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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 8 juin 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 1101) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Des habitants d'Enghien demandent que le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique comprenne la construction, par l'Etat, d'un chemin de fer de Braine-le-Comte à Ninove. »

M. Ansiau. - Je viens prier la Chambre de vouloir bien ordonner que cette pétition, qui émane d'une localité très importante de l'arrondissement que j'ai l’honneur de représenter, sera renvoyée à la section centrale qui examinera le projet de loi relatif à divers travaux d'utilité publique.

Je crois devoir, à ce propos, messieurs, insister auprès du gouvernement pour qu'il prenne les mesures qu'il jugera utiles, afin que la loi qui a concédé au sieur Tarte le chemin de fer de Braine-le-Comte à Renaix par Lessines ne reste pas à l'état de lettre morte. Le cautionnement qui a été déposé donne, me semble-t-il, le moyen de faire exécuter ce dernier chemin de fer.

- La proportion de M. Ansiau est adoptée.


« Le sieur Letoret demande la nomination d'une commission chargée d'examiner si le principe de la traction directe était une innovation lorsque le sieur Falchamps s'est occupé de son application aux machines d'exhaure, et puis de constater quelle est la personne qui aurait le plus contribué à le rendre pratique et à le faire généralement adopter en Belgique. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Tourhant, ancien militaire, congédié pour infirmité contractée au service, demande un secours. »

- Même disposition.


« Le sieur Seys réclame l'intervention de la Chambre pour que la société concessionnaire du chemin de fer de Lichtervelde à Furnes exécute ses obligations. »

- Même disposition.

« L'administration communale d'Esschen demande la construction du canal d'Anvers à Turnhout par Saint-Job in 't Goor. »

« Même demande des membres des administrations communales de Bar-le-Duc et de Raevels. »

M. de Boe et M. H. Dumortier proposent à la Chambre de renvoyer cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique.

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres du conseil communal et des habitants de Sclayn-Bormeville prient la Chambre de comprendre dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique le crédit nécessaire pour l’amélioration de la navigation de la Meuse en amont de Chokier. »

- Même disposition.


« Des propriétaires de bois dans la province de Luxembourg demandent la libre sortie des charbons de bois, par la frontière du grand-duché de Luxembourg. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Des meuniers à Bruly et Cul-des-Sarts, demandent une augmentation de droit à l'entrée des farines venant de France. »

- Même disposition.

« La dame Wazemans demande que son fils soit libéré du service militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Des habitants de Seilles prient la Chambre de comprendre dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d’utilité publique, la canalisation de la Meuse entre Flémalle et Namur. »

« Même demande d'habitants et industriels de Namur. »

- Renvoi à la section centrale, chargée de l'examen du projet.

M. Lelièvre. - J'appelle l'attention particulière de la section centrale sur la pétition qui est fondée sur les plus justes motifs, et je demande que cette section fasse un rapport spécial sur l'objet énoncé à la réclamation.

- Adopté.


« Le conseil communal d'Anvers prie la Chambre d'inscrire dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique que l’enceinte de cette ville sera étendue jusqu'au pied des forts du camp retranché actuellement existant ; qu'en attendant l'exécution de cette enceinte, toutes les servitudes militaires seront levées dans ce périmètre et que le raccordement provisoire des deux enceintes au nord de la ville aura lieu de manière à rendre possible le mouvement commercial dans ce quartier.

M. Loos. - Je demanderai le renvoi de cette requête à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur l'exécution de divers travaux d'utilité publique.

- Adopté.


« Le sieur Goupy de Quabeck, propriétaire de prairies dans la vallée du Demer, prie la Chambre de comprendre l'amélioration du régime de cette rivière dans le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d'utilité publique. »

- Même renvoi.

M. de Luesemans. - Messieurs, la deuxième section a examiné le projet de loi des travaux publics et a chargé son rapporteur d'appeler l'attention de la section centrale sur l'objet de la pétition. Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la section centrale et que celle-ci soit invitée à comprendre la pétition dans son rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. de Liedekerke, forcé de s'absenter, demande un congé de quelques jours. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif à l’établissement séricole d’Uccle

Rapport de la section centrale

M. Moreau dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi concernant l’établissement séricicole d'Uccle.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1859

Rapport de la section centrale

M. d'Hoffschmidt dépose le rapport de la section centrale sur le budget des travaux publics pour 1859.

- Même disposition.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Pirson dépose le rapport de la commission qui a examiné le crédit supplémentaire pour mes fêtes de juillet 1856.

- Impression, distribution et mise à l'ordre du jour après le projet de loi sur la pharmacopée.

M. de Muelenaere. - Il doit être entendu qu'en toute hypothèse on aura 24 heures pour examiner le rapport et que dans le cas où la pharmacopée serait votée aujourd'hui, la discussion du crédit n'aurait pas lieu demain.

- Adopté.

Projet de loi réglant l’ordre de présentation des conseillers de la cour d’appel de Bruxelles

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Tesch) présente un projet de loi avant pour objet de régler l'ordre de présentation aux places de conseillers qui deviennent vacantes à la cour d'appel de Bruxelles.

M. le président. - Le projet de loi sera imprimé et distribué ; comment la Chambre veut-elle qu'il soit examiné ?

- Des membres. - Par les sections.

M. Lelièvre. - Il s'agit d'une question spéciale qui sera traitée plus convenablement par une commission. C'est la marche suivie d'ordinaire en semblable occurrence.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est un objet spécial qui intéresse principalement les provinces de Brabant, de Hainaut et d'Anvers. La loi est devenue nécessaire par suite de l'augmentation du nombre de conseillers à la cour de Bruxelles.

Déjà même un projet de loi avait été déposé par l'ancien cabinet pour régler cet état de choses ; mais il est venu à tomber par suite de la dissolution.

Il suffit de renvoyer cette affaire à l'examen d'une commission.

- La Chambre consultée, renvoie le projet de loi à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.

Projet de loi relatif à la nouvelle pharmacopée officielle

Discussion générale

(page 1102) M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux amendements de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne puis me rallier aux modifications proposées par la section centrale ; elles renverseraient le projet de loi dans deux de ses dispositions principales.

Le projet de loi a pour but la mise en pratique de la pharmacopée. Il propose d'appliquer aux médicaments les dispositions qui ont été ajournées lors de la discussion de la loi sur les poids et mesures et de la loi sur les falsifications des denrées alimentaires. A cette époque, on convint de renvoyer ces dispositions à la loi qui était annoncée alors sur l'art de guérir et sur la pharmacopée.

C'est ce qui a été fait par un de mes honorables prédécesseurs qui a déposé le projet de loi que nous discutons.

Ce projet a du malheur : il a longtemps été examiné sous l'ancien cabinet ; représenté par le nouveau cabinet, il a subi de nouveau un très long examen et voilà deux ans qu'il attend un vote à la Chambre

Un autre malheur, c'est que cet examen a conduit l'honorable rapporteur à des objections qui, si elles restaient debout, jetteraient sur le codex, qu'il s'agit d'imposer aujourd'hui aux pharmaciens, sous peine d'amende et de prison ; jetteraient, dis-je, sur cette œuvre très importante une sorte de discrédit et pourraient répandre dans le pays des doutes, des inquiétudes même sur 1'efficacité, sur l'innocuité des prescriptions comprises dans le codex.

Je sais fort bien qu'après les critiques nombreuses dont la pharmacopée a été l'objet dans son rapport, M. le rapporteur conclut par dire qu'après tout « l'ouvrage considéré dans l'ensemble est bon et peut être revêtu de la forme authentique ; » mais en faisant cette concession, il parle d'incorrections, de négligences, de préparations surannées combattues ou abandonnées par tous les hommes de progrès.

Dans maint autre passage de son travail, M. le rapporteur se livre à des critiques non moins sévères.

En outre, il emprunte à un pharmacien de ses amis, je pense, et reproduit une vingtaine de pages de critique, et quatre d'errata.

M. Vander Donckt, rapporteur (de la tribune). - 150 lacunes, omissions et erreurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - 150 lacunes, émissions et erreurs, indépendamment des observations critiques de l'honorable ami de M. Vander Donckt ! Je ne sais pas même s'il n'est pas un peu son compatriote.

M. Vander Donckt. - Non, M. le ministre, je n'avais pas même l'honneur de le connaître.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez donc emprunté de confiance les observations de cet honorable praticien et vous les avez faites vôtres en les insérant dans votre rapport dont elles occupent à peu près les deux tiers.

M. Vander Donckt (de la tribune). - Après confrontation et vérification et après en avoir constaté l'exactitude.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il y a du nouveau dans ce débat. Je vois que l'honorable rapporteur a pris place à la tribune.

M. Vander Donckt. - C'est mon droit.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une innovation. Il est bon du reste d'avoir ses adversaires en face, et l'honorable préopinant n'est pas d’ailleurs d'une nature dangereuse. Il peut être très vif dans ses critiques ; mais au fond nous connaissons tous son excellent caractère et j'esopère que cette discussion aura lieu à armes respectivement courtoises.

L'honorable préopinant ne trouvera pas mauvais que les hommes estimables, je dirai plus, les hommes considérables de la science qui se trouvent attaqués par lui, aient pris la parole pour répondre.

J'éviterai de reproduire quelques expressions qui pourraient s'excuser en termes de défense ; mais comme je veux autant que possible témoigner de cette discussion tout ce qui pourrait exciter de l’irritation je tairai dans les réclamations que je vais lire les passages qui paraîtraient un peu vifs à l’honorable préopinant. Je réclame l’attention bienveillante de la Chambre pour l'exposé un peu long que je suis forcé de lui soumettre,

Mais au moment où nous allons rendre obligatoire, ainsi que je l'ai dit, le Code des lois pharmaceutiques, le rendre obligatoire sous peine d'amende et de prison, il importe qu'un pareil ouvrage soit en quelque sorte réhabilité aux jeux du pays.

Il importe que la classe nombreuse de nos pharmaciens n’accuse pas le gouvernement de venir lui imposer une œuvre défectueuse, incorrecte et mauvaise. Sous ce rapport, je crois que la Chambre doit tenir à ce que les rédacteurs du codex, ainsi que ceux qui ont pu avec pleine compétence apprécier ce travail, aient à leur tour la parole pour s’expliquer par mon organe dans cette enceinte et répondre aux critiques dont le nouveau code pharmaceutique a été l’objet.

