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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 décembre 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 187) (Présidence de M. Orts, premier vice-président).

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.

« Le sieur Liffrich, milicien congédié pour infirmité contractée au service, demande une pension.»

M. Lelièvre. - L'objet de la pétition est urgent. Il s'agit d'un individu qui se trouve dans une position malheureuse et réclame une pension. Je demande que la pétition soit renvoyée à la commission qui sera invitée à faire un très prompt rapport.

- Adopté.


« La dame Van Diepenbeeck demande une pension à titre de veuve d'un décoré de la croix de Fer et blessé de septembre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Vander Stichelen demande un congé de quelques jours pour affaire urgente. »

- Ce congé est accordé.


« M. le ministre de l'intérieur fait connaître à la Chambre les motifs qui l'empêchent de donner suite aux pétitions des élèves des universités de Liège et de Louvain, qui demandent qu'à la session de Pâques on puisse passer ses examens pour tous les grades. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1859

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, douanes, accises

Douanes

M. le président. - La discussion continue sur l'article Douanes.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Messieurs, dans la dernière partie de mon discours d'hier, j'ai démontré, je crois, à la Chambre que le mouvement général de nos affaires commerciales, tant à l'importation qu'à l'exportation et pour le transit, avait continué à se trouver dans une situation satisfaisante, dans une situation au moins infiniment meilleure qu'elle n'avait été représentée par les organes du commerce d'Anvers.

Cette manière d'apprécier la situation, messieurs, n'a pas été partagée par les honorables orateurs que vous avez entendus, et notamment par l'honorable M. de Boe, qui s'est livré à des calculs pour démontrer qu'au lieu d'une situation satisfaisante, la décadence du commerce maritime était au contraire manifeste.

L'honorable M. de Boe s'est particulièrement attaché au transit. Il a fait le tableau comparatif de la dernière moyenne quinquennale et des années 1856 et 1857 pour les principales marchandises qui font l'objet des transports maritimes.

Dans ce tableau, messieurs, l'honorable M. de Boe a évité de comprendre, pour l'année 1857, les cafés et les grains, deux articles dont le transit eût infirmé la preuve que l'honorable membre voulait administrer lorsqu'il disait que cette partie du commerce est en complète décroissance. Mais quand plus loin le même orateur entre dans les détails, quand il veut prouver que la décadence porte sur les articles réellement importants du commerce maritime, que fait-il ? Il reprend le café et il voit un effrayant symptôme dans la diminution que le transit de cet article a subie dans les dix premiers mois de 1858, comparativement à la période correspondante de 1857.

Ainsi, lorsqu'il s'agit de prouver que le transit a été en décroissance en 1857, pas de café. Quand il s'agit au contraire de prouver qu'il y a décroissance dans nos importations, le café. La Chambre reconnaîtra qu'avec des licences pareilles on est certain d'avoir toujours raison, même contre les chiffres incontestables.

Nous abordons maintenant la navigation.

Le Moniteur vous a montré le tonnage maritime montant dans nos ports à 467,741 tonneaux en 1836, à 830,652 tonneaux en 1846 et 1,180,835 tonneaux en 1857.

II paraît, messieurs, que ces chiffres ne prouvent rien, au jugement de quelques organes du commerce anversois. Ils figurent le mouvement du tonnage, et c'est le degré de chargement des navires qui seul doit être porté en compte.

Nous avons, messieurs, procédé à cet égard de la même manière que l'on fait en France en Angleterre, où le mouvement maritime s'apprécie, généralement d'après le tonnage.

Nous n'avions du reste aucune raison pour prendre le tonnage pour base de nos calculs plutôt que le chargement. En effet, si l'on compare la moyenne des années 1838, 1839, 1840 et 1841, puisqu'on récuse les années 1836 et 1837, si on la compare, dis-je, au résultat de 1857, on trouve que le chargement a augmenté de 127 p. c. et le tonnage de 123.

La conclusion, en opérant de cette manière, eût par conséquent été plus favorable encore.

La chambre de commerce d'Anvers reconnaît elle-même que le progrès a été de 100 p. c. sur le degré de changement.

Mais, pour contester la valeur de ce résultat, on a recours à d'autres distinctions.

Le mouvement maritime, disent les uns, suit une tendance fâcheuse : C'est au profit des pavillons étrangers que l'accroissement se révèle. Il est parfaitement vrai que le tonnage étranger a grandi plus que le nôtre, mais cela ne prouve pas que celui-ci n'ait point marché, comme en effet il l'a fait. Je n'hésite pas du reste à considérer comme un fait heureux que, notre propre marine ne suffisant point à nos besoins, les marines étrangères y suppléent abondamment.

Ce qui se passe chez nous se voit aussi ailleurs. Les réclamations les plus vives s'élèvent en Angleterre au sujet de l'accroissement plus grand obtenu par les pavillons étrangers, relativement au pavillon national.

Des meetings ont eu lieu ; des requêtes ont été adressées au parlement.

On se plaint avec amertume de ce que, dans le mouvement général de la navigation, la part du pavillon anglais, représentée en 1846 par 2 l/8,| ontre un pour le pavillon étranger, soit descendue, en 1857, à 1 1/2 contre un.

Le mouvement maritime, selon d'autres, laisse à désirer parce qu'il est dépassé par le mouvement commercial. Comme si ce dernier, qui embrasse toutes nos affaires par terre et par mer, devait aller nécessairement du même pas que la navigation, qui n'est l'instrument que d'une partie de notre commerce total !

Enfin l'on a prétendu que c'est l'année 1846 qu'il faut prendre pour point de départ des comparaisons, attendu que ce n'est qu'au lendemain de la promulgation des droits différentiels que nous avons commencé à exister comme nation commerçante et maritime.

En quoi l'année 1846 convenait-elle mieux comme point de départ pour juger du chemin que nous avons fait ?

La législation commerciale venait, il est vrai, d'être assise sur de nouvelles bases, mais celles-ci furent bien peu stables ; car le régime inauguré alors s'en est allé bientôt, pièce à pièce, pour disparaître enfin complétement.

Examinons toutefois sous quel rapport le progrès serait moins éclatant si nous prenions 1846 pour seul point de départ.

C'est surtout au point de vue de la navigation que l'on a cru devoir s'arrêter à cette année. J'ai sous les yeux un tableau où l'art de grouper les chiffres est porté à une haute perfection.

Divisant arbitrairement l'ensemble des 12 années en trois groupes dont les deux premiers sont de cinq ans et le troisième de deux, l'auteur de ce tableau arrive à prouver que notre commerce avec les ports d'Europe est dans une situation déplorable.

La moyenne des 5 années 1851-1855 donne sur celle des 5 années antérieures une augmentation de 59 p. c. au mouvement avec les pays hors d'Europe, tandis que la moyenne de 1856-1857 ne donne sur celle de 1851-1855 que 56 1/5 p. c. d'augmentation.

Ne voilà-t-il pas une décadence incontestable, et surtout comme elle devient sensible, si l'on consent à faire abstraction des principaux articles sur lesquels porte l'augmentation que cependant, et malgré tout, on parvient encore à constater !

Puisque l'on choisissait la période de 1846 à 1857, quoi de plus simple que de faire trois groupes de quatre années chacun ? Dans cette division mathématiquement plus juste, le dernier groupe eût remonté jusqu'à l'année 1854, et l'on sait que c'est vers cette époque qu'ont commencé à se faire jour les plaintes d'une partie du commerce d'Anvers.

