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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 janvier 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 481) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Tack, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur François-André Spyers, régent chargé de l'enseignement de l'anglais et de l'allemand à l'école moyenne de l'Etat à Spa, né à Zevenaar (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Les sieurs Galle, Quinet, et autres directeurs gérants de charbonnages du bassin de Charleroi, prient la Chambre de réduire le taux des péages du canal à petite section de Charleroi à Bruxelles. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen de la proposition relative aux péages sur le canal de Charleroi.


« Le sieur Coppée présente des observations sur le projet de loi relatif aux jurys d'examen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Plusieurs habitants de Hulste demandent que tous les notaires puissent instrumenter dans leur arrondissement judiciaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs juges de paix dans l'arrondissement de Verviers prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Renvoi à la commission du projet de loi sur l'organisation judiciaire.


« Le sieur Warlus, journalier à Nivelles, demande un secours sur le fonds spécial des blessés de septembre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Honhon, ancien militaire pensionné, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.


« Les bourgmestres de Gedinne, Willerzée, Bourseigne-Neuve, Vencimont, Sart-Custinne, Rienne, Bourseigne-Vieille, Palignies et Malvoisin demandent la construction de la route de Gedinne à la frontière de France vers Hargines. »

M. Thibaut. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics.

Il s'agit de la construction d'une route dont les études préparatoires ont été faites. Je prierai aussi cette section centrale de bien vouloir communiquer la pétition à M. le ministre des travaux publics et de consigner dans son rapport les explications que donnera M. le ministre.

- Le renvoi de la pétition à la section centrale est ordonné.


« Des habitants de Ghoy appellent l'attention de la Chambre sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi pour la révision du tarif des douanes.


« Plusieurs étudiants en droit demandent que tout docteur en droit aspirant au grade de candidat notaire, soit exempté de l'épreuve préparatoire déterminée par l'article 2 du projet de loi sur les jurys d'examen et de tout examen nouveau sur le Code civil. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

Projet de loi relatif aux jurys d’examen universitaire

Rapport de la section centrale

M. de Theux. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements de M. Orts et de M. de La Coste au projet de loi relatif à la formation du jury pour les grades académiques.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

Rapport sur une pétition

Communication du gouvernement sur une pétition

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - J'ai l’honneur de déposer sur le bureau les explications promises par le gouvernement dans l'affaire de Cappellen et les explications demandées sur la pétition du sieur Delstanche, contre l'école de Haine-Saint-Pierre.

M. de Moor. - Je demande l'impression des explications de M. le ministre.

- Plusieurs membres. - Dans les Annales parlementaires.

- La Chambre décide que les explications du gouvernement seront insérées aux Annales parlementaires.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1857

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre de la guerre se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Non, M. le président.

M. le président. - En conséquence, la discussion générale est ouverte sur le projet du gouvernement.

M. Coppieters. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger à la Chambre, j'ai toujours concouru par mon vote à l'adoption des différents budgets de la guerre qui nous ont été soumis. Je suis encore disposé à donner aujourd'hui un vote approbatif, sinon à tous les articles, au moins à l'ensemble du budget actuel, parce que je suis profondément convaincu que le meilleur moyen de conserver toujours intactes et respectées notre nationalité et nos libres institutions, c'est de nous montrer toujours disposés à les défendre avec énergie.

En me montrant disposé à voter avec empressement toutes les dépenses qui nous seront demandées dans l'intérêt de la bonne organisation de l'armée, j'ajoute que je m'opposerai avec énergie à toutes les dépenses qui ne sont pas strictement nécessaires, et en agissant ainsi, je pense que je servirai les intérêts bien entendus de l'armée. Nous ne pouvons nous le dissimuler, messieurs, il est plus d'une personne qui croit que déjà actuellement les dépenses de l'armée sont hors de proportion avec les ressources dont le pays dispose. Cette opinion prendra indubitablement de l'extension à mesure que la paix générale s'affermira, à mesure que la situation de l'Europe présentera plus de garanties de stabilité.

Si nous voulons éviter que cette opinion ne prenne des propositions exagérées, il importe, dans l'intérêt du pays et dans l'intérêt de l'armée, que nous nous abstenions de toutes les dépenses inutiles, surtout que nous nous abstenions des dépenses qui, loin d'être utiles à l'armée, semblent à plusieurs membres de la Chambre devoir être un germe de découragement et de mécontentement dans les rangs de cette armée.

Au nombre de ces dépenses figurent en première ligne les pensions militaires ; ces pensions, vous le savez, car on vous l'a signalé à maintes reprises, prennent une extension véritablement effrayante ; le budget de l'exercice courant est grevé d'au-delà de 100,000 fr. d'augmentation, et ces pensions s'élèvent aujourd'hui à la somme exorbitante de plus de 3 millions.

Je pense que la pension militaire bien entendue devrait toujours être la récompense de bons et loyaux services. Que voyons-nous, au contraire, aujourd'hui ? Nous voyons l'officier, lorsqu'il approche du terme fatal fixé par la loi et surtout par les arrêtés qui ont été pris en exécution de cette loi ; nous voyons l'officier inquiet sur son avenir, nous le voyons craindre comme un malheur le moment où il sera mis à la pension.

J'appuie donc de toutes mes forces le vœu que quelques membres de la section centrale ont émis pour que dorénavant la mise à la pension des officiers à un âge fixe, soit non pas la règle, mais une rare exception.

J'engage vivement M. le ministre de la guerre à prendre en sérieuse considération les observations qui ont été faites à diverses reprises sur ce point et que je crois devoir renouveler aujourd'hui.

Si la loi sur les pensions est défectueuse, que le gouvernement nous en présente une autre, et je suis sûr que la Chambre l'accueillera avec sympathie.

Messieurs, il est une autre mesure qui a été prise assez récemment et sur laquelle je crois devoir faire quelques observations.

Il s'agit, messieurs, de l'arrêté royal qui a institué une décoration commémorative en faveur de l'armée. Cette mesure, dictée par une pensée noble et patriotique à laquelle je me plais à rendre hommage, n'a pas atteint, par suite de la manière dont on l'a exécutée, le but qu'on devait avoir en vue.

Cette mesure, en associant l'armée au souvenir d'un grand événement, était destinée à être accueillie par elle avec enthousiasme et reconnaissance ; malheureusement, l'armée en général y a trouvé de nouveaux motifs de mécontentement ; quelques-uns se sont vus désappointés amèrement ; d'autres y ont trouvé l'oubli des promesses les plus formelles. J'ai entendu critiquer cet arrêté avec beaucoup d'amertume ; je n'ai trouvé personne pour le défendre.

Pour vous faire apprécier les critiques que je crois devoir diriger contre cet arrêté, je vais avoir l’honneur de vous donner lecture du (page 482) texte de l'arrêté. La disposition est du 20 juillet 1856 ; elle est ainsi conçue :

« Décoration commémorative.

« LÉOPOLD, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Voulant, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de Notre règne, décorer d'un signe commémoratif de cet événement, les officiers, sous-officiers et soldats qui, pendant cette période de vingt-cinq ans, n'ont pas cessé de rendre au pays et à Nous de bons et loyaux services ;

« Sur la proposition de notre ministre de la guerre, Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Une décoration commémorative, dont le modèle est joint au présent arrêté, est décernée à tous les officiers en activité de service qui, à la date du 21 juillet 1856, ont vingt-cinq ans de service actif,.sans interruption, dans le grade d'officier.

« Art. 2. Un autre décoration commémorative, dont le modèle est également joint au présent arrêté, est décernée aux sous-officiers et soldats en activité de service qui, à la date du 21 juillet 1856, ont vingt-cinq ans de service actif, effectif et sans interruption, comme miliciens ou volontaires.

« Art. 3. Notre ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent arrêté.

« Donné à Laeken, le 20 juillet 1856.

« Léopold.

« Par le Roi : ministre de la guerre, Greindl. »

Il résulte de cet arrêté qu'il y a deux catégories de personnes qui peuvent obtenir la décoration commémorative. Ce sont d'abord les officiers. Qu'exige-t-on des officiers ? Qu'ils aient 25 ans de service actif sans interruption dans le grade d'officier. Pour les sous-officiers et soldats, on exige le même service actif de 25 ans sans interruption comme miliciens ou volontaires.

Ainsi, l'officier pour obtenir la décoration commémorative doit avoir 25 ans de service actif non interrompu dans le grade d’officier ; par conséquent on exclut de cet honneur les militaires, qui n'ayant pas encore le grade d'officier au 21 juillet 1831, ont obtenu, plus tard, ce grade par leur activité, leur instruction.

Je m'explique. Des officiers qui, aujourd'hui, peuvent être dans des guides assez élevés et qui les ont gagnés successivement depuis l'inauguration du Roi sont exclus ; il faut qu'ils aient 25 ans de service actif dans le guide d'officier, tandis que le sous-officier qui, par incapacité, mauvaise conduite, est resté depuis 25 ans dans son grade de sous-officier, sera récompensé de son incapacité, du son inconduite ; à côte de lui, vous voyez un ancien camarade, qui a commencé sa carrière en même temps que lui, qui s'est distingué par son zèle, son instruction, son aptitude militaire, honteusement exclu de cette faveur.

C'est là un germe de découragement qui frappe les jeunes officiers ou plutôt les officiers qui ont le plus d'avenir. C’est, d'après moi, une faute, une mesure déplorable.

En ce qui concerne les sous-officiers, je disais que quelques membres de l'armée voyaient dans la disposition de l'arrêté royal un oubli des promesses les plus formelles et sur la foi desquelles ils avaient consenti à leur rengagement.

Je veux parler de l'exclusion dont sont frappés les sous-officiers qui, cédant à la pression exercée sur eux par leurs officiers au commencement de la création de l'association générale pour l'encouragement du service militaire, ont accepté un rengagement au profit de cette société.

Il existe différentes dispositions, notamment un arrêté royal pris en 1837, qui leur ont garanti la conservation de leurs droits acquis, de leurs chevrons, en leur donnant l'assurance que ce rengagement ne nuirait en rien à leur avancement, qu'ils continueraient à être mis sur le même rang que leurs camarades.

Aujourd'hui les sous-officiers qui sont dans ce cas se trouvent exclus du droit à la décoration commémorative ; plusieurs d'entre eux, cependant, sont décorés de l'ordre de Léopold ; ils devaient croire qu'ils n'avaient pas démérité.

Il en est qui sont tellement froissés de cette exclusion, qu'ils ont proposé de remettre à un établissement de bienfaisance la prime qu'ils ont reçue, et qui constitue, pour quelques-uns, leur unique patrimoine.

Quand des sentiments pareils germent dans les rangs inférieurs de l'armée, il faut les entretenir au lieu de les décourager.

J'espère que M. le ministre rendra justice a ceux qui sont lésés par cet arrêté, et même, s'il était possible, au moyen de quelques modifications reconnues nécessaires, fera obtenir aux officiers et sous-officiers, dont je viens de parler, la décoration commémorative qu’ils méritent à de si justes titres.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, l’honorable membre qui vient de parler a fait surgir de nouveau la question des pensions militaires et de l'arrêté du 6 avril 1855 qui, depuis cette époque, a reçu plusieurs applications.

Déjà, à diverses reprises, j'ai eu l'occasion d'expliquer la pensée du gouvernement relativement à cet arrêté ; aujourd'hui je désire faire connaître à la Chambre quel en est le résultat financier. Comparons le jeu de la loi, depuis l'arrêté, à ce qui s'est produit antérieurement.

Depuis 1830 jusqu'au 6 avril 1855, il a été pensionné dans l'armée 20 lieutenants-généraux, dont 10 n'avaient pas l'âge voulu par l'arrêté qui nous occupe. Sur 35 généraux majors, 9 étaient dans les mêmes conditions. Sur 63 colonels, 22 n'avaient pas l'âge de 60 ans. Sur 224 lieutenants-colonels ou majors, 136 n'avaient pas atteint l'âge fixé par l'arrêté. Sur 461 capitaines 200 se trouvaient dans le même cas et sur 378 lieutenants et sous lieutenants 227 étaient dans les mêmes conditions.

Vous remarquerez, messieurs, que l'avantage financier résultant de l'arrêté du 6 avril est de 40 à 50 pour cent.

Il est à remarquer encore relativement aux capitaines dont le service a été prolongé antérieurement au-delà de l'âge de 55 ans, que cette mesure a été prise, pour la plupart d'entre eux, par des considérations toutes personnelles, soit qu'ils fussent sur le point d'atteindre les dix années qui donnaient droit à la majoration d'un cinquième, soit qu'en présence d'une trop récente admission, on ait jugé convenable de le» maintenir en activité pour leur donner une pension plus en harmonie avec le rang qu'ils occupaient dans l'armée.

Quant à l'institution de la croix commémorative, que l'honorable membre vient d'attaquer, en ce qui concerne l'application, je me permettrai de lui faire observer que le mot droit acquit est parfaitement impropre. Il n'y avait de droit acquis pour personne, jamais ni le gouvernement, ni le ministère, ni aucun pouvoir de l'Etat ne s'était engagé à conférer un signe quelconque aux officiers ou sous-officiers ayant parcouru une carrière plus ou moins prolongée. Que s'est-il passé ?

A l'époque de nos grandes fêtes commémoratives, lorsque la nation a fait éclater si vivement ses sentiments envers la royauté, le Roi a voulu donner à ses compagnons d'armes un signe distinctif, un souvenir des bons et loyaux services continués sous ses ordres pendant un quart de siècle,

Le gouvernement a proposé l'adoption de deux signes distinctifs destinés, le premier aux officiers ayant servi en cette qualité pendant 25 années à l'époque du 21 juillet dernier, le deuxième aux sous-officiers et soldats comptant 25 années de service à la même époque.

Il n'y avait rien dans cette proposition qui fût de nature soit à froisser des droits acquis, soit à violer des promesses.