Je n’ai garde de prendre sur moi personnellement la défense du travail. Les connaissances spéciales me font défait sur ce point comme sur beaucoup d’utres. Mais j’ai pleine confiance dans les autorités que j’ai à citer, et je prie la Chambre de prendre très au sérieux les communications que je vais lui faire.

Il s'agît de questions scientifiques et de questions pratiques de la plus haute importance pour la santé publique. Il s'agit aussi de défendre l'honneur de nos savants, et lorsqu'on a l'avantage de posséder dans le pays quelques spécialités scientifiques, il ne faut pas les laisser traduire sans défense à la barre de cette Chambre.

D'abord quant à l'ouvrage en lui-même il est peu de travaux qui aient été entrepris et conduits avec plus de précaution et plus de soin que la pharmacopée. Dès 1833 une commission fut nommée où ne figuraient pas seulement des hommes de science pure à qui M le rapporteur paraît en vouloir un peu, mais aussi des praticiens qui, pour être des hommes de science, n'étaient pas moins, je pens-, compétents. La première commission chargée d'élaborer la pharmacopée était composée de MM. Van Mons, professeur à l'université de Louvain ; de Hemptinne, pharmacien à Bruxelles et membre de l'Académie ; Vanden Corput, pharmacien à Bruxelles ; Delvaux, professeur de chimie à l'université de Liège ; le docteur Van Cutsem, et M. Sauveur, membre de l'Académie d s sciences.

Par arrêté du 13 novembre 1840, le docteur Martens, professeur de chimie et de botanique à l'université de Louvain, fut nommé en remplacement du docteur Van Volxem.

Quand les premiers travaux de la commission ainsi composée furent terminés, le gouvernement les soumit à l'Académie de médecine ; l'Académie nomma une commission spéciale qui, conjointement avec la commission primitive, se livra à une révision du travail.

Parmi les membres adjoints à la commission primitive, nous voyons figurer des hommes de science et des hommes pratiques, des savants et des pharmaciens, des pharmaciens qui sont en même temps des hommes de science, comme il y a des hommes de science qui connaissent parfaitement les matières pharmaceutiques.

Ces détails sont un peu longs, mais il est important pour le pays, qu'on sache bien comment ce codex a été préparé, comment toutes les précautions ont été prises pour que ce travail présentât au public toutes les garanties désirables.

La commission nommée par l'Académie pour examiner l'avant-projet était composée de M. le docteur François, professeur de pathologie interne à l'université de Louvain ; de M. le docteur Froidmont, médecin en chef de l'un des hôpitaux de Bruxelles ; de M. le docteur Gouzée, médecin en chef de l'hôpital militaire d'Anvers ; de M. Chandelon, docteur en pharmacie, professeur de chimie à l'université de Liège et membre de la commission médicale provinciale ; de M. Cavreux, pharmacien à Liège, membre de la même commission ; de M. Hensmans, pharmacien à Gand et professeur de pharmacie à l'université de cette ville ; de M. V. Pasquier, pharmacien, actuellement directeur de la pharmacie de l'armée ; de M. Gaudy, professeur de pharmacie à l'école vétérinaire ; et de M. Stas, membre des Académies des sciences et de médecine et professeur de chimie à l'école royale militaire. (MM. Delvaux et Stas n'ont pas concouru aux travaux de ce dernier comité.)

Ces deux commissions réunies se livrèrent donc à un travail de révision de la pharmacopée, cela ne suffit pas ; et l'on nomma par une troisième disposition une commission de rédaction composée de quatre membres : M. de Hemptinne, pharmacien dont ou ne niera pas la compétence, M. Mareska, savant chimiste dont nous avons à déplorer la perte récente, M Martens dont la science ne sera contestée par personne et M. Sauveur, inspecteur général du service de santé et secrétaire de l'Académie de médecine.

Ces quatre membres, avec un zèle, un dévouement, un désintéressement auquel je suis heureux de rendre hommage, se chargèrent du travail de la rédaction, de l'impression et de la correction de la pharmacopée. C’est ce dernier travail qui a donné lieu à ces critiques amères reproduites dans le rapport de la section centrale, critiques qui, pour être acceptées avec moins de défiance par les plus impartiaux, auraient dû être du moins accompagnées d'observations bienveillantes pour les parties qui auraient pu mériter une approbation.

Messieurs, j'ai reçu des deux membres restants de la commission de rédaction (elle était primitivement composée de MM. de Hemptinne, Mareska, Martens et Sauveur) la première partie d’un rapport que je ne lirai pas en entier à la Chambre ; cependant il importe que ce travail soit livré à la publicité afin que la critique et la défense puissent se trouver en présence.

Je me bornerai aujourd'hui à donner lecture au commencement de ce rapport. Il est ainsi conçu :

« Monsieur le ministre,

« La lettre que nous avons eu l'honneur de vous adresser hier, et que vous avez lue à la Chambre des représentants, rappelle les noms des médecins, des chimistes et des pharmaciens qui ont successivement concouru à 1 élaboration de la pharmacopée nouvelle.

« Trois pharmaciens, MM. Gille, Leroy et Denique ont critiqué ce recueil, deux autres, MM. Wànty et Laneau l'ont défendu, et il est à notre connaissance que plusieurs autres praticiens en ont également pris la défense au sein des associations pharmaceutiques.

« La commission dont nous restons aujourd'hui les seuls représentants, a répondu à MM. Gille et Leroy, en publiant une brochure dans laquelle sont suffisamment réfutées le scritiques dont l’ouvrage a été l’objet de la part de ces deux pharmaciens.

« Avons-nous été justes ou trop sévères à l’égard de M. le répétiteur du cours de pharmacie à l’école vétérinaire ? Voici en quels termes M. Denique, aujourd’hui l’un de nos censeurs, s’est exprimé sur l’écrit de M. Gille :

(page 1105) « La dernière partie du travail de M. Gille renferme des inexactitudes tellement nombreuses, qu'on est tenté de se demander dans quel but il peut avoir écrit, et dans tous les cas, s'il connaît assez bien l'ouvrage dont il fait la critique, attendu que ses appréciations renferment plus d'erreurs qu'elles n'en rélèvent. (Journal de pharmacie d'Anvers, octobre 1857, p. 489.)

« Nous venons d'examiner successivement les principales critiques dirigées par M. Gille contre la nouvelle pharmacopée ; nous croyons avoir démontré que la plupart de ces critiques sont mal fondées. » (Même recueil, mars 1858, page 110.}

Quant aux observations de M. Leroy, M. Denique s'est abstenu de les apprécier dans leur ensemble, parce qu'il a voulu, sans doute, ménager son confrère ; c'est ce qui ressort pour nous de plusieurs passages de ses articles, parmi lesquels nous nous bornons à citer les suivants :

« M Leroy s'est attaché, en combattant la pharmacopée sur tous les points où elle n'est pas conforme aux pharmacopées françaises, comme si, en réalité, il n'y avait pas de bonnes choses à puiser dans celles qui sont en vigueur dans d'autres pays ; tandis qu'il est reconnu, au contraire, que quelques pharmacopées de l'Allemagne sont supérieures au codex français. Toutefois, nous nous plaisons à constater que les observations de M. Leroy sur les alcoolats par mélange, et les extraits préparés avec intervention de la poudre de feuilles, auront rencontré l'approbation des amis du progrès. Cependant, quelques inexactitudes se sont glissées dans son travail (…) Toutes ses observations ne sont pas exemptes d'interprétations erronées. » (Même recueil, octobre 1857, page 488.)

« M. Leroy s'est violemment élevé contre cette méthode (celle de préparer extemporanément certaines eaux distillées aromatiques et l'a condamnée comme radicalement mauvaise, parce que les préparations qu'elle fournit ne représentent pas entièrement les eaux obtenues par distillation, ce qui n'a jamais été contesté par personne ; mais M. Leroy s'est singulièrement mépris sur la portée réelle de ces sortes de substitutions, que l'on n'autorise que par une espèce de nécessité, et pour mettre les pharmaciens à même de satisfaire à toutes les éventualités ; c'est, d'ailleurs, ce que les auteurs du codex déclarent dans la préface. »

« Nous avons cru bien faire, disent-ils, en ne maintenant que celles de ces eaux qui sont les plus usuelles et les plus actives parce qu'elles se conservent difficilement ;»on conviendra que, sauf deux ou trois exceptions, la plupart sont rarement demandées, et même ne figurent pas du tout dans la pharmacopée de 1823. » (Même recueil, octobre 1857.)

« La critique que M. Leroy a faite du mode de préparation donné par la pharmacopée pour l'obtention des extraits alcooliques et la discussion qui en est résultée plus tard entre lui et M. Wanty, méritent d'être examinés, à cause de l'erreur que ces confrères nous semblent avoir commise dans l’interprétation de la pharmacopée.

« Ils n'ont apprécié ces préparations que d'après les formules particulières données pour leur obtention, et ont perdu de vue ce qu'autorisent à cet égard, les règles générales : celles-ci laissent, en effet, au pharmacien la latitude d'opérer, soit par macération, soit par lixiviation. » (Même recueil, février 1858, page 50.)

- Un membre. - C'est assez.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Cela peut paraître un peu long ; je ne puis cependant pas m'abstenir, tout en abrégeant autant que possible, de communiquer les parties essentielles du rapport.

M. Coomans. - Mieux vaudrait l'imprimer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si la Chambre est impatiente, j'abrégerai plus encore que je ne comptais le faire. Mais je considère comme de mon devoir de conserver à la discussion les proportions que je suis forcé de lui donner.

Il est à remarquer que les trois adversaires du travail sur la pharmacopée sont en pleine contradiction entre eux.

Lorsqu'ils apprécient la pharmacopée, ils sont d'accord pour lui adresser des reproches, mais ensuite, quand ils en viennent à apprécier leurs opinions respectives, ils se combattent, ils se critiquent réciproquement.

