Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 novembre 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 57) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces suivantes.

« Des habitants de Louvain demandent que M. le ministre de l'intérieur soit invité à se prononcer sur ses intentions relatives aux réclamations qui ont été adressées en faveur de la langue flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

« Des étudiants de l'université de Gand demandent qu'à la session de Pâques 1859, il y ait des jurys d'examen pour l'obtention de tous les grades académiques. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Godefroid Verbruggen, agréé facteur au chemin de fer de l'Etat, à Malines, né à Heytheuzen (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« L'administration communale de Mons adresse à la Chambre deux exemplaires de son Rapport au conseil communal sur l'administration et la situation des affaires de cette ville. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projets de loi approuvant les traités de commerce et de navigation conclus avec les Etats-Unis d’Amérique et le Chili

Dépôt

Projet de loi approuvant une convention littéraire et scientifique avec les Pays-Bas

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Le Roi m'a chargé de présenter à la Chambre :

Un projet de loi tendant à approuver un traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et les Etats-Unis d'Amérique ;

Un projet de loi tendant à approuver un traité de commerce et de navigation conclu entre la Belgique et le Chili ;

Un troisième projet de loi tendant à approuver une convention conclue entre la Belgique et les Pays-Bas pour la garantie réciproque de la propriété des œuvres scientifiques et littéraires.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ces projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi sur la contrainte par corps

Rapport de la section centrale

M. de Boe, rapporteur. - Messieurs, des amendements qui ont été renvoyés à la section centrale, les uns sont relatifs à des questions de rédaction, et nous avons pensé qu'il en serait mieux traité lorsque nous émettrons un vote sur l'ensemble de la loi.

Les autres sont relatifs à des modifications de fond. Il y a notamment l'amendement de M. Ch. Lebeau à l'article 27, et celui de MM. Vervoort et Lelièvre à l'article 35.

M. Lebeau proposait de rédiger ainsi la fin de l'article 27 : « Ni contre le veuf ou la veuve ayant un ou plusieurs enfants mineurs, aux besoins desquels ils pourvoient par leur travail. » Il demandait que l'on insérât les mots « par leur travail » et que l'on précisât davantage que l'article serait applicable, lorsqu'il n'y aurait qu'un seul enfant.

Nous avons examiné de nouveau cet article. Ainsi que je l'ai dit dans le premier rapport que j'ai fait à cette tribune, M. le ministre de la justice avait conservé des doutes sur la portée un peu large de cet article.

Ces doutes se sont reproduits au sein de la section centrale et, après examen, nous avons adopté une nouvelle rédaction du second paragraphe. Nous avons admis le principe de la loi française de 1848, loi extrêmement libérale et qui décide que, dans le cas où il y aura des enfants mineurs, le juge pourra accorder un sursis d'un an.

Pendant ce temps le débiteur fera tous ses efforts pour payer sa dette et pourvoir au soin de ses enfants mineurs.

La fin de l'article serait ainsi conçue :

« Les tribunaux pourront, dans l'intérêt des enfants mineurs du débiteur, et par le jugement de condamnation, surseoir pendant un an au plus à l'exécution de la contrainte par corps. »

Ainsi, d'après l'article, cette mesure ne pourrait être prise que dans l’intérêt des enfants mineurs. Ces mots indiquent le but de l'article et les conditions d'application.

Quant à l'amendement de MM. Vervoort et Lelièvre, il a été rejeté par 3 voix contre 1, celle du rapporteur. Cet amendement est ainsi conçu :

« Lorsqu'une année se sera écoulée depuis l'incarcération, s'il s'agit d'une dette qui excède mille francs en principal, ou après six mois d'incarcération si la dette n'excède pas cette somme, le débiteur pourra demander son élargissement en prouvant qu'il est dépourvu de tout moyen d'acquitter la dette. »

J'ai dit que cet amendement a été rejeté par trois voix contre une ; la voix favorable à l'amendement, je dois le dire, c'est la mienne.

On a fait observer que cet amendement tendait à énerver outre mesure la contrainte par corps. Cette mesure s'applique surtout pour le payement de petites sommes, ceux qui ont parcouru la statistique ont pu voir qu'elle s'exerce généralement pour le recouvrement de sommes qui n'excèdent pas 750 fr., et dès lors l'amendement de M. Vervoort réduirait, en définitive, la contrainte par corps à six mois. C'est la principale raison qu'on a invoquée contre ce système.

On a invoqué aussi ce qui se passe sous l'empire de la loi française de 1848, qui a été extrêmement loin et que l'on considère à Paris comme portant atteinte au crédit, surtout au crédit du petit commerce.

Discussion des articles

Titre V. Dispositions communes aux titres précédents

Article 27

M. Ch. Lebeau. - Je crois que nous sommes parfaitement d'accord avec M. le ministre de la justice et les membres de la section centrale sur le but que nous voulons atteindre par la seconde partie de l'article 27. Mais je pense, messieurs, que la nouvelle rédaction qui nous est proposée n'est pas de nature à atteindre ce but.

D'après le rapport de la section centrale, nous voyons qu'il entrait dans l'esprit de ses membres de suspendre l'exercice de la contrainte par corps contre le père ou la mère veufs et ayant des enfants mineurs ; et cela, messieurs, purement dans un esprit d'humanité. Or, je le demande, atteindrait-on bien ce but en adoptant la rédaction proposée ? Je ne le crois pas. Et, en effet, on dit par la nouvelle rédaction qu'on pourra, dans l'intérêt des enfants mineurs et par le jugement de condamnation, suspendre pendant un an l'exercice de la contrainte par corps contre le père ou la mère.

Eh bien, je le demande, messieurs, pourquoi dire que ce sera par le jugement de condamnation qu'on pourra surseoir à l'exécution de la contrainte par corps ? Pourquoi ne serait-ce pas également par un jugement subséquent ? Ne peut-il pas arriver, en effet, que le père et la mère aient des enfants mineurs après le jugement de condamnation ?

Maintenant, messieurs, on ne pourra suspendre l'exercice de la contrainte par corps que pendant un an, et, à l'expiration de l'année, la contrainte par corps pourra être exercée ; or, que pourra-t-il arriver dans certains cas ? C'est qu'il y aurait plus de considérations d'humanité encore après l'expiration de cette année qu'auparavant.