Certainement, messieurs, les hommes qui ont commencé à servir il y a vingt-cinq années, comme soldats ou sous-officiers, et qui ont ensuite obtenu les insignes d'officier, ont également fourni une belle carrière de bons et loyaux services, mais il a fallu nécessairement limiter le nombre des décoré, sous peine d'enlever immédiatement toute valeur au nouveau signe distinctif. En adoptant les limites actuelles, on a déjà distribué de 400 à 500 décorations d'officier, et il aurait fallu dépasser le chiffre de 1,500 pour accorder la même faveur aux hommes de la catégorie rappelés par l'honorable préopinant ; des motifs de délicatesse, qui seront certainement appréciés par la Chambre, n'ont pas permis au gouvernement de donner à la mesure une extension aussi considérable.

Je ne crois pas, messieurs, qu'il y ait lieu de revenir sur ce qui a ét fait. Une seule application nouvelle a été donnée à la distribution de la croix commémorative, c'est quand le Roi a témoigné le désir d'y faire participer la garde civique. Ce désir a été exécuté par les soins du ministère de l'intérieur, qui a la garde civique dans ses attributions.

M. Thiéfry. - Je ne m'occuperai pas de l'organisation de l'armée ; mes opinions sont connues, et je crois que le moment n'est pas venu de rouvrir cette discussion. Dans la séance du 15 mai 1855, j'ai indiqué à l'honorable général le moyen de diminuer considérablement les dépenses du budget de la guerre, en changeant le mode d'habillement de la troupe ; M. le ministre m'a répondu que c'était un objet qui devait être livré à une étude profonde et sérieuse. Depuis lors, plus de vingt mois se sont écoulés, et je n'ai pas appris qu'on se soit occupé sérieusement de cette affaire.

Vous le savez, messieurs, l'habillement de la troupe a lieu au moyen d'une retenue sur la solde des hommes ; ce qui devient excessivement onéreux à l'État. L'armée des Pays-Bas était la seule en Europe où ce mode d'administration était en usage ; on l'a conservé en Belgique après la révolution de 1830. Aujourd'hui encore dans toutes les autres armées, c'est l'Etat qui fournit l'habillement, dont chaque pièce a un temps de durée fixé. Dans la séance du 15 mai, j'ai fait la comparaison de notre administration avec ce qui se pratique en France, et j'ai prouvé qu'en adoptant l’administration française, il y aurait pour l'Etat une économie d'un million ; mes calculs sont consignés au Moniteur, il est facile de s'assurer de leur exactitude.

J’engage M. le ministre à prendre en considération les besoins du trésor. Il est vrai que le changement d'administration ne permettrait plus de vendre les effets à un taux supérieur à ce qu'ils coûtent ; et ce n'est pas peu de chose, puisque j'ai ici des pièces émanant de M. le ministre d'où il résulte qu'en 1854 et 1855, on a bénéficié sur le prix des effets vendus au soldat l'énorme somme de 565,201 fr. 89: tandis que nous savons tous que bien des paysans sont obligés de remettre de (page 483) l’argent à leurs enfants qui, pour obtenir leur congé définitif, sont forcés d'apurer leur compte.

Je le répète, le mode d'habillement de la troupe est très onéreux à l'Etat, et je prie mes honorables collègues de s'occuper de cette grave question.

La section centrale s'est préoccupée du grand nombre d'officiers mis à la retraite et surtout des officiers pensionnés alors qu'ils sont encore très valides ; un membre de la section avait même propose d'émettre un vœu, celui de revenir à la loi de 1838 ; cette proposition a été rejetée par 3 voix contre 3.

Dans l'arrêté de la mise à la retraite à un âge fixé à l'avance, il y a deux choses à distinguer : la légalité et les conséquences.

Il a été clairement prouvé dans la séance du 1er mai 1855 que l'arrêté de M. le ministre est contraire à la loi sur les pensions militaires, parce qu'il établit une règle générale ce qui n'était permis que par exception. Du reste je ne veux plus revenir sur cet objet, attendu que les conséquences mêmes de cet arrêté en provoqueront le retrait ou forceront le ministre à le laisser tomber en désuétude.

Voyez, messieurs, la marche toujours croissante des mises à la pension. Dans un rapport, relatif à la création d’une caisse supplémentaire de retraite pour les officiers de l’armée, fait au Roi le 20 juin 1847 par le général Prisse, ministre de la guerre, il est dit :

« La moyenne des officiers admis chaque année à la pension de retraite est de 38 (ce chiffre était exact).

« On a supposé, pour ne pas avoir de mécompte, qu'elle pourrait s'élever à un chiffre qui flotterait de 40 à 45.

«... Il n'y a aucune probabilité que le nombre d'officiers admis à la retraite soit jamais porté à 45, au moins d'une manière régulière et continue. »

Au moment où parlait ainsi le général Prisse, il y avait dans l'armée 2,550 officiers et fonctionnaires ayant rang d'officiers dont les appointements réunis s'élevaient à 7,608,130 fr. ; et depuis la nouvelle organisation, il y a 2,858 officiers et fonctionnaires, leurs appointements sont de 8,663,808 fr.

Eh bien, messieurs, qu'est-il arrivé depuis le rapport du général Prisse, jusqu'au jour de l'arrêté de M. le ministre ? La moyenne annuelle des mises à la pension a été de 75 à une légère fraction près.

Dans les 6 mois qui ont suivi l'arrêté, il y a eu 87 officiers pensionnés et en 1856, 97.

M. le ministre de la guerre, en répondant à l'honorable M. Delfosse, a dit à la Chambre, dans la séance du 15 février dernier :

« La moyenne générale des pensions d'officiers était de 79 2/3 par année. Il n'y en aura plus désormais que 60 environ.»

Je ne crains pas de le dire, l'honorable général a été induit en erreur. Déjà, comme je viens de le faire remarquer, il y a eu 97 officiers pensionnés en 1856, au lieu de 60. La moyenne de 79 2,3 ne repose sur aucune des données du journal officiel. M. le ministre a donné des détails sur ce qui a été fait, voici ce que, moi, j'ai découvert. De 1830 à 1855 inclus, il y a eu 1,307 officiers pensionnés, soit en moyenne 52 par an ; et pour l'avenir, voici comment j'ai pu apprécier les conséquences de l'arrêté de M. le ministre. Les officiers subalternes nés eu 1801, auront atteint leur 55ème année en 1856, ceux nés en 1802 auront 55 ans en 1857 et ainsi de suite. J'ai tenu compte de ce que les officiers supérieurs et les généraux sont mis à la retraite à un âge plus avancé selon leur grade.

Eh bien, j'ai ici le tableau numérique de tous les officiers de l'armée qui auront successivement l'âge de la mise à la pension de 1856 à 1870, j'en ai déduit les décès, les démissions, les officiers rayés des contrôles, le tout calculé proportionnellement à ce qui a eu lieu de 1841 à 1855.

Ce travail a donc été établi en prenant pour base les faits qui ont eu lieu pendant les 15 dernières années, et en les appliquant aux 15 années à venir, selon l’âge réel des officiers aujourd'hui en activité, j'ai trouvé que la moyenne des mises à la pension, jusqu'au moment où ce nombre ira en décroissant, sera de 87 et la décroissance ne commencera que dans 12 ans, en 18680.

Comment voudrait-on que l'arrêté en question fît diminuer le chiffre des pensions, qu'on y trouve des avantages financiers, comme vient de le dire M. le ministre ? C'est là une impossibilité.

Avant le 15 avril 1855 ou ne considérait pas l‘âge, lorsque l'officier était valide ; on le conservait en activité, aussi longtemps qu'il pouvait rendre des services ; et aujourd'hui valide ou non, on le met à la retraite à un âge fixé ; il est évident pour tout le monde que le nombre des pensionnés doit être maintenant beaucoup plus considérable.

M. le ministre doit s'attendre à des réclamations continuelles de la part de la Chambre. Il ne saurait en être autrement, alors qu'elle voit imposer de lourdes charges au trésor pour mettre à la retraite des hommes robustes, intelligents, pouvant rendre encore des services à l'Etat.

Je n'avance rien ici sans preuve ; je pourrais citer bien des noms ; je me contenterai d'indiquer quelques officiers appartenant au service de santé ou administratif. M. le ministre a pensionné :

2 médecins principaux,

1 médecin de bataillon,

1 médecin-adjoint,

1 pharmacien en chef de l'armée, qui était une spécialité remarquable,

1 pharmacien de deuxième classe,

2 directeurs d'hôpitaux,

1 artiste vétérinaire,

2 intendants,

2 capitaines administrateurs d'habillement,

2 capitaines quartiers-maîtres,

tous officiers, sans exception, très valides, ayant des connaissances spéciales pour la partie à laquelle ils étaient attachés et remplissant leurs fonctions à la satisfaction du gouvernement. Qu'on juge par là du nombre des pensions prématurées qui sont données dans les corps de troupes !

Lorsqu'on verra pensionner, en 1857, l'inspecteur général de l'artillerie, qui a rendu et peut rendre encore de grands services dans son arme ; le commandant de l'école militaire, qu'on ne remplacera jamais ; le général major commandant temporairement la première division d'infanterie ; le général commandant de la province du Hainaut ; le général commandant de la province de Liège, tous hommes très capables de servir encore longtemps, il s'élèvera de nouveau de justes réclamations.

Il est impossible que la Chambre laisse poser des actes semblables pendant longtemps ; il viendra un moment où elle obligera le ministre à abandonner la mauvaise voie dans laquelle il est entré.

La cour des comptes, dans ses rapports adressés à la Chambre en 1854 et 1855, avait fait remarquer que la trésorerie s'était constituée en avance d'une somme assez considérable pour la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée. Comme cela est contraire à l'article 24 de la loi sur la comptabilité de l'Etat, on devait supposer que M. le ministre de la guerre aurait eu égard aux observations présentées, et qu'il aurait ordonné le remboursement de ces avances. Le dernier cahier de la cour des comptes nous prouve qu'il n'en a rien fait Ce ne sont pourtant pas les moyens qui manquent, puisque, d'après le compte remis par le département de la guerre, la caisse possède un capital de 2,610,502 francs, et il ne s'agit de rembourser qu'une somme 94,688 fr. 12.

J'insiste sur le remboursement, non seulement en raison de l’illégalité, mais encore parce que M. le ministre des finances, usant de ce précédent, pourrait aussi faire des avances aux autres caisses de retraite, qui avec cet argent achèteraient alors des fonds publics dont elles toucheraient des intérêts. C'est en réalité donner des subsides pour des caisses qui doivent se suffire à elles-mêmes.

Remarquez bien d'ailleurs, messieurs, comme l’a dit la cour des comptes, que l'Etat est lui-même obligé de recourir à une dette flottante pour faire face à ses propres besoins.

Ceci n'est pas la seule somme dont M. le ministre devrait ordonner le versement au trésor. Il en est de bien plus importantes sur lesquelles j'appelle l'attention de la Chambre.

Je savais que le département de la guerre prenait des bons du trésor pour des sommes considérables ; d'après les renseignements que j'avais recueillis, le montant a été : En 1832 de 802,000 fr., les intérêts se sont donc élevés à fr. 32,080 fr. En 1853 de 844,000 fr., intérêts : 33,760 fr. ; en 1854 de 756 fr., intérêts : 29,440 fr.

J'étais à la recherche pour savoir avec quels fonds on faisait ces opérations et à quelles dépenses servaient les intérêts, lorsque le cahier d'observations de la cour des comptes m'est parvenu ; j'y ai trouvé ces renseignements.

Il en résulte que, depuis la fin de 1846, le département de la guerre a converti en bons du trésor les fonds provenant de la masse d'habillement des officiers et les sommes appartenant aux remplaçants.

M. le ministre a dit à la cour des comptes, que les intérêts avaient été versés à la masse de musique des régiments d'infanterie et de cavalerie, et au fonds de bibliothèque dans les régiments d'artillerie.

Quant aux capitaux appartenant à la masse d'officiers, je n'ai aucune observation à présenter, c’est d'ailleurs peu de chose ; il n'en est pas de même de ceux concernant les remplaçants. La loi du 28 mars 1835 prescrit à tous les miliciens qui se font remplacer, de verser dans la caisse du corps auquel ils appartiennent une somme de 150 francs qui est remise au remplaçant lorsque celui-ci reçoit son congé définitif. Il n’appartient pas au ministre de la guerre d’en disposer, c’est contraire à la loi sur la comptabilité ; cependant il a rendu ces sommes productives ; quoique ce soit illégal, le mal n'est pas très grand ; mais qu'a-t-il fait des intérêts ? M. le ministre les a versés dans les masses de musique : Voici, messieurs, l’article du règlement de 1819 qui concerne ces masses :

« Art. 168. Les corps pourront au moyen d'une légère rétribution des officiers, mais jamais des sous-officiers ni des soldats, établir une masse pour les frais de musique. »

On voit par la lettre et l'esprit de cet article que les sous-officiers et soldats ne doivent contribuer à la masse de musique ni directement ni indirectement.

Verser à cette masse les intérêts du capital appartenant aux remplaçants, c’est bien faire servir l'argent des remplaçants aux dépenses de la musique ; tandis que ces intérêts revenaient en réalité aux propriétaires du capital.

Dans les régiments où il n’y a pas de musique, ils ont été versés au fonds de bibliothèque ; c’est encore employer l’argent du soldat pour une dépense à laquelle il ne doit pas participer ; j’ajouterai en outre (page 484) que chaque année une somme de 17,000 est portée pour les bibliothèques au compte des recettes et dépenses imprévues.