Refaisons donc le tableau qui a servi de base aux appréciations de la presse anversoise ; puis tirons-en, à notre tour, des conséquences.

Résumé de la navigation depuis 1846.

Année 1846 à 1849 : pays d’Europe : 316,250 tonnes ; pays hors d’Europe : 105,450 tonnes

Année 1850 à 1853 : pays d’Europe : 346,740 tonnes ; pays hors d’Europe : 130,420 tonnes

Année 1854 à 1857 : pays d’Europe : 405,170 tonnes ; pays hors d’Europe : 204,820 tonnes

Augmentation de la 2ème période sur la 1ère : 30,500 pour les pays d’Europe et 24,970 pour les pays hors d’Europe, soit 55 p.c. et 45 p. c.

Augmentation de la 3ème période sur la 2ème : 58,420 pour les pays d’Europe et 74,400 pour les pays hors d’Europe, soit 45 p.c. et 55 p. c.

La décadence est-elle aussi réelle qu'on a voulu le faire croire ? Loin de là ; nous trouvons, nous, qu'il y a progrès pour le mouvement avec le pays hors d'Europe, non pas au préjudice de nos relations avec les pays d'Europe (nous ne donnons pas dans le travers opposé), mais enfin progrès plus considérable du premier côté que du second.

(page 188& C'est ainsi encore que, prenant toujours pour point de départ 1846, on a aussi prétendu que le commerce général, au lieu de présenter à l'importation une augmentation de 585 millions, ne présentait plus qu'un accroissement de 125 millions.

Je regrette de devoir le dire, mais il est étonnant que des hommes qui prétendent trouver dans la situation de notre commerce des témoignages en faveur d'un système commercial auquel ils espèrent rallier de nouveau le pays, quelque rares qu'en soient encore les adhérents dans Anvers même, ne se donnent pas plus de peine pour ne renseigner que des chiffres exacts.

L'augmentation de 1857 sur 1846 n'est point de 125 millions, mais bien de 460 millions ; le chiffre de 125 millions représente au contraire l'augmentation de 1846 sur 1836.

Et pourtant c'est ce chiffre de 125 millions d'augmentation que l'on considérait comme énorme, que la publication dont je parle a pris comme point de comparaison, pour prouver que la part proportionnelle du commerce maritime était relativement minime. Or, comme le point de départ est en réalité 3 1/2 fois plus considérable qu'on ne le pensait, le résultat final doit suivre la même progression, et alors de quelle valeur deviennent les lamentations, si la situation est de 3 1/2 fois meilleure qu'on ne le prétendait ?

Usant de la faculté de choisir dans la longue période de 1836 à 1857, les dates qui convenaient le mieux à chacun pour soutenir la thèse qu'il voulait défendre, un autre écrivain a trouvé dans la comparaison des chiffres de 1854 à 1857 que le commerce de terre a progressé de 274 millions tandis que le commerce maritime ne s'est accru que de 21 millions, c'est-à-dire qu'il est, selon lui, resté stationnaire ; les chiffres ici sont exacts. Mais pourquoi prendre les années 1854-1857 pour point de comparaison ? Le gouvernement n'en a point agi ainsi, il a mis sous les yeux du public les chiffres de 22 ans, c'est-à-dire toute notre histoire commerciale, et ce tableau ne pouvait présenter rien de chimérique comme on s'est plu à le dire ; mais voyons ce qui serait arrivé si le Moniteur avait adopté, lui aussi, pour terme de comparaison certaines années choisies pour les besoins de la cause.

Au lieu de 1854, prenons 1852, 1853 et 1855.

Voici ce que nous obtenons :

Progression du mouvement commercial par terre :

De 1852 à 1857, 411 millions ; de 1853 à 1857, 314 millions ; de 1855 à 1857, 200 millions.

Progression du mouvement maritime : De 1852 à 1857, 175 millions ; de 1853 à 1857, 125 millions ; de 1855 à 1857, 45 millions.

En opérant ainsi, on eût été, je crois, plus près de la vérité, et l'on n'en eût pas conclu que le commerce maritime est resté stationnaire.

On a aussi prétendu que notre commerce maritime subit une transformation au préjudice de la navigation au long cours et en faveur du cabotage. Le commerce direct, dit-on, tend à disparaître ; nous sommes, sous ce rapport, en décadence prononcée.

Ce qui tend à disparaître, évidemment ne s'accroît point ; or les importations générales des pays hors d'Europe, qui n'atteignaient en 1846 que 64,002,000 fr., se sont élevées en 1857 à 160,055,000 fr., et nos exportations générales sont passées de fr. 16,675,000 à fr. 91,299,000, soit pour l'ensemble 212 p. c. d'augmentation.

Si nous considérons les chiffres des chargements des navires, nous trouvons :

En 1846, 71,611 tonneaux d’importations des pays hors d'Europe, et 15,060 tonneaux d’exportations vers les pays hors d'Europe, total 86,671 tonneaux.

En 1857, 159,851 tonneaux d’importations des pays hors d’Europe, et 48,938 tonneaux d’exportations vers les pays hors d’Europe, total 208,789 tonneaux.

Ainsi, que l’n considère la valeur ou la quantité pour ce commerce appelé direct, l'augmentation est sensible, et je ne comprends pas que l'on présage qu'Anvers ne sera plus qu'un port intermédiaire entre Londres et Cologne, alors qu'à l'importation des pays hors d'Europe, le commerce général dépasse le commerce spécial non plus de fr. 20,318,000 comme en 1846, mais de 47,083,000 ; chiffre, soit dit en passant, qui est a- dessous de la réalité par suite de la suppression des droite sur un certain nombre d'articles.

Permettez-moi, messieurs, de terminer par quelques réflexions, par quelques aperçus qui s'étendent à tout le sujet dont nous nous occupons.

On parle, on discute, vous en aurez été frappés, exactement comme si nous étions dans un temps normal, et comme si partout ailleurs les affaires suivaient un cours régulier et prospère. Or il n'en est rien. Qui ne sait qu'une crise violente vient d'ébranler tous les marchés d'Europe et d'Amérique ? Tout le monde en a souffert, et nulle part on n'est complétement remis. Nous nous sommes moins ressentis de la crise parce que nous avons été plus prudents et plus réservés, mais il était impossible que nous n'en subissions pas les effets dans une certaine mesure.

Les rapports de nos consuls sont unanimes à signaler un ralentissement général dans les affaires, et les statistiques officielles des divers pays constatent presque partout une diminution dans les importations et les exportations soit en 1857, soit pendant l'année courante.

Ce n'est pas, disent les organes officieux du commerce d'Anvers, notre situation elle-même qui fait particulièrement l'objet de nos plaintes, c'est notre situation comparée, c'est que tandis que les autres progressent, nous restons stationnaires.

Voyons quel a été le progrès en Belgique et en Hollande, pays auquel on aime à se comparer.

Je pose pour les deux-pays le chiffre 100 pour point de départ.

(Suit un tableau statistique, non repris dans la présente version numérisée, entre l’évolution comparée des importations de la Belgique et des Pays-Bas)

Je prendrai pour point de départ l'année 1846, parce qu'on l'a signalée comme celle où a commencé le premier développement sérieux de nos affaires commerciales.