Vous voyez que votre disposition irait, en certains cas, contre le but que vous voulez atteindre.

Je pense donc qne nous sommes parfaitement d'accord sur le but de la disposition. Il ne s'agit que de s'entendre sur les termes. D'ici au second vote, nous pourrons sans doute nous mettre d'accord avec M. le ministre de la justice et avec la section centrale, pour une nouvelle rédaction, s'il y a lieu.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ainsi que vient de le dire l'honorable auteur de l'amendement, nous examinerons d'ici au second vote s'il est possible de trouver une meilleure rédaction.

Il y a d'autant plus lieu d'y réfléchir, que d'après l'honorable M. Ch. Lebeau, son amendement restreindrait la disposition introduite par la section centrale, de telle sorte qu'elle ne serait pas applicable aux matières commerciales. Ce serait déjà un correctif à la trop grande étendue qu'on voulait donner à l'article 27.

M. Muller. - Messieurs, s'il s'agit de nous faire voter l'article 27 tel qu'il vient d'être proposé, par la section centrale, je déclare qu'il m'est impossible de le voter dans les termes dans lesquels il est conçu. Les observations de l'honorable M. Lebeau sont parfaitement justes. Il est évident que l'article 27, tel qu'il vient d'être rédigé par la section centrale, donne une latitude beaucoup moins grande au juge que ne lui en donnait l'article 27 primitif et que ne lui en donne l'amendement proposé hier par l'honorable M. Ch. Lebeau.

On vous a fait observer avec raison que, si, après le délai d'une année, la famille se trouvait encore dans la même position, si le veuf ou la veuve doivent nécessairement pourvoir à l'existence de leurs enfants mineurs, est-ce que le juge n'aura pas alors la latitude d'exempter de la contrainte par corps ?... Il est indispensable qu'il en soit ainsi.

Je ne m'opposerai pas à la suspension du vote sur l'article 27, si M. le ministre de la justice en fait la proposition.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, le projet primitif n'était pas aussi favorable que la rédaction actuelle ; il ne s'occupait pas des veufs ou des veuves ayant des enfants mineurs...

M. Muller. - Je parle du projet de la section centrale.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est vrai que cette proposition est plus favorable. Dans mon opinion elle l'est beaucoup trop ; elle présente l'inconvénient de porter une atteinte sérieuse au crédit.

On ne saurait contester que l'exécution par voie de contrainte par corps ne soit un élément de crédit, et en réduisant trop ce moyen (page 58) d'exécution, l'on court, au profit de quelques individus qui sont dans le cas d'être emprisonnés et qui, le plus souvent, sont peu dignes d'intérêt ; l'on court le grand danger d'enlever le crédit à des gens qui en usent avec loyauté, avec intelligence, et qui y trouvent leurs plus précieuses ressources.

Voilà le danger qui m'a frappé dans la rédaction admise par la section centrale. Aussi, dès le début, j'ai déclaré que je me réservais de proposer des modifications à cet article.

L'honorable M. Lebeau a proposé un amendement qui, dans ses termes, est beaucoup moins favorable aux débiteurs que l'article 27 proposé par la section centrale et qui, dans son esprit, l'est beaucoup moins encore. Il a compris que la disposition de la section centrale présente un danger pour les commerçants veufs, en ce qu'il nuira à leur crédit, car en ajoutant à ces mots : « ayant des enfants mineurs aux besoins desquels ils pourvoient », ceux-ci : « par leur travail », il exclut virtuellement les condamnations en matière commerciale : la disposition n'est, en quelque sorte, plus appliquée qu'aux condamnés pour dommages-intérêts en matière criminelle, correctionnelle ou de simple police, ce qui a beaucoup moins d'inconvénients.

Quelle est la raison qui a fait introduire dans la loi française la disposition dont la section centrale a repris la rédaction et dont elle vous propose l'adoption ? On a voulu laisser au débiteur un temps moral pour se libérer ou prendre quelques mesures en faveur de ses enfants, ou faire un suprême effort pour échapper à la contrainte par corps.

Remarquez que cette disposition qui a été adoptée au lendemain d'une révolution, au lendemain du jour où l'on avait aboli la contrainte par corps, ne va pas aussi loin qu'on le demande aujourd'hui.

Je ne pourrais donc pas me rallier à la rédaction de l'article 27 proposée par la section centrale. On pourrait, sans difficulté, adopter la proposition de M. Lebeau, sauf à y revenir au second vote. Si on préfère laisser la disposition en suspens, je n'y vois pas grand inconvénient.

M. Muller. - Je désire répondre quelques mots à M. le ministre de la justice. Je comprendrais que l'on pût appréhender de porter atteinte aux crédits des veufs si la contrainte devait nécessairement ne pas être prononcée ; mais d'après la nouvelle rédaction, si je l'ai bien comprise, c'est une latitude donnée au juge.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non, le juge ne pourra prononcer.

M. Muller. - Dans ce cas je soumets à M. le ministre la question de savoir si on ne pourrait pas concilier l'une et l'autre opinion dans une nouvelle rédaction en accordant au juge la faculté de ne pas prononcer la contrainte par corps, en le laissant juge de la situation de la famille.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est ce que nous nous proposons de faire, s'il y a lieu, en présentant une nouvelle rédaction au second vote ; l'on est, du reste, d'accord au fond.

M. Muller. - J'ai fait mon observation parce que je ne connais pas bien la manière de procéder de la Chambre à l'égard des amendements, d'autant moins que je l'ai vue changer ses précédents depuis que je suis ici. Voilà pourquoi j'ai dit que je croyais plus utile de tenir l'article en suspens. S'il est admis qu'on pourra y revenir au second vote, je ne fais pas de difficulté à l'admettre.

M. Allard. - J'ai demandé la parole pour faire une simple observation. L'article 27 dit que dans aucun cas, la contrainte par corps ne pourra être exercée simultanément contre le mari et la femme ni contre le veuf ou la veuve ayant des enfants mineurs aux besoins desquels ils pourvoient. Je demande ce qui arrivera quand un mari en prison perdra sa femme et aura des enfants mineurs. Le fera-t-on sortir. ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non, d'après la rédaction telle qu'elle est proposée.

