurs.

Cette situation, qui n'était pas déjà très bonne, s'est considérablement empirée. Si, d'une part, les produits de l'exercice 1855 ont dépassé de (page 788) 3 millions les prévisions indiquées, le découvert présumé de l'exercice 1856 s'est accru, d'autre part, de diverses sommes dont il n'avait pas été tenu compte dans l'évaluation faite au mois de novembre dernier.

Je veux parler des 3,658,000 fr. que nous avons votés récemment pour les travaux d'utilité publique dans les Flandres ; des 5,298,000 fr. dont le projet de budget des travaux publics vient d'être augmenté, et des 2,225.000 fr. qui nous sont demandés sur l'exercice 1856 pour le camp retranché d'Anvers.

Certaines allocations dont il avait été tenu compte ont, en outre, été reconnues insuffisantes. C'est ainsi que les crédits prévus par le département de la guerre étaient fixés à 4,250,000 fr., tandis qu'ils s élevèrent, après le vote du projet en discussion, à 5,182,932 fr.

Le découvert de l'exercice 1856, qui était évalué, au mois de novembre, à 6 millions seulement, doit être porté au moins à 18 millions, et je crains bien que des faits ultérieurs ne viennent encore l'aggraver, car il y a dans cette Chambre une bien grande facilité à voter des dépenses.

Ce découvert, réuni aux découverts des exercices antérieurs, s'élèvera au moins à 32 millions ; il dépassera de 10 millions les prévisions du budget des voies et moyens. Le danger tant de fois signalé dans cette enceinte, d'une trop forte émission des bons du trésor, est sur le point de reparaître plus menaçant que jamais, et cependant nous avons réalisé, en 1853, un emprunt destiné en partie à réduire la dette flottante, et cependant nous avons augmenté l'impôt foncier de 526,540 fr. et le droit d'accise sur le sucre d'un million.

Si on n'y prend garde, si on laisse ainsi les découverts s'étendre et s'accumuler, nous devons nous attendre à de sérieux embarras dont nous ne pourrons sortir qu'en imposant de nouvelles et très lourdes charges aux contribuables.

Je ne puis, dans cet état de choses, voter pour le crédit de 2,359,760 fr., destiné à l'amélioration du matériel de l'artillerie et du génie. Je le puis d'autant moins, que les dépenses du département de la guerre que j'ai trouvées en tout temps exagérées, tendent à s'accroître d'année en année.

En 1855 elles se sont à peu près élevées à 40 millions ; en 1856, si toutes les propositions du gouvernement sont acceptées, ce chiffre sera fortement dépassé. En effet nous avons voté les crédits suivants :

Budget de la guerre, 32,209,885 fr.

Supplément par suite du renchérissement des denrées alimentaires, 2,782,626 34 fr.

Dépenses diverses, 40,546 fr. 29

Deuxième quart du crédit alloué par la loi du 4 juin 1855, 990,000 fr.

Pensions militaires, 2,940,000 fr.

On nous demande en outre :

Pour travaux d'achèvement et d'amélioration du matériel du génie et de l'artillerie, 2,359,760 fr.

Pour le camp retranché, 8,900,000, à répartir sur quatre exercices, soit pour l'exercice 1856, 2,225,000 fr.

Total, 43,547,827 fr. 65.

43 millions et demi en une seule année, sans compter les demandes qui peuvent encore surgir, c'est, à mon avis, beaucoup trop, surtout dans la situation actuelle du trésor.

Je voterai contre le projet de loi.

M. Vander Donckt. - Dans une séance précédente, j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de MM. les ministres de l'intérieur et de la guerre sur la confection des cartes pour laquelle on demande une allocation de 35 mille francs. A cette époque, un honorable collègue s'est appesanti assez longuement sur les avantages qui auraient pu résulter d'une combinaison, d'une bonne entente entre département de la guerre et le département de l'intérieur. Chacun de ces départements s'occupe de son côté de la confection d'une carte ; il me semble qu'on pourrait diminuer considérablement la besogne en s'entraidant, si l'un ou l'autre des plans était adopté par les deux départements, car pour faire la carte du pays il n'en faut pas deux.

