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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 15 décembre 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 235) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Van Spilbeek demande l'impression des Annales parlementaires en flamand. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Fossière, Tasset et autres membres du comité permanent de l'union médicale belge, demandent la révision de la loi du 1er mars 1818, sur l'exercice de l'art de guérir et prient la Chambre de donner aux médecins belges une part d'intervention dans la nomination des autorités qui seront chargées de protéger la dignité de leur profession et de défendre leurs intérêts. »

M. Muller. - Je demande que la Chambre veuille bien décider que cette pétition sera rangée parmi celles qui exigent un prompt rapport.

Cette pétition est adressée à la Chambre par le comité des délégués du congrès médical, qui a eu lieu cette année à Bruxelles.

Les pétitionnaires demandent qu'on s'occupe de la réforme des lois sur l'art de guérir. Ils joignent à leur requête un mémoire imprimé.

Déjà, en 1856, le discours du Trône avait annoncé un projet de loi révisant la législation sur l'art de guérir ; aujourd'hui qu'aucune suite n'y a encore été donnée, il y a urgence à ce que cette pétition soit l'objet d'un prompt rapport. C'est ce que j'ai l'honneur de solliciter de la bienveillance de la Chambre.

M. Lelièvre. - J'appuie la demande de l'honorable M. Muller. Cette demande est d'autant plus fondée, que depuis longtemps le gouvernement a promis de présenter un projet sur l'art de guérir. Moi-même j'ai souvent signalé, dans cette enceinte, la nécessité de réviser la législation existante, qui n'est plus en harmonie avec nos institutions. Il y a donc urgence à s'occuper de cette matière.

M. de Ruddere de Te Lokeren. - J'appuie également la demande d'un prompt rapport.

M. Manilius. - Je l'appuie aussi.

- La proposition de M. Muller est adoptée.


« M. le ministre des travaux publics demande que le crédit supplémentaire de 118,000 francs, demandé par son département, soit augmenté de 3,000 francs. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

Projet de loi réduisant de 50 p. c. la patente des bateliers

Rapport de la section centrale

M. Savart. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi tendant à réduire de 50 p. c. la patente des bateliers

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

M. Savart. - Messieurs, je demande qu'on mette à l'ordre du jour la discussion du projet de loi ayant pour but de réduire de moitié la patente des bateliers.

Il est désirable, que cette loi sorte ses effets avant l'époque ordinaire du renouvellement des patentes.

Il y a urgence de s'occuper du projet immédiatement après l'adoption du budget des voies et moyens.

Si nia demande est accueillie, la loi peut être votée par la Chambre et le Sénat, sanctionnée par le Roi et insérée au Moniteur dans le courant de la présente année.

Cette loi, d'ailleurs, ne paraît pas devoir donner ouverture à de longs et sérieux débats. C'est un appel à l'équité et à l'humanité de la Chambre. Pareils appels sont toujours par vous entendus.

- La proposition de M. Savart est adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. Manilius. - Messieurs, d'après la décision de la Chambre, nous nous rendrons demain en corps au Te Deum pour l'anniversaire de Sa Majesté.

Cet anniversaire éveille aujourd'hui dans tous les cœurs de vives sympathies. Il n'est pour ainsi dire pas une commune, pas une famille qui ne féte ce grand jour. Beaucoup de nous doivent même se rendre dans leur commune pour assister à cette fêle.

Je propose donc que demain la Chambre n'ait pas séance, attendu que ce jour est devenu au jour quasi férié pour le pays.

M. B. Dumortier. - Messieurs, demain la Chambre se rendra en corps au Te Deum, selon son usage ; mais nous avons beaucoup trop de travaux à notre ordre du jour, pour n'avoir pas demain une séance à deux heures. Le Te Deum a lieu à midi, de manière que nous pourrons très bien nous réunir à 2 heures. Remarquez que plusieurs projets de loi doivent être votés avant le 1er janvier ; d'abord le budget des voies et moyens, puis le budget des affaires étrangères, et puis le projet de loi sur lequel l'honorable M. Savart vient de présenter un rapport. Je pense que l'honorable M. Manilius n'insistera pas sur sa motion. Je propose à la Chambre de se réunir demain à 2 heures. {Assentiment.)

M. Manilius. - Puisque ma motion rencontre de l'opposition, je consens à la retirer ; mais je demande que la Chambre ne ferme pas la discussion sur l'article Postes dans la séance de demain. J'espère que M. le ministre des finances nous fera cette petite concession. Il y a un très grand nombre d'orateurs inscrits : je me trouve à la queue de cette liste. Je désire avoir mon tour de parole.

-La Chambre consultée décide qu'elle se réunira demain à 2 heures.

II est entendu qu'on ne fermera pas dans la séance de demain la discussion sur l'article Postes.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1859

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Postes

Trésor public

« Taxes des lettres et affranchissement »

La Chambre est arrivée à l'article Postes.