- L'amendement de M. Ch. Lebeau est mis aux voix et adopté.

L'article 27 ainsi amendé est provisoirement adopté.

Article 2

M. le président. - Nous passons à l'article 28.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement est d'accord avec la section centrale pour adopter la rédaction qu'elle a proposée ; au fond, c'est la même disposition que celle du gouvernement.

« Art. 28 (projet de la section centrale.) Tout huissier ou exécuteur des mandements de justice qui, lors de l'arrestation d'un débiteur, se refuserait à le conduire en référé, sera condamné à mille francs d'amende, sans préjudice des dommages et intérêts. »

- Adopté.

Article 29

« Art. 29 (projet de la section centrale, auquel le gouvernement déclare se rallier). Les débiteurs seront détenus dans une partie de la prison distincte de celle destinée aux individus emprisonnés pour crimes, délits ou contraventions de police, ou pour les restitutions, dommages-intérêts et frais dont ils seraient tenus de ce chef, ou par suite d'une condamnation par corps pour faits prévus par la loi pénale.

« Ils auront la faculté de s'y livrer à tout genre d'occupations qui ne sont pas incompatibles avec tes rigueurs de l'emprisonnement. »

M. le président. - La section centrale, d'accord avec le gouvernement, ajoute le dernier paragraphe du projet primitif, ainsi conçu : « Toute dépense de luxe leur est interdite. »

- L'article 29 ainsi rédigé est adopté.

Article 30

« Art. 30 (projet du gouvernement). Un mois après la publication de la présente loi, la somme destinée aux aliments sera de trente francs pour trente jours.

« A dater de la même époque, cette somme sera consignée d'avance pour une ou plusieurs périodes de trente jours. »

M. le président. - La section centrale adopte cette disposition, mais elle propose d'y ajouter le paragraphe suivant :

« L'emprisonnement se compte par jour et non par heure. »

- L'article 30 ainsi rédigé est adopté.

Articles 31 à 33

« Art. 31 (projet du gouvernement auquel se rallie la section centrale). La requête présentée au président du tribunal civil pour obtenir l'élargissement faute de consignation d'aliments ne devra être signée que par le débiteur et par le directeur de la prison. Si le débiteur ne sait pas signer, elle sera certifiée véritable par le directeur.

« Cette requête sera présentée en duplicata. L'ordonnance du président, aussi rendue par duplicata, sera exécutée sur l'une des minutes qui restera entre les mains du directeur ; l'autre minute sera déposée au greffe du tribunal et enregistrée gratis. »

- Adopté.


« Art. 32. (projet du gouvernement auquel se rallie la section centrale). Le débiteur élargi faute de consignation d'aliments ne pourra plus être incarcéré pour la même dette. »

- Adopté.


« Art. 33 (projet du gouvernement auquel se rallie la section centrale). Les frais liquidés que le débiteur doit consigner ou payer pour empêcher l'exécution de la contrainte par corps, ou pour obtenir son élargissement conformément aux articles 798 et 800, paragraphe 2, du Code de procédure, ne seront jamais que les frais de l'instance, ceux de l'expédition et de la signification du jugement et de l'arrêt s'il y a lieu, ceux enfin de l'exécution relative à la contrainte par corps seulement. »

- Adopté.

Article 34

« Art. 34 (projet du gouvernement auquel se rallie la section centrale). Après trois mois de détention, le débiteur obtiendra son élargissement eu payant ou en consignant le tiers du principal de la dette et des accessoires et en fournissant caution pour le surplus.

« La caution sera reçue par le tribunal qui aura prononcé la condamnation. Elle devra s'obliger solidairement avec le débiteur à payer les deux tiers qui resteront dus, dans un délai qui ne pourra excéder une année.

« Si, à l'expiration du délai, le créancier n'est pas intégralement payé, il pourra de nouveau exercer la contrainte par corps contre le débiteur, sans préjudice de ses droits contre la caution. »

M. Vervoort. - Je lis dans l'article suivant que le tribunal compétent pour juger des demandes d'élargissement sera celui du lieu où les débiteurs se trouvent détenus. On comprend les motifs de cette prescription. Aussi suis-je surpris de voir, dans l'article 34, que la caution sera reçue par le tribunal qui aura prononcé la condamnation. Je ne m'explique pas la cause de cette différence.

Quant à moi, la prescription de l'article 35 me paraît la plus rationnelle, et je ne vois pas pourquoi ou agirait différemment dans ces deux cas.

La loi française de 1832 décide aussi que les droits prévus par l'article 34 doivent être réglés devant le tribunal du lieu où le prisonnier est détenu.

Je propose d'inscrire la même prescription dans l'article 34 et de dire que la caution sera reçue par le tribunal du lieu où ce débiteur se trouve détenu.

- L'amendement de M. Vervoort est appuyé.

M. B. Dumortier. - Il me semble que l'honorable M. Vervoort ne réfléchit pas aux motifs qui ont dicté la mesure. De quoi s'agit-il dans la disposition que l'on vous propose ? De juger de la solvabilité de la caution ; c'est là toute la question.

Or, quand un débiteur se trouvera à vingt, trente ou cinquante lieues de l'endroit où il a été jugé, est-ce que le tribunal à cette distance pourra reconnaître la solvabilité de la caution ? Evidemment il ne le pourra pas.

Je crois qu'il faut s'en tenir aux termes du projet de loi du gouvernement, et qu'on a eu de très bons motifs pour rendre le tribunal du lieu juge de la solvabilité de la caution.

Comment le tribunal de Bruxelles pourra-t-il, par exemple, juger de la solvabilité de quelqu'un qui se présente comme caution à une distance de 50 lieues ? Cela ne serait pas possible.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ferai d'abord observer a l'honorable M. Vervoort qu'il y a eu un amendement proposé à l'article 35 et que l'indication du tribunal qui doit statuer sur la demande en libération du débiteur a été changée. Le gouvernement, d'accord avec la section centrale, propose de rédiger l'article 35 de la manière suivante :

(page 59) « Le tribunal compétent sera celui du domicile du débiteur. » Le troisième paragraphe devait être rédigé, d'après la proposition de la section centrale, de la manière suivante : « Si le débiteur est étranger, le tribunal compétent sera celui du lieu où le débiteur se trouvera détenu. »

Au lieu de ce troisième paragraphe que nous trouvons à l'article 35, je proposerai de dire : « Si le débiteur n'a pas de domicile en Belgique, le tribunal compétent sera celui du lieu où le débiteur se trouve détenu. »

Je pense qu'on pourrait admettre le même principe à l'article 34, et faire statuer sur la caution par le tribunal du domicile du débiteur, parce que c'est là que d'ordinaire le débiteur trouvera sa caution et c'est ce tribunal qui pourra juger le mieux de la solvabilité de cette caution.