Si l'on s'entendait sur les moyens de réaliser cette idée, il me semble qu'outre l'économie, on pourrait abréger de beaucoup le temps que l’on a dit être nécessaire pour achever cette carte. On a prétendu, en effet, qu'il fallait peut-être encore dix ans, peut-être trente ans.

Je demande que le département de la guerre et celui de l’intérieur veuillent se prononcer sur les difficultés, s'il y en a. Car, pour le moment, je ne fais que suggérer une idée, et je voudrais être éclairé à cet égard.

Dans le cas où le département de la guerre se chargerait de la confection de la carte, si l'honorable chef de ce département nous demandait une augmentation d'allocation, je serais tout disposé à la lui accorder, pourvu que la dépense que l’on fait au département de la guerre fût supprimée ou fût réduite.

Je crois qu'il y a un double emploi et une dépense véritablement inutile, puisque dans deux départements on fait la même chose.

M. Thiéfry - J'ai toujours voté tous les crédirs demandés pour le matériel de l'artillerie et pour les fortifications. Très souvent même, j'ai pris part aux discussions pour faire ressortir la nécessité d’accorder les sommes sollicitées. Comme il ne saurait en être de même aujourd'hui, je dois expliquer les motifs de mon changement.

En comparant le nombre d'hommes nécessaires à la défense de nos forteresses, avec l’effectif possible de l'armée sur le pied de guerre, j'ai remarqué et j'ai toujours soutenu dans cette enceinte, que nous avions beaucoup trop de places fortes, qu'en cas d'attaque nous ne saurions les défendre. Cette opinion a été celle de l'unanimité de la grande commission militaire, et aujourd'hui la démolition de quelques-unes de ces places fortes est en voie d'exécution. Mais les partisans de ce système soutinrent avec raison que d'autres fortifications devaient encore être rasées ; ils demandèrent aussi la démolition de Mons ; quoique la majorité de la commission n'ait pas été de cet avis, il est à remarquer pourtant que c'était l'opinion des deux lieutenants généraux commandant l'artillerie et le génie, et que tout le monde a reconnu que pour conserver Mons, il y aurait nécessité à construire une citadelle dont la dépense s'élèvera au moins à 5 millions.

Je n'ai jamais considéré cette question comme entièrement résolue, aussi je n'ai point été étonné d'entendre l'honorable général Goblet dire, dans la séance du 30 novembre dernier, qu'il faudrait forcément en venir à une nouvelle et considérable diminution dans le nombre de nos forteresses. Voici ce que M. le ministre de la guerre lui a répondu :

« L'honorable général a touché la question des forteresses, eh bien, messieurs, en ce moment même cette question est soumise à de nouvelles études, et dans un avenir peu éloigné, des comités spéciaux auront à s'occuper de projets qui pourront amener la question de savoir s'il ne serait pas utile de supprimer quelques-unes de nos places fortes, précisément pour suivre le système de concentration qui a été préconisé et que l'honorable général a si parfaitement compris. M. le ministre vient de répéter la même déclaration. »

Or, je vois dans le projet de loi des crédits réclamés pour ces mêmes villes auxquelles M. le ministre a fait allusion. On dépenserait donc des sommes considérables pour des fortifications qu'on devrait raser avant que la maçonnerie nouvelle fût séchée.

D'un autre côlé nous sommes saisis d'un projet de loi qui a pour but d'élever autour d'Anvers des fortifications considérables qui augmenteront certainement la difficulté de défendre les autres places fortes et devront engager le gouvernement à en supprimer. Puis je trouve encore que les dépenses qu'on veut faire au camp de Beverloo dépassent trop les proportions admises depuis un grand nombre d'années ; on y affectait alors 147,500 fr. par an ; elles s'élèveront en 1856 à plus de 292,000 francs.

Par ces divers motifs je ne puis donner un vote approbalf au projet de loi.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - J'ai demandé la parole pour présenter quelques considérations, d'ailleurs très brèves, sur les observations qui ont été faites par l'honorable M. Delfosse.