Je reprends la lecture du rapport :

« Nous pensons que ces citations suffisent pour montrer que toutes les critiques que MM. Gilles et Leroy ont faites de la pharmacopée sont bien loin d'être fondées et que, comme le dit M. Denique, dans leur zèle à ne laisser inaperçu aucun des défauts du codex, ces pharmaciens ont péché quelquefois par un examen trop précipité qui ne manque jamais de conduire à des assertions ou erronées ou hasardées, lesquelles produisent, dans le plus grand nombre de cas, un effet opposé à celui qu'ils en attendent. »

Voici maintenant en quels termes M. Lantau, pharmacien à l'hôpital Saint-Jean, à Bruxelles, s'exprime sur l'ensemble des observations de M. Leroy :

« Lorsqu'on veut juger un ouvrage, dit M. Laneau, il faut, pour être équitable, que l'appréciation porte sur les qualités du livre et sur les défauts qu'on y rencontre. La critique donne alors à la louange sa véritable valeur, et la louange donne une portée réelle à la critique ; elle est la preuve ou la présomption de la bonne foi.

« En un mot, un pareil jugement est accepté par la conscience publique, parce qu'il exclut le sentiment de la servilité ou du dénigrement, écueils contre lesquels viennent se heurter trop souvent ceux qui se font les juges d'autrui.

« Les critiques de M. Leroy portent-elles ce double cachet ? Tous ceux qui ont lu, comme moi, les différents articles publiés dans le journal de Pharmacologie et la lettre à laquelle je vais répondre, ne seront certainement pas de cet avis.

« En effet, on y cherche en vain l'énumération des perfectionnements que renferme le nouveau codex, on n'y trouve même pas la trace qu'on les a cherchés avec la bonne volonté de les découvrir. Qnaut aux critiques en elles-mêmes, elles ne reposent absolument que sur les opinions d'auteurs d'ouvrages de pharmacie et l'avis de M. Leroy.

« Il est bien évident que les rédacteurs de la nouvelle pharmacopée ont connu ces ouvrages, et s'ils n'ont pas accepté ces opinions, il faut bien admettre que leur expérience personnelle n'a confirmé ni l'observation ni la manière de voir de ces auteurs. Reste donc, pour toute base aux critiques de M. Leroy, son avis personnel.

« A cet égard, je me permettrai de dire que je ne connais qu'un seul cas où un homme puisse opposer son avis personnel aux travaux des autres, c'est lorsque cet homme, par de longs travaux et des services éclatants, s'est acquis une autorité telle, qu'elle efface, par sa notoriété, l'opinion de tous. Je ne pense pas que M. Leroy ait cette prétention.

« Enfin, je crois que nous sommes en droit de réclamer de lui, non son avis, mais des faits positifs qui démontrent la validité de ses critiques. » (Bulletin de la Société de pharmacie de Bruxelles, n° 8.)

« Ainsi donc, les pharmaciens qui ont écrit sur la pharmacopée se contredisent entre eux.

« Nous arrivons maintenant aux observations de M. Deniquec, qui se trouvent consignées dans le rapport de la section centrale.

« Nos réponses aux critiques de ce pharmacien seront nécessairement sommaires, parce que le temps nous fait défaut et que pour les pharmaciens instruits et impartiaux. la plupart de ces critiques ne sont point fondées ou ne s'attachent qu'à des points tout à fait secondaires. »

J'arrêterai ici la lecture du rapport de MM. Martens et Sauveur, me réservant de le livrer tout entier à la publicité.

Indépendamment de ce travail collectif, je dois donner communication à la Chambre d'une letre que j'ai reçue ce matin même de M. Martens. Cette lettre est ainsi conçue :

« Louvain, 7 juin 1858.

« Monsieur le ministre.

« Je viens de voir avec surprise dans un discours prononcé à la Chambre des représentants, dans sa séance du 2 juin dernier, que l'honorable M. Vander Donckt a décliné ma compétence et celle de mes collègues MM. Sauveur et Mareska, tous les deux, comme moi, docteurs en médecine, pour juger de la valeur des médicaments qui doivent figurer dans une pharmacopée, et a ainsi critiqué indirectement la mesure prise par le gouvernement de nous avoir confié avec quelques pharmaciens la mission d'élaborer ce recueil.

« Mais si nous étions incompétents sous ce rapport, comme on le dit, comment se ferait-il que les gouvernements étrangers aient souvent chargé de la même mission des médecins et des chimistes ? Comment se fait-il que le gouvernement hollandais ait abandonné le soin de faire sa dernière pharmacopée officielle, publiée depuis peu d'années, à une commission presque exclusivement composée de professeurs de chimie, de médecine et de botanique ?

« Et en effet, M. le ministre, les médecins chimistes sont, quoi qu'on en dise, meilleurs juges que les pharmaciens de la bonté des médicaments et de ceux qu'il importe d'introduire dans une pharmacopée.

« M. Denique, pharmacien, qui a cru devoir critiquer notre travail, nous a fourni lui-même h preuve de ce que je viens d'avancer, car en parlant des lacunes qu'offrirait, suivant lui, la nouvelle pharmacopée au sujeitde certains médicaments, il se permet de nous signaler non seulement plusieurs médicaments qui auraient fait double emploi avec ceux que nous avions adoptés ; mais il nous en recommande même que l'expérience a reconnus défectueux, telle que la liqueur de cuivre ammoniacale de Koechlin, qui n'a été conservé que dans la seule pharmacopée de Bavière. Mais dans le savant commentaire qui a été publié depuis peu à Würtzbourg sur cette pharmacopée, on blâme sévèrement l'admission de ce médicament d'une composition très insolite et dont l'action sur l'économie animale n'est pas bien constatée (voir page 246, première partie du recueil mentionné).

« M. Denique a donc fait preuve d'une certaine ignorance de la littérature pharmaceutique étrangère en venant nous critiquer pour n'avoir pas admis dans le nouveau codex belge le médicament en question.

« M. D...... en s'avisant de faire insérer dans le rapport de la section centrale une longue liste de corrections qu'il nous engage à introduire dans la pharmacopée, non seulement a présenté une foule de corrections inutiles ou défectueuses ; mais il en propose même qui, si elles étaient admises, introduiraient dans la pharmacopée des erreurs graves : c'est ce que nous aurons l'occasion, M. Sauveur et moi, de démontrer incessamment.

« Veuillez agréer, M. le ministre, l'hommage de mes sentiments respectueux.

« Dr Martens, Professeur à l'université de Louvain. »

Vient ici une lettre d'un honorable académicien, qui a été mis aussi en cause dans la dernière discussion et qui répond de son côté. Je veux parler de l'honorable M. Stas. Voici sa réponse. Elle est un peu longue ; eile n'est pas de nature à être communiquée tout entière à la Chambre, ni même à être imprimée tout entière ; elle sera imprimée avec quelques correctifs. Ne perdons pas de vue, si les termes en sont un peu tranchants, qu'il s'agit ici de savants et de savants qui se défendent.

Voici donc la lettre de M. le professeur Stas :

« Monsieur le ministre,

L'autre jour, lorsque vous avez opposé aux attaques de l'honorable M. Vander Donckt contre la pharmacopée officielle, l'appréciation que j'ai faite de ce livre, il y a bientôt trois années, cet honorable membre a jugé convenable d'attribuer mon jugement à un sentiment de complaisance à l'égard de mes collègues.

« Pour vous démontrer, M. le ministre, combien la supposition de M. Vander Donckt est mal fondée, il me suffira de vous dire dans quelle circonstance j'ai émis le jugement que vous avez bien voulu invoquer.

« Le jour même que M. de Hemptinne, qui a si activement concouru à l'élaboration du nouveau codex, donna le bon à tirer de la dernière feuille de l’édition latine, il fut frappé d'apoplexie et quelques jours après il expira. Deux années après sa mort, j'écrivis, sur l'invitation de la classe des sciences de l'Académie royale, une notice biographique de ce savant et respectable (page 1104) confrère. C'est dans cet écrit que j'émis mon opinion sur la valeur du codex. Les complaisances que M. Vander Donckt semble me reprocher, je les aurais donc eues pour un collègue mort depuis deux années. Je me plais à croire que si l’honorable représentant avait connu cette circonstance, il se serait abstenu de m'adresser ce reproche du haut de la tribune nationale.

« Le jugement que j'ai porté en 1856 sur la nouvelle pharmacopée, je le maintiens dans toute son intégrité, J'affirme de nouveau que pendant de longues années que j'ai vu journellement de Hemptinne, j'ai assisté aux essais comparatifs des procédés employés pour les préparations pharmaceutiques, et j'affirme de plus qu'aucun de ces procédés n'a été définitivement accepté et inséré dans le codex sans qu'il eût donné les meilleurs résultats.

« A l'occasion de la discussion qui vient de s'ouvrir, j'ai examiné encore les différentes parties dont se compose la pharmacopée, et, je le répète, je ne connais aucun livre de ce genre renfermant autant de données utiles et présentant en même temps aussi peu d’imperfections tant pour l'ensemble que pour les détails. Jusqu'ici la matière médicale et les préparations chimiques n'ont été l'objet d’aucune critique ; les attaques ont été dirigées contre les préparations pharmaceutiques.

« J'ose prétendre que si le respectable et regrettable de Hemptinne vivait encore, ii en serait de même pour la partie qui est spécialement son œuvre et qu'il a élaboré lorsqu’il était dans toute la plénitude de sa force et de sa raison. Je me suis donné la peine de lire attentivement les différentes critiques ; en général, elles ne reposent que sur des hypothèses ou des appréciations différentes, mais nulle part je n'ai vu de faits positifs de produits. Cependant ce n’est que par des faits irrécusablement établis qu'il est permis de répondre à des faits.

« L'honorable M. Vander Donckt, pour appuyer son système, a déclaré devant la Chambre que jusqu'ici j'ai été seul à élever la voix en faveur du nouveau codex. Cette affirmation prouve que cet honorable membre a parfaitement étudié les critiques écrites contre la pharmacopée, mais qu'il s'est soigneusement abstenu de rechercher ce qui a été publié en sa faveur. Je dis qu'il a parfaitement étudié les critiques écrites et non pas publiées, parce que, dans son rapporta la Chambre, il se trouve une pièce attribuée par lui à un pharmacien de Bruxelles, pièce inconnue de tout le monde, et que très probablement M. le rapporteur a acceptée manuscrite des mains du critique.

