Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 22 mars 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 523) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire communique l'analyse des pièces adressées à la. Chambre.

« Le sieur Namèche, militaire congédié pour infirmité contractée au service, demande un emploi, soit au chemin de fer de l’État, soit dans une maison de détention. »/

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Cautille demandent la construction d'une route de Brée à Lille-Saint-Hubert par Gerdingen et Caulille. «

- Même renvoi.


« Le sieur de Sadeleer prie la Chambre de ne pas diminuer le prix du port des lettres. »

- Même renvoi.

« Des habitants de Braine le-Château demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires. »

« Par trois pétitions, des habitants de Thorembais-les-Béguines, Ellemelle, Tenneville, font la même demande. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur A.-F.-J.-H. Vanden Dyck, demeurant à Vlytingen, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire, s'il ne peut être relevé de la déchéance qu'il a encourue en négligeant de faire, dans le délai de la loi, la déclaration pour conserver la qualité de Belge. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


M. Mascart (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a quelques jours, une pétition a été adressée à la Chambre par des cultivateurs de la Hulpe, qui demandent la destruction des lapins dans la forêt de Soignes. Au dire des pétitionnaires, (page 524) leurs récoltes sont entièrement dévorées par les lapins dans le voisinage de la forêt.

M. le président. - La pétition dont parle M. Mascart figure au feuilleton des pétitions qui va être distribué.

M. Mascart. - Comme il est possible que la Chambre n'arrive pas à ce feuilleton avant les vacances de Pâques, je demande que le rapport sur la pétition dont il s'agit soit présenté vendredi prochain avec les prompts rapports qui ont été demandes.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1858

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils

Première section. Ponts et chaussées
Article 7

M. le président. - La discussion continue sur l'article 7. La parole est à M. Mascart.

M. Mascart. - Pour justifier la réduction de 100,000 francs sur le chapitre II, M. le ministre des travaux publics nous déclare qu'il reste peu de routes à construire aux frais du trésor publie. Les 800,000 fr. demandés sont destinés, nous dit-il, à achever et à entreprendre une douzaine de routes indiquées dans le rapport de la section centrale ; mais immédiatement il indique 18 routes nouvelles dont l'exécution est réclamée par les populations. Messieurs, s'il suffit que les populations réclament des routes pour que l’État les construise, je crois qu'il en construira longtemps encore et que son rôle, en cette matière, n'est pas près de finir.

Assurément, il est très avantageux aux provinces ou aux communes qui doivent en profiter, que la route soit construite exclusivement par l’État plutôt que par elles-mêmes, avec le concours pécuniaire de l’État, dans certaines limites déterminées. Dans le premier cas, elles n'ont aucune dépense à faire, ni pour l'établissement, ni pour les frais d'entretien. Dans le second cas, indépendamment de leur part de dépenses de construction, il leur reste les frais d'entretien qui ne peuvent plus être couverts par le produit des barrières, car il n'y a plus moyen de construire en Belgique une seule route qui ne devienne après une charge plus ou moins grande. Non seulement l'intérêt du capital dépensé n'est plus couvert, mais vous avez à pourvoir chaque année à une plus grande part des frais d'entretien, et c'est une nouvelle rente à ajouter à celle que vous servez pour le capital emprunté et qui a servi à la construction de la route. Vous diminuez ainsi les ressources dont vous disposez et qui ne sont pas inépuisables, au profit de quelques localités privilégiées, tandis que le plus grand nombre de nos concitoyens restent littéralement embourbés.

Pour ma part, je désire beaucoup que l’État n'intervienne plus qu'indirectement dans la construction des routes. Il devrait se borner à allouer des subsides aux provinces, qui en disposeraient en faveur des voies de communication qu'elles jugeraient les plus utiles ; mais provinces et communes devraient intervenir pour une part dans la dépense, et pour s'assurer du bon emploi des fonds communs, les travaux d'art et de nivellement devraient être exécutés d'après les plans et sous la direction des ingénieurs des ponts et chaussées.

L’État dirait : Je ne construis plus de routes exclusivement à mes frais, mais il y a 700,000 francs au budget du département de l'intérieur et 800,000 fr. à celui des travaux publics, soit 66,000 fr. par province, pour vous aider à en construire ; j'ai, de plus, un corps d'ingénieurs très capables que je mets à votre disposition pour vous rattacher à une des grandes voies de communication du pays, à la condition, cependant, que vous interviendrez, pour une part, dans la dépense. La mienne sera d'un tiers, si vous avez des ressources, de la moitié et plus, si l'autorité provinciale, dispensatrice des fonds, juge que vous êtes pauvre. Les frais d'entretien resteront à votre charge, mais où l’État construit aujourd'hui une route de deux lieues, vous en aurez six d'une lieue pour rattacher successivement toutes les communes du pays aux stations de chemins de fer ou autres grandes voies de communication.

Je crois que la proposition serait acceptée avec reconnaissance par nos populations et que chacun y trouverait un très grand avantage.

Messieurs, en comparant les budgets des travaux publics et ceux des voies et moyens, on est frappé d'un fait, c'est que le produit des barrières diminue dans la proportion de l'extension de nos voies pavées, de sorte que si les constructions par l’État continuent encore pendant dix ans, non seulement il n'y aurait plus d'excédant, mais il y aurait déficit ; en 1845 le produit des barrières était de 1,883,000 fr., en 1856 il était tombé à 1,531,000 fr., soit plus de 350,000 fr. de moins, quoiqu'on eût construit pendant cette période de nombreuses routes. N'est-ce pas là l'indication la plus évidente qu'il importe que l’État se débarrasse d'une de ses attributions, et fait-il autre chose en concédant des lignes de chemin de fer à des compagnies, après avoir construit lui-même les meilleures lignes, celles qu'on considérait comme les plus productives ?

Je dirai quelques mots à propos des plantations des routes de l’État.

Je suis loin d'admirer toutes celles qui ont été exécutées. J'ai vu dans la province de Luxembourg une route ayant plusieurs lieues de développement, bordée de deux lignes de sorbiers, dont les fruits, vendus publiquement par l'administration des domaines ne rapportaient pas plus de 60 tr. annuellement ; cette plantation avait été faite dans l'intérêt d'une petite industrie locale et qui consiste à prendre des grives à l'époque de leur migration.

Dans plusieurs de nos provinces, les plantations laissent peu à désirer, l'expérience ayant démontré depuis longtemps quelles sont les essences les plus productives : elles sont peu nombreuses. Il y a l'orme, le canada, le bois blanc et quelquefois le chêne. Pour savoir à laquelle de ces espèces il faut donner la préférence quand il y a une plantation à exécuter sur un point, on s'enquiert de ce que font les propriétaires voisins. Il n'est pas nécessaire d'avoir un inspecteur des plantations pour appliquer ce système que je considère comme le meilleur.

Et puis, ce fonctionnaire, en le supposant aussi capable que zélé, pourra-t-il visiter en détail toutes les routes de l’État, afin d'indiquer sur chacune d'elles quelles sont les essences réclamées par la nature du sol qui parfois varie constamment ? Si les millions d'arbres qui couvrent nos routes étaient réunis en une forêt, la chose serait déjà difficile ; mais disséminés dans toutes les provinces l'inspection réelle, efficace, me paraît impossible. Dans mon opinion, il faut se borner à recommander aux conducteurs des ponts et chaussées, qui sont les principaux agents des plantations, de se conformer aux usages locaux. La préférence accordée par l'intérêt particulier est une indication qu'on peut considérer comme infaillible.

Je ne sais pas sous quelle inspection ou sous quelle direction nos berges de chemin de feront été plantées, mais en voyant ce qu'on y a fait, on reconnaît que ceux qui ont présidé à ce travail n'avaient pas la moindre notion d'arboriculture.

On est parti de l'idée que l'aune devait avoir la préférence, et on a planté l'aune partout, en remblai et en déblai, dans le sable et dans l'argile, dans les terrains humides comme dans les terrains secs. Qu'est-il arrivé ?

C'est qu'au bout de peu d'années, la nature avait fait justice de ce malencontreux système en remplaçant l'aune malingre et mourant dans les terrains secs et arides par le saule et le bouleau.

Depuis, l'administration a complété l'opération en y ajoutant l'acacia et des arbres verts, et pourtant il y avait, je crois, un inspecteur spécial de plantations attaché au chemin de fer.

Je crois, messieurs, que le gouvernement a bien fait d'abandonner le mode d'élagage, pratiqué dans ces derniers temps ; l'expérience, quoiqu'elle n'ait pas été longue, en a démontré les graves inconvénients. Mais en revenant au mode ancien, on ferait bien de faire exécuter le travail par voie de régie et par des ouvriers qui s'y connaissent. Aujourd'hui que l'élagage est l'objet d'une adjudication, on emploie à ce travail les premiers bûcherons venus et qui très souvent gâtent nos plantations. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je crois devoir présenter encore quelques observations sur les questions relatives aux routes, qui ont été soulevées dans la dernière séance.