Je pense, messieurs, que chaque fois que nous parlons de notre situation financière et des dépenses de l’Etat, il importe de faire toujours la distinction, admise par la Chambre, des dépenses extraordinaires et des dépenses ordinaires.

Il n'est que trop vrai, que par suite des crédits que nous nous sommes trouvés dans la nécessite de demander aux Chambres, le découvert du trésor à la fin de cette année sera plus considérable que celui qui a été indiqué lors de la présentation des budgets, mais il est à remarquer que l'excédant provient de dépenses extraordinaires et que jamais on n'a cru qu'on dût couvrir cette catégorie de dépenses de l’Etat par les voies et moyens ordinaires. Ces dépenses concernent en général ou les travaux publics, ou les besoins de la défense du pays.

Quant aux travaux publics, les dépenses qui leur sont consacrées sont, pour la plupart du temps du moins, productives d'intérêt et par conséquent, elles ne nuisent pas à notre équilibre financier ; elles augmentent nos ressources permanentes eu même temps qu'elle contribuent au bien-être général.

Quant aux dépenses qui concernent la défense du pays, elles ne produisent pas directement un revenu au trésor.

Elles ne peuvent être remboursées que peu à peu par des économies et notamment par l'action de l'amortissement de la dette publique. Leurs bons effets pour n'être pas immédiats n'en sont pas moins réels.

Le crédit dont il s'agit en ce moment, est relatif à une dépense de cette nature ; nous ne pouvons la considérer comme une dépense ordinaire du budget, car il s’agit de mettre une bonne fois, ce qui, je pense, n’a jamais eu lieu, nos établissements militaires dans une situation restectable telle que la défense du pays soit solidement garantie.

Du reste, messieurs, au fond je ne conteste pas les chiffres présentés par l’honorable M. Delfosse ; ils ne soul pas exagères, je dois le reconnaître ; et je ne suis pas même bien certain que le chiffre qu'il a indiqué ne sera pas dépassé.

M. Delfosse. - Il le sera bien certainement.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il le sera probablement, non pas en dépenses réalisées, mais en dépenses votées ; car il y a encore là une distinction à établir.

Les dépenses faites dans le courant d’une année et les dépenses votées dans le courant de cette année, sont choses bien différentes. Il arrive souvent que les Chambres votent des crédits dont le montant n'est réellement dépensé qu’une, deux ou trois années plus tard.

Je fais ces observations pour que chacun puisse se faire une idée exacte de la situation et se rappelle les faits antérieurs qui justifient cette appréciation.

(page 789) Du reste je suis complètement d'accord avec l'honorable M. Delfosse qu'il serait dangereux, très dangereux d'avoir une dette flottante considérable.

C'est pour ce motif aussi que nous avons cherché par quelques moyens déjà présentés aux Chambres à augmenter les voies et moyens ordinaires. C'est pour ce motif encore que le gouvernement peut annoncer dès à présent que dans le cours de cette session des propositions seront soumises aux Chambres pour demander à l'emprunt des voies et ressources extraordinaires.

Jusqu'aujourd'hui j'ai maintenu notre dette flottante à un chiffre modéré, bien que d'après le budget des voies et moyens, elle puisse s'élever à 22 millions ; l'émission en ce moment n'en dépasse pas dix. Limité à ce chiffre elle ne présente aucun inconvénient. J'ajoute que si l'émission est d'environ dix millions, la circulation ne dépasse guère cinq millions.

En effet, différents établissements publics possèdent cinq millions environ d'obligations de cette dette que l'on peut considérer, en quelque sorte, comme (erratum, page 806) immobilisés et n'entrant pas dans la circulation.

M. de Renesse. - Depuis quelques années, des crédits extraordinaires assez considérables ont été demandés pour les besoins du département de la guerre, d'autres crédits sont en instruction et vont encore augmenter les charges du trésor. Pour faire face à ces dépenses en dehors des prévisions du budget de la guerre, l'on ne trouve d'autres ressources que des bons du trésor.

