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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 novembre 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 67) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Louvain demandent que M. le ministre de l'intérieur soit invité à se prononcer sur ses intentions relatives aux réclamations qui ont été adressées en faveur de la langue flamande. »

« Même demande d'habitants de Bierbeek. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Roulin, cabaretier à Fagnolles, demande qu'il soit interdit au sieur Bastien, garde forestier communal, d'exercer la profession d'aubergiste et de débitant de boisson. »

- Même renvoi.


« Le sieur André, ancien militaire congédié pour blessure reçue au service, demande une augmentation de pension. »

- Même renvoi.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre I)

Discussion générale

M. Wala. - Messieurs, la révision que la Chambre continue est une œuvre à la fois trop opportune et trop utile pour qu'on ne s'y associe pas avec empressement.

J'ai seulement quelques courtes observations à soumettre à l'assemblée sur l’ensemble du projet que nous discutons Mais je réclame à cet égard toute l’indulgence de la chambre ; elle comprendra que le rapport venant seulement d'être distribué, on peut prendre la parole sous de premières impressions qu'on aurait peut-être écartées en donnant plus de temps à la réflexion. Ce sont au surplus des considérations que je soumets à votre haute sagacité, avec l'espoir de faire chose utile, mais sans avoir la prétention de la croire irréprochable.

Le chapitre que nous examinons est intitulé : « Des attentats et des complots contre le Roi, etc. »

Le projet présente en premier ordre, dans les articles 96 à 99, les dispositions concernant les peines applicables à l'attentat, puis viennent ensuite, dans les articles 101 à 103, celles infligées au complot.

La définition de l'attentat arrive seulement dans l'article 100 et celle du complot dans l'article 104.

C'est-à-dire qu'elle se produit au projet après que les peines attachées à ces deux méfaits y sont déjà déterminées.

Il me paraît que les deux articles 100 et 104 seraient mieux placés et plus méthodiquement en tête du chapitre. Avant de punir, indiquons d'abord ce qu'est la tentative, en quoi consiste le complot que l'on va réprimer.

Je le répète, ce serait là, ce me semble, un classement plus logique. On me dira, peut-être, que dans le Code pénal de 1810, la définition est précédée de deux articles (86 et 87) qui punissent l'attentat et le complot avant d'arriver à cette définition ; mais le cadre de cette partie du Code est autrement disposé que notre projet, et si le Code en révision devait servir de règle, nous n'aurions aujourd'hui rien à y changer.

J'ai à entretenir la Chambre de l'article 100 du projet, à un autre point de vue.

Cet article dispose que : « Il y a attentat dès qu'il y a tentative punissable. »

Je ne saisis pas bien la nécessité de cette disposition. Par les articles 96, 97, 98 et 99, les divers attentats sont punis, et ils semblent être assez nettement déterminés dans ces articles eux-mêmes ; la contexture de ces quatre articles ne rend-elle pas inutile une définition qui me paraît bien vague et qui peut offrir, dans l'application, matière à des interprétations auxquelles les quatre articles précédents n'entendent pas ouvrir la porte ?

Le rapport remarquable de la commission donne à cet égard certaines explications qui justifieraient l'article 100, mais je n'y trouve pas, pour mon compte, la preuve complète de l'utilité de la disposition.

La Chambre appréciera.

Je dirai aussi quelques mots de l'art. 106 du projet qui dispose : « Quiconque aura formé seul la résolution de commettre un attentat.... sera puni.... lorsqu'il aura commis un acte pour en préparer l'exécution. »

A propos de cet article, j'aimerais à obtenir sur sa portée certaine explication de la part du gouvernement ou de l'honorable rapporteur.

Il résulte du texte et du rapport que l'on entend punir celui qui, ayant pris la résolution, aura commis un acte simplement préparatoire à l'exécution.

Je suppose qu'un individu conçoive l'idée de commettre un attentat punissable, qu'il se décide à le faire et que, pour le perpétrer, cet individu transcrive sur le papier, dans le fond de sa chambre, les moyens d'exécution qu'il entend employer. Il place ce papier dans son tiroir, il y réfléchit de nouveau, temporise, mais dans l'entre-temps il est suspecté, la police pénètre chez lui et elle y saisit de papier qui sera resté aussi intime que sa pensée.

L'acte, dans ce cas, sera-t-il un acte préparatoire punissable dans le sens du projet, alors que l'auteur de l'écrit pouvait encore revenir à de meilleurs sentiments et changer de résolution ?

C'est à ce point de vue que je désirerais avoir une explication.

J'attendrai, pour émettre mon vote sur les articles dont je viens de parler, que la discussion ait éclairci les points que je viens d'effleurer.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Chapitre premier. Des attentats et des complots contre le Roi, contre la famille royale et contre la forme du gouvernement

Article 96

« Art. 96. L'attentat contre la vie ou contre la personne du Roi sera puni de mort.

« L'attentat contre la personne du Roi sera puni des travaux forcés à perpétuité, s'il n'a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie. »

M. de Muelenaere. - Messieurs, dans une matière aussi grave, il importe qu'il ne reste aucun doute dans l'esprit de personne sur la pensée du législateur, et qu'on prévienne ainsi, autant que possible, toute interprétation divergente.

L'expose des motifs nous enseigne ce qu'il faut entendre par les mots : attentat contre la vie et attentat contre la personne du Roi.

L’attentat contre la vie est une violence envers le chef de l’Etat, dans l’intention de lui donner la mort ; l’attentat contre la personne, par opposition à l'attentat contre la vie, est toute autre violence envers le chef de l'Etat sans intention de le tuer. Ces deux attentats, d'après l'article que nous discutons en ce moment (l'article 96 du projet), tombent sous l'application de peines différentes, pourvu néanmoins que l'attentat contre la personne du Roi (dit le paragraphe 2) n'ait causé ni effusion de sang, ni blessures, ni maladie.

En lisant cet article, je me suis demandé si dans le cas du paragraphe 2, pour que l'attentat tombe sous l'application des travaux forcés, il suffit que le crime commis n'ait causé personnellement au Roi aucune blessure ni aucune effusion de sang.

