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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 27 mai 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 1001) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l’analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« La veuve du sieur Owraet, gérant de poste à Audenarde, prie-la Chambre de lui allouer une indemnité pour la perte qu'elle a éprouvée par suite de l’établissement du chemin de fer de Gaud à Audenarde, ou de faire obtenir un emploi à son fils. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Meiz demandent la prompte exécution de la section du canal de la Campine comprise entre Turhnout et Anvers. »

- Même renvoi.


« Les habitants de Haste et de Menufontaine prient la Chambre de modifier la loi forestière et demandent à être remis en jouissance de terrains qui ont passés à l’administration forestière. »

- Même renvoi.


M. le président. - La Chambre a chargé le bureau de nommer la commission qui devra examiner les projets de lois de délimitation de communes présentés hier. Cette commission est composée de MM. Orban, d’Hoffschmidt, Godin, d’Ursel et Moncheur.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1859

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Pain, fourrages et autres allocations

Article 29

« Art 29. Remonte : fr. 558,370.

« Charge extraordinaire : fr. 12,500. »

M. David. - messieurs, sous le chiffre anodin de 12,500 francs (page 1002) demandé pour entreprendre un dépôt de remonte au camp de Beverloo, se trouve le germe d'une énorme dépense ultérieure. Je le prouverai, je pense, victorieusement, par des chiffres. Je commencerai par dire quelques mots de l'allocation en elle-même.

On nous demande, messieurs, 12,500 francs pour achat de 25 chevaux ; mais une chose bien essentielle que l'on oublie, c'est de pétitionner en même temps une certaine somme pour la nourriture de ces 25 chevaux depuis l'âge de 3 ans jusqu'à l'âge de 4 ans. Cette dépense cependant doit être évaluée à 1 fr. 25 c. par jour et par cheval, ce sera une somme très importante à ajouter aux 12,500 francs demandés. Je me borne, messieurs, à signaler celle erreur, je ne veux pas y insister.

Pour remonter la cavalerie, car je ne porte pas en ligne de compte les chevaux de trait nécessaires pour l'artillerie, nous achetons aujourd’hui 631 chevaux chaque année. Si nous achetons ces chevaux à 3 ans, je ne crois pas me tromper en disant que pour en avoir 631 à l'âge de 4 ans il faut en acheter un quart en sus, c'est-à dire 789.

C'est là, messieurs, l'achat de la première année ; mais on voudra avoir un dépôt de remonte complet, et dès lors il faudra qu'à une certaine époque et pendant six mois de la deuxième année, vous ayez 789 chevaux de 4 ans et que vous fassiez un nouvel achat de pareil nombre de chevaux de 3 ans. De manière que vous aurez pendant un temps assez long 1,578 chevaux, la moitié de 3 ans et l'autre moitié de 4 ans.

Ici se présentera une difficulté et une très grande difficulté, c'est de trouver le moyen de loger ces chevaux, le moyen de les soigner et de les entretenir. On dit qu'on les placera au camp de Beverloo. Je pense que toutes les casernes, toutes les écuries sont occupées pendant l’été et en partie même en hiver. ; dans tous les cas, les écuries qui existent au camp de Beverloo ne suffiraient pas pour contenir 1,578 chevaux pendant cette saison.

Donc une première difficulté se présente : c'est qu'il faudra construire.

Maintenant, il faudra bien nourrir ces chevaux. Est-ce qu'on va dénicher autour du camp de Beverloo ? Est ce qu'on va transformer M. le ministre de la guerre en éleveur, en cultivateur ? Cela ne me paraît pas possible.

Vient ensuite la question de la dépense, la question du prix des chevaux qu'on obtiendra au moyen du dépôt de remonte. Je vais par des chiffres tâcher de l'établir aussi exactement que faire se peut.

On porte au projet de budget comme prix d'achat 500 fr. par cheval à 3 ans. D'abord, ce prix me paraît excessivement bas. Il faut remarquer que vous payez à l'éleveur le cheval de 3 ans aussi cher que le cheval de 4 ans. Cela paraîtra assez extraordinaire au premier abord. Mais cela est ainsi ; l'éleveur fait travailler le cheval de 3 ans, et il calcule que ce travail le rembourse de ce que lui coûte la nourriture du cheval ; donc vous payerez le cheval de 3 ans aussi cher que le cheval de 4 ans, et je pense qu'une somme de 500 fr. pour un cheval de 3 ans est beaucoup trop peu élevée.

Mais j’admets le prix de 500 fr. Vous allez acheter 789 chevaux de 3 ans à 500 francs ; cela fait 394,500 francs ; il faut bien tenir compte de la nourriture à 1 fr.25 c. par jour et par cheval ; ainsi il faut ajouter au prix d'achat une nouvelle somme de 359,784 francs ; en additionnant ces deux chiffres, vous obtenez un total de 754,284 francs, pour les 789 chevaux armés à 4 ans.

Comme vous avez un quart de déchet, il vous reste 631 chevaux, nombre égal à celui que vous devez acheter chaque année, et qui coûteront 754,284 fr.

Ce n'est pas tout ; pour être constamment à même de remonter la cavalerie, vous ne pouvez pas vous en tenir à vos 631 chevaux ; vous devez en avoir 789 de 3 ans, et le même nombre à peu près de 4 ans.

Il y a donc à ajouter à la somme de 754,284 francs l'achat que vous devez faire annuellement de 789 chevaux de 3 ans.

En ajoutant par conséquent 394,500 fr. à la dépense ci-dessus pour obtenir vos chevaux âgés de 4 ans, vous arrivez à avoir chaque année une dépense de 1,148,784 fr., pour posséder en approvisionnement le nombre de chevaux nécessaire à la remonte d'une année. Comme aujourd'hui les 631 chevaux de 4 ans que vous êtes obligés d'acheter pour la cavalerie coûtent 476,290 fr., il se trouve, de ce chef, que vous avez une augmentation de 672,494 fr.

Cette somme est supérieure de 384,775 fr. à celle qui vous est nécessaire aujourd'hui pour l’achat.

Il y a même plus ; il exile une bien petite différence entre le coût de la nourriture et le coût de l’achat. C’est ainsi que la nourriture vous coûtera, pour vos 759 chevaux, 359,784 francs, comme je l'ai démontré tantôt, à 1 fr. 25 cent. par jour. Comme la somme qui est dépensée aujourd'hui pour la remonte annuelle de la cavalerie n'est que de 476,290 francs, il résulte que la différence entre le prix d'achat des chevaux de la remonte et le coût de la nourriture n'est que du 116,506 francs.

Il est ainsi démontré que la nourriture coûtera autant que se paye aujourd'hui l'achat des chevaux, sauf une petite différence de fr. 116,506. Si, maintenant, je l'ai négligée comme je l'ai dit, je porte en ligne de compte les frais du personnel, le ferrage, le dressage, l'intérêt des dépenses pour constructions de hangars, d'écuries, d'enclos, je ne sais pas à quelle somme j'arriverai, mais remarquez-le bien, je me borne à prendre le prix d'achat des chevaux et la nourriture, pour arriver au résultat que je viens d'indiquer.

Pour rendre ce résultat plus palpable, je ferai le calcul par cheval. On suppose pouvoir acheter à raison de 500 fr. les chevaux de 3 ans ; on ne les obtiendra pas ainsi ; mais j'admets ce prix, j'y ajoute 365 jours de nourriture à 1,25 ou 456 fr. ; ce prix de fr. 1,25 par jour n'est pas arbitraire ; je l'ai puisé dans le budget de la guerre lui-même, c'est ce que coûtent les chevaux de cavalerie de notre armée. Au bout de l'année vous avez donc 956 francs.

Si nous tenons compte des accidents qui arrivent aux jeunes chevaux et qui sont très fréquents à l'âge de 3 à 4 ans, vous avez un déchet qu’on peut évaluer au quart, ou en chiffre 239 fr. à ajouter au prix de chaque cheval arrivé à 4 ans ; le prix ressort alors à 1,195 fr. par bête.

Aujourd'hui on raye pour les chevaux de 4 ans des régiments de chasseurs 690 fr. ; pour ceux des lanciers 690 fr. ; pour les chevaux de cuirassiers 900 fr. ; pour les chevaux des guides 790 fr. et pour les chevaux de selle des régiments d'artillerie 790 fr.

De sorte que chaque cheval de chasseurs et de lanciers coûtera au moins 505 fr. de plus, chaque cheval de cuirassiers 295 fr. et chaque cheval de guide et de selle pour l'artillerie 405 francs.

Je n'ai rien à rabattre de mes calculs Si vous voulez avoir un dépôt de remonte utile au point de vue de ses défenseurs, il faut le monter sur ce pied et y entretenir 1,500 à 1000 chevaux pendant 18 mois au moins. Si on me répond : Nous ferons la chose en petit, je dirai qu'en ce cas le dépôt manque son but, est complètement inutile, n'a plus de raison d'être ; qu'il sera néanmoins encore très onéreux.

Si je ne me trompe, la commission militaire instituée il y a quelques années, pour examiner la question de la réorganisation de l'armée n'a pas été favorable à l'institution d'un dépôt de remonte. J'ai cherché à m'en assurer en relisant le travail de cette commission, mais je n'ai pu me procurer le volume qui contient le rapport sur cette partie, je ne suis donc pas complétement sûr de son opinion. Mais quelques-uns de mes collègues m'ont dit qu'ils croyaient su rappeler qu'elle avait été défavorable.

Vous voyez donc que les hommes compétents sont du même avis que moi.

Après avoir démontré qu'un dépôt de remonte serait aussi onéreux pour le trésor public, je ne puis admettre la somme demandée pour cet objet ; je propose la suppression au budget de la somme de 12,500 fr.

M. Thiéfry. - En 1856, des discussions ont eu lieu sur l'utilité du haras, je l'ai défendu au point de vue de la remonte de notre cavalerie, en ajoutant, qu'un dépôt de remonte était, dans ce cas, indispensable. J’étais en cela d'accord avec M. le ministre de la guerre.

J’ai appris, au sein de la commission militaire, qu'en 1839, à l'époque où nous étions bien près d'avoir la guerre avec la Hollande, on chercha des chevaux pour remonter la cavalerie. On n'en trouva pas. En 1848, nous pouvions encore être appelés à mettre notre armée sur le pied de guerre ; on voulut se pourvoir de chevaux ; les portes de l'Allemagne et d'autres pays nous furent fermées, et l'armée en a été privée.