C'est un système financier que je ne puis approuver et contre lequel je me suis déjà élevé à plusieurs reprises ; je ne puis donc voter en faveur du projet de loi, ne voulant pas, par après, prendre l'engagement de voter de nouvelles charges pour les contribuables. Si l'on doit avoir nécessairement des sommes assez importantes pour faire face aux dépenses extraordinaires du département de la guerre, que l'on cherche à économiser sur les autres dépenses facultatives du gouvernement pour les appliquer aux besoins extraordinaires du département de la guerre.

Je ne pourrai donner mon assentiment à toute dépense extraordinaire qui est basée sur des bons du trésor.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je regrette que l'honorable préopinant, pour les motifs qu'il a donnés, ne croit pas pouvoir voter le crédit.

On parle souvent de dépenses facultatives, mais je voudrais que les honorables membres qui signalent ces dépenses comme pouvant être évitées ou restreintes, voulussent bien examiner sérieusement et en détail quelles sont celles sur lesquelles on pourrait faire des économies quelque peu notables.

Dans les dépenses que renferment nos budgets, je n'en vois pas beaucoup de cette nature, même en me plaçant au point de vue des honorables membres qui en ont critiqué quelques-unes ; je crois qu'en scrutant toutes les dépenses qu'on appelle facultatives et qui, si elles ne sont pas indispensables, sont cependant d'un haut degré d'utilité, les honorables membres n'arriveraient qu'à une réduction très faible sur le chiffre total du budget.

M. Osy. - Messieurs, en 1854 le gouvernement avait annoncé qu'il aurait besoin d'une somme de 15 millions pour l'armement des places fortes et pour augmenter l'artillerie. Sur cette somme il a déjà été voté deux crédits et nous en sommes aujourd'hui au troisième. Comme le gouvernameut connaissait en 1854 les besoins auxquels ces crédits doivent faire face, il me semble qu'on aurait dû les comprendre au budget, en les portant à la colonne des dépenses extraordinaires. Il est vrai que le budget de 1856 a été présenté au mois de février 1855, mais nous ne l'avons voté qu'au mois de novembre dernier, et alors certainement, les besoins dont il s'agit étaient connus puisqu'ils se trouvaient indiqués dans l'exposé des motifs présenté par l'honorable ministre des finances à l'appui du budget des voies et moyens.

J'ai encore eu l'occasion de le rappeler la semaine dernière, toutes les dépenses que le gouvernement prévoit doivent être portées au budget ; je regrette donc vivement de devoir voter des crédits spéciaux pour des dépenses prévues depuis l'année dernière. J'espère au moins que le budget de 1857 comprendra toutes les dépenses prévues.

La section centrale, dont je faisais partie, s'est beaucoup occupée du projet de loi actuel. Mous avons vu, par les explications du gouvernement, qu'il n'est pas fixé encore sur la question du maintien de toutes les places fortes.

Aujourd'hui, messieurs, vous avez entendu un honorable général qui a fait partie de la commission militaire et qui comprend parfaitement les questions relatives à la défense du pays, émettre des doutes sur la possibilité d'un système qui consisterait à maintenir les anciennes forteresses et à en construire de nouvelles. M. le ministre de la guerre lui-même vient de dire qu'il nommera sous peu une commission pour examiner cette question.

Dans cet état de choses, messieurs, je ne puis voter le crédit que si M. le ministre prend l'engagement de ne faire que les dépenses strictement necesaires pour l'entretien de ce qui existe. Je ne puis consentir à ce qu'on fasse de nouvelles constructions pour des forteresses que nous devrions démolir prochainement. Pour la ville de Mons seule, on demande une somme de 200.000 fr. dont une partie doit servir à faire de nouveaux bâtiments.

Je vous le demande, messieurs, pouvons-nous, en conscience, voter de semblables dépenses quand nous entendons mettre sérieusement en question la conservation des fortifications de Mons et par un honorable général, parfaitement initié à ces matières, et par l'honorable ministre de la guerre lui-même ?

Je le répète, il m'est impossible de voter le crédit si le gouvernement ne prend pas l'engagement de ne faire que les dépenses de stricte entretien, engagement formulé par la section centrale.