M. Vermeire. (par motion d'ordre). - Messieurs, dans la discussion qui va s'ouvrir, des opinions contraires se feront jour ; l'un qui veut la taxe uniforme à 10 centimes ; l'autre qui veut le maintien du régime actuel. Je demande que la Chambre entende successivement un orateur pour la taxe uniforme à 10 centimes et un orateur pour le maintien du statu quo.

M. Lebeau. - Messieurs, il est difficile de savoir comment on discutera, si on ne formule pas de proposition.

M. Orts. - Je vais simplifier la question ; je propose, d'accord avec mon honorable ami, M. Alph. Vandenpeereboom, l'amendement que voici :

« Je propose à la Chambre de réduire le chiffre de l'article Postes de 100,000 francs. »

Cet amendement a pour signification l'établissement de la taxe uniforme à 10 centimes.

- L'amendement est appuyé.

M. le président. - J'accorderai donc la parole alternativement à un orateur pour, sur et contre cet amendement. (Adhésion.)

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, en prenant la parole sur la question postale, je n'ai pas besoin de déclarer, encore une fois, que je viens tâcher de démontrer à la Chambre que l'éventualité, prévue par l'article 10 de la loi du 21 avril 1849 est complétement réalisée. Je m'efforcerai de prouver à l'assemblée que, dans la supposition que l'article 10 n'eût pas été inséré dans la loi, le moment serait opportun pour introduire dans la législation le complément de la réforme postale ; c'est-à-dire la réduction uniforme de la taxe des lettres à 10 centimes.

Messieurs, je regrette que le gouvernement ne soit pas d'accord, sur cette question, avec un grand nombre de membres de la majorité. Je le regrette, parce que je crois la mesure bonne en elle-même et qu'il m'est toujours agréable de voir poser, par mes amis, quand ils sont au ministère, des actes désirés par le pays.

Je le regrette encore, parce qu'au banc ministériel se trouvent des hommes qui ont toute notre sympathie, toute notre confiance ; des hommes à qui nous avons promis et à qui nous accordons le plus sincère et le plus loyal concours.

Or, il est désagréable de devoir se séparer, même sur des questions de détail, de ses meilleurs amis. Mais, messieurs, la conviction que j'ai de l'utilité de la taxe uniforme à dix centimes est si grande ; ma foi, à cet égard, est si robuste, que, dans cette circonstance, je dois faire taire mes sympathies pour mes amis qui sont au ministère.

Du reste, messieurs, ce dissentiment ne doit effrayer ni réjouir personne. Je ne me dissimule pas que, en dehors de cette enceinte, on en tirera peut-être des conséquences inexactes, et c'est pour prévenir les commentaires de ce genre, que je crois devoir déclarer que, quelle que soit l'issue de ce débat, l'union des membres de la majorité n'en sera en rien altérée.

Il est, messieurs, de l'essence du parti auquel j'ai l'honneur d'appartenir, de se diviser sur des questions de détail.

Comme l'a dit l'honorable M. B. Dumortier, nous sommes le parti du libre examen, nous aimons à discuter, quand nous ne sommes pas d'accord a priori.

Dans des circonstances toutes récentes, lorsque l'honorable M. Wanderpepen a quitté cette assemblée, l'honorable M. Rogier lui a reproché de ne pas avoir fait connaître ses vues, ses désirs.

Eh bien, nous ne voulons pas, dans les circonstances actuelles, encourir le même reproche : nous voulons faire connaître nos vues ; et nous attendons, avec confiance, de la décision de la Chambre et de 1'intervention du gouvernement, une solution.

L'honorable ministre de l'intérieur, dans la discussion de l'adresse, nous a fait un appel ; il a dit :

« Si quelques questions donnent lieu, en dehors de cette enceinte, (page 236) à des discussions plus ou moins vives, c'est à la majorité de juger si ces questions sont arrivées à un degré de maturité tel, qu'elles puissent se produire dans la Chambre. »

Eh bien, messieurs, nous pensons que la question de la réforme postale est arrivée à un degré de maturité tel, qu'elle peut parfaitement recevoir une solution immédiate.

Du reste, messieurs, je le répète, nos amis, comme nos adversaires politiques, ne doivent concevoir, les premiers aucune inquiétude, les autres aucune joie.

Il est bien entendu que, quel que soit le résultat de cette discussion, aucune division ne naîtra dans la majorité, qui, sur des questions de principe, restera toujours unie.

Du reste, messieurs, il me semble que les événements ont prouvé que ce ne sont pas toujours les membres de la Chambre qui appuient avec le plus de jactance et d'ostentation un cabinet lorsqu'il est fort, que ce ne sont pas précisément ceux-là qui tiennent bon et qui soutiennent leur parti, lorsque l'édifice ministériel commence à chanceler et qu'il est à la veille de tomber en ruine.

Si l'on rapprochait certains appels nominaux qui ont été faits en 1849, 1850 et 1851, d'autres qui ont été faits en 1856 et 1857, on trouverait dans la confrontation la preuve évidente de ce que je viens d'avoir l'honneur d'avancer. Il faut espérer que ce qui a eu lieu, dans le passé, ne se présentera plus dans l’avenir.

