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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 février 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 875) M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Tack donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre :

« Des meuniers à Turnhout demandent de pouvoir continuer à faire usage de balances romaines. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des notaires et candidats notaires dans l'arrondissement d'Audenarde demandent une loi qui déclare incompatibles les fonctions de notaire avec celles de bourgmestre, d'échevin ou de secrétaire communal. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Cattoir, Jollrand et autres membres de l'Union des anciens étudiants de Bruxelles demandent le maintien provisoire de la loi du 15 juillet 1849, relative à la collation des grades académiques. »

- Dépôt sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi sur les jurys d'examen.


« Des habitants de Bruxelles présentent des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits qui pèsent sur les houilles et sur les fontes. »

« Mêmes observations d'habitants de Coyghem, Courtrai, Embresin et Ostende. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.


M. Van Overloop, obligé de s'absenter pour affaires urgentes, demande un congé.

- Le congé est accordé.

Service funéraire de Félix de Mérode

M. le président. - J'ai reçu de M. le comte Werner de Mérode la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« L'honneur sans exemple que la Chambre des représentants a bien voulu faire à la mémoire de mon père, en assistant en corps à la douloureuse cérémonie de mercredi dernier, et au service ce jour, nous a tous, ma famille et moi, pénétrés de plus vive gratitude. Soyez assez bon, M. le président, pour faire part à la Chambre de notre profonde reconnaissance, et agréez vous-même l'assurance de ma haute considération.

« Comte W. de Mérode.

« Bruxelles, ce 18 février 1857. »

Cette lettre est prise pour notification. Elle sera déposée aux archives.

Projet de loi sur les jurys d’examen universitaire

Motion d’ordre

L'ordre du jour appelle le vote définitif du projet de loi relatif aux jurys d'examen pour la collation des grades académiques.

M. Devaux. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Il nous a été fait rapport sur les pétitions de la classe des sciences de l'Académie et de trois universités. Ces pétitions ne se rapportent pas plus spécialement à tel article qu'à tel autre. Elles sont générales. Je crois qu'il serait convenable de fixer la place où l'on pourra s'en occuper.

M. de Theux, rapporteur. - Il me paraît que c'est au début de la discussion qu'il faut s’en occuper.

M. Devaux. - Il me semble, en effet, qu'il vaudrait mieux s'en occuper au début de la discussion ; car les pétitions s'adressent à toute la loi.

- La Chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement de la discussion sur le rapport de la section centrale, relatif aux pétitions qui lui ont été adressées.

Cette discussion est ouverte.

M. Verhaegen. - Lorsque l'Académie et les universités ont appelé l'attention de la Chambre sur les défauts de la loi qui vient d'être discutée, on a reproché à ces corps savants de ne faire que des observations vagues et générales. D'honorables membres ont demandé de connaître les raisons sur lesquelles s'appuient les réclamants et les moyens par lequels ils proposent d'atteindre le but que la Chambre a en vue.

Puis, lorsque j'â demandé, par motion d'ordre, de laisser un intervalle de plus de huit jours entre les deux votes de la loi, pour que la Chambre pût être éclairée par l'opinion publique, les mêmes honorables membres se sont opposés à cette proposition, sous prétexte que l'on perdrait de vue les discussions auxquelles la Chambre s'est livrée, et que, d'ailleurs, les corps savants avaient déjà manifesté leur opinion.

Ce revirement du jour au lendemain ne peut guère s'expliquer qu'en supposant que la nuit aura porté conseil aux honorables membres et qu'ils auront, découvert d'eux-mêmes les défauts de la loi à laquelle ils prêtaient leur appui.

Quoi qu'il en soit, je vais essayer de satisfaire en deux mots au désir qu'on a exprimé.

Je n'ai point qualité pour parler au nom des corps savants du pays, mais je ne crains pas d'aller à rencontre de leur opinion en déclarant que le vice radical de la loi, c'est d'avoir pris un mauvais point de départ. Au lieu de se préoccuper des intérêts de la société, que la loi actuelle doit préserver des envahissements du charlatanisme, on ne s'est inquiété que de faciliter les examens à ceux contre qui la loi elle-même établit une présomption d'ignorance. Partant de ce principe, on a supprimé les épreuves préparatoires, supprimé les matières secondaires, supprimé les examens écrits ; puis, dans le peu d'examens que l'on a bien voulu maintenir on a stipulé que l'élève serait interrogé par son professeur, de peur d'être intimidé par une figure étrangère. Voilà les vices que l'on signale de toutes parts et ils sont tellement radicaux que je n'hésite pas à me faire l'écho de l'opinion publique et à déclarer, dès aujourd'hui, que la loi est mort-née.

N'y a-t-il donc rien à faire ? m'objectera-t-on. Oui, il y a quelque chose à faire : le contraire de ce que l'on propose d'essayer.

La loi de 1849 n'avait qu'un défaut capital: c'était l'organisation du jury ; toutes ses autres dispositions n'ont jamais été l'objet que de critiques de détail.

Que fait-on pour remédier aux plaintes générales ? On maintient pour trois ans le jury combiné qui a rencontré tant d'opposition, et l'on bouleverse toutes les mesures qui n'avaient été blâmées par personne.

Au lieu de décider que de la loi de 1849 on ne maintiendrait que l'article 40, on aurait donc mieux fait de dire que l'on maintiendrait toute la loi de 1849, sauf l'article 40.

On a parlé longuement du niveau des études et l'on s'est mis à la recherche de remèdes pour fortifier l'enseignement. Qu'il me soit permis de le dire, toute cette discussion est entièrement étrangère à la loi actuelle. La Chambre n'a pas le droit d'agir sur l'enseignement, qui doit être entièrement libre, de par la Constitution ; mais eût-elle ce droit, ce ne serait pas dans la loi sur les professions libérales qu'elle devrait l'exercer. Cette loi doit rester étrangère à l'enseignement, et la preuve en est qu'elle ne cesserait point d'avoir sa raison d'être si les quatre universités venaient à cesser d'exister.

M. Dechamps. - L'honorable M. Verhaegen s'est fait l'organe des plaintes qui ont été produites par trois universités et par un corps savant contre le projet de loi qui est maintenant soumis à une dernière délibération.

L'honorable rapporteur de la section centrale avait fait remarquer que dans ces réclamations des universités et de l'Académie des sciences on ne formulait rien et surtout on ne proposait rien à substituer au système que l'on déclarait mauvais.

L'honorable M. Verhaegen, sans vouloir, comme il l'a dit modestement, se faire le représentant de ces corps savants et leur organe, a voulu cependant satisfaire au désir manifesta par la section centrale et suppléer au silence des universités et de l'Académie ; il nous a dit que les vices radicaux de la loi étaient la suppression de l'épreuve préparatoire ; c'est une question qui est controversée et que nous examinerons tout à l'heure ; que c'était la simplification des matières d'examen ; que c'était la suppression de l'examen écrit ; question peu importante et sur laquelle les opinions diffèrent.

Messieurs, l'honorable membre s'est demandé : N'y avait-il rien à faire ? Et il a répondu : Oui, il fallait maintenir le système de 1849, à l'exception de l'organisation des jurys combinés. Le mal, c'était le jury combiné ; mais le reste était excellent. Le reste, a-t-il ajouté, n'a été soumis qu'à de simples critiques de détail.

On a trouvé cette loi excellente ! Mais, messieurs, c'est le contraire qui est vrai.

L'honorable M. Verhaegen ne donne-t-il aucune valeur à l'appréciation de la commission des présidents des jurys de 1855 et de la commission spéciale dans laquelle étaient représentées les universités, le conseil de perfectionnement et les jurys eux-mêmes ?

Or, on a été unanime à reconnaître que le vice radical des lois antérieures depuis 1835, c'était l'examen encyclopédique, c'était l'étendue donnée à l'examen, que le remède fondamental à apporter à la loi, c'était la simplification des examens trop compliqués. Voilà la vérité des faits.

Messieurs, permettez-moi de vous dire un mot sur ces réclamations des universités et de l'Académie des sciences.

Je ne ferai aucune récrimination. J'ai trop de respect pour les facultés universitaires, pour la plupart des professeurs distingués qui les composent, pour mettre en doute la bonne foi qui a dicté leurs démarches ; leur opinion doit certainement peser beaucoup dans nos délibérations.

(page 879) Il est un point sur lequel les réclamations ont porté unanimement. C'est sur l'idée qui a été exprimée par certains membres de la Chambre relativement à l'abaissement du niveau des études. C'est là une opinion personnelle de quelques membres de la Chambre à qui il faut en laisser la responsabilité.

J'avoue que pour ma part je ne la partage pas entièrement, et à coup sûr on est tombé à cet égard dans de grandes exagérations. Je crois que l'enseignement dans nos universités, bien loin d'être inférieur à l'enseignement des universités anciennes, lui est supérieur ; que nos universités officielles et libres comprennent un grand nombre de professeurs les plus distingués et que plusieurs ont honoré la science par des travaux de premier ordre.

Ainsi, quant à l'enseignement, il n'est pas douteux que l'enseignement s'est relevé au lieu de s'abaisser. Au point de vue des études, je crois encore que le niveau moyen des études s'est relevé depuis 1835 ; que par suite du système des jurys, n'importe les vices de leur organisation, le niveau moyen des études s'est élevé, c'est-à-dire qu'on a forcé les élèves médiocres à faire des études plus fortes, à atteindre un niveau auquel sans cela ils ne seraient pas parvenus.

Mais je pense que ce système d’examens encyclopédiques a pesé sur les intelligences d'élite.

Les élèves médiocres peuvent se résigner à des examens dont la mémoire fait tous les frais, les élèves distingués ne le peuvent pas et ils sont écrasés par un tel système. Voilà où est le mal.

Les universités et la classe des sciences de l'Académie demandent l'ajournement de la loi ; elles demandent, comme l'honorable M. Frère, que la Chambre déclare son impuissance à formuler une loi quelconque sur le mode d'organisation des jurys et sur les examens universitaires.

Messieurs, il ne faut pas trop s'étonner de cette opposition. Elle provient bien moins des vices qui, au dire des universités, existent dans le progrès actuel et qui ne nous nous sont pas signalés, que de la divergence d'opinion qu'on remarque, non seulement dans chaque université, mais presque dans chaque faculté de chacun de ces établissements, au sujet du meilleur système à établir.

Messieurs, je vais citer des faits qui démontrent que les universités de l’Etat, comme les universités libres, ne sont d'accord entre elles, ni sur le mode d'organisation des jurys, ni sur les cadres des examens. Chaque université et presque chaque faculté s'en tenant exclusivement à son système, elles se coalisent pour rejeter invariablement tout ce qu'on propose ; c'est une coalition négative. Elles savent très bien ce qu'elles ne veulent pas, mais jusqu'à présent elles ne se sont nullement mises d'accord sur ce qu'elles veulent.

Le premier projet de révision a été présenté en 1838 par l'honorable M. de Theux, à la suite d'une longue enquête qui avait été faite dans les universités et dans le sein des jurys ; l'honorable M. de Theux avait tenu compte, dans son projet, de toutes les obligations qui avaient été formulées par les universités. Qu'est-il arrivé ? C'est que la présentation de ce projet fit naître une opposition tout aussi vive que le projet actuel : aussi, ne fut-il pas livré à la discussion publique.

La section centrale en 1842 proposa un projet nouveau de concert avec le gouvernement de cette époque ; or, d'après le rapport de l'honorable M. Dubus aîné, ce projet avait la prétention de satisfaire aux objections faites par les universités au projet de 1838 ; il était présenté comme le résumé et le résultat des observations émises par les universités et par les jurys ; eh bien, lorsque le projet nouveau fut déposé et publié, les universités se coalisèrent une seconde fois pour le faire rejeter ; le projet de 1842 ne fut pas non plus soumis à nos discussions ; on a reculé devant cette opposition des universités et le statu quo fut de nouveau maintenu.

En 1849, les universités de l'Etat avaient réclamé pour le gouvernement le droit de constituer les jurys d'examen, en déclarant qu'il fallait avoir une pleine confiance dans la responsabilité et dans la compétence du gouvernement ; en 1849 on a tenu compte du vœu exprimé par les universités de Gand et de Liège ; le gouvernement a été chargé par la loi d'organiser les jurys : qu'est-il arrivé ? le gouvernement, usant de la prérogative qui lui était conférée, a institué les jurys combinés.

Les universités de l'Etat ont-elles accepté cette solution adoptée par le gouvernement ? Non, elles l'ont combattue et demandent l'abrogation de ce système.

Messieurs, vous le voyez, les universités sont unanimes aujourd'hui, pour condamner le système du jury combiné, comme elles étaient unanimes pour condamner le système du projet de 1842, pour condamner le projet de 1838, pour condamner le jury central de 1835.

En 1855, l'honorable M. Piercot, ministre de l'intérieur, institua de nouveau des enquêtes dans les universités, il réunit en commission les présidents du jury, nomma une grande commission spéciale ; eh bien, te projet de 1855 a été le résultat de ce laborieux examen ; qu'est-il arrivé ? Croyez-vous que les universités et les corps savants aient trouvé enfin qu'en 1855 on eût rencontré la vérité ? Pas le moins du monde. Le projet de M. Piercot a été l'objet d'attaques très vives de la part de toutes les universités.

Vous voyez, messieurs, que ce qui nous arrive aujourd'hui est de l'histoire ancienne. Les universités ont condamné le système de 1835 ; elles n'ont pas admis le système de 1838 ; elles ont condamné le système de 1842 et le système de 1849 ; elles ont déclaré tout aussi défectueux celui qui a été présenté par M. Piercot en 1855 ; elles ont déclaré mauvais celui sur lequel, après une longue discussion, après un examen approfondi, on paraît maintenant se mettre d'accord, au moins quant aux bases essentielles.

D'où cela provient-il ? Je n'accuse pas ; les universités obéissent à une conviction honorable et veulent remplir un devoir ; je ne veux pas renvoyer aux universités la pierre qu'elles nous jettent, mais où est la cause de ce qui arrive ?