La section centrale s'est encore occupée d'une affaire assez importante. On demande 75,000 francs pour un champ de manœuvres près de Bruxelles. La ville de Bruxelles est obligée de fournir un champ de manoeuvres d'une contenance de... , mais le gouvernement a trouvé nécessaire de demander un champ de manœuvres d'une plus grande étendue, et il a fait à cet égard avec la ville de Bruxelles une convention dont il résultera une dépense de 75,000 francs.

Il me semble que le gouvernement aurait dû nous soumettre cette convention avant de l'adopter définitivement.

L'année dernière nous avons été appelés, dans la discussion du budget de l'intérieur, à nous occuper d'une dépense relative à l'établissement de Gosselies et nous avons engagé M. le ministre à nous présenter à cet égard un projet de loi spécial ; nous avons été ainsi mis à même d'examiner la convention qui concernait cette dépense. Il me semble que M. le ministre de la guerre aurait dû faire la même chose pour la convention conclue avec la ville de Bruxelles.

Aujourd'hui cette somme de 75,000 fr. se trouve presque inaperçue dans les tableaux d'un crédit de plus de 2 millions, cependant la section centrale s'en est occupée attentivement et il y a même des membres qui n'ont pas voulu l'adopter.

Je crois, messieurs, qu'il faut entrer dans la régularité : s'il y a des conventions, il faut les soumettre à fa Chambre afin qu'elle puisse les examiner avant de voter les dépenses qui en résultent. Quand au crédit de cette nature nous sera demandé par uu projet de loi spécial, l'attention de tout le monde y sera appelée, tandis que maintenant, qu'il se trouve enveloppé dans une somme de 2,300,000 fr. il peut échapper à beaucoup de membres.

J'insiste, messieurs, sur l'observation que j'ai faite tantôt que toutes les dépenses prévues doivent être portées au budget et je vous rappellerai ce qui a été fait, sous ce rapport, par M. le ministre des travaux publics.

Le budget des travaux publics avait été présenté au mois de février 1855, comme celui de la guerre, mais M. le ministre des travaux publics a envoyé à la section centrale des amendements qui avaient pour objet d'augmenter le chiffre du budget, de 5 millions de francs ; de cette manière la section centrale a été mise à même examiner ces augmentations et d'éclairer la Chambre.

Je le répète, messieurs, je ne puis voter le crédit demandé pour les places fortes qu'autant que le gouvernement prenne l'engagement de ne faire que les dépenses d'entretien strictement nécessaires.

Il ne convient pas que nous accordions des fonds pour construire des bâtiments qui seraient peut-être démolis dans un an ou deux. Rappelons-nous, messieurs, ce qui s'est passé à Ypres ; les fortifications d'Ypres ont été défaites et refaites jusqu'à trois fois, si je ne me trompe.

C'est là une chose regrettable ; entretenons ce qui existe, mais ne faisons pas de nouvelles constructions avant d'en avoir reconnu définitivement l'utilité.

M. de Renesse. - En réponse aux paroles de l'honorable ministre des finances, je ferai observer que je crois qu'il y a des économies notables à faire, par la suppression de la marine militaire, qui, actuellement, ne peut rendre que peu de services au pays ; dans les dépenses pour des travaux publics l'on pourrait aussi introduire des économies, si l'on ne voulait pas faire tout à la fois, et si, surtout, les devis de ces travaux publics étaieut mieux étudiés, leurs dépenses mieux calculées. Maintenant l'on propose l’exécution de certains travaux publics, et presque toujours les Chambres sont obligées de voter des crédits supplémentaires, parce que les plans et les devis ne sont pas exacts ; c'est ainsi, lorsqu'il s'est agi du canal latéral à la Meuse de Liège à Maestricht, le gouvernement nous avait assuré que la dépense ne dépasserait pas 3,500,000 francs, que l'on avait demandé réellement 500,000 fraucs de plus pour les dépenses imprévues ; en définitive ce canal a coûté près de 10,000,000 de francs sans qu'il rapporte un grand intérêt au trésor.