Il résulte de cette situation comparative que le commerce général de la Belgique s'est accru dans l'intervalle de onze ans de 157 p. c, tandis que celui de la Néerlande n'a augmenté que de 62 p. c. ; que le transit chez nous a augmenté de 223 p. c. et le transit néerlandais, de 21 p. c. Enfin, que la progression de notre commerce général avec le Zollverein a augmenté de 188 p. c, alors que le commerce des Pays-Bas n'avait augmenté jusqu'en 1856 que de 50 p. c. et a baissé de 10 p. c. en 1857, comparativement à 1856.

Dans les Pays-Bas, les importations générales ont augmenté en 1857, comparativement à 1856, d'environ 2 millions de florins, et les exportations d'environ 5 millions. Les importations par mer ont diminué de 20 p. c. ; les exportations par la même voie sont restées stationnaires, niais celles sous pavillon national ont diminué de 4 p. c.

Le transit en général a diminué d'à peu près un million de francs ; le transit de la mer à la terre et celui de la terre à la mer ont diminué : le premier de 3 p. c, le second de 2 p. c, tandis que le transit de la mer à la mer et celui de la terre à la terre se sont accrus : le premier de 4 p. c. et le second de 1 p. c.

Le mouvement du commerce néerlandais vers le Rhin, remonte et descente, fleuve et chemin de fer réunis, a diminué, en 1857, de 10 p. c. ou de 1,764,588 quintaux.

En France, le commerce général présente un excédant de 6 millions en faveur de 1857 sur 1856, mais le commerce spécial offre une différence en moins de 58 millions en valeurs permanentes et 144 millions en valeurs actuelles.

Quant à l'année courante, nous voyons que les droits perçus par l'Etat ont décliné de 3 millions de francs pendant les trois premiers trimestres.

En Angleterre, il y a accroissement, en 1857, comparativement à 1856, tant pour les importations que pour les exportations, mais par contre, les importations ont diminué de 14,680,502 liv. st. dans les huit premiers mois de 1858, et les exportations ont subi une diminution de (page 189) 9,425,263 liv. st. pendant les trois premiers trimestres, relativement à la période correspondante de 1857.

Importation aux Etats-Unis, 10 premiers mois de 1857, 208,000,000 d

Idem, 10 premiers mois de 1858, 129,000,000

Diminution, 79,000,000 d. ou 420 millions de francs.

Nous avons, nous, à constater pour les importations générales de 1857, une augmentation de 37,400,000 fr., ou 5 p. C, et une augmentation de 64 millions, ou 8 p. c. sur les exportations.

Au commerce spécial, nos importations ont diminué de 2 p. c. ; les exportations, au contraire, ont augmenté de 7 p. c ; enfin le transit a augmenté de 6 p. c. II n'est donc pas exact de dire, même en ne considérant que l'époque la plus récente, que les autres pays progressent, tandis que nous reculons, ou tout au moins restons stationnaires.

Ce qui est vrai, c'est que notre situation comparée n'est pas plus mauvaise que notre situation absolue, et ceux qui désespéreraient de l'avenir dans ces conditions ne seraient ni justes ni raisonnables.

Messieurs, je regrette d'avoir occupé si longtemps l'attention de la Chambre ; mais les détails que j'ai donnés étaient indispensables pour constater qu'il y a dans les réclamations d'Anvers une certaine exagération.

Le gouvernement, messieurs, n'a pas voulu, en rétablissant la vérité des faits, contester qu'il y eût certaines parties faibles dans la situation ; mais il croit que l'on attache une importance exagérée à l'influence que peut avoir sur cette situation certaine partie de notre législation.

Nul doute, si l'on n'envisage que les intérêts du commerce, que tout droit, toute taxe, tout impôt est de trop ; mais ce qu'il faut examinée c'est le point de savoir si cet impôt, si ces taxes sont réellement de nature à exercer sur la situation commerciale une influence telle, que celle-ci puisse en souffrir. Voilà, messieurs, quelle est la question.

C'est dans ces vues que le gouvernement a fait faire des enquêtes ; c'est dans ces vues qu'il a publié certains chiffres qu'il a cru devoir considérer comme exacts, attendu qu'il les tenait de l'agent particulièrement chargé de cette étude. Ces chiffres ont été contestés par la chambre de commerce d'Anvers.

Ce collège déclare que les taxes de navigation sont beaucoup plus considérables à Anvers que celles qui se prélèvent à Rotterdam et au Havre. Il a présenté à cet égard des tableaux comparatifs. Je ne veux pas, messieurs, contester l'exactitude des chiffres qui y sont renfermés, mais il sera pourtant permis au gouvernement d'examiner jusqu'à quel point ils sont irréprochables. Je n'ai pas pu, messieurs, faire encore cette vérification, mais je trouve qu'il est presque impossible de ne pas reconnaître que, dans l'énoncé des frais auxquels est soumis un navire à Rotterdam, il n'y ait pas quelque désir d'arriver à une conclusion favorable.

Ainsi, je vois que, du compte qui a été fait par notre consul à Rotterdam pour un navire de 774 tonneaux, il faut, d'après l'opinion de la chambre de commerce d'Anvers, en déduire 1,957 fr. Et comment, procède-t-elle pour arriver à expliquer la nécessité de cette déduction ? Elle dit qu'il faut écarter les frais que le capitaine fait bénévolement dans l'intérêt du navire.

Mais, messieurs, je ne sache pas qu'un capitaine trouve fort agréable de faire bénévolement certains frais dont il pourrait se dispenser ; car tous les frais que fait un capitaine, il doit les payer. Les frais généraux de navigation sont compris dans le fret.

Ainsi, quand le fret est d'autant pour cent par tonneau vers Rotterdam, celui qui fait une expédition a calculé à combien ces frais s'élevaient. Mais si le capitaine fait bénévolement d'autres frais, c'est lui-même qui doit les payer.

Je ne comprends donc pas comment il pourrait venir à la pensée d'un capitaine de faire de gaieté de cœur certains frais, qu'il sait devoir payer lui-même.

Ce n'est pas tout : il faut encore, dit la chambre de commerce d'Anvers, distraire des charges d'après lesquelles se détermine le fret, les frais inutiles de pilote dans la Manche, chose, dit-elle, que tout navire peut faire pour plus de sécurité, mais qui ne doit pas figurer parmi les frais de port. C'est encore là, messieurs, une façon commode de raisonner, mais, en fait, dans le cas que l'on a eu vue, la plupart des navires prennent un pilote dans la Manche.

Il n'y a donc pas, sous ce rapport, de frais inutiles. On ne paye rien bénévolement, on paye ce qui est nécessaire, indispensable, dans l'intérêt de l'armateur et il faut bien admettre que les frais que fait le capitaine doivent être compris dans les frais généraux de navigation.

Mais, messieurs, il y a un autre port dont on a cherché à connaître les frais de navigation, c'est le port du Havre. La chambre de commerce d'Anvers glisse légèrement sur ce point. Or, le même agent que nous avons chargé d'explorer les différents ports, a aussi établi quels étaient les frais de navigation au Havre et il a trouvé que ces frais étaient encore beaucoup plus considérables. Et cependant la chambre de commerce et l'honorable M. de Boe hier encore vous disaient que les marchandises du Zollverein et les nôtres allaient de préférence s'embarquer au Havre.

N'est-ce pas une preuve que la concurrence du Havre est une concurrence sérieuse ; et si les frais de navigation y sont plus élevés, comment se fait-il qu'ils ne rendent pas impossible cette translocomotion dont on a parlé ?