Pour rendre la pensée beaucoup plus claire, je fais une supposition : Un attentat contre la personne du Roi est commis, les conspirateurs, les auteurs de cet attentat n'ont nullement l'intention de porter atteinte à la vie du Roi ; leur dessein est d'enlever et de séquestrer momentanément le chef de l'Etat ; c'est, si je ne me trompe, le cas du paragraphe 2 de l'article 96.

Mais dans l'exécution de cet attentat, dans la perpétration de ce crime, ils tuent ou blessent grièvement un ou plusieurs des individus qui accompagnent le Roi, que leurs fonctions attachent à sa personne, qui, par-là même, sont plus spécialement chargés de veiller à sa sûreté ; eh bien, quelle est dans ce cas la peine que les auteurs de ce crime auront encourue ? Est-ce la peine de mort, conformément au paragraphe premier, ou la peine des travaux forcés, conformément au paragraphe deux ?

Je pense qu'il est très important, messieurs, que le doute qui pourrait exister dans l'esprit de quelques personnes disparaisse, et c'est pour cela que je prie, soit M. le ministre de la justice, soit M. le rapporteur de la commission, de nous dire dans quel sens doit être entendue la restriction qui se trouve à la fin de l'article 96.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La question posée par l'honorable préopinant n'est pas résolue par l'exposé des motifs, et vous devez comprendre qu'il est impossible de prévoir tous les cas qui peuvent se présenter, toutes les hypothèses que l'on peut imaginer.

En ce qui concerne la difficulté soulevée par l'honorable comte de Muelenaere, je suis disposé à croire que quand il y aura eu effusion de sang, blessure ou maladie, alors même que le Roi n'en serait pas victime, les auteurs ne profiteraient pas de l'atténuation de la peine.

Des blessures dont seraient atteintes les personnes qui entourent le Roi, une effusion de sang, donneraient, me paraît-il, au fait, un caractère de gravité suffisant pour nécessiter l'application du paragraphe premier de l’article 96. Tel est du moins mon sentiment.

(page 68) M. de Muelenaere. - Je suis heureux de me trouver entièrement d'accord avec M. le ministre de la justice sur le sens de l'article 96. Il me semble que de graves raisons d'ordre public plaident en faveur de cette interprétation.

M. Vander Stichelen, rapporteur. - La commission, messieurs, a prévu la question qui vient d'être agitée et elle l'a résolue dans un sens différent de celui que vient d'y donner M. le ministre de la justice. Voici ce que je lis à ce sujet dans le rapport :

« La commission considère comme hors de doute que le paragraphe 2 de notre article doive être entendu en ce sens que les blessures ou maladies dont d'autres personnes que le oi seraient atteintes, n'empêchent pas la peine des travaux forcés d'être seule applicable. »

Toutefois, en présence de la divergence d'opinion qui vient de se produire, peut-être serait-il utile de renvoyer la question à l'examen de la commission ; celle-ci pourrait présenter son rapport à l'ouverture de la séance de demain.

M. de Muelenaere. - Puisqu'il paraît y avoir du doute, je proposerai de renvoyer cet article à la commission. M. le ministre de la justice pourra se mettre d'accord avec elle d'ici à demain.

- Le renvoi proposé est ordonné.

Article 97

« Art. 97. L'attentat contre la vie de l'héritier présomptif de la Couronne sera puni de mort.

« L'attentat contre sa personne sera puni des travaux forcés à perpétuité.

« Il sera puni de quinze à vingt ans de travaux forcés, s'il n'a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie. »

M. Coomans. - Il me semble que la décision que nous venons de prendre pour l'article précédent est applicable à cet article. Je propose également le renvoi à la section centrale.

M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, ce renvoi est ordonné.

Article 98

M. le président. - Nous passons à l'article 98. M. le ministre est-il d'accord avec la commission ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, M. le président.

M. le président. - En ce cas la discussion s'établit sur le projet de la commission.

« Art. 98. L'attentat contre la vie de la reine, des parents et alliés du roi en ligne directe, des frères du roi, ayant la qualité de Belges, contre la vie du régent ou contre la vie des ministres exerçant, dans les cas prévus par la Constitution, les pouvoirs constitutionnels du Roi, sera (manque un mot$) puni comme le fait consommé.

« L'attentat contre leur personne sera puni dos travaux forcés de dix à quinze ans ; et, s'il n'a causé ni effusion de sang, ni blessure, ni maladie, de la réclusion. »

La même observation s'applique à cet article qu'aux précédents.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait discuter cet article sauf la finale, et la solution qui serait donnée à l'article 96 serait applicable aux articles 97 et 98.

M. le président. - Il en est de même pour l'article 97, les deux premiers paragraphes peuvent être discutés. La Chambre veut-elle revenir à l'article 97 et s'occuper des deux premiers paragraphes ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

Article 97

M. le président. - En ce cas nous revenons à l'article 97. Je mets les deux premiers paragraphes de cet article en discussion.

- Personne ne demandant la parole, ces deux paragraphes sont adoptés.

Article 98

M. le président. - La discussion est ouverte sur le premier paragraphe de l'article 98.

M. Muller. - Je demande ce que la section centrale et le gouvernement ont entendu par les mots « dans les cas prévus par la Constitution ? » Il s'agit probablement des cas limités dans lesquels les pouvoirs constitutionnels du roi peuvent être exercés par les ministres. Il serait bon, je pense, que des explications fussent données à la Chambre à cet égard.

M. Vander Stichelen, rapporteur. - D'après la Constitution il y a certains cas où les ministres, réunis en conseil, exercent les pouvoir constitutionnels du roi. Ce sont les cas prévus par les articles 79, paragraphe 3, 81 et 82 de la Constitution. On pourrait même rappeler dans le texte de la loi les articles de la Constitution auxquels notre espèce se réfère.