En 1852, le gouvernement fit de vains efforts pour renforcer la cavalerie. Pour la troisième fois, il se trouva dans l'impossibilité d'y satisfaire, et c'est là, messieurs, un fait très grave sur lequel j’appelle l'attention de li Chambre : ou l'on doit diminuer la cavalerie, ou il faut prendre le» mesures nécessaires pour qu'elle ne soit pas à pied au moment où elle pourrait avoir à mettre le sabre à la main.

Messieurs, l'utilité d'un dépôt de remonte n'est pas contestable.

M. de Naeyer, rapporteur. - Si ! si ! très contestable.

M. Thiéfry. - Je dis que cela n'est pas contestable, car dans tous les pays où l'on a des haras, on a établi des dépôts de remonte, excepté en Angleterre où des mesures poussées jusqu'à l'extrême rigueur ont introduit une bonne race de chevaux. Il y a des dépôts de remonte en France, en Prusse, dans le Wuttemberg, en Autriche, en Bavière, partout enfin. L'exemple de la France est surtout remarquable parce qu’on s'y est trouvé dans la même situation qu'en Belgique : on y manquait de chevaux, même pour la remonte ordinaire ; aussi, quand en 1823 une partie de l'armée fut mise sur le pied de guerre, les chevaux firent défaut.

On a depuis lors établi vingt dépôts de remonte, et aujourd’hui la France, grâce à cette mesure, n'est plus tributaire d'aucune autre nation pour remonter sa cavalerie.

L'honorable M. David a fait le calcul de ce que les chevaux coûteront à Beverloo : avant de présenter des observations à ce sujet, je lui ferai remarquer que j'envisage la question sous le rapport de la défense nationale ; du moment où l'armée est mise sur le pied de guerre, il est nécessaire d'acheter 7,000 chevaux. Plusieurs expériences ont démontré l'impossibilité de se procurer plus de 1,000 à 1,500 chevaux en 5 à 6 mois : cet inconvénient qui existait aussi dans d’autres pays a disparu au moyen des dépôts de remonte. M. le ministre de la guerre demande à faire un essai au camp de Beverloo.

L'honorable M. David prétend que la dépense sera considérable ; il est complétement dans l'erreur. Il sait cependant mieux que moi, car il a une longue expérience de l'élève du cheval, il sait, dis-je, que pendant l'été les chevaux sont mis en prairie, et c'est précisément à cette époque de l'année que les troupes sont envoyées au camp et lorsque a cavalerie rentrera dans ses garnisons, les écuries serviront à abriter les (page 1003) chevaux du dépôt de remonte. Il n'y aura, par conséquent, pas de frais de construction de bâtiment, le personnel ne coûtera rien, puisqu'il suffira de détacher des régiments quelques hommes pour soigner ces chevaux.

Admettons pourtant qu'il dût en résulter une certaine dépense ; mais, dans cette hypothèse même il resterait à examiner si cette dépense ne serait pas largement compensée par les avantages que retirerait la cavalerie d'un dépôt de remonte bien organisé. En définitive, M. le ministre de la guerre ne réclame qu'une somme de 12,500 francs pour faire un essai. Quand cet essai aura eu lieu, M. le ministre nous fera un rapport qui nous permettra d'en apprécier les résultats.

L'honorable M. David a énoncé un fait que j'ignorais complètement.

Il a dit, je pense, qu'une commission s'était prononcée contre le dépôt de remonte.

Je désire savoir quelle est cette commission ?

M. David. - J'ai entendu parler de la commission de l'organisation de l'armée.

M. Thiéfry. - J'en faisais partie et je puis dire à l'honorable membre qu'il se trompe. C'est du reste dans cette même commission que j'ai appris, par un lieutenant général, qui avait occupé une haute position, tous les embarras dans lesquels le gouvernement s'était trouvé dans les années que j'ai citées. La prudence nous impose l'obligation de prendre des mesures qui pourront un jour aider puissamment à la défense nationale : en présence de cette nécessité, si M. le ministre de la guerre avait besoin du double de la somme réclamée, je la volerais.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je regrette d'autant plus l'absence de mon honorable collègue, M. le ministre de la guerre, que cette question rentre dans ses attributions et dans ses connaissances spéciales, ayant été lui-même un officier de cavalerie très distingué. Mais la proposition dont il s'agit n'émane pas de mon honorable collègue ; elle émane de son prédécesseur. Elle se présente, dans la Chambre, dans des conditions qui, me semble-t-il, ne sont pas de nature à l'effrayer. Il s'agit, ainsi qu'on vient de le dire, d'un simple essai, d’un essai qui se fait, je pense, dans les meilleures conditions, pour atteindre un heureux résultat.

Il ne s'agit pas, messieurs, d'une théorie ; il existe un fait. Il y a déjà trente-deux poulains achetés et élevés au camp de Beverloo. Les frais de nourriture de ces poulains, d'après les notes qui m'ont été remises et les menues dépenses qu'ils ont occasionnées, s'élevaient, au 31 décembre 1857, à 7,954 francs.

Il faut comprendre dans cette somme les frais de nourriture, et bien qu'ils trouvent leur nourriture dans les produits mêmes du camp, on en porte la valeur dans les frais généraux à 4,304 fr.

La valeur qu'on leur attribue est de 6,880 fr.

L'honorable préopinant s'est livré à des calculs que je ne veux ni combattre ni admettre, pour établir que les chevaux qui proviendraient de nos remontes s’élèveraient à des prix prodigieux, au double à peu près du prix auquel on achète les chevaux aujourd'hui. Il est impossible, je le répète, de suivre l'honorable membre dans ses calculs, mais ceux qui ont à cœur d'encourager dans le pays l'industrie de l'élève des chevaux ne perdront pas de vue qu'aujourd'hui l'armée est condamnée à acheter la plupart de ses chevaux à l'étranger et à des prix fort élevés.

Tous les efforts que l'on a faits, tous les efforts que l'on fait pour se procurer des chevaux dans le pays ont abouti à des résultats en quelque sorte négatifs. C'est toujours à l'étranger que nous allons acheter la plupart des chevaux de notre armée. Eh bien, ainsi qu'on vient de le faire observer, n'y a-t-il pas de graves inconvénients à un état de choses qui assujettit le pays à se recruter en tout temps à l'étranger pour cette partie si importante de l'armée ?

On raisonne aussi comme s'il s'agissait de l'établissement d'un dépôt de remonte complet, destiné à fournir à l'armée le nombre exact de chevaux qu'il lui faut chaque année. Or, telle n'est pas la prétention de M. le ministre de la guerre. En supposant que cet essai prenne des accroissements comme il devra en prendre, on n'a pas la prétention de vouloir que le dépôt fournisse à l'armée tous les chevaux dont elle a besoin.

Mais le dépôt de remonte doit y concourir dans une certaine proportion et affranchir en partie le pays des sommes qu’il paye annuellement à l'étranger. Supposons, messieurs, que ce dépôt prenne des proportions décuples de celles qu'il a aujourd'hui, eh bien, dans ces conditions même, les dépenses me paraissent parfaitement acceptables.

Quoi qu'il en soit, messieurs, il s'agit d'un simple essai tenté par l'honorable prédécesseur du ministre actuel. Cet essai se fait dans les meilleures conditions.

En effet le dépôt est établi au camp ; ce camp, qui peut être considéré connue un grand établissement rural, fournit la nourriture, fournit les locaux, fournit les gardiens, la main-d'œuvre ; si vous voulez faire entrer en ligne de compte la valeur de la nourriture qui se récolte sur place, qui est distribuée à ces chevaux, toujours peut-on dire que cet établissement ne coûte pour ainsi dire rien à l'Etat.

Je reconnais, messieurs, que s'il s'agissait d'établir un dépôt de remonte sur un terrain qu'il fallût louer, dans des locaux qu'il fallût construire ou louer, que s’il fallait payer la main-d'œuvre, acheter la nourriture, je reconnais qu'alors on pourrait hésiter ; mais dans les conditions où le dépôt est établi, dans les conditions où l'essai sera continué, je crois que la Chambre peut sans aucune crainte approuver cet essai, tenté par l'honorable prédécesseur de mon collègue.

Si, messieurs, les années suivantes ou voit que l'entreprise ne répond pas à l'attente de ceux qui l'ont tentée, si l'on voit qu'elle doit entraîner, sans résultats équivalents, des dépenses considérables il sera toujours temps de faire ce que l'honorable préopinant propose de faire aujourd'hui, de supprimer l'allocation. Quant à moi, je demande que la Chambre veuille bien s'associer à l'essai qui a été tenté.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je regrette beaucoup qu'on ait fait figurer au budget de la guerre ce crédit, absolument nouveau, et qui n’est qu'un subside déguisé en faveur d'une industrie qui est déjà protégée d'une manière exorbitante.

J'ai toujours voté pour le budget de la guerre, mais je crois que ce budget, réduit aux charges qui lui sont propres, est déjà assez élevé ; et si l’on y fait entrer des dépenses, qui, en réalité, lui sont étrangères, il me sera impossible de donner un vote approbatif.

En réalité, messieurs, il s'agit ici d'un établissement auxiliaire du haras, il s'agit d'imposer de nouveaux sacrifices au trésor public, pour encourager l’élève du cheval croisé, industrie qui, déjà aujourd'hui, est réellement l'enfant gâté de notre budget. Car la protection qu'on lui accorde s'élève à plus de 50 p. c, et, chose étonnante, il y a des libre-échangistes qui se récrient contre une protection douanière de 15 à 20 p. c., et qui admettent, avec une condescendance extraordinaire, une protection budgétaire de 50 p. c. Comment ne voient-ils pas que des contradictions de cette nature nuisent énormément à la propagation des saines idées économiques dans un pays de bon sens comme la Belgique !

