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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 juin 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 1129) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et demie ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d'avant-hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pièces suivantes adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Hody demande la construction d'un chemin de fer de Liège à Givet par la vallée de l'Ourthe. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Félix demande des dommages-intérêts à raison d'une détention dont il a été l'objet. »

- Même renvoi.


« Des ouvriers bronziers et fabricants à Bruxelles demandent que tout ouvrage national aux frais du gouvernement soit exécuté dans ce pays et par des Belges, et que le fondeur soit admis à faire sa soumission au gouvernement lui-même, sans être obligé de recourir au sculpteur ou à une tierce personne. »

- Même renvoi.


« La veuve Wackiers réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une créance à charge du département de la guerre. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Huy prient la Chambre de comprendre la canalisation de la Meuse entre Chokier et Namur, dans le projet de loi relatif à l'exécution de travaux d'utilité publique. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner ce projet de loi.


« L'administration communale de Vosselaere demande que la construction du canal de Turhout à St-Job-in t' Goor, soit comprise dans comprise dans le même projet de loi. »

« Même demande du conseil communal de Beersse et d'habitants de Loenhout, Brecht et Anvers. »

M. de Boe demande le renvoi à la même section centrale.

- Adopté.


« Des habitants de Huy demandent que la canalisation de la Meuse entre Flémalle et Namur soit comprise dans le même projet de loi. »

- Même décision.


« Des habitants de Furnes demandent que le gouvernement n'use qu'avec une extrême circonspection de la faculté qui lui est accordée par la loi du 20 mai 1845, d'autoriser des fonctionnaires publics à faire le commerce.

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. H. Dumortier. - Je demande qu'il soit fait un prompt rapport sur la pétition datée de Furnes et par laquelle on prie le gouvernement de n'accorder qu'avec beaucoup de circonspection aux greffiers des justices de paix l'autorisation de faire le commerce.

- Adopté.


« Le sieur Bergain, sergent au régiment du génie, réclame l'intervention de la Chambre pour faire entrer l'orpheline Jonghtseys à l'Institut royal de Messines. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Leroy présente des observations au sujet des documents communiqués à la Chambre dans la séance du 8 juin, et écrits en vue de combattre sa critique du nouveau Codex pharmaceutique. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la nouvelle pharmacopée officielle.


« Le sieur Jean Toekert, cultivateur et propriétaire à Sélange, né à Hagen (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le docteur Mouremans, président de la société Pharmacodynamique homéopathique, directeur du dispensaire Hahnemann, demande que le projet de loi relatif à la nouvelle pharmacopée officielle, soit rendu applicable aux médicaments homéopathiques dont se servent une, foule de médecins et de pharmaciens. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

Projet de loi relatif à la dot de S.A.R la princesse Charlotte

Rapport de la section centrale

M. H. de Brouckere. - J’ai l’honneur de présenter le rapport de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi concernant la dot de S. A. R. la Princesse Charlotte.

- Ce rapport sera imprimé et distribué ; le projet de loi est mis à la suite de l'ordre du jour.

Rapport sur une pétition

M. Sabatier. - J'ai l'honneur de présenter, au nom de la commission d'industrie, un rapport sur la pétition des fabricants de produits chimiques tendante au rétablissement du droit de 7 fr. 20 c. sur le sulfate de soude.

- Même décision.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Thuin

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a fait parvenir les procès-verbaux de l'élection d'un représentant par l'arrondissement de Thuin. Nous allons tirer au sort la commission chargée d'examiner ces pièces.

- Le sort désigne MM. de Ruddere, Manilius, Magherman, Lelièvre, de Luesemans, Mascart et Allard.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Vieux-Turnhout, le 1er juin 1858, la commission instituée pour obtenir la séparation de Turnhout de quelques hameaux dépendant de cette ville, demande que ces hameaux soient érigés en commune distincte.

Comme un projet de loi relatif à cet objet a été présenté par le gouvernement et sera incessamment soumis aux délibérations de la Chambre, la commission des pétitions a pensé qu'il n'y avait pour elle autre chose à faire que vous proposer le dépôt de la pétition sûr le bureau pendant la discussion du projet de loi.

M. de Renesse. - Je propose le renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Il s'agit d'une simple lettre par laquelle on demande à la Chambre de s'occuper immédiatement de cet objet.

M. de Renesse. - Je n'insiste pas.

- La pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la séparation de quelques hameaux de la commune de Turnhout.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Job in 't Goor, le 30 mai 1858, les membres du conseil communal et des habitants de Saint-Job in 't Goor demandent la construction de la section du canal de la Campine, comprise entre Turnhout et Anvers.

Même demande de l'administration communale d'Arendonck.

Votre commission vous propose le renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'exécution de divers travaux d’utilité publique.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Permettez-moi de vous donner aussi connaissance d'une réclamation nouvelle des sieurs Ortshoorn, qui se plaignent de ce que, dans le rapport qui a été présenté sur leur pétition, il a seulement été fait mention que leur première pétition a été déposée sur le bureau après une longue discussion. Les pétitionnaires se sont de nouveau adressés à la Chambre en 1853 ; il y a eu un second rapport, et la Chambre alors a ordonné le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances. Les pétitionnaires disent que si les conclusions de la commission avaient été adoptées, ils avaient l'espoir de faire valoir leurs droits auprès du gouvernement et d'obtenir l'objet de leur réclamation.

Il reste à savoir si la Chambre sera d'avis, à cause de cette considération, de revenir sur la décision qu'elle a prise.

M. H. de Brouckere. - La décision que la Chambre a prise vendredi était basée sur une autre décision que la Chambre croyait être la dernière qu'elle avait prise sur cette affaire. Or, il y a erreur : depuis 1848 il y a eu une nouvelle démarche de la part des pétitionnaires ; en 1853 la pétition a été renvoyée à M. le ministre des finances.

Je remplis ici un devoir de loyauté, puisque c'est moi qui. avais demandé le dépôt de la requête au bureau des renseignements. Je crois que la Chambre doit être conséquente et faire aujourd'hui ce qu’elle a fait en 1853.

Je demande le renvoi à M. le ministre des finance

- La Chambre décide que la pétition sera renvoyée à M. le ministre des finances.


M. H. Dumortier, rapporteur. - Par pétition datée d'Autryve, le 30 mai 1858, le conseil communal d'Autryve présente des observations contre la demande de la direction de la wateringue d'Obigies et d’Hérinnes, tendante à faire augmenter les poutrelles du barrage d'Espierres.

La direction de la wateringue d'Obigies et d'Hérinnes s'est adressée au gouvernement pour demander que le nombre de poutrelles placées au barrage d'Espierres soit augmenté.

Cette demande a pour but de provoquer, pendant l'hiver, l'inondation des prairies hautes de l'Escaut en amont de ce barrage.

Le conseil communal d'Autryve, commune situé en aval du barrage précité, proteste contre cette demande.

Il expose que la construction du barrage d'Autryve et la dérivation de l'Escaut ont déjà causé à cette commune un préjudice énorme et détruisent complétement son commerce.

Que les retenues d'eau qui se font à ce dernier barrage ont, en diminuant les irrigations en aval, considérablement diminué la valeur (page 130) d'une grande quantité de belles prairies, dont une partie a déjà dû être convertie en terres labourables.

Si le gouvernement accueillait la requête de la wateringue d'Obigies et d'Hérinnes, cette dépréciation serait bien plus grande encore.

Cette demande, dit le conseil communal d'Autryve, est contraire non seulement à l'équité, mais encore aux prescriptions des articles 640 et suivants du Code civil.

Votre commission des pétitions, messieurs, appréciant le fondement de cette réclamation, vous propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.

Projet de loi relatif à la nouvelle pharmacopée

Rapport de la commission

M. Lelièvre, rapporteur. - La commission qui a examiné les divers amendements proposés au projet de loi sur la pharmacopée, m'a chargé de vous faire le rapport suivant. Il s'agit d'une discussion exclusivement juridique ; c'est ce motif qui a engagé votre commission, sur la proposition de M. Vander Donckt, à me confier la tâche que je n'ai pu refuser.


Article 4, amendement de M. Muller.

La commission rédige l'article en ces termes :

« L'amende sera de dix francs pour chacun des médicaments de la pharmacopée qui n'aura pas été composé comme le codex l'indique, ainsi que pour tout médicament qui sera trouvé gâté ou de mauvaise qualité, lors même que ce médicament ne serait pas mentionné dans la pharmacopée.

« L'amende sera double eu cas de récidive.

« Celui qui aura délivré des médicaments gâtés ou de mauvaise qualité encourra pour chaque infraction une amende de vingt-six francs qui sera portée au double en cas de récidive.

« Celui qui, étant déjà en état de récidive, aux termes des paragraphes précédents, subit une nouvelle condamnation du même chef, pourra être privé en outre de la faculté de délivrer aucun médicament pendant 13 jours au moins et six mois au plus.

« L'infraction à cette défense sera punie d'une amende de cent francs et d'un emprisonnement qui ne pourra être moindre de huit jours ni excéder six mois. »

La suspension de la patente est facultative ; il est entendu qu'elle ne sera prononcée que dans le cas où les faits successifs révéleraient une négligence grave et persistante, surtout s'il s'agit de la simple possession de médicaments gâtés ou de mauvaise qualité. Mais si le délinquant est en état de récidive, conformément à l'article 4, et si, comme nous l'avons dit, cette conduite révèle une négligence grave et une persistance à se soustraire aux dispositions de la loi, nous avons pensé que, même en cas de simple détention de médicaments gâtés ou de mauvaise qualité, il doit être facultatif au juge de priver momentanément de l'exercice de la profession l'homme de l'art qui s'obstinerait à en méconnaître les devoirs, si importants dans l'intérêt de la santé publique.

Nous avons du reste établi, quant à la peine, une différence entre le délit et la simple détention de médicaments gâtés ou de mauvaise qualité, disposition qui fait droit à l'amendement de M. Muller.


Art. 5. L'article sera rédigé en ces termes :

« Les dispositions de la loi du 17 mars 1856, relatives à la falsification des substances alimentaires, sont rendues applicables à la falsification des médicaments et des substances médicamenteuses.