Si l’on a des dépenses extraordinaires à faire pour la défense du pays, que l'on cherche alors à économiser sur d'autres travaux publics.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, l'honorable M. Thiéfry a parlé entre autres du camp de Beverloo. Je me permettrai de faire observer que les dépenses relatives à ce camp ne sont pas improductives. C'est de l'argent placé d’une manière avantageuse aux intérêts de l’Etat. Chaque année, nous fertilisons des terres incultes et nous créons pour l'Etat un domaine qui aura une grande importance.

Un autre motif m'a obligé de faire une demande de crédit considérable pour le camp de Beverloo, ce sont les dispositions préliminaires à prendre, par suite de la loi qui modifiera le Code pénal militaire actuel. Ces modifications amèneront un établissement fixe à Beverloo pour la compagnie de punition dont il est question daus ce projet de loi.

L’honorable M. Vander Donckt a fait une recommandation au sujet de la carte du pays. J'aurai l'honneur de me concerter avec mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, pour examiner les moyens (page 790) d'entrer dans la voie économique qu'il convient à un gouvernement de suivre dans l'intérêt de l'administration.

Je ferai observer en passant que la carte du pays, confiée aux soins du département de la guerre, marche dans une voie dont nous avons singulièrement à nous louer. Les œuvres déjà produites par ce département sont irréprochables ; elles font honneur au gouvernement qui en a conçu la pensée et aux hommes qui ont été chargés de les exécuter.

L'honorable M. Osy a fait remarquer que le budget ordinaire aurait d$u prévoir tout ou du moins une partie des crédits demandés.

Aux termes de la loi de comptabilité, le budget doit être présenté avant le 1er mars ; aussi l'honorable M. Osy a-t il admis qu'au mois de mars 1855, il était impossible de prévoir quelle serait la somme afférente à l'année 1856 sur les nécessités générales qui ont été reconnues. Lorsque la discussion du budget est retardée jusqu'au mois de novembre, on peut préciser d'une manière plus certaine quels seront les besoins. Il est difficile d'admettre qu'ils puissent être déterminés d'une manière complete, mais on peut en préciser une partie.

Eh bien, messieurs, cette dernière partie, je m'engage volontiers à la comprendre dans le budget de l'année 1857 ; si la discussion n'en a lieu qu'au mois de novembre, je présenterai, dans ce cas, par voie d'amendement au budget, ce qui a fait cette année l'objet d'un projet de loi spécial.

Quant aux réparations relatives aux forteresses qui pourraient être éventuellement supprimées, je m'engage à ne consentir à aucune dépense qui ne soit pas absolument nécessaire. Mais je persiste à dire que, tant que la question ne sera pas tranchée, il est indispensable d’entretenir les bâtiments militaires qui sont une propriété du l'Etat.

On a parlé du crédit de 74,600fr. demandé pour un champ de manœuvres à Bruxelles ; je vais avoir l'honneur, messieurs, d'expliquer l'origine de cette dépense.

Un décret impérial de 1810 prescrit aux villes de fournir un champ de manœuvres proportionné à la force de la garnison.

Ce terrain qui, aux termes exprès du décret, devrait être de 25 hectares pour la ville de Bruxekkes, a été reconnu insuffisant. Au moment où la ville de Bruxelles se préparait à faire les acquisitions nécessaires pour préparer le champ de manœuvres qui lui était demandé en vertu de la loi, le gouvernement a cru qui était utile d'intervenir pour une certaine quotité dans la dépense de cet établissement, à la condition d'avoir un terrain plus en harmonie avec les besoins de la résidence royale, non seulement en ce qui concerne les réunions militaires, mais encore au point de vue des fêtes nationales et d'autres circonstances qui se reproduisent fréquemment.

L egouvernement a donc voulu intervenir pour une certaine somme dans l'opération, il a cru probablement, je dis probablement, car je n’ai pas eu à traiter cette affaire, et je n'ai pas à en répondre aujourd'hui ; il a cru probablement que demander à l'avance une autorisation aux Chambres pour un terrain déterminé, c'était élever d'une manière remarquable les prétentions des propriétaires et mettre le gouvernement dans le cas de payer deux ou trois fois la valeur du terrain qu'on avait en vue.