Ce qui étonne le plus dans cette affaire, c'est que pendant 8 à 9 ans, le département de la guerre a pu disposer des fonds des divers corps de l'armée, et les convertir en bons du trésor, faire de ce chef des recettes et des dépenses annuelles de plus de 30,000 francs, et la cour des comptes a constamment ignoré, et elle ignore encore aujourd'hui, à quel chiffre s'élèvent les recettes et quelles sont les dépenses auxquelles ces fonds ont été employés, elle n'a pas l'ombre d'un renseignement à cet égard ; puis on viendra dire dans cette enceinte que la comptabilité militaire ne laisse rien à désirer, que toutes les dépenses en sont bien contrôlées !... Voilà pourtant un nouveau fait, qui, joint à bien d'autres, vient prouver que l'on fait au département de la guerre des recettes et des dépenses qui restent complètement inconnues.

La mesure dont il est ici question a été prise, a dit M. le ministre, dans le but d'alléger la responsabilité du conseil d'administration des corps en ce qui concerne la conservation des fonds existant dans leur caisse.

Pour atteindre ce but il est une autre voie à suivre, c'est la voie légale.

Et ici je suis certain d'être d'accord avec M. le ministre des finances: l'article 5 de la loi du 28 mars 1835 prescrit au milicien qui se fait remplacer de verser 150 francs dans la caisse du corps auquel il appartient ; mais il ne fait pas, au département de la guerre, une obligation d'y laisser cette somme en dépôt, et pour se conformer aux prescriptions de la loi sur la comptabilité, M. le ministre de la guerre doit verser ces sommes au trésor, c'est-à-dire entre les mains du caissier de l'Etat, sauf à les remettre par mandat aux ayants droit au fur et à mesure des besoins.

Et si ces fonds peuvent être placés, c'est à la caisse des consignations qu'ils doivent être déposés ; là ils produiront intérêt au profit des remplaçants à qui ils appartiennent.

Si M. le ministre de la guerre ne me donne pas l'assurance que le versement au trésor aura lieu, je serai obligé de présenter un amendement.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Il semblerait, messieurs, que l'honorable membre n'ait pas bien saisi les explications que je viens de donner relativement au chiffre des officiers pensionnés ; car, il me paraît que ces chiffres détruisent entièrement l'argumentation qu'il vient d'émettre.

Quant à l'avenir, il me permettra de ne pas le suivre sur le terrain de ses appréciations concernant les officiers dont le terme de service pourra expirer pendant l'année prochaine. Le gouvernement avisera sur cet objet en temps utile.

L'honorable membre vient de faire un grief au département de la guerre d'une indication donnée dans le cahier de la cour des comptes relativement à l'arriéré qui aurait existé entre le département de la guerre et le département des finances. Je suis en mesure de répondre d'une manière péremptoire à l'observation faite par l'honorable membre, en donnant lecture de la lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser à la cour des comptes à l'occasion de l'observation consignée dans son cahier:

« Bruxelles, le 31 décembre 1856.

« Messieurs,

« Dans son cahier d'observations sur le compte général des finances de l'exercice 1854, la cour des comptes signale à la législature que le trésor public est en avance vis-à-vis de la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée au 31 décembre 1854, d'une somme de fr. 94,688-12, ce qui constitue une infraction à l'article 24 de la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité générale de l'Etat.

« Cette observation de la cour des comptes est fondée : les écritures de la trésorerie arrêtées au 31 décembre 1854 accusent, en effet, l'avance indiquée ci-dessus ; mais il est à remarquer que cette situation n'a duré qu'un moment, attendu que dans les premiers jours de l'année 1855, la caisse des veuves et orphelins a versé au trésor une somme de fr. 81,093 11, provenant des recettes qu'elle a réalisées alors et qui se rapportent à l'année 1854 ; mais ; d'un autre côté, elle a reçu du trésor au mois de janvier 1855, une somme de 42,500 fr. pour payer les pensions du quatrième trimestre 1854, de sorte que tout compte fait, le chiffre de l'avance en question se réduit en réalité, à la clôture de l'exercice 1854, à une somme de 56,095 fr. 01 c.

« La cour des comptes a eu sous les yeux, à l'appui du compte général des finances, un tableau dressé sous la date du 4 décembre 1855 et qui présente cette situation.

« Comme le trésor sera encore en avance vis-à-vis de la caisse des veuves et orphelins, au 31 décembre 1855, et que le chiffre de cette avance s'élèvera alors d'après les écritures de la trésorerie, à la somme de fr. 156,912-81 je désire aller au-devant des objections que cette situation apparente pourrait faire naître.

« Dans les premiers jours de janvier 1856, la caisse a reçu du trésor une somme de fr. 5,786-25 pour parfaire ses payements du 4ème trimestre 1855, ce qui porte sa dette envers le trésor à fr. 162,699-06.

« Mais, par contre dans les premiers jours de 1856, elle a versé au trésor ses recettes se rapportant à la fin de l'année 1855 et s'élevant à fr. 120,487-66.

« De sorte, qu'en réalité, la dette, à la clôture de l'exercice 1855, se réduit à fr. 42,211-40.

« Soit environ 12,000 fr. de moins qu'à la fin de l'exercice 1854.

« Je crois devoir ajouter qu'à la clôture de l'exercice 1856, le chiffre de l'avance faite par le trésor à la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée sera, tout au plus, de 20,000 francs environ.

« Il résulte de ces chiffres que la situation de la caisse va en s'améliorant, grâce aux mesures prises par l'arrêté royal du 31 mai 1855, qui augmente les retenues et les contributions des officiers mariés ; et il est à présumer qu'avant peu le trésor sera rentré complètement dans le chiffre de ses avances, dont il est, du reste, parfaitement garanti par le capital de 2,939,194 80 que la caisse des veuves et orphelins a fait inscrire au grand-livre de la dette publique, et dont les intérêts produisent une somme de 97,997 fr. 88 c. par an.

« Je pense donc qu'il n'y a pas lieu, pour le moment, de recourir au moyen que la cour propose pour éteindre la dette de la caisse des veuves et orphelins des officiers, et qui consisterait à aliéner une partie de son capital.

« Si la cour juge à propos de reproduire son observation dans son prochain cahier, j'espère qu'elle voudra bien y joindre les explications contenues dans la présente dépêche. »

Quant à ce qui concerne la seconde observation de l'honorable membre relativement aux bons du trésor, je répondrai de la même manière en donnant lecture de la lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser le 30 décembre dernier à la cour des comptes :

« Bruxelles, le 30 décembre 1856.

« Messieurs,

« En soumettant à la législature ses observations sur le compte général des finances pour l'exercice 1854, la cour des comptes a cru devoir mentionner la correspondance qui a eu lieu entre elle et le département de la guerre, au sujet des fonds que les corps de l'armée avaient convertis en bons du trésor.

« J'ai l'honneur de porter à la connaissance de la cour que par suite de l'opinion qu'elle a exprimée dans sa dépêche rappelée ci-contre, j'ai donné des ordres, par disposition du 8 décembre 1855, 6e division, n° 105, pour faire réintégrer dans la caisse de ces corps les sommes qui avaient été converties de cette manière.

« J'ai toutefois autorisé les corps à placer en bons du trésor la somme que représente le boni ordinaire de la masse d'habilement des officiers, attendu que ces fonds sont la propriété particulière ces officiers et qu'il est juste qu'ils puissent en tirer parti pour alléger, autant que possible, la contribution qu'ils doivent payer pour l'entretien de la musique. »

L'honorable membre verra qu'on a été au-devant de ses objections, que ses vues ont été remplies et qu'il n'a été détourné aucune valeur appartenant, soit aux soldats, soit aux remplaçants, en faveur d'un fonds qui doit être entièrement constitué et entretenu aux frais des officiers seuls.

Je me permettrai cependant de relever un mot qui a échappé probablement à l'honorable membre, quand il a parlé de recettes et dépenses complètement inconnues.

M. Thiéfry. - De la cour des comptes.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Car je dirai que rien au monde n'est plus connu et que pareille chose a existé de tous temps. Autrefois les chefs de corps, et j'ai été dans cette fâcheuse position, étaient obligés de conserver en caisse jusqu'à 60, 70 et 100 mille fr. appartenant aux remplaçants ; ces fonds étaient complétement infructueux et constituaient une charge fort difficile et fort fâcheuse pour les commandants de régiments qui étaient responsables et ne dormaient pas tranquilles.

Un ministre, je ne me rappelle pas lequel, a imaginé le faire fructifier ces sommes et de les employer en bons de trésor. Je n’ai rien trouvé de mauvais dans cette disposition. Cependant elle a été critiquée ultérieurement.

Je me suis conformé à la loi de comptabilité et aux observations de la cour des comptes, mais je crois encore qu'on aurait mieux fait, si l'on ne pouvait verser directement ces sommes dans les caisses de l'Etat, de les employer en bons du trésor au bénéfice de la musique et par conséquent de tout le monde.

Messieurs, lorsque les officiers ne peuvent plus entretenir la musique par des retenues, c'est, en définitive, le trésor qui doit en subir les conséquences. La mesure dont je viens de parler tournait donc au profit de l'Etat et, comme le disait l'autre jour l'honorable M. Malou, l'Etat c'est nous tous.

M. Coppieters. - Messieurs, je répondrai en peu de mois à ce qu'a dit M. le ministre de la guerre concernant les pensions militaires. Je ne pourrais d'ailleurs que répéter en partie ce que l'honorable M. Thiéfry vient de dire avec assez de développement.

Je me bornerai à faire remarquer qu'il y a deux chiffres que l'on ne conteste pas, c'est que les pensions militaires se sont accrues de plus de 100,000 fr. et que la somme totale qui pèse sur les contribuables du chef de ces pensions s'élève à plus de trois millions. Ces chiffres sont assez éloquents pour démontrer la nécessité de changer un pareil état de choses.

Je reviens à l'arrêté du 20 juillet qui a institué la décoration commémorative.

En commençant mes observations sur cet arrêté, j'avais dit à la Chambre que je n'entendais pas critiquer l'institution elle-même, j'ai dit, au contraire, que c'était une pensée noble et patriotique à laquelle (page 485) je me plaisais à rendre hommage ; ce que j'ai critiqué et ce que je persiste à critiquer, c'est la manière dont cette pensée a été traduite dans l'exécution.

M. le ministre a essayé de défendre les dispositions que j'ai critiquées, et vous jugerez, messieurs, s'il y a réussi ; j'ai indiqué deux griefs contre cet arrêté. J'ai dit d'abord que les sous-officiers les plus méritants qui, par leur bonne conduite, avaient acquis des grades dans l'armée, qui étaient arrivés même au grade d'officier supérieur, que par conséquent les anciens sous-officiers les plus dignes étaient, contrairement à l'idée principale de cet arrêté, exclus de la faveur qu'il établit, tandis que les sous-officiers qui, par leur mauvaise conduite et leur inaptitude, n'ont pas pu monter en grade, ont reçu cette décoration, au grand déplaisir de leurs chefs de corps. Si M. le ministre de la guerre en doutait, je l'engagerais à consulter les chefs de corps sur les résultats que la mesure, telle qu'elle a été appliquée, a produits dans l'armée !

Un second grief contre les dispositions de l'arrêté du 20 juillet, c'est qu'on n'a pas respecté les positions acquises : M. le ministre de la guerre répond que personne n'avait des droits, que par conséquent personne ne pouvait se plaindre. Quand les sous-officiers les plus méritants qu'on avait poussés à contracter un engagement avec la société d'encouragement du service militaire, ont accepté les propositions de cette société, on leur a promis formellement que leurs droits acquis seraient conservés, qu'ils seraient exactement dans la même position que s'ils n'avaient pas contracté d'engagement. Ces promesses ont été perdues de vue.

Je conviens que les sous-officiers dont il s'agit n'avaient pas plus de droit que les autres militaires à la distinction, mais ils n'y ont certainement pas moins de droit que leurs camarades et cependant on les a mis dans une catégorie à part.

Là est l'injustice et l'oubli d'une promesse formelle.

Messieurs, je vais vous lire les arrêtés sur lesquels je me fonde. Le premier arrêté est du 13 janvier 1837. Un des considérants pose ce qui suit:

« Voulant assurer à ces militaires les avantages que leur ont acquis leurs services antérieurs dans le cas où ils se rengageraient en remplacement de miliciens qui se destinent à une autre carrière. » L'article 2 de cet arrêté est ainsi conçu : « Les militaires rengagés qui font partie de l'armée de ligne seront immédiatement replacés dans leurs corps respectifs, et ils y conserveront leurs droits acquis et les grades dont ils sont revêtus ; ils auront également le droit de conserver leurs chevrons acquis par leurs services antérieurs.

Cette disposition n'a pas été abrogée ; elle a été rappelée à différentes reprises et entre autres par une circulaire ministérielle du 10 octobre 1857.

Voici ce que porte cette circulaire :

« Je suis informé que, dans quelques corps de l'armée, les militaires et particulièrement les sous-officiers croient qu'ils perdent leurs droits à l'avancement, lorsqu'ils se rengagent par les soins de l'association générale pour l'encouragement du service militaire. Cette supposition erronée, outre qu'elle peut porter préjudice à l'association, est tout à fait contraire au vœu de l'article 2 de l’arrêté royal du 14 janvier dernier, qui doit recevoir une entière exécution. Afin de détruire la prévention qui paraît exister à cet égard, je vous prie de faire connaître dans les compagnies, d'une manière claire et précise, que ceux qui se rengagent par les soins de l'association générale précitée conservent, comme les autres militaires, tous leurs droits à l'avancement.

« Vous voudrez bien faire renouveler cette déclaration, etc. »

Ainsi, on assure à ces militaires, au moment où ils contractent un engagement, la conservation de leurs droits quelconques ; et aujourd'hui, ces militaires qui, sur la foi de ces promesses, se sont engagés, on les met dans une catégorie à part, et ils ont le désagrément, pour ne pas dire la honte, de voir briller cette décoration sur la poitrine de leurs camarades, tandis qu'ils en sont exclus.

Je persiste donc dans l'appréciation que j'ai faite des dispositions de l'arrêté ; je ne puis que déplorer que M. le ministre de la guerre ne soit pas disposé à y faire apporter des modifications.