Je pense que nous sommes tous d'accord, qu'il nous reste beaucoup et même énormément à faite, pour multiplier nos voies de communication pavées et empierrées, dans la mesure des besoins des localités, c'est-à-dire dans la mesure des vrais besoins du pays.

Je crois que sans être taxé d'utopiste, on peut dire que le résultat que nous pouvons espérer de voir réaliser un jour est celui-ci ; relier entre elles toutes nos communes par des voies pavées et empierrées.

Je sais, messieurs, que le jour où cette grande amélioration sera accomplie, n'est pas très prochain ; peut-être ne luira-t-il pas pour beaucoup d'entre nous ; mais je pense qu'il est bon de bien fixer le but vers lequel nous marchons, afin de pouvoir mesurer la distance que nous avons à parcourir, et de redoubler d'efforts et d'énergie pour nous rapprocher de plus en plus de ce but.

Messieurs, ce serait une grave et même une grossière erreur de croire que le chemin de fer a diminué en général l'utilité des voies de communication pavées et empierrées. Je crois que le contraire est vrai, et cela par une raison fort simple : les chemins de fer ont fait circuler, en quelque sorte, dans le pays une vie nouvelle, en augmentant, dans des proportions incroyables, le mouvement des personnes et des choses.

Mais il est évident que les chemins de fer, à raison même de leur spécialité qui constitue leur perfectionnement, ne peuvent pas faire pénétrer partout leur action bienfaisante et féconde ; il faut que leur organisme soit complétée par les routes pavées et empierrées.

Sous ce rapport, aujourd'hui encore les besoins sont très considérables. Ainsi, dans cette situation, il est évident qu'on ne peut pas songer à réduire les ressources affectées aux routes pavées et empierrées.

Si l'on fait une réduction d'un côté, il faut une augmentation de l'autre. Si vous diminuez l'allocation portée au budget des travaux publics, il faut dans la même proportion augmenter celle du budget de l'intérieur. Cela n'a pas eu lieu cette année, je le regrette profondément.

Mais si ce fait devait se renouveler l'année prochaine, j'ai la conviction intime que la Chambre à une immense majorité userait de son initiative pour réparer cette omission.

La seule question à examiner est celle de savoir si, à raison des changements survenus dans la position, l'emploi de ces ressources ne doit pas être modifié.

Messieurs, quoique toutes les routes pavées ou empierrées soient utiles, on ne peut pas cependant les placer toutes sur le même rang. Vous savez qu'il y a une classification qui existe encore en vertu de la législation qui nous régit, et qui divise les routes en routes de l’État de première et de deuxième classe, en routes provinciales et en routes vicinales.

L'honorable M. d'Hoffschmidt ne semble pas attacher grande importance à ces différentes dénominations. Je ne sais pas si je me trompe beaucoup en traduisant la pensée de l'honorable membre en ce sens : « Peu importe le nom qu'on donne à l'enfant, pourvu que la famille qui (page 325) en sera dotée soit affranchie des frais d’accouchement, d’abord, et ensuite des frais d'éducation et d'entretien. » Pour moi, je pense que ce mode de multiplication est trop commode pour être entré dans les desseins de la Providence qui a en sans doute de bons motifs pour vouloir autre chose.

La qualification des routes serait pour moi aussi chose assez indifférente si elle n'entraînait certaines conséquences financières qui ont leur valeur.

Route de l'Etat, cela veut dire, routes construites et entretenues aux frais du trésor : routes provinciales, routes construites et entretenues par la province ; routes vicinales, routes construites et entretenues aux frais de la commune, sauf le concours, l'intervention de l'Etat dans certaines limites.

Vous voyez donc qu'ici le nom à son importance pour la chose. Je crois, d'ailleurs, que cette classification repose sur des idées justes, logiques, rationnelles, puisqu'elle est basée sur l'importance et l'étendue des relations que les routes doivent desservir.

Les routes de l’État, c'étaient nos grandes voies de communication desservant nos relations avec les pays étrangers et entre les grands centres de populations et de production du pays ; les routes provinciales sont les routes affectés aux communication intérieurs des provinces et jusqu'à un certains point des provinces entre elles, et les routes vicinales, celles qui sont destinées à desservir des relations très importantes, très utiles, mais plus restreintes dans leur rayon.

Il s'agit donc d’un principe qui est vrai dans tous les temps, et qui l'est encore aujourd'hui, et qui doit être maintenu et servir encore de guide.

A la vérité, il y a eu, quant aux routes existantes, un véritable bouleversement par suite de la construction des chemins de fer qui se sont emparés immédiatement des grandes relations internationales, de même que des relations les plus considérables à l'intérieur du pays ; à tel point qu'il est rare aujourd'hui que des distances un peu importantes soient encore franchies autrement que par des voies de communication ferrées, et cela sera encore plus vrai lorsque le chemin de fer du Luxembourg aura été livré prochainement à la circulation. Il en est résulté que les anciennes routes, malgré leurs dimensions en quelque sorte monumentales, ont été, en définitive, réduites à faire l'office de chemins vicinaux ; ce fait a donné lieu à une véritable confusion dans les idées qui a contribué beaucoup à entraîner l’État dans la construction de certaines routes, très utiles sans doute, mais qui ne devaient pas desservir des relations de long parcours et qui appartiennent ainsi bien plus à la catégorie des routes vicinales qu'à relier des routes de l’État, car la classification que j'ai rappelée est fondée avant tout sur l'étendue de l'utilité.

L'intensité de cette utilité n'est que secondaire sous ce rapport, en d'autres termes les routes doivent être classées suivant que les relations à desservir ont un parcours plus ou moins long. Or, il est constant que parmi les routes construites par l’État il en est plusieurs qui n'ont que le caractère de chemins vicinaux, étant destinées à desservir principalement et souvent exclusivement des relations locales ou tout au plus cantonales, c'est-à-dire des relations d'un faible parcours, de manière qu'elles sont absolument dépourvues du genre d'utilité de la destination spéciale essentiellement requise pour ranger une voie de communication parmi les routes de l’État ou parmi les routes provinciales, et cela reste vrai même pour des routes ayant un développement assez considérable, parce qu'alors elles se fractionnent quant à la circulation, n'ayant encore pour objet que des transports à de faibles distances, ce sont pour ainsi dire plusieurs chemins vicinaux placés à la suite les uns des autres.

Or, s'il en est ainsi pour plusieurs voies de communication pavées ou empierrées déjà établies, les mêmes considérations s'appliqueraient à fortiori à celles qui sont encore projetées.

Je citerai deux faits qui viennent à l'appui de mes observations : le premier est celui auquel il a été fait allusion par l'honorable M. Mascart. Je veux parler du produit des barrières qui est éminemment propre à nous révéler l'importance d'une route ; or, il est certain que l'Etat a déjà construit différentes routes sur lesquelles le produit des barrières ne s'élève pas même au tiers des frais d'entretien annuel.

Cela prouve évidemment qu'il n'y a pas sur ces routes une circulation bien active ; or, il est clair que l'utilité d'une voie de communication ne peut se manifester que par l'activité de la circulation qui existe. L'autre fait, c'est que les provinces mêmes ne construisent pas de routes, c'est-à-dire qu'elles ne trouvent plus à faire de chemins pavés et empierres desservant des relations assez étendues, d'un parcours assez considérable pour pouvoir être considérés comme routes provinciales. Comment donc voulez-vous qu'il puisse y avoir encore à construire des routes de l’État proprement dites ?

Je crois donc, messieurs, que nous devons en revenir aux vrais principes, c'est-à-dire laisser aux communes le soin de faire les routes vicinales et leur prêter l'appui de l’État par l'allocation de subsides, sans quoi il y aurait réellement un arbitraire qui produirait les anomalies les plus incroyables d'une province à l'autre, ainsi que cela commence déjà à exister aujourd'hui. Il me paraît incontestable que les routes qui manquent encore pour compléter notre système de voies de communication pavées et empierrées ne sont autre chose que des chemins vicinaux et tout au plus des chemins vicinaux de grande communication ; mais sous ce rapport, il y a des besoins très grands et qui réclament l'emploi de toutes nos ressources, et l’on peut dire que les besoins augmentent dans la proportion des progrès que réalise notre industrie et que réalise surtout l'industrie agricole.

Les routes vicinales qu'il s'agit de faire aujourd'hui sont réclamées plus particulièrement par l'industrie agricole, et il y a là un intérêt immense en jeu.

Je me permettrai de vous citer un seul chiffre pour vous en donner une idée.

Le nombre de chevaux employés dans l'agriculture est, je pense, au moins de 150,000. Savez-vous quelle est la dépense qu'occasionne à l'agriculture l'emploi de ces instruments de travail ? C'est quelque chose comme 50 millions par an.