Maintenant, quoique un peu lentement, j'arrive à la réforme postale.

Messieurs, le gouvernement a transmis à la section centrale une note, contenant des renseignements statistiques et autres sur la poste. Ce travail, fait avec soin et j'ajouterai avec beaucoup d’habileté et d'adresse, prouve que celui qui s'en est occupé a une connaissance approfondie de tout ce qui concerne les questions postales.

Je dois déclarer aussi que cette note, faite avec beaucoup d'habileté, ne pourra être que d'une utilité extrêmement secondaire dans la discussion actuelle ; elle ne pourra guère servir à jeter du jour sur la question ; voici pourquoi.

La note pèche par sa base ; elle prend des points de départ qui ne sont pas ceux qu'on aurait dû prendre. Ainsi, l'auteur de la note raisonné toujours sur le produit net des lettres seules. Tel n'est pas l'esprit de l’article 10. de la loi de 1849. Ensuite, en ne prenant que l'article lettres, on ne calcule que d'après une base hypothétique.

Il est difficile d'obtenir une statistique exacte du nombre des lettres. Voici comment se fait la statistique officielle ; vous jugerez si des calculs, basés sur de pareils éléments, peuvent inspirer de la confiance.

Il est impossible de compter, tous les jours, toutes les lettres dans tous les bureaux de postes. A un jour donné, on transmet l'ordre de compter toutes les lettres à 10 et à 20 cent, dans tous les bureaux de postes.

On fait cette opération pendant une semaine ; on multiplie le nombre obtenu par 52, et l'on dit : Voilà le nombre des lettres reçues. Une statistique, ainsi faite, ne peut pas être exacte ; les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Ainsi, il y a des jours où l'on reçoit beaucoup de lettres, et d'autres où l'ou en reçoit peu.

Par exemple, si Ion comptait les lettres reçues dans une des semaines qui précèdent ou suivent la nouvelle année, et qu'on multipliât par 52, on aurait un résultat exagéré. Ensuite, ces lettres sont, peut-être, comptées, sans qu'on prenne garde à l’importance que l'on peut attacher à une telle opération. Ainsi, la base n'est pas assez exacte pour pouvoir servir de point de départ à des calculs sérieux.

La note pèche encore par un autre côté ; elle prend pour point de départ les résultats de l'exercice 1858 ; or, cet exercice n'est pas clos ; au lieu de résultats définitifs, on ne peut donner que des résultats hypothétiques.

Voici comment on a procédé ; on a fait des calculs pour dix mois et 1 on y a ajouté un sixième ; mais le produit des deux derniers mois est plus considérable que le produit moyen des autres mois de l'année.

Et en effet, comme je viens de vous le dire, c'est ordinairement durant les derniers mois qu'on a le plus grand nombre de lettres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous l'avez demandé.

M. A. Vandenpeereboom. - Oui, mais on pouvait ne pas établir les calculs définitifs sur les résultats encore incomplets de l'année 1858. J’aurais préféré qu'on se basât sur les résultats de 1857, qui sont complétement connus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Rien de plus simple.

M. A. Vandenpeereboom. - Soit, mais je sais bien pourquoi on a pris l'exercice 1858 : comme on n'a pas de résultats définitifs pour cet exercice, on pouvait se livrer à toutes les hypothèses, et c'est ainsi que, comparant l’exercice 1858 à l'exercice 1S57, on arrive à constater pour 1858 une diminution d'environ 500 000 francs.

Or, cela est absolument impossible. L'accroissement du produit de la poste est constant depuis 6 ou 7 ans ; le produit postal s est annuellement accru depuis lors, de 250,000 à 270,000 fr. ; comment donc serait-il possible qu'en 1858 ce produit non seulement ne se fût pas accru dans la même proportion, mais eût diminué de 500 et quelques mille francs, c’est-à-dire qu'il y eût un écart de 550,000 à 600,000 fr. entre le produit de 1857 et celui de 1858 ? Cela est d'autant moins possible, qu'il résulte des renseignements mêmes fournis par M. le ministre des finances, que, durant l'exercice 1858, on a vendu pour 2,739,000 francs de timbres-poste, tandis qu'en 1857, on n'en a vendu que pour 2,479,000 francs ; soit, en 1858, une augmentation de 240,000 francs.

Or, comment concevoir, avec une pareille augmentation, qu'on arrive, comme résultat final, à une diminution de recettes de 300,000 fr. ? Des explications sur ce point me paraissent indispensables.

Une autre cause pour laquelle on arrive à constater un déficit sur l'exercice 1858, réside dans le décompte avec les offices étrangers. En 1857, le résultat de ce décompte se résumait en un boni de 201,000 fr. pour la Belgique ; pour 1858, d'après les renseignements qu'on nous a fournis, ce boni ne serait que de 67,000 francs.