Ce n'est pas d'aujourd'hui, messieurs, que la chambre de commerce d'Anvers a demandé la suppression des droits de pilotage et de tonnage. Mon département, depuis plusieurs années, s'est occupé de ces questions.

Il en est résulté une correspondance entre le département des finances, celui des affaires étrangères et la chambre de commerce d'Anvers. On n'a pas pu tomber d'accord.

Le département des finances a cherché à se rendre compte aussi de l'influence que pouvaient avoir sur le commerce général ces droits dont on se plaignait si fort. Or il a trouvé en 1855, je crois, que si on répartissait le total des droits de pilotage perçus à Anvers sur la valeur du commerce général de ce port, ces droits représentaient 32 centimes par 1,000 fr.

Le département des finances a encore examiné quelle était l'influence des droits de tonnage, et voici le résultat de cet examen. Le total des chargements effectifs des navires s'est élevé pour 1857 à 700,722 tonneaux. La moyenne de 1852 à 1856 n'a été que de 554,756 tonneaux. Le droit de tonnage ayant produit 682,000 fr. soit 700,000 fr., c'est un franc par tonneau ou 10 centimes par 100 kilog. de poids.

Voilà l'effet réel de ces impôts sur la marchandise et sur les prix.

Du reste, messieurs, que la situation du commerce soit brillante ou qu'elle ne le soit pas, que l'impôt soit lourd ou léger, le gouvernement ne cherche pas, en rétablissant ici les faits dans leur vérité, à décliner la tâche qui lui incombe dans cette partie du service public.

Vous avez vu, messieurs, par les mesures déjà annoncées que plusieurs des griefs du commerce d'Anvers vont disparaître immédiatement.

Quant aux autres, il n'en est aucun que le gouvernement repousse. Le gouvernement ne dit pas que les droits de tonnage, que les droits de pilotage soient des impôts qu'il faille conserver. Il croit, au contraire, que ce sont des droits qui devront disparaître. Seulement, le gouvernement demande à pouvoir choisir son temps et son heure. Il y a, messieurs, des intérêts supérieurs qui se rattachent à cette question. Le gouvernement s'en est expliqué, et dès à présent il vous déclare que son plus grand désir, c’est que le moment soit prochain où l'on puisse donner aussi cette satisfaction au commerce d'Anvers.

Messieurs, j'espère, le gouvernement aidant dans la latitude de ses moyens et le commerce d'Anvers faisant à son tour, un appel à sa propre énergie, que le progrès que j'ai constaté continuera et que les défectuosités que j'ai aussi reconnues disparaîtront.

Permettez-moi, messieurs, avant de finir, d'opposer à ce tableau si sombre par lequel on a agité la ville d'Anvers, ce que j'ai lu tout récemment dans l'un des principaux organes du commerce anversois :

« Depuis longtemps, déclare-t-il, le mouvement de notre port n'a été aussi animé que pendant la semaine qui vient de s'écouler. Le nombre des arrivages est de 87, dont 12 de long cours, savoir : 2 de Rangoon, 2 de Rio-Grande, 2 de Buenos-Ayres, 2 de la Havane, 2 de New-York, 1 de Montevideo et 1 du Port-au-Prince. Tous ces navires avaient de pleins chargements. »

« D’un autre côté, parmi les navires attendus, on en compte 10 de Buenos-Ayres, 10 des Etats-Unis, 3 de la Havane, 5 des Indes orientales, 16 d'Odessa, Constantinople, Alexandrie, etc. »

Ce sont là, messieurs, d'heureux présages qui confirment et justifient mon espoir.

M. Loos. - Messieurs, j'ai demandé hier la parole, lorsque j'ai entendu l'honorable ministre des affaires étrangères infliger à la chambre de commerce d'Anvers un blâme que je considère non seulement comme trop sévère, mais comme immérité.

En effet, messieurs, de quoi s'agit-il ? La presse d'Anvers s'était occupée depuis quelque temps de la situation commerciale de la place, avait produit des chiffres pour constater qu'il y avait décroissance dans les affaires.

La chambre de commerce, de son côté, avait émis la même opinion, (page 190) et au dire même de l'honorable ministre des affaires étrangères, avait réclamé depuis longtemps des mesures propres à éviter le déclin de certaines branches importante de commerce.

Le gouvernement s'est préoccupé des articles de la presse, il les a trouvés exagérés et il a fait insérer dans le Moniteur des renseignements statistiques, pour prouver cette exagération, en réfutant les chiffres produits.

Parmi les renseignements statistiques et autres insérés au Moniteur, figurent quelques extraits d'un rapport fait au gouvernement par un de ses agents. Ce rapport, qui date du mois d'octobre 1857, avait été communiqué à la chambre de commerce. Les extraits que le gouvernement en avait donnés dans le Moniteur contredisaient des renseignements produits par la presse et par la chambre de commerce. La chambre de commerce devait-elle supporter ces contradictions, quand elle avait entre les mains la justification de ses assertions ? Personne ne le prétendra. A mon avis, donc, la chambre de commerce était dans le cas de légitime défense, lorsque, de son côté, elle a publié des extraits de ce rapport après que d'autres extraits en avaient été publiés dans le Moniteur.

Je dois le dire, quel que soit le blâme que M. le ministre des affaires étrangères a cru devoir infliger à la chambre de commerce, si j'avais fait partie de ce corps, je n'aurais pas agi autrement qu'elle l'a fait.

M. le ministre des affaires étrangères nous a dit que ce rapport était tout à fait confidentiel et que, par conséquent il ne fallait pas le publier, mais la chambre de commerce a-t-elle publié ce rapport ?

Non, messieurs, elle a fait comme le gouvernement, elle en a publié quelques extraits et vous pouvez tous juger jusqu'à quel point les renseignements compris dans ces extraits sont de nature à devoir être considérés comme confidentiels. Elle n'a publié que quelques arguments propres à établir sa défense, quelques passages où ses allégations se trouvaient confirmées par un agent du gouvernement.

Nous ignorons tous quelle est la partie du rapport qui doit en réalité être considérée comme confidentielle, mais ce ne sont certainement pas les extraits donnés par la chambre de commerce d'Anvers.

Est-ce, par exemple, le passage où l'agent du gouvernement déclare ceci :

« Au fond, il faut l'avouer, si le commerce de transit ne devait consister, à proprement parler, qu'en expéditions de marchandises traversant notre territoire d'une manière non interrompue et dans lesquelles les maisons belges n'ont aucune initiative, il serait difficile de s'expliquer l'importance que l'on a toujours attachée en Belgique à cette branche du négoce. »

Serait-ce, par hasard, ce passage-ci :

« En résumé, bien que la situation de notre commerce de transit soit loin d'être aussi mauvaise qu'on l'a représentée, elle n'est cependant pas telle qu'on pourrait la désirer, et l'on peut se demander s'il n'y a pas quelque mesure à prendre en vue des circonstances nouvelles où il se trouvera bientôt. La chambre de commerce d'Anvers en a depuis longtemps indiqué plusieurs, parmi lesquelles figure, en première ligne, l'abolition du droit de tonnage. »

Serait-ce l'appréciation que fait cet agent du gouvernement, de l'existence des droits de tonnage ? Je ne le crois pas.

« Faut-il conclure de cette comparaison qu'il n'y a rien à faire, qu'il est bon, qu'il est utile de maintenir en Belgique le droit de tonnage ? D'après mon humble jugement, ce serait une erreur. De tous les ports du continent que j'ai visités, Anvers est le plus beau, celui dont l'accès est le plus facile et le plus sûr, et si l'abolition du droit de tonnage coïncidait avec une autre mesure que la chambre de commerce a également indiquée et qui en est le complément obligé, je suis convaincu qu'il en résulterait pour Anvers en particulier et pour le pays en général de très grands avantages.