Eli bien, si ce résultat que je signalais tout à l’heure et que nous devons avoir en vue, celui de relier toutes nos communes par de bonnes voies de communication pavées ou empierrées, si ce résultat était obtenu, j'ai la conviction intime que ce nombre de 150,000 chevaux employés au travail de l'agriculture pourrait être réduit d'un dixième, ce qui ferait une économie annuelle de 5 millions. L'influence que cela pourrait avoir pour la production agricole est immense. Car la production agricole pourrait augmenter dans des proportions presque incroyables, si elle était fécondée par un capital plus abondant, en ce qui concerne l'alimentation publique. Cette réduction a dans le nombre des chevaux a aussi son importance ; car, l'espèce chevaline, il faut bien le dire, fait un peu concurrence, sous ce rapport à l'espèce humaine, en ce sens que les champs qui produisent l'avoine pourraient tout aussi bien donner d'autres denrées directement utiles à la nourriture de l'homme.

Sous ce rapport donc, vous le voyez, il y a ici un intérêt immense en jeu. Tout nous commande d'employer le plus de ressources possible à compléter notre système de routes pavées et empierrées. Mais quel est le genre de routes qui nous manquent ? Ce sont les routes vicinales, sauf de très rares exceptions. Eh bien, je crois que dans un gouvernement constitutionnel surtout, il est bon que les rôles ne soient pas intervertis. Il faut laisser à l'Etat ce qui appartient à l’État et aux communes ce qui appartient aux communes.

Je le répète donc, abandonnons aux communes le soin de faire des routes vicinales ; mais que l'Etat leur vienne puissamment en aide en accordant des subsides et qu'en accordant ces subsides, il stipule aussi au nom de l'intérêt général, c'est-à-dire qu'il exige que les routes se fassent dans d'excellentes conditions de viabilité, et en second lieu qu'on adopte la direction la plus utile à la généralité.

Sons ce rapport il y a quelquefois des abus. Ainsi quand on se rend dans certaines communes, en présence de chemins vicinaux se trouvant généralement dans un état assez déplorable, on rencontre parfois de petites chaussées dont on ne s'expliquerait pas la raison d'être, si l'on ne savait qu'elles conduisent à la maison de quelque personnage très influent dans l'administration et disposant en quelque sorte des destinées de la commune. C'est là un abus qui n'est pas commun, qui existe cependant. Eh bien, à cet abus comme à d'autres, l'administration supérieure peut trouver moyen de remédier dans l'allocation des subsides.

Il y a quelques années, nous avons eu une discussion dans cette Chambre relativement au point de savoir si l'amélioration de la voirie vicinale devait appartenir à l'administration des travaux publics ou à l'administration de l'intérieur. C'est, après tout, une affaire en quelque sorte de ménage intérieur entre MM. les ministres, et aujourd'hui encore la voirie vicinale est dans les attributions du département de l'intérieur ; c'est donc ce département qui est chargé en général de ce qui reste à faire pour compléter notre système de voies de communication pavées et empierrées par l'allocation de subsides.

Mais il y a des routes communales qui ont des rapports si intimes avec les attributions du département des travaux publics qu'il faut bien laisser aussi à ce département une part d'action sur leur développement ; ce sont les routes qui exercent directement l'influence sur le domaine public, c'est-à-dire sur les grandes routes, sur les voies navigables et principalement sur le chemin de fer, qui est de la part du gouvernement l'objet d'une véritable exploitation industrielle. Eh bien, messieurs, je crois que sous ce rapport il y a une mission dévolue au département des travaux publics, mission qui a été jusqu'ici presque entièrement négligée.

Je crois qu'on n'a pas fait assez pour rendre productives les stations secondaires du chemin de fer en y rattachant, les communes qui se trouvent dans leur ressort. En France, le chemin de fer du Nord fait de grands sacrifices pour améliorer les affluents des stations. Eh, bien le gouvernement belge a bien plus de facilités sous ce rapport que la société du chemin de fer du Nord, puisqu'il a à sa disposition tout le corps des ponts et chaussées et de plus une somme annuelle assez importante que lui permet de favoriser la construction des routes les plus utiles au point de vue du résultat que je viens de signaler.

Cependant, messieurs, jusqu'ici on a fait peu de chose. Cela tient peut-être à ce que les deux administrations des ponts et chaussées et du chemin de fer n'ont pas de relations très suivies.

Mais, il y a entre elles un lien commun, qui est M. le ministre, et je crois qu'il ferait une chose très utile, en chargeant l'administration des ponts et chaussées de recueillir des renseignements, et de faire, au besoin des études sur les moyens de relier les stations secondaires aux communes qui les entourent dans un certain rayon. Je le répète, il reste beaucoup à faire sous ce rapport.

Je crois, messieurs, qu'il doit en être dans les autres provinces comme dans la Flandre orientale ; eh bien, je citerai quelques exemples de ce qui existe dans cette dernière province.

(page 526) D'abord, messieurs, le chemin de fer de Gand à Bruges passe entre trois cantons assez importants, il laisse à sa gauche le canton de Nevele et à sa droite les cantons de Somerghem et de Waerschoot, ayant ensemble une population de 50 mille âmes environ ; or les deux stations intermédiaires par lesquelles ces cantons doivent communiquer avec le chemin de fer sont pour ainsi dire entièrement dépourvues de voies de communication pavées ou empierrées.

Je citerai encore la station de Melle, aux portes de la ville de Gand. A côté de Melle il y a des communes importantes, et notamment Meirelbeke, qui ne sont pas reliées à la station.

Sur le chemin de fer de Dendre-et-Waes c'est la même chose. La station de Denderleeuw est très importante, étant située au confluent de quatre grandes lignes ; eh bien, cette station est pour ainsi dire isolée au milieu des champs. Dans la direction vers Audenarde, à une distance de deux ou trois lieues, il y a une population de 40,000 à 50,000 âmes, composant deux cantons, ceux de Herzeele et de Sotteghem, pour lesquels la station de Denderleeuw est encore inaccessible pendant une bonne partie de l'année, quoiqu'elle n'en soit éloignée que d'une faible distance.

Je désire que le gouvernement fasse faire un travail sur les routes nécessaires comme affluents aux stations du chemin de fer. Je ne veux pas l'engager à se charger généralement de la construction de ces routes ; mais je voudrais qu'il allât au-devant des propositions des communes, en leur offrant des subsides qui seraient accordés par le département des travaux publics, indépendamment des subventions ordinaires allouées par le budget de l'intérieur pour la voirie vicinale proprement dite.

Voici donc eu résumé mon avis sur cette partie du service public. Je crois que, sauf de très rares exceptions, l’État ne doit plus se charger lui-même de la construction de routes ; je crois que, quant à présent, on peut se borner à accorder des subsides, mais je désire que ces subsides soient aussi considérables que possible.

Je demande que le département de l'intérieur encourage, en prêtant son concours, l’amélioration de la voirie vicinale en général, et que le département des travaux publics intervienne, en outre, par des subsides spéciaux, quand il s'agit de routes intéressant particulièrement le domaine public et notamment celles qui forment des affluents aux stations du chemin de fer. Telle est, je pense, la véritable destination des fonds portés aux budgets pour le développement de nos routes pavées et empierrées.

M. de Theux. - Messieurs, l'honorable M. Mascart a émis une opinion très absolue. Il veut que l’État ne construise plus aucune route, parce que, dit-il, en construisant encore des routes de l’État, on accorde en quelque sorte un privilège aux localités qui les obtiennent.

Messieurs, en fait, le privilège signalé par l'honorable M. Mascart n'existe pas, au moins pour la partie des routes que je connais.

Ainsi, par exemple, dans la province de Limbourg, aucune route n'a été construite depuis un grand nombre d'années sans que la province soit intervenue pour un quart dans la dépense ; en outre, des subsides sont accordés, soit par les communes, soit par les propriétaires intéressés. Le privilège dont parle M. Mascart n'existe donc pas.

Si l'opinion exprimée par cet honorable membre prévalait d'une manière absolue, il en résulterait que plusieurs localités n'auraient aucun espoir d'obtenir dans l'avenir des moyens de communication, parce que les provinces et les communes n'ont pas de fonds suffisants pour en construire ; force est donc à l'Etat de concourir à combler les lacunes qui existent encore, moyennant les subsides des provinces et des communes.

Je pense, en conséquence, que le système, suivi jusqu'à présent, doit encore être continué, sauf à diminuer l'importance du crédit à mesure qu'on aura acheté de nouvelles routes.

J'admets volontiers qu'on diminue plus tard le crédit et que cette diminution profite à la voirie vicinale.

Mais je crois que la cessation immédiate de toute construction de route constituerait une injustice à l'égard de localités qui, étant moins populeuses, moins riches, après avoir contribué pendant des siècles peut-être à doter les parties les plus riches de voies de communication, resteraient elles-mêmes privées de routes.

L'honorable M. Mascart ne contestera pas, je pense, la justesse de cette observation.

En ce qui concerne la diminution du produit des barrières, elle s'explique naturellement.

Les routes qui rapportaient le plus sont remplacées aujourd'hui, pour le transport des marchandises encombrantes, telles que houille, etc., par les canaux et les chemins de fer. Il est évident que par là le produit des barrières doit diminuer.

Les routes construites depuis rapportent peu. Cela se comprend, parce que ces routes ne sont pas établies dans de grands centres de commerce et d'industrie.