Je ne comprends pas cette diminution ; c'est donc encore un point sur lequel une explication est nécessaire. D'où provient cette énorme différence ? Y a-t-il erreur de calcul, ou bien aurait-on par hasard négligé de porter en compte les lettres transitant par la Belgique, ou bien, encore, aurait-on fait, avec d'autres puissances, pendant que nous discutons ici la réforme postale, quelque petite convention qui pourrait expliquer cette diminution de recette ? Un éclaircissement, à cet égard, est donc encore indispensable.

Ainsi, messieurs, la note qui nous a été fournie me paraît pécher par sa base ; d'une part, parce qu'on ne tient compte que du produit des lettres ; et, d'autre part, parce qu'on raisonne sur les résultats encore incomplets de 1858, au lieu de prendre les résultats de l'exercice 1857.

Il est à remarquer, aussi, que tous les ans, depuis 6 ou 7 ans, les prévisions du produit des postes sont dépassées ; et que, chaque fois que cette question a été agitée, nous avons toujours raisonné sur des résultats connus et non pas sur des prévisions. C'est pourquoi, je raisonnerai, moi, d'après les résultats de 1857.

Messieurs, il n'est pas nécessaire, je pense, de faire encore l'historique de l'article 10 de la loi du 22 avril 1849. Vous savez tous comment cet article a été introduit dans la loi. La section centrale de la Chambre, modifiant le premier projet du gouvernement, avait adopté le système des zones qui est maintenant en vigueur. Mais une opposition considérable se manifesta, dans les Chambres, contre ce principe ; et un amendement présenté par MM. Orts et Loos, portant la taxe uniforme à 10 centimes, fut admis. En présence de ce vote, le gouvernement qui avait combattu la taxe uniforme s'y rallia ; et il le fit, je dois le déclarer très franchement, parce que le cabinet désirait alors éviter toute scission au sein de la majorité. Lorsque l'amendement fut mis aux voix, MM. Rogier, Rolin et d'Hoffschmidt y donnèrent leur assentiment.

Le principe de l'article 10 de la loi n'est pas une idée nouvelle. Cette idée date de très longtemps. En 1846, si je ne me trompe, ou en 1847, un projet de réforme postale très incomplet fut présenté par l'honorable M. de Bavay. Ce projet établissait un certain nombre de zones. Ainsi, les lettres transportées à plus de 30 kilomètres, mais à moins de 60, par exemple, payaient moins que celles transportées à la distance de 60 à 100 kilomètres. Mais alors déjà ce projet (je ne sais s'il a eu la sanction de la Chambre) décidait que les zones les plus éloignées disparaîtraient à mesure que les produits atteindraient ceux qui étaient alors réalisés. C'est ainsi qu'on trouve, dans ce projet, l'idée mère de l'article 10 de la loi du 21 avril.

Le cabinet du 12 août a pris, en matière postale comme en beaucoup d'autres, une glorieuse et belle initiative : car c'est à l'honorable M. Rogier que nous devons l'idée première de la réforme postale ; c'est à l'honorable M. Frère que nous devons d'avoir le premier traduit en fait cette idée, si utile au pays ; l'honorable M. d'Hoffschmidt y a pris également part pendant son passage au ministère des travaux publics. Le cabinet du 12 août lui-même n'a pas considéré comme définitif le projet de réforme que présentait alors l'honorable M. Frère. Dans l'exposé des motifs du projet de loi du 27 avril 1858, l'honorable M. Frère faisait entendre que c'était une première réforme ; et il disait que si elle réussissait, rien n'empêcherait d'aller plus loin, lorsque la situation du trésor serait meilleure.

Or, l'honorable M. Frère disait cela en 1848 ; nous sommes en 1858 ; nous examinerons tantôt si la situation financière de 1858 n'est pas meilleure que celle de 1848.

Mais pourquoi, dira-t-on, avoir fixé le produit net à 2 millions ? Est-ce un chiffre arbitraire ? Non. Mais quel est le motif qui l'a fait adopter ? Eh bien, le chiffre de 2 millions a été adopté, parce qu'il était la moyenne du produit net des deux exercices antérieurs à 1849. On ne pouvait prendre pour base l'exercice 1848 ; c'était une année néfaste, l'année de la révolution, pendant laquelle toutes les recettes avaient baissé. L'année 1847 était, au contraire, une année prospère. On a pris la moyenne de ces deux années, et cette moyenne a donné le chiffre de 2 millions. . L'amendement de la Chambre ne fut pas admis par le Sénat. Et pourquoi ne le fut-il pas ? Est-ce parce que le Sénat repoussait le principe de cet amendement ? Evidemment non. Un seul motif, cela résulte de toute la discussion, a alors déterminé le Sénat, ce sont les circonstances au milieu desquelles on se trouvait. C'était en 1849. La situation financière avait effrayé le Sénat, il craignait de l'empirer encore. Voici, en effet, comment s'exprimait l'honorable rapporteur du Sénat :

« Si nous jetons les yeux sur la situation tout à fait anomale que (page 237) nous ont faite les événements de 1848, un emprunt forcé dont nous aurons bientôt la première année à servir, une émission de billets de banque dont l'inconvertibilité ne saurait être permanente, des ressources comparativement satisfaisantes ; si nous jetons les yeux sur les pays dont les populations ont montré moins de sagesse que les nôtres, mais qui ne sont pas tellement abondantes qu'elles puissent nous engager à des prodigalités... pouvons-nous, sans nous écarter de cette prudence, de cette sagesse que nous devons toujours prendre pour guide, tenter une expérience dont les résultats immédiats seraient probablement plus onéreux qu'on ne l'a calculé et dont les compensations, dans un avenir plus ou moins éloigne, seraient au moins hypothétiques ?