M. Vervoort. - Je me rallie à cette nouvelle rédaction.

M. le président. - Ainsi l'on dira : « le tribunal du domicile du débiteur. »

- L'article ainsi modifié est adopté.

Article 35

« Art. 35. Lorsqu'une année se sera écoulée depuis l'incarcération, le débiteur pourra demander son élargissement en prouvant qu'il est dépourvu de tout moyen d'acquitter la dette.

« La demande sera portée devant la juridiction qui a prononcé la contrainte par corps. Le tribunal compétent sera celui du domicile du débiteur.

« Si le débiteur est étranger, le tribunal compétent sera celui du lieu où le débiteur se trouve détenu.

« En cas de rejet de la demande, elle ne pourra être reproduite qu'après une année révolue. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je propose la rédaction suivante :

« Si le débiteur n'a pas de domicile en Belgique, » au lieu de : « si le débiteur est étranger, » parce qu'il peut arriver que l'étranger ait un domicile en Belgique, et il peut arriver aussi que le Belge lui-même n'ait pas de domicile dans le pays. Pour ces cas, je pense qu'il faut dire : « Si le débiteur n'a pas de domicile eu Belgique, le tribunal compétent sera celui du lieu où le débiteur se trouve détenu. »

M. le président. - A cet article, il y a un antre amendement. C'est celui de MM. Lelièvre et Vervoort, ainsi conçu :

« Rédiger le paragraphe premier en ces termes :

« Lorsqu'une année se sera écoulée depuis l'incarcération, s'il s'agit d'une dette qui excède mille francs en principal, ou après six mois d'incarcération, si la dette n'excède pas cette somme, le débiteur pourra demander son élargissement en prouvant qu'il est dépourvu de tout moyen d'acquitter la dette. »

Cet amendement a été renvoyé à la section centrale ; il vient de vous en être fait rapport. L'amendement a été repoussé par 3 voix contre 1.

M. Vervoort. - Messieurs, la loi qui nous est soumise réalise des améliorations dont l'expérience a démontré depuis longtemps la nécessité. Le principe de l'article 35 dû à l'initiative, je crois, de l'honorable ministre de la justice, me paraît excellent ; seulement nous nous sommes demandé, M. Lelièvre et moi, s'il ne fallait pas lui donner plus d'extension.

D'après l'article 36, le débiteur peut être détenu pendant cinq ans. Incontestablement cette disposition demandait un correctif ; ce correctif, je le trouve dans l'article 35 que je suis heureux de voir dans la loi, mais que je trouve trop sévère encore.

La contrainte par corps, tout le monde est d'accord à cet égard, la contrainte par corps sert à vaincre la mauvaise foi, l'obstination coupable, c'est une épreuve de solvabilité.

Ce moyen me paraît parfaitement justifié, car si la statistique nous apprend combien de débiteurs l'on arrête, elle ne nous dit point combien il en est qui payent parce qu'ils craignent d'être arrêtés.

Mais, messieurs, ce moyen est une nécessité cruelle, car s'il ne constitue pas une peine proprement dite, il inflige cependant la perte de la liberté.

Il faut donc concilier le respect de la liberté individuelle avec la nécessité de soumettre le débiteur à une épreuve nécessaire. Nous nous sommes demandé si pour des sommes de 200 à 1,000 francs un emprisonnement de six mois n'est pas une épreuve suffisante ?

S'il était question, messieurs, d'accorder la mise en liberté de plein droit au bout de ce laps de temps, je comprendrais qu'une pareille disposition soulevât une discussion sérieuse, mais il s'agit uniquement de donner au débiteur d'une somme inférieure à 1,000 francs, le moyen de prouver qu'il est insolvable, qu'il est malheureux. Comment ne point lui donner cette faculté après une incarcération de six mois ? Celui qui prend un engagement est présumé pouvoir se libérer.

S'il ne paye point, il commet une faute grave, et dès lors il est juste qu'on le soumette à une épreuve, pour s'assurer s'il n'est pas de mauvaise foi. Mais à côté de la mauvaise foi, qui exige de sévères mesures, se présente le malheur, auquel est due une protection qui ne saurait être trop prompte, et quand un débiteur a été détenu pendant six mois pour une dette minime, il y a présomption qu'il est réellement insolvable. Nous demandons qu'après cette épreuve il ait la faculté de se présenter devant son juge pour prouver son insolvabilité.

Le projet de loi accorde cette faculté après un an. Je comprends ce délai pour des dettes importantes ; mais quand il s'agit de 200, 250 jusqu'à 1,000 francs, il me semble qu'une épreuve de six mois est suffisante pour mettre le juge à même d'apprécier si le débiteur peut être rendu à la liberté.

Pour ma part, messieurs, je voterai l'article 36 avec le correctif de l'article 35, mais certes, je n'aurais pas admis un emprisonnement de 5 ans s'il pouvait être infligé d'une manière absolue et frapper le débiteur malheureux.

M. B. Dumortier. - Ici encore, messieurs, je regrette de ne pouvoir pas être de l'avis de l'honorable préopinant. Ce qui me touche dans tout ceci, c'est qu'il ne faut point nuire au crédit, et je crains qu'avec toutes ces idées philanthropiques on ne fasse beaucoup plus de mal que de bien.

L'honorable membre dit : Mais lorsqu'il s'agit d'une misérable somme de 200 fr. il faut qu'au bout de six mois le débiteur insolvable puisse être mis en liberté.

Eh bien, messieurs, remarquez que ces petites sommes intéressent précisément non pas les banquiers, mais le petit commerce, les petites affaires, surtout dans les campagnes. Il s'agira de la vente d'une tête de bétail, de quelques porcs. C'est là qu'on est le plus exposé à rencontrer des fripons et il ne faut pas exposer les cultivateurs à être victimes de la mauvaise foi.