« Il est remarquable qu'au milieu des remaniements nombreux subis par notre législation commerciale, le droit de tonnage reste intact, se perçoive encore en vertu d'une législation que l'on peut considérer comme un peu surannée, la loi générale de perception du 26 août 1822. Ce droit de tonnage n'est pas, comme ceux de pilotage et de feux et fanaux, la rémunération d'un service public ; c'est un véritable impôt et, pour le spécifier exactement, un droit de transit : un droit de transit sur les navires, à leur arrivée et à leur départ, mais qui pèse, en réalité, sur les marchandises à leur débarquement, tandis qu'à l'intérieur nous avons tout fait pour faciliter, pour attirer le transit de ces mêmes marchandises. D'une main nous remboursons aux navires le péage de l'Escaut ; de l'autre nous percevons le droit de tonnage.

« Il y a là quelque chose d'illogique, une contradiction ; le droit de tonnage, quand on se rend compte de notre politique commerciale, apparaît comme un anachronisme. »

Sont-ce là les parties du rapport que le gouvernement envisage comme confidentielles ? Vous pouvez tous, messieurs, apprécier s'ils sont de nature à compromettre en quoi que ce soit le pays ou le gouvernement.

Parmi les remèdes indiqués par la chambre de commerce se trouve une communication plus rapide et plus économique avec l'Allemagne. A cet égard l'agent du gouvernement dit :

La concession d'une seconde ligne de chemin de fer d'Anvers vers l'Allemagne a été sollicitée à différentes reprises et la chambre de commerce d'Anvers y a insisté vivement, mais sans succès. Il s'agit d'une concession pure et simple, sans garantie du minimum d'intérêt, sans engagement quelconque de la part du gouvernement, et j'avoue que j'ai peine à m'expliquer les motifs pour lesquels on la refuse.

« Cette ligne ferait concurrence à celle de l'Etat. Je suis de ceux qui pensent que notre chemin de fer est parfaitement administré, parfaitement exploité, et je crois que l'on s'exagère les effets de cette concurrence ; en second lieu, si l'intérêt du trésor doit toujours prévaloir en cette matière, ce qui d'ailleurs ne s'accorde pas avec les précédents, il en résultera que le développement des voies ferrées, que l'on encourage partout ailleurs, se trouvera forcément arrêté en Belgique, au grand préjudice de beaucoup de localités et, on peut le dire, du pays tout entier. Refuser la concession d'un chemin de fer parce qu'il fera concurrence à celui de l'Etat, c'est ériger celui-ci en monopole et former un principe qu'il me paraît fort difficile de soutenir dans un pays où toutes les branches de l'administration ont pour base l'intérêt général. »

Messieurs, je crois que le gouvernement peut avoir été quelque peu contrarié de la publication de ces extraits, mais ne pensez-vous pas que la chambre de commerce, de son côté, peut avoir été contrariée par la publication des extraits de ce rapport, faite par le gouvernement ? Pour ma part, j'en suis convaincu parce que, en définitive, l'extrait dont il s'agit avait pour but de prouver que les frais sont aussi élevés à Rotterdam qu'à Anvers, assertion que la chambre de commerce avait déjà réfutée.

Eh bien, je dis, messieurs, que dans ces circonstances un corps composé de l'élite des négociants d'une place aussi importante qu'Anvers, un corps dont les membres consacrent gratuitement leur temps et leurs peines à l'accomplissement de leurs fonctions, je dis que ce corps, lorsqu'il n'avait que ce seul moyen de défense, lorsque le gouvernement avait annoncé, par ses publications, l'intention de ne pas communiquer à la Chambre la partie du rapport de son agent qui était favorable au soutènement de la chambre de commerce, il devait être permis à celle-ci de puiser dans ce rapport quelques passages où il trouve sa justification.

En définitive, messieurs, c'est pour l'instruction du pays que l'enquête a été faite ; et nous qui discutons les intérêts d'Anvers, nous qui avons le plus grand intérêt à connaître ces détails, pourquoi nous les cacher ? Je me le demande. Je laisse au surplus la Chambre juge de la question de savoir si dans ce qu'a publié la chambre de commerce d'Anvers, il est un point quelconque qui puisse être considéré comme confidentiel.

Messieurs, ainsi que je l'ai dit, je crois que le gouvernement peut avoir éprouvé quelque contrariété par suite de cette publication : mais quand je vois des fonctionnaires publics supérieurs, salariés par l’Etat, réfuter les projets de leurs ministres ; quand je vois, d'un autre côté, des fonctionnaires rétribués, dénigrer d'une manière violente des institutions subsidiées par le gouvernement ; quand je vois le gouvernement rester impassible devant ces actes, je me demande si c'était à la chambre de commerce d'Anvers, composée d'hommes non salariés et profondément dévoués aux intérêts publics, qu'il fallait commencer par appliquer un blâme. Je l'ai dit, ce blâme n'est pas seulement sévère, il est encore immérité.

Messieurs, puisque j'ai la parole, je dirai quelques mots en réponse au discours de l'honorable ministre des affaires étrangères.

Je ne puis pas m'engager à réfuter immédiatement l'œuvre laborieuse de l'honorable ministre. Il est impossible de se livrer à la réfutation d'un travail de cette importance sans l'avoir sous les yeux. Mais je me le demande : A quoi bon cette œuvre si laborieuse ? Le gouvernement ne nie pas qu'il y ait souffrance dans la situation du commerce ; il admet que le commerce souffre ; « mais, dit-il, le commerce subit, sous ce rapport, le sort commun à toutes les places de commerce de l'Europe, et même aux Etats-Unis de l'Amérique. » Seulement le gouvernement trouve qu'on a exagéré les souffrances du commerce. C'est un point qui sera encore débattu ; pour le moment, il me serait impossible de réfuter les arguments sur lesquels on a appuyé cette assertion.

J'ai constaté que le commerce souffrait : j'ai prétendu qu'il y avait tendance au déplacement de certaines relations, et-qu'il y avait des remèdes à appliquer. J'ai indiqué quelques-uns de ces remèdes.

Eh bien, M. le ministre des affaires étrangères a-t-il combattu ces remèdes ? Non ; seulement il en ajourne l'application.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière) - J'en ajourne 2 sur 5 ; j'accorde le reste.

(page 191 M. Loos. - M le ministre des affaires étrangères a dit que depuis six ans la chambre de commerce d'Anvers réclame l'abolition des droits de tonnage ; le gouvernement a reconnu qu'il serait utile à la prospérité du commerce maritime de voir disparaître ces droits ; le département des affaires étrangères a entamé, à cette fin, des négociations avec la chambre de commerce d'Anvers et avec le département des finances ; mais on n'est pas, dit-il, tombé d'accord ; c'est le commerce qui a dû pâtir de ce défaut d'entente ; il a supporté pendant six ans une charge qu'on avait abolie en Hollande.

Que résultera-t-il des promesses de M. le ministre des affaires étrangères ? L'exécution de ces promesses est subordonnée à certaines éventualités qu'on espère voir se produire. Le gouvernement veut rester maître du moment où il y aura lieu d'appliquer le remède

Mais, en attendant, croyez-vous que, dans les conditions d'infériorité, comme celles qui existent entre Anvers et Rotterdam, la concurrence pour Anvers soit possible ? Croyez-vous qu'on puisse lutter, avec une différence, par tonneau, de 5 francs qu'on paye à Anvers et qu'on ne paye pas à Rotterdam ? Nous prétendons que non.