M. Thiéfry. - Messieurs, mes observations portaient sur quatre objets, sur l'habillement, sur les pensions, sur l'avance faite à la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée et sur les bons du trésor pris avec les fonds appartenant aux remplaçants.

Je constate d'abord que M. le ministre de la guerre n'a pas répondu un seul mot à ce que j’ai dit de l'habillement. Cela me donne l'espoir qu'il est de mon avis à cet égard ; je m'en féliciterais, car il y a là une source d'économies notables ; je suis grand partisan des économies qui ne diminuent ni la force ni la consistance de l'armée.

M. le ministre a dit qu'il ne voulait pas me suivre sur le terrain sur lequel je me suis placé pour les pensions ; je n'en suis pas étonné, car mon travail repose sur des chiffres exacts.

J'ai rappelé à M. le ministre de la guerre que dans une séance antérieure il annonçait que la moyenne du nombre des pensions serait de 60 ; voilà déjà l'année 1856 qui vient contredire les prévisions de M. le ministre, puisque pour l'année 1856 il y a eu 96 officiers pensionnés ; il est du reste facile d'en faire le relevé dans le journal officiel.

En ce qui concerne l'avance faite par la trésorerie à la caisse des orphelins, M. le ministre doit convenir que c'est une illégalité. Cela n'est pas contestable, la lettre que M. le ministre de la guerre a écrite à la cour des comptes ne change pas la question à cet égard.

Au surplus, j'ai entendu avec plaisir M. le ministre annoncer qu'à la fin de 1856 il ne restera plus qu'une vingtaine de mille francs à rembourser ; pour rentrer dans la légalité, on devrait rembourser le tout. C'est bien ainsi que la cour des comptes l'a entendu puisque dans son rapport elle s'exprime de la manière suivante :

« Comme moyen plus simple et plus expéditif, nous indiquons celui-ci : D'après le compte de la caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée transmis à la cour par le département de la guerre, cette caisse possédait, à la date du 1er janvier 1854, un capital de 2,640,502 fr. 08 c. en rentes 2 1/2 p. c. sur l'Etat. Or, rien ne s'oppose, pensons-nous, à ce qu'une partie de ce capital soit aliénée pour rembourser les avances au trésor. »

Je suis étonné que M. le ministre des finances n'ait pas insisté sur ce remboursement.

Quant aux bons du trésor, j'ai appris encore avec satisfaction que M. le ministre avait donné des ordres pour la réintégration dans la caisse des corps des fonds des remplaçants.

En les y laissant, on augmente, a dit M. le ministre, la responsabilité des conseils d'administration ; pour prouver que cette observation est très fondée, je pourrais citer un régiment d'où le quartier-maître est parti avec les fonds appartenant à 30 remplaçants, et ce déficit a été couvert au moyen d'une somme qu'on a prélevée sur la masse des recettes et dépenses imprévues ; voilà une dépense qui a bien été inconnue.

D'après ce que M. le ministre a dit, il ne s'opposera pas sans doute à l'amendement que voici :

« Les fonds déposés dans la caisse des régiments en vertu de l'article 5 de la loi du 28 mars 1835, seront versés entre les mains du caissier de l'Etat. »

- Un membre. - La Banque seule en profitera.

M. Thiéfry. - M. le ministre des finances pourra les placer à la caisse des consignations, au profit des remplaçants ; et ce qui prouve que mon amendement est nécessaire pour rentrer dans la voie légale, c'est le paragraphe où la cour des comptes répond à la lettre de M. le ministre de la guerre, dont vous venez d'entendre la lecture...

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - C'est ma lettre qui répond à ce paragraphe de la cour des comptes.

M. Thiéfry. - Cela ne fait rien à la question. De quoi s'agit-il ? De rentrer dans la légalité. Que la cour se soit expliquée à ce sujet en 1854, en 1855 ou eu 1856, c'est la même chose.

La cour a répondu que le placement des fonds appartenant aux corps de l'armée était contraire à la loi sur la comptabilité de l'Etat ; en conséquence, il n'y a pas lieu de faire réintégrer les sommes dans les caisses des corps, comme M. le ministre semble en avoir l'intention, mais entre les mains du caissier de l'Etat, seul dépositaire légal des fonds appartenant à des tiers.

M. le président. - A quoi M. Thiéfry rattache-t-il son amendement ?

M. Thiéfry. - Au budget, il est impossible de le rattacher à autre chose. La discussion de cet amendement pourra venir au chapitre solde de l'infanterie où il y a des remplacements dans les corps.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je crois qu'il est inutile de faire de cela l'objet d'un amendement. Nous sommes d'accord sur le principe. On peut éviter le placement des fonds en bons du trésor, tout en dégageant autant que possible la responsabilité des chefs de corps chargés de leur conservation. On pourrait déposer une partie de ces fonds, soit à la caisse des consignations, soit au ministère des finances.

M. Thiéfry. - Je ferai une autre observation, ce n'est pas par l'intermédiaire du ministre de la guerre, mais du ministre des finances, que ce dépôt doit être fait.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Les fonds dont on pourrait se passer seraient remis au ministre des finances, on conserverait une somme suffisante pour faire face aux éventualités, afin de ne pas être obligé de faire un mandat sur le trésor pour chaque dépense.

M. Thiéfry. - Je ne suis pas de l'avis de M. le ministre ; lorsqu'on recevra une somme de 150 fr. d'un milicien pour un remplaçant, cette somme sera versée au trésor ; quand un remplaçant, après 10 ans de service, aura apuré sa dette et devra toucher ces 150 fr. on délivrera un mandat au moyen duquel le remplaçant ira les recevoir au trésor.

M. Malou. - L'honorable M. Thiéfry serait dans le vrai si les fonds versés pour remplacement étaient des fonds acquis à l'Etat. Si j'ai bien compris, il s'agit de fonds de tiers dont l'Etat est dépositaire et dont le dépôt est fait au profit d'une personne autre que celle qui l’a opéré. Nous avons beaucoup de fonds de cette nature, ces fonds ne sont pas versés à la caisse de consignations. Un des inconvénients qu'il y à reverser ces fonds à la caisse des consignations, c'est que l'intérêt est moindre que celui qu’on obtient du placement en bons du trésor et en fonds de l'Etat, car elle ne donne que 5 p. c.

Un autre inconvénient, c'est de compliquer la gestion financière. Les fonds provenant des retenues opérées sur les traitements au profit de (page 486) la caisse des pensions des veuves et des orphelins, comment sont-ils gérés ? Comme un fonds spécial dont la comptabilité est parfaitement organisée et garantie ; mais on ne force pas de les verser à la caisse de l'Etat et de délivrer un mandat pour les retirer.

Ils sont administrés conformément aux statuts de la caisse par le conseil d'administration qui en garantit la conservation. C'est la marche qu'il convient de suivre pour les fonds de remplacement ; il est dangereux de laisser ces fonds sous la garde et la responsabilité des chefs de corps. Il faut créer une administration dont les écritures seront contrôlées et mises en harmonie avec les écritures du ministre des finances cl que ces fonds soient placés et conservés par le ministre des finances. Il ne faut pas adopter la marche indiquée par M. Thiéfry qui me semble dénaturer les versements faits du chef des remplacements.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je ne vois aucune difficulté à ce qu'une partie, la majeure partie de la somme soit déposée, soit à la caisse des consignations, soit au ministère des finances, pourvu qu'il reste à la disposition du conseil d'administration de quoi satisfaire aux demandes qui pourront lui être adressées.

M. Thiéfry se trompe quand il pense que ce n'est qu'au bout de dix ans qu'un remplaçant peut réclamer les 150 francs ; il peut se présenter des circonstances qui obligent le remplaçant ou le remplacé à venir réclamer le remboursement de la somme qui lui appartient ; il faut que ce remboursement soit immédiat, car c'est un dépôt dont on peut exiger la restitution tous les jours.

La chose me paraît facile à concilier, on n'a qu'à déposer la majeure partie des fonds de la manière déjà indiquée, en laissant le reste sous la main et la responsabilité du conseil d'administration.

Pour suivre l'honorable M. Thiéfry dans son argumentation, j'avais oublié de parler de l'observation qu'il a faite quant à l'habillement. Ce n'est pas que cette observation, déjà faite l'année dernière, ait été négligée. Le système dont a parlé l'honorable membre a été mis à l'étude. Il résulte du travail de la commission chargée de cet examen, que les calculs de M. Thiéfry sont entachés d'inexactitude, en ce sens que le million d'économie qu'il nous faisait espérer pourrait se transformer, par son système, en une majoration de dépense considérable.

L'examen n'est pas complet, mais je ne puis espérer les avantages promis par l'honorable membre. Du reste, messieurs, les études seront continuées ; je me mettrai volontiers en rapport avec l'honorable M. Thiéfry pour faire concorder son travail avec le mien et tâcher d'arriver à un résultat favorable. Personne ne sera plus heureux que moi, messieurs, d'une amélioration quelconque dans nos institutions administratives.

L'honorable M. Thiéfry a taxé d'inexactitude mes appréciations de l'année dernière parce que cette année, les mises à la retraite ont excédé la moyenne que j'avais indiquée ; cela ne signifie rien ; une moyenne n'est pas le chiffre d'une année ; si pour une année la moyenne est dépassée, même de beaucoup, cela ne change rien aux résultats généraux.

Je vais décomposer les chiffres :

Pendant l'année 1856 on a pensionné d'une part 83 officiers (11 sur leur demande, 26 pour infirmités, et 46 seulement pour leur âge), d'autre part 135 sous-officiers et soldats (10 sur leur demande 11 ophtalmiques et 114 pour infirmités), le chiffre des pensions des officiers s’élève à 144,250 fr., par contre, les extinctions ont été pour les officiers de 127,427 fr.

Une autre circonstance dont l'honorable membre n'a pas parlé, c'est que le chiffre des officiers en non-activité est singulièrement diminué pour la même année. Ce chiffre a dû nécessairement réagir sur celui des pensions, et dès lors la balance n'est pas défavorable à l'Etat.

L'honorable M. Coppieters nous a dit que des chefs de corps avaient vu avec la plus grande défaveur la manière dont été a été faite l'application de l'arrêté royal qui institue une croix commémorative ; ces chefs de corps ont sans doute mal apprécié la portée de l'institution.

J'ai l'honneur de rappeler encore une fois que la croix commémorative n'est pas un ordre destiné à récompenser le mérite, mais un signe qui constate un fait. L'arrêté dit : Vous avez 25 ans de grade d'officier, en voilà le signe. Vous avez 25 ans de service comme sous-officier ou soldat, en voilà le signe. Rien de plus, rien de moins. Il n'est pas question ici de droits acquis.

Il est vrai qu'à une certaine époque, il avait été arrêté que les sous-officiers et soldats appelés à concourir au remplacement par l'intermédiaire de la société pour l'encouragement du service militaire, ne perdraient, par ce fait, aucun droit acquis. Mais l'honorable membre a fait une singulière erreur dans sa manière d'apprécier les conséquences de cette disposition. Il a dit que la mesure avait été plusieurs fois rappelée ; il aurait dû dire rapportée, ce qui est tout autre chose. En effet, la mesure a été rapportée sur la proposition de M. le général Buzen, alors.ministre de la guerre. Je n'ai rien à improuver ni à approuver en cette circonstance, la modification a été faite il y a quinze ans, et j'ai dû y avoir égard.

Voilà ce que j'avais à répondre à l'honorable membre.

M. Thiéfry. - Je crois qu'il est bien difficile de se prononcer immédiatement sur la marche à suivre pour les fonds des remplaçants, d'autant plus qu'il n'y a pas pour cet objet une caisse spéciale comme pour les veuves et les orphelins des officiers de l'armée.

Pour obtenir un résultat satisfaisant, je demande le renvoi de mon amendement à la commission des finances dont l'honorable M. Malou fait partie. La commission fera un rapport.

Toutefois, il est à remarquer que je suis d'accord avec M. le ministre pour une partie des fonds ; il sera facile d'adopter une marche qui ralliera toutes les opinions et de rester dans la voie légale. Nous cherchons seulement à empêcher qu'on n'affecte des fonds à une destination qu'ils n'ont pas. M. le ministre a des crédits au budget pour toutes les dépenses. Il n'a donc pas besoin des fonds des remplaçants.

Pour l'habillement, M. le ministre se borne à dire que mes calculs sont inexacts. Il me fait un signe affirmatif ; de mon côté, je soutiens que mon travail ne renferme pas d'erreurs, au moins d'erreurs pouvant compromettre le résultat de mes prévisions, savoir une économie notable. Si l'honorable ministre disait au moins en quoi mes calculs sont inexacts, je pourrais lui répondre facilement. Mes renseignements sont puisés dans des documents officiels. Je crois que ce n'est pas encore le moment d'entamer une discussion sur cet objet. Mais M. le ministre ne peut nier qu'on retient 26 centimes par jour au soldat. Cela fait une somme de 94-90 ; en calculant le prix de l'habillement selon la portée de chaque pièce pendant un temps déterminé, on trouve qu'il ne coûte pas tout à fait 70 fr

Voilà une différence bien considérable, en raison de l'effectif de l'armée. L'habillement du sous-officier revient à l'Etat à 146 francs, tandis qu'en France il ne coûte que fr. 69-86 soit en moins fr. 76-14 par homme. C'est là une question de chiffre, quand on discutera je m'expliquerai.

J'indique ce changement d'administration comme pouvant positivement amener une économie considérable. J'ai dit un million. Peut-être y aura-t-il un mécompte provenant de ce que les miliciens laisseront un déficit à leur masse. Ce déficit est aujourd'hui de 30,000 à 40,000 fr. En supposant que ce déficit s'élève à 100 ou 200 mille fr., il y aurait encore une économie de 800,000 fr.

- Le renvoi de l'amendement de M. Thiéfry à la commission des finances est prononcé.