On veut, messieurs, que l'armée soit remontée avec des chevaux nés dans le pays, c'est-à-dire avec des chevaux provenant du croisement avec les étalons du haras de l'Etat ; mais aujourd'hui les chevaux nés dans le pays sont admissibles dans l'armée, le budget de la guerre permet même de payer une somme plus forte pour ces chevaux-là que pour les chevaux étrangers. Il y a, si je ne me trompe, 10,000 francs alloués à titre de prime, afin de pouvoir donner la préférence aux chevaux indigènes. Comment se fait-il donc que l'armée ne se remonte pas avec ces chevaux ? Mais pour deux motifs. D'abord parce que très souvent les produits du haras laissent énormément à désirer, et alors naturellement on n'en veut pas dans l'armée. En second lieu, parce que les chevaux croisés, quand ils sont bons, coûtent trop cher, sont vendus à des prix plus élevés que ceux auxquels on a pu acheter jusqu'ici les chevaux destinés à la remonte.

Eh bien, messieurs, remédierez-vous à cela par l'établissement d'un dépôt de remonte ? D'abord, il est évident que les chevaux qui sont trop médiocres à cause de certains vices de naissance ne deviendront pas propre au service militaire, parce qu'ils auront séjourné au dépôt de remonte ; et quant à ceux qui ont toutes les conditions voulues pour faire partie de l'armée, resteront-ils moins chers, parce que pendant la dernière ou les deux dernières années de leur élevage, ils auront été nourris par le gouvernement ? Mais cela revient à dire que les fourrages coûtent moins au gouvernement qu'aux cultivateurs, et voilà, en définitive, sur quoi repose l'essai qu’on se propose de faire.

Pourquoi ne parvenez-vous pas à acheter à l'âge de quatre ou cinq ans le cheval du pays qui convient pour le service de l’armée ? Parce qu'il est trop cher. Et, pourquoi est-il trop cher ? Parce qu'il a trop coûté à l'éleveur. Ces frais sont surtout considérables pendant la troisième et la quatrième année, et ce sont précisément ces années qu'on veut mettre à la charge de l'Etat, et l'on prétend sérieusement arriver ainsi à une économie.

L'honorable ministre de l’intérieur vient de dire qu'au camp de Beverloo on a à peu près tout pour rien.

Il me semble, cependant, que si les prairies dont le gouvernement dispose produisent des herbes, ces herbes ont une valeur, et que si vous les employez à nourrir des chevaux, vous consommez cette valeur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les locaux ne coûtent rien ; la main-d'œuvre ne coûte rien.

M. de Naeyer, rapporteur. - Si vous avez tout pour rien, alors vous pouvez produire à meilleur compte que les éleveurs, mais cela ne me paraît pas sérieux. Ainsi la main-d'œuvre dont vous parlez, vous devez certainement la payer, ceux qui soigneront les chevaux de votre dépôt de remonte ne le feront pas gratuitement, et ce n'est là d'ailleurs qu'un accessoire en présence de la dépense considérable pour les frais de nourriture.

Il y a une raison toute spéciale qui prouve que les chevaux nous coûteraient plus cher qu'aux cultivateurs : les éleveurs les plus compétents disent qu'à l’âge de trois ans ils peuvent faire travailler les chevaux croises.

C'est ce qui a été reconnu par les plus grands défenseurs du cheval croisé ; ils ont dit qu'à l'âge de 3 ans le cheval peut déjà gagner une partie de sa nourriture. Et vous, gouvernement, qui ne pouvez tirer aucun service du cheval et qui payez certainement la nourriture plus cher que le cultivateur, vous prétendez que vous allez l'élever à meilleur compte !

Maintenant il paraît qu'on a déjà fait un essai. Je suis extrêmement étonné d'apprendre cela … (Interruption.) M. le ministre de l'intérieur a dit, je pense, qu'on avait acheté un certain nombre de jeunes chevaux. Je me suis permis de l'interrompre pour lui demander sur quels fonds ces achats ont été imputés ; quand le gouvernement achète, il faut qu'il ait un crédit ; je ne sache pas qu'on ait mis à la disposition du (page 1004) gouvernement un crédit pour l’achat de chevaux destinés à un dépôt de remonte, à moins qu'on n'ait eu aussi les chevaux dont il s'agit pour rien, comme on aura la nourriture pour rien, le personnel pour rien, tout pour rien.

L'honorable M. Thiéfry prétend que l'utilité d'un dépôt de remonte n'est pas contestable. Mais je ferai remarquer que l'honorable membre n'a rien dit pour établir cette utilité.

Voilà à peu près 30 ans que nous vivons sans un dépôt de remonte ; on a trouvé, en temps de paix, à remonter convenablement notre cavalerie, et je ne pense pas que sous ce rapport nos besoins aillent augmenter ; car j'espère qu'après un mûr examen on finira par reconnaître que si nous adoptons franchement un système de concentration de nos forces militaires, les besoins de notre établissement militaire seront diminués quant à la remonte de la cavalerie.

Mais enfin supposons que les choses restent comme elles sont aujourd'hui ; or, nous avons trouvé moyen de remonter notre cavalerie en temps de paix. « Mais en temps de guerre ?» dit l'honorable M. Thiéfry. Eh bien, avec votre dépôt de remonte, vous ne remédiez à rien ; car jamais cet établissement ne vous fournira les chevaux nécessaires pour faire passer l'armée du pied de paix au pied de guerre. Je suis persuadé qu'il n'entre dans les intentions de personne d'y entretenir peut-être huit à dix mille chevaux, ce qui serait nécessaire pour faire face aux éventualités signalées par l'honorable M. Thiéfry.

Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire dans d'autres circonstances, nous nous trouvons dans une position différente de celle des autres nations qu'on nous a citées comme modèles à imiter ; il peut arriver qu'en temps de guerre ces nations soient environnées de tous côtés par des ennemis. La Belgique peut-elle jamais se trouver dans une pareille position ? Tout notre système militaire est fondé sur cette idée, que nous avons à faire face à une première attaque, afin d'attendre l'intervention de troupes alliées.

Il est donc impossible que nous devions nous battre contre tout le monde à la fois. La situation de la Belgique ne nous oblige pas à pourvoir aux besoins d'une telle éventualité, parce qu'elle ne peut jamais se réaliser.

Je ne crois pas devoir insister davantage pour faire voir qu'il s'agit ici d'un essai qui est condamné d'avance et qui nous entraînerait infailliblement dans des dépenses très considérables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne sais pas si l'objet en discussion vaut l'éloquence chaleureuse dont vient de faire usage l’honorable préopinant. Mais en remontant dans le passé, j'y retrouve les traces d’une ancienne répugnance de l’honorable membre contre l’établissement du haras qu’il a combattu en vain. Aujourd’hui, l’honorable préopinant dirige une nouvelle charge à fond contre un autre établissement ; il le voit en germe, il ne veut pas qu'il aille plus avant ; il est conséquent avec lui-même. Mais la Chambre sera-t-elle conséquente avec elle-même, si elle ne fait pas, pour cet essai d'un dépôt de remonte, ce qu'elle a fait pour le haras ? La Chambre, par un vote solennel, a déclaré qu'il y a lieu de maintenir le haras.

Maintenant la Chambre veut-elle encourager l'essai qu'on fait au camp de Beverloo ? J’ai dit qu'on comptait déjà 32 poulains établis au camp ; et là-dessus, l'honorable préopinant nous demande d'où viennent ces poulains ?

Ces poulains nous viennent d'où arrivent tous les poulains ; ils viennent tout simplement des juments qui ont été achetées pour la remonte de l'armée et qui ont fourni cette géniture. Y a-t-il lieu d'en acheter d'autres ?

M. David. - Le crédit demandé est destiné à de pareils achats.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est qu'on veut augmenter le nombre des poulains pour étendre l'essai.

Quant aux premiers poulain, ils proviennent donc des juments ; je pense que l'honorable préopinant doit avoir tous ses apaisements à cet égard.

M. de Naeyer, rapporteur. - J'ai cru que vous aviez dit que les poulains avaient été achetés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si j'ai dit que les poulains ont été achetés, c'est qu'ils ont été achetés en même temps que la mère l'a été.

Maintenant, l’honorable membre a diverti un moment la Chambre, et la Chambre fait bien de rire de temps en temps ; mais je ne pense pas que ce soit aux dépens du ministre que l'honorable préopinant ait voulu faire rire la Chambre.

M. de Naeyer, rapporteur. - Non ! non !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il a cependant exagéré mes paroles quand il a dit que tout se faisait pour rien au camp, que les chevaux étaient nourris pour rien et qu'ils étaient probablement achetés pour rien.

Ce que j’ai dit, c’est que si l'on voulait faire un essai d'établissement de de remonte, on ne pouvait pas le faire dans de meilleures conditions que cela se fail au camp.

Pourquoi ? Parce qu'il y a là des établissements tout faits. Qu'il y ait remonte ou qu'il n’y ait pas remonte, il y a là des établissements appartenant à l'Etat, qui ne recevront pas d'autre destination, pour lesquelles par conséquent l'Etat n'a pas à faire des dépenses extraordinaires ; il y là des locaux, un personnel servant, des soldats qui habitent le camp pendant toute l'année ; il y a de l'herbe pour la nourriture des chevaux .On cultive aussi de l'avoine an camp, car le camp est devenu aujourd'hui un grand établissement agricole ; cela s'est fait sans bruit, par la force même des choses.

Je dis que dans ces conditions un essai peut être tenté et que si on ne réussit pas dans de pareilles conditions, il est à croire qu'on ne réussira jamais.

Voilà, messieurs, tout ce que j'ai eu l’honneur de vous dire et ce que je maintiens. Du reste la Chambre fera ce qu'elle voudra.

Quant à moi, si j'étais simple représentant, je n'hésiterais pas à donner mon adhésion au chiffre demandé, je voudrais donner à M. le ministre de la guerre les moyens d'essayer pendant quelques années de former un établissement comme il en existe dans d'autres pays, et qu'on pourrait arrêter à temps s'il devait entraîner des dépenses exagérées et ne répondait pas au but que l'on poursuit.

M. David. - L'honorable ministre de l'intérieur a beaucoup appuyé sur ce qu'au camp de Beverloo tous les établissements nécessaires à un dépôt de remonte existaient. La chose peut être vraie pour un certain nombre de chevaux pendant l'hiver ; mais l'été, s'il y a de l'infanterie au camp, il y a de la cavalerie et de l'artillerie ; or, pendant cette saison que ferez-vous de vos chevaux? On les mettra à la prairie, dit-on ; pour cela il faudrait former des prairies et établir des hangars, des séparations, des enclos ; encore faut-il pouvoir remettre les chevaux pendant les heures de grande chaleur pour qu'ils ne soient pas mangés des mouches.