« Les deux derniers paragraphes de l'article 4 de la présente loi sont en outre déclarés applicables à la détention de médicaments falsifiés dans le cas prévu par l'article 5 de la loi précitée du 17 mars 1856.

« Sont en outre rendues applicables à la prescription et au débit des médicaments les dispositions de la loi du 4 octobre 1855 sur le système décimal métrique des poids et mesures.

« Les ordonnances des médecins sont assimilées aux actes énoncés à l'article 3 de la même loi.

« Toutefois, un délai de deux années est accordé aux intéressés pour se conformer aux dispositions de cette dernière loi. »

Il nous a paru de toute justice de frapper des peines énoncées à la loi de 1856, tout ce qui concerne la falsification des médicaments. Ce fait, en effet, présente tous les dangers que le législateur de 1856 a voulu prévenir, et l'assimilation des médicaments falsifiés à la falsification des denrées alimentaires est fondée sur des motifs irrécusables justifiés par les plus graves intérêts.

Il est également de toute justice d'astreindre les pharmaciens, etc., à se conformer aux lois concernant le nouveau système métrique. Ce système doit surtout être mis en œuvre par des hommes instruits, qui ne peuvent se soustraire à des dispositions réclamées par des motifs d'intérêt général dont personne n'e peut méconnaître le fondement et l'importance.

Nous adoptons en conséquence le principe du projet du gouvernement, seulement nous avons cru devoir énoncer des prescriptions formelles exprimant clairement l'intention de rendre les lois sur les poids et mesurés applicables non seulement à ceux qui débitent les médicaments, mais aussi à ceux qui les prescrivent, ainsi aux médecins et autres hommes de l'art.

Nous avons cru aussi devoir énoncer eu termes clairs et précis que les ordonnances émanées des médecins, etc., etc., sont assimilées aux actes dans lesquels il faut se conformer au nouveau système métrique, aux termes de la loi de 1855 cette dernière disposition nous a paru essentielle pour qu'on ne pût éluder les prescriptions de la loi en discussion.


Article 7. L'amendement présenté par M. Lelièvre est adopté. En conséquence il sera énoncé in fine « et d'un emprisonnement qui ne pourra être moindre de huit jours ni excéder six mois. »

La commission, conformément à la résolution par elle prise sur l'amendement de M. Muller, a fixé le minimum de la suspension de la profession à quinze jours. Le paragraphe 2 de l'article 7 sera modifié conformément à cette résolution.


Art. 8. Amendement de M. Pirmez.

La commission admet l'amendement, quant à l'amende ; mais comme il s'agit de protéger efficacement les intérêts de la société, nous avons pensé que, dans ce cas, l'arrêté royal doit établir an emprisonnement qui ne pourra excéder sept jours.

En conséquence, nous proposons d'ajouter à l'article la disposition suivante :

« Il pourra être prononcé, en outre, un emprisonnement qui n'excédera pas sept jours. »

On pourra ainsi proportionner la peine à la gravité du fait. Enfin, la commission a pensé que les délits et contraventions prévus par la loi en discussion, doivent être soumis à une prescription assez courte, à raison de la nature même des faits et afin de prévenir des poursuites tardives et vexatoires.

En conséquence, nous proposons une disposition additionnelle, qui formerait l'article final du projet en ces termes :

« Les délits et contraventions prévus spécialement par la présente loi se prescrivent par un an. »

Il est bien entendu qu'en ce qui concerne les médicaments falsifiés, la prescription est régie par les règles générales, que la loi du 17 mars 1856 a laissées subsister. Tel est le rapport que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre, en regrettant d'avoir dû le rédiger précipitamment dans le but de ne pas retarder la délibération.

- La Chambre décide que ce rapport sera imprimé et distribué.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Thuin

M. de Luesemans, au nom de la commission de vérification des pouvoirs, fait rapport sur les opérations électorales de l'arrondisseèment de Thuin et conclut à l'admission de M. Van Leempoel.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Van Leempoel prête serment.

Projet de loi relatif à la pharmacopée

Discussion des articles

M. le président. - La chambre juge-telle convenable de reprendre maintenant la discussion du projet de loi sur la pharmacopée ?

M. Lelièvre. - Je pense que la Chambre peut discuter immédiatement mon rapport. Il y aura, du reste, un second vote sur chacun des amendements, ce qui permettra de faire toutes les rectifications qui ultérieurement seraient jugées utiles.

- La Chambre décide qu'elle abordera immédiatement la discussion.

Article 4

M. le président. - Nous sommes à l'article 4, sur lequel M. Muller avait présenté un amendement. La commission propose de rédiger cet article comme suit :

« Art.4. L'amende sera de 10 francs pour chacun des médicaments de la pharmacopée qui n'aura pas été composé comme le codex l'indique, ainsi que pour tout médicament qui sera trouvé gâté ou de mauvaise qualité, alors même que ce médicament ne serait pas mentionné dans la pharmacopée.

« L'amende sera double en cas de récidive.

« Celui qui aura délivré des médicaments gâtés ou de mauvaise qualité encourra pour chaque infraction une amende de 26 francs, qui sera portée au double en cas de récidive.

« Celui qui étant déjà en état de récidive, aux termes des paragraphes précédents, subît une nouvelle condamnation du même chef, pourra être privé, en outre, de la faculté de délivrer aucun médicament pendant 15 jours au moins et 6 mois au plus.

« L'infraction à cette défense sera punie d'une amende de 100 francs et d'un emprisonnement qui ne pourra être moindre de 8 jours ni excéder 6 mois. »

- L'article est mis aux voix et adopté.

Article 5

M. le président. - La Chambre passe à l'article 5 que la commission propose de rédiger ainsi qu'il suit :

« Art. 5. Les dispositions de la loi du 17 mars 1856 relatives à la falsification des substances alimentaires, sont rendues applicables à la falsification des médicaments et des substances médicamenteuses.

« Les deux derniers paragraphes de l'article 4 de la présente loi sont, en outre, déclarés applicables à la détention des médicaments falsifiés dans le cas prévu par l'article 3 de la loi précitée du 17 mars 1856.

« Sont en outre rendues applicables à la prescription et au débit des (page 1131) médicaments, les dispositions de la loi du 4 octobre 1855, sur le système décimal métrique des poids et mesures.

« Les ordonnances des médecins sont assimilées aux actes énoncés à l'article 3 de la même loi.

« Toutefois un délai de deux années est accordé aux intéressés pour se conformer aux dispositions de cette dernière loi. »

M. Vander Donckt. - Messieurs, la section centrale d'abord et ensuite la commission spéciale de la pharmacopée avait proposé la suppression de cet article. Aujourd'hui revenant sur ses premières décisions, la commission, contrairement à mon opinion personnelle, a adopté la rédaction dont vous venez d'entendre la lecture. La Chambre me permettra de rester conséquent avec mes premiers votes et de ne pas donner mon assentiment à cette disposition. Ce sera pour moi un motif pour émettre un vote négatif sur l'ensemble du projet de loi. Ne voulant pas abuser des moments de la Chambre, je renonce à la parole tout eu faisant des vœux pour que l'honorable ministre et les honorables membres, partisans de ces dispositions, n'en soient pas les premières victimes.

- L'article 5 est mis aux voix et adopté.

Article 7

M. le président. - La Chambre passe à l'article 7.

La commission propose de rédiger l'article 7 de la manière suivante :

« Art. 7. Ceux qui contreviendront aux dispositions de l'article précédent encourront une amende de cinquante à deux cents francs.

« En cas de récidive, il pourra leur être interdit de délivrer aucun médicament pendant quinze jours au moins et trois mois au plus, sous peine, en cas d'infraction, d'une amende de cinq cents francs et d’un emprisonnement qui ne pourra être moindre de huit jours ni excéder six mois. »

- Adopté.

Article 8

M. le président. - A l'article 8, la commission a adopté l'amendement de M. Pirmez et propose de le rédiger comme suit :

« Il pourra être prononcé en outre un emprisonnement qui n'excédera pas sept jours. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

La commission propose un article additionnel ainsi conçu : « Les délits et contraventions prévus spécialement par la présente loi se prescrivent par un an. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.


M. le président. - A quel jour veut-on fixer le second vote ?

M. Lelièvre. - Je propose de fixer le second vote à mardi.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur, pour payer des dépenses faites à l’occasion du 25ème anniversaire de l’inauguration du roi

Discussion générale

M. le président. - La commission a proposé quelques changements, le gouvernement se rallie-l-il aux propositions de la commission ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il me serait très difficile de me rallier à ces propositions de réduction ; l'une concerne un artiste qui a agi de bonne foi, qui a été chargé de reproduire par le dessin les principaux détails des fêtes. Le travail de cet artiste a été soumis à l'avis de l'Académie des beaux-arts ; cet avis a été entièrement favorable.

Le ministre de l'intérieur n'avait pas pris d'engagement positif, n'avait pas fait de contrat, mais il avait pris l'engagement moral de charger cet artiste de ce travail. L'artiste n'a pas pu faire ce travail à lui seul, il a dû prendre des aides, il a dû faire des recherches, des voyages, des travaux extraordinaires pour reproduire les divers costumes des personnages qui ont figuré au cortège.

Dix mille francs d'avance ont été payés, mais il n'en est rien entré dans sa caisse, ils ont été répartis entre les artistes et les aides que l'artiste principal avait employés ; quant à lui, il a travaillé 15 mois de bonne foi et il n'a staté que lorsque le ministre, voyant les hésitations de la section centrale, lui a donné l'ordre de suspendre ses travaux, il n'en a pas moins travaillé de bonne foi pendant quinze mois.

La Chambre veut-elle que cet artiste de mérite et dont la position de fortune n'est certes pas à la hauteur de son mérite, soit privé du fruit de ses travaux ?

On avait rattaché avec raison aux beaux-arts la dépense de ces fêtes ; on s'était dit que c'était une bonne occasion d'encourager les arts auxquels le budget ne permet pas une protection efficace. Eh bien, faut-il que ce soit précisément un artiste qui soit frappé par la décision de la chambre, alors qu'il s'agit d'une mesure qui avait principalement pour objet d'encourager les artistes ? Je fais appel à la justice éclairée de la Chambre et j'espère qu'elle ne tiendra pas rigueur à cet artiste.