Voici ces articles :

« Art. 79, § 3 : A dater de la mort du roi et jusqu'après la prestation du serment de son successeur au trône ou du régent, les pouvoirs constitutionnels du roi sont exercés, au nom du peuple belge, par les ministres réunis en conseil et sous leur responsabilité. »

« Art. 81. Si, à la mort du roi, son successeur est mineur, les deux Chambres se réunissent en une seule assemblée, à l'effet de pourvoir à la régence et à la tutelle. »

« Art. 82. Si le roi se trouve dans l'impossibilité de régner, les ministres, après avoir fait constater cette impossibilité, convoquent immédiatement les Chambres. Il est pourvu à la tutelle et à la régence par les Chambres réunies. »

M. Muller. - Il ne peut pas y avoir d'autres cas que ceux qui sont définis par la Constitution. Or, il semble qu'il est plus rationnel d'indiquer d'une manière précise les articles de la Constitution auxquels est applicable l'article 98.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il me semble qu'il ne peut pas y avoir de difficulté, qu'on cite les articles ou qu'on ne les cite pas.

M. Vander Stichelen, rapporteur. - Il n'y a pas d'autres cas que ceux qui sont indiqués dans la Constitution, et la Constitution n'indique pas d'autres cas que ceux que je viens de citer.

Je proposerai de dire : « ... dans les cas prévus par les articles 79 (§ 3), 81 et 82 de la Constitution ... »

M. J. Lebeau. - Il me semble, messieurs, que le mot « constitutionnels » forme pléonasme : quand on parle des pouvoirs du Roi, il est bien évident qu'il s'agit de pouvoirs constitutionnels, surtout lorsqu'on indique de la manière la plus positive les cas auxquels s'applique la disposition.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous avons repris exactement les termes de la Constitution. Le dernier paragraphe de l'article 79 porte en effet :

« A dater de la mort du Roi et jusqu'à la prestation du serment de son successeur au trône ou du régent, les pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, au nom du peuple belge, par les ministres réunis en conseil et sous leur responsabilité. »

Il est toujours bon de rappeler les termes mêmes des dispositions auxquelles on se réfère.

M. Pirmez. - Il y a selon moi, messieurs, une grande difficulté à adopter la proposition de M. Muller. L'article 79 de la Constitution dispose en termes exprès qu'à la mort du roi ses pouvoirs constitutionnels sont exercés par des ministres réunis en conseil. Dans les articles 81 et 82 il s'agit de la minorité du successeur du roi, de la régence et du cas où le roi serait dans l'impossibilité de régner ; mais ces articles ne portent pas que dans ces cas les ministres sont investis des mêmes pouvoirs.

Ce n'est donc que par analogie qu'on applique à ces cas la disposition de l'article 79. Nous ne pouvons pas, à propos du Code pénal, venir interpréter la Constitution et décider dès maintenant que dans le cas de régence ou lorsque le roi serait dans l'impossibilité de régner on appliquera aux ministres la disposition de la Constitution qui règle ce qui doit se passer à la mort du roi. Ce que M. Muller propose serait réellement une interprétation de la Constitution.

II vaut bien mieux adopter la rédaction de la commission ; par ces mots : « les cas prévus par la Constitution », que ces cas soient indiqués textuellement ou non, ils rentrent toujours dans la disposition de notre article en laissant d'ailleurs intacte la portée des dispositions du pacte fondamental.

M. Muller. - Messieurs, j'avoue ne pas avoir bien compris l'objection que nous a présentée l'honorable M. Pirmez ; car de deux choses l'une, ou la disposition que nous examinons a eu en vue les cas des articles 79, 81 et 82, ou il ne s'agit que du premier de ces articles. Dans le premier cas, qui est adopté par M. le ministre et par la section centrale, je ne vois pas en quoi il peut être question ici d'interpréter la constitution. On se borne à l'appliquer.

Vous dites : « les ministres, exerçant les pouvoirs constitutionnels du roi seront protégés contre les attentats dirigés contre leurs personnes, par telle ou telle peine ; ils le seront dans tels et tels cas. » Définissez ces cas, et ne laissez rien de vague ni dans la discussion, ni dans la loi.

Je ne comprends pas, je le répète, la différence que l'honorable M. Pirmez peut établir entre ce que je propose et la disposition formulée dans le projet de section centrale ; car nous voulons aboutir tous au même but. Seulement, à mon avis, la rédaction que j'indiquais était plus claire et définissait mieux les cas dans lesquels les ministres exercent les pouvoirs constitutionnels de la royauté.

M. Pirmez. - L'honorable M. Muller ne m'a pas bien compris, je vais donc chercher à rendre plus clairement ma pensée.

Il y a plusieurs cas dans lesquels la Constitution suppose les ministres réunis en conseil ; de ces cas il y en a un seul indiqué par des termes précis, d'autres sont contenus implicitement dans divers articles de la Constitution ; le projet propose de prévoir ces cas d'une manière générale, en s'en référant à la Constitution.

L'honorable M. Muller ne veut pas que l'on indique globalement ici ces cas, il veut que nous décidions, dès à présent, que la Constitution prévoit ces cas dans tel ou tel article, alors qu'elle n'en a rien dit expressément, c'est-à-dire qu'il propose d'ajouter aux termes de la Constitution. Cela est-il possible oui ou non ? Voilà la question que la chambre a à résoudre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, voici d'où naît la difficulté :

L'article 79, paragraphe 3, déclare qu'en cas de mort du Roi, les ministres, réunis en conseil, exercent ses pouvoirs constitutionnels. La disposition est claire, formelle ; il n'y a pas de doute à cet égard.

Dans les articles 81 et 82 cela n'est pas formellement exprimé. Cependant les dispositions de ces articles impliquent inévitablement l'exercice de la prérogative royale par les ministres, dans les cas que ces articles déterminent.

(page 69) Ainsi, l'article 82 porte :

« Si le Roi se trouve dans l'impossibilité de régner, les ministres, après avoir fait constater cette impossibilité, convoquent immédiatement les Chambres... »

La convocation des Chambres est évidemment un acte de la prérogative royale (article 70 et suivants de la Constitution). Les ministres ne peuvent pas, en temps ordinaire, convoquer les Chambres de leur propre autorité. C'est le Roi qui le fait par arrêté royal.

Le Roi, étant dans l'impossibilité de régner, la Constitution charge les ministres de convoquer les Chambres, la Constitution confie donc aux ministres, dans ce cas-là, une prérogative royale.