Elle n'est pas dans les vices de la loi ; elle est dans la divergence d'opinions qui existe dans les universités elles-mêmes. Chacune espère le triomphe de ses idées et, en attendant, elle repousse tout autre système.

Ainsi, messieurs, sur la question de la composition des jurys, quel est le système des universités ? Dans les pétitions qui nous ont été adressées on ne le dit pas. Et la raison en est très-simple, c'est qu'on est impuissant à le dire, puisqu'on est en désaccord. Moi je vous le dirai, messieurs, pour me servir des expressions de M. Verhaegen, en m'appuyant sur les antécédents et sur les faits.

L'université de Gand, consultée en 1852 et en 1855, sur le système du jury central et sur le système des jurys combinés, condamne l'un et l'autre, les trouve mauvais tous les deux ; elle affirme que le jury central a ôté aux professeurs toute action directe et utile sur les élèves, et que le jury combiné a éteint l'esprit scientifique.

Ainsi l'université de Gand, en 1852 et en 1855, condamne, au même titre et de la même manière, et le jury central et le jury combiné. Que veut-elle y substituer ? Un système impossible, un système inconstitutionnel que personne n'a osé proposer ici : c'est de restituer aux universités de l'Etat la collation des grades académiques et d'instituer un jury central pour les établissements libres. C'est-à-dire que le jury central qu'on trouve mauvais pour les universités de l'Etat, on le trouve bon pour les universités libres.

Voilà ce que veut l'université de Gand et elle repoussera tous les systèmes autres que le sien. Or, le sien, il faut l'avouer, a très peu de chance d'être jamais adopté et même proposé.

L'université de Liège, en 1852, se ralliait au système de l'université de Gand, avec une certaine hésitation. Elle semblait reconnaître déjà alors que ce système était peu réalisable et peu compatible avec la liberté d'enseignement.

L'université de Liège examina, en 1852, quel serait le meilleur mode d'organisation des jurys, en dehors de ce système, et la plus grande division éclata parmi les facultés.

La faculté de droit vota en faveur du maintien du jury combiné ; la faculté de médecine et la faculté de philosophie se prononcèrent pour le jury central, et la faculté des sciences admit le système auquel se rallie aujourd'hui le conseil académique tout entier, système développé dans une brochure qui a eu quelque retentissement et qui émanait d'un professeur de l'université de Liège. D'après ce système on restituerait aux quatre universités existantes une partie des examens, les examens scientifiques, en laissant à un jury professionnel le soin de délivrer des diplômes professionnels.

C'est le système que maintient l'université de Liège. C'est une combinaison des deux principes défendus par MM. Frère-Orban et Orts. Ce système peut présenter de grands avantages. J'ai déjà déclaré dans la discussion que je croyais que c'était vers ce but que nous marchions. J'incline à croire que c'est la meilleure formule de toutes celles qu'on a présentées. Mais ce système n'est pas proposé à cette tribune. M. Frère a exposé des idées, mais il ne les a pas formulées en dispositions de loi ; l'honorable M. Orts a retiré un amendement qu'il avait produit dans la discussion.

L'université de Gand a proposé un système impossible et inconstitutionnel ; Liège présente un système nouveau sur lequel l'avenir prononcera, mais qui ne peut pas faire maintenant l'objet de nos délibérations. L'université de Louvain a été favorable à un jury central ; j'ignore si elle maintient cette opinion ; mais, en tout cas, ce ne serait que d'après les bases indiquées par M. de La Coste. Ce système vous a. été soumis ; vous l'avez rejeté. Quant à l'université de Bruxelles, je ne sais à quel système elle donne la préférence.

M. Orts, l'un des membres distingués de cette université, a formulé un système ; est-il désavoué ? M. Roussel, collègue de M. Orts, en a formulé un autre ; le jury central a trouvé dans cette université de nombreux partisans. Lequel de tous ces systèmes est celui de l'université de Bruxelles ? Je ne le connais pas et je le crois encore inédit.

L'opposition que rencontre le système que nous avons adopté de la part des universités, opposition que je ne blâme pas et que je respecte, car elle est de nature à nous éclairer, cette opposition ne provient donc pas de ce que le système actuel serait mauvais, mais parce que non seulement chaque université, mais chaque faculté veut un système différent quant à l'organisation du jury ; si nous faisions ce que les universités demandent, si nous ajournions le vote du projet en demandant aux universités de s'entendre pour présenter un système commun, les faits que je viens de rappeler doivent vous convaincre que cet accord n'existerait pas, et que les universités seraient dans une impuissance plus grande que celle qu'on nous reproche.

Quant aux matières des examens, à la simplification des matières, au système des certificats, c'est un principe qui n'est pas nouveau» En 1842 il a été proposé dans le projet de section centrale auquel le (page 877) gouvernement s'était rallié. On admettait dans ce projet des certificats pour les cours accessoires. J'ai remarqué que la simplification des examens introduite dans le projet de 1842 était aussi radicale que celle que nous proposons. Alors les universités de Gand et de Liège ont préconisé le système des certificats comme le meilleur, sauf à les entourer de certaines garanties et à les soumettre à un contrôle efficace de la part du jury.

Les universités de l'Etat avaient une grande répugnance à concéder ce droit aux établissements libres. On croyait que le système des certificats était bon, qu'il établissait des liens excellents entre les professeurs et les élèves, grandissait la liberté de l'enseignement et des études. Mais, je le répète, les universités de l'Etat avaient une singulière répugnance à ce que ce droit fût conféré aux établissements libres ou privés.

En 1842, ce système était proposé par le gouvernement et par la section centrale, et les universités s'y ralliaient avec les réserves que je viens de signaler.

En 1855, la commission des présidents des jurys a proposé le système des certificats comme le meilleur moyen pour arriver à la simplification des matières sur l'urgence de laquelle tout le monde était d'accord.

La commission spéciale de 1855, et le projet présenté par le ministère de Brouckere ont admis l'idée fondamentale, la nécessité de simplifier les examens, de les séparer en matières accessoires et matières principales. Mais dans le système de ce projet, au lieu de certificats, on soumettait à un examen écrit et sommaire les matières accessoires. Eh bien, les universités ont réclamé vivement contre ce système, l'ont condamné par des expressions très vives et par cette remarque péremptoire, qu'on arrivait à ce singulier résultat, celui de faire dépendre l'examen final de l'examen écrit et préalable, celui de faire dépendre le principal de l'accessoire.

En raison de ce défaut principal, les universités de Gand et de Liège ont repoussé ce système du projet de 1855, donnant encore une fois la préférence, jusqu'à un certain point, au système des certificats, et dans la dernière pétition de l'université de Liège, celle-ci maintient le système qu'elle a préconisé en 1855, celui de restituer aux universités la collation des grades scientifiques, en ne laissant aux jurys que la collation des grades professionnels, et en même temps celui de la division des cours en cours à examen et cours à certificats.

Vous le voyez donc, pour le système des certificats, nous avons comme antécédents et comme autorités et la loi de 1842, et l'avis des universités de Liège et de Gand en 1852, et l'avis de l'université de Liège en 1855 et aujourd'hui, et la commission des présidents, et la section centrale, et le gouvernement actuel. Cela ne vous suffit-il pas ? Quelle espérance avez-vous de formuler jamais un projet qui rallie autant d'autorités ?

En résumé, je ne comprends pas cette idée d'ajournement venant des universités ; car eu demandant l'ajournement, que veut-on ? Le maintien des jurys combinés ! Nous les maintenons. La suppression du grade d'élève universitaire que le statu quo consacrerait ? Or nous en maintenons la suppression, remplaçant ce grade par des certificats qui d'après l'opinion de tous sont une amélioration. (Dénégations de la part de plusieurs membres.)

Je dis que, dans l'enquête, on a signalé comme un vice capital résultant de la suppression du grade d'élève universitaire, que les étudiants entraient à l'université en sortant de troisième, sans avoir fait ni leur classe de poésie, ni leur rhétorique. Les certificats obvient à cela. (Nouvelle dénégation.)

Nous discuterons cela à un autre article.

Je faisais remarquer que ceux qui demandent l'ajournement veulent le maintien des jurys combinés et la suppression du grade d'élève universitaire qui sont admis par le projet de loi.

Il y a un troisième point : c'est la simplification des matières. Il y a unanimité sur ce point depuis 1835.

On avait proposé de restituer aux universités la collation soit de tous les grades, soit des grades académiques, c'est un système ajourné.

Il ne reste plus que le système de 1855 consistant à diviser les matières en matières principales et en matières accessoires, à faire des matières accessoires l'objet d'un examen sommaire écrit. Les universités ont répudié unanimement ce système. Il reste quoi ? Le système des certificats. Il s'agit donc d'admettre le système des certificats, préconisé depuis 1842 par les universités, par la commission des présidents et admis par la section centrale.

Je ne comprends pas le but de cette demande d'ajournement.

Je reconnais que le système du projet de loi peut offrir des défectuosités et des inconvénients. Je crois que nous ne sommes pas arrivés à la perfection en cette matière, et nous serons encore longtemps avant d'y arriver. Mais je persiste à penser qu'il constitue une amélioration réelle, et qu'il est inexact de dire que le projet est composé de pièces et de morceaux, d'amendements livrés au hasard de nos discussions, de parties que ne domine pas une idée d'ensemble et d'unité.

M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je ne puis que me rallier au dernier rapport de la section centrale. Ce travail justifie, à mon avis, le projet de loi qui vous est soumis. Constatons d'abord que le mérite et les lumières du corps professoral ne sont pas révoques en doute et, à ce point de vue, les professeurs se sont complètement trompés sur la portée des discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte.

On n'a signalé qu'une chose, c'est la nécessité de réformer le système légal dont les vices ont été signalés depuis longtemps par les universités elles-mêmes.

Un point frappera la Chambre. D'après l'honorable M. Verhaegen, qui paraît être l'organe du corps universitaire, toute la loi de 1849 devrait être maintenue, à l'exception de ce qui concerne la composition du jury.

Or, il est remarquable que MM. les professeurs proposent précisément de maintenir pour une année le jury existant ; de sorte qu'en définitive ceux qui critiquent le projet proposent de conserver la partie qu'on reconnaît vicieuse.

Ce n'est pas tout ; l'on considère comme détestable le projet en discussion et l'on ne peut rien y substituer. L'on ne remplace le système de la Chambre par aucun autre. N'est-ce pas le cas d'appliquer l'adage que si la critique est aisée, l'art est très difficile ?

Tous les présidents des jurys ont signalé, comme présentant des inconvénients sérieux, la multiplicité des matières.

Voilà le jugement d'hommes compétents, instruits par l'expérience. On a reconnu qu'en présence du grand nombre des matières de l'enseignement, il était impossible aux élèves de se livrer à des études approfondies. Eh bien, le projet en discussion tend principalement à faire cesser cet état de choses dont les vices ont été constatés. Comment dès lors ne pas établir une distinction entre les matières principales et les matières accessoires ?

Je prie la Chambre de ne pas perdre de vue qu'en définitive nous plaçons les choses, au point de vue des matières de l'enseignement, dans l'état où elles se trouvaient sous le gouvernement du roi Guillaume.

Eh bien, jamais on n'a soutenu qu'à cette époque l'enseignement ne répondît pas aux besoins de la société. Jamais en aucun temps on n'a prétendu que l'instruction ne s'élevât pas alors au niveau qu'elle doit atteindre dans un pays civilisé.

Savez-vous la cause réelle des plaintes que fait naître le projet ? C'est l'opinion de certains professeurs qui regardèrent leur considération comme amoindrie et leur valeur comme diminuée, parce qu'on classe les matières qu'ils enseignent parmi celles à l'égard desquelles on n'exige qu'un certificat.

Eh bien, à mon avis c'est une erreur ; je dis que les élèves fréquenteront avec un redoublement de zèle et d'assiduité les cours où s'enseigneront les matières à certificats, parce que sous ce rapport ils se trouvent dans un état plus complet de dépendance de leurs professeurs, qui pourront refuser de délivrer le document indispensable. Il y a plus, j'ai vu fonctionner, sous le gouvernement du roi Guillaume, le régime des certificats, et je peux dire, que les cours à certificats étaient suivis avec le même zèle que les autres et que toutes les matières étaient étudiées avec un égal soin.

N'est-il pas évident qu'il y a lieu de faire un essai au point de vue que nous venons d'exposer.

En effet, depuis longtemps on se plaint que les études ne soient pas suffisamment approfondies par les élèves. Eh bien, comment faire cesser cet ordre de choses, sinon en réduisant le nombre des matières et en ne faisant porter les examens que sur les matières principales ?

La section centrale propose un projet qui tend à mettre fin au régime signalé comme défectueux. On le critique d'une manière vague sans rien formuler.

Eh bien, dans cet état de choses, je soutiens que nous devons faire un essai d'un nouveau système qui paraît préférable à celui en vigueur et en conséquence, je donne mon assentiment au projet en discussion.

M. Devaux. - Nous sommes saisis de quatre pétitions : celles des universités de Liège, de Bruxelles et de Gand et celle de la classe des sciences de l'Académie. Je crois que ces quatre réclamations peuvent en réalité se réduire à trois. L'Académie ne fait ici que reproduire les plaintes des trois universités. Les professeurs qui sont en grand nombre à l'Académie, après avoir pétitionné comme membres des universités, s'adressent ensuite à nous comme académiciens.

Bien des articles de journaux font un double emploi du même genre. Il est visible que ces articles sont inspirés par les professeurs des universités. On essaye ainsi en parlant sous plusieurs noms et à plusieurs titres de se multiplier, et on espère faire une opinion factice, en répétant que la loi est détestable, faite de pièces et de morceaux, répudiée par tout le monde, et en traitant la Chambre des représentants de la façon la plus cavalière.

Messieurs, sans doute il est regrettable que la Chambre ne puisse pas résoudre une question qui touche aux établissements scientifiques du pays avec l'assentiment de tous ces établissements. Malheureusement, ainsi qu'on vient de vous le dire, c'est là une chose impossible. Quoi que fasse la Chambre, quelque parti qu'elle prenne, elle sera en désaccord avec une partie des universités.