« La majorité de votre commission, tout en appréciant les avantages moraux et matériels de la réforme proposée, a pensé qu'il fallait en tous cas en remettre l'exécution à des temps meilleurs. Envisageant la question sous le point de vue financier, elle a reconnu tout ce qu'elle a de dangereux pour le présent et d'incertain pour l'avenir. Quant à l'inopportunité, elle a été prononcée unanimement. »

Ainsi, messieurs, vous le voyez, la question financière seule semble avoir arrêté le Sénat. Je pense que nous ne sommes nullement dans les mêmes circonstances qu'en 1849 ; nous pourrons le démontrer tantôt.

Messieurs, la question de savoir si l'article 10 de la loi du 22 avril 1849 constitue un engagement pour le cabinet soit vis-à-vis de la Chambre, soit vis-à-vis du pays, soit vis-à-vis du commerce et de l'industrie, est une question qui mérite d'être examinée.

D'après nous, cet engagement est incontestable. Il est incontestable, parce qu'il résulte de tous les faits de la discussion.

Il suffit de voir ce qui s'est passé au Sénat, de relire les déclarations de l'honorable M. Rolin, alors ministre des travaux publics, pour être convaincu que le cabinet a fait alors une promesse formelle au pays et notamment au commerce et à l'industrie. Voici, entre autres, ce que disait l'honorable M. Rolin au Sénat :

» Messieurs, vous vous trouvez dans cette alternative, ou d'ajourner toute mesure de réforme, ou bien de donner, dès à présent, au commerce une satisfaction partielle, avec la garantie qu'une satisfaction plus complète lui sera donnée, dans un avenir prochain. »

Ainsi, le gouvernement a garanti au commerce une réduction nouvelle de la taxe, dans un avenir prochain. Il me semble qu'en présence de ces expressions si formelles, il n'est pas possible de nier qu'il y ait eu engagement.

Mais, vis-à-vis du commerce, l'engagement est bien plus formel encore. Personne n'a oublié que lorsqu'on présenta la première loi de réforme, on proposa en même temps un nouveau projet de loi sur les timbres de commerce et sur les lettres de voiture ; et l'honorable M. Veydt, alors ministre des finances déclara que comme le commerce profitait de la réforme postale, il devait également supporter une augmentation sur les timbres de commerce. Et, comme on trouvait que la compensation postale n'était pas suffisante, on disait, dans cette Chambre, que la compensation serait plus grande, lorsque la taxe serait réduite à 10 centimes.

C'est dans ces termes que se présente la question. Or, il me semble qu'en présence de ces antécédents, il n'est pas possible de nier qu'il y ait eu engagement, et engagement formel.

Par qui était pris cet engagement ? Par l'honorable M. Rolin, et l'honorable M. Rolin faisait partie d'un cabinet don plusieurs des membres sont encore aux affaires. Le cabinet d'aujourd'hui n’est en quelque sorte que le continuateur de la politique du 12 août 1847, et je pense que les engagements pris alors, en son nom, doivent être plus que jamais gardés et conservés aujourd'hui.

La question soulevée, messieurs, donne lieu à quelques difficultés encore ; car il faut s'entendre sur les bases mêmes des calculs, si l'on veut arriver à un résultat.

Quelles sont les bases adoptées, pour calculer si le produit net s'élève à deux millions, oui ou non ? D'après le gouvernement (note annexée au budget), il ne faut tenir compte que du produit des lettres. Eh bien, messieurs, je ne puis admettre eu aucune façon cette manière de calculer. Je crois qu'elle est tout à fait erronée. Elle est, d'abord, contraire au texte même de la loi : l'article 10 ne dit pas que la taxe sera réduite à dix centimes, lorsque le produit des lettres aura atteint 2 millions, mais il dit que la réduction sera faite, lorsque le produit de la poste aura atteint 2 millions.

Il est vrai que, dans la note, on invoque deux passages du discours de M. Rolin, l'une, page 231 du Moniteur, l'autre, page 73, et qu'on les réunit, de manière qu'à la première vue on dirait qu'elles ne forment qu'un tout. Voici, messieurs, ces passages :

« Ce n'est que par un nouvel accroissement du nombre des lettres que le revenu net de deux millions doit être atteint ; l'on ne peut obtenir les deux millions que pour autant que les espérances que l'on conçoit de la réforme se réalisent. Or, si elles se réalisent, il sera démontré que le nouvel abaissement de la taxe donnera une nouvelle augmentation de correspondance. Il y a là, ajoutait-il, de quoi calmer toutes les inquiétudes. »

Eh bien, messieurs, que sont ces observations ? Ce sont des arguments qu'invoque M. Rolin pour convaincre ses adversaires ; mais, à moins de supposer que l'honorable M. Rolin ne dise, en même temps, blanc et noir, il faut bien avouer que la pensée de l'honorable ministre des travaux publics n'est nullement ce que suppose la note.