Du reste, l'on a déjà fait observer à cette Chambre, dans d'autres circonstances, que si l'on prend le chiffre des frais d'établissement de toutes les routes, on trouvera que les produits sont très minimes.

Mais il ne faut pas considérer la question à ce point de vue, il faut la considérer au point de vue de l'intérêt général.

S'il s'agissait d'une compagnie financière, l'observation faite par l'honorable M. Mascart serait sans réplique ; mais quand on envisage l'affaire au point de vue de l’État, l'appréciation est bien différente.

L'honorable M. de Naeyer a exprimé le désir que les communes soient reliées entre elles, soit par des routes empierrées, soit par des chemins vicinaux empierrés.

Je m'associe très volontiers à ce désir. Je ne désespère pas que d'ici à un quart de siècle au plus tard le vœu de l'honorable membre ne soit réalisé, si d'une part on construit encore les routes de l’État indiquées au tableau que M. le ministre des travaux publics a communiqué à la Chambre et si, d'un autre côté on augmente graduellement les subsides pour la voirie vicinale. Et alors la situation de la Belgique, sous ce rapport, ne laissera plus rien à désirer.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, l'honorable M. de Naeyer ne m'a pas compris ; je n'ai jamais soutenu qu'il y a une égalité parfaite entre les routes de l’État, les routes provinciales et les routes de grande vicinalité ; ce serait absurde. Je me suis borné à dire que, quelle que soit la dénomination de la route, route de l’État, route provinciale ou route de grande vicinalité, c'est l'utilité qu'elle présente qui doit avant tout engager le gouvernement à intervenir.

C'est ce caractère d'utilité qui doit le guider, plutôt même que le nom de la route, et, à cet égard, je crois, nous sommes parfaitement d'accord avec l'honorable M. de Naeyer.

L'honorable M. de Naeyer dit que l’État doit intervenir par des subsides, comme il le fait déjà. D'accord ; mais dans quelle proportion sera le concours de l’État ? Si le gouvernement n'intervient pas d'une manière un peu large, arrivera-t-on à ce magnifique résultat que l'honorable membre nous annonçait tout à l'heure et que nous désirons tous, à savoir que toutes les communes de la Belgique soient reliées entre elles par des voies empierrées ou pavées ?

Dans mon opinion, il faut que l’État intervienne dans une proportion plus forte, pour obtenir le concours des provinces et des communes ; sinon, vous n'arriverez pas à des résultats bien satisfaisants.

Pour ne parler que de la province que je connais le mieux, je citerai un chemin de grande communication qui part de Bastogne pour aboutir à Laroche ; ce chemin a une étendue de 5 lieues ; il est en construction depuis nombre d'années, il n'est pas très avancé pour cela, quelques parties seules en sont empierrées.

Cependant cette voie de communication serait très utile. Que faire dans semblable circonstance ? J'admets qu'il y a certaine intervention du gouvernement, mais si cette intervention n'est pas assez efficace, elle sera sans résultat. A cet égard, nous sommes d'accord avec l'honorable M. Mascart, qui veut que les ingénieurs de l’État prêtent leur concours. Or, pour veut il faut qu'ils soient à la tête de l'entreprise. Car on ne les mettrait pas sans doute sous les ordres des administrations communales.

C'est seulement ainsi qu'on arrivera au résultat qu'on désire. Si on se borne à dire : Le gouvernement accordera certains subsides et pourra chaque année diminuer l'allocation affectée à ces subsides, ce n'est pas ainsi que nous arriverons, au bout d'un certain temps, à avoir des routes vicinales convenables. C'est pour cela que j'ai insisté en section centrale et dans cette Chambre pour le maintien intégral du crédit.

M. de Naeyer, rapporteur. - C'est ce que j'ai dit aussi.

M. d'Hoffschmidt. - Nous sommes d'accord sur ce point, mais vous ne m'aviez pas compris, quant aux définitions des routes à propos desquelles vous m'avez répondu par une plaisanterie que vous auriez pu nous épargner.

Je désire donc, quant à moi, qu'on maintienne les crédits tels qu'ils sont. Si M. le ministre veut diminuer ce crédit à son budget, il trouvera rationnel que l'on porte une somme équivalente au budget de l’intérieur. Je trouve au reste plus rationnel l’intervention du ministre de l'intérieur pour ces chemins de grande vicinalité ; je la trouve même plus efficace. Si donc M. le ministre veut réduire encore de 100 mille francs le crédit porté à son budget, lors de la discussion du prochain budget de l'intérieur, je m'associerai à une proposition d'ajouter cette somme au crédit de 700 mille francs qui figure déjà à ce budget.

Ce que nous poursuivons avec l'honorable préopinant, c'est la construction, dans le plus bref délai possible, de toutes ces voies de grande communication qui sont extrêmement utiles.

Maintenant, je partage l'opinion de l'honorable comte de Theux, il ne reste plus beaucoup de routes à faire sans doute, mais est-ce à dire qu'il ne faut plus en faire du tout ?

Même parmi les chemins vicinaux qu'il reste à construire, plusieurs peuvent présenter un caractère d'utilité provinciale. Je crois donc, messieurs, que nous devons arriver à cette conclusion qu'il serait fâcheux, en présence des besoins nombreux signalés au gouvernement, de voir réduire encore un crédit aussi utile que celui porté au budget pour cet objet, à moins d'en opérer le transfert au budget de l'intérieur.

Je pense qu'un travail fait par les ingénieurs des pont -et chaussées dans chaque province ferait connaître tous les chemins de grande communication ayant beaucoup d'utilité. Ce travail serait nécessaire pour apprécier la question.

Ce travail pourrait nous être soumis à un des prochains projets de budget ; la Chambre serait à même de connaître les efforts qu'il resterait à faire pour arriver au résultat magnifique que je désire autant que l’honorable préopinant.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Il me semble qu'on est d'accord sur la destination des fonds affectés à l'entretien du réseau déjà si étendu de nos voies de communication par terre.

(page 527) Quelques membres pensent que l’État doit à l'avenir s'abstenir de faire des routes, mais ils admettent son intervention pour accorder des subsides, dans certains cas, pour la construction de chemins vicinaux qui présentent un intérêt spécial, attendu que les grandes artères consistent aujourd'hui dans les voies ferrées. D'autres membres sont moins absolus et pensent qu'il reste encore des routes à construire par l’État. Je pense qu'on peut continuer à pratiquer les choses comme elles l'ont été jusqu'à présent. Tout le monde me paraît être de cet avis. Si je me permets d'arrêter encore un moment l'attention de la Chambre, c'est pour répondre quelques mots à l'honorable rapporteur de la section centrale.

Il pense que pour mettre à exécution les idées qui ont été émises dans cette Chambre on pourrait indifféremment laisser le crédit au budget des travaux publics ou le transporter, pour la plus grande partie du moins, au budget de l'intérieur. Je ne pourrais pas m'associer à un pareil arrangement.

Les routes construites aux frais de l’État l'ont été par les soins du corps des ponts et chaussées. Celles qui restent à construire et dont la dépense doit être supportée encore par l’État, pour la totalité ou pour la plus grande partie, doivent être exécutées de même à l'intervention et sous la surveillance du corps des ponts et chaussées, les crédits nécessaires doivent donc figurer au budget des travaux publics.

Si j’ai parlé de la possibilité de réduire ultérieurement le crédit porté à mon budget et qui est pour l'exercice 1858 de 800,000 francs, c'est parce que depuis plusieurs années, nous avons fait de très grandes dépenses pour compléter les routes de l’État, et les dépenses faites viennent en déduction des dépenses qui restent à faire ; de sorte que d'année en année, j'espère qu'il sera possible de réduire ce crédit, sauf à voir ce qu'il conviendra de faire au budget de l'intérieur ; ce sont là deux questions qui se lient sous certains rapports, mais qui sont séparées et indépendantes au point de vue des allocations budgétaires.

M. Julliot. - Messieurs, je désire soumettre à M. le ministre des travaux publics une question qui intéresse une partie de ma province.

Nous avons des routes pavées qui n'ont que sept et demi mètres de large ; on les plante d'arbres assez rapprochés, et quand ces arbres gagneront un certain développement, la circulation sur les routes ne conservant que six mètres et demi de largeur, sera fort dangereuse dans l'obscurité. Quand l’État tire parti de ses ressources, je l'approuve, mais je me demande si, dans le cas qui m'occupe, la somme de gêne et de danger que présente cette plantation ne dépasse pas la somme d'intérêts matériels qu'elle peut fournir.

Il y a plus ; pour ne pas déparer cette plantation, on plante devant toutes les maisons habitées le long de la route, et qui ont une existence antérieure à ces plantations, on empêche par-là l'accès par voiture à ces habitations, et ces arbres, par leur ombre, hâtent la soirée dans ces maisons d'une heure au moins par jour.

Or, ces arbres devant les habitations sont coupés chaque année par la malveillance, et le gouvernement ne peut être intéressé à provoquer des délits pareils, qui se produiront tant qu'on persistera dans cette plantation gênante pour l’habitant.