Sur quelle question pouvons-nous nous prononcer et rester d'accord avec toutes ?

Est-ce sur la question de la composition des jurys, par exemple ? L'honorable M. Verhaegen paraît le croire. Il vient de vous dire qu'on n'aurait pas eu tout ce dissentiment si l'on s'était borné à la question du jury.

(page 878) Eh bien, quelle est l'opinion de l'honorable M. Verhaegen sur le jury ? Que veut-il faire ? Il ne l’a pas dit. Mais il nous l'a dit dans la discussion. Il veut le jury central.

Messieurs, si l'honorable membre était parvenu à faire admettre dans la loi cette opinion, l'université de Bruxelles aurait été seule de son avis. Il aurait eu contre lui les trois autres.

En effet, l'université de Louvain, qui a voulu le jury central, n'en veut plus, parce qu'elle craint la coalition de trois contre un.

L'université de Liège est aussi hostite au jury central qu'au jury combiné ; elle veut le jury professionnel.

L'université de Gand ne veut, ni du jury central, ni du jury combiné, ni du jury professionnel. Elle ne veut être soumise à aucun jury, mais donner elle-même des diplômes.

Ainsi l'opinion de l'honorable M. Verhaegen, comme celle de la Chambre, a trois universités contre elle, et si l'Académie des sciences, en grande partie composée de professeurs des universités, avait à se prononcer sur l'opinion de l'honorable M. Verhaegen, elle serait contre cette opinion, comme elle a été contre l'opinion de !a Chambre.

Je ne suis pas même certain que dans le sein de l'université de Bruxelles, tout le monde soit d'accord avec l'honorable M. Verhaegen. Car nous avons ici deux membres qui appartiennent à l'université de Bruxelles, et ils sont partagés d'avis sur la question du jury. L'un propose un système ; l'autre en a voulu un fort différent.

Je ne disconviens pas cependant que la majorité de l'université de Bruxelles a été d'avis depuis longtemps qu'il fallait adopter le jury central. Mais je dis qu'aujourd'hui elle est seule de son avis et qu'il n'y a aucune université qui ne préfère un autre système.

Citons un autre exemple, la question du grade d'élève uuiversie taire. Je regrette sur ce point le vote de la majorité et je désire qu'ella en re vieillie tout à l'heure. Mais quoi que nous fassions, quand la Chambre reviendrait de son vote, e le ne serait pas d'accord pour cel avec toutes les universités.

Les universités de Bruxelles et de Louvatn ont voulu l'abolition de ce grade quand M. Verhaegen l'a proposé.

Il est revenu de son opinion, mais je ne suis pas sûr qu'elles l'aient suivi.

Les certificats ? Sur les certificats en réalité les professeurs d'un même établissement sont divisés. Cela ne paraît pas au dehors et vous sentez très bien pourquoi : c'est qu'il y a certains professeurs dont l'amour-propre est froisse par l'idée qu'ils vont être amoindris par les certificats. Idée complètement fausse, selon moi, mais qui n'en existe pas moins ; et dès lors, les professeurs des matières principales, que la loi va mettre dans une position contraire, répugnent à se séparer de leurs collègues dans un intérêt qui pourrait paraître personnel.

Voilà comment la division ne se manifeste pas au dehors. Mais il y a, dans les universités, des professeurs qui ne trouvent pas les cours à certificats avilis, qui disent au contraire, que ces cours seront émancipes et qu'il n'y a pas de doute que si on laissait à un savant de premier ordre, le choix entre deux chaires, l'une libre et l'autre asservie à l'examen, toutes choses égales, il préférerait la première.

Les pétitionnaires paraissent d'accord, parce qu'ils ne précisent rien. Si ces universités et la classe des sciences de l'Académie avaient précisé quoi que ce soit, à l'instant leur désaccord aurait éclaté. Si elles s'étaient posé la question : Quel jury proposerons-nous à la Chambre ? les trois universités réclamantes auraient eu chacune un avis différent. Si elles s'étaient posé la question de savoir si on rétablira le grade d'élève universitaire, elles se seraieut également divisées ; si on avait posé ces deux questions dans l'Académie des sciences, elle aurait risqué de ressembler à la tour de Babel, tant les professeurs qu'elle renferme dans son sein y auraient fait valoir d'opinions divergentes.

Ainsi, l'accord qui existe entre les pétitionnaires n'est qu'apparent ; il est complètement négatif. C'est parce qu'ils se sont tenus dans un rôle vague et négatif qu'ils sont d'accord. Au fond ils sont dans le dissentiment le plus complet.

On reproche au projet de loi de la Chambre d'être improvisé et de n'avoir pas d'unité.

Improvisé ? Mais, excepté le jury combiné, qui, certes, n'est pas nouveau, il n'y a pas une disposition qui ne soit puisée ou dans le projet du gouvernement ou dans le projet de la section centrale, qui sont rédigés, l'un depuis onze mois, l'autre depuis neuf.

La partie fondamentale du système est empruntée tout entière au système des présidents des jurys. Le système a été présenté tout entier, il y a quatre ans, par la commission des présidents des jurys. Cette commission a présenté, comme on vous le disait tout à l'heure, deux systèmes : l'un de ces systèmes est celui qu'a adopté M. le ministre Piercot dans son projet ; le second système est celui qu'a adopté la Chambre. L'un de ces systèmes était l'examen sommaire par écrit sur les matières accessoires ; l’autre, c'était le système des certificats, toujours avec le maintien du jury combiné.

Ainsi il n'y a rien d'improvisé dans le système de la Chambre. Il n'y a pas non plus manque d’unité.

Les diverses parties du système sont toutes conçues par la même autorité, sont toutes sorties d'une même origine. Ce qui a été ajouté par la Chambre n'est que détails et ne dérange pas l'unité du tout.

A entendre l'honorable M. Verhaegen et certaines personnes, il semble qu'il n'y ait pas eu de plainte sur l'état actuel des choses, que tout était pour le mieux, que le système ancienne présentait aucun côté faible.

Est-il possible de méconnaître à ce point les faits ? Oublie-t-on en quels termes énergiques l'influence des examens sur l'état actuel des études a été dénoncée par les autorités les plus compétentes, par ceux qui voient les faits de plus près et par les réclamants eux-mêmes ? Puisqu'on l'a oublié, je vais citer textuellement leurs paroles. A la vérité je ne citerai pas l'université de Bruxelles. Je reconnais qu'elle s'est toujours bornée à se plaindre d'une seule chose : l'absence du jury central. Mais voici ce que disait, en 1852, la faculté de droit de l'université de Gand :

« La loi de 1849 a eu pour but de relever les études de la déplorable décadence où elles étaient tombées sous l'empire de la loi de 1855 : Le but a-t-il été atteint ?

« Nous reconnaissons que depuis la loi de 1849, les cours sont mieux suivis, la discipline est meilleure ; est-ce à dire, que la loi de 1849 rétablira l'ordre et l'esprit scientifique dans les hautes études, dans un avenir plus ou moins prochain ? Erreur profonde ! Il est incontestable qu'elle n'a pas remédié au vice qui infecte l'instruction universitaire depuis 1835. Ce vice, c'est l'absence complète de tout esprit scientifique. Quel est l'objet des hautes études ? C'est la culture de la science.

« Développer l'esprit scientifique, telle est la mission des universités.

« C'est la pierre de touche à laquelle on peut et on doit juger tout système d'instruction supérieure.

« Favorise-t-il, développe-t-il le goût de la science ? Il est bon, il faut y persister. Si, au contraire, l'esprit scientifique se perd, si la science est dédaignée, hâtez-vous de répudier le système. Car il compromet l'avenir intellectuel du pays. Eh bien, tel est le funeste résultat du système qui a été suivi en Belgique depuis 1835. La loi de 1849 n'y a rien changé...

« Il n'y a qu'une différence entre l'état des choses après 1849 et l'état des choses avant 1849 : les élèves sont plus assidus aux leçons. Mais cette assiduité empêche-t-elle qu'ils ne voient dans les leçons rien qu'une préparaliou à l'examen ? Empêche-t-elle que le dédain de la science n'aille croissant ? Empêche-t-elle l'esprit scientifique de se perdre ? A toutes ces questions nous devons répondre non. Dès lors, le système de 1849 est jugé de même que celui de 1835 ! Il ne s'agit pas ici de l'intérêt des universités, il s'agit de l'avenir intellectuel ; ne se lie-t-il pas intimement à l'avenir politique, à l'indépendance nationale ? Qu'est-ce qu'une nation qui ne vit pas de sa propre intelligence, mais de l'intelligence étrangère ? Y a-t-il une vie propre sans intelligence ? Et si la Belgique ne conquiert pas cette existence intellectuelle, sera-t-elle bien sûre de maintenir son existence politique ? Sera-t-elle digne d’être une nation ?

«... Le goût de la science s'est perdu ; l'esprit de la jeunesse, sans initiative, sans vigueur, s'est en quelque sorte matérialisé...

«... Hommes de science, notre cœur saigne à la vue de la décadence intellectuelle de la Belgique, ce n'est pas pour nous que nous réclamons, c'est pour la science, pour l'honneur de notre patrie ! »

Ainsi, messieurs, d'après la faculté de droit de l'université de Gand, l'esprit scientifique s'est complètement perdu, l'esprit de la jeunesse s'est matérialisé. Je crois que ce ne sont pas là des bagatelles. Quant à l'université de Liège, elle n'est pas moins explicite en ce qui concerne la déplorable influence des examens.

Voici comment le conseil académique de cette université s'exprime dans son rapport de 1855 :

« Les études et les cours sont renfermés dans le cercle des questions banales, et celles-là sont résolues dans les moindres détails, car le professeur le plus habile est celui qui sait tout prévoir, même les plus futiles minuties. Les élèves notent tout cela avec beaucoup de soin, et ne sont même complétements satisfaits que si le professeur consent à tout dicter. A vrai dire, absoibés par ce labeur matériel, ils sortent de la leçon sans avoir pu rien saisir ; mais leur cahier fait, ils l'apprennent par cœur à l'époque de l'examen, et parviennent même souvent ainsi à obtenir de grands succès devant le jury. »

Il serait difficile de rien ajouter à cet égard au témoignage delà commission spéciale elle-même :

« L'examen, dit-elle, n'est plus qu'un immense effort de mémoire qui a ôté à l'élève toute spontanéité, qui a détruit toute sa puissance d'initiative, qui a amorti son imagination et épuisé son intelligence. Il sait tout et ne s'est rien approprié : il a tout appris et à peine a-t-il quitté les bancs de l'université, il a tout oublié, parce qu'il n'a pas eu l'esprit nourri de doctrines, mais la mémoire cbaigée de réponses à donner à ses examinateurs, et parce qu'enfin l'entendement ne garde que les connaissances acquises par le travail de l'intelligence : trop heureux encore si, pour mieux satisfaire au programme qui lui est imposé, il n'a pas eu recours aux cahiers des autres universités et aux manuels des auteurs. »

J'ajoute à ces autorités, celle de la faculté de droit deLouvain, dans son rapport à M. le recteur, au sujet du projet de loi présenté par M. Piercot :

« Dans l'organisation actuelle, les examens sont surchargés. Il est impossible à la majorité des élèves de satisfaire à ce qu'on exige d'eux, si ce n'est par un immense effort de mémoire, qui détruit en eux toute spontanéité, épuise l'intelligence et ruine ainsi tout véritable esprit (page 879) scientifique. De leur côté, les examinateurs sont dans l'impossibilité de constater d'une manière certaine le degré de science des récipiendaires, aute de pouvoir les interroger pendant un temps suffisant sur chacu ne des matières faisant l'objet de l'examen.

« Il y a là un vice radical qu'il est urgent de corriger, dans l'intérêt du haut enseignement.

« Il faut simplifier le programme des examens.

« Telle est, peut-on dire, M. le recteur, la pensée mère qui domine tout le projet de loi, au point de vue scientifique.

« Jusqu'ici, la faculté est d'accord avec l'exposé des motifs et le rapport de la commission spéciale. Oui, il faut décharger, il faut simplifier les examens. »

Ainsi, messieurs, voilà trois universités qui sont d'accord pour présenter l'état actuel des choses cîunme ayant le résultat le plus déplorable.

Ce n'est pas tout encore, le gouvernement a réuni en commission les douze présidents qui, chaque année, ont vu de près les examens, qui ont pu apprécier les élèves en dehors de toute préoccupation de professeur, de la manière la plus impartiale ; eh bien, messieurs, voici ce que disent ces présidents ; ce qui suit est extrait du procès-verbal.de la séance tenue par eux, le 21 juin 1852.

« … Après ces considérations générales, la commission examine et discute avec soin si les hautes études sont en progrès ou en décadence, La commission exprime unanimement l'opinion bien formelle que les hautes études sont en décadence et qu'il faut prendre toutes les mesures propres à les relever ; cette observation s'applique à toutes les facultés : mais le mode actuel de composition des jurys n'est pas, suivant la majorité, la cause de cet affaiblissement ; la cause remonte plus haut: elle tient d'abord à la décadence des études moyennes depuis plusieurs années ; elle tient aussi au nombre exagéré et à la répartition vicieuse des matières d'examen.

«... Cette appréciation ainsi faite et expressément constatée, M. le président pose une première question dont les termes, amendés par MM. de Cuyperet Vauhoegaerden, sont arrêtés comme suit :

« 1ère question. - Le système actuel des jurys combinés est-il de nature à entraîner l'abaissement des études ?

« Résolue négativement par huit voix contre deux. »

Ainsi, les présidents des jurys déclarent à l'unanimité que les études sont en décadence. Je demande à l'honorable M. Verhaegen si c'est là peu de chose, je lui demande si ce sont là seulement quelques particuliers, quelques professeurs qui énoncent des opinions exagérées ; je lui demande si ce ne sont pas là des réclamations devant lesquelles la Chambre doit s'émouvoir.