M. le ministre des affaires étrangères a dit, en terminant, que c'est en définitive une minime somme de 32 centimes par 1,000 fr, puisque c'est un franc par tonneau qui constitue la différence.

Le droit de tonnage, d'après le tarif, est de 2 fr. 20 c. Les navires ne payant pas à chaque voyage, on a calculé que c'était un franc de tonnage qu'on payait à Anvers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Tonnage effectif.

M. Loos. - Mais si le gouvernement des Pays-Bas qui se préoccupe plus que nous de toutes les affaires commerciales, avait jugé inutile de faire disparaître les droits de tonnage, et de réduire les droits de pilotage, croyez-vous que l'état de son trésor fût tel, qu'il pût sans une nécessité absolue faire jouir le commerce de cette largesse ? Je ne le pense pas.

Mon honorable ami, M. de Boe, l'a dit hier, c'est après beaucoup d'hésitation que le gouvernement des Pays-Bas a aboli les droits de tonnage ; il avait déclaré d'abord que la situation du trésor ne lui permettait pas de prendre cette mesure, quoique la nécessité lui en fut démontrée. Eh bien, je dois croire que le gouvernement des Pays-Bas a reconnu que pour mettre le port de Rotterdam en état de lutter contre ses rivaux, il fallait abolir les droits de tonnage, malgré le préjudice qu'en éprouverait le trésor. Nous sommes du même avis pour Anvers.

Croyez-vous qu'Anvers, malgré les droits qu'il a à payer en plus, malgré le défaut de communications directes vers l'Allemagne, malgré le défaut d'autres institutions dont il est privé ; croyez-vous qu'Anvers, sans colonies et sans moyens de communication, puisse soutenir avantageusement la lutte avec Rotterdam ? C'est un point que personne n'admettra.

Le geste que fait en ce moment M. le ministre des finances me fait supposer que lui croit que cela est possible. Mais je suis bien convaincu que dans cette Chambre, on ne fera accroire à personne que, dans ces conditions, la lutte soit possible,

Je me demande alors : pourquoi cet immense travail statistique ? Si c'est uniquement pour prouver qu'il y a exagération dans les plaintes du commerce d'Anvers, croit-on que le pays se trouve bien rassuré par ce travail ? Je laisse à la chambre de commerce d'Anvers le soin d'établir ce qu'elle a avancé ; quant à moi, je vois une chose qui n'est contestée par personne, pas même par M. le ministre des affaires étrangères, à savoir que le commerce est dans un état de souffrance évident et qu'on peut y apporter des remèdes.

Ces remèdes, je les ai indiqués dans la séance d'hier ; si on nous les refuse, il me sera impossible, je l'ai déjà dit hier, de voter le budget des voies et moyens.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, mon intention n'est pas de me livrer à l'examen de la question de savoir si le commerce d'Anvers est dans un état de décadence ; je désire seulement soumettre à la Chambre quelques réflexions.

Quant à la question de savoir si le commerce d'Anvers est dans une sorte de déchéance, nous avons entendu les discours des honorables députés d'Anvers, et celui, si complet, de M. le ministre des affaires étrangères. Je crois qu'après avoir entendu l'honorable ministre, la Chambre sera entièrement rassurée sur le titre assez extraordinaire, il faut en convenir, que la chambre de commerce d'Anvers a donné à la brochure qu'elle a fait distribuer.

Je crois, cependant, que le port d'Anvers n'a pas pris, jusqu'ici, tous les développements dont il est susceptible.

Je crois qu'il se trouve réellement dans une sorte d’infériorité vis-à-vis des autres ports qui lui font concurrence. Selon moi, notre commerce d'outre-mer n'est pas tout ce qu'il pourrait être. Je reconnais certainement qu'il a éprouvé un accroissement notable, accroissement qui se manifeste dans le commerce de tous les autres pays, mais il me semble que le port d'Anvers, dans une situation si belle, au centre de l'Europe, possédant des maisons si puissantes dont la réputation est répandue dans le monde entier, ayant de nombreuses voies de communication, pourrait prendre beaucoup plus de développement.

Je citerai, par exemple, le marché des Indes orientales, qui pourrait être si important pour nos exportations. Nous faisons là bien peu de progrès. C'est cependant un marché où il se fait des affaires pour plusieurs milliards. Eh bien, nous n'y exportons nos produits industriels que pour environ un million de francs. Je crois même que, sur ce marché, il y a encore une décroissance dans notre exportation.

Or, quand on envisage notre commerce, c'est celui de l'exportation de nos produits industriels qu'il faut considérer avant tout.

La chambre de commerce propose plusieurs remèdes à la situation qu'elle trouve si déplorable. J'aime à croire qu'elle exagère les souffrances actuelles, qu'on doit, du reste, attribuer à cette mise que tout le monde connaît, qui s'est manifestée d'abord aux Etats-Unis et dont les effets se sont étendus à l'Angleterre et à l'Allemagne. C'est le commerce anversois qui a le moins souffert de cette crise.

La chambre de commerce indique un certain nombre de remèdes à apporter à cette situation. J'ai entendu avec plaisir M. le ministre des affaires étrangères déclarer qu'il allait s'occuper de cet objet et qu'il ne repoussait que deux des propositions de la chambre de commerce.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Nous n'en re poussons aucune, et dès à présent nous en admettons trois sur cinq.

M. d'Hoffschmidt. - Je n'ai pas entendu quelles étaient celles qu'on allait adopter. Je trouve la réclamation en ce qui concerne le droit de tonnage et le droit de pilotage très légitime ; Anvers se trouve dans des conditions d'infériorité sous ce rapport. (Interruption.)

La chambre de commerce donne des chiffres, mais je crois inutile d'entrer dans ces détails. Il est incontestable qu'au point de vue des droits de tonnage et de pilotage, le port d'Anvers se trouve dans des conditions d'infériorité vis-à-vis des ports de la Hollande et est eu droit de réclamer une position égale à celle du port qui lui fait la principale concurrence.

La chambre de commerce d'Anvers réclame aussi l'exécution d'un chemin de fer qui mettrait cette ville dans des rapports plus directs et plus économiques avec l'Allemagne. Je ne sais si une demande en concession a été adressée au gouvernement ni quelles conditions on a pu proposer. Mais si ce chemin de fer peut s'exécuter par voie de concession, il y a lieu, ce me semble, de ne pas s'y opposer. Il pourrait peut-être faire concurrence au railway de l'Etat, mais c'est là une considération dont on ne tient plus grand compte et qu'on a mise de côté à l'égard de bien des concessions.

La chambre de commerce demande la réduction des droits de bassin et autres prélevés par la ville d'Anvers. L'administration de cette ville ne fera sans doute pas de difficulté d'acquiescer à cette demande, puisqu'elle est faite par les représentants de son commerce maritime. Elle demande aussi la suppression des formalités fiscales et vexatoires de la douane ; je ne sais quelles peuvent être ces formalités fiscales, vexatoires ; s'il en existe, le cabinet, dont on connaît les idées libérales, s'empressera de les réviser.

Mais, messieurs, les causes signalées par la chambre de commerce d'Anvers seraient-elles les seules qui occasionnent l'infériorité dont elle se plaint ?