Certes ce n'est point là ce que veut l'honorable membre, mais c'est le résultat auquel on arriverait par son système.

Nos lois, messieurs, sont devenues de plus en plus douces ; nous avons vu disparaître jusqu'à la trace de certains abus qui existaient autrefois ; gardons-nous de donner lieu à des abus en sens opposé. Anciennement le débiteur insolvable qui pouvait sortir de prison devait mettre un bonnet vert et cela lui imprimait une tache en quelque sorte indélébile ; si le système que je combats était adopté, on ferait quelques mois de prison, puis on se moquerait des créanciers. Vous auriez ainsi tué le crédit, vous auriez tué le petit commerce.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je partage la manière de voir de l'honorable M. Dumortier ; il faut éviter de se laisser entraîner trop loin. L'honorable M. Vervoort obéit sans doute à une idée généreuse, mais ce qu'il propose porterait, à mon avis, une sérieuse atteinte au crédit.

La loi que nous discutons actuellement fait beaucoup ; elle va aussi loin qu'on peut aller sans danger. Il suffit de voir quelle est la législation actuelle. En matière commerciale, quel est le terme de l'emprisonnement ? Cinq ans, sans qu'il y ait aucun tempérament. En matière civile, le terme est illimité ; il en est de même de la contrainte par corps vis-à-vis de l'étranger et pour les condamnations à des dommages-intérêts, pour les restitutions de frais en matière pénale.

Au lieu de ce système, nous proposons un maximum de 5 ans en toute matière, avec le tempérament de l'article 35, qui permet au débiteur de se pourvoir tous les ans devant les tribunaux, afin d'obtenir sa libération.

Il y a encore, messieurs, dans la loi une autre modification qui est très favorable au débiteur et dont l'honorable M. Vervoort ne tient pas compte. M. Vervoort nous dit : « Le débiteur d'une somme de 200, de 500 francs pourra être détenu pendant un an. » Mais remarquez bien, messieurs, que d'après l'article 2 du projet, le juge a la faculté de ne pas prononcer la contrainte par corps pour toute somme qui n'excède pas 600 francs.

Ainsi, lorsqu'il y aura un débiteur malheureux, et dont la dette n'excède pas 600 fr., le tribunal pourra l'exempter de la contrainte par corps. Si nous allons plus loin, je crains, ainsi que je l'ai dit, qu'on ne porte une trop grave atteinte au crédit, surtout des petits commerçants, car on ne peut pas nier que la contrainte par corps ne soit un sérieux élément du crédit, et que, dans une certaine classe de négociants, ce moyen d'exécution entre pour beaucoup dans la confiance qui est accordée. C'est grâce à la certitude qu'on a de pouvoir user de ce moyen rigoureux, que bien des gens trouvent un crédit qu'ils ne trouveraient plus, si, par une trop grande réduction de la durée de la contrainte par corps, ce mode d'exécution devenait illusoire.

L'honorable M. Vervoort a dit lui-même, que c'était un épouvantail utile ; il ne faut donc pas réduire la contrainte par corps, de manière que l'épouvantail disparaisse complétement.

D'un autre côté, il faut tenir compte des législations étrangères, il ne faut pas que nous prenions une position exceptionnelle. Nous sommes en rapports de commerce avec beaucoup de nations ; il ne faut pas que ces rapports puissent souffrir de la crainte qu'aurait le créancier de manquer d'un moyen d'exécution sérieux vis-à-vis de son débiteur.

Il est vrai qu'en France on a réduit la contrainte par corps à six mois, pour des dettes n'excédant pas 1,000 francs, mais il est à remarquer, comme déjà je l'ai dit, que c'était immédiatement après la révolution de 1848, quelque temps après qu'on avait aboli en France la contrainte par corps.

Quant à la législation prussienne, elle repose à peu près sur les mêmes bases que le projet que nous avons soumis à la Chambre.

La législation de Genève, qui est une des plus humaines, si je puis (page 60) m'exprimer ainsi, n'autorise à demander la libération qu'après trois années.

En proposant un an, nous allons aussi loin qu'il est possible.

La commission qui a établi le projet de loi n'avait pas été aussi loin que le gouvernement ; elle proposait deux ans ; ce n'était qu'après deux ans que le débiteur pouvait demander son élargissement. J'ai pensé que le délai de deux ans était un peu trop long, et le gouvernement l'a réduit à un an dans la proposition qu'il vous a soumise.

Je crois que cette proposition concilie à la fois les intérêts du crédit et les droits de l'humanité, et qu'il y a lieu de l'accueillir.

M. Vervoort. - M. le ministre de la justice a soutenu qu'il faut au moins une année d'épreuve, dans l'intérêt du crédit public ; il a invoqué ensuite la disposition qui permet au juge de ne pas prononcer la contrainte par corps pour des sommes inférieures à 600 francs.

Ma proposition concilie les exigences du crédit public avec les droits de la liberté individuelle. Il est incontestable qu'une détention de 6 mois est un épouvantail suffisant pour les petits débiteurs.

En effet, la statistique prouve que sur 4,000 détenus qui ont été emprisonnés pendant une période de dix ans, 500 se sont libérés endéans le mois.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Parce qu'il y avait cinq ans.

M. Vervoort. - Les cinq ans sont maintenus par l'article 36. L'article 35 soumet le débiteur à une preuve fort difficile. S'il ne fait pas cette preuve de manière à satisfaire complétement le juge, il subira une prolongation de détention qui ne doit s'arrêter qu'au bout de cinq ans.

La faculté donnée au juge de prononcer ou de ne pas prononcer la contrainte par corps, lorsque la somme n'excède pas 600 fr., vient à l'appui de ma proposition. L'honorable M. Dumortier dit qu'il s'agit de petits commerçants. C'est précisément parce qu'il s'agit de petits commerçants pour qui 200, 300, 400 ou 500 fr. sont des sommes considérables, que j'ai proposé mon amendement.

L'honorable M. Dumortier a peur que ce ne soit une protection accordée aux malhonnêtes gens. Je ne défends pas ici les malhonnêtes gens, je m'intéresse aux débiteurs probes, que des événements indépendants de leur volonté ont rendus malheureux.