« En effet, ce travail, qui occupe une très grande place dans le rapport, voit le jour pour la première fois. »

M. Vander Donckt, rapporteur. - Oui, pour ceux qui n'ont pas lu le journal pharmaceutique d’Anvers ; mais ceux qui ont lu ce journal y ont vu ces articles. L’honorable pharmacien dont il s’agit les y a fait inséré longtemps avant que je fusse chargé du rapport sur le projet de loi concernant la nouvelle pharmacopée officielle.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il paraît que M. Stas considère ce travail comme inédit, publié pour la première fois dans le rapport de la section centrale. Si maintenant le travail a déjà été inséré dans le journal pharmaceutique d’Anvers, c’est ce que l’honorable M. Vander Donckt expliquera ; je suis simple rapporteur, mais rapporteur sympathique.

Je continue la lecture de la lettre :

« A peine le codex était-il dans le domaine public, que M. Wanty, pharmacien à Bruxelles, et M. Laneau, pharmacien en chef de l'hôpital Saint Jean, un des pharmaciens les plus distingués du pays, l'ont défendu contre les attaques dirigées contre lui. M. Laneau, qui est chargé de la direction du laboratoire de l'hôpital Saint-Jean, a soumis la plupart des procédés pharmaceutiques décrits, et notamment ceux critiqués, à une vérification précise et rigoureuse. Il a reconnu que toutes les méthodes qu'il a pu contrôler sont parfaitement exécutables et fournissent d'excellents résultats, tant pour la qualité que pour la quantité des médicaments, il a déjà publié le résultat de ses observations dans les journaux mêmes où M. Vander Donckt a puisé certaines de ses critiques. Dans peu M. Leneau produira un nouveau travail, dont je connais depuis longtemps les principaux faits, qui justifiera complétement les auteurs de la pharmacopée, des critiques inconsidérées dont une partie importante et notamment celle des teintures et des extraits a été l'objet.

« Je voudrais finir ici mes observations, mais permettez-moi de vous dire, M. le ministre, mon sentiment sur les critiques de M. Vander Donckt. Le rapport et les discours de cet honorable membre fourmillent d'incohérences et de contradictions vraiment incroyables. D'un tôlé, il a l'air de ne pas vouloir se constituer le juge de la pharmacopée et de l'autre côté, il la critique avec une amertume qui s'élève parfois jusqu'à la violence et à l'injustice la plus évidente. Lors même, ce que je dénie formellement, que le codex présenterait quant au fond et quant à la forme les lacunes signalées par l'honorable rapporteur, sa critique et ses conclusions seraient encore sans fondement.

« En effet, ces lacunes existantes, il n'en résulterait pas moins que le restant de l'ouvrage serait fait avec soin ; on serait toujours autorisé à dire qu'il y a manque d'équité dans son abstention, presque systématique, d'indiquer les nombreux perfectionnements que présente le travail de nos compatriotes, comparé aux codex étrangers mêmes les plus récents.

« Les observations critiques consignées dans le rapport et empruntées à un pharmacien de cette ville, se rapportent à des niaiseries qui ne méritent pas d'être relevées, et qui sont en tout cas indignes de figurer dans un document parlementaire. Ce sont ou des chicanes sur la synonymie, ou sur un nom à changer, ou un reproche sur un procédé particulier de préparation de tel extrait, lorsque la pharmacopée indique pour la préparation de cet extrait trois méthodes différentes. On conçoit au fond la critique d'un procédé de préparation d'un extrait, lorsque ce procédé est l'œuvre personnelle des auteurs du codex ; mais quel reproche voulez-vous qu'on adresse à des auteurs qui se bornent à insérer dans un livre de pratique une méthode de préparation d’un médicament prescrit par un grand nombre de praticiens du pays ? En tout état de choses, si la pharmacopée renferme des vieilleries, ce n'est pas la faute des auteurs de la pharmacopée, mais bien celle des commissions médicales provinciales qui en ont réclamé impérieusement le maintien contre l'avis même de ces auteurs.

« Si le projet d'errata inséré dans le rapport de l'honorable M. Vander Donckt venait à être adopté, je ne crains pas de le dire, M. le ministre, à l'instant vous devriez ordonner la rédaction d'un long erratum pour corriger les nombreux errata que présente cette pièce.

« Il m'est impossible de finir ma lettre, M. le ministre, sans vous communiquer les profonds regrets que j’éprouve des attaques dirigées par l'honorable M. Vander Donckt contre un ouvrage qui méritait d'être traité avec les ménagements dus aux hommes honorables et instruits qui l'ont élaboré avec autant de soin que de dévouement et de désintéressement. Vous partagerez j'espère, ces sentiments, surtout lorsque je vous rappellerai que deux des auteurs ont cessé de vivre et que par conséquent ils ne peuvent plus se défendre.

« Veuillez agréez, monsieur le ministre, les assurances de mon profond respect.

« J.-S. Stas.

« Bruxelles, le 7 juin 1858. »

Voici un document qui sera le dernier, mais que je considère comme le plus important, en me plaçant au point de vue tout spécial où s'est placé l'honorable M. Vander Donckt. Vous savez que l’honorable rapporteur, mettant en présence le savant et le pharmacien, avait principalement cherché à faire prévaloir la compétence du pharmacien en cette matière, à faire fléchir les raisons données par le savant devant les opérations pratiques du pharmacien.

Or, je viens d'établir que parmi ceux qui ont mis la main à forme si importante de la nouvelle pharmacopée belge, il figure au moins autant de pharmaciens que de médecins ; que ces pharmaciens appartenaient tous aux sommités scientifiques et que, sous ce rapport, leur autorité ne devrait pas être récusée, par cela seul qu'ils étaient des pharmaciens savants. J'ai établi qu'à côté de ces noms savants qui appartiennent à l'Académie, il y avait d'autres noms qui ont aussi leur importance, il est vrai, mais qui, sous le rapport de la science, ne sont pas placés à la hauteur où sont placés les autres. J'ai constaté que les trois adversaires de la nouvelle pharmacopée ne sont pas d'accord entre eux, qu'ils s'accusent réciproquement d’avoir commis des erreurs. Or, voici maintenant l'opinion de deux pharmaciens qui se trouvent parfaitement d'accord pour apprécier d'une manière toute favorable la valeur scientifique et pratique de la nouvelle pharmacopée.

L'un de ces pharmaciens est M. Laneau, pharmacien en chef de l'hôpital Saint-Jean, chargé de la préparation des médicaments destinés aux hôpitaux civils de Bruxelles ; le second pharmacien est M. Depaire, très connu à Bruxelles, et ailleurs encore qu'à Bruxelles, et que ses concitoyens ont investi du mandat de conseiller communal. Voici donc l'opinion de ces deux savants praticiens :

« Bruxelles, le 6 juin 1858.

« M. le ministre,

« La lecture du rapport fait à la Chambre des représentants par M. Vander Donckt, relativement à la pharmacopée, nous a suggéré quelques réflexions que nous croyons devoir vous communiquer.

« L'honorable rapporteur, appréciant l’ensemble du livre qui est soumis à la sanction législative, déclare que le fond de la pharmacopée est bon et qu'elle peut être adoptée, mais seulement après avoir été l'objet d'une révision préalable.

« Nous partageons l'avis émis par M. le rapporteur sur le fond de la pharmacopée, mais nous allons plus loin et nous n'hésitons pas à dire que le plan de l'ouvrage a été bien conçu et bien exécuté.

« De cette déclaration émanant de la conviction que nous a donnée l'examen attentif, l'étude suivie de la pharmacopée, l'essai d'un grand nombre de formules qui y sont consignées, on ne doit pas inférer que nous la croyons irréprochable ; nous l'envisageons, au contraire, comme susceptible de remaniement mais nous pensons qu'une révision immédiate serait inutile et illusoire.

« En effet, la pharmacopée étant un livre essentiellement pratique, composé surtout de faits, l'expérience peut seule apporter les lumières nécessaires à un examen sérieux : c'est en opérant d'après les règles du nouveau codex que les praticiens seront mis à même d'en apprécier en connaissance de cause les défauts et les qualités, et ce ne sera qu'après quelque temps d'essai que l'on pourra procéder utilement à une révision complète.

« L'honorable M. Vander Donckt s'est appuyé, dans son rapport, sur les critiques dirigées contre la nouvelle pharmacopée.

« Puisque M. Vander Donckt a bien voulu reconnaître la compétence des pharmaciens en matière de codex, nous nous permettrons de dire que ces critiques n'ont modifié en rien l'opinion que nous nous sommes faite du livre, et que nous considérons, les unes comme peu ou point fondées, les autres quoique plus sérieuses, comme n'étant pas de nature à arrêter un instant la sanction des Chambres. Nous ajouterons que nous ne comprenons pas que l'honorable rapporteur n'ait point remarqué que la plupart des observations émises contre le nouveau codex se détruisent réciproquement, et qu'il n'ait pas cru devoir les discuter avant d'en faire usage.

« En disant que les considérations que l'on a fait valoir contre la nouvelle pharmacopée ne sont point de nature à arrêter la sanction législative, nous croyons, tout en exprimant notre intime conviction, émettre l'avis de la grande majorité de nos collègues, car la société de Pharmacie de Bruxelles a décidé dans une de ses dernières séances, qu'une lettre vous serait adressée, M. le ministre, afin de vous prier de présenter le nouveau codex à la sanction des Chambres.

« L'introduction du projet de loi ayant eu lieu quelques jours après cette décision, la pétition devint inutile et c'est ainsi qu'elle ne vous fut pas remise. Nous garantissons l'exactitude de ce fait qui a, dans l'espèce, une certaine valeur. Il est du reste renseigné dans le procès-verbal de la séance du mois de mai de cette année.

« Dans l'intérêt de la vérité, nous devons encore, M. le ministre, signaler à votre attention quelques points du rapport de l'honorable M. Vander Donckt, parce qu'ils sont dénués de fondement.

(page 1105) « D'après l'honorable rapporteur, personne, dans le corps pharmaceutique, n'aurait élevé la voix pour défendre la pharmacopée. C'est là une erreur qu'il importe de relever.