D'ailleurs, vous (manque un mot$) pour vexation, et si un jour les propriétaires riverains des routes (manque un mot$) entretenir littéralement à leurs droits, ils assigneraient chaque année l’Etat pour l’obliger à élaguer les branches de ses arbres qui s'étendent sur leur terrain.

Voilà les représailles légales que l’Etat doit éviter et auxquelles cependant il n’échappera pas, s'il persiste à ne pas se montrer accommodant sur le prétendu droit de planter, même devant les habitations, puis de planter au-devant toutes les maisons et sur toutes les routes, questions auxquelles je ne donnerai pas de suite immédiatement, mais que je reprendrai en sous-œuvre au besoin.

Je demande donc si le gouvernement est décidé à ne plus planter devant les habitations, plantation dont il ne retirera rien du reste, et je pense qu'il serait utile de s'en abstenir.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - L'honorable M. Julliot se plaint d'abord de ce que les arbres sont plantés à des distances trop rapprochées. Des plaintes de ce genre ont été déjà produites à l'administration ; je ne me rappelle pas en ce moment si elles émanaient de l'arrondissement qui a envoyé l'honorable membre dam cette enceinte. Quoi qu'il en soit, voici l'explication que je puis lui donner. Sur les remblais, souvent fort élevés, on a jugé convenable de planter les arbres assez près les uns des autres, et cela dans un but de sécurité, dans le but de parer aux inconvénients, aux dangers même que peut offrir la circulation sur ces parties de certaines routes.

Maintenant, afin de ne pas rompre l'uniformité des plantations, on a continué à faire la même chose sur les parties de routes qui se trouvent en déblai. Là, je le comprends, il peut en résulter certains inconvénients ; c'est une chose à examiner, et l'administration des ponts et chaussées a porté son attention sur ce point.

L'honorable membre se plaint aussi de ce qu'on plante des arbres, même devant les habitations ; en règle générale, messieurs, on ne plante pas dans les villages devant les habitations ; généralement là où. il y a une grande agglomération de maisons, il y a solution de continuité dans les plantations. Mais là où l’on rencontre une habitation isolée, on ne peut évidemment pas laisser de lacune, à moins de donner aux plantations des routes l'aspect le plus désagréable.

Cependant, dans ce cas même, quand les arbres plantés devant certaines habitations engendrent des inconvénients sérieux, l'administration s'entend avec le propriétaire et lui permet, moyennant une certaine redevance, d'enlever les arbres plantés devant sa demeure.

Agir autrement, messieurs, serait s'exposer à voir réduire d'une manière assez sensible un produit très important pour l’État. Je crois donc qu'on peut se maintenir dans la ligne de conduite qui a été adoptée en cette matière.

M. d'Hoffschmidt. - Je crois nécessaire de donner quelques explications sur une observation que vient de présenter l'honorable M. Partoes.

Il a dit que je voulais faire opérer le transfert du crédit du budget des travaux publics au budget de l'intérieur. L'intervention du gouvernement pour la construction de chemins vicinaux, se fait au moyen de deux crédits qui figurent l'un au budget des travaux publics, l'autre au budget de l'intérieur, car on nous a dit qu'on prélève, sur le premier, des subsides pour les chemins vicinaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est l'exception.

M. d'Hoffschmidt. - Soit ; peu importe le chiffre. Dès lors, si vous diminuez l'allocation votée au budget des travaux publics, vous devrez diminuer également dans certaine mesure la part d'intervention de l’État dans les frais d'établissement des chemins vicinaux, pour lesquels cependant on reconnaît qu'il reste beaucoup à faire. M. le ministre de l'intérieur le reconnaît sans doute aussi, et dès lors il doit admettre qu'il conviendrait de reporter au budget de l'intérieur ce qu'on retranchera du budget des travaux publics. Cela me paraît parfaitement logique ; il appartiendra à la Chambre de décider si mon observation est fondée.

M. A. Vandenpeereboom. - Je suis tout disposé à voter la réduction proposée, mais à une condition, c'est que, de son côté, le gouvernement se montre disposé à augmenter de pareille somme le budget de l'intérieur à l'article voirie vicinale. S'il ne prenait pas cet engagement, je ne pourrais évidemment pas consentir à réduire de 100,000 fr., le crédit qui doit figurer au budget des travaux publics. N'ayant pas reçu encore le budget de l'intérieur pour 1859, je prierai M. le ministre de l'intérieur de nous faire connaître ses intentions à cet égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement ne fait pas la moindre difficulté à prendre l'engagement de reporter au budget de l'intérieur les sommes qui seront retranchées du budget des travaux publics en ce qui concerne la voirie. S'il y a des économies à introduire dans les dépenses publiques, la Chambr" sera certainement unanime pour reconnaître que ce n'est pas sur les dépenses nécessaires à l'établissement de voies de communication qu'elles doivent porter.

Il est donc bien entendu que ce qui serait retranché du budget des travaux publics, du crédit affecté aux routes, serait reporté au budget de l'intérieur pour l’amélioration de la voirie vicinale.

M. Tack. - Je voudrais présenter quelques observations à la Chambre et au gouvernement au sujet de la perception des droits de barrières et des péages sur certains points.

La loi de 1838 dispose qu’il ne peut y avoir plus d'une barrière dans l'intervalle de 5,000 mètres, sauf la tolérance de 500 mètres en ce qui concerne le placement des poteaux, en deçà ou au-delà de la distance rigoureusement prescrite par la loi.

Le but du législateur a été sans doute de faire en sorte que la charge pesât d'une manière égale sur tous ceux sur qui elle doit tomber, sur tous ceux qui empruntent la route et qu'elle ne grevât pas seulement quelques-uns. C'est donc une idée d'équité distributive qui a présidé à l'adoption de cette règle.

Au surplus, si l'on se reporte à l'origine de l'établissement des barrières ou si l'on examine l'arrêté-loi de 1815, on voit, par son préambule, que le législateur a voulu créer un impôt modéré et point vexatoire. Or, messieurs, bien souvent, lorsque la perception du droit de barrière est compliquée d'un péage, sur un point, l'esprit de la loi est méconnu. Plusieurs pétitions ont été adressées à cette Chambre par lesquelles les intéressés demandent que l'exemption dont jouit l'agriculture quant au droit de barrière pour le transport de ses produits, soit étendue aux péages sur les ponts ; les motifs étant les mêmes, cela serait rationnel et dans l'esprit de la loi. Il est d'autres cas où l'on perd bien plus complètement de vue l'esprit de la loi ; en voici un exemple. Les habitants des communes riveraines de la Lys, situées à proximité du grand pont jeté sur cette rivière dans la traverse d'Harlebeke, payent, quand ils vont au-delà de cette ville un triple péage pour une distance de 3 à 4 kilomètres. Ainsi les voitures venant de la commune de Hulste et se dirigeant sur Deerlyk, acquittent le droit au passage du poteau placé à proximité du cabaret dit le Berger, au pont d'Harelbeke et à l'endroit dit les Moulins.

Il est évident, messieurs, qu'il y a ici une espèce d'irrégularité, ou même d'inégalité. J'admets qu'il ne faut pas confondre les péages sur les ponts avec les droits de barrière sur les routes. Mais toujours est-il que la charge dans le cas que je cite est excessivement lourde pour ceux qui y sont astreints et peu en harmonie avec le vœu du législateur qui avant tout, a voulu la modération dans la perception ; il y a loin de là à la distance légale de 5,000 mètres. Je dirai plus, le péage dont je parle fût établi primitivement au profit de la ville d'Harlebeke en vertu d'un arrêté royal de 1827 ; postérieurement, le gouvernement repi t les travaux d'art de la Lys et par conséquent les ponts ; mais dans quelles conditions ? Il fut stipulé que la reprise aurait lieu aux conditions dans (page 528) lesquelles se trouvait le pont en 1819 ; c'est-à-dire à l'époque où il était à charge de la province, et alors qu'on n'y percevait aucune taxe.

Il eût donc été rationnel que le péage fût aboli lors de la reprise par l’État. C'est ce qui eut lieu ; mais, chose étrange, la suppression n'eut lieu qu'en faveur d'une seule localité qui eut soin de stipuler pour elle. Les péages furent abolis en faveur de la ville d'Harlebeke ; de sorte qu'il y a ici une espèce d'anomalie qui ressemble beaucoup à une violation de la Constitution, laquelle veut l'égalité des charges.

Si j'ai bon souvenir, la députation permanente de la Flandre occidentale a émis une opinion sur cette question et a été formellement d'avis qu'il convenait de supprimer ce droit exorbitant qui pèse sur les habitants des communes qui environnent la ville d'Harlebeke.

Cette suppression, messieurs, serait un bienfait pour l'agriculture, et le trésor public n'en éprouverait pas une perte considérable. D'un côté l'impôt est fort onéreux pour ceux qui le payent ; en fait, il retombe sur quelques cultivateurs et sur quelques industriels, et d'autre part, il ne procure pas à l’État une ressource bien important, car la recette totale s’élève à 900 fr. et les frais de perception à 400 ou 500 fr. c'est-à-dire à près de 50 p. c. de la recette brute.