M. de Renesse. - Messieurs, partisan d'une armée fortement constituée, j'ai toujours, jusqu'ici, voté pour la plupart des budgets et des crédits extraordinaires pour faire face aux dépenses d'une organisation militaire qui répondait à la bonne défense de notre nationalité, de notre indépendance. Depuis qu'il est question de modifier essentiellement notre système de défense nationale, je pense, avec beaucoup de nos honorables collègues, que l'organisation de notre armée pourrait subir une certaine modification et, en effet, lorsque nous avions à défendre de nombreuses forteresses, il fallait outre, un nombre assez considérable de soldats pour la défense de ces places de guerre, aussi un corps assez considérable, pour au besoin tenir la campagne. Mais si l'on persiste dans la résolution de former d'Anvers une grande place de guerre, pour y abriter l'armée en cas d'attaque, il faudrait nécessairement réduire l'armée dans une certaine proportion, de manière à pouvoir employer les économies sur le budget de la guerre aux dépenses nécessaires à l'établissement de la grande place de guerre à Anvers. Si sous ce rapport, le gouvernement ne nous donnait pas formellement l'assurance que le budget de 1858 subira de ce chef une diminution assez notable, je ne pourrai dorénavant donner un vote favorable à une dépense aussi considérable du budget de la guerre, qui me semble être actuellement hors de proportion avec nos ressources financières. Ne pouvant consentir à l'augmentation des charges des contribuables, déjà assez lourdes, je crois devoir demander que le gouvernement introduise des économies sérieuses dans les dépenses de l'Etat.

M. Coomans. - Je demanderai au gouvernement s'il pense enfin à nous faire discuter la loi sur la milice.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Le projet est en section centrale.

M. Coomans. - Je n 'ignore pas que le projet est en section centrale. Mais c'est parce qu'il s'y trouve depuis deux ans, que je fais mon interpellation.

M. le président. - Je me suis entendu avec mon collègue, l'honorable M. Orts, pour porter immédiatement cet objet à l'examen de la section centrale.

M. Coomans. - C'est très bien.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des employés civils : fr. 145,000.

« Charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Supplément aux officiers et sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 14,000 »

- Adopté.


« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »

- Adopté.


(page 487) « Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000. »


« Art. 6. Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Etats-majors

Articles 6 à 8

« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 791,502 15. »

- Adopté.


« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 300,736. »

- Adopté.


« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 151,660 50. »

- Adopté.

Chapitre III. Service de santé des hôpitaux

Article 9

« Art. 9. Traitement du service de santé des hôpitaux : fr. 224,296 50. »

La section centrale propose de réduire ce chiffre de 6,219-50.

M. Thiéfry. - Messieurs, il y a, à l'article 9, à l'article 12 et à l'article 15, des sommes demandées afin de pouvoir accorder des rations de fourrages à tous les médecins. Je crois, pour l'ordre de la discussion, qu'il est bon de n'avoir qu'une seule discussion sur ces trois articles.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Sans doute.

M. Thiéfry. - C'est aussi l'intention de M. le ministre de la guerre.

J'ai, en conséquence, l'honneur de déposer l'amendement dont M. le président va vous donner lecture.

M. le président. - M. Thiéfry propose de réunir dans une seule et même discussion les articles 9, 12 et 15, et de réduite ces articles :

L'article 9 de fr. 6,219-50, l’article 12 de fr. 33,689-50, l’article 15 de fr. 1,063-60.

- La Chambre décide que la discussion portera sur les articles 9, 12 et 15.

La parole est à M. Thiéfry pour développer son amendement.

M. Thiéfry. - La demande qui nous est faite n'est pas nouvelle, elle a déjà été produite dans cette enceinte le 22 décembre 1853 ; il n'y a pas eu alors six membres de cette Chambre qui se sont levés en faveur de la proposition. Comment se fait-il qu'on la représente encore ? Que s'est-il passé pour donner lieu à cette persistance ? Je n'en suis absolument rien.

Pour obtenir le crédit pétitionné en 1855, M. le ministre de la guerre se fondait principalement sur les inconvénients que l'on éprouvait en marche : Si le médecin est à pied, disait-il, les malades ne reçoivent pas les secours à temps, puis le médecin reste en arrière. Quant aux fourrages pour les médecins de garnison, M. le ministre ne les réclamait alors que parce que ces officiers avaient un grade supérieur aux médecins des régiments ; ce n'était pas en raison de leur service, mais seulement par une espèce de convenance. J'ai rappelé, à cette époque, que l'on n'avait pas égard à ces sortes de convenances dans l’artillerie, où certains officiers supérieurs n'avaient pas de chevaux, leur service n'en exigeant pas.

Aujourd'hui il paraît que le motif principal des marches n'est plus invoqué, puisque M. le ministre prétendait, dans la séance du 19 décembre dernier, qu'il était inutile de nous donner connaissance du nombre de jours pendant lesquels les médecins avaient voyagé avec la troupe ; c'est surtout sur la difficulté de faire le service de garnison et de soigner en même temps les officiers malades, que M. le ministre s'appuie pour réclamer des rations de fourrage pour tous les médecins.

Malgré cette différence dans les arguments, j'examinerai les uns et les autres pour savoir s'il y a réellement nécessité de donner des chevaux aux médecins en temps de paix.

Je dirai d'abord que je suis certain d'être l'interprète de l'unanimité de la Chambre, en déclarant qu'aucun de nous ne refuserait un crédit nécessaire à la santé de l'officier ou du soldat, quelque élevé qu'il fût : aussi ne présenterais-je pas ici la moindre observation, si je n'étais pas convaincu de la complète inutilité de la dépense.

En marche, les soldats ne sont pas dépourvus de secours, chaque bataillon a son médecin ; derrière le bataillon il y a des voitures en nombre suffisant : ainsi par exemple, un bataillon qui va au camp est ordinairement de 600 à 800 hommes, il a droit à six chariots à deux chevaux ou dix charrettes à un cheval ; ces voitures servent à transporter la caisse, une petite pharmacie, la comptabilité du bataillon qui est renfermée dans six caisses, une par compagnie, les porte manteaux des officiers, et puis les sous-officiers et soldats hors d'état de continuer la route à pied et finalement les armes et les sacs de ces derniers. Si le médecin est à pied, il restera, dit-on, en arrière et ne rejoindra plus la troupe ; c'est la une erreur, le médecin doit marcher avec la dernière compagnie ; s'il y a un malade, il examine la cause de l'indisposition, ordonne ce qu'il y a à faire ; puis un ou deux soldats valides se chargent d'exécuter les ordres de l'officier de santé qui poursuit immédiatement sa route.

On a objecté aussi qu'après une marche fatigante, le médecin arrivé à l'endroit où la troupe doit loger, ne pourra se rendre dans les maisons éloignée s où il y aurait des malades. C'est encore là un motif qui n'a qu'une apparence de vérité, car rien n'empêche, s'il y a des hommes qui réclament les secours d'un médecin, de les loger au centre du village où serait l'officier de santé lui-même.

Et puis, messieurs, est-ce que nos régiments sont souvent et longtemps en route ? Ils se mettent en marche pour changer de garnison, ou pour aller au camp de Beverloo.

Dans l'un comme dans l'autre cas, ils ne sont chaque fois que 2 ou 3 jours en route ; et encore arrive-t-il fréquemment qu'on le fait voyager par le chemin de fer ; on conviendra avec moi, que ce ne sont pas ces rares exceptions qui peuvent motiver les propositions de M. le ministre de la guerre.

A propos des journées de marche, je dois dire que je regrette de n'avoir pas reçu de M. le ministre de la guerre des renseignements exacts sur ce sujet.

La section centrale a demandé à l'honorable général l'état des médecins qui avaient voyagé avec la troupe en 1855 et 1856. Vous savez, messieurs, que M. le ministre n'a point voulu donner ces renseignements.

Dans la séance du 19 décembre, j'ai réclamé par motion d'ordre l'état des médecins ayant voyagé avec la troupe : il ne pouvait y avoir aucune équivoque, la demande était clairement indiquée ; il s'agissait bien du nombre de jours pendant lesquels les médecins avaient été en marche avec la troupe. M. le ministre a promis alors de nous en fournir le tableau, il se trouve effectivement déposé sur le bureau : mais c'est un état des médecins ayant été en route, même pour se rendre en congé près de leur famille, et non pas en route avec la troupe. Cependant les renseignements réclamés avaient uniquement pour but de connaître si les médecins voyageaient beaucoup avec les corps auxquels ils appartiennent.

Il est facile de deviner le motif pour lequel M. le ministre en a agi ainsi ; il a pensé qu'en donnant les chiffres tels qu'ils étaient demandés» il fournirait un argument sérieux contre sa proposition.

Il a voulu grossir le nombre des journées de voyage ; mais j'ai su trouver le moyen de m'éclairer : les feuilles de revue sont remises par le département de la guerre à la cour des comptes, j'ai réclamé un tableau, indiquant le mouvement des corps d'infanterie pendant l'année 1855, (les états de 1856 ne sont point encore remis à la cour), je l'ai ici, il résulte de la comparaison que j'ai faite, que sur l'état remis par M. le ministre il y a 479 journées de marche pour les médecins de l'infanterie ; tandis que dans celui de la cour des comptes, il n'y en a que 166 ; sur 49 bataillons 17 n'ont pas voyagé, 27 ont été au camp et 5 ont changé de garnison, 1 bataillon a eu pendant 1855 11 jours de marche. 2 bataillons chacun 8 jours de marche, 4 bataillons chacun 7 jours de marche, 6 bataillons chacun 6 jours de marche, 7 bataillons chacun 5 jours de marche, 6 bataillons chacun 4 jours de marche, 5 bataillons chacun 3 jours de marche et 1 bataillons 1 jour de marche.

Comme il y a un médecin attaché à chaque bataillon, on voit de suite combien chacun d'eux a été de jours en marche. En définitive sur 49 médecins, 32 ont voyagé, en moyenne, 5 jours en 1855.

L'honorable général a dit dans une séance précédente que dans les grandes villes comme Bruxelles, les officiers de santé sont astreints au service des corps, au service des hôpitaux, au service des officiers en inactivité ou pensionnés, ainsi qu'à leurs veuves, dans toute l'enceinte de la localité et de ses faubourgs.

Ne semblerait-il pas résulter de ces paroles que ce seraient les mêmes officiers qui devraient faire tous ces différents services à la fois ? Et pourtant, messieurs, il n'en est pas ainsi, ; vous allez en juger. Il y a à Bruxelles et dans les neuf villes les plus importantes du royaume, un médecin spécialement chargé de l'hôpital de la localité ; il a sous ses ordres un ou plusieurs adjoints et des pharmaciens, et je dirai même, à cette occasion, que je n'ai jamais vu d'hôpital mieux tenu que l'hôpital militaire de Bruxelles. Voilà ma réponse pour le service des hôpitaux.

Dans la garnison de la capitale, et dans toutes les grandes villes, il y a plusieurs bataillons du même régiment, chaque bataillon a son médecin ; ainsi donc, dans le régiment des grenadiers, composé de 3 bataillons, il y a un médecin de régiment el 2 médecins de bataillon ; il ne faut pour les exercices qu'un seul médecin, ceux de bataillon font alternative ment ce service : le médecin de régiment a par conséquent tout le loisir de donner ses soins aux officiers malades.

Voilà ce que j'ai à dire pour le service des corps. Quant à celui des pensionnés, j'admets avec M. le ministre qu'à Bruxelles il y a un bien plus grand nombre d'officiers en retraite que partout ailleurs ; mais l'honorable général aurait dû ajouter qu'il y a un médecin spécial chargé de ce service, qu'il est en subsistance dans un régiment de cavalerie, où il touche sa ration de fourrage. En supposant, ce qui n'existe pas, que ce service soit trop fatigant, pourquoi ne le diviserait-on pas en eu donnant une partie soit aux médecins de régiment de la garnison, soit à ceux attachés à l'administration centrale et à l'école militaire ? Chacun d'eux aurait à donner ses soins aux officiers de son régiment et aux officiers (page 488) pensionnés demeurant dans tel ou tel faubourg. Les courses seraient alors infiniment réduites.

Au surplus cette mesure n'est pas encore nécessaire, puisque jusqu'à présent le médecin chargé de visiter les officiers pensionnés malades, suffit à la besogne.

Le médecin de l'école militaire, dont je viens de parler, loge, je pense, à l'établissement même : son service ne lui prend certainement pas une heure par jour. Demander un crédit pour lui fournir des rations de fourrage, c'est réellement faire une proposition peu raisonnable qui a pour conséquence de laisser supposer que le budget contient encore d'autres sommes dont le bon emploi est contestable.

M. le ministre a été invité par la section centrale à faire connaître les pays où les médecins ont des chevaux en temps de paix ; il résulte de sa réponse qu'en Angleterre seulement on accorde des chevaux à tous les chirurgiens des corps : en Autriche, on en donne aux médecins jusqu'au grade de médecin de régiment ; en Prusse, à l'inspecteur et aux médecins principaux ; on peut dire la même chose du Portugal où les médecins ont des titres différents.

En Belgique, l'inspecteur général seul a droit à 2 rations de fourrage, dont il ne profite même pas ; il ne tient pas de chevaux et ne reçoit aucune ration. Ainsi donc : En France, en Russie, en Sardaigne, à Naples, en Espagne, en Hollande, en Saxe, en Danemark, dans le Hanovre, dans le Wurtemberg, nulle part dans ces pays les médecins dont nous nous occupons n'ont de chevaux en temps de paix.

En Bavière on peut en accorder par disposition spéciale, j'en parlerai tout à l'heure.

Qu'il me soit permis, avant tout, de faire remarquer que, dans la dernière guerre d'Orient, les armées de cinq puissances se sont trouvées en campagne, et si nous devons ajouter foi aux relations des journaux, c'est précisément dans l'armée où tous les médecins ont des chevaux en temps de paix, que les soins à accorder aux soldats malades ont laissé le plus à désirer ; cela prouve que la bonne organisation du service de santé tient à autre chose qu'à l'objet en discussion.