« Deux pharmaciens de Bruxelles, M Wanty et l'un de nous, ont défendu la pharmacopée contre les attaques dont elle a été l'objet, et leurs mémoires respectifs ont été insères dans le Journal de pharmacologie et dans le Journal de pharmacie d'Anvers, où M. Vander Donckt semble avoir puisé ses renseignements. D'autres pharmaciens ont également signalé les avantages des procédés du nouveau codex, notamment dans les discussions qui ont eu lieu à ce sujet au sein de la société de Pharmacie de Bruxelles, et dont le compte rendu est inséré dans le dernier recueil cité.

« L'allusion faite à la séance de l'association pharmaceutique de Belgique, et dans laquelle il n'y aurait eu qu'une voix pour désapprouver le travail présenté à la sanction de la législature, est également controuvés.

« En effet, il conste du procès-verbal de cette séance, inséré dans le journal de pharmacie d'Anvers ;

« 1° Qu'un membre a fait connaître à l'assemblée que le cercle pharmaceutique de la Flandre orientale s'est prononcé pour la révision complète de la pharmacopée et qu’il désire que l'association en réclame un nouvel examen.

« 2° Que cette proposition a été combattue et écartée.

« 3° Que l'assemblée s'est bornée à discuter les articles du projet de loi.

« Nous ne pouvons terminer cette lettre, M. le ministre, sans vous exprimer combien nous avons été étonnés d'apprendre, par le rapport de la section centrale, que l'un des membres de la commission chargée de l'élaboration de la pharmacopée (le seul qui fût réellement compétent, d'après le rapporteur), avait succombé à l’âge et aux infirmités, puisqu'il est de notoriété publique que cet honorable et respectable praticien a été frappé d'apoplexie au sein même de l'Académie de médecine, lorsqu'il jouissait encore de la plénitude de ses fonctions intellectuelles et physiques.

« Veuillez agréer, M. le ministre, l'hommage de notre profond respect.

« J.-B. Depaire, pharmacien, membre de l'Académie de médecine et du conseil supérieur d'hygiène.

« J. Laneau, pharmacien en chef de l'hôpital St-Jean, charge de la préparation des médicaments destinés aux hôpitaux civils de Bruxelles. »

Eu plaçant, messieurs, la pharmacopée belge sous l'autorité de pareils noms, je pense l'avoir assez vengée des critiques dont elle a été l'objet, et en avoir fait assez pour rassurer le pays, si des craintes avaient pu surgir du rapport de l’honorable représentants d'Audenarde.

J’ai dit, messieurs, qu'en prenant la défense de ce travail, je ne le considérais pas comme tellement parfait, qu’il ne fût susceptible d'aucune espèce de révision. Il faut bien admettre que ce travail a ses imperfections et qu'une révision sera nécessaire dans un temps plus ou moins rapprochés.

Aussi l'arrêté du mois de janvier 1850 qui a décrété la pharmacopée a considéré ce travail comme susceptible d'erreur et de perfectionnement, puisqu’il a décidé que la pharmacopée subirait une révision tous les cinq ans. C’est là le moyen de maintenir le Code de nos lois pharmaceutiques au niveau des progrès scientifiques, et afin de corriger les procédés dès qu’ils n’auraient pas été reconnus bons et efficaces par l’application qui en serait faite pendant un certain espace de temps.

Ainsi quant à la révision je n'entends pas dire qu’elle n'aura pas lieu, mais avec les autorités que je viens de citer, je pense qu’on peut attendre que l’expérience ait permis d'apprécier les divers procédés.

Je ne parle pas d'erreurs matérielles, typographiques ; je parle d'erreurs graves, sérieuses, qui seraient de nature à exercer de l’influence sur la santé publique.

Je m'étonne que M. Vander Donckt, si désireux de voir réviser la pharmacopée, vienne nous proposer à l'entrée de la loi d'entourer ce travail de révision d’inextricables entraves.

J’aborde ici la discussion du projet de loi en lui-même.

L'article premier du projet tend à autoriser le gouvernement à prescrire les mesures qui seront jugées nécessaires pour la publication de la pharmacopée, ainsi que pour les modifications à y introduire. Eh bien, d'après la rédaction proposée par la section centrale, le gouvernement ne pourrait pas apporter ces modifications, sans y être, à chaque fois, autorisé par une loi.

Est-ce bien là le rôle de la Chambre ? Peut-elle vouloir que le gouvernement vienne lui demander la sanction législative pour chaque modification dont la pharmacopée sera reconnue susceptible ? La Chambre ne peut accepter un pareil rôle et elle abandonnera au gouvernement le soin d’introduire ces modifications, après s'être entouré de toutes les lumières auxquelles il jugera nécessaire de recourir.

M. Vander Donckt. - C'est ce qui existe aujourd'hui.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, ce qui existe aujourd'hui ne me semble guère de nature à inspirer à la Chambre le goût de s'occuper encore de pareilles affaires.

Voilà huit ans que la publication de la pharmacopée a été décrétée ; pendant quatre ans les projets du gouvernement sont venus mourir au pied de cette tribune ; ils ont été tellement étudiés, tellement élaborés, que le gouvernement n'a rien vu sortir de ce laboratoire.

Depuis des années, l'honorable M. Vander Donckt est chargé de l'examen du projet.

M. Vander Donckt. - Depuis deux ans, et la dissolution de la Chambre est venue anéantir mon premier travail.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Soit, deux ans. Le projet a été présenté en 1856 ; nous voici en 1858 et nous n'avons pas encore de loi. Eh bien, je dis que l'expérience que nous venons de faire n'est guère de nature à inspirer à la Chambre le désir de s'occuper elle-même des modifications qu'il pourrait être utile d'introduire à la pharmacopée, et je crois que la Chambre laissera au gouvernement le soin de modifier le codex, d'après les indications que les hommes compétents auront données.

Je suppose, je ne le souhaite certes pas, mais je suppose que l'honorable M. Vander Donckt vienne à manquer un jour à la Chambre. Qui donc pourrait faire rapport sur les modifications qui seraient ultérieurement reconnues nécessaires ?

Cela veut dire aussi que quand il y a dans une assemblée un membre possédant des connaissances spéciales sur une matière spéciale, il exercera nécessairement une grande autorité sur l’opinion de ses collègues, car il est certain de ne pas rencontrer de contradicteurs.

J'espère toutefois que la Chambre n’acceptera pas d'autorité l'opinion de l'honorable M. Vander Donckt, notamment quant à l'article premier.

L'honorable membre tombe ici dans une autre inconséquence assez notable. Lorsqu'il s'est agi de la loi sur les poids et mesures et de la loi relative à la falsification des denrées alimentaires, on voulait en rendre les dispositions applicables aux pharmaciens comme à tous les autres débitants.

Eh bien, qu'a dit alors notre honorable rapporteur ? C'est qu'il fallait renvoyer les dispositions relatives aux pharmacies et aux médicamentsàa la discussion de la loi sur la pharmacopée ou à la discussion de la loi sur l'art de guérir.

M. Vander Donckt. - A la bonne heure l

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'était votre opinion et elle était partagée par quelques membres ; mais d’autres aussi étaient d'avis qu’il fallait renvoyer ces dispositions à la loi sur la pharmacopée. Or, nous proposons de les comprendre dans cette dernière loi et voici que l'honorable M. Vander Donckt en demande de nouveau l'ajournement.

J’espère que la Chambre ne partagera pas son avis et qu'elle maintiendra dans la loi sur la pharmacopée les dispositions relatives aux poids et mesures et aux falsifications de denrées.

Nous sommes d'ailleurs d'accord, messieurs, avec la section centrale sur les autres dispositions du projet de loi et l'honorable rapporteur, tout en blâmant le codex, a fini par en proposer l'acceptation à la Chambre.

C'est aussi ma conclusion, messieurs. Je propose à la Chambre d'adopter ce projet de loi. Un bien long temps s'est écoulé depuis que ce projet a été proposé à la législature ; nous ne pourrions pas, sans inconvénient, en différer de nouveau l'adoption.

Je dirai en finissant (et bien que cette considération soit secondaire, elle a cependant son importance) que le gouvernement est lié envers l’éditeur de l'ouvrage ; il avait été décidé que cet ouvrage, dont la possession par les pharmaciens est obligatoire aux termes de la loi, serait rendu obligatoire un mois après sa publication.

Voilà plus de deux ans que l'ouvrage est publié, et s'il est sorti du magasin de l'éditeur, ce n’est que par une sorte de recommandation officieuse qu’il a été vendu à ceux qui ont bien voulu le prendre ; mais il est certain que les conditions du marché n’ont pas été strictement remplies, et plusieurs fois déjà l'éditeur a fait à ce sujet des réserves. Cette considération est secondaire ; elle est digne cependant de 1 attention de la Chambre.

J'ai évité, messieurs, et j'éviterai soigneusement de conduire la Chambre sur le terrain purement scientifique ou pharmaceutique. Je me reconnais parfaitement incompétent en cette matière, et je crois d’ailleurs que la Chambre serait peu disposée à suivre dans une discussion scientifique entre un ignorant comme moi et un savant comme l’honorable rapporteur.

M. Lelièvre. - Le projet de loi a un caractère d'utilité qui ne saurait être révoqué eu doute, il s'agit d'assurer la santé publique par des prescriptions convenables dans la matière qui nous occupe et d'un autre côté, ii est important de décréter des mesures que réclament les progrès de la science.

Le projet en discussion me paraît satisfaire à ces conditions et à ce point de vue, il me paraît digne de recevoir la sanction de la Chambre.

Toutefois, je crois devoir proposer quelques observations sur le projet de la commission, qui s'écarte en quelques points des propositions du gouvernement.

Il me semble d'abord que le gouvernement, après avoir publié la pharmacopée, doit pouvoir y apporter les modifications dont l’expérience révélera l'utilité.

Il s'agit ici d'une mesure et de détails d'exécution dont le règlement doit être laissé au gouvernement. C'est ainsi que la loi sur les vices rédhibitoires est même allée jusqu'à déférer au pouvoir exécutif le soin de déterminer les vices qui donne lieu à la rescision de la vente et de fixer les délais pour l’exercice de l’action.

Dans l'espèce il me paraît impossible d'exiger l’intervention de la législature pour modifier des mesures de détail soumises essentiellement à variations d'après les progrès de la science. Sans ce rapport, je pense qu’il est préférable d'adopter purement et simplement l'article premier tel qu'il est proposé par le gouvernement.