Mais que deviendront les chevaux qui auront mangé de l'herbe ? Je voudrais voir votre cavalerie montée avec des chevaux nourris du vert, ce serait curieux. Vous voulez, tenir les chevaux pendant un an avant de les livrer à la cavalerie, parce que vous trouvez les chevaux de 4 ans, qu'on vous vend, faibles, flasques, sans énergie.

Ils se trouvent dans cet état précisément à cause de la mauvaise nourriture qu'ils ont reçue ; mais si vous laissez ces chevaux la moitié de l'année au vert, ils pécheront par la même cause que les chevaux dont vous vous plaignez aujourd'hui.

Ce serait manquer le but que de les tenir dans les prairies ; en les élevant pendant un an vous avez évidemment l'intention de les préparer, par une nourriture substantielle, à devenir des bêtes de service à 4 ans.

Il est étonnant que dans la proposition on ne parle pas de la nourriture des chevaux. Déjà 32 poulains sont au dépôt ; on veut en acheter 25, cela fera 57 ; or pour nourrir 57 chevaux il faut une certaine somme ; calculez à fr.1,25 par jour, vous trouvez une somme assez ronde. Puisqu'il est question de 57 chevaux., il est d'autant plus étrange qu'on ne porte que 12,500 fr. pour est objet.

M le ministre nous dit que si l'établissement ne répond au but qu'on poursuit, on pourra y renoncer, le supprimer plus tard.

Nous savons combien il est difficile de faire disparaître un chiffre du budget une fois qu'il y est installé ; mais quand il s'agira d'un établissement tel qu'un dépôt de remonte, il sera bien plus difficile d'en obtenir la suppression, quand on trouvera que l'utilité ne répond pas à la dépense.

Il a été question dans cette discussion du haras, c'est un établissement qui a quelque analogie avec le dépôt de remonte, eh bien, rappelez-vous, messieurs, combien d'années nous avons dû guerroyer pour arriver à le modifier et lui faire produire les bons résultats qu'il donne aujourd'hui.

Pourquoi avons-nous combattu l'ancienne institution du haras ? Pour obtenir l'amélioration de ce qui existait ; nous y sommes parvenus ; aujourd'hui, le haras renferme quantité de forts étalons, convenables pour modifier les formes de la race du pays. Auparavant, nous y avions surtout des étalons légers qui ne pouvaient qu'amoindrir la taille, les fortes proportions de nos beaux et bons chevaux de trait indigènes ; sur nos instances vous avez transformé le haras, et aujourd’hui il rend des services aux éleveurs campagnards.

Je trouve d'un autre côté que le dépôt de remonte ne pourra pas nous affranchir de ce que M. le ministre appelle le recours que nous devons avoir à l'étranger pour nous approvisionner. Si les chevaux da pays à 4 ans ne conviennent pas, à 3 ans ils ne présenteront pas non plus l'étoffe, les qualités nécessaires pour former le cheval dont vous avez besoin c'est le même animai et vous devrez acheter vos chevaux de 3 ans à l'étranger, par conséquent vous ne vous affranchirez pas de l'obligation de recourir à l'étranger.

Je persiste à demander la suppression du chiffre de 12,500 fr.

M. de Perceval, rapporteur. - Messieurs, la section centrale n'a admis qu'avec hésitation le crédit de 12,500 francs pétitionné au budget pour le dépôt de remonte au camp de Beverloo. Elle n’est pas convaincue de l'utilité de l’intervention directe du gouvernement dans des opérations de cette nature.

L'honorable M. David propose la suppression de ce crédit. Personnellement je partage l'opinion qu'il a émise. Je suis également d’avis que des essais de cette nature sont du ressort de l'activité privée ; et je n'hésite pas à déclarer que les capitaux pour réaliser de pareilles entreprises ne doivent pas être pris dans la poche du contribuable.

Du reste, la Chambre a entendu des orateurs pour et contre l’essai (page 1005) d'un dépôt de remonte, et elle appréciera la valeur des arguments qui ont été présentes à ce sujet.

- La discussion est close.

L'article 29, remonte, fr. 558,340, charges permanentes, est mis aux voix et adopté.

Le chiffre de 12,500 fr., charges extraordinaires du même article, est mis aux voix par appel nominal.

En voici le résultat :

76 membres répondent à l'appel.

37 répondent oui.

39 répondent non.

En conséquence, le chiffre n'est pas adopte.

Ont répondu oui : MM. de Baillet-Latour, de Bee, de Liedekerke, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, Dolez, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Godin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Manilius, Notelteirs, Orban, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Tesch, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Van Iseghem et Veydt.

Ont répondu non : MM. Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Bast, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Lexhy, de Luesemans, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, B. Dumortier, Frison, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, Landeloos, C. Lebeau, Magherman, Mascart, Muller, Nélis, Neyt, Pierre, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Wala, Allard, Ansiau, Coomans et Orts.

Chapitre IX. Traitements divers et honoraires

Articles 30 et 31

« Art. 30. Traitements divers et honoraire : fr. 133,226 20.

« Charge extraordinaire : fr. 773 80. »


« Art. 31. Frais de représentation : fr. 50,000. »

Chapitre X. Pensions et secours

Article 32

« Art. 32. Pensions et secours : fr. 89,000.

« Charges extraordinaires : fr. 8,185 18. »

Chapitre XI. Dépenses imprévues

Article 33

« Art. 33. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 16,358 09. »

Chapitre XII. Gendarmerie

Article 34

« Art. 34. Traitement et solde de la gendarmerie : fr. 1,862,000. »


« Article unique. Le budget du ministère de la guerre est fixé, pour l'exercice 1859, à la somme de trente-deux millions soixante-neuf mille trois cent quatre-vingts francs (32,069,380 francs), conformément au tableau ci-annexé.

M. le président. - Un des articles du projet de budget ayant été amendé, il devra y avoir un second vote.

- Plusieurs membres. - Non, non !

M. Devaux. - Il est évident que la Chambre a voté un amendement ; il faut donc, aux termes du règlement, qu'un second vote ait lieu.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande aussi que le vote définitif n'ait pas lieu aujourd'hui ; je désire prendre l'avis de mon collègue de la guerre sur l'amendement que la Chambre a adopté.

M. le président. - Le vote définitif aura lieu après-demain.

Projet de loi modifiant le titre II du livre II du code pénal

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de révision du titre II du livre II du Code pénal.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crains, messieurs, qu'il n'y ait quelques inconvénients à passer dès maintenant à l'examen et à la discussion du second livre du Code pénal. La Chambre remarquera que ce qui est soumis en ce moment à ses délibérations, c'est le second titre du second livre du Code pénal et que le rapport sur le premier titre n'est pas encore distribué. D'un autre côté, je dois dire que je me proposais de soumettre à la commission qui a élaboré le Code pénal toutes les modifications introduites par la commission de la Chambre, modifications sur lesquelles je suis, d'ailleurs, à peu près d'accord avec cette commission.

Je soumets ces observations à la Chambre ; elles sont de nature, je pense, à l'engager à faire disparaître momentanément cet objet de son ordre du jour. Je suis prêt à soutenir la discussion ; mais je crois qu'il y aurait des inconvénients à discuter le second titre avant d'avoir discuté le premier.

M. Lelièvre. - Je ne m'oppose pas à la demande de M. le ministre de la justice. Je prie toutefois ce haut fonctionnaire de bien vouloir faire parvenir à la commission dont je suis l’organe les observations qu'il croira devoir proposer relativement aux dispositions du littera 2, livre II, afin que la commission puisse délibérer de nouveau et prendre une résolution sur les modifications qui seraient présentées par le gouvernement.

M. Vander Stichelen. - Le rapport de la commission sur le titre premier sera imprimé et distribué au commencement de la semaine prochaine ; le rapport est fait ; je désire le revoir pour y apporter les modifications que je croirais nécessaires et je dois dire que la discussions de la loi sur les prud'hommes ne m'en a pas laissé le temps.

- La proposition de M. le ministre de la justice est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Muller. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale sur la demande faite parle département de la justice, d'un créditsupplémentaire d'un million de francs destiné à couvrir les dépenses résultait de la fabrication, dans les prisons, de produits pour l'exportation, en 1857.

— Ce rapport sera imprimé et distribué ; le projet de loi est mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi sur la pharmacopée officielle

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur la pharmacopée officielle ; mais le rapport n'ayant pas^ été distribué, nous devrons ajourner cet objet.

M. le ministre de l'intéreur (M. Rogier). - Il faut cependant que l'on sache à quoi s'en tenir sur le rapport relatif à cette loi. J'ai interpellé, à plusieurs reprises l'honorable rapporteur ; je l'ai supplié de déposer son rapport. Divers intérêts sont engagés dans ia question qui demandent une décision, et cependant, ce rapport .déposé depuis quelque temps déjà, n'est pas encore distribué. 11 importe, je le répète, d'en finir le plus tôt possible.

M. Vander Donckt. - J'ai eu l'honneur de déposer la rapport sur la pharmacopée officielle, le dernier jour avant notre séparation. Or, je le demande à la Chambre qui a été toujours si indulgente pour ses honorables membres, si l'on pouvait exiger de moi, alors que tout le monde prenait une vacance, je testasse à Bruxelles pour corriger les épreuves de mon rapport. Je répondrai à M. le ministre, qu'il semble que l'on eit d'autant plus exigeant envers les membres qui travaillent le plus et qui font preuve de plus de zèle et île dévouement.

Je ne suis pas resté à Bruxelles, je suis retourné chez moi comme tous mes honorables collègues et je crois que j'étais dans mou droit. Je suis arrivé hier à Bruxelles ; immédiatement le rapport a été remis à l'imprimeur. Jusqu'ici je n'eu aipss eu de nouvelle-.

Je crois donc que le reproche que l'honorable ministre semble me faire n'est pas mérité.

M. Manilius. - L'honorable membre s'est adressé à la Chambre et l'a fait juge de l'activité et du zèle dont il donne des preuves continuelles. Je lui rends pleine justice à cet égard, mais je me permettrai de lui faire une observation. 11 a déposé son rapport dans la séance qui a précédé notre petite vacance. Je crois pouvoir lui dire, pui-qu'il s'est adressé à nous, qu'il aurait bien fait de remettre son rapport au bureau, et de le laisser arriver au greffe ; il eût été imprimé, on lui aurait envoyé l'épreuve et aujourd'hui nous aurions pu le recevoir, mais, d'après son propre aveu, il a emporté ce rapport avec lui et ce n'est qu'hier qu'il l'a remis au greffe.