Un tel résultat condamne par lui-même cette perception. Je demanderai donc à l'honorable ministre, de vouloir fixer son attention sur cet objet ; j'ai la conviction qu'il partagera l'opinion émise par la députation permanente.

En abolissant la taxe, il fera disparaître une charge très onéreuse pour ceux qui l'acquittent, illégale au point de vue du strict droit, et improductive en définitive pour le trésor.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). Messieurs, l'honorable M. Tack vient de vous entretenir d'un fait tout à fait spécial. Il ne s'attend pas probablement à ce que je le suive dans tous les détails où il est entré. Cela me serait d'ailleurs impossible ; je n'ai pas ces détails dans la tête et je n'ai pas été prévenu de l'interpellation. Je suis donc obligé de répondre d'une manière un peu générale et sans pouvoir bien préciser les faits.

L'honorable membre s'est élevé contre la perception qui se fait au pont d'Harlebeke. Si ma mémoire me sert bien, les choses ne se sont pas tout à fait passées dans l’état où on les a présentées.

L'honorable M. Tack a été jusqu'à voir dans ce péage une infraction à la constitution. Il s'est plaint qu'il y eût un droit de barrière et un droit de pont à payer.

Le droit de barrière est dû pour la route. Quant au pont, si je ne me trompe, il a été construit dans le temps par la commune, laquelle fut autorisée à percevoir un péage ; c'est-à dire que la commune était concessionnaire du pont. Il s'est trouvé qu'on a laissé tomber le pont en ruine et que l’État a dû le reconstruire. Dès lors il s'est mis aux lieu et place du concessionnaire et il a prélevé le péage. Cela, me paraît-il, est très naturel et tout à fait régulier, et je ne vois rien là d'inconstitutionnel.

Il est possible que les renseignements que je viens de fournir ne soient pas exacts en tout point ; mais au fond, les choses sont bien, je pense, ainsi que je les ai représentées.

M. Van Overloop. - Dans la séance du 26 janvier, nous avons renvoyé à M. le ministre des travaux publics une pétition du sieur de Baer de Saint-Nicolas qui se plaignait du placement de certains poteaux de barrière.

Je désire savoir de M. le ministre s'il a examiné les faits signalés par M. de Baer, et, dans l'affirmative, quel a été le résultat de cet examen. Si des poteaux sont illégalement établis, il s'opère nécessairement une perception illégale du droit de barrière, et il faut non moins nécessairement faire disparaître cet état de choses.

Je pense que, quoique je signale un fait spécial, l'honorable ministre des travaux publics pourra me donner immédiatement une réponse.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je ne puis répondre sur le fait spécial que vient d'indiquer l'honorable M. Van Overloop. Mais il m'a parlé des irrégularités qui existaient, quant à la perception des droits de barrières. Des irrégularités, en effet, se présentent sur quelques points.

La loi qui a fixé les droits de barrière a établi qu'il ne pouvait y avoir qu'une barrière par distance de 5,000 mètres. Aussi longtemps qu'il n'y avait que des routes principales, les routes de l’État et les routes provinciales, on ne s'est pas aperçu que, dans l'application, il y eût des inconvénients.

Aujourd'hui voici ce qui arrive : on a construit un grand nombre de chemins vicinaux de grande communication sur lesquels on perçoit légalement des taxes, et par suite les choses se sont compliquées. Les routes ou chemins assujettis à la taxe des barrières se croisant en tous sens, il arrive que lorsqu'on passe d'une route sur une autre on rencontre parfois deux poteaux à une distance de moins de 5,000 mètres. Cela se conçoit. Je suppose une ligne directe coupée par une ligne diagonale ou transversale ; il peut se faire que les distances, ayant été établies spécialement sur la ligne directe et sur la ligne diagonale, on trouve, en passant au point d'intersection d'une ligne sur l'autre, des poteaux qui sont à une distance de plus ou de moins de 5,000 mètres. Quand c'est plus on ne dit rien, quand c'est moins on se plaint. C'est toujours une exception, mais cette exception soulève des réclamations de la part de ceux qui en souffrent.

II y a un remède possible : c'est de changer la distance qui a été fixée. Si l’on appliquait, par exemple, le droit de barrière par kilomètre, l'inconvénient disparaîtrait en grande partie. C'est une question à examiner. Il reste à voir s'il convient d'introduire cette modification ou tout autre au régime existant, ou s'il vaut mieux subir l'inconvénient qui a été signalé. C'est une question sur laquelle le gouvernement aura à se prononcer plus tard.

- La discussion est close. L'article 7 est adopté.

Article 8

« Art. 8. Plantations nouvelles sur les routes : fr. 41,000. »

M. Vander Donckt. - Messieurs, on a beaucoup parlé des plantations ; on a beaucoup critiqué celles qui étaient déjà faites sur nos routes et sur nos canaux. Je crois que ces plaintes sont singulièrement exagérées. Dans la province que je connais le mieux, la Flandre orientale, je crois pouvoir dire que les routes sont plantées d'une manière assez régulière, que les essences ont été choisies avec soin et que les arbres y sont d'une belle venue.

Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de plusieurs honorables préopinants de nommer un inspecteur ou des surveillants spéciaux des plantations, aujourd'hui surtout que l'honorable ministre des travaux publics nous déclare que les plantations sont pour ainsi dire achevées, et que d'ici à peu d'années elles le seront complètement.

On a parlé, messieurs, des essences et des élagages, on a dit que le corps des ponts et chaussées n'a pas les connaissances spéciales nécessaires dans cette partie du service. Il a été répondu à cela que l'on consulte les hommes compétents. Je crois qu'on pourrait faire quelque chose de plus : il y a aujourd'hui des comices agricoles répandus sur toute la surface du pays ; ils sont composés d'hommes très compétents, d'agriculteurs, de propriétaires et d'agronomes distingués ; je crois qu'on pourrait les consulter avec fruit ; je crois qu'ils donneraient à l'administration des ponts et chaussées d'excellents conseils pour l'élagage et le choix des essences à préférer pour les plantations.

Je désire interpeller l'honorable ministre des travaux publics sur la législation qui nous régit et sur laquelle l'honorable M. Lelièvre a spécialement insisté dans la session précédente ; je veux parler de ce qui concerne les distances à observer dans les plantations. Si je suis bien informé, le gouvernement doit avoir fait des études spéciales sur cet objet. Récemment une brochure nous a été distribuée sur ce sujet, par un jurisconsulte ; je désirerai beaucoup savoir où en sont les études que le gouvernement a fait faire et quelle est son opinion à cet égard. Il est évident qu'il y a quelque chose à faire ; les griefs signalés par l'honorable M. Lelièvre sont très réels et il est temps d'y mettre ordre.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Le gouvernement a fait une enquête dans les provinces sur la question de l'application des lois et des règlements en matière de plantation. En général on est d'avis que les seules dispositions applicables en matière de plantation le long des routes de l’État sont les dispositions de la loi du 9 ventôse an XIII, celles du décret du 16 décembre 1811 et enfin l'article 671 du Code civil. Ce sont ces dispositions qui se trouvent citées dans la brochure dont l'honorable membre vient de parler.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.

Section II. Bâtiments civils
Article 9

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l’État : fr. 100,000.

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

M. le ministre des travaux publics a proposé d'augmenter de 13,500 fr. le crédit de 10,000 fr. porté aux charges extraordinaires.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Messieurs, sur le crédit destiné aux bâtiments civils, une somme de 10,000 fr. est affectée annuellement à l'entretien de l'entrepôt d'Anvers. Cette année, par suite de l'écroulement d'une partie de cet entrepôt, des besoins tout à fait nouveaux ont surgi, mais ils n'ont pas été signalés en temps utile pour que le supplément de crédit qu'ils nécessitent pût être porté au projet de budget ; ils ont été portés à ma connaissance par un rapport récent sur les mesures à prendre pour la conservation des bâtiments avoisinant la partie de construction écroulée.

Ce rapport signale la nécessité absolue de faire des travaux de conservation, pour lesquels il y a, sur le crédit porté au budget, un déficit de 13,500 fr. C'est la somme que je propose d'ajouter au crédit en discussion ; elle est tout à fait indispensable pour éviter à l’État des dépenses plus considérables.

- L'article est mis aux voix et adopté avec l'augmentation proposée par M. le ministre.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage, des polders et des chemins de fer en construction
Article 10

« Art. 10. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire, et dépenses d'exploitation des canaux et rivières : fr. 708,079.

« Charge extraordinaire : fr. 223,000. »

M. Ch. Lebeau. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour présenter quelques observations sur les travaux d'entretien et d'amélioration des canaux et rivières. Les travaux d'entretien font l'objet de l'article 10, et les travaux d'amélioration font l'objet des articles 11 à 37. Je vois figurer dans ces articles des crédits pour presque tous les canaux et rivières du pays ; il n'y a guère d'exception que pour la Sambre canalisée.