Le malheur ne doit jamais être assimilé au crime, et je pense que tout homme, animé de véritables idées philanthropiques pensera avec moi que ces malheureux-là ne doivent pas être exclus des sympathies du législateur.

L'honorable M. Dumortier m'a reproché de sacrifier aux idées philanthropiques. Je crois que ces idées doivent trouver place non seulement dans la philosophie du droit, mais encore dans la confection et dans l'application des lois. Oui, je consulte les idées philanthropiques et je m'honore du culte de ces idées. Pour moi, le malheur, soit qu'il se présente avec des infirmités physiques ou morales, soit qu'il se manifeste par l’impuissance involontaire de satisfaire à des engagements contractés de bonne foi, le malheur est toujours respectable. Le respect des droits de l'humanité et de tout ce qui touche à la liberté individuelle est aujourd'hui en honneur chez tous ceux qui sont pénétrés de l'esprit de notre époque et qui ne résistent point à la marche du progrès.

M. B. Dumortier. - Je ne répondrai pas à ce que l'honorable membre vient de dire des idées philanthropiques ; je crois avoir prouvé dans ma longue carrière que ma philanthropie est à la hauteur de la sienne, mais je ne veux pas que ces idées philanthropiques aillent au point de nuire au crédit. Il faut savoir modérer ces idées et leur donner une sage direction. Or, je pense que le système proposé par l'honorable membre aurait pour résultat de porter un grave préjudice au crédit des petits commerçants.

L'honorable membre ne se préoccupe que du détenu ; moi je me préoccupe du créancier. Des sommes de 300, 400, 500 ou 600 francs sont bien souvent pour les petits commerçants une perte plus grande qu'une somme de 20,000 francs perdue par un banquier. Ces petites sommes sont quelque fois tout leur avoir ; en les perdant, ils se ruinent eux et leurs familles.

Vous n'avez pas de tendresse pour ces gens-là ; vous en éprouvez pour le malhonnête homme qui les trompe.

Mes sympathies sont acquises aux victimes et non à ceux qui font les victimes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Vervoort trouve, dit-il, dans l'article qui autorise le juge à ne pas prononcer l'emprisonnement, quand la dette n'excède pas 600 francs, une raison de maintenir son amendement. J'y trouve, moi, un motif de le combattre.

Lorsqu'un individu est poursuivi pour une dette qui n'excède pas 600 francs, si c'est un débiteur malheureux, qui ne peut pas payer, par suite d'événements qu'il n'a pu conjurer, il est très fort à supposer que le tribunal ne prononcera pas la contrainte par corps.

Si le tribunal la prononce, c'est qu'il aura trouvé que l'individu n'est pas aussi malheureux, qu'il n'est pas de bonne foi et qu'il peut payer. Alors l'épreuve d'un an n'est pas trop longue. Il ne faut pas que le créancier soit exposé à un nouveau procès immédiatement après le jugement, immédiatement après que le juge aura expressément statué sur la contrainte par corps et déclaré qu'il y avait lieu de l'appliquer.

Je maintiens la disposition du projet du gouvernement.

M. Vervoort. - Messieurs, quand il s'agira d'une lettre de change ou d'un billet à ordre, je pense que le tribunal, animé des idées que défendent avec tant d'énergie M. Dumortier et M. le ministre de la justice, n'exemptera pas souvent le débiteur de la contrainte par corps ; les tribunaux de commerce la prononceront invariablement ; c'est mon opinion. S'il en est ainsi, ne faut-il pas, après six mois d'emprisonnement, donner aux débiteurs de sommes peu importantes, la faculté de prouver qu'ils sont insolvables ? L'honorable M. Dumortier me répète que je prends peu de souci des créanciers. Il oublie que j'accepte la règle de l'article 36 qui accorde cinq ans de détention contre les débiteurs de mauvaise foi. Notre amendement n'a en vue que les malheureux qui demandent à prouver leur infortune.

M. B. Dumortier. - Un créancier qui sait qu'il a affaire à un homme véritablement insolvable, n'est pas disposé à le tenir en prison pendant 5 ans, pendant un an ou même pendant 6 mois, obligé qu'il est de payer la nourriture de son débiteur.

- La discussion est close.

L'amendement proposé par MM. Vervoort et Lelièvre et mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. Vervoort. - J'ai une observation à faire, je crois qu'il convient de faciliter au détenu les moyens de prouver son insolvabilité et de lui accorder à cet effet, de plein droit, le pro Deo.

Je propose de dire : « Il pourra, sous le bénéfice du pro Deo, demander son élargissement, etc. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas qu'il y ait lieu, dans une loi spéciale, de modifier les dispositions d'une loi générale qui trace les formalités dans lesquelles le pro Deo peut être accordé.

M. de Muelenaere. - Je pense aussi qu'il n'y a pas lieu d'introduire dans une loi spéciale, comme celle de la contrainte par corps, des dispositions relatives à la procédure à suivre, pour obtenir le pro Deo.

Si le détenu est malheureux, s'il peut prouver son insolvabilité, il s'adressera au président pour obtenir le droit de plaider gratis ; dans sa position de débiteur incarcéré, il ne le lui refusera pas.

M. Vervoort. - Il devra demander un certificat d'indigence, etc., et suivre une procédure pour obtenir la faveur du pro Deo. La position serait plus nette si on lui accordait cette faveur de plein droit.

- Le nouvel amendement proposé par M. Vervoort au paragraphe 2 de l'article 35 est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 35 proposé par la section centrale, d'accord avec le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Articles 36 à 39

« Art. 36. L'emprisonnement pour dettes ne pourra, dans aucun cas, durer plus de cinq ans ; après l'expiration de ce terme, il cessera de plein droit. »

- Adopté.


« Art. 37. Dans les cas prévus par les deux articles précédents, le débiteur ne pourra plus être détenu ou arrêté pour dettes contractées antérieurement à son arrestation et échues trois mois avant son élargissement. »

- Adopté.


« Art. 38. Lorsqu'il sera reconnu nécessaire de faire comparaître le détenu en justice comme témoin ou comme partie, son extraction sera ordonnée, sur les conclusions du ministère public, par le magistrat compétent pour accorder le sauf-conduit dans le cas de l'article 782 du Code de procédure. »

- Adopté.