Au Sénat, on s'était préoccupé de la question de savoir comment on devrait calculer le produit net ; et l'honorable ministre des travaux publics, non plus en répondant à des adversaires, mais prenant la parole comme représentant du cabinet, l'honorable M. Rolin fit la déclaration suivante, sur laquelle j'appelle toute l'attention de la Chambre :

« En posant comme condition d'une réforme complète un revenu net de 2 millions, nous admettons que la base du calcul sera la même qu'aujourd'hui, c'est-à-dire d'après le tableau que j'ai sous les yeux, en composant le revenu brut des recettes opérées par les bureaux de poste du royaume, déduction faite des non-valeurs et des remboursements effectués par les offices étrangers et en composant les dépenses des remboursements effectués aux offices étrangers et des sommes allouées à l'administration des postes. »

Ainsi la recette brute de la poste, d'après l'honorable M. Rolin, doit être établie de cette manière : il faut additionner les sommes payées par les offices étrangers et les produits de tous les bureaux de poste du royaume. Il ne s'agit pas là de lettres, il s'agit de toutes les recettes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - M. Rolin a dit le contraire.

M. A. Vandenpeereboom. - J'espère que M. le ministre voudra bien me le démontrer.

Ainsi, messieurs, la recette se compose de tous les produits des bureaux de poste et des produits des offices étrangers et, pour avoir le produit net, il faut déduire les dépenses des offices étrangers et les dépenses portées au budget pour le service de la poste dans l'intérieur du royaume.

C'est ainsi que la chose a toujours été entendue, et il est impossible de l'entendre autrement.

L'honorable M. Rolin, voulant porter la conviction dans l'esprit de tous les sénateurs, ajoute :

« Un seul doute' pourrait s'élever, c'est de savoir s'il ne faudrait pas ajouter au chiffre de la dépense une partie des frais afférents à l'administration centrale. Mais c'est peu de chose, le revenu net n'en pourrait être sensiblement affecté, et de même que cet élément n'a pas été porté en ligne de compte dans le passé, il ne le sera pas dans l'avenir. »

Ainsi donc, par cette explication supplémentaire, l'honorable M. Rolin faisait voir très clairement quelle était sa pensée sur les dépenses dont il fallait tenir compte pour établir le revenu net.

En effet, messieurs, si l’on raisonnait autrement, si l'on raisonnait comme le fait la note, il me semble que nous arriverions à des résultats qui ne seraient pas sérieux, qui ne peuvent pas l'être. L'honorable M. Prévinaire, dans une précédente séance, a répondu à l'une des démonstrations tentées par la note, et l'honorable ministre des finances a demandé pourquoi il ne répondait pas aux autres ; je vais les examiner successivement.

La première est celle-ci :

Le revenu net des lettres est de 3,792,000 fr.

La dépense s'élève à 2,215,000 fr.

Le revenu net est donc de 1,577,000 fr.

Messieurs, je ferai observer d'abord qu'il ne s'agit pas de la recette des lettres seules, ni encore moins de la recette des lettres de 1858, qui n'est pas encore connue ; mais si vous ne portez en recette que le produit des lettres, est-il juste de porter en dépense toute la dépense postale ?

Lorsque nous avons ce produit, on en défalque toutes les dépenses de la poste, comme si cette administration n'avait pas autre chose à faire qu'à transporter des lettres. Si je demandais au département des travaux publics : « Veuillez me dire combien rapporte le transport des marchandises sur le chemin de fer, » et si on me répondait ; « Ce transport rapporte 15 millions ; mais l'exploitation en coûte 2 ; il ne reste donc que 2 millions pour les marchandises, » je dirais : Cela n'est pas juste ; vous oubliez de porter en compte le produit des voyageurs sur le chemin de fer.

Si vous ne voulez calculer que le produit des lettres seules, vous ne devez porter que la dépense afférente aux lettres.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous confondez.

M. A. Vandenpeereboom. - Je dis que, si l'on ne porte en recette qu'une partie du revenu postal, il est juste de ne porter en dépense que la partie correspondante de la dépense postale. Or, si vous faites cela, voici à quel résultat vous arriverez.

Nous avons 31 millions de journaux, imprimés et lettres de service, et 20 millions de lettres particulières ; de sorte que les journaux, etc., sont dans la proportion des 3/5, les lettres dans celle de 2/5.

Il faut donc prendre les 3/5 des dépenses. Je suis ainsi extrêmement généreux, car le transport des journaux est beaucoup plus coûteux que celui des lettres. Je consens donc à prendre les 3/5 de la dépense totale qui doivent être employés au transport des journaux, etc.