Celle affaire a donc donné lieu à une convention avec la ville de Bruxelles. Depuis cet arrangement, les budgets de 1855 et 1856 ont été discutés et votés ; la demande de crédit aurait pu être faite dans l’un de ces budgets ; mais aux termes de la convention, le payement ne devait s’effectuer qu’après que le terrain aurait été livré et que la ville de Bruxelles aurait fait effectuer les travaux de nivellement ; si donc on avait proposé un crédit pour cet objet sur un des budgets passés, il aurait fallu plus tard demander le transfert de ce crédit.

Du reste, rien n'est préjugé dans cette affaire. Le gouvernement, dans sa transaction avec la ville de Bruxells, a mis une réserve expresse, par laquelle il est stipulé que l'approbation de la législature impliquait seule la validité du contrat. La Chambre est donc parfaitement libre de refuser son adhésion à la dépense de 74,600 fr., et rien ne sera conclu. La ville de Bruxelles rentrera dans la jouissance de son terrain, et le gouvernement en sera privé. Mats l'Etat ferait une affaire assez médiocre dans cette circonstance, car déjà la valeur de ces terrains a triplé, quadruplé même, depuis l’établissement du champ de manœuvres.

M. Thiéfry. - J'avais demandé la parole pour donner quelques explications sur les observations de l'honorable M. Osy, qui sont aussi produites dans le rapport de la section centrale. J'aurai peu de chose à ajouter à ce qu'a dit M. le ministre de la guerre.

La convention dont a parlé l'honorable ministre date du 8 mai 1852, elle avait aussi un double but, et elle a été contractée entre le conseil communal et MM. les ministres de la guerre et des travaux publics.

La ville n'était pas obligée de fournir un champ de manœuvres aussi vaste que le voulait le gouvernement ; elle consentit à en établir un de 30 hectares au lieu de 25, moyennant un subside égal au sixième de la dépense, soit 74,760 fr.

D’un autre côté, les routes de Louvain et de Wavre présentant aux portes de la ville des dangers pour la circulation des voitures, il fallait le concours de la ville et du ministre des travaux publics pour faire disparaître ces difficultés. Un arrangement, repris aussi dans la délibération du conseil communal du 8 mai 1852 eut lieu à ce sujet.

En décembre 1852, le gouvernement présenta à la Chambre le projet de loi pour la réunion du Quartier-léopold à la ville. La délibération du conseil communal dont je viens de parler, et les plans où figuraient le champ de manœuvres et les routes projetées étaient joints aux pièces soumises à la section centrale. Le projet de loi a été voté le 27 janvier 1853. Toutefois, je dois dire que la Chambre n'a pas été appelée à émettre un vote sur le chiffre même de la dépense.

Le 20 juin suivant, un arrêté royal inséré au Moniteur approuve la convention faite entre la ville et MM. les ministres sous réserve, comme vient de le dire M. le ministre de la guerre, de ratification par la législature des dépenses à supporter par l'Etat.

M. le ministre des travaux publics, dans son budget pour l'exercice de 1854, comprit une somme de 500,000 francs pour l'exécution des routes qui lui incombait, et elle fut votée dans la séance du 17 décembre 1853.

Ainsi quant à la somme de 74,760 fr. demandée aujourd'hui, ce n'est que l'exécution d'une convention qui nous a été implicitement soumise lors de projet de loi pour la réunion du Quartier-Léopold à la ville.

L'irrégularité dont ou se plaint n'est donc pas aussi grande qu'on le suppose.

Seulement le crédit aurait dû figurer dans le budget de la guerre ; si M. le ministre ne l'y a pas compris, pas plus que tous les autres crédits supplémentaires, tout le monde en apprécie bien la raison ; c'est tout uniment pour dissimuler à la Chambre et au pays la masse de millions qu'absorbe le département de la guerre ; M. le ministre a craint l’effet qu'aurait produit un budget de près de 41 millions.

Il a préféré en présenter un de 32 millions, puis des demandes de crédits pour l'artillerie, le génie, la solde, etc., etc. En résumé pourtant tout cela aboutit à un total assez rond.