« Art 39. Les dispositions des articles 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31 et 38 du présent titre, et celles du Code de procédure sur l'emprisonnement, auxquelles il n'est pas dérogé par la présente loi, sont applicables à l'arrestation provisoire des étrangers. Cependant, l'arrestation provisoire pourra être effectuée immédiatement après la signification prescrite par l'article 780 dudit Code. »

- Adopté.

Titre VI. De la contrainte par corps en matière criminelle, correctionnelle et de simple police et des amendes

Intitulé du titre VI

M. Pirmez. - Messieurs, je crois que la rubrique du titre VI est rédigée d'une manière inexacte. Ce titre a pour objet de mettre en vigueur différentes dispositions du premier livre du Code pénal, qui a déjà été voté par la Chambre ; ces dispositions règlent la manière dont la contrainte par corps sera exercée en matière répressive. Mais elles introduisent aussi une innovation importante, qui consiste à faire prononcer, chaque fois qu'une condamnation à l'amende intervient, un emprisonnement subsidiaire pour le cas où l'amende ne serait pas payée.

Une question a été soulevée : celle de savoir si cet emprisonnement n'est qu'une application de la contrainte par corps ou s'il constitue une véritable peine. La cour de cassation a décidé que c'est une peine, subsidiaire à une autre, il est vrai, mais qui ne peut en rien être confondue avec un mode d'exécution.

(page 61) Il y a intérêt à savoir si le détenu est en prison pour subir une peine ou en vertu de la contrainte par corps. La question peut avoir des conséquences au point de vue de la compétence, elle en a surtout quant à la manière dont le détenu devra être traité en prison, car les détenus pour dettes ne doivent pas être traités de la même manière que les détenus correctionnels

Il est si vrai que l'emprisonnement dont nous parlons est une véritable peine, qu'il remplace l'amende dont il entraîne libération, de telle sorte qu'aujourd'hui l'amende peut toujours être acquittée par le condamné par une privation de liberté plus ou moins longue

Il importe de ne pas soulever de doute à cet égard.

Or, la rubrique du titre VI est ainsi conçue : « De la contrainte par corps en matière criminelle, correctionnelle et de simple police et des amendes. »

Il semble résulter de ces termes que tous les emprisonnements dont il est question dans le titre ne sont que l'application de la contrainte par corps ; ce qui est, comme je viens de le dire, profondément inexact.

C'est pour éviter toute difficulté ou discussion sur ce point, que je propose de rédiger comme suit cette rubrique :

« De la contrainte par corps, en matière de répression, et des peines subsidiaires, pour le cas de non-payement des amendes. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne vois pas de difficulté à admettre provisoirement la rédaction proposée par l'honorable M. Pirmez ; cependant, je ferai observer que le titre VI, tout en déclarant obligatoire différentes dispositions qui feront partie du nouveau Code pénal, ne le fait qu'en raison des dispositions relatives à la contrainte par corps. C'est là ce qui a motivé la rédaction que l'honorable M. Pirmez propose de changer.

- La nouvelle rédaction du libellé du titre VI est mise aux voix et adoptée.

Article 40

<Art. 40 (projet du gouvernement auquel se rallie la section centrale). Les dispositions ci-après du Code pénal adopté par les Chambres législatives seront exécutées à partir du jour où la présente loi sera obligatoire :

« Art. 50. L'amende est prononcée individuellement contre chacun des condamnés à raison de la même infraction.

« Art. 51. En condamnant à l'amende, les cours et tribunaux ordonneront qu'à défaut de payement elle soit remplacée par un emprisonnement correctionnel, qui ne pourra excéder le terme d'un an pour les condamnés à raison de crimes ou délits, et par un emprisonnement de simple police, qui ne pourra excéder le terme de sept jours, pour les condamnés à l'amende du chef de contravention.

« Les condamnés subissent ce supplément de peine dans la prison où ils ont subi la peine principale.

« S'il n'a été prononcé qu'une amende, l'emprisonnement est, suivant le cas, assimilé à l'emprisonnement correctionnel ou de simple police.

« Art. 52. Dans tous les cas, le condamné peut se libérer de cet emprisonnement en payant l'amende.

« Art. 57. L'exécution des condamnations aux restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais, peut être poursuivie par la voie de la contrainte par corps.

« Toutefois, cette contrainte ne peut être exercée contre la partie civile ni contre les personnes civilement responsables du fait, si ce n'est en vertu d'une décision du juge.

« Art. 58. En ce qui concerne la condamnation aux frais prononcée au profit de l'Etat, la durée de la contrainte sera déterminée par le jugement ou l'arrêt, sans qu'elle puisse être au-dessous de huit jours ni excéder un an.

« Néanmoins, les condamnés qui justifieront de leur insolvabilité suivant le mode prescrit par le Code d'instruction criminelle, seront mis en liberté après avoir subi sept jours de contrainte, quand les frais n'excéderont pas vingt-cinq francs.

« Art. 59. La contrainte par corps n'est exercée ni maintenue contre les condamnés qui ont atteint leur soixante et dixième année.

« Art. 60. Lorsque les biens du condamné sont insuffisants pour couvrir les condamnations à l'amende, aux restitutions et aux dommages-intérêts, les deux dernières condamnations ont la préférence.

« En cas de concurrence de l'amende avec les frais de justice dus à l'Etat, les payements faits par les condamnés seront imputés en premier lieu sur ces frais. »

M. de Boe, rapporteur. - Il est permis, je pense, de présenter une observation sur l'article 58 du Code pénal, rappelé dans cette disposition.

Il y a, à mon avis, une faute de rédaction dans le second paragraphe de cet article, ainsi conçu :

« Néanmoins, les condamnés qui justifieront de leur insolvabilité suivant le mode prescrit par le Code d'instruction criminelle, seront mis en liberté, après avoir subi sept jours de contrainte, quand les frais n'excéderont pas 25 francs. »

Or, de ce qu'un individu se trouve dans la position prévue par l'article 420 du Code d'instruction criminelle, c'est-à-dire de ce qu'il produit les pièces dont il est question à cet article, ne résulte-il pas, aux termes de l'article 58, une preuve complète de son insolvabilité ? Si cela est, il ne peut plus y avoir lieu à la contrainte par corps, attendu que la contrainte a pour but d'éprouver la solvabilité du débiteur.