Je reviens à la Bavière où l'on peut accorder des chevaux aux médecins par des dispositions spéciales. Connaissez-vous, messieurs, le motif d'une semblable mesure ? C'est qu'en Bavière, non seulement on ne met pas les officiers à la retraite, comme en Belgique, à un âge fixé à l'avance ; mais on suppose encore qu'un médecin qui ne saurait pas supporter les fatigues de la marche peut néanmoins rendre de bons services à l'armée, et, pour le conserver, on lui accorde un cheval. Cette mesure existe en France pour les capitaines d'infanterie qui ont cinquante ans.

M. le ministre nous a dit dans une séance précédente : « Il ne faut pas attendre l'entrée en campagne pour donner un cheval aux médecins ; car il serait impossible d'astreindre un homme à monter à cheval pour la première fois à 40 ou 45 ans: le cheval serait pour lui un embarras ; on l'annihilerait complètement. » On ne peut pas assimiler le cheval d'un médecin de l'infanterie à celui d'un officier de cavalerie, il ne sert au médecin que de moyeu de transport ; c'est donc un cheval bien tranquille qu'il lui faut ; d'ailleurs cette objection, on peut la présenter également pour la plupart des capitaines d'infanterie qui passent majors ;.mais je demanderai à M. le ministre ce qu'on faisait sous l'empire ? Le médecin d'infanterie n'avait pas de cheval en temps de paix. Partait-il pour l'Espagne ou la Russie, il en achetait un. En a-t-il été autrement pour la campagne d’Orient ? M. le ministre a-t-il ouï dire que le service sanitaire de l'armée française ait été entravé ? Quant à moi, je n'ai rien entendu de semblable. Notez bien d'ailleurs, messieurs, qu'il y a une énorme différence entre les armées ; celles de France sont destinées à de longues marches, tandis que la nôtre prendra une position défensive, dans le pays même, dont l'étendue n'est pas considérable.

J'ajouterai enfin que la commission de 1851 où siégeaient dix officiers généraux ou supérieurs, et qui renfermait des officiers d'infanterie d'une grande expérience, cette commission, dis-je, fut unanimement d'avis que les médecins ne devaient pas avoir de chevaux en temps de paix, sauf dans la cavalerie et l'artillerie. Ce serait, du reste, un charge réelle pour les officiers de santé, et on la leur imposerait sans nécessité. Ceux qui déjà tiennent un cheval pour leur clientèle civile, seraient les seuls à profiter de la mesure.

Je termine en faisant remarquer à la Chambre qu'il s'agit ici d'une dépense de 41,000 fr. dont 30,000 formeront toujours une charge permanente.

J'ai peine à comprendre qu'on réclame des augmentations aussi fortes, alors que le budget de la guerre s'élève déjà à un chiffre hors de proposition avec les ressources du pays.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - L'honorable membre a fait remarquer que déjà la proposition que je viens de renouveler avait été soumise à la Chambre et qu'elle y avait obtenu un très petit nombre d'adhésions. Je reconnais ce fait, messieurs ; il prouve combien je suis profondément convaincu de la nécessité de cette défense. Pour que je vienne m'exposer à un échec, il faut que j'aie la conscience d'un devoir à remplir.

Lorsque je suis entré au ministère, vous vous le rappelez, le service de santé était dans une situation déplorable. Il était impossible de compléter les cadres ; de toutes parts s'élevaient des plaintes ; de toutes parts aussi s'élevaient des prédictions fâcheuses et sinistres, et chacun de me dire : Vous ne parviendrez pas à compléter votre service.

J'ai proposé à la Chambre des mesures que, dans sa juste sollicitude, elle a bien voulu admettre, et ces mesures ont été couronnées du succès le plus entier. A l'heure qu'il est, non seulement les cadres sont remplis, mais j'ose le dire avec orgueil pour l'armée belge, ils sont remplis de la manière la plus remarquable, et sous ce rapport, nous n'avons rien à envier à aucune autre armée.

L'honorable membre semble me faire un reproche de ce qu'il appelle l'inexactitude des états que je lui ai fournis. Il vient de vous prouver qu'il était parfaitement à même de se passer entièrement de ces états, puisqu'il avait lui-même des renseignements, à ce qu'il paraît, beaucoup meilleurs que les miens.

Je dois faire observer à l'honorable membre, que je persiste à accorder très peu d'importance à ces états. En effet, il me semble très insignifiant qu'un médecin ait marché dix jours, cinq jours, quatre jours par année. Il suffit qu'il ait dû accompagner un bataillon à pied, qu'il ait dû suivie ce bataillon et faire son service, ne fût-ce que pendant une seule journée.

Qu'est-ce en définitive que le service d'un officier de santé ? C'est la sollicitude du gouvernement qui s'étend sur le peuple dont on parle si souvent et dont l'armée est l'élite. Pour celle élite du peuple que nous allons chercher dans les familles, nous ne devons regarder ni à la dépense ni aux peines ; nous lui devons des soins de tous les jours, des soins de tous les instants.

L'officier de santé à pied est-il en état de rendre ces services ? Voilà la question. L'honorable membre dit oui, je dis non, et j'ai pour moi l'expérience. L'honorable membre parle de généraux expérimentés qui ont fait partie de la commission et qui ont trouvé inutile de donner un cheval aux médecins militaires. Je ne me permettrai pas de juger de l'expérience de ces officiers généraux, mais je parlerai de la mienne, et je citerai des faits que chacun pourra apprécier.

Un soldat en marche tombe malade. La chose est facile, dit l'honorable membre. Le médecin qui est à la queue du bataillon l'examine et le remet à ses deux camarades. Tout est fini.

Je dis que ce n'est pas ainsi que les choses peuvent se passer. Un soldat tombe malade en route. Le médecin doit s'arrêter ; il doit constater si le soldat est en effet malade et s'il doit lui donner des soins. Les soins emporteront, si vous le voulez, un temps très minime, un quart d'heure, dix minutes ; mais je m'adresse à tous ceux qui ont marché avec une colonne, et je les prie de me dire quel est l’homme qui pourra rejoindre sa colonne lorsqu'il sera en retard de dix minutes ? Certainement-ce ne sera ni l'honorable M. Thiéfry ni moi- Je parle du temps où je marchais. Voilà donc la colonne privée de médecin.

Voici une autre hypothèse: Vous arrivez au lieu d'étape. Le médecin qui a fait 6 ou 7 lieues est fatigué. On vient l'appeler ; l'honorable membre dit : Rien de plus facile ; si un homme est malade vous le logez dans les enviions du médecin ; mais si un homme qui se trouve à trois quarts de lieue du médecin, tombe malade, ou devient victime d'un accident sans avoir prévenu, sans en avoir demandé la permission, le médecin, qui aura plus de zèle que de force, se rendra sur les lieux, je l'admets ; il trouve un membre à amputer ; pourra-t-il se livrer à cette opération, sans s'exposer à compromettre la vie du malade ?

Ensuite, messieurs, dans une armée aussi peu considérable que la nôtre, il faut souvent faire passer un médecin de la cavalerie dans l'infanterie ; eh bien, vous ne le pouvez pas, puisque dans la cavalerie les médecins sont montés, tandis que dans l'infanterie ils ne le sont pas.

L'honorable membre dit : Mais lorsque le médecin devra entrer en campagne, il achètera un cheval. Je le répète, messieurs, un médecin âgé de 50 ans sera très embarrassé de son cheval s'il n'est pas habitué à eu avoir un.

L'honorable membre dit encore que toutes les campagnes de l'Empire se sont faites sans que l'armée française comptât de médecins montés dans ses rangs. Mais, messieurs, il est généralement connu qu'à cette époque on s'occupait bien plus, dans l'armée française, de la gloire de l'Empire que de la conservation des hommes.

Nous avons, nous, d'autres devoirs à remplir envers nos miliciens et je me crois obligé de déclarer que la situation qu'on veut nous faire ne présente pas les garanties suffisantes.

Il appartient à la Chambre de décider ce qu'elle trouvera convenable, mais je la prie de remarquer que toute la responsabilité de l'avenir pèsera sur elle, et que le gouvernement devra persister dans sa proposition ; elle a été faite par mes prédécesseurs, mes successeurs la reproduiront à leur tour.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je viens, pour ma part, appuyer l'amendement de l’honorable M. Thiéfry. Je ne peux pas donner mon approbation à l'augmentation demandée par le gouvernement à ce chapitre, dont la conséquence nécessaire et immédiate constituerait une nouvelle charge pour le trésor public.

Dans la situation actuelle de notre budget de la guerre ; contre lequel il y a beaucoup de réclamations, à cause de l'élévation de son chiffre, le (page 489) moment est très mal choisi pour demander encore des augmentations. Si ces augmentations étaient bien justifiées, je pourrais les concevoir, mais depuis 25 ans l'armée existe, le service de santé existe et jusqu'ici la Chambre et tous les ministres de la guerre qui se sont succédé, ont parfaitement bien supporté la responsabilité de la santé du soldat. Je ne vois pas pourquoi l'on voudrait aujourd'hui accorder des fourrages aux chevaux des médecins qui eux-mêmes n'en réclament pas.

Et faites bien attention, messieurs, à cette considération ; de l'aveu même du gouvernement, c'est une charge nouvelle que malgré eux on veut leur imposer. Messieurs, comme l'honorable ministre vient de le dire, lorsqu'il est arrivé au département de la guerre, il a trouvé le service de santé dans un triste état. Il a eu de la peine à recruter le personnel, à réorganiser ce service et à cet effet, il a demandé à la législature de nouveaux sacrifices pour trouver le moyen de compléter les cadres. Il y est parvenu, aujourd'hui le service est bien organisé.

Dans sa réponse à la section centrale, M. le ministre dit que c'est une nouvelle charge qu'on va imposer aux officiers de santé. N'y a-t-il pas là une contradiction flagrante ? Ou bien on viendra d'ici à peu de temps demander de nouveaux sacrifices pour augmenter encore la solde des médecins de l'armée. Car, en définitive, si vous augmentez leurs charges, il faut augmenter les indemnités qui leur sont accordées. Il ne suffira pas de leur donner des rations, il faudra y ajouter des indemnités et pour l'achat de leur équipement, et pour l'achat du cheval et pour toutes les dépenses relatives à la remonte, ou l'on s'expose à manquer de nouveau du personnel nécessaire.

M. le ministre dit que les soldats ne peuvent pas toujours être logés dans le voisinage du médecin, mais je demanderai si dans le civil des malades sont toujours logés dans le voisinage du médecin ? On a souvent trois quarts de lieue à faire pour aller chercher le médecin. M. le ministre dit que des soldats tombent malades pendant que la colonne est en marche, mais toutes les colonnes sont suivies de voitures et quand il y a des malades on les place dans les voitures.

Il faut que la maladie soit extrêmement grave et instantanée pour qu'il y ait impossibilité de transporter le malade en voiture. C'est évidemment une exagération. Vouloir aujourd’hui fournir des chevaux à tous les hommes de l'art appartenant à l'armée, c'est une dépense inutile et non seulement inutile, mais même contraire aux intérêts bien entendus des officiers de santé : en effet, messieurs, les officiers de santé ne sont pas dans la même position que les autres officiers ; s'ils veulent acquérir des connaissances nouvelles dans leur art, s'ils veulent se distinguer dans leur carrière, ils ont des études très sérieuses à faire, ils ont besoin de tout leur temps ; si on les oblige à tenir un cheval, c'est un sujet continuel de distractions qui ne sont déjà que trop multipliées dans les grands centres de population ; pour les uns c'est l'objet d'une passion fort préjudiciable aux études sérieuses, pour les autres c'est un sujet d'embarras et de dépense, pour tous c'est une perte de temps considérable consacré aux études et qu'ils sont obligés d'employer, et souvent malgré eux, à promener leur cheval à défaut d'autre exercice plus utile, et ce sera l’Etat qui en payera les frais. Je ne saurais donc donner mon assentiment à cette nouvelle dépense, que je considère comme plus préjudiciable qu'utile.

En présence des observations si judicieuses de l'honorable M. Thiéfry et après avoir bien considéré le pour et le contre, je crois que la Chambre ne doit pas accorder l'augmentation demandée. Je voterai pour l'amendement de l'honorable M. Thiéfry.

M. F. de Mérode. - Messieurs, les observations que vient de faire l'honorable M. Vander Donckt ne sont pas sans valeur à mes yeux ; il pense que l'officier de santé qui aura un cheval sera obligé de s'occuper de ce cheval, de le mener promener, et que, pendant ce temps, il n'étudiera pas suffisamment dans ses livres de médecine le moyen de guérir ses malades.

L'opposition qu'on fait à la demande de M. le ministre de la guerre est sans doute appuyée sur certains motifs ; mais, d'autre part, je ne comprends pas pourquoi un ministre de la guerre demanderait un cheval pour les officiers de santé, si cela ne devait leur servir de rien ; quel intérêt peut avoir M. le ministre de la guerre à faire promener à cheval des officiers de santé ? Je n'en vois aucun, je ne puis pas ne rendre compte d'une pareille fantaisie, si c'est une fantaisie.

Maintenant, ne serait-il pas possible de donner une certaine satisfaction à M. le ministre de la guerre, sans pour cela accorder la somme totale de 40,000 fr.

Il est certain que dans l'état des choses où nous sommes placés, tous les officiers de santé n'est pas besoin d'avoir un cheval ; mais il y a des moments où ils en ont besoin. M. le ministre de la guerre ne pourrait-il pas réduire l'allocation à un chiffre moindre, de façon à ne payer une indemnité de fourrage qu'aux officiers de santé qui seraient dans le cas de devoir se servir d'un cheval ? Il me semble qu'il y aurait un moyen terme à adopter.