Messieurs, nous n'avons pas seulement des opinions sur l'état réel des choses, nous avons des faits constatés : il y en a un surtout qui suffirait à lui seul pour démontrer à la Chambre qu'il y a nécessité d'agir et de ne pas s'abstenir.

Ce fait, qui est resté longtemps inaperçu, c'est le résultat en chiffres des examens devant le jury.

Il est constaté aujourd'hui par les tableaux statistiques qu'il est certains examens, où, non pas une fois par accident, mais régulièrement chaque année, environ 52 récipiendaires seulement sont admis sur 100 inscrits, et ces élèves ont déjà passé deux examens antérieurs. Un tel fait est si extraordinaire, atteste un tel vice, soit dans les études, soit dans les examens, que, lorsqu'il est porté à la connaissance de la législature, il est impossible qu'elle se croise les bras ; elle manquerait à tous ses devoirs envers la civilisation, envers la science, envers les familles.

En présence de telles réclamations et de tels faits, quels remèdes nous ont présentes les universités qui pétitionnent ? L'université de Bruxelles n'a qu'un thème: Le jury central. Or, messieurs, quelle grande différence, sous le rapport de l'influence scientifique des examens, y aurait-il entre le jury central et le jury combiné ? Sous le rapport scientifique, ce moyen-la, c'est le statu quo.

Que propose-t-ou d'un autre côté ? L'université de Liège vent un système tout nouveau : le jury professionnel ; l'université de Gand veut quelque chose de plus nouveau encore : point de jury pour les universités de l'Etat, un jury central pour les universités libres.

Eh bien, placée d'une part, entre le maintien du statu quo qui laisse debout tous les vices déplorables qu'on a signalés, et, d'autre part, l'adoption d'un système tout nouveau dans lequel il faudrait se lancer à l'aventure et sans aucune expérience, que fait la Chambre ? Elle adopte un avis intermédiaire, celui d'hommes sages et pratiques, qui ne se jettent pas dans les extrêmes ni dans les expérimentations hasardeuses, qui nous offrent les moyens d'améliorer ce qui est, de corriger les vices du système actuel, sans le bouleverser et sans nous exposer au danger de l'inconnu ; elle adopte le système des présidents des jurys, de ces hommes éminents de la magistrature, de l’armée, de la science qui ont vu les faits de près et qui placés, cependant, en dehors des universités, peuvent les juger avec d'autant plus d'impartialité.

Messieurs, cette commission des présidents qui a joué dans cette affaire un rôle extrêmement honorable et à qui nous devons en réalité la réforme des hautes études, comment était-elle composée ? Elle comptait dans son sein une élite d'esprits distingués. Elle se composait de MM. de Cuyper, Vanhoegaerden, Faider, de Wandre et Collinez, tous cinq membres de la cour de cassation, de M. Fallot, que son instruction et son esprit élevé placent à la tête de la science médicale en Belgique, et qui préside aujourd'hui l'Académie de médecine, de son prédécesseur M. Vleminckx, de M. Sauveur, secrétaire de la même académie, d'un savant général, M. Nerenburger, de M. le lieutenant-colonel Donny, de feu notre ancien collègue M. Orts père, et de M. Ad. de Vaux, inspecteur général des mines.

Voilà de quels fonctionnaires éminents cette commission était composée.

Qu'a-t elle fait ? Avec un coup d'œil pratique elle a reconnu que le vice principal du système était ailleurs que dans la composition du jury, qu'il résidait dans les examens trop compliqués ; elle s'est dit que la première chose à faire était de réduire le programme des examens, sans toutefois appauvrir l'enseignement.

Pour atteindre ce but, la commission a proposé deux moyens dont l'un a été adopté par la Chambre au premier vote.

Ce système, comme je le disais, améliore ce qui est et ne le renverse pas ; ce système est le seul en réalité, avec celui du jury central, qui ait été soumis à votre appréciation. Remarquez-le bien, pas une seule mesure d'amélioration n'a été proposée en dehors de ce que la section centrale, se fondant sur le système des présidents des jurys, vous a proposé elle-même. (Interruption.)

Je me trompe : l’honorable M. Verhaegen, pour prouver qu'il voulait favoriser les études, a proposé d'instituer plusieurs bourses de voyage de 1,000 fr, ; je ne désapprouve pas ce moyen ; j'ai même voté pour la proposition ; mais je dois dire que cette mesure ne pouvait exercer aucune influence sur les études universitaires elles-mêmes, puisque l'encouragement proposé par l'honorable M. Verhaegen ne concernait que les docteurs déjà sortis des universités. Toujours est-il que pas une autre mesure que celle que la section centrale a puisée dans le travail de la commission des présidents et dans quelques travaux antérieurs djs universités elles-mêmes ; toujours est-il, dis-je, que pas une autre mesure ne vous a été proposée comme moyen d'amélioration.

La Chambre n'a donc rien improvisé.

La Chambre n'a pas adopté un système de pièces rapportées ; elle a, au contraire, agi avec unité, maturité et prudence.

On lui demande aujourd'hui qu'après avoir travaillé dans les sections et en séance publique pendant des mois à atteindre le résultat auquel elle est parvenue, elle décide provisoirement qu'il n'y a rien â faire. Devant le mal qui lui est signalé, il faut que la Chambre se croise les bras, et cela pendant je ne sais combien de temps ; car une fois entré dans le provisoire, il peut se prolonger longtemps.

Il faut qu'elle se résigne à laisser s'exercer la désastreuse influence dont on lui a signalé les effets ; il faut qu'elle écarte les remèdes qu'elle croit les plus propres à guérir le mal, parce que les universités ne peuvent se mettre d'accord ; on lui demande de donner le temps aux idées de mûrir et aux universités de s'entendre.

Ne dirait-on pas que la question est née d'hier ? Mais il y a plus de vingt ans qu'elle est à l'ordre du jour, et l'enquête sur les effets de la loi de 1849 est ouverte depuis cinq ans. C'est M. Rogier qui l'a commencée. Est-ce que les universités n'ont pas eu le temps de s'entendre, est-ce que les idées n'ont pas eu le temps de mûrir ?

On ne peut pas espérer que la Chambre consente deux années de suite à consacrer plusieurs mois à l'examen d'une loi sur le haut enseignement, elle ne le peut pas, elle n'en a pas le temps. Si on ajourne, qu'arrivera-t-il ? Ce qui est arrivé chaque fois qu'un projet sur cette matière a été ajourné ; d'ajournement en ajournement on a été cinq ou six ans sans s'en occuper ; c'est ainsi que le projet présenté en 1838, ayant été ajourné, un autre projet l'ayant été en 1842, on n'est arrivé à une loi nouvelle qu'en 1844 et encore cette loi a-t-elle fini par ajourner toute réforme scientifique. La loi de 1849, qui devait être révisée, en 1852 ne le sera qu'aujourd'hui.

Rejeter le projet de loi aujourd'hui, c'eaf prolonger l'état actuel des choses pendant 6 ou 8 ans. Si, au contraire, vous adoptez le projet qui vous est soumis, les trois années pendant lesquelles nous proposons de prolonger le jury combiné ne seront pas des années perdues ; pendant ces trois années on fera l'épreuve du nouveau système ; on verra ce que ce système comporte ; s'il laisse à désirer, on poura profiter de l'expérience faite pour le perfectionner.

Dans trois ans nous aurons à revoir le système du jury ; à cette occasion on pourra, si cela est nécessaire, introduire quelque autre amélioration.

Messieurs, pendant ce temps-là aussi les amours-propres auront pu se rassurer ; les professeurs des cours à certificats auront reconnu qu'ils ne sont pas amoindris et que leur enseignement plus libre n'a fait qu'acquérir plus de fécondité scientifique, en se dégageant de l'influence de l'examen. Cela sera reconnu, je pense, sinon par tous, au moins par le très grand nombre, car je crois bien peu nombreux dans nos universités les professeurs assez médiocres pour ne pas savoir se faire écouter des jeunes gens qui sont rassemblés au pied de leur chaire, et dans tous les cas, nous ne regretterons pas d'avoir pas sacrifié à ces derniers le véritable intérêt des études.

Je n'ai pas besoin de me rappeler que j'appartiens moi-même à une compagnie littéraire, pour regretter que la Chambre soit en désaccord avec les corps savants dont les réclamations nous sont soumises ; mais ce désaccord est inévitable, puisque ces corps eux-mêmes ont chacun (page 880) leur opinion, et que la classe des sciences de l'Académie aurait été divisée par les mêmes dissentiments, si, au lieu de dire ce qu'elle blâme, elle avait voulu nous apprendre ce qu'elle nous conseille.

J'aurai toujours les plus grands égards pour les communications qui nous seront faites par les corps savants, chaque fois que la Chambre s'occupera de matières scientifiques, comme j'aime à m'éclairer des lumières des militaires, quand nous traitons une matière militaire, comme j'aime à recevoir les avis des industriels quand nous réglons le commerce ou l'industrie.

Mais je demande à ces diverses classes de personnes qu'elles apportent à l'appui de leur opinion autre chose que leur position, soit dans la science, soit dans l'armée, soit dans l'industrie. Je leur demande de nous convaincre par des raisons au lieu de vouloir nous imposer leur opinion à titre d'autorité scientifique, militaire ou industrielle.

Les corps scientifiques surtout se doivent à eux-mêmes, comme ils doivent aux grands pouvoirs de l'Etat, lorsqu'ils leur adressent leurs réclamations, de motiver leurs avis, de n'agir que par la persuasion seule et de ne rien demander qu'à la conviction.

Second vote des articles

Titre premier. Des grades académiques et des jurys d'examen

Chapitre premier. Des grades
Article 2

M. le président. - L'article 2, arrêté par la section centrale, est conçu comme suit :

« Nul n'est admis à l'examen de candidat en philosophie et lettres, de candidat en sciences, de candidat en pharmacie ou de candidat notaire, s'il ne justifie, par certificats, qu'il a suivi un cours d'humanités jusqu'à la rhétorique inclusivement, ou s'il n'a subi l'épreuve préparatoire, aux termes de l'article 6 de la présente loi.

« Les docteurs en droit aspirant au grade de candidat notaire sont dispensés de l'épreuve prescrite par le présent article. »

Les paragraphes 2, 3 et 4 sont renvoyés à l'article 30.

M. Verhaegen. - Pourquoi a-t-on inscrit cet article dans la loi ? Pour relever le niveau des études supérieures en fermant l'accès des universités aux élèves mal préparés à y entrer.

Quel moyen emploie-t-on pour arrivera cette fin ? On réclame un simple certificat constatant que l'élève a fait, bien ou mal, un cours complet d'humanités. C'est-à dire que tout jeune homme est admis à l'université, qu'il soit fort ou faible, intelligent ou stupide, pourvu qu'il prouve qu'il a usé un certain nombre de pantalons sur les bancs du collège et surtout sur les bancs de la rhétorique.

L'honorable rapporteur de la section centrale, qui s'est opposé à la proposition de supprimer de l'ancien article 28bis (30ter nouveau) l'indication de la durée de certains cours à certificat, devrait bien, pour être conséquent avec lui-même, déterminer ici la durée d'un cours d'humanité. Car à moins de ne vouloir instituer que des certificats pour la forme, et je commence à croire que c'est la pensée de certaines personnes, il est évident que l'on ne peut se contenter d'un terme aussi élastique que celui de cours d'humanités. La section centrale n'a pas pu méconnaître un tel inconvénient, mais elle n'a pas osé être logique jusqu'au bout en généralisant son système : elle a compris qu'en étendant à l'enseignement moyen la réglementation qu'elle tente d'imposer aux études supérieures, elle découvrirait le défaut de la cuirasse, elle montrerait aux yeux de tous que les certificats mènent à la suppression de la liberté d'enseignement.

On me répondra, je le sais, que le nouvel article 30 a prévu cette objection, en prescrivant que les certificats des études moyennes constatent spécialement l'étude des matières sur lesquelles, à leur défaut, l'épreuve préparatoire doit être subie. Mais je ne puis accepter comme sérieuse une pareille garantie : que signifient ces mots « l'étude des matières » ? En invoquant la lettre de la loi, huit jours de travail suffisent. Car l'élève ne doit pas prouver la connaissance, mais simplement l'étude de chaque matière.

Je le répète, ces contradictions sautent aux yeux ; mais on n'a pas osé décréter que désormais les humanités seraient consacrées à l'étude de telles et telles sciences, lesquelles seraient enseignées pendant tant d'années, à raison de tant d'heures par jour.

Qu'arrivera-t-il d'ailleurs si l'on admet définitivement le système des certificats ?

Aura-t-on forcé les jeunes gens à rester au collège jusqu'à la rhétorique inclusivement ?

Pas le moins du monde. Comme, à défaut de certificat, on peut subir l'épreuve préparatoire, tous les élèves de troisième vont demander à passer cette épreuve. Et qu'on ne dise pas qu'ils seront refusés par le jury ; car il est évident que les examinateurs ne seront pas sévères à l'égard d'étudiants qui se soumettent à une épreuve, pour l'obtention d'un droit que l'on confère à d'autres sur la simple production d'un certificat.

Ainsi donc, en fait, les certificats ne forceront pas les élèves à faire leur rhétorique et n'éloigneront pas les ignorants de l'université. A quoi serviront-ils donc ? A rien, si ce n'est peut-être à fournir le prétexte d'inscrire à l'article 30 les chefs d'établissements d'enseignement moyen et de leur accorder un privilège.

L'honorable M. Devaux a invoqué l'opinion de la commission des présidents, en faveur du système des certificats ; mais ce qu'il a oublie de dire, c'est que cette opinion n'a triomphé que par 5 voix sur 9, tandis que presque toutes les autres décisions ont été prises à l'unanimité !