Je regrette de devoir lui faire cette observation, mais je m'y vois obligé puisqu'il fait un appel à la Chambre.

HE. Vander ffionckt.—Messieurs* peu de mois suffiront à justifier ma conduite. 11 ne s'agit pas ici d'un rapport ordinaire sur quelque objet d'administration, mais il s'agit d'un objet spécial de scïeuce .pharmaceutique. Or, pour corriger un travail qui contient des termes techniques de pharmacie comme de médecine, il faut des connaissances spéciales. Je demande si, dans le cas où l'honorable M. Manilius fût resté à Bruxelles, il aurait été disposé à corriger les épreuves '.' Je me permets de vous dire que peu d'honorables membres seraient à même, de le faire. Les correcteurs ordinaires ne sont pas a^tis à corriger les épreuves d'un semblable travail.

M. Manilius. - On pouvait vous envoyer les épreuves.

Projet de loi relatif au cens d'éligibilité au sénat

Motion d'ordre.

M. Lelièvre. - La Chambre avant sa dissolution avait été saisie d'un projet relativement au cens d'éligibiLté pour le Sénat. Il s'agissait de savoir si les centimes additionnels payés aux provinces et aux communes en vertu de la loi doivent entrer en ligne de compte pour former le cens d'éligibilité. Je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir nous dire si le cabinet actuel est d'intentoon de soumettre (page 1006) aux Chambres législatives un projet dans le sens des dispositions votées par le Sénat.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La Chambre avait en effet €té saisie d'un projet de loi émanant de l'initiative de l'autre Chambre et relatif à la formation du cens d'éligibilité pour le Sénat. Le ministère s'est occupé de l'examen de ce projet de loi ; il se propose de le reprendre et d'en déposer un nouveau dans la prochain» session. La présentation de ce projet coïncidera avec celle d'un autre projet qui aura pour but de mettre en harmonie le nombre des membres des Chambres avec la population.

Rapports de pétitions

M. Tack, rapporteur. - Par pétition datée de Clabecq. le U avril 1858, le sieur Duochet demande que.le milicien Herman, dont le père s'est fait inscrire comme habitant Tub ze, fasse partie du contingent de cette-commune.

Comme il s'agit ici d'une question relative à l'exécution des lois sur la milice, votre commission croit pouvoir se borner à vous proposer le renvoi à M. le ministre de 1 intérieur.

— Ces conclusions sont adoptées.

Par pétition datée de St-Josss ten-Noole, le 50 m-rs 1858, le sTeur Neeriuck d mande que iepayeiuent de l'amendesoit restitué à celui qui a obtenu grâce d'une condamnation.

Le pétitionnaire se p'aiut de ce que l'exercice du recours en grâce aur-rès du Ro ;, potr obtenir remise de l'amende ou échappera un emprisonnement, »st souvent rendu impossible parsuitede la célérité que met c il les autorités judiciaires à fiir ; procéder à l'exécution des condamnations prononcées en matière de simple police et par les tribunaux correctionnels. Il arrive même, au dire du réclamant, q te la g àce s'obtient mais uc peut avoir d'eue', parce que déji le jugement esl exé-«u té.

Si les frits allégués parlepititioanaire entraînaient les conséquences Ct a va cul le caractère qu'il leur ass'gne, votre commission y verrait une espèce d'anomalie, peu compatible avec l'exercice de la piéiogative royale ; mais elle ne doute pas quc,daus la pratique, les autorités judiciaires ne sVff créent de concilier leurs droits avec ceux de la couronne ; c'esl pourquoi elle se. borne à vous proposer le renvoi de la péti tion à II. le ministre de la justice

— Ces conclusions soni adoptées.


M. Tack, rapporteur. - Par pétition datée de Meygem, le 15 avril 1858, des habitants de cette commune demandant que le canal de Deynze à Schipdonck soit ouvert au plus tôt à la navigation.

Il résulte des observations présentées par les pétitionnaires, que le canal de Deynze par Schipdonck vers Heyst à la nier, dont la construction fut décrétée par la législature principalement en vue de dériver les eaux surabondantes de la Lys, est maintenant achevé sur toute la section qui joint la Lys au canal de Bruges à Gand ; afin de faire produire à ce grand travail d'utilité publique tous les avantages dont il est susceptible, la section de Deynze à Schipdonck fut construite, comme le font observer les pétitionnaires, dans des conditions telles, qu'elle pût être utilisée pour la navigation en même temps qu'elle servirait en hiver de voie de décharge aux eaux exubérantes de la Lys. Rien aujourd'hui ne s'oppose plus à ce que ce premier but soit atteint ; l'agriculture, l'industrie, le commerce d'une partie notable de l'arrondissement de Gand y sont vivement intéressés, ainsi qui le font encore très bien remarquer les pétitionnaires.

Ou peut en dire autant de ces diverses branches do la prospérité publique, en ce qui concerne la Flandre occidentale et de l'industrie du Hainaut, qui trouvera par le moyen de l'ouverture à la navigation de la section de Deynze à Schipdonck une voie d'écoulement plus facile et plus économique pour le transport de ses charbons et autres matières pondéreuses vers les localités qui avoisinent le nouveau canal et vers tout le nord de la Flandre.

Pour répondre à tous les besoins et rendre possible une navigation régulière, il conviendrait de ne point retarder l'établissement d'une écluse à Deynze ; l’exécution de ce travail serait, au surplus, le meilleur moyen de faire produire au canal tous les revenus que l'Etat est en droit d'en attendre.

Votre commission, messieurs, ne peut que s'associer aux vœux exprimés par les habitants de Meygem ; il serait peu rationnel, à son avis de laisser plus longtemps improductive pour le trésor et stérile pour une foule d'intérêts, une voie de navigation si importante, alors qu'une légère dépense, au reste, amplement compensée, pourrait procurer d'immenses bienfaits à l'industrie des Flandres et du Hainaut. Elle vous propose, en conséquence, le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

M. de Haerne. - Messieurs, mars dernier, j'ai eu l'honneur d'appeler l’attention de la Chambre sur l'objet dont il s'agit dans la pétition des habitants de Meygem. Vous vous rappellerez que le travail dont il est question dans cette pétition a fait plusieurs fois l'objet de discussion dans cette Chambre. A l'époque dont je viens de parler, j'ai rappelé à l'assemblée que plusieurs honorables membres, entre autres un ancien collègue, M. Sinave, avaient entretenu la Chambre de cet important objet. Les pétitionnaires, si j'ai bien compris les termes du rapport, font valoir à peu près les motifs que j'ai moi-même exposés précédemment. Ils font voir que le canal de Deynze à Schipdonck a été construit dans toutes les conditions de navigabilité.

En effet, les ponts sont faits dans ce but ; ils sont tournants ou levis, les terrassements sont faits en conséquence, il y a de part et d'autre de beaux chemins de halage, enfin tout est disposé pour la navigation. Il y a plus, la navigation s'y fait aujourd’hui, mais par un immense détour ; c'est-à-dire que les bateaux qui doivent se rendre dans la direction de Nevele et de Meygem passent par Gand, prennent le canal de Gand à Bruges, et arrivés à Schipdonck, entrent dans le canal de ce nom et vont par Meygem et par Nevele jusqu'à Deynze, de manière à y donner la main aux bateaux qui arrivent de Courtrai et se trouvent de l'autre côté du barrage dans la Lys.

Que demande le pétitionnaire ? Il demande que cette navigation soit régularisée dans ce sens que l'on ouvre le barrage qui établit cette séparation, et que l'on ne doive plus, à l'avenir, faire un détour de dix lieues pour parcourir une distance de quelques minutes et payer 200 fr. en plus par bateau. Vous comprenez, messieurs, qu'il résulte de là un surcroît de charge et de grandes difficultés pour la navigation. En supprimant ce détour, on assurerait un bénéfice de 200 francs par bateau, on permettrait de faire cette navigation sans danger et sans bris de cordages.

Messieurs, je le répète, le canal a été construit dans le but de le rendre navigable. Les fondations sont posées à Deynze pour une écluse à sas.

En effet, d'après le cahier des charges du canal de Schipdonck, que j'ai en main, vous pouvez voir que les charges ont été augmentées en conséquence. Les frais du barrage de Deynze, entre autres, ont été portés à plus de 100,000 fr. au-delà du coût du barrage établi à Nevele. Toutes les pierres d'attente, toutes les parties des fondations de cette écluse sont indiquées dans ce cahier des charges par les termes techniques, que je crois inutile d'énoncer. Voilà donc plus de cent mille francs au fond de l’eau, où certes ils n'ont pas été jetés en pure perte.

Tel est, messieurs, l'objet de la pétition. Ce sout des habitants de l'arrondissement de Gand, des riverains du canal de Schipdonck qui demandent l'ouverture de ce canal à la navigation, en communication directe avec la Lys.

Je dis donc, messieurs, que tout est prévu pour rendre le canal navigable par une écluse à sas à construire à Deynze. Mais depuis que j'ai eu l’honneur de traiter cette question à la Chambre, une pétition a été adressée à M. le ministre des travaux publics par la chambre de commerce de Courtrai qui a fait appuyer cette requête par une députation que j'ai eu l’honneur d'accompagner au ministère.

La chambre de commerce de Courtrai adhère naturellement au vœu exprimé par les pétitionnaires de Meygem ; mais elle propose l’exécution d'un plan qui ne serait pas du tout onéreux pour l'Etat. « L'achèvement de l’écluse coûterait, il est vrai, une somme très faible, eu égard à l'importance du but à atteindre » ; mais la proposition de la chambre de commerce de Courtrai tend tout simplement à lever, aux jours de navigation, les poutrelles du barrage de Deynze pour mettre le canal en communication direct avec la Lys, ce qui, d'après toutes les personnes compétentes, peut se faire immédiatement et sans frais pour l'Etat.

Les éclusiers qui sont déjà sur les lieux feraient les manœuvres. Il en résulterait que chaque fois que l'on doit laisser passer les bateaux, il y aurait une perte d'eau un peu plus considérable que par une écluse à sas, parce qu'il faudrait faire port sur la distance de Deynze à Nevele où se trouve le deuxième barrage.