(page529) La quatrième section, dont j'avais l'honneur de faire partie, a émis le vœu que des travaux d'approfondissement fussent exécutés dans cette rivière, afin de lui donner un tirant d'eau de 1 mètre 80 c, et ce vœu a été reproduit par la section centrale.

L'utilité de ce travail me paraît incontestable, et vous allez, messieurs, l'apprécier comme moi.

Sur la partie de la Sambre canalisée qui est en Belgique, les bateaux ne peuvent prendre qu'un tirant d'eau de 1 mètre 50 c, tandis que sur la partie française, de même que sur toutes les autres voies navigables vers Paris et Rouen, le tirant d'eau est de 1 mètre 80 c.

Il en résulte qu'il est impossible aux bateaux d'un fort tonnage de venir prendre une charge complète à Charleroi. Or, comme les frais de batelage et de halage, le salaire des bateliers, etc., sont les mêmes pour des bateaux d'un faible tonnage que pour des bateaux d'un tonnage plus fort, le fret doit être plus élevé qu'il ne devrait l'être à cause de cette circonstance.

Vous comprenez, messieurs, qu'il est de l'intérêt des industriels, comme de l'intérêt général, qu'il soit mis fin à cet état de choses.

Il y a plus, messieurs, c'est que les bateaux qui n'ont qu'un port de 70 tonneaux et qui naviguent sur le canal de Charleroi, ne peuvent même prendre un chargement complet sur la Sambre en aval de Charleroi, parce que leur tirant d'eau dépasse 1 mètre 50.

Le gouvernement a compris lui-même la nécessité d'approfondir la Sambre. Ce travail a été mis à l'étude. Je crois que les études sont terminées et que le devis des dépenses à faire est connu du gouvernement. D'après ce qui m'a été dit, ce devis s'élèverait de 1,500,000 à 1,600,000 francs.

Or, je demande si le gouvernement doit reculer devant cette dépense, alors que la Sambre donne de si beaux produits à l'État.

Ainsi, nous voyons que chaque année les recettes de la Sambre s'élèvent à 600 et des mille francs, tandis que la dépense ne comporte guère qu'une somme de 100,000 fr. ; de sorte que l’État fait un bénéfice net de plus de 500.000 fr.

Or, je crois que quand un canal rapporte d'aussi beaux bénéfices, il est juste que le propriétaire du canal y fasse les travaux d'amélioration nécessaires.

Indépendamment de la Sambre canalisée qui rapporte de si beaux bénéfices à l’État, le bassin de Charleroi a encore le canal de Charleroi à Bruxelles. Ce dernier canal procure chaque année au trésor un revenu net de plus de 1,500,000 francs.

Savez-vous, messieurs, quelle est la dépense d'entretien pour tous les canaux du pays ? Elle est de 1,280,000 francs, tandis que le produit est de 3,020,000 francs ; de sorte qu'il y a un boni annuel de 1,740,000 fr., ce boni est fourni presque exclusivement par les deux canaux du bassin de Charleroi, la Sambre et le canal de Charleroi à Bruxelles.

Je pense donc qu'il est de l’intérêt du trésor, comme de l'intérêt général, d'exécuter des travaux d'approfondissement à la Sambre canalisée.

Une autre considération milite encore en faveur de l'exécution de ces travaux. Vous savez, messieurs, que les produits du bassin de Charleroi s'expédient en grande partie vers Paris et Rouen. Jusqu'ici les transports se sont toujours effectués par la Sambre. Mais depuis que le chemin de fer de Charleroi à Erquelinnes est prolongé vers St-Quentin et Paris, et que ce chemin de fer se trouve entre les mains de la compagnie du Nord, le chemin de fer du Nord fait une rude concurrence à la navigation.

Cependant le fret sur la Sambre est arrivé au taux le plus bas, au taux de 10 francs ; eh bien, malgré ce bas prix du fret, le chemin de fer fait à la Sambre une concurrence telle, que si la compagnie du Nord baissait quelque peu ses prix, elle tuerait complètement la navigation.

Il est donc de l'intérêt du trésor d'empêcher cet événement en améliorant la rivière, car si le chemin de fer attirait vers lui tous les transports de charbons, la navigation de la Sambre serait perdue, l’État serait privé d'une recette annuelle de 600,000 francs, et il n'en aurait pas moins à pourvoir aux frais d'entretien.

D'un autre côté, nos produits ont à soutenir en France la concurrence contre les produits anglais et les produits du nord de la France et du Pas-de-Calais. Pour lutter avec quelque avantage contre ces produits étrangers, il faut que notre fret ne soit pas trop élevé.

En effet, si le fret est trop élevé, nous perdrons le marché français, et si nous perdons le marché français, nous ne fournirons pas nos produits sur le marché belge dans une proportion plus grande que celle dans laquelle nous fournissons actuellement.

En effet, cela ne ferait pas augmenter le marché de la Belgique. Si nous perdions le marché français, force nous serait alors de réduire notre production, et si nous réduisons notre production, cela fait augmenter le prix de revient de la marchandise, et, par suite, la prix de vente.

Il est donc de l’intérêt général que nous conservions nos débouchés à l'étranger.

Les consommateurs se plaignent souvent du haut prix des charbons dans notre pays. Ils ont raison jusqu'à un certain point. Mais à qui la faute ? A l'élévation du prix des transports.

Les charbons indigènes ne se vendent pas sur les lieux de production à des prix plus élevés que les charbons étrangers sur les lieux mêmes de production à l'étranger. Qu'y a-t-il de plus cher en Belgique ? Ce sont les frais de transport, vous allez en juger.

Il y a de Charleroi à Gand 101 kilomètres, et, de Charleroi à Paris, 286 kilomètres. Eh bien, savez-vous quel est le fret ordinaire de Charleroi à Paris. De Charleroi à Gand, le fret est d'environ 8 fr. en moyenne ; il va quelquefois jusqu'à 9 fr. ; de Charleroi à Paris, le fret est de 10 fr. en moyenne, droit de douane compris. Vous voyez donc que le fret de Charleroi à Gand est à peu près le même que celui de Charleroi à Paris.

Vous comprenez dès lors que si les charbons coûtent à Gand 13 ou 14 fr. la tonne, tandis qu'à Charleroi ils ne coûtent que 6 à 7 fr., cette différence tient à l'élévation des frais de transport.

Maintenant l'élévation des frais de transport provient ordinairement de vices existants dans l'établissement des voies de communication. On nous fait faire de longs détours pour arriver des lieux de production dans les centres de consommation, ou bien les transports se font dans de mauvaises conditions.

Nous ne craignons pas la concurrence étrangère ; je suis partisan autant que qui que ce soit de la liberté commerciale, toutes choses égales d'ailleurs, car il y a une singulière anomalie dans les péages sur les canaux. C'est que tous les canaux qui partent des ports de mer pour venir dans l'intérieur du pays n'ont qu'un péage très minime, tandis que les canaux qui partent des centres de production pour arriver aux centres de consommation, ont des droits considérables.

Je prends pour exemple le canal de Charleroi. On paye 2 francs par tonne pour arriver de Charleroi à Bruxelles, tandis que si vous arrivez des ports de mer dans l'intérieur du pays, vous payez une taxe bien moins élevée. Il faudrait faire l'inverse. Le péage devrait être très bas pour aller des centres de production vers les centres de consommation. Au lieu de favoriser la production belge, vous semblez par la manière dont le péage est établi, encourager l'importation des charbons ou des autres matières étrangères.

Il est une autre anomalie. Elle résulte du droit de péage sur l'Escaut que l'on perçoit à Anvers sur les navires qui arrivent de l'étranger avec des marchandises. Ce droit qui est de 3 francs 17 cent. par tonne est remboursé. Or, c'est là une véritable prime que vous accordez aux navires anglais qui importent du charbon en Belgique.

J'ai l’espoir que M. le ministre des travaux publics aura égard aux observations que je viens d'avoir l'honneur de lui présenter. Elles sont, je le répète, non pas d'un intérêt local, mais d'un intérêt général ; elles tendent à favoriser les producteurs comme les consommateurs ; elles ont, en un mot, pour objet de sauvegarder les intérêts de l'industrie, du travail national et du trésor public.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Messieurs, l'honorable membre qui vient de se rasseoir vous a fait la démonstration de l'utilité qu'il y a d'approfondir la Sambre ; il vous a fait connaître que cette utilité avait déjà été reconnue par le gouvernement, je ne puis que confirmer ce que vous a dit sur ce point l'honorable M. Lebeau.

Je me permettrai de faire observer que cela n'a pas un rapport très direct avec les articles en discussion.

L'honorable membre a fait connaître que pour approfondir la Sambre il faut un crédit de seize cent mille francs. Jetez les yeux sur les sommes portées au budget pour les travaux d'amélioration des canaux et rivières, et vous verrez, messieurs, que les crédits s'appliquent à des travaux d'une tout autre nature que ceux dont l'honorable membre vient d'entretenir la Chambre. Pour faire face à des travaux de l'espèce de ceux dont il a parlé, on a eu recours à des fonds spéciaux. Quand les ressources auront été créées, on pourra s'occuper de l'approfondissement de la Sambre. C'est alors seulement qu'il sera possible de faire une proposition à la Chambre.