Si j’applique ce calcul à celui que M. le ministre des finances vous a présenté, je trouve que la dépense totale de la poste étant de 2,215,000 francs, les deux cinquièmes de la dépense ne sont que 886,000 fr., et qu'il reste un revenu net de 2,906,000, soit 906,000 de plus que 2 millions.

Si le gouvernement veut prendre cette manière de calculer, nous serons parfaitement d'accord. Voilà donc une première démonstration ; quant à la seconde (page 238) démonstration, il peut être inutile de la réfuter ; car, ici encore, on défalque toute la dépense faite pour le service postal, et cela n'est pas exact, je l'ai démontré.

Si on voulait raisonner conformément à la déclaration de l'honorable M. Rolin, et en prenant les chiffres de 1 57 dans leur ensemble, voici où nous arrivons : d'après les documents fournis par le département des travaux publics, la poste a rapporté, en 1857, la somme de 4,833,000 fr. Si j'en retranche la valeur des timbres en circulation, je trouve une recette de 4,833,000 fr. En 1847, les produits bruts de la poste étaient de 3,764,000, de sorte qu'il y a de 1847 à 1858 une augmentation de 933,000 francs.

Maintenant je prends le chiffre des dépenses de 1858.

Je trouve que nous avons eu pendant les dix années une augmentation de dépenses de fr. 764,000 et une augmentation de recettes de 933,000fr., soit donc une différence entre l’augmentation des recettes sur celle des dépenses de 169,000 fr.

Reste maintenant la troisième opération qui porte sur les produits généraux. Ici nous sommes jusqu'à un certain point d'accord, mais je prends l'exercice 1857, ce qui est plus certain, et je dis avec l'auteur de la note : Les produits de la poste, y compris les timbres-poste, a été de fr. 4, 833,000 ; la dépense a été de 2,215,000 ; de sorte qu'il y a un excédant de fr. 618,000.

Voulez-vous en déduire les timbres-poste ? Soit ! C'est 126,000 francs ; de quelque manière que vous vous retourniez, vous arriverez toujours à un résultat autre que celui qui a été indiqué par M. le ministre des finances, et à un excédant net de plus de 2 millions. Il est vrai qu'on porte en compte les frais de l'administration centrale ; mais je viens de vous donner lecture de la déclaration de l'honorable M. Rolin, qui est formelle à cet égard ; il a dit : « Nous ne porterons pas en compte les dépenses de l'administration centrale. »

Or, l'honorable M. Rolin, faisant cette déclaration au nom du gouvernement, a une grande autorité. Nous devons nous y tenir. Le ministre des travaux publics de 1858 ne peut pas donner un démenti au ministre des travaux publics de 1849.

On fait encore mention de la traction et de l'entretien des bureaux ambulants. Lorsque M. Rolin faisait sa déclaration, il ne parlait, en aucune façon, ni des bureaux ambulants, ni des services rendus par le chemin de fer à la poste.

En effet, le gouvernement fait ce service, et il le fait gratuitement. Cette idée a toujours prévalu ; l'honorable M. Frère l'a déclaré lui-même. Voici en effet ce qu'il disait dans l'exposé des motifs du projet de loi présenté en 1848 :

« Au point de vue des dépenses, il est hors de doute que si d'une part la réforme doit avoir pour résultat d'augmenter les frais de distribution, l'administration jouit, par contre, de l'avantage de pouvoir effectuer le transport gratuit de ses dépêches sur le chemin de for et se trouve, sous ce rapport, dans des conditions plus favorables que le post-office anglais.»

Ainsi de l'aveu même de M. le ministre actuel des travaux publics, on ne doit pas porter en compte les services rendus par le chemin de fer à la poste.

Si l'on voulait tenir compte des services rendus à la poste par le chemin de fer, ou tomberait dans un dédale de difficultés.

Maintenant, je demande à la Chambre la permission de lui soumettre les calculs que j'ai faits, en prenant pour base la déclaration faite par M. Rolin. Les chiffres sont extraits des tableaux statistiques qui ont été publiés dernièrement par le département des travaux publics.

Les recettes brutes de 1857 se sont élevées à 4,853,000 fr. ;Ia dépense faite pour le service de l'administration des postes (traitements, salaires, transport des dépêches, matériel, ofliees étrangers), s'est élevée à 2,257,000 francs.

Si je déduis 2,257,000 de 4,800,000 fr., je trouve un excédant de 2,576,000 francs. Ce calcul est conforme aux données qui ont servi de base à l'article 10 de la loi du 2 avril 1849. Je pourrais même encore contester certaines dépenses ; je pourrais les contester avec raison. Ainsi les postes et le chemin de fer se trouvent sous la même administration ; il est difficile qu'il n'y ait pas confusion, pour le payement, entre les fonctionnaires qui desservent les deux services ; il peut se faire qu'un inspecteur ou contrôleur qui inspecte et contrôle la comptabilité du chemin de fer et de la poste, reçoive son traitement entier sur l'article Postes ; que les chefs de station, qui sont en même temps directeurs de poste, reçoivent une partie de leur traitement sur la poste ; comme dans les grandes stations, ils doivent consacrer tout leur temps au service du chemin de fer, on doit leur donner un aide, un premier commis ou un chef de bureau, payé sur le service de la poste, on augmente aussi les dépenses de la poste. Je n'ai pas de données exactes sur ce point, mais j'irai me renseigner à la cour des comptes.