II faut convenir, messieurs, que l'établissement d'une écluse à sas est préférable et c'est ce que le gouvernement a compris lorsque le cahier des charges a été approuvé par l'administration.

Mais rien n'empêcherait de faire droit au désir exprimé par la chambre de commerce de Courtrai. Cette demande se justifie surtout dans le moment actuel où, comme on le dit très bien dans la pétition de Courtrai, la navigation de la Lys est devenue très difficile par suite de la grande sécheresse et du manque d'eau.

Des personnes qui trafiquent sur cette rivière assurent qu'il est très difficile dans ce moment de faire arriver des bateaux d'Anvers jusqu’à Courtrai.

Si la navigation était régularisée, elle augmenterait, même dans la direction d'Anvers, par la facilité qu'on lui donnerait et par la diminution des frais ; et tout le monde y gagnerait.

Je prends donc la liberté de recommander cet objet à M. le ministre des travaux publics et de lui demander si, à l'occasion du projet de loi présenté hier à la Chambre, il n’y aurait pas moyen de pourvoir aux nécessités qui sont signalées par les pétitionnaires.

M. E. Vandenpeereboom. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics ; je viens, au contraire, appuyer ce renvoi, mais dans un but tout autre que celui que veut atteindre l'honorable préopinant.

Le canal de Deynze à Schipdonck est, avant tout, un canal de dérivation. Qu'on ait fait des constructions, afin de le rendre accessible à la navigation, cela est très bien, car on a pu agir ainsi, sans beaucoup augmenter les dépenses ; mais, avant de le rendre navigable, il faut voir s'il opère tout ce qu'il doit opérer pour l'évacuation des eaux surabondantes de la Lys.

Je pense n'avoir pis besoin d'insister sur ce point ; le gouvernement (page 1107) ne perdra pas de vue le but essentiel de la loi qui a décrété le canal de Deynze à Schipdonck et à la mer ; but auquel les arrondissements de Gand et de Courtrai sont également intéressés.

Or, cette loi, par laquelle on a voulu atténuer les inondations de la vallée de la Lys et même celles de l'Escaut ,n'a donné d'autre destination à ce canal que la dérivation. C'est ce grand résultat que l'on cherche à atteindre, par les travaux déjà faits, par ceux qu'on nous promet dans un récent projet. Quand on sera venu à évacuer toutes les eaux surabondantes dans la mer, c'est-à-dire quand le travail sera exécuté en entier et soumis à l'expérience complète, on pourra examiner si le canal peut servir accessoirement à la navigation ; jusque-là, il n'y aura rien à décider, ni surtout rien à dépenser. Et comme, le cas échéant, il faudra une loi nouvelle, je conçois trop bien les soins que l’honorable ministre porte aux affaires de son département, pour craindre qu'il se laisse surprendre par des instances inopportunes.

M. Manilius. - Je recommanderai aussi au gouvernement d'avoir égard autant que possible aux besoins de la navigation ; mais après de longs efforts, nous venons, seulement hier, d'être saisis d'un projet de loi qui permettra d'achever le canal, et je crois que cet achèvement doit nous préoccuper avant toute autre chose. Quand le canal sera achevé, nous verrons si, après avoir satisfait à tous les besoins de l'écoulement des eaux qui nous inondent depuis si longtemps, il peut être également utilisé pour la navigation.

J'appelle toute l'attention du gouvernement sur le but principal du canal et je le prie de ne songer à la question de la navigation que quand il sera parfaitement pourvu à l'écoulement des eaux, but principal qu'il doit atteindre, d'après l'expression de la loi qui nous l'a octroyé.

M. de Haerne. - Messieurs, j'ai toujours été partisan du canal de dérivation dont il s'agit. Plus d'une fois, d'accord avec l’honorable M. Manilius et d'autres députés des Flandres, je l'ai appuyé ici de tout mon pouvoir. Si l'entreprise dont j'ai parlé, l'ouverture du canal de Schipdonck, pouvait le moins du monde faire obstacle à ce grand but de la dérivation des eaux de la Lys, je serais un des premiers à m'y opposer ; nous avons, dans l'arrondissement de Courtrai, tout autant d'intérêt à la dérivation de la Lys qu'on peut en avoir dans l'arrondissement de Gand.

Mais je crois, messieurs, que les deux projets se concilient parfaitement et c'est ce que le gouvernement a très bien compris, puisque dans le cahier des charges il a stipulé les conditions nécessaires pour rendre le canal navigable, et que tous les travaux ont été exécutés dans cette vue, comme je l'ai démontré plus d'une fois ici.

C'est pour cela, messieurs, qui je crois devoir appuyer d'une manière toute particulière la pétition des riverains du canal.

J'ajouterai, messieurs, un seul fait dont j’ai déjà parlé tout à l'heure, et qui prouve à toute évidence que rien ne s'oppose à ce que le canal soit rendu navigable, c'est que la navigation s'y fait déjà aujourd'hui, mais non pas directement.

J’ai vu dernièrement des bateaux de 200 tonneaux chargés de houille entrer dans le canal à Schipdonck et se diriger vers Deynze.

Je pourrais vous dire même quels sont les frais de péage et de halage, quel est leur fret, etc. Je me suis informé de tout cela, parce que la pétition dont il s'agit et qui nous est arrivée il y a un mois, avait éveillé mon attention et m'avait inspiré le désir de me rendre compte sur les lieux mêmes de tous les détails de cette affaire.

Voilà ce que j'ai vu et entendu. La navigation s'y fait. J'ai vu au moins dix bateaux chargés de houille dans le canal.

Je le répète, au lieu d'aller directement de Deynze à Meygem, par exemple, on fait aujourd’hui un détour de 10 lieues, on fait la procession par Gand, on paye 200 francs de plus par bateau qu'il ne faudrait payer, si l'on pouvait entrer dans le canal à Deynze.

En résumé, je pense que les deux buts, savoir la dérivation et la navigation, peuvent s'atteindre à la fois. J'admets cependant que, pour achever l'écluse à sas, il faudra une loi ; je ne soutiens pas l'opinion contraire.

Je sais très bien que la loi qui a décrété le canal ne parle que de dérivation et que, pour agir régulièrement, il faudrait un bout de loi dont la rédaction ne demanderait pas plus de cinq minutes, et qui se voterait presque aussi vite.

La chose est donc très facile. Je recommande de nouveau à M. le ministre des travaux publics cet intérêt qui est digne de toute son attention.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Messieurs, vous venez d'entendre divers orateurs qui ont dû vous donner la preuve que l'intérêt auquel se rapporte la pétition n'est pas envisagé de la même façon par les députés des deux Flandres. Je ne crois pas que le montent soit venu d'entrer dans le fond de la question. Il suffit de rappeler les faits tels qu'ils existent.

Une loi a autorisé le gouvernement à établir un canal de dérivation des eaux de la Lys vers la mer. Ce canal a été construit, il est vrai, dans des proportions qui permettront de l'utiliser également pour la navigation, si cela est praticable sans nuire à l'objet principal.

On se plaint aujourd'hui de ce qu'une partie du canal étant construite, ou ne l'utilise pas dès à présent pour la navigation. La commission propose le renvoi de la pétition au département des travaux publics ; je ne m'oppose pas à ce renvoi ; des explications seront fournies ; mais il est inutile de prolonger aujourd'hui ce débat, qui ne peut pas aboutir.

La loi lie le gouvernement ; elle ne lui permet pas de livrer le canal à la navigation. Le moment est-il venu d'autoriser cette navigation ? Je ne le pense pas ; il faut attendre que le canal soit achevé ; cet achèvement sera prochain. Alors on examinera si on peut satisfaire à l'intérêt du commerce, en même temps que le canal remplira sa destination principale qui est l'écoulement des eaux.

Je pense qu'il en sera ainsi. Après avoir dépensé des sommes assez considérables pour créer un nouveau canal, il serait par trop rigoureux d'interdite l'usage de ce canal à la navigation, alors que cet usage ne peut avoir lieu sans nuire à l'objet principal. Les intéressés peuvent donc avoir une confiance entière dans ce qui doit arriver dans un avenir prochain.

M. B. Dumortier. - Messieurs, ainsi que l'a fort bien dit l’honorable M. de Haerne, tout à l'heure, la question qui nous occupe est une question de procession dans la ville de Gand ; cela est une très grande vérité, et les honorables députés de Gand la reconnaissent.

Toutefois, cette procession, bonne pour la ville de Gand qui y trouve son compte, est onéreuse aux exploitants et aux consommateurs qui désirent la voir cesser.

Mais, messieurs, cette procession n'est pas la seule dont il ait été question dans cette enceinte. M. le ministre des travaux publics vient de dire, et avec raison, que l'État ayant fait un canal à grandes sections, avec des écluses et des travaux propres à la navigation, il ne serait pas sensé de ne point faire servir ce canal à la navigation si la navigation ne doit pas nuire à l'écoulement des eaux.

Or, si un jour un projet de loi est présenté sur ce point, je demanderai au gouvernement de faire à l'Escaut la même faveur qu'à la Lys, de procurer à la navigation de l'Escaut, bien autrement considérable que celle de la Lys, le moyen d'éviter la procession dans la ville de Gand, procession qui lui est excessivement onéreuse.

Je dois dire que cette question se rattache à la grande loi des travaux publics. Lorsque nous fîmes, il y a un certain nombre d'années, la loi qui a pris le nom de dérivation de la Meuse avec beaucoup d'autres dépenses, on affecta une somme assez considérable à l'amélioration du régime du haut Escaut. Le canal de Schipdonck même, d'où prend-il son origine ? Précisément des dégâts éprouvés par les riverains du haut Escaut.

Il est vrai que depuis 4 ou 5 ans les inondations de l'Escaut n'ayant pas eu lieu à des époques préjudiciables, les plaintes ne se sont pas renouvelées ; mais une fois que les pluies recommenceront, on aura à déplorer les mêmes désastres qu'auparavant, et de nouvelles réclamations surgiront alors.

Devons-nous attendre que le mal soit arrivé, pour y porter remède, lorsqu'il est reconnu que le mal existe, lorsque la Providence seule s'oppose dans ce moment à ce qu'il exerce ses ravages ?