D'ailleurs à cette faible majorité de la commission des présidents, j'oppose l'opinion d'un homme très compétent en cette matière et que mon honorable ami M. Devaux ne récusera certes pas. Voici les termes dont se servait, en 1835, cet homme compétent :

(20 août.) « Il ne faut pas vous effrayer de ce qui est prescrit à l'article. 45. Qu'exige-t-on du candidat en philosophie et lettres ? Toutes connaissances qu'il acquiert dans les collèges, excepté les antiquités romaines, la philosophie et l'histoire. C'est ce qu'on appelait autrefois le cours de philosophie. Il n'y a là rien de plus que les connaissances universitaires.

« Mais, dit-on, si vous éparpillez ainsi les études, vous aurez des hommes superficiels, et pas un seul qui ait approfondi, une science. Quelque système que vous adoptiez, ce n'est pas à l'université que vous ferez des savants ; vous pourrez élargir l'esprit des jeunes gens, mais ce n'est pas là que vous ferez des hommes profonds ; quoi que vous fassiez, en sortant de l'université on sera superficiel. Si vous n'exigez de l'avocat que ce qui est indispensable pour sa profession, vous verrez beaucoup de jeunes gens aller passer quelque temps dans le cabinet d'un avocat, apprendre le Code civil, quelque peu de droit romain et se faire recevoir avocat.

« Autrefois un élève était examiné par les professeurs de l'université où il avait fait ses études : il était facile de savoir s'il avait suivi tels et tels cours. Aujourd'hui qu'on peut étudier chez soi, qu'un élève ne sera plus examiné par ses professeurs pour s'assurer de ce qu'il sait, il n'y a plus d'autre moyen que de l'interroger. Tout concourt donc à nous faire un devoir de maintenir le programme du gouvernement et de l'étendre même, plutôt que de le restreindre. »

Et (le 21 août) « Je demande le maintien de ce que l'on veut retrancher, c'est-à-dire que l'élève soit interrogé sur le droit public, l’économie politique, l'histoire politique et le droit administratif. Dans les universités, les élèves ont généralement une grande peur des examens ? Ils s'attachent à l'étude des sciences sur lesquelles ils seront interrogés et négligent les autres ; eh bien, interrogez-les sur toutes, pour qu'ils n'étudient pas les unes au détriment des autres.

« Je crois que la profession d'avocat, pour être exercée dignement, exige les connaissances les plus élevées et les plus nombreuses.

« Je pense qu'au lieu de restreindre les connaissances à exiger de l'avocat, on devrait les étendre. Et qu'on ne dise pas que l'enseignement aura lieu sur les connaissances qui ne seront pas l'objet des examens ; cela est bon en paroles. Mais qu'arrivera-t-il ? C'est que toutes les études qui ne sont pas exigées pour l’examen seront négligées pour la plus grande partie des aspirants au doctorat. Ce sera un résultat très fâcheux. Vous ne risquez rien à imposer la connaissance de quelques sciences ; vous risquez beaucoup à la retrancher ! »

Cet homme compétent que je viens de faire parler est l'honorable M. Devaux lui même. Après l’opinion qu'il a exprimée d'une manière si énergique sur le système des certificats, je n'ai rien à ajouter ; ce système est condamné.

M. Devaux. - Je demande la parole pour un fait personnel.

J'étais sorti de la salle, mais je crois que c'est moi que l'honorable M. Verhaegen vient de citer ; car je me rappelle très bien ce discours quoiqu'il ait 22 ans de date.

Il est très vrai qu'en 1834, lorsque l'ancien régime des universités durait encore, n'ayant connu que l'influence des examens si peu compliqués de l'organisation du gouvernement des Pays-Bas, je ne me défiais pas de leur influence et j'aurais voulu y soumettre toutes les branches de l'enseignement ; je le voudrais encore si l'influence anti-scientifique des examens trop compliqués n'était aujourd'hui si pleinement établie par l'expérience qui en a été faite depuis 1835.

Je n'ai pas l'habitude de résister à l'évidence des faits, et devant ceux que constatent et les trois universités que j'ai citées tout à l'heure et la commission des présidents des jurys et la statistique des examens, il m’est impossible de méconnaître les effets désastreux des examens surchargés et de ne pas me laisser éclairer par une expérience aussi décisive/

M. Lelièvre. - Je me rallie à l'amendement de la section centrale, en ce qui concerne le dernier paragraphe ; je propose seulement, de dire : « Sont dispensés de l'obligation prescrite par le présent article» au lieu de: « Sont dispensés de l'épreuve prescrite par le présent article. » Du reste je ne m'oppose pas à ce qu'aux mots: « les docteurs en droit » on substitue ceux-ci: « les candidats en philosophie et lettres ou en sciences. »

M. Rogier. - Messieurs, nous nous trouvons en présence d’une des questions les plus graves qu'a soulevées cette loi, et pour ma part, je déclare en commençant que si la proposition de la section centraler telle qu'elle a été adoptée au premier vote, est maintenue, je voterai, contre la loi.

J'ignore si M. le ministre de l'intérieur se rallie à cette disposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je la combattrai.

(page 881) M. Rogier. - J'aimerais beaucoup de vous voir prendre la parole. Vous seriez sans doute à même de la combattre mieux que moi.

Messieurs, pour soutenir le système qui a prévalu au premier vote en ce qui concerne les examens universitaires, on vient d'invoquer une autorité qui a paru faire impression sur l'esprit de la Chambre. C'est celle de la commission des présidents des jurys qui, en effet, a déclaré que le niveau des études universitaires avait baissé ; mais à quelle cause attribue-t-elle cet abaissement ?

La cause, suivant elle, ne vient pas de la composition du jury, elle remonte plus haut, elle tient d'abord à la décadence des études moyennes.

Voilà, suivant l'opinion de cette honorable commission, la cause première de l'abaissement des études supérieures.

La décadence des études moyennes s'est révélée depuis un grand nombre d'années. Elle n'était contestée par personne, lorsqu’en 1849, tout le monde fut d'accord pour introduire par la loi un remède à un état de choses dont tout le monde déplorait les vices.

C'est alors, messieurs, que furent introduits dans la loi le grade et l'examen d'élève universitaire.

Par suite de l'institution de ce grade, on força tous les établissements d'enseignement moyen, établissements officiels ou établissements privés, à relever le niveau des études. En même temps on dégreva l'examen de candidat en philosophie de beaucoup de matières qui surchargeaient les élèves.

Il y avait donc là un double but à atteindre, et l'on ne peut nier que ce double but n'ait été atteint.

Il y a eu, messieurs, des enquêtes sur l'état de l'enseignement supérieur. Mais il y a eu aussi une enquête très complète, très pratique, étendue à une grande échelle, sur l'état des études moyennes.

Que nous a révélé cette enquête ? Nous sommes forces de le répéter, et la discussion a tellement duré que peut-être a-t-on perdu de vue les raisons et les renseignements qui ont été donnés dans le principe.

Mais enfin que nous a révélé cette enquête ? C'est que depuis la suppression du grade d'élève universitaire, les éludes humanitaires sont perdues.

C'est la mort de la rhétorique ! s'écrie un honorable professeur de Courtrai.

Tous les professeurs, tous les préfets des établissements laïques sont unanimes pour déplorer les effets désastreux de la suppression du grade d'élève universitaire.

Que propose-t-on en remplacement de cette institution qui avait été reconnue si nécessaire à son principe et dont on a constaté l'heureuse influence sur les études moyennes ? Rien ; moins que rien.

On propose des certificats, certificats qui seront délivés au premier venu par le premier venu, certificats qui auront pour effet démettre sur la même ligne les bons élèves, les élèves médiocres et les élèves les plus mauvais, qui auront pour effet de mettre sur la même ligne les bons établissements, les établissements médiocres et les établissements les plus minces. A quoi servira désormais au professeur ou à l'élève de faire de bonnes études humanitaires ? Où auront-ils à faire leurs preuves ? Où pourront-ils faire constater leur supériorité ?

Tous les élèves seront également munis de certificats. L'élève le plus distingué n'aura pas plus de titres que le plus médiocre de tous les élèves ; chacun arrivera muni de son passe-port, et aura le même titre, le même droit d'admission à l'université, le même droit d'admission à l'examen de candidat.

Je dis, messieurs, qu'un pareil changement doit avoir nécessairement pour effet d'abaisser de plus en plus le niveau des études.

A mon avis, c'est une prime donnée aux établissements les plus médiocres au préjudice des établissements les plus élevés, une prime donnée aux élèves les plus médiocres au préjudice, moral au moins, des élèves les plus distingués. Mieux vaudrait supprimer les certificats ; les élèves seraient ce qu'ils sont, les établissements resteraient ce qu'ils sont ; mais, au moins, on n'établirait pas cette espèce d'égalité factice qui constitue la plus flagrante des injustices.

Ah ! messieurs, je ne dirai pas ce que disait un des membres de l'enseignement privé entendu dans l'enquête, et qui s'écriait avec une maligne joie : « Que l'examen susdit reste dans la tombe où l'a placé le vote de la législature ! »

J'espère, messieurs, que le grade d'élève universitaire ne restera pas dans la tombe où l'a placé notre premier vote. J'espère qu'il en sortira, qu'il en sortira pour la confusion de ceux qui ont applaudi à sa chute. J'espère qu'il en sortira pour réhabiliter la majorité de la Chambre aux yeux des vrais amis de l'enseignement moyen.

Messieurs, les établissements moyens de l'Etat, les établissements moyens ofliciels sont l'objet d'hostilités ouvertes ou cachées.

Beaucoup d'efforts sont tentés, publics ou secrets, pour arriver à la destruction de l'enseignement officiel, pour détruire cette concurrence de l'enseignement laïque, pour s'atiribucr le monopole de l'enseignement moyen, comme on a voulu s'attribuer le monopole de l'enseignement primaire et comme on cherche à s'attribuer le monopole de l'enseignement supérieur. Eh bien, que fait-on ? Pour chercher à détruire dans sa racine l'enseignement moyen de l'Etat, on commence par le dénoncer au pays comme propageant une contagion funeste, immorale, comme propageant l'irréligion ; on en écarte autant qu'on le peut les pères de famille et tout en les représentant comme irréligieux on leur refuse le concours du clergé pour l'enseignement de la religion ; mais, enfin, jusqu'ici on avait vu respecter renseignement laïque au point de vue scientifique ; on n'osait pas dire que l'enseignement était mauvais sous le rapport de la science ; au contraire, on était obligé de reconnaître, en quelque sorte, la supériorité scientifique de l'enseignement officiel sur l'enseignement privé.

A l'avenir, même ce relief scientifique dont jouissaient les établissements de l'Etat, ce relief scientifique aura disparu. Peu importera, en effet, aux parents que leur fils ait fait de bonnes ou de mauvaises études, puisque tous les élèves, au moyen d'un simple morceau de papier, se présenteront au même titre à l'université ou à l'examen de candidate. Eh bien, messieurs, nous voulons, nous, conserver aux établissements de l'Etat, à nos établissements, nous voulons leur conserver ce relief, ce mérite scientifique que le système qui a prévalu au premier vote aurait pour effet de leur enlever.

Et sera-ce, messieurs, un mal de forcer les établissements à améliorer leur propre enseignement ? Mais dans l'enseignement, en général, n'est-il pas utile que les établissements privés soient forcés à élever la niveau de leur programme ?

Messieurs, on l'a dit souvent, l'enseignement moyen, c'est l'enseignement de tout le monde ; ce n'est pas un enseignement exceptionnel, destiné seulement à un certain nombre de citoyens qui aspirent à certaines fonctions sociales ; c'est l'enseignement dont tout homme a besoin pour être ce qu'on appelle un homme bien élevé, un homme instruit ; c'est l'enseignement du plus grand nombre.

Est-il indifférent pour la société de constater officiellement de quelle manière cet enseignement est donné, non seulement dans les établissements de l'Etat, mais aussi dans les établissements libres ? Je suis pour la liberté en toutes choses, mais je suis aussi pour la responsabilité. A côté de la liberté nous avons, messieurs, comme correctif, la responsabilité, nous avons le contrôle, et je le demande, n'est-il pas de l'intérêt social de savoir par une épreuve, en quelque sorte publique, quel est le genre d'enseignement que les enfants belges vont recevoir dans les établissements libres ? Eh bien, c'est par l'examen officiel au sortir de ces établissements, que cela peut le mieux se constater.

Il n'est pas indifférent, par exemple, de savoir de quelle manière l'histoire nationale est enseignée dans les établissements libres. Ce contrôle s'exerce publiquement d'une manière impartiale, par des juges impartiaux ; ce contrôle, messieurs, ne peut-il pas être d'une influence très utile ?

J'ai dit, messieurs, que la supériorité scientifique de l'enseignement gouvernemental ou communal semble gêner les concurrents de ces établissements. Voici un aveu échappé à l'un des professeurs qui ont eu la parole dans la grande enquête ouverte sur les effets de la suppression du grade d'élève universitaire ; ce professeur, appartenant à un établissement du clergé, applaudit à la suppression du grade d'élève universitaire ; il ajoute ce qui suit ;

« Un autre bon effet de cette abolition, c'est qu'on ne verra pas les élèves qui auraient de justes raisons de se défier de leurs forces entrer dans les établissements de l'Etat, pour s'y préparer à cet examen. »

Ainsi, messieurs, aux yeux des adversaires du grade d'élève universitaire, un des bons effets de la suppression de ce grade, ce sera d'encourager les élèves qui auraient de justes raisons de se défier de leurs forces, c'est-à-dire les mauvais élèves, à rester dans des établissements, qui ne leur donnent pas une instruction suffisante, de les détourner des établissements où ils recevraient une meilleure instruction.

Messieurs, un grand nombre de petits établissements d'enseignement moyen ont surgi dans le pays ; ils ont la prétention d'enseigner les humanités, la rhétorique ; leur certificat vaudra autant que celui des établissements les plus complets. Les élèves, à l'avenir, n'auront pas besoin d'aller chercher l'instruction dans des établissements supérieurs ; il leur suffira d'avoir fait leurs études tant bien que mal dans n'importe quel établissement.