Est-ce que, dans notre commerce maritime d'Anvers, il y a cet esprit d'entreprise, cette initiative qui existe aux Etats-Unis par exemple et en Angleterre ? On s'est toujours plaint de l'absence d'esprit d'initiative dans le commerce d'Anvers, qui n'est qu'un commerce de commission au lieu d'un commerce d'exportation. Nous avons aussi trop peu de maisons à l'étranger, dans les pays transatlantiques. C'est cependant là le meilleur moyen de développer les relations commerciales. Quand des maisons belges d'Anvers surtout vont s'établir sur les marchés étrangers, ils envoient des renseignements qui favorisent l'exportations des produits du pays.

La Suisse, qui n'a ni ports ni navigation, exporte énormément, parce qu'un très grand nombre de maisons suisses sont établies à l'étranger depuis de nombreuses années.

Anvers manque aussi d'une bonne loi sur les warrants. Un projet doit être présenté sur cet objet. D'un autre côté, Anvers n'a pas de docks comme à Londres, où ces grands établissements ont contribué largement au développement du commerce de l'Angleterre. Ce qui pourrait exercer encore une grande influence sur le développement commercial, ce seraient les services de navigation à vapeur.

Plusieurs tentatives ont été faites et ont échoué : je suppose que le gouvernement s'occupe encore de cet objet ; mais si l'on parvient à organiser une nouvelle société, il est bien important qu'elle réunisse tous (page 192) les éléments de succès nécessaires, car si un nouvel échec avait lieu ou perdrait toute confiance, et on donnerait le droit de croire que nous ne sommes pas propres à ces sortes d'opérations. En résumé mon opinion dans cette question est que le gouvernement ne doit pas se croiser les bras, mais qu'il doit s'occuper sérieusement du commerce d'Anvers et | adopter toutes les mesures raisonnables qui pourront exercer une heureuse influence sur le sort de notre métropole commerciale qui est si intimement lié aux intérêts généraux du pays.

M. B. Dumortier. - Messieurs, l'honorable préopinant vient de dire, de même que l'avait fait avant lui M. le ministre des affaires étrangères, que le titre de la brochure qui nous a été distribué par la chambre de commerce d'Anvers était une inexactitude. Je n'ai pu m'empêcher de demander la parole quand j'ai entendu qualifier ainsi la réclamation dont nous sommes saisis, parce que, à mes yeux, le titre de cette réclamation n'est pas une inexactitude, mais une douloureuse vérité. Je dis une douloureuse vérité, car, messieurs, Anvers est le bijou de la couronne belge. C'est notre grand port d'exportation ; ce doit être notre grand port d'importation ; ce n'est que par le port d'Anvers que nous pouvons lier des communications commerciales avec les pays transatlantiques et leur expédier nos produits et nos fabricats, en échange des matières premières qui nous sont nécessaires.

C'est donc, messieurs, une question digne de toute votre sollicitude, digne d'être sérieusement examinée, que celle de savoir si les plaintes du commerce d'Anvers sont ou ne sont pas fondées. Quant à moi, je n'hésite pas un instant à dire que ces plaintes me paraissent complétement justifiées par les faits.

Je ne comparerai pas, ainsi que l'a fait M. le ministre des affaires étrangères, l'état du commerce d'Anvers de l'année 1856 avec les années 1857, 1855 et les années antérieures. Les réclamations du commerce d'Anvers n'existaient point à cette époque. Depuis quand ont-elles surgi ? Depuis quelques mois à peine.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les plaintes datent de 1855.

M. B. Dumortier. - Je parle des plaintes sur la décadence du commerce d'Anvers, celles-là ne datent que de quelques mois. Ce n'est pas le mal passé, mais le mal présent qu'il faut examiner.

Je me bornerai, messieurs, à trois articles très importants ; ce sont ceux qui ont rapport au commerce transatlantique.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et les céréales ?

M. B. Dumortier. - L'honorable M. Rogier vient de prononcer le mot céréales ; mais, messieurs, il n'est personne, l'honorable M. de Boe l'a fait remarquer il y a deux jours, qui fasse entrer la navigation des céréales en ligne de compte pour apprécier le mouvement réel d'un port maritime. Les céréales abondent dans les temps de disette, et disparaissent dès que la récolte intérieure est assez abondante. Ce n'est donc qu'un article accessoire et qui, à cause même de ses fluctuations, ne peut pas entrer en ligne de compte.

Mais il est des articles qui donnent lieu à un commerce permanent, continu, à des relations non interrompues avec les pays transatlantiques ; telles sont, notamment, les denrées coloniales. Eh bien, examinons, interrogeons les faits tels qu'ils se trouvent présentés dans le Moniteur d'il y a 10 jours, uniquement pour les 10 premiers mois de cette année. Si vous comparez, pour ne prendre que trois articles, les quantités de sucre, de café et de coton entrées en Belgique pendant les 10 premiers mois de cette année avec les quantités entrées pendant la période correspondante de l'année précédente, vous reconnaîtrez immédiatement que les plaintes du commerce d'Anvers sont complétement justifiées par les faits.

Pendant les dix premiers mois de 1857, la Hollande n'avait fourni à la Belgique que 7,749,000 kilog. de café ; l'année précédente 7,730,000 kilog. ; l'importation se maintenait donc dans la limite de 7 à 8 millions. Cette année, la Hollande nous en a fourni 10 millions de kilog. pendant les dix premiers mois ; c'est-à-dire environ 2 1 /2 millions de plus que les années précédentes.

L'Angleterre qui, l'an dernier, ne nous fournissait que 142,000 kil. de café, nous en a fourni, cette année, 1,067,000 kil.

Ainsi, la Hollande et l'Angleterre nous ont fourni, pendant les dix premiers mois de cette année, 3 1/2 millions environ de café de plus que l'année précédente. Or, il est évident que cette énorme différence dénote qu'il s'est opéré une véritable transformation dans les conditions de notre commerce maritime ; elle prouve que notre commerce est devenu aujourd'hui un commerce de cabotage ; qu'Anvers cesse d'être le grand marché qui doit alimenter tout le pays, pour devenir un port de passage, un simple port de débarquement ; c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir un commerce d'entrepôt, vous n'avez plus qu'un commerce de quai. Voilà, messieurs, où est la décadence du port d'Anvers. Et je dis que si c'est par les lois que vous avez votées que vous avez produit ce résultat, vous avez fait de mauvaises lois, puisqu'elles ont pour effet d'amoindrir un port qui faisait la gloire du pays et qui était une des plus belles sources de la prospérité nationale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il faut donc rétablir les droits différentiels !

M. B. Dumortier. - Je vais y venir dans un instant ; pour le moment je prouve que les lois que vous avez faites ont été fatales au port d’Anvers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Anvers n'est pas du tout de votre avis.

M. B. Dumortier. - Peu m'importe, je suis bien certain d'ailleurs de n'être pas seul de cette opinion.

Je passe, messieurs, aux articles coton et sucre. Pendant les dix premiers mois de cette année, la Hollande nous a fourni 1 1/2 million de kilog. de coton de plus que pendant la période correspondante de l'année dernière.

Quant aux sucres, il en est entré cette année 4,281,000 kilog. tandis qu'il n'en est pas entré un kilogramme l'année dernière.