C'est précisément parce que le gouvernement a l'intention de faire exécuter à la Sambre ces travaux importants qu'il n'a porté aucune somme au budget pour cet objet. Ce qu'il y a à faire, C'est d'approfondir la rivière et cela exige un crédit spécial.

Je ne toucherai pas maintenant à la question des péages, ni à celle du remboursement du péage de l'Escaut ; ce sont des questions très ardues qui doivent venir dans un autre moment et que je crois pouvoir me dispenser de traiter actuellement.

M. de La Coste, rapporteur. - L'honorable M. Lebeau vient d'anticiper sur une question que nous aurons à discuter dans quelque temps : la réduction des péages sur les canaux.

Je ne suivrai pas son exemple, mais je demanderai à la Chambre la permission, afin qu'on ne conçoive pas certaines préventions, certains préjugés, de faire deux observations : la première, c'est que tout le monde n'est pas tout à fait d'accord avec l'honorable M. Lebeau, ni avec les calculs qui ont été présentés à la Chambre sur l'évaluation du fret. C'est un point qu'il faut réserver, qui sera discuté ultérieurement.

Des personnes très entendues qui ont examiné la question avec beaucoup de soin, sont d'avis que le transport par le canal de Charleroi est au contraire fort favorisé relativement au transport par le chemin de fer de Charleroi à Louvain ; que la concurrence par cette dernière voie est presque impossible quand il n'y a pas transbordement à Bruxelles et que, quand il a lieu, la différence de fret est peu sensible entre les deux voies. On sait que par le chemin de fer, le transbordement est forcé, tandis que par le canal il ne l'est pas, ce qui constitue un grand avantage.

Ma seconde observation est que je ne concevrais pas bien qu'il y eût à Charleroi une sorte de jalousie envers le chemin de fer de Charleroi à Louvain ; en effet, c'est une voie de communication établie au moins autant dans l'intérêt de Charleroi que dans l'intérêt de Louvain ; car, en général, on considère les voies de communications comme plus (page 530) avantageuses encore pour le centre de production que pour le lieu où les denrées arrivent.

Je passerai maintenant à une autre question : pendant de longues années, la plupart des rivières ont été fort négligées ; on se bornait à l'entretien ordinaire, encore y donnait-on peu de soins et ne faisait-on que des dépenses insuffisantes. On aurait pu supposer que l'intérêt local et celui des provinces auxquelles le gouvernement des Pays-Bas avait confié la direction des rivières, même navigables ou flottables, on aurait pu supposer, dis-je, que ce double intérêt aurait produit un résultat très favorable ; mais les communes ou les provinces sous les territoires desquelles les travaux doivent se faire n'ont qu'un intérêt très faible à leur exécution, et quelquefois elles y ont un intérêt contraire.

Ainsi, on a bien fait de ramener ces travaux sous la direction du gouvernement. Depuis un certain temps ils ont pris un très grand développement, on ne s'est pas borné à voter des allocations dans le budget, mais on a voté des crédits spéciaux considérables ; il importe donc de savoir quelle direction on donne à ces travaux dispendieux, quel est le but qu'on s'y propose, C'est, sans doute, d'augmenter les bienfaits de la mission que la nature elle-même a donnée à ces cours d'eau et de diminuer les inconvénients que leurs eaux occasionnent parfois. Les inconvénients sont les dégâts que les inondations entraînent ; les avantages sont, d'une part, ceux de la navigation, de l'autre, le moyen d'assèchement que les rivières procurent et en même temps l'irrigation des propriétés pour lesquelles c'est l'agent le plus puissant de fécondité.

Ainsi lorsque les fleuves et rivières traversent des bassins de prairies dont les inondations, en temps convenable, font la richesse, puisqu'il s'agit d'augmenter les avantages et de diminuer les inconvénients des eaux, on peut dire que les travaux sont pour le moins incomplets, quand ils aboutissent, sous un rapport, à un but contraire à celui qu’on s'est proposé en enlevant l'eau nécessaire aux irrigations. Je ne me hâterai pas alors pourtant de dire que les travaux sont mauvais, mais qu'il y manque quelque chose, qu'ils doivent être complétés.

On me dira peut-être : Comment atteindre ce double but, faciliter l'écoulement des eaux et en même temps faire en sorte que l'eau se trouve à propos pour servir aux irrigations ? Mais c'est l'A. B. C. de la partie de l'agriculture qui s'applique à l'aménagement des prairies, quand on travaille sur une petite échelle. Un propriétaire, maître d'un cours d'eau, a soin, par des travaux convenables, de faire écouler les eaux à propos et de les amener également à propos sur sa prairie.

Eh bien, quand on travaille en grand, quand il s'agit de travaux à faire à une rivière dans le lit de laquelle les riverains n'ont pas le droit d'exécuter des ouvrages, il n'y a que l’État qui puisse faire les travaux nécessaires.

Et comment atteint-on ce but en grand comme en petit ? Principalement par des barrages placés convenablement et ces barrages sont nécessaires non seulement dans ce but, mais aussi pour les besoins de la navigation. Ainsi, je citerai un exemple. Je ne connais pas la Dendre canalisée ; maïs suivant ce que j'ai appris d'un honorable collègue, cette partie de la Dendre est renfermée entre des digues et l'eau y est retenue, autant que j'ai pu le comprendre, par des écluses. L'eau étant tenue ainsi à une certaine hauteur, il ne s'agit que de la laisser écouler, en temps opportun, sur les propriétés riveraines. .

Des travaux d'irrigation comme les travaux d'assèchement, doivent être faits sans doute aux frais des propriétaires, sur leur propre sol ; mais, comment voudrait-on qu'ils fissent des travaux d'irrigation si on leur enlève l'eau qui leur est nécessaire.

Voilà, messieurs, ce qui arrive au Demer, dans une partie de son cours, par suite des travaux exécutés, et, cependant, je ne vois que l'on propose aucun crédit pour remédier à cet état de choses. Si le fait ne s'était produit que depuis une année, on pourrait croire qu'il est dû à quelque cause extraordinaire, comme l'extrême sécheresse que nous avons eue ; mais, voilà deux ans, que des prairies qui jouissaient du bienfait des irrigations en sont complètement privées ; et par irrigations j'entends non seulement des irrigations régulières, artificielles, mais aussi des irrigations naturelles, c'est-à-dire, celles que produisent les inondations aux époques favorables.

Je ne veux en aucune façon me prononcer sur les travaux exécutés ; je les crois bons autant qu'ils ont atteint une partie du résultat qu'on a eu en vue, mais je ne les crois pas complets, je pense qu'il ne faut pas s'arrêter encore. En effet, je vois qu'à l'égard d'une des rivières sous lesquelles on nous demande des crédits considérables, le gouvernement a racheté trois usines situées sur ce cours d'eau, et cela pour que tous les barrages lui appartiennent, et qu'on en puisse librement disposer.

Mais qu'a-t-on fait à l'égard du Demer ? On n'a pas créé un seul barrage ; on n'en a pas repris un seul de l'industrie privée. Je n'ai pas les connaissances techniques assez étendues pour savoir au juste ce qu'il aurait fallu faire, je me borne à signaler le résultat.

Ce résultat, messieurs, n'est pas seulement fort pénible pour des riverains qui, au lieu de recevoir un bienfait comme ils s'y attendaient, ont eu à subir une dépréciation considérable de leurs propriétés, mais c'est aussi une perte, pour la richesse publique, pour le pays. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de porter toute son attention sur ce point. Il comprendra aisément la nécessité de remédier à cet état de choses ; d'ailleurs la navigation sur le Demer est extrêmement imparfaite, extrêmement lente ; peut-être que, également à ce point de vue, la construction d'un ou de nouveaux barrages serait utile.

Qu'il me soit permis d'ajouter un mot encore.

II y aurait une utilité réelle, selon moi, à poursuivre les travaux du Demer en amont de Diest jusqu'au point de jonction avec le canal de la Campine. Sous le gouvernement autrichien, l'on a exécuté certains travaux à l'effet de rendre le haut Demer navigable ; je ne sais si l'on pourrait en tirer parti pour opérer cette jonction ; mais, en tout cas, il ne faudrait pas pour cela des sommes bien considérables, et l'on aurait ainsi une voie navigable unissant la Meuse au Rupel par l'embranchement du canal de la Campine qui se dirige vers Hasselt, le Demer ou la Dyle ; voie fort intéressante pour la navigation intérieure.

Je ne sais pas même si, par ce moyen, on ne pourrait obtenir également une alimentation plus abondante du canal de la Campine.

Il coule en effet dans la vallée du Demer plusieurs cours d'eau qui se réunissent et donnent un volume assez considérable. Peut-être l'un ou l'autre pourrait-il être utilisé dans le but que je viens d'indiquer.

Je soumets ces observations à la Chambre et je les recommande à l'attention de M. le ministre des travaux publics.

- - Plusieurs membres. - A demain.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.