Il y a, messieurs, deux partis à prendre : ou bien continuer l'œuvre dont la dépense est évaluée à 30,000 fr. ou bien l'interrompre et se borner à payer la dépense faite ; la Chambre a donc à choisir entre 15,000 francs et la suppression du travail et 30,000 francs et la continuation du travail jusqu'à parfait achèvement.

Pour moi, messieurs, j'aurais tenu, comme député, le même langage que celui que je tiens en ce moment comme ministre, parce que je considère l'œuvre dont il s'agit comme étant digne des fêtes qui ont produit une si grande impression dans le pays. Quoi que l'on fasse il faudra tout au moins que l’on accorde une rémunération à l'artiste et la somme proposée de 5,000 francs n'est certes pas exagérée si l'on songe aux frais considérables qu'il a dû s'imposer.

M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur le projet du gouvernement. Il y a deux autres points qui sont contestés par la commission ; une réduction de 15,000 francs est proposée sur le compte des architectes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les architectes reçoivent ordinairement, à titre d'honoraires, 5 p. c. du prix des travaux qu'ils exécutent. La commission, se basant sur les devis primitifs, a trouvé la part des architectes trop élevée ; mais il est à remarquer que les 5 p. c. ont été calculés sur les plans et devis augmentés, accrus, perfectionnés. A mesure que les travaux avançaient, on a reconnu la nécessité d'agrandissements et de perfectionnements ; c'est ainsi que la dépense s'est accrue et par cela même les honoraires des architectes, attendu qu'il a paru rationnel de calculer ces honoraires sur la dépensé définitive et non pas sur des devis qu'on s'est vu obligé de dépasser.

MM. les questeurs de la Chambre, réunis à MM. les questeurs du Sénat ont eu à examiner aussi des comptes de cette nature ; comment ont-ils procédé quand il s'est agi de liquider les honoraires de l'architecte qui a dirigé la construction de la salle où a eu lie -le banquet offert au Roi ?

La dépense ne s'est pas élevée au chiffre prévu aux devis primitifs et cependant MM. les questeurs ont trouvé juste d'établir les honoraires de l'architecte d'après la dépense réelle. Ils ont été plus loin, ils ont accordé à l'architecte 5 p. c. sur les fournitures, sur la location des meubles, etc.

Je fais appel, à cet égard, aux souvenirs de MM. les questeurs et je suis convaincu que la Chambre ne voudra pas les condamner indirectement en rejetant l'allocation demandée.

M. de Baillet-Latour. - C'est parfaitement exact'.

M. Lelièvre. - Je pense qu'il n'y a pas lieu à majorer la somme allouée par la commission, en faveur des architectes. J’estime que sous ce rapport leurs soins ont été convenablement rémunérés.

Mais une chose m'a frappé à la lecture du rapport de la commission, c'est l'injustice que l'on commettrait vis-à-vis du sieur Lagye si on se bornait à lui allouer dix mille francs.

Cet artiste estimable donne le détail de ses déboursés qui excèdent de beaucoup la somme dont il s'agit. On voudrait donc qu'il ne reçut aucun honoraire pour son travail ! Vraiment cela serait de toute injustice.

Le rapport énonce les détails de la somme réclamée. Il me paraît impossible de les contester avec fondement.

Or, alors que tous ont été largement payés dans cette affaire, est-il juste de choisir pour victime un artiste distingué qui a agi de bonne foi avec l'assentiment du ministre de l'intérieur M. de Decker ?

Je ne connais pas le sieur Lagye, mais il me peine de voir qu'on lui enlève la juste rémunération à laquelle il a droit, précisément lorsqu'il s'agit d'un ouvrage d'art et d'un artiste distingué que nous devons protéger.

La justice et l'équité me paraissent exiger que la somme proposée par la commission soit majorée de cinq mille francs en faveur du sieur Lagye.

Pour le surplus, j'appuie les réductions proposées par la commission, parce qu'elles me paraissent parfaitement fondées.

M. B. Dumortier. - Je répondrai d'abord à ce que vient de dire l'honorable préopinant. La gravure dont il s'agit et dont chacun de nous a pu voir un spécimen dans le bureau de la présidence, n'est point une œuvre faite pour le compte du gouvernement ; c'est une entreprise particulière, dont un artiste a bien voulu se charger pour eu faire son affaire, (Interruption.)

Il a bien voulu entreprendre cette œuvre pour son compte, à la condition que le gouvernement en prendrait un certain nombre d'exemplaires, cent, je crois, à 300 francs ; mais l'artiste avait nécessairement droit au tirage de tout le surplus de ces cent exemplaires.

Or, messieurs, il y a une différence radicale entre une pareille opération et une œuvre commandée par le gouvernement. Cela est tellement vrai que dès les premières réunions de la section centrale, immédiatement après la présentation du projet de loi, le gouvernement a déclaré qu'il n'avait contracté aucun engagement de ce chef. L'honorable M. Coppieters, membre, comme moi, de la section centrale, me fait un signe qui confirme mon assertion. La section centrale a fait immédiatement savoir au ministre qui s'était rendu dans son sein qu'elle l'engageait à ne prendre aucun engagement parce qu'il entrait dans ses intentions de proposer le rejet de la dépense. Ainsi, bien grande fut notre surprise lorsque plus tard nous apprîmes qu'un à-compte de 10,000 francs avait été payé sur la dépense totale portée en compte.

J'en ai été d'autant plus surpris, pour ma part, que je savais que des dépenses parfaitement régulières n'avaient pas encore été payées. Ainsi, on avait payé un à compte de 10,000 francs sur une dépense faite sans aucun engagement, repoussée par la section centrale, et on laissait de côté des dépenses sur la régularité desquelles aucun doute n'était possible, comme celles approuvées par les questeurs des deux Chambres pour le palais de la Nation, et qui ne sont pas encore liquidées.

Comme il y a beaucoup de membres nouveaux dans cette Chambre, (page 1132) il ne sera pas inutile de rappeler en quelques mots les diverses phases de cette affaire.

C'était l’année jubilaire de l'inauguration du Roi. La Belgique était heureuse et fière d'avoir pu conserver pendant vingt-cinq ans le souverain de son choix et il fut décidé qu'une fête nationale serait donnée à cette occasion.

Les Chambres allouèrent dans ce but une somme de 300,000 fr. et l'honorable M. Delfosse, si ma mémoire est fidèle, fit alors remarquer que cette somme ne devait pas être dépassée. Maintenant, quand est arrivé le moment d'arrêter les payements, les dépenses n'ont fait que croître et embellir et elles se sont élevées à 1,200,000 fr., c'est-à-dire que le chiffre total alloué par la Chambre est presque quadruplé.

Il n'est évidemment pas possible de laisser passer de pareils faits sous silence et sans examiner les comptes.

Quelle fut alors la position de la commission ? La commission examina les comptes avec le désir bien naturel de voir s'il n'était pas possible d'y opérer des réductions. C'est dans cet examen auquel elle s'est livrée et qui a duré plusieurs mois, que nous avons pu reconnaître que des abus scandaleux s'étaient passés dans cette affaire, des abus inexplicables, des abus impardonnables et qui auraient mérité d'être traités avec la dernière sévérité devant les tribunaux.

Maintenant, marchant toujours dans le désir de trouver une réduction possible, nous avons dit à M. le ministre que nous le priions de ne faire aucune espèce de dépenses du chef de ces lithographies, de n'effectuer aucun payement avant que la section centrale et la Chambre n'eussent statué. Eh bien, grande a été notre surprise, lorsque nous avons appris qu'on avait payé 10,000 fr. à ce graveur sur pierre, à cet artiste dessinateur, pour une œuvre que je regarde comme excessivement médiocre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est un artiste très distingué.

M. B. Dumortier. - Je n'ai pas l'honneur de le connaître, je ne nie pas ses connaissances, ses qualités, son mérite. Je ne connais que l'œuvre. Le plus grand artiste peut produire une œuvre médiocre, et à mes yeux l'œuvre dont il s'agit est des plus médiocres.

Tous les membres de la commission qui ont examiné ce travail ont trouvé que c'était une œuvre très secondaire.

Il y avait, d'ailleurs, deux autres publications sur ces fêtes déjà parues par ordre du gouvernement.

On a été demander conseil à l'Académie des beaux-arts. Mais quand vous irez demander à l'Académie des beaux-ans s'il faut faire une dépense, elle vous répondra : Certainement ; faites-la double si vous pouvez. C'est faire une demande en étant sûr de la réponse. Mais ce n'est pas l'Académie des beaux-arts, que 'je respecte et que j'honore beaucoup, qui vote les impôts destinés à combler ces dépenses. C'est à nous, députés de la nation, à examiner les dépenses et à les voter.

Je maintiens donc que la somme précédemment allouée est plus que suffisante. En effet si vous examinez le compte dont parle l'honorable M. Lelièvre, vous verrez que l'artiste dont il s'agit, demande. 5,420 fr. d'honoraires et de frais de voyage. Des frais de voyage à Bruxelles et à Paris. Je ne sais pas pourquoi on allait à Paris pour faire dessiner sur pierre les planches que vous avez vues. Ce n'est pas à Paris qu'il fallait aller. Il ne manque pas de dessinateurs en Belgique, on viendrait plus tôt en chercher chez nous.

Enfin on demande 5,420 francs d'honoraires et de frais de voyage. Je concevrais des honoraires et des frais de voyage, si le gouvernement avait fait la commande. Mais il est venu vous dire qu'il n'y avait pas d'engagement pris. Cet artiste a voulu faire une publication à son compte, espérant que le gouvernement prît 100 exemplaires à 300 fr. Son entreprise n'a pas réussi. Est-ce que la Chambre des représentants et le budget de l'Etat sont des refuges pour les personnes qui n'ont pas réussi dans leur entreprise ? Vous aurez beaucoup de pratiques si vous voulez suivre cette voie.