Voilà donc, rien que sur trois articles au-delà de 9 millions de kilog. de marchandises qui devaient nous arriver directement des colonies et qui nous ont été fournies par le commerce d'Amsterdam, de Rotterdam, de Londres et de divers ports français, alors qu'Anvers aurait fourni ces quantités par le commerce transatlantique, si on avait maintenu l'ancien état des choses.

Où est, messieurs, le motif de cette différence ? Mais vous le savez tous, c'est que depuis le 1er janvier dernier, les droits différentiels ont été supprimés. Il en est résulté qu'au lieu d'avoir encore un commerce de première main, au lieu de conserver sa position d'un des premiers ports européens, Anvers ne fait plus depuis lors qu'un commerce de passage, un commerce de quai, au lieu d'un vaste commerce d'entrepôt.

Les droits différentiels, en effet, avaient eu pour conséquence d'attirer chez nous une quantité beaucoup plus grande de navires des ports transatlantiques ; ils facilitaient l'exportation de nos fabricats dont vient de parler l'honorable préopinant. Or, maintenant que la Hollande nous envoie par le cabotage 4 1/2 millions de kilog. de marchandises tropicales, que nous prend-elle pour l'exportation ? Rien. Et quant à la France qui nous envoie 4 millions de kilog. de sucre de betterave que nous prend-elle en échange ? Rien, non plus ; absolument rien.

Quand l'Angleterre nous envoie un million et demi de kilogrammes de café de plus que précédemment, l'Angleterre ne prend aucun de nos produits.

Ainsi la décadence du port d'Anvers est vraie ; elle est le résultat du retrait de la loi des droits différentiels et elle menace non seulement le port d'Anvers, mais elle menace le commerce du pays tout entier.

Messieurs, l'honorable M. de Boe a fait une réflexion extrêmement juste : c'est qu'on s'est beaucoup trop jeté dans le système des expériences. On s'y est jeté en enfants, en aveugles, en se conduisant comme la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.

Vous avez certainement un des plus beaux ports de l'Europe ; mais ce port, s'il n'est pas animé par le commerce, s'il n'est pas animé par la navigation, qu'est-il ? C'est un courant d'eau. Il ne suffit pas d'avoir le plus beau port de l'Europe ; il faut que de bonnes lois viennent lui donner la vie.

Eh bien, ces lois existent-elles ? C'est sous l'empire des droits différentiels que le port d'Anvers est arrivé à un degré de prospérité inconnue depuis longtemps.

On a voulu se comparer à la puissante Angleterre, on a voulu se comparer à la Hollande.

Mais Anvers est un port naissant, un port qui n'a pas cinquante années d'existence.

Car certes on ne peut pas entendre comme port la situation où se trouvait Anvers, lors de la fermeture de l'Escaut. Eh bien, Anvers qui n'a pas cinquante années d'existence, dont le commerce n'est que naissant, dont les capitaux, très grands d'ailleurs, ne peuvent pas se comparer aux capitaux des villes qui font le commerce depuis des siècles, Anvers, ne peut être traité comme ces villes.

Vous prétendez traiter Anvers comme ces grands colosses de la navigation et du commerce maritime ; vous prétendez faire avec cet enfant qui vient de naître ce qu'on fait avec un colosse, avec un géant. Cela n'est pas possible.

Vos lois ont frappé sur Anvers, et tant que vous n'en viendrez pas à un autre système, toutes les mesures que vous prendrez seront inutiles. Savez-vous ce que vous faites ? Vous ramenez, sous une autre forme, la fermeture de l'Escaut ; c'est-à-dire que vous aurez le commerce de cabotage, mais que vous supprimez le commerce de grande navigation qui seul peut faire naître la prospérité, le bien-être et la force.

Les faits parlent trop haut pour être révoqués en doute.

Maintenant il est certain qu'il faut apporter des remèdes à un pareil état de choses, mais il faut que les remèdes soient efficaces. Il ne faut (page 193) pas de ces remèdes qui soient à l'avantage du cabotage. Si Ton vient nous présenter de pareils remèdes, je n'en veux pas. Si vos diminutions de droits de tonnage et de pilotage sont aussi favorables au cabotage qu'à la grande navigation, vous faites l'affaire du cabotage et non celle du port d'Anvers. Il faut que les mesures que vous prendrez aient pour but de rétablir la grande navigation, aient pour but de créer à Anvers un grand marché de denrées coloniales ; sinon, toutes les mesures que vous prendrez ne seront propres qu'à augmenter le cabotage.

Plus vous faciliterez l'arrivée, le déchargement et le, transport à travers votre pays des marchandises des ports d'Europe ; plus vous abaisserez les entraves, moins vous ferez pour Anvers. Ce qu'il faut pour Anvers, ce sont des mesures favorables à la grande navigation, et toute mesure que vous ne prendrez pas pour favoriser la grande navigation, tournera contre Anvers.

Si vous voulez supprimer toute espèce de droit pour le cabotage, vous aurez certainement ce qu'on a appelé avec tant de raison une translocomotion considérable. Mais qu'est-ce que cela procure au pays ? Lorsque le chemin de fer transporte pour un million de francs de marchandises se rendant de France en Allemagne et vice versa, est-ce que votre commerce bénéficie sur cette opération ? C'est cependant à ce résultat négatif que vous arrivez, si vous voulez continuer à considérer ces transports comme un transit réel.

Le transit réel, le transit tel que l'entendaient les anciens écrivains du temps des Etats-Unis, c'était, ainsi que l'a très bien dit l'honorable M. de Boe, le commerce d'entrepôt. Aujourd'hui, vous entendez par transit la locomotion. Mais la locomotion n'est pas une opération commerciale ; c'est une opération de voiturage et rien de plus.

Il faut donc que les mesures que l'on prendra, que les mesures que l'on doit prendre pour Anvers aient pour résultat de ramener la grande navigation dans son port ; il faut qu'elles aient pour résultat d'empêcher que le port d'Anvers ne soit fermé comme il était précédemment, fermé en quelque sorte, par le fait de nos lois, à la grande navigation, pour faire exclusivement le cabotage avec les ports qui nous avoisinent.

Messieurs, c'était bien la peine de réclamer si vivement la liberté de l'Escaut pour arriver ensuite, par nos lois, au même résultat qu'avant Joseph II. Si vous voulez le bonheur de votre pays, si vous voulez le bonheur du port d'Anvers, prenez des mesures pour favoriser ses rapports avec les colonies, et alors vous rendrez un service considérable à l'exportation des produits de notre sol et de nos manufactures. Le navire qui vient de la Hollande, qu'emporte-t-il en retour ? Rien. Le navire qui vient de l'Angleterre, qu'emporte-t-il en retour ? Rien.

Messieurs, le navire qui vient des colonies, qui vous a apporté du café, du coton, du sucre, il faut qu'il prenne un chargement en retour et ce chargement il doit le trouver dans le port de débarquement.

C'est donc la Belgique tout entière qui a le plus grand intérêt à la prospérité du port d'Anvers. Aussi j'adjure le gouvernement de fixer sa plus sérieuse attention sur ce point. Ne nous livrons pas à ces expériences fatales ; à ces expériences qui n'aboutissent qu'à des mécomptes. Vous en avez la preuve dans ce qui arrive à Anvers ; quand vous voyez que dans les dix premiers mois de cette année 18 millions de kilog. sont entrés par le cabotage de plus que dans la même période des années précédentes, vous ne devez pas vous demander si la décadence du port d'Anvers existe. Cette décadence est réelle, c'est à vous à y porter remède.

- La séance est levée à quatre heures et demie.