L'élève qui aurait le malheur de ne pas pouvoir obtenir un certificat d'études de qui que ce soit, aura, il est vrai, à subir une épreuve préparatoire. Je ne pense pas qu'il y ail beaucoup de jeunes gens réduits à cette extrémité. Mais enfin il pourra arriver qu'un malheureux jeune homme n'aura pas pu obtenir de qui que ce soit un certificat ; il viendra subir une épreuve préparatoire. Que devra-t-il faire pour établir sa valeur scientifique ? Une traductiou en latin, une traduction de la même langue en français, une traduction du grec en français et une composition française, flamande ou allemande.

Eh bien, messieurs, les moindres établissements sont en état de donner en conscience à un élève un certificat attestant qu'il peut faire un thème latin, une version latine, une version grecque et une composition française, et ils se dispenseront de faire sortir leur programme de ces limites.

Si le programme de l'examen d'élève universitaire était élevé, les cours des divers établissements étaient forcément élevés à la hauteur du programme. Maintenant, le programme s'abaissant, il est manifeste que les cours d'enseignement moyen vont descendre au niveau de ce programme.

On insiste sur la nécessité de relever les études universitaires. Mais il ne faut pas commencer par abaisser les études moyennes, il faut avant tout que la base soit large et élevée, vous pourrez y établir alors un enseignement supérieur, plus solide et plus élevé. N'est-ce pas faire (page 882) une œuvre dérisoire et pleine de contradictions que de vouloir, d'une part, travailler à relever l'enseignement supérieur, et, d'autre part, faire ce qu'on peut pour abaisser l'enseignement moyen qui est la base essentielle de l'enseignement supérieur ?

J'espère, messieurs, que la Chambre ne maintiendra pas sa première décision ; j'espère que M. le ministre de l'intérieur, qui a déjà vu renverser tant de dispositions de sa loi, ne s'associera pas à ce premier voie ; qu'il revendiquera, au nom des études moyennes, le rétablissement d'un examen qui avait été, dans le principe, accepté par tout le monde, dont la suppression a été féconde en conséquences désastreuses, de l'avis de tous les établissements laïques et d'un assez grand nombre de professeurs de l'enseignement ecclésiastique.

J'espère que M. le ministre de l'intérieur va faire des efforts pour que la Chambre rétablisse dans la loi cette institution qu'on a eu grand tort de supprimer une première fois, et qu'on a eu grand tort encore de supprimer dans le projet de la section centrale qu'on présente comme ayant pour but et comme devant avoir pour effet de relever l'enseignement supérieur.

Je termine en déclarant que si la mesure n'est pas rétablie, je voterai contre l'ensemble de la loi.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis un de ceux qui ont le plus applaudi à la formation du grade d'élève universitaire.

Comme l'a dit l'honorable M. Rogier, cette mesure avait pour but, d'abord de simplifier l'examen de candidat en philosophie et lettres, puis de relever les études.

Le premier but a été complètement atteint, je le reconnais ; et la loi actuelle fait un pas de plus dans cette voie : elle étend le système de simplification à tous les examens.

Mais, messieurs, avons nous, au moyen du grade d'élève universitaire, relevé le niveau des études, comme vient de le dire l'honorable préopinant ? Le moyen qui vous est présenté n'est-il pas plus efficace encore pour arriver à ce résultat que nous désirons tous ? Voila la question qui doit nous occuper exclusivement.

Et d'abord je dirai, eu passant, qu'en ce qui concerne le grade d'élève universitaire, il n'est plus possible de le remettre en discussion, en présence de l'article 45 du règlement.

Il n'est plus possible de le remettre en discussion ; par conséquent toute discussion à cet égard est superflue ; il y a un amendement de M. de Brouckere rejeté au premier vote qui ne peut plus être reproduit au second vote. Le règlement est formel à cet égard, il doit être respecté avant tout.

M. de Brouckere. - C'est une erreur !

M. Dumortier. - Je vais donner lecture de l'article du règlement de l'honorable membre qui ne se le rappelle plus. L'article 45 porte :

« Art. 45. Lorsque des amendements auront été adoptés ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés.

« Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances.

« Dans la seconde seront soumis à une discussion et à un vote définitif les amendements adoptés et les articles rejetés.

« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »

Il en résulte donc que le grade d'élève universitaire, rejeté au premier vote, l'est définitivement.

Il reste deux choses : le système du ministre da l'intérieur qui a eu l'honneur d'obtenir 17 voix ; vous pouvez, si vous voulez, le remettre en discussion ; il y a ensuite l'amendement de la section centrale qui a été adopté au premier vote ; en le rejetant, vous pouvez n'avoir rien. Mais vous ne pouvez pas reproduire des amendements proposés par d'honorables membres et qui ont été rejetés au premier vote.

Ce point élucidé, je reprends la réponse que je faisais à un honorable préopinant.

Le grade d'élève universitaire a donc eu pour but, j'ai été un de ceux qui ont été le plus heureux de le voir établir, je l'ai défendu jusqu'à la fin et je le défendrais peut-être encore si je ne trouvais pas que l'idée de la section centrale est préférable ; je disais que la création de ce grade a eu pour but la simplification de l'examen pour la candidature de la philosophie et lettres qui comprenait quinze à seize matières. C'était intolérable pour les jeunes gens qui passaient cet examen ; il leur fallait répondre sur les cours qu'ils venaient de suivre et sur les humanités.

L'honorable M. Rogier a proposé de diviser cet examen en deux : de faire subir un examen aux jeunes gens au sortir des humanités et plus tard un examen spécial sur la philosophie et les lettres pour la candidature. Par cette mesure il a rendu un grand service aux jeunes gens et aux études ; il a permis de faire subir un examen approfondi pour le grade de candidat en philosophie et lettres ; car cet examen a été composé de toutes matières appartenant à la philosophie.

Mais la mesure avait un autre but : celui de relever les études humanitaires. Ce second but a-t-il été atteint ?

Il suffit de jeter les yeux sur les rapports des concours des athénées et des collèges pour voir si les études ont été relevées ; à la suite de la création du grade d'élève universitaire, qu'est-il arrivé ? Les jurys ont trouvé que les cours étaient tellement faibles, qu'il y avait impossibilité d'accorder les prix de rhétorique, les jeunes gens n'obtenant plus le nombre de points requis pour avoir une nomination au concours, ils ne travaillaient qu'en vue de l'examen d'élève universitaire, les véritables études humanitaires étaient négligées. A cet examen, on les interrogeait sur des matières accessoires dans les études humanitaires, sur les mathématiques, l'algèbre, la géométrie, l’histoire, la géographie, le grec, de manière que les études latines, qui sont le fondement des humanités, n'avaient plus qu'une place très minime dans les études préparatoires aux examens. Voulez-vous un exemple des questions qu'on posait dans ces examens ? « Indiquez-moi les noms des villes qu'arrose telle rivière de la Chine ou de l'Inde. » Voilà le genre de questions qu'on posait aux élèves. Il en résultait que les élèves qui consacraient leur temps à étudier la géographie, tout ce qu'on peut savoir en déployant une carte, ne pouvaient plus s'occuper des études latines.

Il en est résulté un affaiblissement tel, que pendant un grand nombre de concours on a déclaré qu'aucun des élèves suivant les cours des collèges belges, n'obtenait assez de points pour avoir une nomination dans le concours des athénées.

Ce grade a-t-il eu un bon résultat à un autre point de vue, a t-il fait arriver aux universités les jeunes gens distingués, n'en a-t-il éloigné que les jeunes gens incapables ?

Je pourrais citer telle personne qui est un des hommes les plus honorables et les plus distingués de la capitale, qui a fait lui-même l'éducation de son fils comme peu de professeurs seraient aussi capables de le faire.

Eh bien, ce jeune homme deux fois s'est présenté à l'examen d'élève universitaire et deux fois il a été écarté. Cependant malgré mon vote sur la proposition de M. Verhaegen, la Chambre supprime le grade d'élève universitaire, ce jeune homme entre à l'université, deux fois il se présente aux examens et les subit avec distinction.

Qu'en résulte-t-il ? C'est que ce grade écartait des universités des bons élèves.

Je me souviens qu'il y a six ou sept ans, j'assistais au temple des Augustins à la reddition des prix au grand concours des athénées et collèges du royaume ; le Roi présidait la cérémonie, il venait de couronner un jeune homme, à peine le nom du lauréat fut-il prononcé qu'il se fit un mouvement parmi les examinateurs. Savez-vous quelle en était la cause ? Quelques jours auparavant, devant le jury d'examen pour le grade d'élève universitaire, le lauréat avait été jugé incapable.

Quand de pareils faits se passent, ils sont de nature à ouvrir les yeux à beaucoup de personnes.

Le jeune homme couronné par le Roi ou par M. Rogier comme le premier de tous les collèges de la Belgique, ce même jeune homme avait été jugé incapable d'être admis élève universitaire, on lui fermait la porte des universités ; il avait pourtant obtenu le premier prix au concours de tous les collèges.

Mais, dit l'honorable membre, que mettez-vous à la place du grade d'élève universitaire ? Des certificats ! Les certificats ne sont rien. Pour mon compte, je trouve dans les certificats une garantie bien plus réelle que dans le grade d'élève universitaire, car, on l'a dit souvent dans cette enceinte, à l'époque où l'examen du grade d'élève universitaire était exigé, combien de jeunes gens qui n'ont pas fait leur rhétorique, qui n'ont fait que leur seconde, quelquefois leur troisième, qui se sont présentés devant le jury, ont obtenu le grade d'élève universitaire et sont entrés ainsi à l'uuiversité sans avoir terminé leurs humanités, parfois même sans les avoir commencées. Or, le système que vous propose la section centrale, et que vous avez admis au premier vote, a ce grand avantage de n'admettre à l'université que des jeunes gens qui aient fait leur rhétorique, qui est le summum des humanités. Pour mon compte, je tiens uniquement à ceci : c'est que le jeune homme ait fait sa rhétorique d'une manière qui satisfasse le professeur.

Je trouve dans un certificat une bien plus grande garantie que dans tout ce qui a eu lieu dans le passé.

Mais, dit l'honorable membre, c'est une guerre entre les établissements libres d'instruction et les établissements d'instruction du gouvernement. Et là-dessus, l'honorable membre se livre à ses campagnes habituelles contre les établissements d'instruction religieuse. J'ai toujours désiré que les établissements d'instruction de l'Etat fleurissent, qu'ils jouissent de la confiance des pères de famille. Mais ce que fait l'honorable membre, c'est la guerre à la confiance des pères de famille. C'est le « compelle intrare »dans les établissements de l'Etat. Et l'on appelle cela de la liberté, quand ce n'est que de la compression au profit des établissements de l'Etat, ce que nous combattrons toujours.

M. Rogier. - Ce langage est de votre dictionnaire et pas du mien.

M. Dumortier. - Pas du tout ; je n'ai jamais fait la guerre aux établissements d'instruction de l'Etat, de même que vous ne m’avez jamais entendu dire un mot contre l'université libre, parce que je suis partisan de la liberté, même lorsqu'elle agit contrairement à mon opinion.

Mais, dit l'honorable membre, il faut contrôler les établissements libres. Le jury d'examen du grade d'élève universitaire était un moyen de contrôle pour les études libres. Mais depuis quand, en présence de notre Constitution, en présence de la liberté d'enseignement, est-il possible de convier le gouvernement à exercer un contrôle sur la liberté ? Mais le contrôle dont vous parlez, veuillez le remarquer, mon honorable (page 883) collègue, est contraire à la Constitution. Comptons sur le développement de nos institutions libres, sur la liberté. La liberté ne nous trahira jamais. C'est ainsi que nous parviendrons à former une jeunesse forte par ses études et par l'amour de la patrie.

Je maintiens donc ce que la Chambre a fait au premier vote. En votant pour la proposition de la section centrale, je crois rendre service à la science, à la jeunesse et à mon pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - Je n'ai pas la prétention de faire valoir, dans cette seconde discussion, des considérations qui n'auraient pas été exposées dans la première. Mais il me semble utile de les résumer afin d'appeler l'attention de la Chambre sur l'importance du vote qu'elle est appelée à émettre dans cette circonstance.

Je voudrais dire, d'abord, quelques mots sur la nécessité d'une épreuve quelconque pour constater l'aptitude de l'élève à l'entrée de l'enseignement supérieur.

Cette nécessité je ne pense pas qu'on puisse la contester.

Lorsqu'on voit tous les documents produits depuis 20 ans en matière d'enseignement supérieur, il est impossible que l'on conteste la nécessité d'un examen ou d'une épreuve, comme garantie à la fois pour l'enseignement moyen et pour l'enseignement supérieur. Pour l’enseignement moyen, cet examen a toujours été considéré comme une mesure propre à relever les études et à stimuler la concurrence entre les établissements par la comparaison des résultats obtenus ; pour l'enseignement supérieur, comme un moyen de n'y admettre que des jeunes gens suffisamment préparés à le bien recevoir.

Cette nécessité, évidente en elle-même, a constamment été reconnue par les hommes qui font autorité dans ces matières.

Qu'il me suffise de vous citer l'opinion de quelques-uns de ces hommes dont vous ne rejetterez pas l'autorité et les suffrages.

Pour les études littéraires proprement dites, un homme que je ne crains pas de citer comme le plus compétent en Belgique, M. Baguet, a toujours considéré cet examen (examen du grade d'élève universitaire ou épreuve préparatoire), comme la mesure la plus utile, la plus nécessaire pour relever l'enseignement moyen de l'état de langueur où il était tombé. Toutes ses publications relatives à cet enseignement tendent à démontrer la même nécessité. Je ne crains pas de dire que, à l'heure qu'il est, c'est encore la conviction inébranlable de cet honorable professeur.

Pour les sciences mathématiques, partie importante des études moyennes, je puis invoquer l'opinion bien connue d'un des membres les plus considérés de notre corps professoral, M. Leschevin, de Tournai. Il a, dans ses publications spéciales que vous connaissez tous, insisté sur la nécessité d'un examen pour relever les études et pour éclairer les familles sur l'avenir des jeunes gens.