Je ne puis également admettre le système de la commission qui est d'avis que les dispositions de la loi du 17 mars 1856, relatives à la falsification (page 1106) des denrées alimentaires, ne doivent pas maintenant être rendues applicables à la falsification des médicaments.

A mes yeux, c'est là une erreur. Il importe à la santé publique que les médicaments ne subissent pas une altération pouvant donner lieu aux plus graves inconvénients.

Il n'existe donc aucun motif sérieux qui doive empêcher le législateur de sanctionner, par des pénalités efficaces, des prescriptions dont l'importance, dans l'intérêt général, ne saurait être contestée. Il est essentiel de prévenir immédiatement des faits dangereux qui sont de nature à léser les plus graves intérêts.

D'un autre côté l'article 6 du projet du gouvernement a été supprimé sans juste motif par la commission. Il est impossible de constater les contraventions que peuvent commettre les pharmaciens, si on ne les oblige à rendre en tout temps leurs officines accessibles aux délégués de l'autorité publique. L'article 6 dont il s'agit est donc la sanction indispensable des prescriptions du projet. Il procure le seul moyen de constater les infractions à la loi dont il assure ainsi l'exécution.

Vainement dit-on que cet article est déjà en vigueur aujourd'hui, mais puisque nous nous occupons d'une loi que nous devons rendre complète, il me paraît très utile d'inscrire dans le projet la disposition dont nous nous occupons. Cela me paraît d'autant plus indispensable que l'article 7 crée contre le fait énoncé à l'article 6 des pénalités nouvelles qui assurent l'exécution des prescriptions de la loi. Sous ce rapport le maintien des articles 6 et 7 est nécessaire pour la rédaction de dispositions complètes et efficaces.

J'ai eu l'honneur de déposer deux amendements que j'ai développés dans une séance précédente, il me paraît nécessaire d'énoncer dans quel cas la récidive sera censée exister aux termes des dispositions du projet. Il est évident que surtout en mesure de contraventions de l'espèce de celles dont il s'agit, la récidive n'existe légalement que quand la seconde contravention n'a pas été commise dans un temps très éloigné du premier fait. Sous ce rapport, je pense que nous pouvons sans inconvénient nous référer nu droit commun en matière de contravention.

Du reste, messieurs, je considère le projet comme réalisant un progrès législatif et scientifique et sous le rapport j'émettrai un vote favorable.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Lorsque, il y a quelques jours, l’honorable ministre a proposé l'ajournement de la discussion, sous le prétexte qu'il fallait attendre les réponses des honorables membres qui ont coopéré à la rédaction de la pharmacopée, je me suis bien garde de contester l'ajournement. J'aurais désiré de tout cœur voir la réfutation des observations que j'ai été obligé, malgré moi, de consigner dans mon rapport, parce que j'avais un devoir consciencieux à remplir ; et que je ne voulais pas que la Chambre ignorât les irrégularités, les fautes et les lacunes renfermées dans la pharmacopée. J'aurais été heureux de pouvoir rencontrer les observations de MM. les pharmaciens et de MM. les docteurs qui ont promis une réponse.

J'ai dit : Je demande que la lumière se fasse, mais il paraît qu'on préfère garder la lumière sous le boisseau pour quelque temps encore. Comment en effet se fait-il que l'on ne rencontre pas mes observations avant que la Chambre soit appelée à statuer sur la pharmacopée ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai déjà reçu un commencement de réfutation de vos observations. Mais je n'ai pas voulu en entretenir la Chambre.

J'ai dit que cela serait imprimé, en voilà tout un cahier. Je ne veux pas infliger à la Chambre la lecture de tous ces détails, d'autant plus que la plupart des critiques reposent, comme disent les auteurs, sur de véritables niaiseries. Eh bien, je ne veux pas occuper la Chambre de niaiseries.

Mais dans tous les cas le travail sera imprimé.

M. Vander Donckt. - Je ne demande pas mieux et tout à l'heure, dans le cours de la discussion, nous verrons s'il est possible de rendre exécutoire la pharmacopée dans l'état où elle se trouve.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez conclu à l'adoption.

M. Vander Donckt. - Sauf révision, bien entendu.

Messieurs, j'ai une série d'observations à présenter, dont la Chambre appréciera la valeur.

Je fais choix de quelques erreurs des plus saillantes, comme j'ai déjà eu l’honneur de le dire à la Chambre dans la discussion précédente, erreurs qu'on peut reconnaître, en ne sachant que lire et écrire, même en ne sachant que lire.

L'alcoolat d'écorces d'oranges doit être composé d'écorces d'oranges sèches, d'après le texte latin. D'après le texte français, il faut des écorces d'oranges fraîches. Je vous le demande, quand la commission viendra chez un pharmacien et qu'elle demandera ta production de l'alcoolat d'écorces d'oranges, que fera le pharmacien ? Devra-t-il donner la préparation faite avec des écorces d'oranges fraîches ou avec des écorces d'oranges sèches ? Evidemment lorsque vous rendez officielle une pharmacopée, lorsque vous la rendez obligatoire, il faut savoir ce que vous ordonnez.

La même observation est applicable à l'alcoolat de mélisse composé, à ce que vulgairement on connaît sous le nom d'eau des carmes. L'eau des carmes se compose entre autres ingrédients de mélisse. Dans le texte latin il est dit en propres termes : Prenez mélisse officinale. Consultez le texte français et vous trouverez : Prenez mélisse de Moldavie. Or, n'oublions pas qu'à l'article mélisse, les auteurs de la pharmacopée vous disent expressément : Il ne faut pas confondre la mélisse officinale avec la mélisse de Moldavie qui est une toute autre plante.

Je vous demande encore une fois ce quo doit faire le pharmacien qui est obligé de composer l'eau des carmes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - II y aura une rectification sur ce point, et le pharmacien saura ce qu'il a à faire.

M. Vander Donckt. - C'est ce que nous demandons. Nous provoquons une révision, une rectification.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vous ai accordé qu'il y a quelques points défectueux comme dans toutes les œuvres humaines, comme dans votre rapport. Mais ces points défectueux ne justifient pas l'espèce de discrédit dont on a voulu couvrir cet ouvrage si remarquable. Il y a des erreurs matérielles et des erreurs typographiques que les plus grands ignorants pourraient reconnaître celle que vous citez est une de ces erreurs matérielles que les auteurs ont reconnues. Voici ce qu'ils disent : « La rectification est ici nécessaire. Il faut mettre, comme dans le texte latin, la mélisse officinale au lieu de la mélisse de Moldavie. »

Les rédacteurs de la Pharmacopée ont déjà signalé ces fautes d'impression dans l’errata général qu’ils ont rédigé et dont ils ont suspendu l’impression en vue des débats auxquels donnait lieu leur travail.

M. Vander Donckt. - Il n'en est pas moins vrai qu'il y a dans ce travail des lacunes, et qu’il est impossible d'enjoindre aux pharmaciens de faire les préparations d'après la pharmacopée officielle, alors que les deux textes ne sont pas d'accord.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On les mettra d'accord.

M. Vander Donckt. - Messieurs, l'honorable ministre s'est servi de cette expiession : « Le rapporteur a ravagé la pharmacopée. » Nous allons voir ce qui en est de ce ravage par le rapport que vous avez sous les yeux.

« En général, l'ouvrage, considéré dans son ensemble, est bon : de grandes améliorations et simplifications y sont introduites et méritent l'approbation quant au fond ; et, sauf les corrections à faire, les omissions et lacunes à redresser, qui pour le plus grand nombre se rapportent plutôt à la forme qu'au fond, il peut être revêtu de la forme authentique ; il est regrettable, toutefois, que la commission de révision n'ait pas mis plus de soin afin de le publier d'une manière plus correcte. »

Et c'est là ravager, détruire la pharmacopée ! Mais je demande que la Chambre décide ici entre moi et l'honorable ministre. Evidemment l'honorable ministre a vu le rapport un peu trop en noir et il en a fait une appréciation un peu exagérée. Je crois qu'il en conviendra.

Si la pharmacopée a été ravagée, c'est bien plutôt par le défaut de soins et par la négligence de la commission chargée de la révision et de l'édition de ce travail, que par moi.

D’ailleurs, messieurs, j'ai dit dans mon discours, il y a quelques jours, que dans les critiquas dirigées contre la pharmacopée on était allé beaucoup plus loin. Voici en effet ce que dit M. Leroy, page 15 de son écrit intitulé : Un dernier mot de réplique.

Il résulte évidemment de l'examen auquel nous nous sommes livrés que nous caractérisons comme suit la pharmacopée belgica nova un ouvrage fait avec peu de conscience, sans science et avec négligence. »

Voilà l'appréciation de M. Leroy ; vous comprenez, messieurs, que 1er passage du rapport dont je viens de donner lecture est loin d'atteindre à ces proportions.

L’honorable minstre a dit que ceux qui ont critiqué lapharmacopée sont en opposition les uns avec les autres.

Messieurs, de toutes les observations (et il en est par centaines) que j'ai analysées ou reproduites dans mon rapport, aucune n'est controversée ; j'ai laissé de côté toutes celles sur lesquelles on n'est pas d'accord.

Que reste-t-il donc de cette objection ? Qu'on a émis des opinions erronées, des opinions peu exactes sur certains passages de la pharmacopée. Mais à quoi bon le rappeler ici quand ces opinons ne sont pas reproduites dans mon rapport, quand elles ne sont pas signalées à la Chambre ? Il peut y avoir des opinions divergentes détruites les unes par les autres, mais ces opinions je ne m'en suis pas occupé ; je n'ai absolument signalé que les passages les plus saillants, les défauts de concordance entre les deux textes et entre les listes alphabétiques.

Il y a une foule d'erreurs dans les tables alphabétiques, à tel point qu'il est impossible de se servir d'un texte sans tomber sur des contradictions avec l'autre texte. Quand vous sanctionnez, messieurs, une pharmacopée, qui doit être un ouvrage sérieux, qui doit servir de guide aux pharmaciens, il faut, au moins, savoir ce que vous ordonnez et sous ce rapport il est impossible que la Chambre statue immédiatement et en connaissance de cause sur la forme obligatoire à donner à la pharmacopée.