Quant aux honoraires des architectes, les diverses commissions qui se sont succédé pour examiner le projet n'ont jamais varié un seul instant sur ce point qu'il était impossible que les architectes fussent payés sur les dépenses qu'iis avaient effectuées et non sur les devis primitifs.

S'il en était autrement, mais les architectes auraient intérêt à gaspiller l'argent du trésor public. Si vous admettez comme principe, que vous payerez les architectes qui travaillent pour vous, sur les dépenses qu'ils ont faites et non sur celles qu'ils se sont engagés à faire, vous les engagez à gaspiller.

Plus ils feront de dépense, plus leur bénéfice s'élèvera à un chiffre exorbitant, et alors vous n'aurez plus de contrôle.

Admettez alors comme principe et une fois pour toutes, que lorsque vous aurez voté une dépense, votre vote sera considéré comme non avenu et que les architectes seront libres de dépenser tout ce qu'ils voudront.

Je maintiens que la mesure que propose la commission de payer les architectes sur le prix des devis primitifs est une mesure de la plus souveraine justice. Quel est, messieurs, celui d'entre vous qui, lorsqu'il emploiera un architecte qui lui aura soumis un plan et devis, ira le payer sur les dépenses qu'il s'est permis de faite en plus ? Personne s'y consentirait et pas un tribunal ne saurait vous condamner à payer à un architecte ce qui est justement votre grief contre lui. Je maintiens donc que c'est un acte de souveraine justice que tout particulier poserait en pareil cas. Je maintiens de plus que c'est une leçon nécessaire dans les circonstances actuelles. Car ne vous faites pas illusion, cette augmentation disproportionnée de dépenses, c'est principalement le fait des architectes.

Que s'est-il passé ? Un architecte, pour un travail estimé 80,000 fr., en obtient 100,000, et la dépense s'élève de 200,000 à 250,000 fr. et vous irez payer cet architecte sur la somme qu'il a dépensée en plus ! Mais c'est un encouragement que vous lui donnez à ne pas respecter le vote de la législature ; c'est un encouragement que vous lui donnez à se substituer au pouvoir de la loi.

Messieurs, il y a dans toute cette affaire des faits excessivement graves et qui prouvent ou qu'il n'y a pas eu de surveillance des architectes ou qu'il y a eu, entre certaines personnes, ce que j'ignore, des actes extrêmement coupables. Quand je vois, par exemple, que pour la location et le travail du bois employé sur la place Saint-Joseph, bois prêté au gouvernement et retiré ensuite, avec un certain déchet, il est vrai, on nous demande une somme de 90,000 fr., je dis qu'il y a là une énorme exagération. Mais avec 90,000 fr. vous auriez eu le bois en propriété.

Quand je vois que, pour les tapisseries de cette même place St-Joseph, pour des objets encore une fois loués (car les calicots rouges qui se trouvaient derrière les tribunes étaient loués, les tapis communs sur lesquels on marchait étaient loués ), on nous présente un compte s'élevant à 50,350 fr. 20 c, je dis qu'il n'y a pas d'expression assez dure pour qualifier de pareils actes.

Quand je vois que le compte des décorations sur cette seule place de Saint-Joseph s'élève à 26,000 fr., à 26,000 fr. pour du barbouillage, en définitive, je me demande ce que deviennent les deniers publics. Mais avec 26,000 fr. vous auriez un chef-d'œuvre d'un de nos plus grands artistes, qui représenterait la cérémonie et qui durerait toujours.

Je dis qu'il y a là une véritable dilapidation des deniers publics. S'il y avait dans les bureaux du ministère des personnes chargées de surveiller les architectes, de les obliger à s'en tenir à leurs devis, ils ne viendraient pas vous demander le double de leur première estimation. Et remarquez-le bien, approuver ce système, c'est autoriser la spéculation des architectes.

L'architecte spéculera sur votre faiblesse, et toutes les fois que vous lui ferez une commande, si vous lui donnez 100,000 fr., il vous fera une dépense de 200,000 fr., à laquelle vous n'auriez pas voulu consentir, que vous auriez rejetée, si elle vous avait été proposée.

Je pourrais entrer, messieurs, dans d'énormes détails. Il y a dans cette affaire des choses très scandaleuses. Ainsi un fait très positif, c'est qu'une demande de plusieurs mille francs nous a été faite, dans laquelle mon honorable collègue, M. Coppieters, a découvert que la somme n'était pas même demandée par ceux à qui elle devait être allouée.

Nous avons eu des faits très graves sous les yeux, et remarquez-le bien, messieurs, jamais on n'a vu une commission résister comme l'a fait celle-ci ; il a fallu pour cela des faits d'une extrême gravité, alors surtout que la commission avait été intégralement renouvelée. Remarquez encore qu'aucun membre ancien n'a voulu se charger du rapport parce que l'affaire était trop sale ; c'est pour cela que la chose a traîné si longtemps, et il a fallu invoquer la complaisance de l'honorable M. Pirson pour trouver un rapporteur.

Nous ne pouvions, messieurs, parer à tous les inconvénients, c'était impossible ; mais nous avons cherché, autant que les faits accomplis nous le permettaient, à formuler des résolutions de nature à empêcher de pareil abus dans l'avenir.

La commission propose, d'abord, de s'en tenir à ce qui a été payé au dessinateur. Il reprendra ses planches et il aura son bénéfice sur la vente.

Quant aux architectes, elle propose de les payer sur les devis primitifs et non pas sur les dépenses effectuées.

La commission a cru sauver l'avenir en insérant à la fin de son rapport un paragraphe très net qui fait espérer que plus tard de pareilles choses ne se représenteront plus. Elle dit :

« Tout en votant le chiffre qu'elle propose, la majorité de votre commission ne peut s'empêcher de protester contre la marche qui a été suivie dans l'exécution des travaux et contre l'exagération des dépenses ; elle espère bien que ces abus ne se renouvelleront plus. »

C'est à cette condition, messieurs, que la majorité de votre commission propose le crédit qui vous est soumis. Elle déplore les abus qui ont été commis et elle espère qu'ils ne se renouvelleront plus.

Quant à moi, messieurs, quelle que soit ma bonne volonté, il me sera même impossible de voter le crédit proposé par la commission.

(page 1135) M. de Decker. - La Chambre comprendra ma répugnance à rentrer dans une discussion qui semble véritablement interminable : mais je crois devoir donner quelques explications pour la justification du gouvernement dans cette affaire. Cela est devenu surtout nécessaire après les paroles que vous venez d'entendre de la part de l'honorable M. Dumortier.

Messieurs, je dirai d'abord deux mots de la décision prise par la commission spéciale relativement aux honoraires des architectes et relativement à l'artiste chargé de faire l'album des fêtes.

Je désire que la Chambre sache d'une manière très exacte quelle est la position de cet artiste à l'égard du gouvernement. Y a-t-il eu engagement de la part du gouvernement envers l'artiste, ou bien, celui-ci a-t-il fait simplement une entreprise particulière, comme le dit l'honorable M. Dumortier ? Ni l'un ni l'autre. Lorsque M. Lagye est venu me communiquer l'idée d'un album monmental des fêtes, j'ai trouvé cette idée très heureuse, très patriotique ; mais j »ai immédiatement fait observer qu'il existait déjà deux albums dans un moindre format, et que le crédit alloué ne me permettait pas de m'engager dans de nouvelles dépenses, que tout ce que je pouvais faire, c'était de soumettre une proposition à la législature. Il n'y a donc pas eu d'engagement formel de la part du gouvernement vis-à-vis de M. Lagye ; mais M. Lagye était autorisé à croire que la Chambre ne refuserait pas de s'associer aux vues du gouvernement. Il s'est lancé dans des dépenses qui ne sont pas sans quelque importance.

La question est de savoir si la Chambre peut vouloir qu'un artiste se ruine dans une entreprise pour laquelle il avait tout droit d'espérer le concours du gouvernant.

Messieurs, vous aurez donc à examiner, comme le disait M. le ministre de l’intérieur, si vous voulez voter les 30,000 fr., et ainsi achever l'œuvre, ou bien donner les. 15,000 fr. demandés par le gouvernement pour indemniser l'artiste du chef de ses études et de dépenses qu'il a dû faire. Je n'hésite pas à le dire, pour moi aucun doute n'est possible, il faut achever cette œuvre qui sera un monument durable de ces fêtes si heureuses et qui laisseront un si long souvenir en Belgique.

L'honorable M. Dumortier peut exprimer sur le compte de l’article et sur son œuvre, telle opinion que bon lui semble ; quant à moi, je crois, avec mes honorables confrères de l'Académie, qui ont été officiellement consultés sur la valeur artistique de ce travail, qu'il est fort convenable, fort remarquable même à beaucoup d'égards. Certes, ce n'est pas une œuvre comme celles que nous devons au burin de nos anciens maîtres ; mais aussi, regardez le prix 50,000 fr. pour la gravure de 52 feuilles de grand format et pour la livraison de 100 exemplaires !

i l'on avait dû recourir à l’autre école de gravure et faire faire au burin, dans le genre ancien, cette publication nationale, il aurait fallu au moins, selon le dire de M. Calamatta, 300,000 fr. et 10 années de travail.

J'ai cru que nous ne pouvions pas songer à donner cet encouragement à l'école de gravure, qui cependant en aurait grand besoin, et qu'on ne pouvait pas lui confier la mission de perpétuer le souvenir des magnifiques fêtes de juillet 1856.

Messieurs, je désire donc sincèrement l'achèvement de cette œuvre, non pas dans l'intérêt de l'artiste, non pas dans l'intérêt de l'ancien cabinet (je ne suis dominé par aucune considération personnelle), mais je crois qu'il est de la dignité du pays de ne pas laisser inachevée une publication qui, sous tous les rapports, est appelée à faire honneur au pays. Ce sera un magnifique cadeau à envoyer aux cours étrangères ; ce sera un moyen de conserver, dans le monde politique comme dans le monde des arts, le souvenir glorieux de ces fêtes dont l’histoire contemporaine n'offre pas d'exemple.

J'arrive aux honoraires des architectes.