Pour remédier aux inondations de l’Escaut, on a d'abord créé une chose fort inutile, le canal de Schipdonck (Interruption.) Cela a été fait au point de vue de la ville de Gand, mais non pas au point de vue du haut Escaut. On a voté ensuite dans la loi dont je parlais tout à l'heure, un million et demi pour améliorer le régime de l'Escaut. Pourquoi cette somme est-elle restée sans emploi ?

On a fait des écluses dans l'intérêt des canaux qui arrivent à l'Escaut, mais on n'a fait absolument rien pour améliorer la situation du fleuve, dans l'intérêt des prairies riveraines, qui s'étendent sur une distance de 25 lieues.

Nous avons toujours demandé qu'on construise aussi un canal pour l'écoulement des eaux de l'Escaut ; ce canal n'occasionnerait qu'une dépense de quelques centaines de mille francs.

Si le gouvernement emploie la somme votée en 1851 à l'exécution des travaux d'un semblable canal, je demande aussi que le canal soit fait à sections suffisantes pour permettre le passage des navires, afin d’éviter les dépenses onéreuses que la navigation doit s'imposer en passant par Gand.

Vous continuez à leur faire faire la procession. Je ne vois pas pourquoi on fait faire une dépense d’au-delà de 100 fr. au détriment des bateliers, des consommateurs et des producteurs. Si le gouvernement examine la question en ce qui concerne le canal de Schipdonck et présente un projet de loi pour le faire servir à la navigation, il pourra proposer en même temps des mesures pour faciliter la navigation de l'Escaut. Je me borne, quant à présent, à ces observations.

M. Vander Donckt. - Je ne sais si M. le ministre est bien au courant de cette affaire du canal de Schipdonck ; j'ai vu un règlement d’où il résulte que l’intention du gouvernement est de rendre ce canal navigable, j'ai vu imprimé et affiché un règlement pour la navigation de ce canal ; j'ai même interpellé l'honorable ministre Van Hoorebeke parce que jo prévoyais qu'on destinait le canal à la navigation, et que, par-là on pourrait nuire à la décharge des eaux. Ce règlement existe, je pourrai, pour la satisfaction de M. le minore, le lui communiquer au besoin.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je n'ignore pas qu'il existe dès aujourd'hui une navigation sue le canal de Schipdonck ; c'est ce qui a été dit il y a un instant ; mais cette navigation a été autorisée à titre de navigation locale. Il y avait autrefois sur les eaux qui ont servi au canal une navigation locale qui a été maintenue ; aujourd'hui il n'existe pas de règlement qui autorise la grande navigation, attendu que le gouvernement a été autorisé à créer un canal de dérivation et (page 1008) que jusqu'à ce qu'on ait pu se rendre compte du parti qu'on peut tirer de ce canal, le gouvernement est obligé de s'en tenir aux termes de la loi.

L'honorable M. Dumortier a demandé pourquoi on n'avait pas fait usage des crédits votés pour l'Escaut, et à cette occasion il a reproduit une opinion qu'il a présentée à diverses reprises et à laquelle il a été chaque fois répondu.

Je ne crois pas que le moment soit venu d'approfondir la question qu'il a soulevée ; je me bornerai à dire que si on n'a pas absorbé les crédits votés pour le haut Escaut, c'est qu'avant d'exécuter des travaux en amont, il fallait décharger l'aval. Si, comme le dit l'honorable membre, on a eu tort de décréter la construction du canal de Schipdonck, ce que je ne crois pas, c'est un fait accompli, et je ne crois pas nécessaire de le justifier encore aujourd'hui.

M. Manilius. - Je ne me fatigue pas de répondre à l'honorable M. Dumortier parce qu'il ne se fatigue pas de répéter que les bateaux du Hainaut sont inutilement forcés de faire la procession à travers la ville de Gand. C'est au moins la dixième fois que je le fais. Il est impossible que les bateaux destinés aux Flandres ne passent pas par Gand ; ceux qui sont destinés à la ville de Gand et c'est le plus grand nombre doivent bien aussi y entrer, à moins qu'on ne veuille les faire décharger hors ville ; mais cela ne peut nous convenir ; c'est devant nos magasins qu'ils doivent arriver ; ils y viennent successivement et en grand cortège ; c'est tout naturel ; l'honorable membre appelle cela une procession.

Il est une autre partie qui y passent en traversant la ville de Gand. Ce sont tes bateaux qui doivent gagner la Lys ou le canal de Bruges peur desservir la Flandre occidentale. Il y a une troisième partie composée de quelques bateaux qui descendent le bas Escaut, je reconnais que ceux-là pourraient ne pas passer par la ville, mais le moyen proposé n'a pas été reconnu praticable par les hommes de l'art, on a laissé ces bateaux descendre par les chasses, ils ont suivi la marche ordinaire, ils ne pouvaient pas faire autrement.

Il ne s'agit pas de l'amour de Gand pour les processions, je ce crois pas que les Gantois soient très friands de processions de bateaux ou autres.

Chaque fois que j'entendrai mon honorable ami M. Dumortier, adresser ce reproche à la ville de Gand, je ne me lasserai pas de lui répondre.

Il ne s'agit ici ni de procession de bateaux, ni d'intérêts de bateliers ou de haleurs, ni d'intérêts de cabarets ; il s'agit de savoir s'il est possible de dévier de la route naturelle qu'on a toujours dû suivre jusqu'ici. L'amour de M. Dumortier pour la création d'une autre voie n'a pas été admise par les ingénieurs, par les hommes qui ont sérieusement étudié la question. Je veux bien que l'honorable membre reste plein d'amour et d'espoir pour son projet, mais chaque fois qu'il le reproduira je le combattrai, au nom de la saine raison, et de l'avis des ingénieurs.

M. B. Dumortier. - L'honorable député de Gand traite sur un ton de plaisanterie, que je ne continuerai pas, une question trop sérieuse pour les intérêts généraux du pays, pour pouvoir être traitée de cette manière. Comme député de Gand, je conçois qu'il veuille que tout le batelage fasse des dépenses en passant dans la ville, c'est là tout le secret de notre dissentiment avec Gand ; cela est parfaitement connu de tous. La vérité est qu'un bateau de Tournai qui veut se rendre à Anvers, en Hollande, à Bruges, à Termonde (Interruption)...

Permettez, je ne vois ai pas interrompu. La vérité est que ce bateau est obligé d'opérer la traversée de Gand, qui lui coûte, plus de cent francs ; c’est-à-dire que chaque hectolitre de houille doit payer 25 centimes dans la ville de Gand pour les écluses, les ouvriers de halage, etc., C’est un véritable abus pour les exploitants et pour les bateliers aussi bien que pour les consommateurs ; c'est cet abus qu'il importe de faire cesser.

Maintenant que les parties prenantes désirent le maintien de cet abus dont elles vivent, c'est naturel.

Les cabaretiers sont puissants à Gand. Jacques Artevelde savait bien ce qu’il faisait quand il se mettait brasseur pour devenir un jour dictateur de la ville ; ce sont les cabaretiers qui l’ont soutenu ; c'est une histoire qui date de quatre siècles.

Ce qui était vrai alors l’est encore aujourd'hui. Mais l'intérêt général du pays exige la suppression de cet abus.

Il est vrai que la proposition dont j'ai entretenu la Chambre n'a pas été admise ; je n'ai pas à la défendre comme mienne, car je n'en ai pas pris l’initiative ; mais elle a été appuyée par tous les intéressés du haut Escaut, du Hainaut et de la Flandre occidentale ; M. Vander Donckt, qui vient de prendre la parole, et M. Magherman, député d'Audenarde, peuvent vous dire comment la chose est vue dans leur arrondissement. Il est une chose remarquable : d'immenses inondations avaient lieu le long du haut Escaut sur une étendue de 25 lieues ; de pareilles inondations avaient également lieu à Gand ; mais avec cette différence qu'elles provenaient de la Lys, tandis que celles du haut Escaut provenaient du haut Escaut. Il est vrai que la voix de MM. les Gantois était bien puissante au sein de la commission et que, pour faire écouler les eaux du haut Escaut, on a imaginé d'y faire écouler les eaux de la Lys. Nous dirions plus tard quel résultat cela produira. En attendant, j'ai soutenu et je soutiens encore que rien ne sera changé à la situation et que le jour viendra où vous sera démontrée a la dernière évidence la nécessité de faire les travaux que vous avez repoussés jusqu'ici.

Ces travaux, on ne les a plus réclamés depuis plusieurs années, pourquoi ? Parce que, fort heureusement, nous n'avons plus eu de pluies abondantes comme les autres années. On ne s'est plus plaint, parce, qu'on ne souffrait plus. Cependant, je dois dire que, quand j'ai vu la Chambre voter un million et demi pour travaux d'amélioration à exécuter pour le haut Escaut, j'ai pensé qu'elle faisait chose sérieuse et que, dans son intention, ce crédit devait être consacré aux contrées désolées par les inondations de l'Escaut. Que sont devenus les fonds qui ont été votés dans ce but ? Ils auront probablement reçu une autre destination.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Pas du tout.

M. B. Dumortier. - En effet, avec cet argent destiné à l'écoulement des eaux du haut Escaut, on a fait l'écluse d'Autryve destinée à alimenter le canal de Bossuyt ; on a fait ensuite une seconde écluse pour donner de l'eau au canal de l'Espierre. Voilà l'emploi des fonds qui étaient destinés à soulager les contrées riveraines du haut Escaut des inondations auxquelles elles sont exposées. En réalité on les a employés à créer deux entraves nouvelles à l'écoulement des eaux pour alimenter deux canaux voisins (Interruption.) Oh ! messieurs, je connais admirablement cette question ; j'en ai tous les éléments sous la main.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je demande la parole !

M. B. Dumortier. - Ceci n'est pas le fait de M. le ministre actuel des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Non, mais vos assertions manquent d'exactitude.

M. B. Dumortier. - Ce que je dis est rigoureusement exact. Voilà, je le répète, l'emploi qu'on a fait de fonds alloués dans le but d'améliorer l'écoulement des eaux du haut Escaut et cela malgré les vives réclamations qui ont été adressées par une foule d'intéressés. Depuis Gand jusqu'à la frontière française, on n'a rien fait, et ici j'accuse directement M. l'ingénieur en chef Wolters, que je considère comme la cause principale de tout ce qui s'est fait. M. Wolters a voulu par-dessus toutes choses faire triompher ses idées et il n'a pas craint de sacrifier à son opinion les intérêts du pays.