Quant à ce qui a été dit relativement à la nécessité dans laquelle vous allez mettre les officiers de santé de monter à cheval, je ferai observer qu'une fois qu'un homme a appris à monter à cheval et qu'il monte de temps en temps, il peut très bien suivre un bataillon ; il n'a pas besoin pour cela de connaissances supérieures en équitation.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, l'honorable M. Van der Donckt a fait observer que les médecins civils ne sont pas toujours logés auprès de leurs malades, cela est vrai ; mais il est vrai aussi que ces médecins n'ont pas à faire une étape avant d'arriver à leur clientèle. D'ailleurs, les médecins civils qui pratiquent ont généralement aussi des chevaux.

L'honorable M. Vander Donckt a fait observer que c'est une charge qu'on impose aux officiers de santé ; je ne prétends pas le contraire ; en faisant ma proposition, je n'ai pas eu en vue d'accorder un avantage aux médecins militaires, je me suis laissé guider par l'intérêt du service.

Du reste, rien ne s'opposerait à ce que le médecin militaire, pourvu d'un cheval, suivît au besoin son bataillon en voiture ; je ne tiens pas à ce qu'il parade sur son cheval, mais je tiens à ce qu'il soit disponible à toute heure pour les besoins du service.

Quant à la transaction indiquée par l'honorable M. de Mérode, je ne pourrais m'y prêter que dans une limite extrêmement restreinte, en ce sens qu'on n'accorderait pas de fourrages aux officiers de santé du service sédentaire et qu'on se bornerait à en donner aux médecins du service actif.

Quoi qu'en dise l'honorable M. Thiéfry, je dois déclarer cependant que le service des officiers de santé en garnison présente aussi des fatigues et des difficultés. Ces médecins sont quelquefois accablés de besogne ; ils ont à faire le service du corps proprement dit, le service des exercices et des manœuvres, le service dans l'intérieur des ménages des officiers ; après cela, ils ont les officiers hors cadre, les officiers sans troupes qui sont en assez grand nombre ; ils donnent encore leurs soins aux officiers pensionnés, et enfin aux veuves des officiers, en vertu d'une mesure paternelle prise récemment par le gouvernement. Tout cela constitue une clientèle immense.

Je désirerais que l'honorable M. Thiéfry voulût bien s'entretenir avec quelques-uns de ces médecins militaires, il apprendrait que la moitié de leur service se fait obligatoirement en voiture de place. Cependant je suis disposé à renoncer à la demande que j'ai faite en leur faveur ; mais il est de mon devoir d'insister sur l'allocation qui concerne les médecins attachés au service actif.

M. Van Overloop, rapporteur. - Messieurs, ce n'est pas comme rapporteur de la section centrale que j'ai demandé la parole, c'est en ma qualité de membre de la Chambre ; je l'avais demandée, après les observations présentées par l'honorable M. de Mérode ; c'était dans le but de proposer de faire une distinction quant à la demande d'indemnité de fourrage pour les officiers de santé. M. le ministre de la guerre vient de faire cette distinction. Un membre de la section centrale (et c'était moi) avait proposé de refuser l'allocation aux médecins sédentaires, tels que les médecins principaux, les médecins de garnison et les médecins attachés aux hôpitaux.

Tous les arguments que M. le ministre de la guerre a fait valoir pour expliquer la nécessité d'accorder une indemnité de fourrage aux officiers de santé, tous ces arguments sont tirés de la position dans laquelle se trouvent les officiers de santé attachés aux troupes.

Je pense donc, à mon point de vue, que M. le ministre de la guerre doit prêter la main à la suppression de l'indemnité de fourrage pour les médecins principaux, les médecins de garnison et les médecins des hôpitaux.

Quant à la question de savoir s'il est utile d'accorder une indemnité aux officiers de santé attachés aux troupes, je crois qu'en présence des considérations que vient de faire valoir M. le ministre de la guerre, il y a lieu de se prononcer pour l'affirmative et que nous ne pouvons pas hésiter à voter l'allocation.

J'ajouterai que je me suis trouvé par hasard en contact avec M. l’inspecteur général du service de santé de l'armée ; je l'ai entretenu de cette question ; M. l'inspecteur général trouvait qu'il était indispensable d'allouer une indemnité de fourrage aux officiers marchant avec la troupe ; mais ce même haut fonctionnaire ne trouvait pas les mêmes raisons à faire valoir en faveur des officiers sédentaires.

M. le ministre de la guerre vient de dire que ces derniers officiers ont une rude tâche ; je me permettrai de lui faire observer que leurs occupations ne sont pas tellement nombreuses, qu'ils ne parviennent à concilier les exigences de leur clientèle civile avec celles de leur clientèle militaire.

Je crois donc que nous ferions chose sage, d'une part, en refusant l'allocation pour les médecins sédentaires, et, d'autre part, en accordant l'indemnité aux officiers de santé marchant avec les troupes. Comme l'a dit M. le ministre de la guerre, c'est un devoir pour le gouvernement, alors surtout qu'il s'agit d'une armée composée de miliciens, c'est un devoir pour le gouvernement de ne négliger aucune mesure qui soit de nature à contribuer au bien-être de ces miliciens.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je ne veux répondre qu'un seul mot à l'honorable préopinant à propos de l'allusion qu'il a faite à l'augmentation de besogne résultant, pour les médecins militaires, de leur clientèle civile. D'après le relevé que j'ai fait faire, il n'y a pas six officiers de santé (y compris les trois ou quatre qui pratiquent à Bruxelles), qui fassent de la clientèle civile. Je ferai remarquer en passant que cette clientèle a été autorisée par la Chambre. Je puis, quant à moi, ne pas partager cette manière de voir. En tout état de choses, la clientèle civile des médecins militaires ne doit avoir aucune influence sur le service.

M. Thiéfry. - J'ai demandé la parole pour protester contre l'opinion qu'a semblé émettre M. le ministre de la guerre, que ma proposition (page 490) n'était pas d'accord avec les soins qu'on doit donner à des hommes qu'on arrache des rangs du peuple pour les charger de la défense du pays. Il n'est aucun de nous, je l'ai déjà dit, qui fasse de la santé du soldat une question d'argent. Mais, je dirai en réponse à M. Van Overloop que nous devons aussi être économes des deniers du peuple.

Par suite des observations présentées par M. de Mérode, M. le ministre consent à réduire la somme demandée à celle nécessaire pour fournir des rations de fourrage aux officiers de santé attachés aux corps de troupes, et à cette occasion M. le ministre a encore parlé des différents services que rendent les médecins en confondant le service de médecin sédentaire et le service de médecins de régiment.

Il a rejeté la responsabilité des conséquences de la réduction que je propose sur les membres qui la voteraient.

Cette responsabilité, pour mon compte, je l'accepte avec d'autant moins d'hésitation que j'ai, en faveur de l'opinion que je soutiens, l'exemple de ce qui se pratique sous le maréchal Vaillant, ministre de la guerre dans un pays où l'on fait des marches de 200 lieues ; je puis donc croire que ma responsabilité sera parfaitement à couvert quand je refuserai au ministre le crédit demandé pour donner des rations de fourrage aux officiers de santé des corps d'infanterie.

L'honorable M. Van Overloop dit que l'expérience faite en Belgique démontre la nécessité de donner un cheval aux médecins de régiment. Une fois en deux ans, un régiment a à faire 10, 15 ou 20 lieues au plus, tandis que dans un pays voisin il y a des troupes qui font jusqu'à 200 lieues et on n'y donne pas de cheval aux officiers de santé.

Quand la troupe est en marche, le service de santé ne présente pas d'aussi grandes difficultés qu'on vient de le dire.

J'ai marché avec la troupe et je sais comment les choses se passent, je n'ai pas remarqué les inconvénients qu'on signale, et pourtant les médecins n'avaient pas de chevaux ; quand un soldat devient malade, l'officier de santé le constate et lui donne un bon pour monter en voiture ; il continue sa marche avec la colonne ; des soldats valides conduisent le malade à la voiture.

Il y a eu un seul fait qui a produit une certaine impression, c'est ce qui s'est passé en 1855, lorsqu'un ministre a donné à un corps l'ordre de partir du camp pour rejoindre sa garnison et de faire route en pleine journée par une chaleur de 30 degrés. Dans une pareille saison on ne fait pas voyager la troupe dans le jour, elle aurait dû partir à 2 heures du matin.

Il y avait des voitures pour recueillir les malades, au lieu de les faire marcher derrière la troupe, on les a fait partir en avant ; aussi les hommes exténués de fatigue ont été obligés de rester sur la route ; ce qui a produit de fâcheux et pénibles résultats, c'est là un des motifs pour lesquels on demande le crédit, mais c'est un événement extraordinaire qui ne se reproduira plus.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je n'abuserai pas des moments de la Chambre en prolongeant cette discussion. Mais je dois une explication sur le fait que l'honorable préopinant vient de rappeler ; il semble attribuer la responsabilité des résultats déplorables de cette marche au ministre de la guerre d'alors ; messieurs, j'aurai l'honneur de faire observer que cette marche devait se combiner avec le convoi de Hasselt pour Gand.

M. Thiéfry. - S j'ai dît le ministre de la guerre, c'est par erreur, j'ai voulu dire l'officier général qui a ordonné le départ.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Le ministre de la guerre est donc hors de cause. Quant au colonel, je dois dire quelques mots pour expliquer en partie sa conduite : Le départ du convoi que devait prendre le régiment à Hasselt était fixé à 3 heures après-midi ; le colonel a fait partir sa troupe du camp à 8 heures du matin ; les circonstances atmosphériques ont été contre lui ; il avait à faire une marche de cinq lieues et sa troupe devait être placée dans les voilures du chemin de fer à 3 heures après midi. S'il était parti du camp à 3 heures du matin, il y aurait eu 12 heures d'intervalle entre son départ du camp et son départ de Hasselt. Si même il fût parti à 3 heures du matin, il sera arrivé à Hasselt à 10 heures et demie ; qu'aurait-il fait de ses hommes jusqu'à 3 heures après midi ?

M. Thiéfry. - Ils se seraient reposés.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Chez qui ?

M. Thiéfry. - Comment ! chez qui ? A Hasselt.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Veuillez remarquer que nous ne distribuons pas de billets de rafraîchissements comme cela ce pratique en France. Chez nos voisins, lorsque la troupe fait une halte, on lui délivre des billets qui lui donnent droit à un abri où les hommes reçoivent à boire et à manger.

N'es soldats sont dans une situation différente, ils ne portent rien avec eux, et s'ils arrivent avant l'heure ils n'ont d'autre ressource que de mettre les armes en faisceaux et de se promener ; dans la circonstance dont il s'agit, la troupe, pour se conformer aux règlements, aurait dû rester à l'extérieur de la ville ; qu'aurait-on fait la de ces hommes exposés à une chaleur intense pendant dix heures ?

M. de Brouckere. - Ce n'est ni pour appuyer ni pour combattre la proposition faite par M. le ministre de la guerre que j'ai demandé la parole.

Je veux faire une seule observation, et cette observation la voici : Le budget de la guerre, avec son chiffre normal, compte déjà d'assez nombreux adversaires. Je regarde, moi, comme dangereux et comme compromettant pour le budget lui-même toute nouvelle demande de crédit, faite à l'occasion du budget même ou par des lois spéciales. Il arrivera, en effet, que ces demandes successives finiront par grossir le budget à tel point, que le nombre de ses adversaires augmentera d'année en année et qu'il finira par être repoussé. Nous retomberons alors dans cette fatale incertitude où nous nous sommés trouvés pendant longtemps et d'où nous avons eu tant de peine à sortir.

M. Delfosse. - M. le ministre de la guerre vient de déclarer qu'il renonce à une partie de l'augmentation qu'il avait réclamée de la Chambre pour le service de santé de l'armée ; il est donc jusqu'à un certain point d'accord avec M. Thiéfry ; je l'engage dès lors à présenter un sous-amendement, à formuler en chiffre.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - M. Thiéfry propose une réduction de fr. 40,945 70. J'admets la réduction relative aux officiers de santé du service sédentaire, montant à fr. 6,219 60. Reste une réduction que je n'admets pas, et qui est de fr. 34,726 10.

- L'article 9, montant à 218,076 fr. 90 c. (avec la réduction de 6,219 fr. 60 c. proposée par M. Thiéfry, et à laquelle M. le ministre de la guerre se rallie) est mis aux voix et adopté/

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Il a été entendu que l'on discuterait ensemble les trois articles relatifs aux officiers de santé.

Je demande donc que la rédaction proposée par M. Thiéfry pour les deux autres articles soit mise aux voix.

- L'amendement de M. Thiéfry (réduction de 34,726 fr. 10 c.) est mis aux voix et adopté par 56 voix contre 27.

Ont voté pour : MM. Landeloos, Lange, Laubry, Lesoinne, Magherman, Mascart, Moreau, Rousselle, Tesch, Thiéfry, Vander Donckt, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Crombez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, Delfosse, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Renesse, Desmaisières, de Smet, Frère-Orban, Goblet et Grosfils.

Ont voté contre : MM. Licot, Malou, Mercier, Rodenbach, Tack, Thibaut, Thienpont, Vandenpeereboom, Van Goethem, Van Overloop, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Coomans, Dedecker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Mérode (Félix), de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, Dumon, Dumortier et Delehaye.

M. le président. - Par suite de l'adoption de cet amendement, le chiffre de l'article 12 est réduit à 12,170,783 fr. 35 c., et celui de l'article 15 à 802,106 fr. 55 c.

Articles 10 et 11

« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 713,400. »

- Adopté.


« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 100,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Solde de troupes

Article 12

« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 12,170,785 35.