L'honorable M. Dumortier a paru surtout préoccupé du danger de l'antécédent que le gouvernement voudrait faire poser, puisque jamais, dans aucune circonstance, on n'a payé les 5 p. c. d'honoraires que sur le devis primitif. Si nous devions craindre de poser ici un antécédent, je concevrais les scrupules de l'honorable M. Dumortier ; mais nous sommes en présence de circonstances tout exceptionnelles ; le principe qu'il faut calculer les 5 p. c d'honoraires sur les devis primitifs n'est nullement entamé. Il ne peut donc pas y avoir de précédent posé.

D'autre part, nous devons bien reconnaître que, vu le manque de temps, il était impossible aux architectes de faire des devis complétement étudiés et appuyés sur des plans détaillés comme il convient de le faire et comme on le fait d'ordinaire lorsqu'on a le temps devant soi. Les architectes out subi l'influence des circonstances comme le gouvernement l'a subie lui-même.

Remarquez encore, messieurs, que si les devis ont été considérablement dépassés, c'est, dans certains cas, le gouvernement qui en a été la cause : quand les travaux étaient en voie d'exécution, le gouvernement jugeait convenable de les étendre ou de les modifier, parce que de nouvelles nécessités se révélaient, auxquelles il était indispensable de pourvoir.

Le fait de pareilles modifications se présente à l'occasion de toutes les constructions quelque peu importantes, alors même que toutes les études en ont été faites à loisir.

L'honorable M. Dumortier dit que jamais on n'a accordé à un architecte les 5 p. c. sur les sommes dont il a dépassé le chiffre primitif ; qu'aucun propriétaire ne voudrait céder à de pareilles exigences. Mais si un propriétaire avait donné l'ordre de dépasser le devis, d'ajouter des travaux à ceux qui sont compris dans ce devis, l'architecte serait parfaitement admis à exiger les 5 p. c sur les travaux supplémentaires qui lui auraient été ordonnés.

L'honorable M. Dumortier croit donc que c'est un acte de justice qu'il demande, en engageant la Chambre à borner les honoraires des architectes aux 5 p. c. sur les devis primitifs. Je suis, moi, d’un avis diamétralement opposé.

Ce n'est pas que la position de ces architectes m'inspire un intérêt particulier. Je suis disposé à trouver qu'en général ils n'ont pas toujours résisté à la tentation d'exploiter à leur profit la circonstance de ces fêtes solennelles et d'exagérer les dépenses. Cela se fait et se fera toujours. Je ne veux nullement encourager les architectes dans cette voie ; mais je craindrais, en me ralliant aux réductions proposées, de consacrer une injustice.

L'honorable M. Dumortier, revenant sur d'autres points, trouve qu'il s'est passé dans l’organisation de ces fêtes des faits scandaleux. Je remarque, avec plaisir, que déjà les termes dont se sert l'honorable membre sont quelque peu adoucis...

M. B. Dumortier. - Je dis qu'il y a eu des vols.

M. de Decker. - Eh bien, je vous dis, moi, que vous êtes coupable et que vous êtes lâche, quand vous n'osez pas nommer les voleurs.

Du reste, je suis parfaitement calme, parce que ces imputations ne peuvent, .n aucun cas, s'adresser à des personnes appartenait à l'administration ; elles ne peuvent en définitive concerner que les architectes, entrepreneurs ou fournisseurs, par qui les faits de ce genre auraient été poses ; mais, je le répète, lorsqu'on vient, en plein parlement, articuler de semblables accusations, on doit avoir le courage de dire par qui ces méfaits ont été commis.

Et remarquez bien que ce n'est pas d'aujourd'hui que ce reproche est adressé à M. Dumortier. Si je suis bien informé, mon honorable successeur a mis cet honorable membre en demeure de se prononcer, et celui-ci a gardé, depuis trois mois, un mutisme complet bien surprenant de sa part.

L'honorable M. Dumortier cite, entre autres, l'article bois. En effet, la fourniture des bois a dépassé toutes les prévisions. Mais ce fait s'explique encore parfaitement, quand on veut bien examiner comment il s'est produit.

Je dirai d'abord, pour la moralité de la cause, que la maison qui a fourni les bois, est une maison d'une honorabilité parfaite, qui depuis 1830, n'a pas cessé d'ère exclusivement chargée de la fourniture de cet article pour toutes les fêtes au gouvernement, et pour toutes les fêtes de la capitale.

Avant de lancer, du haut de la tribune nationale, de semblables accusations, on devrait réfléchir à deux fois aux conséquences qu'elles peuvent avoir. A défaut de justice, on devrait, y mettre au moins un peu de délicatesse.

L'honorable M. Dumortier dit que les frais de location des bois qui ont servi à la Place de Saint-Joseph montent à 90,000 francs. C'est une erreur. Cette dépense s’est élevée à 69,000 francs.

M. B. Dumortier. - Pas du tout ; c'est 90,000 francs. Vous n'avez pas examiné vo comptes, nous les avons examinés ; vous n'avez pas fait votre devoir ; nous avons fait le nôtre.

M. le président. - Pas de personnalité.

M. de Decker. - Je suis charmé de ces attaques incessantes ; elles feront connaître de plus et plus à la Chambre et au pays, quels sont les véritables mobiles de l'opposition que me fait M. Dumortier.

Ce mobile n'est autre qu'une animosité personnelle contre moi. Je connais le motif politique qui me vaut cette animosité ; c'est pourquoi je m'en console et je m'en glorifie.

Le chiffre de cette location est tellement exorbitant, répète encore M. Dumortier, qu'on n'aurait pas dépassé d’avantage si on avait acheté les bois.

Eh bien, j’ai fait faire la comparaison : au lieu de 69,000 fr. demandés pour la location des bois, l'acquisition, aux prix de l'époque, en eût coûté 142,000 fr. ; c'est-à-dire qu'on a payé, comme location un peu plus du tiers de la somme qu’on aurait payée, si on avait acheté les bois.

Sans doute, le prix de cette location est fort élevé ; mais le fait s’explique. Les approvisionnements en bois étaient restreints à cause du blocus des ports russes ; il fallait immédiatement, et à tout prix, en réunir des quantités considérables. Et puis, les personnes qui avaient fourni au gouvernement ces quantités hors de proportion avec les besoins ordinaires du commerce, ne pouvaient pas en espérer, après les fêtes, un emploi immédiat : elles étaient donc en droit de tenir compte de ce fait dans la fixation du prix de la location.

M. Dumortier parle aussi du compte du tapissier, mais d'une manière tout à fait inexacte.

(page 1136) Il suppose que toutes les étoffes et matières premières ont été louées. Il est vrai que les contrats pour les étoffes comme pour les autres fournitures, avaient été faits primitivement sur le pied d'une simple location ; mais comme les plus riches de ces étoffes, délicates de leur nature, avaient souffert par leur exposition en plein air et par les pluies qui étaient survenues, il a été impossible de se contenter du payement du prix de la simple location ; il a fallu, ce qui avait été entendu, du reste, acquérir ces étoffes Elles sont, d'ailleurs, conservées avec soin et pourront être parfaitement utilisées dans d'autres circonstances.

Messieurs, je regrette que la commission spéciale ait cru devoir terminer son rapport par une phrase qui fait les délices de l'honorable M. Dumortier et qui paraît être inspirée par les sentiments dont vous venez d'entendre l'expression.

Je le regrette, parce que je suis convaincu que les membres de la commission n’ont ét mus, eux, que par la pensée toute naturelle, toute légitime, d’'exercer consciencieusement la mission que leur a confiée la Chambre.

Je le regrette parce que la commission semble prononcer contre l'ancienne administration un blâme que, d'après moi, elle ne mérite pas.

En effet, la commission proteste d'abord contre la marche qui a été suivie dans l'organisation des fêtes.

En bien, je puis donner l'assurance à la Chambre et à la commission que, dans l'organisation de ces fêtes, on s'est ponctuellement conformé à la marche qui a toujours été suivie dans des cas analogues. Je fais un appel à tous ceux qui m'ont précédé sur le banc ministériel et qui ont eu dans leurs attributions l'organisation de pareilles fêtes.

Ainsi, pour les obsèques de la Reine, il n'y a pas eu même l'ombre d'un premier devis ou d'un plan quelconque. M. le ministre de l'intérieur de cette époque, l'honorable M. Rogier, a été obligé de charger à la hâte un architecte d'organiser les détails de cette imposante cérémonie, d'orner l'église de Ste-Gudule. Tout cela s'est fait de confiance, comme cela se fait toujours, quand il s'agit d'organiser rapidement des solennités de ce genre : et le gouvernement n'a pas hésité à proposer à la Chambre le payement des comptes tels qu'ils avaient été fournis, et la Chambre, sans faire la moindre observation, a voté la somme de 160,000 francs que les obsèques de la Reine ont coûtée.

La marche suivie par mon administration est donc la marche traditionnelle suivie par toutes les administrations dans des circonstances analogues. Cette conduite m'était imposée sous peine de ne pas répondre aux vœux de la représentation nationale et de donner aux fêtes un caractère incomplet, mesquin, indigne de la Chambre et du pays.

Ainsi, il nous a été impossible, vu la précipitation qu'il fallait mettre dans l'exécution des travaux, d'obtenir des plans et des devis tels que le gouvernement est en droit d'en réclamer dans des circonstances ordinaires.

Dans une telle position aucun ministre n'aurait pu faire autrement. M. Dumortier lui-même, quand un jour il aura un bienheureux portefeuille, il subira l'empire des circonstances. Je le lui déclare d'avance. Quoiqu'il en soit, nous avons fait tous les efforts imaginables pour obtenir des plans. Je voudrais, afin de le prouver à la Chambre, lire quelques pièces qui ont été communiquées à la commission spéciale et que je regrette qu'elle n'ait pas cru devoir publier. Il en résulte que, dès le premier moment, le gouvernement n'a cessé de talonner les architectes, si je puis m'exprimer ainsi, pour avoir des plans et des devis détaillés, afin de pouvoir calculer du moins approximativement la dépense à faire.