Maintenant, messieurs, vous avez la décoction de tamarin ; on a confondu complétement les pulpes avec les conserves. Cela résulte de l'examen le plus superficiel de la pharmacopée. Evidemment ce sont là des erreurs qu’il faut corriger.

Voici ce que dit M. Leroy à propos de cette contradiction : Lorsque la commission avance qu'elle a marché avec le progrès de la science et de la thérapeutique, M. Leroy se demande avec raison, même page 15 ;

« Est-ce pour avoir substitué à des médicaments sur la propriété desquels il n’y a qu'une voix, d'autres préparations qui se pratiquerai artificiellement, par exemple, les alcoolats et les eaux aromatiques faites avec les essences ; est-ce pour avoir substitué les conserves aux pulpes, les plantes narcotiques aux fraîches, dans les huiles médicinales ; est-ce pour avoir introduit de la poudre dans les extraits narcotiques, prescrit de préparer les extraits alcooliques comme ils les préparent ; est ce pour avoir épargné au pharmacien la peine de préparer lui-même certains médicaments, et est-ce enfin, pour un progrès semblable, nous n'en sommes pas désireux, attendu que notre conscience s'y oppose et nous l'abandonnons volontiers aux auteurs du nouveau codex. »

Je dis, messieurs, qu'il est impossible de rendre la pharmacopée exécutoire sans qu'elle ait été révisée. Il faut à tout prix la corriger des différentes irrégularités qui s'y sont glissées.

On a imprimé une lettre adressée à M. le ministre par les membres qui restent encore de la dernière commission de révision et là on a énuméré en quelque sorte toutes les notabilités du pays, tous les hommes les plus éminents, comme aynut fait partie d'une première commission et ayant coopéré à la pharmacopée.

De plus, une deuxième commission a été nommée par l’Académie. Mais, en définitive, voici ce qui est arrivé.

Une troisième commission a été nommée, dont on a soigneusement évité de faire mention dans cette lettre, parce qu'on a voulu tout embrouiller, parce qu'on a voulu confondre le travail des deux premières commissions, qui est bon, comme je l'ai dit, et se retrancher derrière l'autorité de ces noms honorables et dont les avis même n'ont pas toujours été suivis, j'ai lieu de douter quelque peu si ces hommes assumeront la responsabilité du travail de la troisième commission.

A l'appui de ceci, je cite les paroles de l’honorable M. Stas dont certes on ne suspectera pas les opinions.

« Le nouveau Codex belge, élaboré par une commission nombreuse de médecins et de pharmaciens, longuement examiné par une (page 1128) commission nouvelle prise au sein de l'Académie de médecine ; revu, complété et publié en latin et en français, par quatre de nos confrères à l'Académie des sciences, A. de Hemptinne, J. Mareska, M. Martens et D. Sauveur, est une œuvre qui, dans son ensemble comme dans ses principaux détails, n'est inférieure à aucune des pharmacopées connues. Elle leur est même supérieure, parce que, de date plus récente, ses auteurs ont largement profité de toutes les pharmacopées publiées à l'étranger, et de l'expérience si longue de de Hemptinne, expérience qui leur a permis d'y introduire de nombreuses améliorations et des simplifications. »

Voilà bien les quatre membres qui ont été chargés de soigner l'édition et de la traduction et ce après le décès de M. de Hemptinne, c'est précisément cette dernière commission dont je suis au grand regret de devoir accuser le peu de soin et la négligence. De nombreuses lacunes se sont glissées dans l'édition ; elles se rapportent surtout à la forme plutôt qu'au fond. Ce sont ces erreurs, typographiques ou autres, que l'on reproche à cette commission et qui résultent non pas du défaut de capacité mais du manque de soin et d'exactitude.

Vous avez, messieurs, l'électuaire composé...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. Vander Donckt parlera seul ; il sait bien que je ne puis pas le suivre sur ce terrain.

M. Vander Donckt. - Le plus sûr serait d'attendre les réponses. Alors la Chambre pourrait juger en connaissance de cause.

Il est impossible que la Chambre ordonne la mise à exécution de la pharmacopée sans qu'elle ait été corrigée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous dites dans votre rapport qu'elle est bonne.

M. Vander Donckt. - J'ai dit qu'elle est susceptible de correction et qu'après cela elle sera parfaitement bonne.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Comme toutes les œuvres humaines.

M. Vander Donckt. - Si la Chambre désire que je continue mes observations...

- Plusieurs membres. - Continuez ! continuez !

M. Vander Donckt. - Pour les espèces astringentes, vous avez pour le texte latin les écorces de grenades ou fruits de grenadier, dans le texte français on prescrit des écorces de grenadier (de racines). Encore une fois, il y a évidemment une erreur de traduction.

Il y a dans la pharmacopée des espèces de pilules purgatives ; eh bien aucune désignation spéciale n'est ajoutée à ces deux espèces de pilules dans la table alphabétique.

Il pourra en résulter qu'un particulier qui s'approvisionnera d'une de ces deux espèces de pilules chez deux pharmaciens différents, aura deux espèces de pilules qui auront chacune des qualités ou vertus différentes. (Interruption.)

Je sais parfaitement bien que cette matière prête à rire ; mais il n'est pas moins vrai que sans une révision préalable il est impossible de donner une forme authentique à la pharmacopée, telle qu'elle est conçue aujourd'hui.

(page 1106) M. Jacquemyns. - Messieurs, je viens proposer à la Chambre de mettre un terme à cette discussion pharmaceutique. Ce débat provient uniquement de la différence que présente la rédaction de l'article premier du gouvernement, comparée à celle de l'article premier de la section centrale.

D'après le projet de la section centrale, le gouvernement serait autorisé à rendre obligatoire une nouvelle pharmacopée ; le projet latin serait seul obligatoire ; eh bien, du moment que nous adoptons cet article, la Chambre doit adopter la pharmacopée.

Or, la Chambre, à mon avis, est parfaitement incompétente, une fois que le débat porte sur la science pharmaceutique ; elle est parfaitement incompétente quand il s'agit de décider qui de deux pharmaciens, l'un de Bruxelles, l'autre de Liège ou d'Anvers, peut avoir raison.

Au contraire, si nous adoptons l'article premier, tel qu'il a été rédigé par le gouvernement, la Chambre se trouve mise tout à fait hors de cause. Il me paraît, en effet, que la discussion du texte de la pharmacopée appartiendrait bien plutôt à l'Académie de médecine...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On récuse l'autorité de l'Académie de médecine.

M. Jacquemyns. - Je pense que la Chambre ne la récuse pas du tout ; mais l'Académie de médecine a le droit de récuser l'autorité de la Chambre en fait de connaissances pharmaceutiques.

L'article premier du projet du gouvernement dispose que :

« Des arrêtés royaux déterminent les mesures jugées nécessaires pour la rédaction et la publication de la Pharmacopée officielle, ainsi que pour les modifications à y apporter par la suite. »

La question est dès lors toute simple ; nous autorisons le gouvernement à rendre une pharmacopée obligatoire e et à y introduire en même temps toutes les modifications que l'Académie de médecine jugera convenables.

Nous avons eu, il y a quelques jours, une très longue discussion sur la pleuropneumonie ; beaucoup d'entre nous n'avaient pas les connaissances nécessaires pour prendre part à cette discussion.

Aujourd'hui, bien qu'ayant fait mes études en médecine et en pharmacie, je n'oserais me déclarer compétent, et je pense que ce que nous avons de mieux à faire, c'est de discuter le projet de loi indépendamment de la pharmacopée dont l'appréciation sera soumise à l'Académie de médecine et dont le gouvernement assumera la responsabilité, après s'être entouré de toutes les lumières désirables.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, en appuyant les observations de l'honorable M. Jacquemyns, je dois répéter que par un arrêté du 14 janvier 1850 le gouvernement a déjà réservé la question de révision de la pharmacopée. Cet arrêté porte que la pharmacopée sera révisée au moins tous les cinq ans par une commission composée de membres de l'Académie de médecine. Voilà ce qui doit rassurer la Chambre contre toutes les erreurs ou les défectuosités qui pourraient s’introduire dans un travail de cette importance.

En ce qui concerne les erreurs de détail que l'honorable rapporteur combat et qu'il combattra tout seul, attendu que je ne le suivrai pas sur ce terrain, ces erreurs, si elles sont réelles, seront corrigées.

Mais je supplie l'honorable rapporteur d'épargner à la Chambre et au pays la continuation d'un pareil débat ; je ne pense pas qu'il soit de nature à jeter sur la Chambre un relief suffisamment digne et sérieux.

Revenant à l'article premier, j'ajouterai que j'adopte l'amendement relatif au texte latin. Il serait ajouté à l'article premier du projet du gouvernement ces mots :

« Le texte latin sera seul officiel. »

(page 1128) >M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, voici le passage de mon rapport, qui est relatif au texte latin :

« Le texte latin ayant été fait avec plus de soin que l'autre, plusieurs personnes ont cru qu'on parviendrait à lever les difficultés en rendant ce texte seul officiel. Quelque respectable que soit cette opinion, nous sommes persuadé qu'elle n'atteindrait pas le but, à savoir la conformité des deux textes. Pour qu'on puisse se servir utilement de la pharmacopée, il faut de toute nécessité que les deux textes latin et français se correspondent en tous points sous le rapport scientifique. »

S'il y a des lacunes dans le texte français, il y a aussi des corrections à faire dans le texte latin. Les traducteurs ont déjà corrigé plusieurs erreurs dans le texte français, mais ces erreurs sont restées dans le texte latin.

Il faut donc à tout prix que les deux textes soient mis en conformité. La commission elle-même, dans sa réplique, dit que les deux textes ne sont pas entièrement d'accord ; que son opinion formelle est que le texte latin seul doit être déclaré obligatoire, et que le texte français servirait uniquement à faciliter l'intelligence de l'autre.