« Les crédits qui resteront disponibles à la fin de l'exercice sur les chapitres II, III, IV et VIII, concernant le Personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes, pendant untemps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens qui appartiennent à la réserve. »

M. Delfosse. - J'ai un amendement à proposer. Je propose d'ajouter à la note de l'article 12 la disposition suivante : « Cette faculté de transport ne s'étend point aux sommes dont les chapitres II, III, IV et VIII ont été augmentés par suite des amendements proposés par le gouvernement eu vue de la cherté persistante des denrées alimentaires et des fourrages. »

Je demande l'impression et la distribution de cet amendement ; et si la Chambre continue aujourd'hui l'examen des articles, je demande que la discussion sur la note soit tenue en suspens.

- La Chambre, décide que la discussion sur la note sera réservée.

L'article 12 est adopté.

M. Delfosse. - Pour le cas où la Chambre ne serait plus en nombre tantôt, je demande, dès maintenant, que la discussion du budget de la guerre soit continuée lundi. Je crois que cela est dans l'intérêt du gouvernement.

- Cette proposition est adoptée.

Articles 13 à 16

« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,573,000. »

- Adopté.


« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie : fr. 2,977,097 20. »

- Adopté.


« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 803,143 15. »

- Adopté.


« Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 265,000.

(page 491) « Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance. »

- Adopté.

Chapitre V. Ecole militaire

Articles 17 et 18

« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 165,465 27. »

- Adopté.


« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 29,004 73. »

- Adopté.

Chapitre VI. Etablissements et matériel de l’artillerie

Articles 19 et 20

« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 37,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 763,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Matériel du génie

Article 21

« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Pain, fourrages et autres allocations

Discussion générale

La discussion générale sur ce chapitre est ouverte.

M. de Moor. - Je dirai avec la section centrale que nous pouvons différer d'opinion sur le mérite du système admis, par la loi du 8 juin 1853, sur l'organisation militaire ; quelques-uns d'entre nous peuvent penser que l'organisation de notre armée est susceptible d'être l'objet de notables économies (c'est là du reste un point que je crois inutile de discuter en ce moment) ; mais nous sommes tous d'accord que la Belgique doit avoir une armée capable, vis-à-vis de l'étranger, de faire respecter notre territoire et de maintenir, à l'intérieur, l'ordre et toutes les libertés que notre Constitution consacre.

Et cependant on ne peut le nier, nos populations agricoles sont très peu favorables au budget de la guerre : elles articulent contre ce budget trois griefs sérieux. Le premier c'est que la loi sur le recrutement, loi que j'espère voir modifier bientôt, enlève aux familles, leurs enfants, sans compensation aucune pour ceux qui servent, tandis qu'elle consacre une injustice criante en faveur de ceux que la fortune ou le hasard favorisent. Les miliciens sont donc enlevés à leurs parents, au moment même où ils allègent le travail du chef de la famille.

Un second grief, c'est que le budget de la guerre est, de toutes les charges, la plus lourde à supporter par les contribuables ; en effet ce budget constitue à lui seul plus du tiers de nos dépenses totales.

Enfin, troisième grief : le gouvernement ne se montre depuis longtemps ni juste ni équitable dans la répartition des garnisons dans chaque province.

Je crois que les plaintes que j'ai si souvent entendu formuler, dans la province que j'ai l'honneur de représenter, seraient bien moins vives si les commerçants de nos petites localités et nos agriculteurs trouvaient aux trop nombreuses charges qui leur sont imposées une juste compensation ; cette compensation, le gouvernement pourrait, en partie, la leur donner, s'il augmentait les troupes dans les villes de garnison de notre province.

Les dépenses qui se font dans les villes de garnison exercent une heureuse et bienfaisante influence sur le petit commerce et sur l'agriculture.

Eh bien, messieurs, dans le Luxembourg deux villes seulement ont de belles et vastes casernes.

La ville d'Arlon, il y a quelques années, a vu ses casernes reconstruites à neuf et pour loger environ deux bataillons. Celles de Bouillon sont également en bon état. Et cependant, il n'y a dans ces deux villes que de très faibles garnisons.

L'été dernier, M. le ministre de la guerre s'est rendu dans le Luxembourg à propos des fêtes commémoratives que nous avons été heureux d'offrir au Roi, dans notre province. M. le ministre a pu s'assurer des justes doléances de nos populations. Il a pu se convaincre à Bouillon, dont il a visité dans tous les détails les casernes et le château fort, combien étaient fondées les réclamations que lui a adressées le conseil communal par l'organe de l'habile et infatigable bourgmestre de la ville.

M. le ministre de la guerre, je dois le reconnaître et je suis infiniment heureux de le faire ici, a déjà, sur mes vives démarches, posé un premier acte de réparation vis-à-vis de cette localité. Mais cet acte de réparation, je crois, n'est pas suffisant. M. le ministre nous a rendu deux compagnies. Mais une pareille garnison n'est pas en rapport avec l'importance militaire de la ville de Bouillon.

Ce que je demande avec le conseil communal de Bouillon, c'est ce que le conseil provincial sollicitait naguère par une résolution prise à l'unanimité. Cette résolution la voici :

« Le gouvernement serait instamment prié de comprendre désormais le Luxembourg pour une large part dans la répartition des corps d'armée entre les différentes provinces du royaume et notamment de pourvoir le fort de Bouillon, d'un matériel de guerre, et la ville de Bouillon d'une garnison en rapport avec son importance militaire. »

Ce vœu, émis à plusieurs reprises, par les conseillers de toute une province, mérite la sérieuse attention du gouvernement.

La concentration des troupes n'étant heureusement pas nécessaire en ce moment, j'espère que M. le ministre de la guerre, voudra bien, par quelques bienveillantes paroles, tranquilliser nos populations sur l'avenir des deux villes de garnison du Luxembourg.

Il est encore deux autres points sur lesquels je désire appeler l'attention de M. le ministre de la guerre. Récemment le département de la guerre a envoyé dans le Luxembourg une commission spéciale chargée d'acheter des chevaux pour la remonte de la cavalerie. En général les membres qui composent ces sortes de commissions se montrent trop rigoureux observateurs des instructions qui leur sont données par le département de la guerre ; il en résulte que les cultivateurs se dégoûtent et ne se présentent plus ou préfèrent vendre leurs chevaux ardennais aux marchands français. Je crois que M. le ministre de la guerre ferait bien, dans l'intérêt de l'élève du cheval, dans l'intérêt de l'agriculture et même dans celui d'un établissement de remonte à fonder, établissement auquel M. le ministre tiendra à attacher son nom, M. le ministre fera bien, dis-je, de laisser un peu plus de latitude aux officiers qu'il charge de ces achats. Il pourrait le faire sans trop d'inconvénients pendant quelques années tout au moins, sauf à se montrer inflexible plus tard quand les cultivateurs auront, par expérience, appris à connaître l'utilité des conditions exigées et l'intérêt qu'ils ont eux-mêmes à ne présenter que des élèves qui satisfassent complètement.

Je demanderai à M. le ministre de la guerre s'il ne pourrait pas changer l'époque où les troupes sont réunies au camp de Beverloo. On les y appelle ordinairement au mois d'août, alors que tous les bras sont occupés à l'agriculture. Il serait du plus grand intérêt pour les populations agricoles que les miliciens fussent appelés sous les armes soit au printemps, soit après la récolte. Au lieu de cela, ils le sont au moment de la moisson et lorsque, un mois ou six semaines après, ils reviennent chez eux, ils sont d'une bien moins grande utilité dans leur famille.

Je prie M. le ministre de la guerre d'examiner si l'on ne pourrait remédier à cet état de choses, si préjudiciable aux intérêts des ouvriers agricoles et des contribuables des campagnes.

M. de Baillet-Latour. - J'entends un de mes honorables collègues réclamer une garnison pour la ville de Bouillon qui en a déjà une. La ville de Philippeville se trouve à cet égard dans une situation tout exceptionnelle, eu égard aux autres villes démantelées par ordre du gouvernement et qui ont obtenu de petites garnisons, et depuis longtemps elle a réclamé cette même faveur. Il se trouve encore en ce moment à Philippeville des bâtiments militaires suffisants pour loger une garnison ; pourquoi donc alors nous prive-t-on des menus avantages, alors que les autres localités sont si bien traitées ? En vérité je m'étonne d'un tel abandon des intérêts lésés par le gouvernement ; on nous refuse des indemnités, des compensations, et que reste-t-il après cela ?

Je viens aussi prier M. le ministre de la guerre de prendre en considération la position tout exceptionnelle de Philippeville. Je ne rends pas M. le ministre responsable des actes posés par ses prédécesseurs, mais la situation qu'on a faite à Philippeville mérite, de sa part, une attention toute particulière. L'administration communale de Philippeville a demandé, à plusieurs reprises, au gouvernement de donner à cette localité une compensation du mal qu'on lui a fait ; je recommande vivement cette réclamation à M. le ministre et d'ici à peu de temps, je pourrai faire connaître à la Chambre la situation tout exceptionnelle faite à la ville de Philippeville.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Je me permettrai, messieurs de commencer par une observation générale, c'est que tout le monde voudrait voir diminuer le budget de la guerre, tandis que toutes les villes voudraient avoir des garnisons ; cela rend la situation du ministre de la guerre assez difficile.

Quant à ce qu'a dit l'honorable M. de Moor, je dois d'abord faire une rectification. L'honorable membre parle de sacrifices immenses que le budget de la guerre impose aux contribuables et il évalue ce budget au tiers du budget général, c'est une erreur, le budget de la guerre ne s'élève qu'au quart du budget général. Le chiffre total des contributions payées pour la guerre est de fr. 7-27 c. par habitant et je ferai remarquer que partout ailleurs ce chiffre est plus élevé.

Il est facile de s'en assurer en comparant notre situation sous ce rapport à celle des autres pays de l'Europe.

L'honorable M. de Moor a réclamé en faveur des villes d'Arlon et de Bouillon. Je ferai remarquer qu'Arlon possède une caserne construite pour un bataillon et que la garnison se compose d'un bataillon, plus un état-major et une musique. A Bouillon il n'y a que deux compagnies, mais l'honorable membre n'ignore pas que le département de la guerre a des projets favorables à cette localité.

Quant à Philippeville, je dois reconnaître que sa situation est exceptionnelle. Je sais fort bien qu'en temps de paix on peut répartir l'armée, en ayant égard, jusqu'à un certain point, aux intérêts des villes (page 492) de garnison. Je tâcherai de faire droit au désir exprimé par l'honorable comte de Baillet.

M. Thiéfry. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour déplorer la pression qu'on exerce sur le ministre de la guerre à l'effet d'obtenir des garnisons. (Interruption.) Cela est contraire au principe d'une bonne instruction de la troupe. Il est de l'intérêt d'une bonne organisation que les régiments soient réunis. C'est à ce seul point de vue que je fais une observation.

M. de Moor. - Je n'ai entendu en aucune manière exercer une pression sur le ministre de la guerre, je n'ai pas cette prétention et je ne l'aurai jamais ; M. Thiéfry peut l'avoir, à juste titre peut-être, mais quant à moi, je la décline complètement.

J'ai franchement exposé la situation des deux villes de garnison de la province que j'ai l'honneur de représenter, j'ai cru remplir un impérieux devoir en le faisant, et, je le répète, je n'ai nullement entendu exercer la moindre pression sur l'esprit de l'honorable ministre de la guerre.

M. Thiéfry. - Ce n'est pas un reproche que j'adresse aux honorables membres, mais vous savez tous, messieurs, que très souvent la porte du ministère de la guerre est ouverte pour donner entrée à des membres de la Chambre ou du Sénat, qui vont solliciter une garnison.

Cela ne date pas d'aujourd'hui, cela s'est produit depuis 15 et 20 ans. Le ministre de la guerre, qui était à la tête du département à cette époque, n'aurait pas dû permettre de disséminer ainsi l'armée. Je le répète, je parle au point de vue de la bonne instruction de la troupe.

M. de Baillet-Latour. - Je ne conçois pas que l'honorable M. Thiéfry veuille s'opposer à ce qu'on répartisse aujourd'hui les garnisons comme on l'a fait depuis vingt ans. Nous ne voulons pas exercer de pression sur M. le ministre de la guerre ; en ce qui me concerne, il pourrait constater que depuis longtemps je n'ai pas eu l'honneur de le voir ; j'ai voulu mettre dans cette affaire toute la réserve possible, espérant que le gouvernement prendra en considération les rapports qui lui ont été faits par le gouverneur et par toutes les autorités de la localité.

Maintenant l'honorable représentant de Bruxelles voudrait créer un nouveau principe et il insiste sur ce qui est relatif à l'exercice de la troupe, mais la troupe s'exercerait tout aussi bien à Philippeville qu'à Bruxelles. Il faut que la répartition des garnisons se fasse avec équité ; nous fournissons notre contingent de charges et de contributions à l'Etat, nous avons donc le droit de réclamer notre part aux avantages que l'Etat distribue.

M. le ministre de la guerre (M. Greindl). - Messieurs, dans la répartition des garnisons, on tient principalement compte de l'intérêt du soldat, des facilités offertes par les administrations locales pour loger et exercer convenablement la troupe.

Si l'instruction ou la santé du soldat doivent être compromises, le reste ne peut plus être pris en considération ; mais lorsqu'on peut obtenir les conditions nécessaires à l'instruction de la troupe en même temps qu'une situation avantageuse faite au soldat sous le rapport du casernement ou de la localité elle-même, alors le gouvernement cherche à concilier les intérêts des villes avec ceux de l'armée.

Articles 22 à 29

« Art. 22. Pain : fr. 1,911,062 24. »

- Adopté.


« Art. 23. Fourrages en nature : fr. 3,017,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Casernement des hommes : fr. 632,500. »

- Adopté.


« Art. 25. Renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Art. 26. Frais de route et de séjour des officiers : fr. 85,000. »

- Adopté.


« Art. 27. Transports généraux : fr. 60,000. »

- Adopté.


« Art. 28. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 29. Remonte : fr. 558,340. »

- Adopté.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.