Maintenant y a-t-il un inconvénient à citer les articles 79, 80 et 81 dans le texte de la loi ? Nous livrerions-nous ainsi à une interprétation anticipée de la Constitution ? J'en doute ; car il n'est pas possible de nier que dans les cas déterminés par ces articles il n'y ait exercice de la prérogative royale.

Je crois donc qu'il n'y a pas d'inconvénient à admettre l'amendement proposé par M. Muller, comme il n'y a pas d'inconvénient non plus à admettre la rédaction de l'article 9 telle qu'elle a été formulée par la section centrale, de commun accord avec le gouvernement.

Ainsi que l’a dit l'honorable rapporteur, il n'y a que trois cas dans lesquels, d'après la Constitution, les ministres peuvent être appelés à exercer les pouvoirs constitutionnels du Roi et qu'on cite les articles ou qu'on se borne à dire : Dans les cas prévus par la Constitution, c'est, à mon avis, la même chose.

M. Vander Stichelen, rapporteur. - Messieurs, je voulais présenter les mêmes objections que M. le ministre de la justice. Les ministres, réunis en conseil, exercent les pouvoirs constitutionnels du Roi, aux termes de l'article 79 paragraphe 2 de la Constitution, avant la prestation du serment du successeur du Roi ou du régent; ainsi quand il y a interrègne si aux termes de l'article 81 le successeur est mineur ou si aux termes de l'article 82 il est dans l'incapacité de régner, il y a lieu de nommer un régent, entre le moment où le régent est nommé et prête serment, et le moment où le Roi est mort ou reconnu incapable de régner, si les ministres en conseil n'exerçaient par les pouvoirs constitutionnels du chef de l'Etat, il y aurait un intervalle pendant lequel le pouvoir souverain ne résiderait sur la tête de personne.

Il faut admettre que les articles 81 et 82 de la Constitution sont applicables aussi bien que l'article 79 paragraphe 2 où le cas est prévu. Si c'est une interprétation de la Constitution, elle est tellement claire, qu'il n'y a pas le moindre inconvénient à l'admettre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a entre les deux rédactions pas de différence.

- La discussion est close.

La rédaction proposée par M. Muller est mise aux voix : elle n'est pas adoptée.

La rédaction proposée par le gouvernement, d'accord avec la section centrale, est mise aux voix et adoptée.

Le deuxième paragraphe est renvoyé à l'examen de la commission.

Article 99

« Art. 99. L'attentat dont le but sera, soit de détruire, soit de changer la forme du gouvernement ou l'ordre de successibilité au trône, soit de faire prendre les armes aux citoyens ou aux habitants contre l'autorité royale, sera puni de la détention perpétuelle.

- Adopté.

Article 100

« Art. 100. Il y a attentat dès qu'il y a tentative punissable. »

M. Wala. - C'est à cet article que s'appliquent une partie des observations que j'avais l'honneur de soumettre à l'assemblée. Par les articles précédents, on détermine les différents genres d'attentat ; ils sont en quelque sorte définis par les dispositions spéciales qui les punissent ; et arrivé à l'article 100 on dit : il y a attentat dès qu'il y a tentative punissable, comme s'il pouvait y avoir tentative punissable sans attentat. Cet article est superflu, la suppression peut en être prononcée. On détermine dans les articles précédents ce que c'est que l'attentat, nous ne voyons pas à quoi aboutirait la disposition de l'article 100.

Le rapport indique que la commission avait pressenti ce qu'il y avait de vague ou plutôt de superflu dans cette disposition ; elle a cherché à la justifier en disant qu'il faut indiquer le moment où l'attentat commence ; mais cela résulte, à suffisance de droit, des différents textes des articles 96 à 99.

Je crois donc que l'article 100 peut être supprimé.

M. Vander Stichelen, rapporteur. - L'honorable M. Wala a fait une double observation. Si on voulait définir l'attentat, selon lui, il fallait le faire au début du chapitre. Il a donc prétendu que l'article 100 devait venir avant l'article 96. Pour moi, je le crois mieux placé où il est qu'à la tête de notre chapitre. Dans le code pénal de 1810 c'est également à la fin du chapitre que se trouvait la définition des différents attentats contre le Roi et la Famille royale.

La raison en est que l'attentat est un crime spécial qui est commis contre certaines personnes ou dans certaines circonstances ; si on commençait par la définition, l'article n'aurait plus de sens précis; si vous commencez par dire : Il y a attentat dès qu'il y a tentative punissable, on ne le comprend pas ; pour que la définition soit saisissable, il faut énumérer d'abord les différents cas où se rencontre le crime spécial qui prend le nom d'attentat, ces cas se trouvent énumérés dans les articles 96 à 99 ; après avoir parcouru ces articles, vous arrivez à la définition de l'article 100, l'ordre logique est parfaitement suivi. Vous comprenez par quelle filière vous arrivez à la définition que donne cet article 100.

Pourquoi définir, dit M. Wala ? Parce qu'en l'absence de définition on saurait bien qu'il existe des attentats contre telles ou telles personnes, mais on ne saurait pas où ils commencent et où ils finissent.

L'attentat est un crime qui est commis contre certaines personnes et dans certaines circonstances ; mais il faut déterminer où il prend naissance. L'article 100 dit qu'il y a attentat dès qu'il y a tentative punissable, il suppose une résolution criminelle manifestée par des actes extérieurs formant un commencement d'exécution et ayant été arrêtés ou suspendus par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur. Il est nécessaire de donner cette définition, parce que, si vous ne la donniez pas, vous pourriez laisser croire qu'il y a attentat dès qu'il y a une intention criminelle manifestée, non par exemple par un acte extérieur, mais par un acte simplement préparatoire, ou bien manifesté par un acte extérieur d'exécution, mais qui aurait manqué ses effets par suite de circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur. Ce sont là toutes questions qui naîtraient inévitablement et ne trouveraient pas de solution.

Au contraire, avec la définition de notre article 100, toutes ces questions reçoivent une solution claire et précise. Je pense donc que l'article 100 est bien à sa place et que la définition qu'il contient est bonne en elle-même et était indispensable.