Je le répète, messieurs, la législature avait alloué des fonds destinés à faciliter l'écoulement des eaux du haut Escaut, afin de prévenir le retour des inondations qui couvraient périodiquement les prairies riveraines ; non seulement ces fonds n'ont pas reçu leur destination ; mais on a même promis de nouveaux endiguements qui doivent nécessairement accroître encore les chances d'inondation et à rendre celles-ci plus funestes encore qu'auparavant. Je ne veux certes pas accuser M. le ministre actuel des travaux publics ; il ne peut évidemment pas être rendu responsable de faits antérieurs à son administration ; mais je l’adjure d'examiner la question et j'espère que de lui nous obtiendrons enfin la justice que nous réclamons depuis si longtemps.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je remercie l'honorable préopinant de la bonne opinion qu'il a exprimée à mon égard en terminant son discours ; mais je ne puis me dispenser de lui dire que la plupart des considérations qu’il vient de présenter me semblent manquer d'exactitude. On n'a pas, dit-il, employé les fonds volés par la législature, et il s'en plaint amèrement.

En effet, messieurs, on n'a pas employé ces fonds, mais c'est parce qu'il a été impossible de le faire ; un crédit a été voté pour améliorer l'écoulement des eaux du haut Escaut et en même temps pour améliorer le régime de la rivière au point de vue de la navigation. Pourquoi cet argent n'a-t-il pas été dépensé ?

Parce qu'il y avait un obstacle absolu à faire exécuter des travaux destinés à faciliter l'écoulement des eaux du haut Escaut avant d'avoir fait au bas les travaux nécessaires pour permettre l'écoulement de ces eaux de la rivière vers la mer.

Maintenant, l'honorable préopinant revient constamment sur ce que le parti pris alors n'est pas celui qui satisfait le plus à ses désirs ; mais cela est tout à fait étranger aujourd'hui à la question : on a décidé que l'écoulement des eaux se ferait par le canal de Schipdonck, il faut donc que ce travail soit achevé avant qu'on puisse commencer les travaux à faire sur le cours du haut Escaut. On a appliqué du crédit vote toute la somme qu'il a été permis d'employer utilement.

L'honorable membre prétend qu'on n'a eu en vus que de favoriser certains canaux ; mais cela est tout à fait inexact : ces travaux ont été décidés avant qu'on mît la main à l'œuvre pour l’établissement des canaux dont on parle ; ces travaux ont été faits uniquement en vue de l'Escaut ; on a fait des rectifications, des barrages et d’autres travaux encore uniquement dans l'intérêt du régime de l'Escaut.

Aussitôt qu'on aura pris les mesures nécessaires pour dégager l'aval, les fonds votés par les Chambres et qui ne sont pas sortis des caisses du trésor, quoi qu'en pense l'honorable préopinant, seront, je le promets, immédiatement appliqués aux travaux que réclame le haut-Escaut.

Voilà, messieurs, la situation de la question ; je ne refuse pas le renvoi de la pétition au département des travaux publics ; mais il me semble que, dans l'état où se trouve aujourd’hui la question, toute discussion serait, pour le moment, superflue.

L'honorable M. Dumortier a paru faire un reproche à l'ingénieur en chef, directeur des ponts et chaussées de la Flandre orientale, de son intervention dans cette affaire. Ce fonctionnaire, en recherchant le meilleur moyen de faciliter l'écoulement des eaux surabondantes du (page 1009) bassin de Gand, en exprimant son opinion à ce sujet et en la défendant, n’a fait que remplir un devoir.

Il se peut que le moyen employé ne soit pas approuvé par l’honorable M. Dumortier, mais je ferai observer que ce moyen a été approuvé par le gouvernement et qu'il a été sanctionné par la 'législature. Dès lors, l'ingénieur en chef de la Flandre orientale me paraît être ici complétement hors de cause.

M. Jacquemyns. - L'honorable M. Dumortier vient de dire qu'à Gand, on est très amateur d'argent, et, d'après lui, on paye 25 centimes par hectolitre de houille pour la transporter par bateau à travers cette ville. Mais le fret entier, de Mons à Gand, n'était, il y a quelque semaines, que de 20 cent. par hectolitre ! D'un autre côté, l'honorable membre affirme qu'il coûte 100 francs par bateau pour traverser la ville de Gand, et un bateau charge 3,000 hectolitres, qui, à 25 centimes, représenteraient 750 francs.

Quant aux inondations dont on se plaint, elles sont le résultat de circonstances toutes particulières : elles proviennent de ce qu'on a amélioré le cours de l'Escaut en France.

Nous nous sommes plaints, à diverses reprises, de ce qu'on ait ainsi facilité l'écoulement des eaux vers la Belgique ; mais que veut l'honorable M. Dumortier : il veut que l'on continue le même système en Belgique, c'est-à-dire qu'on exécute d'abord des travaux depuis la frontière française jusqu'à Gand, et que l'on procure ainsi aux eaux du Haut-Escaut de nouvelles facilites d'écoulement, au lieu de débarrasser d'abord la ville de Gand, des eaux qui y arrivent déjà en trop grande abondance.

Les circonstances sont déjà telles, que la ville de Gand a été obligée d'exhausser un grand nombre de rues, que les eaux, s'y trouvaient à 50 et 60 centimètres au-dessus du pavé dans beaucoup de rues de la ville, que le rez-de-chaussée d'une partie des habitations était envahi par les eaux. C'est pour cela que nous avons demandé qu'avant d'amener une plus grande quantité d'eau vers Gand, en améliorant la partie supérieure de l'Escaut, ou avisât d'abord au moyen de nous débarrasser des eaux qui nous arrivaient déjà en trop grande quantité. C'est ce que la commission a demandé il y a quinze ans. L'honorable M. Dumortier, alors comme aujourd'hui, a soutenu, qu'il fallait commencer par amener une plus grande quantité d'eau à Gand, sauf à l'inonder. Mais la ville de Gand a aussi soutenu alors comme aujourd'hui, et avec succès, qu'il fallait d'abord débarrasser l'Escaut au niveau de la ville de Gand.

D'un autre côté, l'une des causes principales des inondations qui ont lieu dans le haut Escaut, c'est qu'à Gand le cours de ses eaux se trouve entravé par l'énorme affluence des eaux qui proviennent de la Lys. Eh bien, le canal de Schipdonck débarrassera la ville de Gand des eaux de la Lys et fera par conséquent dans le lit commun des deux rivières une place pour recevoir les eaux du haut Escaut. La ville de Gand doit formellement réclamer de la Chambre qu'avant de penser à améliorer le cours du haut Escaut, elle débarrasse le fleuve à la traverse de cette ville du trop-plein dont elle se plaint depuis de longues années.

M. de Haerne. - Je demande pardon à la Chambre de prendre la patole pour une troisième fois. Mais j'espère qu'elle me le permettra, attendu que la discussion a dévié de son objet et qu'il s'agit maintenant d'une autre question. Je reconnais cependant que les deux objets sont connexes.

J'ai eu l'honneur de dire tout à l’heure que j'étais satisfait de la déclaration faite par M. le ministre des travaux publics en ce qui concerne le projet d'une écluse à sas à Deynze, construction, qui, selon lui, doit être ajournée jusqu'après l'achèvement du canal de dérivation. Je le conçois, mais je pense que la question de l'ouverture du barrage doit être réservée. Je crois qu’il n'y a pas d'obstacle à accorder cette ouverture immédiatement, puisqu'elle peut se faire sans frais. On pourrait commencer par un essai.

J'ai toujours soutenu et je dois encore soutenir qu'il n'y a de remède radical aux maux occasionnés par les inondations de l'Escaut supérieur que dans la construction du canal de Deynze à la mer. Mais cela n’empêche pas qu'on ne puisse apporter de grandes améliorations à l'état de l'Escaut supérieur. La question est de savoir si l'on a fait tout ce qu'on pouvait faire à cet égard. J'ai toujours réclamé simultanément et la construction du canal de dérivation par Schipdonck et l'exécution de toutes les améliorations possibles sur le haut Escaut pour obvier autant que possible aux inondations. Je ne sais si j'ai bien compris tout à l'heure M. le ministre des travaux publics, mais il semblait diminuer un peu l'importance des travaux qu'on peut faire sur le haut Escaut pour améliorer la situation. Or, de l'aveu même d'un des honorables prédécesseurs de M. le ministre des travaux publics, on pourrait, dans certaines parties, approfondir le lit du haut Escaut. C'est ce qui a toujours été soutenu par un ancien ministre représentant de Gand.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - C'est ce qu'on a fait.

M. de Haerne. - Je suis charmé de l'apprendre. C'est pour cela que j'ai provoqué une explication.

L'honorable M. Dumortier disait tout à l'heure que les barrages construits sur le haut Escaut l'ont été en vue de travaux de navigation. Il a cité le canal de Bossuyt à Courtrai et le canal d'Espierre. Quant au canal d'Espierre, je ne puis rien en dire ; mais pour ce qui regarde le canal de Bossuyt, l'observation de l'honorable membre est tout à fait inexacte. Le canal de Bossuyt n'est pas engagé dans la question. Il ne s'agissait pas de ce canal, lorsque le barrage d'Autrive a été construit, et cette construction a même obligé les entrepreneurs de modifier les plans primitifs du canal. Ce sont deux ouvrages tout à fait indépendants l'un de l'autre.

M. B. Dumortier. - Il m'est difficile de laisser sans réponse les erreurs énormément graves que m'a attribuées tout à l'heure l'honorable M. Jacquemyns. Il nous prêté des pensées qui prouvent que l'honorable membre n'a pas étudié à fond la question.

Quand l'honorable membre vient dire, par exemple, que ce sont les travaux faits en France qui ont amené la situation actuelle du haut Escaut, il se trompe grandement. Ce ne sont pas les travaux faits en France, mais c'est l'élargissement de l'écluse d'Antoing sur le territoire belge, fait par le gouvernement belge, qui a amené les inondations.

Quand l’honorable membre vient dire que nous voulons amener les inondations à Gand, il se trompe encore complétement. Car ce que nous demandons, c'est que les eaux et les bateaux ne doivent plus passer par Gand.

Je pense que ce peu de mots suffisent pour réfuter les erreurs de l'honorable membre. Ce que nous demandons est diamétralement opposé à ce qu'il nous fait dire.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.