Il ne faut donc pas qu'il reste encore des contradictions entre l'un et l'autre textes ; il faut que les deux textes soient dressés sur 1e même plan, et que les tables alphabétiques, comme les textes, se correspondent exactement, car il ne serait pas digne de la législature d'ordonner la mise en vigueur d'une pharmacopée que dépareraient des lacunes telles que le pharmacien ignorerait quels sont les ingrédients dont il doit se servir pour tel ou tel médicament composé...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La Chambre n'est pas chargée ni responsable de ces détails, c'est le gouvernement.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Du moins la Chambre ne peut pas voter aveuglément et sans connaître l'état du travail ; et c'est précisément ce qui m'a coûté le plus de temps et de peine, c'est de pouvoir mettre la Chambre à même de connaître l'état de la pharmacopée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La. Chambre autorise le gouvernement à publier la pharmacopée sous sa responsabilité ; la Chambre ne peut être responsable de la publication d'un texte qu'elle n'a pas eu sous les yeux.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Dans la réponse aux critiques, la commission dit elle-même : « Si notre dispensaire n'est pas sans reproche, les défauts qu'on lui reproche sont loin d'avoir l'importance que le rapporteur leur attribue. » Il y a donc des défauts, des lacunes, des reproches fondés à lui adresser, l'honorable ministre en est convenu lui-même.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

(page 1106) « Art. 1er. Des arrêtés royaux déterminent les mesures jugées nécessaires pour la rédaction et la publication de la pharmacopée officielle, ainsi que pour les modifications à y apporter par la suite. »

M. Lelièvre. - Je propose d'ajouter à l'article premier du gouvernement, un deuxième paragraphe ainsi conçu : « le texte latin est seul officiel » ; le mot « officiel » disparaîtrait du premier paragraphe ; cette rédaction est préférable parce qu'elle concerne également les modifications à apporter par la suite à la pharmacopée ; ainsi relativement à ces modifications, le texte latin sera aussi seul officiel aux termes de mon amendement, et cette énonciation a une utilité incontestable.

- L'article premier ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Les pharmaciens, et, en général, toutes les personnes autorisées à délivrer des médicaments, sont tenus d'avoir, en tout temps, dans leur officine ou dans leur dépôt, et en quantités requises, les médicaments indiqués dans les listes dressées par les commissions médicales provinciales et approuvées par le ministre de l'intérieur.

« Ces médicaments doivent être préparés et conservés conformément aux prescriptions de la pharmacopée. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 35. Ceux qui, six mois après la publication de la pharmacopée, n'auront pas dans leur officine ou dans leur dépôt, dûment conservés et en quantités requises, les médicaments portés dans les listes précitées, seront passibles d'une amende de cinq francs pour chaque infraction ; l'amende sera double en cas de récidive. »

La section centrale propose de rédiger cet article de la manière suivante :

« Ceux qui n'auront pas dans leur officine ou dans leur dépôt, dûment conservés et en quantités requises, les médicaments prescrits en vertu de l'article précédent, seront passibles d'une amende de 5 francs pour chaque infraction ; l’amende sera double en cas de récidive.

« Toutefois, cette disposition ne sera applicable que six mois après la publication des listes officielles. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à cet amendement, mais en disant au premier paragraphe : « prescrits par », au lieu de : « en vertu de l'article précédent ».

- L'article 3, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. L'amende sera de 26 fr. pour chacun des médicaments de la pharmacopée qui n'aura pas été composé comme le codex l'indique, ainsi que pour tout médicament qui sera trouvé gâté ou de mauvaise qualité, encore que ce médicament ne serait pas mentionné dans la pharmacopée, ou serait préparé d'après une indication spéciale.

« L'amende sera double en cas de récidive.

« Celui qui, étant en état de récidive, aura subi une nouvelle condamnation, ne pourra délivrer aucun médicament pendant un terme qui sera fixé par le juge, et qui ne pourra être inférieur à un mois, ni excéder une année.

« Celui qui enfreindra cette défense sera passible d'une amende de cent francs et d'un emprisonnement de six mois. »

M. Muller. - Messieurs, je soumettrai à la Chambre une simple observation. Je ne trouve pas suffisamment justifié le caractère absolu de la peine comminée au troisième paragraphe de l'article 4. Cet article renforce sans motif plausible la pénalité prononcée par la loi du 12 juillet 1821 ; car par cette loi, pour qu'un pharmacien pût être suspendu dans l'exercice de sa profession, pendant un temps plus ou moins long, il fallait que non seulement qu'on eût trouvé par récidive un médicament mauvais ou gâté dans son officine, mais qu'il l'eût débité.

Pour frapper d'interdit pour un terme d’un mois à un an les moyens d'existence d'un citoyen, il faut que le délit ait été très grave, que le fait qui le constitue soit sans excuse.

Je me demande, d'autre part, si vous atteindrez ainsi exclusivement le pharmacien ou le docteur autorisé à débiter des médicaments ? N'a-t-on pas perdu de vue que nous avons des communes rurales où il n'existe que trop peu de pharmaciens, et même il est des rayons assez étendus où il ne s’en trouve qu'un seul. Vous allez donc frapper d'une suspension une officine indispensable à un certain nombre de localités, vous l'interdirez rigoureusement pendant un temps qui ne peut être inférieur à un mois et qui pourra se prolonger durant toute une année ! Vous ferez souffrir ainsi, en les rendant injustement responsables du délit, des malades, tous ceux enfin qui ont besoin de médicaments.

Cette pénalité, dont le principe est emprunté à la loi de 1821, ne me paraît guère conforme à nos mœurs, à nos tendances. Je comprends (page 1107) qu'on prenne toutes garanties pour empêcher le débit de médicaments mauvais, pouvant exercer une influence pernicieuse sur la santé ; mais pourquoi faut-il, pour ce qui peut n'être qu'une simple négligence, une pénalité exorbitante ? Et elle est exorbitante en ce que vous aggravez la loi de 1821, aux termes de laquelle il fallait, pour l'encourir, non seulement avoir dans son officine, mais débiter des médicaments nuisibles.

Je me borne à soumettre ces observations à la Chambre.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, nous avions dans la commission quatre jurisconsultes distingués pour examiner la partie législative du projet.

J'avoue ma complète incompétence sur cette partie spéciale, mais j'ai lieu d'être quelque peu surpris que l'honorable M Lelièvre qui faisait partie de la section centrale n'y ait pas fait valoir les considérations et soumis les amendements qu'il vient de présenter. Je crois l'observation de l'honorable M. Muller fondée, mais je déclare toute mon incompétence sur ce point.

M. le président. - M. Muller propose-t-il la suppression du dernier paragraphe ? '

M. Muller. - Si la Chambre trouve que nos observations sont quelque peu fondées, il conviendrait de renvoyer cet article à l'examen de la section centrale, afin qu'elle puisse en coordonner les dispositions de telle sorte qu'une peine moins exorbitante et plus acceptable soit substituée à celle qui est proposée.

M. Lelièvre. - Il est évident d'abord que la pénalité, énoncée au paragraphe 3 de l'article 4 est parfaitement légale. En effet il est tout naturel d'enlever momentanément l'exercice d'une profession à des individus qui en méconnaissent les obligations et n'en comprennent pas la dignité.

Or, n'oublions pas que dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'une seconde récidive, et la rigueur de la disposition est tempérée par l'amendement que je propose et ayant pour objet de faire décréter que la récidive existe seulement dans le cas où le second fait a été commis dans les 12 mois qui suivent une précédente condamnation.

L'article en discussion ne s'appliquerait donc qu'à celui qui aurait commis des contraventions pendant trois années successives et que deux condamnations judiciaires n'auraient pu rappeler à ses devoirs. Or je maintiens que c'est là une espèce présentant certain degré de gravité. Evidemment le pharmacien qui se trouve dans pareille position viole les devoirs impérieux de sa profession.

Les actes successifs par lui commis présentent un véritable danger au point de vue de la santé publique. N'est-il pas juste, dès lors, qu'on puisse lui défendre d'exercer momentanément une profession dont il ne comprend pas l'importance sociale ? En ce qui me concerne, je considère la disposition en discussion comme juste et parfaitement fondée ; elle a du reste pour objet d'assurer efficacement les prescriptions de la loi.

M. H. de Brouckere. - L'honorable M. Muller n'a pas prétendu que la disposition qu'il critiquait fût illégale ; il l'a seulement attaquée comme étant exorbitante, surtout quand on rapproche la pénalité du fait auquel elle serait applicable.

On veut ériger ici un délit emportant une peine très forte, ce qui n'est en définitive qu'un fait négatif. Le pharmacien qui aurait dans son officine des médicaments gâtés serait puni d'une peine extrêmement forte pour lui, et qui, dans la suite, pourrait même rejaillir sur d'autres.

Eh bien, l'honorable M. Muller, loin de prétendre que la peine soit illégale, dit qu'il ne faut l'appliquer qu'à des fautes plus graves. Je trouve cette observation extrêmement séreuse, et j'engage M. Muller, si on ne veut pas renvoyer l'article à la section centrale, à formuler un amendement ; car je suis certain que la grande majorité de la Chambre sera de mon avis sur le mérite des considérations présentées par 1 honorable M. Muller.

M. Muller. - J'admets l'hypothèse indiquée par l'honorable M. Lelièvre. Mais que l'on trouve même trois années de suite chez un pharmacien l'un ou l'autre médicament gâté, serait-il juste, sans qu'il y ait la circonstance aggravante du débit, de le suspendre de l'exercice de sa profession pour un fait qui peut n'être que le résultat de l'inadvertance ? Remarquez encore une fois, messieurs, qu'en frappant ainsi un pharmacien, vous pouvez atteindre indirectement, du même coup, s'il exerce à la campagne, tous les autres habitants de sa localité et des environs. La Chambre paraissant, au surplus, disposée à avoir égard aux observations que je lui ai soumises, je tâcherai de les résumer demain dans un amendement qu'elle examinera.

M. Lelièvre. - Il me semble qu'on pourrait concilier toutes les opinions en donnant au juge, dans le cas énoncé au paragraphe 3 de l'article 4, une simple faculté de prononcer l'interdiction de délivrer des médicaments. Le juge n'usera de cette faculté qu'avec circonspection et dans des circonstances présentant un caractère de gravité.

Or, il est évident que dans certains cas, il est juste d'interdire pour quelque temps le condamné de l'exercice d'une profession dont il méconnaîtrait complétement les devoirs.

M. Muller. - Je fais remarquer que dans la loi actuellement en vigueur, il faut le débit et non pas seulement la possession.

- Plusieurs membres. - A demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.