M. Wala. - Si j'ai présenté une observation au sujet du classement de cette disposition, c'était pour autant que la suppression que je proposais ne serait point prononcée. Il n'y avait lieu de s'occuper du classement qu'en cas de maintenue de l'article 100.

Au surplus, je m'associe entièrement aux considérations que l'honorable rapporteur de la commission vient de présenter quant à ce classement des articles ; et je me déclare satisfait par les explications qu'il a bien voulu donner.

- L'article 100 est mis aux voix et adopté.

Articles 101 à 105

« Art. 101. Le complot contre la vie ou contre la personne du Roi sera puni de quinze à vingt ans de travaux forcés, s'il a été suivi d'un acte commis pour en préparer l'exécution ; de dix à quinze ans de travaux forcés, s'il n'a été suivi d'aucun acte préparatoire. »

- Adopté.


« Art. 102. Le complot contre la vie ou contre la personne de l'héritier présomptif de la Couronne, sera puni de dix à quinze ans de travaux forcés, s'il a été suivi d'un acte commis pour en préparer l'exécution ; de la réclusion, s'il n'a été suivi d'aucun acte préparatoire.

« Le complot contre la vie ou contre la personne soit d'un des membres de la famille royale énumérés en l'article 98, soit du régent, soit des ministres exerçant les pouvoirs constitutionnels du Roi, sera puni de la réclusion. »

- Adopté.


« Art. 103. Le complot ayant pour but l'un des crimes mentionnés à l'article 99, s'il a été suivi d'un acte commis pour en préparer l'exécution, sera puni de dix à quinze ans de détention ; s'il n'a été suivi d'aucun acte commis pour en préparer l'exécution, de la détention de cinq à dix ans. »

- Adopté.


« Art. 104. Il y a complot dès que la résolution d'agir a été arrêtée entre deux ou plusieurs personnes. »

- Adopté.


« Art. 105. La proposition faite et non agréée de former un complot contre la vie ou contre la personne du Roi, de l'héritier présomptif de la Couronne, d'un des membres de la famille royale énumérés en l'article 98, du régent ou des ministres exerçant les pouvoirs constitutionnels du Roi, sera punie d'un emprisonnement d'un an à cinq ans.

« Le coupable pourra de plus être condamné à l'interdiction conformément à l'article 44 ; il sera placé sous la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

- Adopté.

Article 106

« Art. 106. Quiconque aura formé seul la résolution de commettre un attentat contre la vie ou contre la personne du. Roi, de l'héritier présomptif de la Couronne, d'un des membres de la famille royale énumérés en l'article 98, du régent, ou des ministres exerçant les pouvoirs constitutionnels du Roi, sera puni de la réclusion, lorsqu'il aura commis un acte pour en préparer l'exécution.

M. Wala. - C'est surtout à cet article que s'appliquent les observations générales que je présentais tout à l'heure. J'ai exprimé le désir de savoir, avant d'émettre mon vote sur cet article, ce que l'on entend par ces mots : « aura commis un acte pour en préparer l'exécution, » et je citais l'exemple d'un individu qui, ayant pris la résolution de (page 70) commettre un attentat, aurait préparé les moyens d'exécution de cet article, en les consignant dans un écrit qu'il aurait tenu sous clef chez lui. Si la police venait à découvrir cet écrit à l'occasion d'une visite domiciliaire qu'elle ferait chez cet individu, celui-ci pourrait-il être poursuivi pour avoir préparé l'exécution de l'attentat ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est tout à fait impossible d'indiquer tous les faits qui constituent ces actes préparatoires d'un crime.

C'est au jury à apprécier. Il me paraît évident, toutefois, qu'un homme qui se bornerait à consigner ses idées, ses projets sur le papier ne commettrait pas un acte préparatoire d'un crime.

Je ne pense pas que l'on puisse sérieusement soutenir que le fait de transcrire ses intentions, sa résolution sur le papier puisse constituer un acte préparatoire. Ce sera un élément de preuve, rien de plus. Pour ce cas spécial, il n'y a donc aucun doute possible.

- L'article 106 est adopté.

Chapitre II. Des crimes et des délits contre la sûreté extérieure de l’Etat

Article 107

« Art. 107. Tout Belge qui aura porté les armes contre la Belgique, sera puni de la détention extraordinaire. »

M. Van Overloop. - Je désire savoir, par une déclaration de M. le ministre, si cette disposition serait applicable à l'individu qui aurait perdu sa qualité de Belge, par exemple, soit en se faisant naturaliser à l'étranger, soit en y prenant du service sans l'autorisation du Roi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Evidemment non !

M. Van Overloop. - Je pose la question parce que, sous l'empire de l'ancien code, l'individu dont je parle était punissable. Il est donc bien entendu que l'article 107 n'est pas applicable à l'individu qui a perdu sa qualité de Belge.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La question a été prévue et résolue dans le rapport de la commission qui a élaboré le projet de loi et dans le rapport de la commission de la Chambre. Il y est dit que l'individu qui aura perdu sa qualité de Belge ne tombe pas sous l'application de l'article, précisément parce qu'il n'était plus Belge au moment où il a commis le crime.

- L'article 107 est adopté.

Article 108 à 117

« Art. 108. Quiconque aura conspiré avec les puissances étrangères ou avec leurs agents pour les engager à entreprendre la guerre contre la Belgique, ou pour leur en procurer les moyens, sera puni de la détention de dix à quinze ans. Si des hostilités s'en sont suivies, il sera puni de la détention perpétuelle. »

- Adopté.


« Art. 109. Sera puni de la détention perpétuelle, celui qui aura facilité aux ennemis de l'Etat l'entrée sur le territoire du royaume ; celui qui leur aura livré des villes, forteresses, places, postes, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux ou bâtiments appartenant à la Belgique ; celui qui leur aura fourni des secours en soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions ; celui qui aura secondé le progrès de leurs armes sur le territoire du royaume ou contre les forces belges de terre ou de mer, en ébranlant la fidélité des officiers, soldats, matelots ou autres citoyens envers le Roi et l'Etat.

« Dans le cas ci-dessus, la tentative punissable sera assimilée au crime même.