Ainsi, c'est le 28 mai que la commission réunie des questeurs du Sénat et de la Chambre des représentants, du président de la commission spéciale des fêtes et du ministre approuvèrent le plan de la grande tribune à élever à la place St-Joseph.

Dès le 30 mai, le président de la commission, au nom du ministre de l'intérieur écrivit, à l'architecte, M. Léon Suys, la lettre suivante :

« Monsieur,

« M. le ministre de l'intérieur et MM. les questeurs des Chambres législatives ont adopté, en principe, le projet que vous avez soumis pour la décoration de la place Saint-Joseph, où un Te Deum doit être célébré à l'occasion des prochaines fêtes anniversaires de l'inauguration du Roi.

« Vu l'époque assez rapprochée de cette solennité, les travaux préparatoires devront être poussés avec une extrême vigueur. Je vous prie, en conséquence, monsieur, de vous occuper immédiatement des plans de détail et de présenter, dans le plus court délai, les plans, coupes, etc., nécessaires à l'exécution matérielle du projet.

« Afin de mettre à couvert la responsabilité de la commission centrale et du gouvernement, des contrats devront être passés avec les entrepreneurs qui seront chargés des travaux de construction. Ces contrats devront être accompagnés de devis estimatifs et dressés de manière à éviter toute espèce de contestations ultérieures.

« Mettant de côté toute réticence, je ne vous cacherai pas, monsieur, que la somme à laquelle vous avez évalué l'ensemble des travaux, est trouvée fort exagérée.

« Je vous prie donc, monsieur, de dresser les plans et devis de manière à ce qu'ils puissent être soumis au contrôle d'ingénieurs ou d'autres personnes compétentes, et je ne doute pas que l'étude approfondie des détails de votre projet, ne vous amène à obtenir une réduction assez importante sur le chiffre de votre première évaluation.

« Il me serait agréable de recevoir votre réponse dans le plus court délai. »,

Le 3 juin, trois jours plus tard, la lettre suivante fut encore adressée à M. Suys :

« Monsieur,

« Par lettre du 30 mai dernier, j'ai eu l'honneur de vous inviter à m'adresser, dans un court délai, pour être soumis à M. le ministre de l'intérieur, les plans et devis détaillés des diverses constructions (autel, tribunes et amphithéâtres), que vous êtes chargé d'établir sur la place Saint-Joseph, pour la cérémonie du 21 juillet prochain. Les plans doivent comprendre, entre autres détails, des profils et coupes de la charpente.

« Je viens, messieurs, renouveler cette invitation, en insistant sur la nécessité que ces devis me soient transmis sans retard, accompagnés des soumissions des entrepreneurs. Il importe que vous apportiez dans votre travail, une étude approfondie, un examen consciencieux.

« Une tâche d'une haute importance vous est, en effet, dévolue, et vous devez vous attendre à un contrôle sévère. Peut-être même, la malignité ou la jalousie de rivaux ne se fera-t-elle pas faute d'aiguillonner la critique.

« Je ne saurais donc, monsieur, assez vous engager à peser mûrement la responsabilité qui pèse sur vous, non seulement au point de vue de l'art, mais aussi sous le rapport de la dépense, responsabilité que la force des choses oblige, jusqu'à un certain point, le gouvernement à partager.

« Pour ce qui me regarde, je considère donc, dès à présent, comme à couvert ta part de responsabilité qui m'incombe personnellement. Car je ne crois avoir négligé aucune des recommandations nécessaires pour vous faire apprécier les devoirs qui s'attachent à l'œuvre que vous êtes chargé d'exécuter. »

A l'appui de ces instances écrites des démarches actives ont été faites chaque jour auprès de l'architecte pour avoir des études détaillées et complètes. Il fut impossible de les obtenir.

On a toujours répondu que, pressé par l'exécution urgente des travaux, on n'avait pas le temps de faire des dessins.

Voilà ce qui a été fait pour la place St-Joseph, dont les dépenses ont été l'objet des critiques de la commission.

Pendant que les travaux s'exécutaient, l'architecte avait cependant fait quelques plans et quelques coupes ; il s'était même adjoint des artistes de talent pour l'aider dans cette œuvre.

M. le président de la commission chargea immédiatement un ingénieur d'examiner ces plans pendant qu'on les exécutait.

Voici ce qu'après examen, M. Carpentier écrivait au président de la commission.

« Bruxelles, le 16 juin 1855.

« Monsieur le président,

« Afin de pouvoir répondre à la demande verbale que vous avez bien voulu me faire relativement au devis estimatif d'une estrade à placer au Quartier Léopold, je me suis rendu chez l'auteur de ce devis, M. l'architecte Léon Suys, qui s'est empressé de me communiquer les données dont il s'est servi pour déterminer le chiffre de la dépense à résulter de l'exécution de son projet.

« Ces données consistent en croquis indiquant les principales parties de la construction, et en propositions concernant les prix demandés par divers entrepreneurs pour l'exécution des ouvrages.

« Bien qu'insuffisants pour une vérification détaillée et complète, les renseignements susmentionnés me persuadent que le projet dont il s'agit a été fait consciencieusement et qu'il n'y a pas d'exagération dans la dépense à résulter éventuellement de son exécution.

« Dans le cas où une estimation détaillée, qui n'a pu être exécutée à cause du peu de temps dont a disposé M. Suys, vous paraîtrait nécessaire, il y aurait lieu de demander un plan d'ensemble coté et détaillé avec élévation, coupe en long et en travers, ou, ce qui me paraîtrait préférable pour faciliter les modifications qui pourraient devenir nécessaires pendant l'exécution, on pourrait mesurer, après l'achèvement, la totalité des ouvrages, en y appliquant les prix convenus et qui ne me semblent pas trop élevés.

« Veuillez agréer, M. le président, l’hommage de mon respectueux dévouement.

« Le conducteur de ponts et chaussées attaché au service spécial de la reconstruction du palais de la rue Ducale.

« (Signé) D. Carpentier. »

Voilà donc une première vérification par un homme de l'art. Il indique, comme bon moyen de garantie et de contrôle, l'opération d'un métré à faire par un géomètre, de toutes les dimensions des diverses parties des travaux. Ce moyen fut adopté. Un géomètre juré, M. Vosch, est allé, au moment de l'achèvement des travaux, en vérifier toutes les dimensions, de manière qu'aucune donnée utile qu'il était possible d'obtenir n'a été négligée.

(page 1137) Maintenant, je le demande, en présence de toutes ces démarches faites, de toutes ces précautions prises, y a-t-il lieu de protester, comme le fait la commission à la fin de son rapport, contre la marche suivie par l'administration dans l'organisation des fêtes ?

La commission, dans cette même phrase finale de son rapport, proteste aussi contre l'exagération des dépenses. Messieurs, la première fois qu'il s'est présenté devant la Chambre, pour rendre compte de l'organisation des fêtes nationales de 1856, le gouvernement a été le premier à avouer qu'il y a eu une exagération regrettable et imprévue dans les dépenses faites. Il a demandé un bill d’indemnité pour avoir dépassé les crédits alloués par la législature, et n'avoir pas pu appliquer tous les moyens d'appréciation et de contrôle qu'on a le droit d'exiger et d'obtenir dans des moments ordinaires.

Mais, tout en demandant un bill d'indemnité, en avouant l'irrégularité et l’exagération dans les dépenses, le gouvernement a exposé les principales causes de ces faits qu'on n'avait pu prévoir. Résumons encore, en quelques mois, les causes de cette élévation du chiffre des dépenses.

Le prix des matières premières à employer subit une hausse tout à fait anomale. Sur tous les points de la capitale à la fois, il fallut exécuter des travaux gigantesques ; il fallut pour cela faire venir, à tout prix, les matériaux nécessaires, mais dont il n'existait pas, comme je l'ai dit plus hautn d'approvisionnements suffisants.

Le même raisonnement est applicable au salaire des artistes et des artisans. Il a fallu faire venir, à grand renfort de promesses de salaires exorbitants, des artistes de diverses parties du pays, de Paris même. C'est ainsi que se sont accrues les dépenses dont nous nous occupons. Je le regrette plus que personne ; mais j'ajoute que des faits de cette nature sont indépendants de toute administration, quelque prudente, quelque vigilante qu'elle soit ; et, dans les mêmes circonstances, tout le monde les eût subis et les subirait.

Après tout, messieurs, soyons de bon compte : est-ce donc que l'organisation des fêtes nationales a occasionné une dépense si exorbitante ? Mais, messieurs, la plupart de nos provinces ont fait, toute proportion gardée, des dépenses bien plus considérables que l'Etat ; il en est qui ont dépensé bien au-delà de 100,000 fr.

Il y a plus : des sociétés particulières, lors de la visite de S. M. aux établissements du centre, ont donné une fête qui a coûté 300,000 fr. ; et l'on trouve exorbitant que l'Etat paye un million !

Que serait-ce si nous établissions la comparaison avec des fêtes organisées dans d'autres pays ? Récemment encore n'avons-nous pas vu que, en Portugal, les fêtes données à l'occasion du mariage d'un jeune roi ont coûté 600,000 fr. ? Et l'on trouve exorbitante une dépense d'un million faite, par une nation riche et prospère comme l'est la Belgique, pour célébrer dignement le 25ème anniversaire du règne magnifique du glorieux fondateur de notre dynastie nationale !

Non, non ; reconnaissons que cette dépense a été bien faite. D’abord, même dans l'ordre purement matériel, elle est loin d’avoir été improductive. N'a-t-elle pas donné, pendant deux à trois mois, une activité prodigieuse à tous nos artisans ?

N'a-t-elle pas donné une impulsion extraordinaire au mouvement de nos chemins de fer ? Sous un autre rapport, n'a-t-elle pas fourni l'occasion, à nos populations, de montrer leur goût traditionnel pour ces fêtes publiques, à nos artistes de se couvrir d'une gloire nouvelle en montrant ce qu'ils sont capables de produire ? Enfin, messieurs, ne l'oublions pas, dans l'ensemble de la dépense figurent pour 150.000 fr., les subsides accordés aux provinces, et nous avons emmagasiné une grande quantité d'objets qui pourront servir dans d'autres occasions encore et î qui par conséquent ont une valeur réelle dont il faut tenir compte.