Je pourrais vous citer d'autres autorités tout aussi importantes. Ainsi lorsque l'honorable M. Piercot présenta, il y a deux ans, son projet de loi sur l'enseignement supérieur, dans lequel il avait conservé l'examen pour l'obtention du grade d'élève universitaire, on était convaincu qu'on devait changer la forme et le programme de l'examen, voire même la composition du jury ; mais aussi la nécessité du maintien de cette épreuve était reconnue par tout le monde.

A cette occasion, une brochure fut publiée par un R. P. jésuite, homme distingué, qui a publié plusieurs ouvrages fort estimés relatifs à renseignement moyen. Que demandait-il ? Il demandait le maintien du grade d'élève universitaire, et ne concevait pas qu'on put songer à le supprimer. Voici ses paroles :

« Y a-t-il aujourd'hui quelqu'un qui soit disposé à demander la suppression des examens pour la collation du grade d'élève universitaire ? Oui. Si peu croyable que puisse paraître cette disposition d'esprit, il y a de prétendus amis des études qui voudraient abolir tout examen au sortir de la rhétorique ; et si cette opinion parvenait à gagner quelques partisans, il ne faudrait pas s'étonner de la voir chaudement appuyée à la Chambre des représentants. Or, qu'on le sache bien, la création du grade d'élève uuiversilaire et l'examen exigé pour l'obtention de ce grade, est une mesure éminemment utile, la meilleure, à mon avis, qu'on ait décrétée depuis longtemps en fait d'enseignement. »

Voilà l'opinion exprimée, il y a deux ans, par un Père appartenant à une compagnie dont la compétence en matière d'enseignement n'a jamais été contestée.

- Un membre. - Son nom ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Dedecker). - La brochure n'est pas signée. Elle est d'un Père jésuite très instruit et qui a publié des ouvrages qui jouissent d'une faveur générale.

A la même époque, un honorable professeur de Louvain, dans une brochure qui a été distribuée à tous, se montrait frappé des vices que tout le monde signalait dans l'organisation de l'examen pour l'obtention du grade d'élève universitaire. Mais, lui aussi, il était d'avis que si on le supprimait, rien n'empêcherait de le remplacer par une mesure équivalente.

Il proposait, dans ce cas, de créer un jury spécial pour faire subir une épreuve préparatoire dans le triple but 1° d'obliger les élèves à faire, dès le principe, des études sérieuses et suivies à l'université ; 2° d'écarter des études supérieures ceux qui n'auraient pas assez d'aptitude ou d'instruction, et 3° de simplifier les examens pour la candidature soit en philosophe, soit en sciences, qui pourraient ainsi être plus approfondis pour les branches les plus importantes.

Or, à cette époque, cet honorable professeur de Louvain passa pour exprimer l'opinion de l'université de Louvain relativement aux divers intérêts, se rattachant au jury d'examen.

Ainsi, messieurs, les personnes les plus compétentes qui ont fait de cette question l'objet spécial de leurs études et de leurs méditations, toutes ces personnes ont été d'avis qu'il y a nécessité de constater l'aptitude des élèves au sortir du collège et à l'entrée de l'université.

Voyons maintenant, car il y a encore là de quoi nous éclairer, ce qui se passe dans les pays voisins.

En France on a le baccalauréat qui couronne les études humanitaires.

En Allemagne, il est connu que les conditions d'admission aux universités sont rigoureuses.

En Angleterre aussi des mesures ont été prises récemment dans le même but. Ainsi, je trouve dans un discours qui a été prononcé par M. le recteur de l'université de Gand, en 1855, un passage que je demande la permission de citer.

« Les inconvénients d'une liberté illimitée d'admission ont été si bien sentis, que des établissements libres, tels que l'université de Londres, ont, de leur propre mouvement, prescrit des conditions d'admission. Le gouvernement en a fait autant dans les établissements qu'il a fondés en Irlande. La réforme gagne jusqu'aux antiques universités d'Oxford et de Cambridge. Le gouvernement a fait une enquête, et le rapport de la commission atteste que tous les hommes qui s'occupent d'instruction en Angleterre demandent que le système des examens soit généralisé. Nous citerons l'opinion d'un des hommes les plus haut placés dans l'Eglise anglicane. L'archevêque Whately y dit : que sans examen préalable, le meilleur système d'instruction restera une lettre morte ; que cette seule mesure, au contraire, suffit pour relever les études ; que l'examen d'élève universitaire est un germe de progrès incessants ; que, plus cet examen sera sérieux, plus les études des collèges devront se relever, et que, à mesure que les études moyennes se fortifieront, l'enseignement universitaire deviendra un enseignement réellement supérieur. »

On a cité dernièrement l'exemple de la Hollande. Là aussi, dit-on, on avait, pendant quelques années, établi le grade d'élève universitaire, et l'on n'a rien trouvé de mieux à faire que de le supprimer.

Messieurs, la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi présenté par mon honorable prédécesseur, M. Piercot, avait recommandé de demander au gouvernement néerlandais quelques détails sur ce qui s'était fait en Hollande. Ces détails ont été transmis par le gouvernement du roi des Pays-Bas au gouvernement belge, il y a à peu près un an et demi. Il résulte de cette correspondance, que la suppression du grade d'élève universitaire n'est pas aussi complète ni aussi définitive en Hollande qu'on le croit et que les résultats de cette suppression ne sont pas tels qu’on les a exposés.

Voici, en quelques mots, l'historique de la législation hollandaise sur ce point.

Jusqu'en 1845, l'admission des élèves à l'université avait lieu conformément aux articles 148, 149 et 150 de l'arrêté royal du 2 août 1815 (article 93, 94 et 95 de l'arrêté royal du 25 septembre 1816 pour les provinces méridionales). D'après ces dispositions, l'élève ne pouvait être inscrit qu'après avoir produit un certificat constatant qu'il a parcouru le premier degré de l'enseignement supérieur (c'est-à-dire, l'enseignement moyen), et qu'après avoir été jugé capable, par une commission nommée à cet effet, de fréquenter les leçons académiques. Ces commissions étaient désignées dans les divers établissements.

Un arrêté royal du 23 mai 1845 ordonna que l'examen d'admission eût lieu, non plus dans chaque établissement, mais devant une commission centrale. Cet arrêté resta en vigueur pendant cinq ans.

Par un arrêté royal en date du 1er juillet 1850, contresigné Thorbeke, l'examen fut supprimé comme indispensable condition d'admission aux universités, mais il fut maintenu obligatoire comme moyen de constater, chaque année, la situation de l'enseignement moyen.

L'examen ainsi réduit à une simple formalité fut supprimé par l'arrêté royal du 4 août 1852.

Des plaintes unanimes s'élevèrent sur cette absence complète de garanties d'aptitude chez les élèves entrant à l'université et, une année après, le 4 août 1853, un arrêté royal ordonna la production d'un certificat prouvant que l'élève a fait jusqu'à la fin, avec fruit, ses études dans une école latine ou dans un collège. Cet arrêté dispose, qu'à défaut de cette preuve, l'élève sera tenu de subir un exameu satisfaisant devant la faculté des lettres. Dans les considérants de cet arrêté il est dit expressément que cette mesure est prise en attendant la réglementation définitive de l'enseignement supérieur.

Voici comment le gouvernement des Pays-Bas apprécie la situation créée par ce dernier arrêté, dans ses explications à l'appui du budget de 1854.

« Pour pouvoir bien apprécier l'arrêté royal du 4 août 1853 (Journal officiel, n°31), il importe de le considérer sous son véritable point de vue.

« L'examen central institué en 1845, après n'avoir été que partiellement maintenu en 1850 et en 1851, fut totalement supprimé en 1852.

« Dès lors, l'accès des universités était ouvert sans obstacle au premier venu, à l'ignorant comme au savant.

« La plupart des jeunes gens n'étaient cependant pas mûrs pour l'usage judicieux de cette liberté et beaucoup d'entre eux en abusèrent. (page 884) Les plaintes qui s’élevèrent au sujet des jeunes gens ensuite de l’examen, tel qu’il fut maintenu en 1850 et en 1851 furent nombreuses ; mais après qu’en 1852, la seule digue qui existât encore eût été entièrement enlevée, le gouvernement se vit adresser, de différentes parts, les réclamations les plus vives contre le maintien de la liberté absolue d'admission aux universités.

« Quant aux jeunes gens comprenant eux-mêmes que cet état de choses n'était pas naturel et qu'on ne tarderait pas à y mettre un terme, ils se hâtaient, lors même qu'ils n'étaient pas en état de fréquenter avec fruit les leçons académiques, de se faire inscrire comme étudiants pour échapper, s'il était possible, aux dispositions restrictives dont ils appréhendaient l'adoption.

« C'est ce qui eut lieu surtout lorsqu'un nouveau ministre de l'intérieur arriva au pouvoir.

« Une preuve de ce fait, c'est que tandis que le nombre de jeunes gens qui depuis le jour de l'installation du recteur (ordinairement le 26 mars), jusqu'au commencement des grandes vacances, se faisaient inscrire comme étudiants à l'université de Leyde, avait été, en moyenne, pendant les sept dernières années, de 17, il s'éleva, en 1853, pendant cette même période, à 67.

« Les plaintes des professeurs d'universités qui devaient instruire des jeunes gens aussi mal préparés et dont le développement intellectuel laissait tant à désirer, devinrent telles, que le gouvernement, à moins de vouloir la ruine de l'enseignement académique, ne put plus différer, lorsque cet état de choses fut porté à sa connaissance, d'aviser aux meilleurs moyens d'y mettre un terme.

« Il n'y avait à choisir à cet effet qu'entre deux moyens: le rétablissement de l'examen central de 1845, ou de l'examen prescrit par l'article 150 de l'arrêté organique du 2 août 1815.

« Le gouvernement eût peut-être donné la préférence au premier mode d'examen, en y faisant subir les modifications dont l'expérience des cinq années pendant lesquelles il avait été en vigueur, avait fait sentir la nécessité.

« Cependant on avait trop peu de temps devant soi pour rétablir l'examen avant la réouverture très prochaine des cours académiques.

« Il était complètement impossible de tout préparer à temps pour cela. Et pourtant, on ne pouvait songer à un ajournement ; il fallait immédiatement couper le mal, il ue restait donc au gouvernement d'autre parti à prendre que de recourir au second moyen, au rétablissement de l'examen qui avait eu lieu, pendant trente ans, en vertu de l'article 150 de l'arrêté organique, devant la faculté des lettres, tout en le modifiant de façon à éviter le renouvellement des abus qui avaient été signalés.

« Cet exposé succinct montre pourquoi une seule et même commission ne fut pas chargée de procéder aux examens pour toutes les universités, système auquel bien des personnes auraient donné la préférence. La crainte de ne pas voir procéder aux examens avec la même sévérité dans toutes les universités, est dénuée de fondement, dans la pensée du gouvernement qui est persuadé que tous les professeurs déploieront à cet égard la sévérité nécessaire et seront tous également consciencieux.

« Le gouvernement reconnaît volontiers que l'arrêté n'aura probablement pas une influence prépondérante sur l'amélioration de la situation intérieure des écoles latines et des collèges. Tel n'est pas non plus, on le voit par ce qui précède, le but de cet examen ; il doit être exclusivement considéré comme un moyen de salut temporaire, commandé par la force des circonstances, en vue d'éviter de plus grands maux, comme la seule mesure qui dût être mise en vigueur du jour au lendemain. »

Il résulte donc de la correspondance du gouvernement des Pays-Bas avec le gouvernement belge, que l'état actuel des choses est considéré par tout le monde comme essentiellement temporaire, et qu'à la première révision de la loi sur l’enseignement supérieur, des mesures seront prises pour obvier aux inconvénients de cet état de choses.

Voilà, messieurs, ce qui se pratique autour de nous.

Mais, dit-on, nous avons par expérience acquis la conviction que cet examen pour le grade d’élève universitaire n'a pas produit d'heureux résultats Cela est possible ; mais l'épreuve qui a été faite est-elle décisive' ? Evidemment, non. L’organisation de l'examen d'élève universitaire a été faite d'une manière que tout le monde a considérée comme vicieuse ; si elle avait été faite d'une manière plus conforme aux véritables intérêts des études, si la composition du jury avait offert à tous les établissements des garanties plus complètes d'impartialité, je suis, pour ma part, convaincu que le résultat de l'expérience qu'on invoque eût été tout autre que ce qu'il a été.

Faut-il, messieurs, pour quelques vices d'organisation, détruire l'institution elle-même, ou bien faut-il procéder comme on procède toujours lorsqu'on est prudent ? Je pense qu'il faut améliorer, réformer, mais non pas détruire.

La section centrale propose des certificats constatant que l'élève a achevé ses études moyennes ; je le demande, messieurs, quelle garantie pourrez-vous trouver dans ces certificats qui ne constatent qu'une fréquentation matérielle des cours ? A elle seule, cette mesure est complètement illusoire. Il y a quelque chose d'utile dans la constatation que l’élève a achevé ses humanités, à condition qu'on y ajoute un examen qui prouve que la fréquentation des cours a eu lieu avec fruit, et que le jeune homme a de l'aptitude.

Que propose donc le gouvernement ? Il propose d'admettre les certificats constatant que l'élève a achevé ses humanités ; mais il y ajoute une épreuve préparatoire, qui, sans les certificats, serait aussi, dans les termes où elle est réduite, une garantie insuffisante.

En effet, l'épreuve préparatoire est maintenant réduite à tel point, que les élèves de troisième pourraient la subir. Il faut donc combiner les deux mesures : d'une part, le certificat constatant que les élèves ont achevé leurs études moyennes et les empéchant ainsi d’aller prématurément à l’université ; d’autre part, un examen facile, pour confirmer que les études achevées l’ont été avec fruit et qu’il y a aptitude suffisante pour aborder l'enseignement supérieur. Quelle forme faut-il donner à cet examen ? D'après le programme tel qu'il est proposé par le gouvernement, j'ai cherché à constater l'aptitude de l'élève sans cependant tomber dans les inconvénients qui ont été signalés dans l'organisation de l'examen d'élève universitaire.