M. Lelièvre. - Il me sera impossible de voter le crédit demandé. Les dépenses pour le département de fa guerre augmentent réellement d’une manière effrayante et à mon avis dépassent toutes les limites raisonnables. J'engage M. le ministre à réduire les dépenses et à réaliser des économies, car évidemment les demandes de crédit qui se renouvellent à chaque instant amèneront nécessairement une réaction contre le chiffre actuel du budget de la guerre. C'est à M. le ministre à changer cet ordre de choses s'il veut éviter le résultat dont je viens de parler et que, sans crainte de me tromper, je n'hésite pas à lui annoncer comme prochain.

M. Osy. - C'est en effet ce que je disais tout à l'heure ; le gouvernement demande des crédits spéciaux pour que nous n'y voyions pas très clair.

Le gouvernement a déclaré en 1854 qu'il avait besoin de 15 millions pour l'artillerie et le génie à répartir sur plusieurs années. Pour la régularité et la bonne comptabilité,.pour que chacun de nous pût connaître les besoins du trésor, on aurait dû comprendre dans le budget la part afférente à chaque exercice, mais c'est ce qu'on ne veut pas ; et c'est une des raisons pour lesquelles on demande plaint des crédits supplémentaires ou extraordinaires au lieu de les porter au budget.

Sous tous les ministères, j'ai fait les mêmes observations, je les renouvelle encore aujourd'hui parce que je crois que le pays doit connaître les dépenses auxquelles il doit pourvoir.

L'honorable M. Delfosse vient de vous présenter un calcul de ce que nous avons à dépenser pour la guerre ; cela va au-delà de 40 millions. Si tout figurait au budget, le pays et nous nous connaîtrions les besoins de l'Etat.

Je suis loin de critiquer la dépense faite pour le champ de manœuvres ; comme la garnison de la capitale est forte, il lui faut un champ de manœuvres proportionné à sa force.

Je ne blâme donc pas le gouvernement d'avoir acheté 12 hectares de plus que ne devait comprendre d'abord le champ de manœuvres ; mais cette dépense aurait dû être portée au budget, c'est une irrégularité que je signale.

- La discussion générale est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit extraordinaire de deux millions trois cent cinquante neuf mille sept cent soixante francs (fr. 2,359,760), à répartir sur ies articles suivants du budget de 1856 :

« Article 5. Dépôt de la guerre : fr. 35,000.

« Article 20. Matériel de l'artillerie : fr. 975,000.

« Article 21. Matériel du génie : fr. 1,324,760.

« Article 27. Transports généraux : fr. 25,000.

« Total : fr. 23559,760. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des bons du trésor, dont l’émission est autorisée par la loi du budget des voies et moyens de l'exercice 1856. »

- Adopté.


« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet,

67 membres répondent à l'appel.

45 répondent oui.

18 répondent non.

4 se sont abstenus.

(page 791) Ont répondu non : MM. Mascart, Moreau, Thiéfry, Vander Donckt, Van Renynghe, Ansiau, Closset, Coppieters, Dautrebande, de Breyne, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Renesse, Goblet, Lejeune, Lelièvre et Lesoinne.

Ont répondu oui : MM. Maertens, Matthieu, Mercier, Osy, Pirmez, Rodenbach, Tack, Thibaut, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Van Hoorebeeke, Van Iseghem, Van Overloop, Vilain XIIII, Visart, Anspach, Brixhe, Rogier, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Jacques, Lange, Laubry, Lebeau et de Naeyer.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Veydt. - Je me suis abstenu parce que, parmi les sommes réclamées par l'article premier, il en est que j'étais disposé à voter, tandis qu'il en est d'autres auxquelles je ne puis accorder mon vote, attendu que certaines dépenses auxquelles elles s'appliquent semblent préjuger le maintien d'un ordre de choses que je ne saurais approuver.

M. Coomans. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai exposés souvent à la Chambre.

M. de Baillet-Latour. - Je me suis abstenu pour les raisons développées par l'honorable M. Delfosse dans le discours qu'il a prononcé.

M. Loos. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. Veydt.

- La séance est levée à 5 heures.