Je le répète, messieurs, je considère cette dépense comme ayant été bien faite ; et quelles que soient les accusations qu'on lance contre l'administration, j'accepte, la tête haute devant l'histoire, la responsabilité de tout ce qui a été fait !

Je souhaite, messieurs, que nous ayons souvent de pareilles fêtes, dussent-elles même nous valoir de plus grands sacrifices. Puissions-nous voir souvent la Belgique se rehausser ainsi aux yeux de l'étranger ! Puissions-nous souvent sentir ainsi rafraîchir dans le cœur belge, les sentiments patriotiques et dynastiques qui l'animent ! Dans ces dispositions, que vous voudrez bien comprendre, messieurs, je ne saurais accepter les reproches qu'on m'a adressés et je proteste, à mon tour, contre le blâme qu'on voudrait infliger au gouvernent sut et particulièrement à l'ancien ministre de l'intérieur.

(page 1132) M. B. Dumortier. - L'honorable orateur qui vient de se rasseoir a tenu un langage antiparlementaire, délirant et que vous entendez bien rarement dans cette enceinte. J'ajouterai que sa conduite est ici bien peu en harmonie avec la vérité.

Il commence par dire qu'il n'est point l'agresseur ; eh bien, messieurs, vous avez entendu mes paroles ; quel est celui d'entre vous qui n'a pas remarqué le soin que j'ai pris dans tout ce que j'ai dit de mettre hors de cause le préopinant ; qui de vous peut dire que j'aie fait une allusion directe ou indirecte à ce membre à l'occasion de l'affaire qui nous occupe ?

(page 1133) Je me suis borné à censurer les faits, et c'est après avoir tenu un langage si peu hostile, qu'il vient me lancer à la face les accusations les plus viles, les plus basses, les plus violentes.

J'ai dit, dans une précédente séance, qu'à l'occasion des fêtes de juillet il y avait eu de véritables vols. Suis-je seul de cet avis ? est-ce que l'honorable M. Forgeur n'a pas dit dans l'enceinte même du Sénat que cette expression n'était pas trop forte ? Mais M. de Decker prétend que j'aurais dû me poser ici même en dénonciateur et en accusateur. C'est là vouloir faire jouer un rôle odieux au représentant du peuple pour cacher la négligence que le préopinant a mise à remplir ses devoirs. Et pourquoi, messieurs, la commission a-t-elle échoué dans son œuvre ? Puis qu'on me force à le dire, je vais répondre à cette question,

La commission a d'abord examiné les pièces volumineuses qui lui étaient soumises et elle a tout d'abord été frappée de ce fait que sauf les travaux faits au palais de la nation, qui tous étaient approuvés par les questeurs des deux Chambres, il n'y avait aucun compte détaillé pour justifier les dépenses ; qu'on ne lui soumettait que des contrats passés entre des architectes agissant prétendument au nom du gouvernement et tels ou tels entrepreneurs, sauf la ratification du ministre et que pas un seul de ces contrats n'était ratifié.

M. de Decker. - Vous aviez des doubles des comptes.

M. B. Dumortier. - Pas du tout ; nous avions les contrats originaux et pas un seul n'était revêtu de votre ratification.

Quand nous avons examiné ces contrats, notamment avec un de nos collègues qui n'est pas ici en ce moment, mais ceci touche de près à l'honorable membre, l'un de nous fit remarquer que la plupart de ces pièces n'avaient pas mène été pliées ; frappé de cette circonstance, il s'aperçut que ces contrats, comme tous les autres, étaient rédigés sur du papier au filigrane du ministère.

M. de Decker. - Qu'est-ce que cela prouve ?

M. B. Dumortier. - Cela prouve que les comptes ont dû être refaits au ministère ; et comme les dépenses qui y figuraient n'étaient pas régulières, cela donna l'éveil à la commission et l'engagea à examiner sévèrement cette affaire.

Mais qu'arriva-t-il ? On fit reprendre toutes les pièces du ministère, on les y conserva quelques jours, et on les renvoya ensuite avec les contrats approuvés par le membre qui vient de se rasseoir. C'est-à-dire qu'on avait par-là voulu empêcher la commission de faire son devoir en la mettant dans la nécessité ou bien de mettre M. de Decker en cause, ce qu'aucun de nous n'eût voulu faire, ou de nous rendre en quelque sorte solidaires d'un acte que nous blâmions, des abus sur lesquels nous voulions appeler la lumière.

Voilà pourquoi la commission n'a pas pu continuer son œuvre. Mais, je le reconnais, nous avons alors commis la faute de ne pas donner notre démission ; longtemps nous avons hésité, et c'est alors que l'honorable M. Coomans, et moi après lui, nous avons donné notre démission ; je ne suis rentré dans la commission que sur les instances réitérées de notre honorable président.

Maintenant on vient de dire qu'il était coupable et lâche de ne pas dire par qui les actes avaient été faits.

Coupables et lâches 1 Ainsi nous serions coupables et lâches, parce que, connaissant les abus qui se sont passés, nous ne voudrions pas prendre devant la Chambre le rôle de dénonciateurs, le rôle d'accusateurs. Le mandat du député est tout autre que celui-là. Il signale les abus et ne se ravale pas au rôle dégradant et infâme de dénonciateur. Savez-vous ce qui est coupable et lâche ? C'est d'abandonner les institutions au moment où elles sont menacées. Savez-vous ce qui est coupable et lâche ? C'est d'abandonner ses amis au jour du danger ; c'est de venir traiter ton parti de crétin, c'est de venir dire qu'un souffle d'intolérance a passé sur lui. Voilà ce.qui est coupable et lâche ; je le dis à M. de Decker.

Oui, messieurs, il y a eu dans cette affaire des actes qu'on ne peut pas qualifier d'expressions trop dures. Ainsi, lorsqu'on voit l'acte dont vient de parler M. de Decker, celui de la reprise d'étoffes mouillées par la pluie, et qu'il est démontré, comme l'a fait un honorable membre qui tient de très près à M. de Decker et qui faisait partie de ta commission, que cette étoffe était portée eu compte à deux fois sa valeur, comment appelle-t-on cela ?

Lorsqu'il nous a été démontré qu'on demandait pour une ville une somme de 6,000 fr. qu'elle ne réclamait pas et que sur le chiffre on avait mis dans la lettre un pâté d’encre pour que nous ne pussions pas le voir, pour cacher ce qu'on voulait faire, comment appeler cela ?

Nous n'avons fait, remarquez-le bien, que lever le coin d'un voile qui cachait énormément de turpitudes et nous en avons vu assez pour pouvoir caractériser ce qui s'était passé.

Mais, dit M. de Decker, dans les circonstances où l'on se trouvait tout homme aurait fait la même chose. Non, dans les circonstances où l'on se trouvait, tout homme n'aurait pas fait la même chose. Qu'ont donc fait les prédécesseurs de M. de Decker ? Oui, je rendrai hommage à l'honorable M. Rogier. Lorsque, en 1848, l'honorable M. Rogier, alors ministre de l'intérieur, fit les belles fêtes de septembre que nous avons tous admirées, il n'avait à son budget qu'un crédit de 30,000 fr. Ce crédit fut dépassé ; mais de quelle somme ? De 10,000 à 15,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai été attaqué aussi.

M. B. Dumortier. - Je le sais, mais pas par moi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Par vos amis.

M. B. Dumortier. - Soit. Je ne réponds pas de tout ce qui se fait. On a attaqué l'honorable M. Rogier ; on l'a attaqué parce qu'il avait dépassé le crédit de 10,000 à 15,000 fr. Et lorsque M. de Decker, ministre de l'intérieur, dépense le quadruple des crédits qui lui sont alloués, nous n'aurions rien à dire ; nous devrions nous taire ! Nous ne serions pas ici pour critiquer ces actes ! Nous laisserions les abus les plus graves se passer sous nos yeux sans y porter remède ? C'est là une singulière prétention à la domination et à l'infaillibilité. C'est croire que les autres sont les marchepieds ou les esclaves au service de sa politique personnelle.

L'honorable M. Rogier s'est borné à dépasser le crédit de 10,000 à 15,000 francs, et cependant nous avons eu de très belles fêtes. Mais qu'a fait l'honorable M. Rogier ? Il a fait deux choses que vous n'avez pas faites, il a d'abord surveillé par lui-même la dépenses, il n'a pas voulu qu'on fit les choses si ce n'est avec la plus sévère économie ; ensuite les dépenses faites, l'honorable M. Rogier, croyant certains comptes exagérés, y a fait apporter des réductions. Et ici, c'est ce qu'on n'a pas fait.

On a laissé enfuir les finances avec la bride sur le cou. Plus on demandait, plus on inscrivait. On n'a rien contrôlé ; on n'a cherché à réduire aucun compte quelque exagérés qu'ils fussent, on a été ainsi jusqu'au bout, et d'une somme de 300,000 fr. qui était allouée par la loi, ou est arrivé à une dépense de 1,200,000 fr., c'est-à dire à neuf cent mille francs de plus que les crédits alloués par la Chambre.

Que les fêtes aient été belles, qu'elles aient été magnifiques, que ces fêtes aient été vraiment nationales, tout cela est étranger à la question de finances. C'est une fascination que l'on vous présente ici pour vous faire passer l'éponge sur les turpitudes qui ont été commises.

Sans doute ces fêtes ont été belles, et nous qui sommes des hommes de 1830, nous ne sommes pas moins amis que vous de la royauté ; mais de ce que ces fêtes ont été magnifiques, de ce que la Belgique à dignement fêté son Roi, s'ensuit-il que chacun peut venir piller le trésor public ? Ce sont des questions toutes différentes. Nous approuvons les fêtes, nous nous associons à l'enthousiasme public, mais nous n'approuvons pas les turpitudes qui viennent se cacher derrière cet enthousiasme, le vol des deniers publics qui vient s'abriter derrière l'enthousiasme national.