Je pense, messieurs, qu'il est inutile d'entrer encore dans de longues considérations sur les critiques dont l'examen pour le grade d'élève universitaire a été l'objet.

On a dit que l'examen était fait de manière que la mémoire de l'élève était surchargée, que son intelligence était étouffée sous les détails ; qu'au lieu de faire un bon cours de rhétorique, il consacrait plutôt l'année de la rhétorique à une répétition générale de l'enseignement moyen.

Eh bien, messieurs, aujourd'hui il n'est plus question de surcharger la mémoire ; on ne demande plus rien à la mémoire, ni géographie, ni histoire. On demande simplement que les jeunes gens prouvent qu'ils ont fait des études classiques, qu'ils connaissent le latin, et qu'ils prouvent, par une composition, le développement naturel de leur intelligence.

Ainsi, le grief fondamental articulé contre l'organisation de l'examen d'élève universitaire, ce grief n'existe plus.

Un deuxième grief était articulé du chef de la composition du jury. J'ai reconnu moi-même qu'il y avait quelque chose à faire sous ce rapport, qu'il n'y avait peut-être pas là toutes les garanties d'impartialité nécessaires pour les établissements libres. Le gouvernement a exposé, dans la séance du 27 janvier dernier, un nouveau système d'après lequel le jury serait pris mi-parti dans l'enseignement moyen, mi-parti dans l'enseignement universitaire et où l'égalité la plus complète existerait entre l'instruction officielle et l'instruction libre.

Du reste, messieurs, je n'insisterai pas plus longtemps.

Que la Chambre veuille bien comprendre l'importance du vote qu'elle est appelée à émettre.

Pour moi, je ne me place pas du tout au point de vue des établissements de l'Etat, comme aurait voulu me le faire faire l'honorable M. Rogier. Dans toute cette discussion, nous avons à examiner quels sont les intérêts de l'enseignement supérieur, en général, sans aucune espèce de distinction entre les établissements de l’Etat et les établissements libres, et je déclare hautement que je ne parle pas du tout ici comme un ministre chargé de défendre exclusivement les intérêts des établissements de l'Etat. La loi que nous discutons doit être conçue dans un autre esprit : nous avons à prendre des dispositions pour l’enseignement supérieur en général, abstraction faite de toute question relative à la nature des établissements. C'est au point de vue de l'intérêt des études, de l'intérêt de la civilisation du pays que nous devons nous placer.

Le gouvernement se propose, messieurs, de reproduire le système qu'il avait présenté au premier vote, sauf peut-être à simplifier encore l’examen. On pourrait, par exemple, en retrancher une traduction du grec en français. Il faut, toutefois, que l'épreuve conserve un caractère sérieux. (Interruption.) C'est la proposition que j'ai faite dans le cours de la discussion et qui consiste à combiner le certificat avec l'examen.

- Un membre. - Cette proposition est définitivement rejetée.

M. de Brouckere. - Messieurs, un très gros rhume m'empêche de prendre part a la discussion ; je crois que mon rhume n'a besoin ni de certificat, ni d'examen. Mais je dirai deux mois sur la position dans laquelle nous nous trouvons et sur la manière dont il faudra plus tard poser les questions.

L'honorable M. Dumortier a cité un article du règlement que nous connaissions tous et par suite duquel on ne peut pas mettre aux voix les amendements qui ont été rejetés. Mais il est certain, qu'il y a eu une proposition primitive à laquelle on a substitué l'amendement de la section centrale ; eh bien, au second vote, on met aux voix les amendements adoptés ; et si ces amendements sont rejetés, on met aux voix, la proposition primitive. Voilà le règlement.

Maintenant la question est de savoir quelle est la proposition primitive. Je crois qu'on pourrait soutenir avec de bonnes raisons que la proposition primitive est celle qui figurait dans le projet du gouvernement, proposition que le gouvernement a ensuite abandonnée et que j'ai reprise. Mais si la Chambre ne veut pas admettre ce système-là, a coup sûr elle ne peut pas repousser le système qui consiste à considérer comme proposition primitive celle que M. le minisire de l'intérieur a formulée pendant la discussion et qui est celle qu'il vient défendre aujourd'hui.

Il est certain que dans ce moment-ci il faut qu'il y ait deux choses (page 885) qui forment l'objet de la discussion ; c'est d'un côté, l'amendement de la section centrale, et de l'autre, la proposition primitive. Mais il est hors de doute que l'on a le droit de discuter aujourd'hui la question de savoir si l'épreuve préparatoire sera rétablie oui ou non.

M. de Theux. - Je me réserve de demander la parole, comme rapporteur, sur le fond du débat ; je ne dirai maintenant que quelques mois sur l'incident.

La question paraissant devoir se présenter d'une manière un peu embarrassante, j'ai aussi consulté le règlement. Eh bien, je pense que la proposition primitive du gouvernement, que l'honorable M. de Brouckere a reprise, est un amendement qui est définitivement écarté.

M. le ministre de l'intérieur avait certainement le droit de modifier la proposition du gouvernement, la proposition primitive a été reprise par l'honorable M. de Brouckere et rejetée par la Chambre ; il ne peut plus être question de cette proposition, d'après le règlement.

On doit mettre aux voix la proposition adoptée par la Chambre au premier vote ; si cette proposition est rejetée, on doit mettre alors aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur, et si cette dernière proposition est rejetée, nous restons dans le statu quo en ce qui concerne les épreuves préparatoires à l'entrée dans les universités. Voilà la seule marche conforme au règlement.

Il me paraît désirable que la Chambre se prononce sur la question du règlement. Une fois la motion d'ordre vidée, la discussion va se préciser entre deux systèmes. Il est impossible qu'il y ait trois systèmes à la fois. Il ne peut jamais y avoir, lors d'un second vote, que deux questions en discussion, l'amendement adopté et l'article rejeté.

M. Devaux. - Messieurs, je suis d'accord avec l'honorable M. de Theux sur ce point-ci, que nous sommes en présence d'un amendement qui a été adopté, et d'un article du gouvernement qui a été rejeté ; mais je ne suis plus d'accord avec l'honorable préopinant, quand il prétend que le débat doit porter exclusivement sur ces deux systèmes. D'après le règlement, on peut présenter de nouveaux amendements, motivés soit sur l'amendement qui a été adopté, soit sur l'article qui a été rejeté.

Ainsi, l'on peut très bien motiver, soit sur l'adoption de l'amendement relatif aux certificats, soit sur le rejet de l'article du gouvernement, un amendement qui rétablirait une épreuve préparatoire pour compléter la mesure concernant les certificats. Cet amendement pourrait être discuté et fournir un troisième système.

L'amendement qui a été adopté peut être sous-amendé ; un autre amendement peut être présenté, d'autre part, comme conséquence du rejet de la proposition du gouvernement.

M. de Theux. - Messieurs, je ne disconviens pas que si la Chambre maintient son premier vote, on pourrait très bien, en se fondant sur ce que cette disposition est un amendement qui a été introduit dans la loi, fortifier le système de l'épreuve préparatoire, en proposant, par exemple, une nouvelle matière ; mais je pense que l'amendement de l'honorable M. de Brouckere est rejeté définitivement.

M. Rogier. - Messieurs, je ne m'occupe pas de l'incident: je reviens au fond du débat.

Messieurs, je continue à soutenir le principe qui a été consacré par la loi de 1849 et reproduit par le ministère de MM. de Brouckere et Piercot, ainsi que par le ministère de MM. Dedecker et Vilain XIIII. Je n'admets pas qu'en défendant ce principe, j'entreprenne une campagne contre la liberté d'enseignement. L'autre jour, l'honorable M. Dumortier me prenait encore à partie ; je faisais alors de la contre-révolution ; aujourd'hui, je fais une campagne contre la liberté d'enseignement.

L'honorable M. Dmnortier se fâche, il est embarrassé, il lui est pénible de venir faire l'aveu qu'il a soutenu une thèse diamétralement opposée à celle qu'il défend aujourd'hui. Cela est fâcheux, je le comprends, mais qu'en puis-je ? Je désirerais qu'il gardât ses colères patriotiques pour une meilleure occasion, qu'il les dirigeât contre d'autres hommes ; il aurait le choix dans un certain cercle qu'il fréquente beaucoup plus que moi.

Mon sentiment, quant à la liberté d'enseignement, est parfaitement connu ; je n'ai pas besoin, je pense, de faire de nouvelle profession de foi à cet égard.

Mais je combats les exagérations des prétendus amis de la liberté qui n'en veulent qu'à leur profit. En défendant les établissements de l'Etat je remplis mon devoir de représentant de la nation ; je défends ces établissements quand je les vois outragés, menacés, sourdement minés. Et en agissant ainsi je m'acquitte de mon mandat mieux que le représentant de Roulers qui, au lieu de me combattre, devait s'empresser de me donner la main.

En défendant les établissements de l'Etat, je n'attaque pas les autres. Je gémis quand je vois les mesures prises pour ruiner êtes établissements que nous devons nous attacher à maintenir.

Ces établissements ont sur les autres une supériorité scientifique qui profile à un grand nombre d'élèves. Il est d'autant plus nécessaire que nous veillions à leur conservation, qu'on cherche à jeter dans l'esprit des populations des sentiments de défiance à leur égard.

On leur refuse le concours religieux et on les accuse de ne pas donner l'enseignement religieux. Toutefois ces établissements présentent aux parents des élèves des avantages spéciaux qui les déterminent à les préférer ; l'enseignement scientifique y est plus élevé que dans les établissements d'enseignement libre ; en ceci ils font une forte concurrence à ces établissements. C'est à ceux-ci à relever leur enseignement à la hauteur de celui des établissements de l'Etat ; ce n'est pas aux établissements de l'Etat à abaisser leur enseignement au niveau de celui des établissements privés.

L'examen préparatoire à la sortie des études humanitaires avait pour but et pour effet de relever non seulement renseignement public, mais l'enseignement privé. J'ai dit que cet examen, dont M. Dumortier a été un des plus chauds défenseurs, avait cet autre résultat de faire contrôler l'enseignement donné dans les divers établissements d'enseignement moyen, constater l'état des études, apprécier l'esprit et les méthodes de l'enseignement. Peut-on appeler cela une mesure préventive contre la liberté de l'enseignement ?

Est-ce que nous ne sommes pas tenus, tous tant que nous sommes, en usant de la liberté, de rendre compte devant l'opinion publique de l'usage que nous en avons fait ? Est-ce que nous ne sommes pas soumis à la publicité, est-ce que la liberté sera étouffée parce que les élèves devront rendre compte devant un jury impartial de l'enseignement qu'ils ont reçu dans l'établissement qu'ils ont fréquenté ? Tout établissement d'enseignement a une responsabilité devant le pays ; l'examen préparatoire n'est autre chose que le contrôle du pays.

Aussi je rejette bien loin ces exagérations habituelles du préopinant. Je le prie, à l'avenir, de m'épargner ces accusations violentes ; je les lui pardonne pourtant volontiers, parce que je suis sûr que s'il y réfléchit, dans sa conscience, lui-même condamne ces paroles qui lui échappent dans la chaleur de l'improvisation ; il sait fort bien que je ne suis ni un ennemi de la liberté, ni un contre-révolutionnaire, et à l'avenir je le prie de vouloir bien réserver pour d'autres de pareilles qualifications.

M. Dumortier. - Certes nul plus que moi dans cette Chambre ne rend justice anx services éminents rendus au pays par l'honorable membre qui vient de se rasseoir ; mais je voudrais qu'il ne prît pas constamment pour thème de ses discours des attaques que je crois réellement injustes. L'autre jour il prétendait entrer dans notre for intérieur et nous interroger sur nos croyances. Malgré l'affection profonde que je lui porte, malgré l'estime que je professe pour son caractère, malgré la reconnaissance que j'éprouve pour les services qu'il a rendus an pays, il m'est impossible de laisser passer des inquisitions semblables en gardant le silence.

Tantôt, il nous représentait comme des gens discréditant l'enseignement de l'Etat, sous des couleurs qui ont à nos yeux un caractère odieux parce que c'est complètement contraire à notre pensée. Comment peut-il trouver que nous sommes hostiles aux établissements d'enseignements de l'Etat ? Je rends hommage au mérite et aux services de l’honorable membre, mais je le prie de croire que nos convictions sont consciencieuses comme les siennes et je le prie de ne pas accuser sans cesse la droite, comme il le fait constamment ; s'il renouvelle ses attaques comme j'ai le sentiment profond qu'elles sont imméritées, je serai forcé de me lever pour les repousser. Je ne ferai en cela que remplir un devoir envers moi-même, qui me fais honneur d'appartenir à ce parti et envers mes honorables amis.

Quant à la question dont il s'agit, je dirai : oui, j'ai voulu le grade d'élève universitaire, dans le but de simplifier l'examen du grade de candidat en philosophie et lettres qui était surchargé de 15 â 16 matières ; ce but a été atteint, tout à l'heure encore j'eu félicitais l'honorable membre qui a établi ce grade. Mais maintenant est-il question du rétablir dans cet examen de candidature en philosophie les 16 matières qui l'encombraient ? Nullement ; au contraire, la Chambre entre dans un nouveau système, elle simplifie davantage encore les études. Quand elle entre dans ce système que j'ai appelé de tous mes vœux, je manquerais à mes devoirs si je ne lui prêtais pas mon appui. Il n'y a là ni amende honorable ni reculade.

Le certificat devant constater qu'on avait fait sa rhétorique, qu'on abandonnait pour étudier eu vue de l'examen d'élève universitaire, nous avons maintenant la certitude que la rhétorique, qui est le couronnement des études universitaires, sera faite.

Les professeurs plus libres dans la carrière du professorat n'ayant plus à voir dans la rhétorique un cours préparatoire à l'examen d'élève universitaire, feront un cours de rhétorique plus sérieux, les humanités y gagneront, les études qui doivent faire la base de l'enseignement universitaire seront plus fortes que quand l'élève faisait sa rhétorique, non en vue des études proprement dites, mais en vue d’un examen.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 1/2 heures.