« Le complot ayant pour but l'un de ces crimes sera puni de la détention de dix à quinze ans, s'il a été suivi d'un acte commis pour en préparer l'exécution ; de la détention de cinq à dix ans, s'il n'a été suivi d'aucun acte préparatoire. »

- Adopté.


« Art. 110. Les peines exprimées à l'article 109 seront les mêmes, soit que les crimes prévus par cet article aient été commis envers la Belgique, soit qu'ils l'aient été envers les alliés de la Belgique, agissant contre l'ennemi commun. »

- Adopté.


« Art. 111. Quiconque, en temps de guerre, aura entretenu, avec les sujets d'une puissance ennemie, une correspondance qui, sans avoir pour objet l'un des crimes énoncés à l'article 109, a néanmoins eu pour but et pour résultat de fournir aux ennemis des instructions nuisibles à la situation militaire de la Belgique ou de ses alliés agissant contre l'ennemi commun, sera puni de la détention de cinq à dix ans, sans préjudice de plus forte peine, dans le cas où ces installions auraient été la suite d'un concert constituant un fait d’espionnage. »

- Adopté.


« Art. 112. Sera puni de la détention perpétuelle tout fonctionnaire public, tout agent du gouvernement, ou toute autre personne qui, chargée ou instruite officiellement ou à raison de son état, du secret d'une négociation ou d'une expédition, l'aura livré méchamment à une puissance ennemie ou à ses agents.

« Il sera puni de la détention de dix à quinze ans, s'il a livré le secret à toute autre puissance. »

- Adopté.


« Art. 113. Tout fonctionnaire public, tout agent, tout préposé du gouvernement, chargé, à raison de ses fonctions, du dépôt des plans de fortifications, arsenaux, ports ou rades, qui aura méchamment livré ces plans à une puissance ennemie ou à ses agents, sera puni de la détention perpétuelle.

« Il sera puni de la détention de cinq à dix ans, s'il a livré ces plans à toute autre puissance, ou aux agents de cette puissance. »

- Adopté.


« Art. 114. Toute autre personne qui étant parvenue, par corruption, fraude ou violence, à soustraire lesdits plans, les aura livrés à l'ennemi, ou aux agents d'une puissance étrangère, sera punie comme le fonctionnaire ou agent mentionné dans l'article précédent, et selon les distinctions qui y sont établies.

« Si ces plans se trouvaient, sans emploi préalable de mauvaises voies, entre les mains de la personne qui les aura livrés dans une intention criminelle, la peine sera, au premier cas mentionné dans l'article 113, la détention de cinq à dix ans ;

« Au second cas du même article, un emprisonnement de trois mois à deux ans. »

- Adopté.


« Art. 115. Quiconque, en temps de guerre, aura recelé ou fait receler les espions ou les soldats ennemis envoyés à la découverte et qu'il aura connus pour tels, sera condamné à la détention de dix à quinze ans. »

- Adopté.


« Art. 116. Quiconque, par des actions hostiles non approuvées par le gouvernement, aura exposé l'Etat à des hostilités de la part d'une puissance étrangère, sera puni de la détention de cinq à dix ans, et si des hostilités s’en sont suivies, de la détention de dix à quinze ans. »

- Adopté.


« Art. 117. Quiconque, par des actes non approuvés par le gouvernement, aura exposé des Belges à éprouver des représailles de la part d'une puissance étrangère, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans. »

- Adopté.

Chapitre III. Des crimes contre la sûreté de l’Etat

Articles 118 à 129

« Art. 118. L'attentat dont le but sera d'exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres, sera puni de la détention extraordinaire.

« Le complot ayant ce crime pour but sera puni de la détention de dix à quinze ans, s'il a été suivi d'un acte commis pour en préparer l'exécution ; de la détention de cinq à dix ans, s'il n'a été suivi d'aucun acte préparatoire. »

- Adopté.


« Art. 119. L'attentat dont le but sera de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs communes, sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans.

« Le complot qui aura ce crime pour but, sera puni de dix à quinze ans de travaux forcés, s'il a été suivi d'un acte commis pour en p réparer l'exécution ; de la réclusion, s'il n'a été suivi d'aucun acte préparatoire. »

- Adopté.


« Art. 120. Seront punis de la détention de cinq à dix ans, ceux qui auront levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé, fait engager ; ou enrôler des soldats, ou leur auront fourni ou procuré soit des armes, soit des munitions, sans ordre ni autorisation du pouvoir légitime. »

- Adopté.


« Art. 121. Ceux qui, sans droit ni motif légitime, auront pris le commandement d'un corps d'armée, d'une troupe, d'un bâtiment de guerre, d'une place forte, d'un poste, d'un port, d'une ville ;

« Ceux qui auront retenu, contre l'ordre du gouvernement, un commandement militaire quelconque ;

« Les commandants qui auront tenu leur armée ou troupe rassemblée, après que le licenciement ou la séparation eu auront été ordonnés ;

« Seront punis de la détention de cinq à dix ans. »

- Adopté.


« Art. 122. Toute personne qui, pouvant disposer de la force (page 71) publique, en aura requis ou ordonné, fait requérir ou ordonner l'action ou l'emploi contre la levée de gens de guerre légalement établie, sera punie de la détention de cinq à dix ans.

« Si cette réquisition ou cet ordre ont été suivis de leur effet, le coupable sera puni de la détention de dix à quinze ans. »

- Adopté.


« Art. 123. Quiconque, soit pour envahir les domaines, propriétés ou deniers publics, places, villes, forteresses, postes, magasins, arsenaux, ports, vaisseaux ou bâtiments appartenant à l'Etat, soit pour faire attaque ou résistance envers la force publique agissant contre les auteurs de ce crime, se sera mis à la tête de bandes armées, ou y aura exercé une fonction ou un commandement quelconque, sera puni de la détention extraordinaire.

- Adopté.


« Art. 124. Si ces bandes ont eu pour but, soit de piller ou de partager des propriétés publiques ou nationales ou celles d'une généralité de citoyens, soit de faire attaque ou résistance envers la force publique agissant contre les auteurs de ce crime, ceux qui se seront mis à la tête de ces bandes, ou qui y auront exercé une fonction ou un commandement quelconque, seront punis des travaux forcés de quinze à vingt ans. »

- Adopté.