Cette dépense, dit-on, a été bien faite. Il y avait une commission chargée de vérifier les dépenses. Veuillez-vous faire présenter, messieurs, le registre des dépenses et vous verrez que les membres de la commission ont protesté contre la marche que l'on suivait ; et parmi eux était l'honorable M. Fontainas, ancien membre de la Chambre et échevin de Bruxelles.

Ils ont fait inscrire leur protestation avant les fêtes, et cette protestation a-t-elle amené quelque changement ? Non, tout a marché de même, malgré la protestation des membres de la commission qui ne voulaient pas consentir à ces dilapidations.

M. de Decker est vivement préoccupé de la phrase de censure finale du rapport ; c'est là la cause de l'agitation rageuse où il se trouve, et toujours dans les sentiments si affectueux qu'il me porte et pour lesquels je ne suis pas en reste avec lui, puisqu'il le veut, il m'attribue cette phrase de censure. Eh bien, qu'il se détrompe. Je suis de la minorité, c'est à-dire de ceux qui votent contre le projet. Cette phrase est l'œuvre de la majorité de la commission ; j'y suis complétement étranger. Je l'approuve ; mais veuillez-la lire ; la censure est ainsi conçue :

« Tout en le votant (le chiffre), la majorité ne peut s'empêcher de protester contre la marche qui a été suivie dans l'exécution des travaux et contre l'exagération des dépenses ; elle espère bien que ces abus ne se renouvelleront plus. »

Qui proteste ? qui vote la censure ? La majorité de la commission, c'est-à-dire ceux qui votent la dépense. Et pourquoi l'a-t-elle fait ? Elle l'a fait évidemment parce que les honorables membres de la majorité, tout en croyant qu'il fallait en finir, n'ont pas voulu consentir à l'abdication de la prérogative parlementaire, parce que ces honorables membres n'ont pas voulu admettre la justification de ces abus qu'ils reconnaissaient comme nous ; et c'est pour couvrir leur responsabilité vis-à-vis de l'assemblée, vis-à-vis du pays qu'ils ont inséré cette phrase de censure, qu'ils ont eu soin de dire que la majorité protestait.

Messieurs, admettez-vous tout ce que le préopinant vous a dit au sujet de l'album ? Mais là encore ce sont des hérésies pitoyables. L'honorable membre commence par vous dire qu'il a déclaré qu’il ne pouvait pas s'engager au nom du gouvernement, mais qu'il voulait bien présenter la défense à la Chambre. Et puis i ajouta qu'il était tout naturel que l'auteur se crût autorisé à croire que la Chambre ne s'y refuserait pas. Mais comment cela était-il naturel ? Où l'auteur pouvait-il trouver que la Chambre ne se refuserait pas à la dépense ? Evidemment il ne devait commencer son travail qu'après avoir obtenu l'autorisation de la Chambre, puisque le ministre ne pouvait lui accorder la sienne. Ainsi il a fait cette entreprise à ses risques et périls.

Quant aux architectes, M. de Decker invoque la dignité de la Chambre, l'honneur du pays, pour leur faire payer plus que nous ne devons, pour leur faire payer un tantième sur la somme dont ils ont dépassé les devis.

Il nous dit que les architectes font toujours cela. Mais c'est précisément parce qu'ils font toujours cela, que nous ne voulons pas prêter les mains à ces abus, que nous voulons y mettre un terme, et nous saisissons (page 1134) l'occasion de ces scandales, nous la saisissons avec empressement pour engager la Chambre à ne payer les architectes que sur les devis primitifs.

Nous demandons que chaque membre de la Chambre fasse, dans sa conscience, ce qu'il ferait s'il s'agissait de son intérêt personnel. Quel est celui d'entre nous qui, ayant chargé un architecte de lui construire un bâtiment pour 100,000 fr., payerait à cet architecte 5 p. c. sur 200,000 fr. ?

Mais en pareil cas nous dirions tous : Je vous ai autorisé à dépenser 100,000 fr. ; vous avez dépensé le double ; c'est à moi de vous intenter un procès.

Je le répète, messieurs, les abus, dans cette affaire, ont été scandaleux. Tous les membres de la commission sont d'accord pour reconnaître que des abus très graves existent. Eh bien, la commission vous propose uniquement deux choses à savoir de laisser à l'auteur des gravures les 10,000 francs payés. Ces 10,000 fr. couvrent largement ses frais, puisque lui-même ne porte en compte que 5,000 fr. pour ses frais de voyage et autres débours, plus 400 et des francs pour des pierres qui lui restent.

Quant aux honoraires des architectes, je crois que la Chambre sera unanimement d'avis qu'il n'est pas possible de tolérer que des architectes, chargés par le gouvernement d'organiser des fêtes pour 300,000 fr. élèvent de leur autorité privée cette dépense à 1,200,000 fr. et viennent encore réclamer leur tantième sur la somme qu'ils ont ainsi élevée.

Si vous admettez cette prétention, vous consentez d'avance à ce que chaque fois que vous aurez voté une dépense quelconque, le chiffre soit doublé, triplé s'il se trouve au pouvoir un ministre aussi faible que l'a été l'honorable M. de Decker dans cette circonstance.

Je n'abuserai pas des moments de la Chambre, l'heure s'avance ; mais je déclare que, quant à moi, je connais trop de choses pour voter même les sommes proposées par la commission.

M. de Decker. - Je renonce à la parole, je m'en rapporte au patriotisme de la Chambre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois, messieurs, que ce qu'il y a de mieux à faire c'est de mettre fin à ce débat et de passer au vote.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, nous allons voter sur des chiffres et il faut que chacun soit libre de voter selon son appréciation. Quant à moi je déclare que, lors même que je voterais l'une des réductions proposées par la commission, je n'entends pas faire retomber sur l'honorable M. de Decker le moindre blâme quel qu'il soit.

M. Lelièvre. - Quant à moi, je fais la même déclaration.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je déclare pour ma part et je crois être ici l'organe de tous mes amis politiques, je déclare que personne ne peut mettre en doute la parfaite loyauté et la parfaite probité de mon honorable prédécesseur, pas plus que personne ne peut mettre en doute son patriotisme éprouvé. Sous ce rapport, je pense que des deux côtés de la Chambre, mais tout au moins du côté où je siège, aucun membre n'admet que le vote à intervenir, quel qu'il soit, puisse être considéré comme portant la moindre atteinte au caractère de l'honorable M. de Decker.

M. B. Dumortier. - Je ne pense pas qu'une telle pensée puisse être venue à l’esprit d'aucun membre de la Chambre et quant à moi je serais le premier à protester contre toute idée de blâme en ce qui concerne mon ancien ami.

Je dois dire que quand la commission a trouvé toutes les pièces revêtues de la signature de M. de Decker, elle n'a pas voulu marcher plus avant, parce qu'elle reconnaissait son incorruptibilité.

Vote des articles

- Le chiffre de 30,000 fr. pour l'album est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre de 15,000 fr. est mis aux voix et adopté.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Résulte-t-il de ce vote que l'ouvrage doive être abandonné ? Et résulte-t-il que si le gouvernement trouvait dans les ressources ordinaires du budget le moyen de reprendre et de compléter l'œuvre, ; cela serait interdit par le vote que la Chambre vient d’émettre ? (Interruption.) Je ne le crois pas. Je n'ai formé aucun projet à cet égard, mais il pourrait se présenter pour le gouvernement l'occasion de continuer l'œuvre, de manière que les 15,000 fr. n'eussent pas été dépensés en pure perte. Je pense qu’on ne peut pas inférer du vote de la Chambre que cela serait interdit au gouvernement.


Le chiffre de 35,375 fr. 64 c. pour les architectes est mis aux voix ; il n'est pas adopté. Le chiffre de 15,000 fr. est mis aux voix et adopté.


La Chambre passe au texte du projet de loi proposé par la commission :

« Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit complémentaire de 78,834 fr. 49 c, destiné à pourvoir aux dépenses des fêtes du vingt-cinquième anniversaire de l'inauguration du Roi.

« Cette somme sera couverte par les ressources du budget des voies et moyens de l'exercice 1857. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

La Chambre décide qu'elle volera, séance tenante, sur l'ensemble du projet de loi. Les amendements sont remis aux voix et confirmés.

Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi.

76 membres sont présents.

68 membres répondent oui.

1 membre (M. Grosfils) répond non.

7 membres s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis an Sénat.

Ont répondu oui : MM. A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Stichelen, Van lseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Vermeire, Vervoort, Verwilgben, Veydt, Vilain XIIII, Wala, Allard, Ansiau, Crombez, David, de BaiIlet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, C. de Brouckere, H. de Brouckere, de Decker, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Perceval, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Drsmaisières, Desmel, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frére-Orban, Frison, Godin, Jacquemyus, J. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Orban, Pierre, Pirson, Rodenbacb, Rogier, Saeyman, Thiéfry et Verhaegen.

Se sont abstenus : MM. Vander Donckt, Coppieters 't Wallant, de Muelenaere, B. Dumortier, Landeloos, Lelièvre et Magherman.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Vander Donckt. - Je n'ai pas voté les fonds pour les fêtes sous le cabinet précèdent, je ne les voterai pas sous le cabinet actuel. Voilà le motif de mon abstention.

M. Coppieters 't Wallant. - Messieurs, je n'ai pas voulu émettre un vote négatif sur le projet de loi, parce qu'il est destiné au payement de certaines créances qui, d'après moi, ne peuvent pas être contestées.

D'un autre côté, je n'ai pas pu voter en faveur du projet de loi, parce qu'il comprend certaines créances dont je ne veux pas légitimer la validité par mon vote.

M. de Muelenaere. - Messieurs, la dépense pour laquelle la Chambre n'avait alloué qu'une somme de 300,000 fr., s'est élevée, en définitive, à près de 1,200,000 fr. Je n'ai pas pu, par un vote approbatif, ratifier une telle exagération de dépenses.

M. B. Dumortier. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

M. Landeloos. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai fait connaître lors du vote du projet de loi relatif au même objet.

M. Lelièvre. - Je m'abstiens par les motifs que j'ai déduits lors du vote des crédits précédents.

M. Magherman. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Coppieters.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.