Je pense donc qu'il faudrait dire : « Néanmoins, les condamnés qui produiront les certificats mentionnés à l'article 420 du Code d'instruction criminelle, etc. » La production de ces pièces vaudra, non comme preuve complète d'insolvabilité, ainsi que le dit l'article, mais comme forte présomption d'insolvabilité, présomption qui sera corroborée par sept jours de contrainte. Ce n'est qu'un simple changement de rédaction que je demande dans l'intérêt de la seule définition logique qu'on puisse donner de la contrainte par corps.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ferai remarquer qu'il ne me paraît guère possible de modifier, simplement pour en changer la rédaction, une disposition de loi qui a obtenu la sanction des deux Chambres. Ce n'est pas en quelque sorte cette disposition qui est en discussion ; on se borne à la rappeler dans un article de la loi que nous élaborons. Je comprendrais un changement, si l'article que l'on propose de changer présentait des inconvénients ; mais pour un changement de mots, il ne me semble pas qu'il y ait lieu de modifier la rédaction.

M. de Boe, rapporteur. - J'ai fait cette proposition uniquement dans l'intérêt de la loi et de l'autorité de la contrainte par corps. C'est un de ces articles dont on s'est servi pour dire que la contrainte par corps est une peine.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Et l'on a eu raison ; c'est une peine qui remplace les frais.

M. de Boe, rapporteur. - Au moins n'est-ce pas une peine dans le sens scientifique du mot, et ici ce serait une véritable peine dans cette acception.

L'insolvabilité est prouvée par la production des pièces, que sera donc l'épreuve de la contrainte si ce n'est une punition de l'insolvabilité prouvée, c'est-à-dire une peine que rien ne justifie ?

M. Pirmez. - Je dois signaler au gouvernement et à la section centrale les inconvénients qui vont résulter de l'application de l'article 40 de la loi. Cet article, en mettant en vigueur certaines dispositions du Code pénal, suppose que la compétence des tribunaux de simple police s'étend jusqu'à sept jours d'emprisonnement.

Ainsi, d'après le projet, chaque fois qu'une amende est prononcée, le juge doit condamner subsidiairement à un emprisonnement qui peut toujours être de 7 jours. Chaque fois donc qu'il sera infligé une amende de 10 francs, par exemple, il faudra prononcer subsidiairement un emprisonnement dont le maximum est de sept jours. Or, d'après notre législation en vigueur, la compétence des tribunaux de police ne va pas jusque-là.

La conséquence rigoureuse de cet état de choses serait que les tribunaux de simple police ne pourraient plus connaître de contraventions, qui deviendraient ainsi de la compétence des tribunaux correctionnels. Ce qui serait bouleverser tout notre système de compétence en matière pénale.

Je pense donc qu'il y aurait lieu de décider, par une disposition transitoire, que, jusqu'au moment où le nouveau code pénal sera mis en vigueur, les tribunaux de simple police pourront prononcer cet emprisonnement de sept jours. J'abandonne cette idée à la section centrale, qui pourra rédiger l'article destiné à y faire droit si elle en reconnaît la justesse.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si, après examen des observations présentées par l'honorable M. Pirmez, une disposition transitoire est jugée nécessaire, le gouvernement s'empressera de la présenter à la Chambre. Mais je dois dire que je n'ai pas très bien compris le sens des observations de l'honorable membre. Je ne sais pas si la loi par elle-même n'étendra pas la compétence des juges de paix et ne leur permettra pas de prononcer la peine subsidiaire de 7 jours d'emprisonnement. Toutefois, j'examinerai la question.

M. Pirmez. - La difficulté que j'ai soulevée est d'autant plus sérieuse, que la cour de cassation a statué dans le sens que je viens d'indiquer. La loi forestière permet de prononcer comme peine subsidiaire un emprisonnement de 7 jours. Eh bien, la cour de cassation a décidé qu'à cause de cela le tribunal de simple police ne pouvait pas connaître des cas dans lesquels cette peine aurait pu être prononcée et qu'ils étaient de la compétence des tribunaux correctionnels. La difficulté est donc assez grave pour mériter un examen de la part du gouvernement et de la section centrale. Mon observation n'est pas dirigée contre l'adoption de l'article 40 que nous discutons. Je la fais à propos de cet article qui doit, dans tous les cas, être accueilli. Il ne s'agirait que d'introduire un article spécial dans les dispositions transitoires, si mon observation est reconnue fondée.

- L'article 40 est mis aux voix et adopté.

Article 41

« Art. 41 (projet du gouvernement modifié par la section centrale). Les articles 20, 24, 27, 28, 30, 31, 32, 35, 34, 35, 36, 37 et 3 de la présente loi sont applicables à la contrainte par corps exercée en matière criminelle, correctionnelle et de simple police pour l'exécution des condamnations aux restitutions et aux dommages-intérêts, ainsi que (page 62) des condamnations aux frais autres que celles prononcées au profit du trésor public.

« Toutefois, lorsque la condamnation prononcée n'excédera pas 300 fr. en principal, la durée de la contrainte par corps sera fixée par l'arrêt ou le jugement, dans les limites de huit jours à un an. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Titre VII. Dispositions transitoires

M. le président. - Nous passons aux dispositions transitoires.

M. de Boe, rapporteur. - Je demande à la Chambre d'en renvoyer la discussion à la semaine prochaine. Le titre VII a peut-être besoin d'être revu, pour le mettre en harmonie avec les amendements qui ont été introduits dans la loi. Il se peut, de plus, que quelques incorrections aient passé inaperçues dans la rédaction de ces amendements ; il conviendrait de les rectifier avant de passer aux dispositions transitoires.

- Cette proposition est adoptée.

- Plusieurs membres. - A mardi !

M. le président. - Pourquoi à mardi ?

M. de Muelenaere. - A moins qu'on ne produise quelque motif particulier, je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas séance lundi prochain.

M. le président. - Il n'y a pas de proposition formelle ; par conséquent la Chambre se réunira lundi prochain à 2 heures.

- La séance est levée à 4 heures.