« Art. 125. Les peines respectivement établies dans les deux articles précédents seront applicables à ceux qui auront dirigé l'association, levé ou fait lever, organisé ou fait organiser les bandes. »

- Adopté.


« Art. 126. Dans le cas où l'un des crimes mentionnés aux articles 96, 97, 98 et 99, aura été exécuté ou tenté par une bande, les peines qui y sont mentionnées seront appliquées, sans distinction de grades, à tous les individus luisant partie de la bande et qui auront été saisis sur le lieu de la réunion séditieuse.

« Sera puni des mêmes peines, quoique non saisi sur le lieu, quiconque aura dirigé la sédition ou exercé dans la bande un emploi ou un commandement quelconque. »

- Adopté.


« Art. 127. Hors le cas où la réunion séditieuse aura eu pour objet ou pour résultat l'un des crimes énoncés aux articles 96, 97, 98 et 99, les individus faisant partie des bandes dont il est parlé ci-dessus, sans y exercer aucun commandement ni emploi, et qui auront été saisis sur les lieux, seront punis de la peine immédiatement inférieure à celle qui sera prononcée contre les directeurs ou commandants de ces bandes. »

- Adopté.


« Art. 128. La même peine sera appliquée à ceux qui, connaissant le but et le caractère desdites bandes, auront volontairement fourni à ces bandes ou à leurs divisions ou subdivisions, des logements, retraites ou lieux de réunion. »

- Adopté.


« Art. 129. Il ne sera prononcé aucune peine, peur le fait de sédition, contre ceux qui, ayant fait partie de ces bandes, sans y exercer aucun commandement et sans y remplir aucun emploi m fonctions, se seront retirés au premier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou même depuis, lorsqu'ils n'auront été saisis que hors des lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes.

« Ils ne seront punis, dans aucun cas, qu'à raison des crimes ou des délits particuliers qu'ils auraient personnellement commis ; et, néanmoins, ils pourront être renvoyés, pour cinq à dix ans, sous la surveillance spéciale de la police. »

- Adopté.

Article 130

« Art. 130. Sont compris dans le mot armes, toutes machines, tous instruments, ustensiles ou autres objets tranchants, perçants ou contondants, dont on se sera saisi ou dont on aura fait usage pour tuer, blesser ou frapper. »

M. le président. - J'entends qu'on demande si le mot saisi n'est pas une faute d'impression.

- Un membre. - Il faut dire servi.

M. Coomans. - Il me semble que le doute qui vient d'être soulevé est fondé. Le mot saisi n'est pas clair. On pourrait y substituer muni.

M. Orts. - Je crois, messieurs, que le mot saisi doit rester ; c'est le seul qui indique clairement la pensée du législateur ; le mot muni serait peut-être plus littéraire, mais il ne serait pas aussi exact. On suppose que tout objet au moyen duquel on peut frapper, blesser, constitue une arme ; ainsi celui qui aura saisi une pierre tombera sous l'application de la première partie de l'article ; s'il a jeté la pierre, il en aura fait usage et la deuxième partie de l'article lui sera applicable.

Si vous mettez muni, celui qui, dans une émeute, aura ramassé une pierre pourra ne pas tomber sous l'application de la loi, parce qu'il n'a pas apporté cette pierre avec lui, comme le mot muni semble l'indiquer.

M. Van Overloop. - Si les observations qui viennent d'être faites sont admises, il me semble qu'il faudrait alors intervertir les deux parties de la phrase et dire : « dont on aura fait usage, etc., ou dont on se sera saisi. » Vous ne pouvez pas faire usage d'une chose avant de vous en être saisi. On ne veut pas seulement punir le fait d'avoir fait usage d'un instrument, il suffit qu'on se soit saisi de cet instrument, qu'on l'ait pris en main. Voilà bien l'intention dont parle M. Orts.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je crois que l'article est très clair et qu'il faut le laisser tel qu'il est. Comme l'honorable M. Orts l'a parfaitement dit, le mot saisi rend plus exactement l'idée que l'on a voulu exprimer. Le mot muni implique l'idée d'une préméditation ; il ferait supposer qu'il faut qu'à l'avance on se soit nanti d'une arme, tandis que le mot saisi indique un acte spontané qui peut se passer au moment même où l'on fait usage de l'arme. Je pense donc que ce mot doit être maintenu.

M. Vander Stichelen, rapporteur. - Je crois qu'il serait extrêmement dangereux de changer la rédaction.

Ce que le texte veut indiquer, c'est qu'il faut se saisir d'un objet dans un but déterminé, pour tuer, blesser ou frapper. Maintenant si vous mettez le mot saisi après les mots tuer, blesser ou frapper, vous incriminez le simple fait matériel. Or, le simple fait matériel n'est pas incriminé ; ce qu'on incrimine, c'est le fait matériel posé dans une intention criminelle.

Voilà pourquoi il faut maintenir le mot saisi avant les mots tuer, blesser ou frapper.

Si cependant l'honorable M. Van Overloop ne demandait pas autre chose que de postposer le mot saisi aux mots dont il aura fait usage, en conservant à la fin de l'article les mots : pour tuer, blesser ou frapper, alors cette interversion me paraîtrait indifférente.

- L'article 130, tel qu'il a été proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 131

« Art. 131. Seront exemptés des peines prononcées contre les auteurs de complots ou d'autres crimes attentatoires à la sûreté de l'Etat, ceux des coupables qui, avant toute tentative de ces crimes et avant toutes poursuites commencées, auront donné au gouvernement ou aux autorités administratives ou de police judiciaire, connaissance de ces complots ou crimes et de leurs auteurs ou complices.

« Les coupables qui auront donné ces connaissances pourront, néanmoins, être placés sous la surveillance spéciale de la police, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. »

M. Pirmez. - Messieurs, je demande à la Chambre de vouloir renvoyer à la commission l'article que nous discutons, Cet article est tiré du Code pénal en vigueur ; il a subi une première modification ; mais la partie qui en reste ne me paraît susceptible d'aucune application parce qu'elle renferme une contradiction dans les termes.

Cet article accorde une excuse au révélateur des complots et autres crimes attentatoires à la sûreté de l'Etat, lorsque la révélation a lieu avant toute tentative de ces crimes. Or, avant la tentative, il n'y a pas de fait punissable, de peine à appliquer, ni par conséquent d'exemption de peine. La tentative n'a-t-elle pas eu lieu, l'article est inapplicable parce qu'il n'y a pas d'infraction ; la tentative ou le fait même ont-ils eu lieu, l'article est encore inapplicable parce que ces conditions ne se rencontrent pas.

Cette disposition se détruit donc d'elle-même. Je propose, messieurs, le renvoi à la commission, au lieu de présenter un amendement, parce que la commission a modifié dans le sens des observations que je viens d'avoir l'honneur de vous présenter une disposition du titre III, et que j'ai la conviction qu'elle adoptera une modification semblable pour le présent article.

M. Vander Stichelen. - Je demande le renvoi de l'article 131 à la section centrale.

- Cette proposition est adoptée.

M. le président. - Il n'entre sans doute pas dans les intentions de la Chambre de faire autant de projets de loi séparés qu'il y a de titres de code pénal.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne pense pas que la Chambre doive dès à présent se prononcer à cet égard. Peut-être pourra-t-on ultérieurement et pour faciliter les travaux du Sénat, renvoyer une partie des titres votés. Ainsi, par exemple, lorsque les quatre premiers titres seront adoptés par la Chambre, on pourra en faire un projet de loi, dont le Sénat pourrait alors être saisi.

En procédant ainsi, le Sénat pourra encore s'occuper pendant le courant de cette session de la réforme que nous discutons en ce moment,

M. le président. - La Chambre pourra statuer ultérieurement, après le vote des quatre premiers titres. (Assentiment.)

Motion d’ordre

M. A. Vandenpeereboom (pour une motion d’ordre). - Messieurs, au mois de mars dernier, lors de la discussion du budget des travaux publics, il a été convenu qu'à l’occasion du budget des voies et moyens pour l'exercice 1859, (page 72) on examinerait la question de la réforme postale. Il est désirable que cet examen ait lieu et surtout qu'il puisse aboutir. Pour qu'il en soit ainsi, je demanderais à M. le ministre des travaux publics s'il ne pourrait pas communiquer à la section centrale ou déposer sur le bureau quelques renseignements sur les recettes brutes de la poste pendant l’exercice 1857 et pendant les neuf ou les dix premiers mois de l'exercice 1858.

Je désirerais que les recettes fussent spécifiées par nature des produits : lettres, articles d'argent, etc. ; je voudrais connaître également le nombre de timbres débités durant ces deux années, en indiquant aussi à part les timbres à 10 centimes, à 20 et à 40.

Enfin on assure que depuis le mois de mars dernier, le département des travaux publics s'est livré à une étude très consciencieuse de la question de la réforme postale.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il ne serait pas possible de communiquer à la Chambre les résultats de la statistique que le département pourrait avoir constatés, les chiffres nouveaux qu'elle peut avoir arrêtés, afin que, lors de la discussion, nous puissions prendre tous pour point de départ les mêmes chiffres, et ne plus partir de points différents, comme cela s'est vu dans les discussions antérieures.

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien communiquer les renseignements à la section centrale qui pourrait peut-être les imprimer à la suite de son rapport.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les désirs de l'honorable préopinant ont été prévenus. J'ai été appelé aujourd'hui dans le sein de la section centrale et j'ai offert de lui remettre une note relative aux dépenses que réclame le service des postes, ainsi que divers tableaux contenant les renseignements que l'administration a recueillis sur la question de la taxe des lettres. Je m'assurerai si les divers renseignements que demande l'honorable membre ne sont pas compris dans ces tableaux ; s'ils ne s'y trouvent pas, je ferai en sorte de les lui procurer.

M. le rapporteur du budget des voies et moyens est déjà averti qu'il recevra divers documents qui pourront être imprimés comme annexes au rapport.

M. Manilius. - Messieurs, puisque M. le ministre des finances est disposé à fournir à la Chambre tous les renseignements dont elle a besoin pour reprendre utilement la discussion de la question relative à la réforme postale, je lui demanderai de vouloir bien nous faire connaître quel a été le débit des timbres proportionnels du commerce. Ce renseignement nous est nécessaire pour l'examen scrupuleux de la question financière qui joue un grand rôle dans cette question.

M. Orts. - Messieurs, à la demande que vient de faire l'honorable M. Manilius, il s'en rattache une autre que je voulais, de mon côté, adressera M. le ministre des finances.

Je désirerais pouvoir connaître, au moment de la discussion du budget des voies et moyens, quelles ont été, pendant l'exercice écoulé, les recettes de l'enregistrement, en indiquant séparément ce qu'a produit chaque nature de droits perçus. Ces renseignements nous mettront à même d'examiner si, pour certains droits élevés, il ne conviendrait pas, dans l'intérêt du trésor, de substituer un droit fixe au droit proportionnel.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je pense que la plupart des renseignements demandés par l'honorable préopinant ont déjà été fournis plusieurs fois à la Chambre. Le budget des voies et moyens donne aussi des détails à cet égard. Quoi qu'il en soit, je ferai ce qui dépendra de moi pour que tous les renseignements réclamés soient communiqués à la section centrale.

Il est indispensable que l'on puisse examiner sérieusement ces documents s'ils doivent servir de base à une discussion approfondie. Pour cela, je désirerais que l'honorable membre voulût bien préciser les renseignements qu'il désire et le but qu'il se propose. Je ne comprends pas, à cause de la généralité ou du vague de son expression, ce qu'il a dit de certains droits qui rapportent peu au trésor et qui rapporteraient davantage s'ils étaient fixes, au lieu d'être proportionnels. Il conviendrait de bien préciser l'objet qu'on demande et le but qu'on veut atteindre.

M. Orts. - J'ai voulu parler du droit de quittance qui rapporte peu parce qu'il n'est pas perçu ; on ne fait guère enregistrer de quittance ; on en ferait enregistrer beaucoup plus, si le droit perçu était fixe au lieu d'être proportionnel, et le trésor y gagnerait.

- La séance est levée à 4 heures et demie.