Les dépenses de l'administration des postes sont, dit-on, considérables ; cela se conçoit, la Chambre a voulu qu'on améliorât la position de tous les employés et des facteurs ruraux ; cela a contribué considérablement à l'augmentation des dépenses postales.

Dans le calcul que je viens de faire, je n'ai pas déduit les timbres-poste vendus, mais non annulés. Je demande pourquoi nous devons déduire ces timbres-poste. Quand le gouvernement débite du papier timbre, il en porte le produit dans ses recettes ; il ne va pas voir si les notaires et les huissiers en ont encore dans leurs études ; ce qu'on fait pour le papier timbré, on peut le faire pour les timbres-poste. Il est impossible d'admettre d'ailleurs qu'il -y ait en circulation dans le pays pour un million de timbres-poste, cela n'est pas possible.

Du reste, on peut soutenir que cela est ; mais, je soutiens que cela n'est pas ; la preuve, c'est qu'ils deviennent des raretés.

M. Orts. - Il y a des primes ; on collationne, comme pour la numismatique.

M. A. Vandenpeereboom. - Alors même qu'on défalque les timbres encore en circulation, il restera 2,441,000 francs net, c'est-à-dire, 441,000 francs de plus que la somme fixée par l'article 10 de la loi du 22 avril 1849.

Au reste, nous discutons, en ce moment, le budget des voies et moyens pour 1859, on y porte à 4,800,000 fr. le produit de la poste ; vous savez, messieurs, qu'il y a progrès constant ; ce chiffre ayant été atteint en 1857, il faudrait donc majorer les prévisions de 1859 ; mais j'admets ce chiffre. Par une heureuse circonstance, nous avons voté le budget des travaux publics pour le même exercice 1859, nous avons arrêté ainsi les dépenses probables pour cet exercice.

Or, combien avons-nous porté pour les dépenses de la poste ? Nous avons évalué toutes les dépenses nécessaires au service de la poste à la somme de 2,341,000 francs, la recette est évaluée à 4,800,000 francs ; il restera donc 459,000 francs de plus que le revenu net de deux millions, à moins qu'on n'introduise des modifications nouvelles au budget des travaux publics ou que nos présomptions de recettes ne soient trop élevées, ce qui est impossible, et je le répète, d'après moi, elles sont beaucoup au-dessous de la réalité probable.

Je crois avoir démontré pleinement que les éventualités prévues par la loi du 22 avril sont réalisées. Elles le sont depuis plusieurs années, j'ai suivi depuis 1849 les faits et j'ai la conviction que l'éventualité prévue est réalisée déjà depuis 1854 ; depuis lors le trésor a perçu en moyenne de 250 mille à 400 mille francs au-delà des 2 millions prévus et la somme totale de ces excédants est de 1,410,000 francs.

II nie semble qu'en présence de ces résultats on doit reconnaître que le moment est venu d'exécuter l'engagement qui a été pris en 1849.

On me dira peut-être que le gouvernement n'est pas obligé de réduire à 10 centimes la taxe des lettres de et pour le pays, bien que la recette nette de 2 millions soit réalisée depuis 1854. On tirera probablement argument de ce qui s'est passé au Sénat, lors du vote de la loi ; on dira : L'amendement primitif était impératif ; il portait : La taxe sera réduite à 10 centimes. Le Sénat ne l'a pas admis et l'a sous-amendé en y substituant la forme facultative : « Le gouvernement est autorisé, etc. »

Pourquoi, messieurs, en a-t-on agi ainsi ? Parce que le mouvement politique qui se manifestait tant à l'intérieur qu'à l'extérieur n'était pas très rassurant, parce que notre situation financière n'était pas brillante, parce que l'on ne pouvait pas prévoir quelle serait la durée du mouvement révolutionnaire qui venait d'éclater en France ; c'est pour ces motifs seulement que le Sénat a déclaré que le gouvernement ne serait pas impérieusement tenu, mais qu'il pourrait opérer la réduction de la taxe des lettres à 10 centimes. M. Rolin a pris encore la parole, en cette circonstance. Sa déclaration confirme ce que je viens d'avancer.

« Mais, demande-t-on, disait l'honorable ministre, cette réforme sera-t-elle introduite quelles que soient les circonstances extraordinaires dans lesquelles nous pourrons nous trouver ?

« Non certes, messieurs, vous n'êtes pas irrévocablement liés ; c'est une promesse faite au pays... Pourquoi le gouvernement et les Chambres ne pourraient-ils, dans des circonstances extraordinaires telles qu'on le suppose, suspendre l'introduction d'une réforme plus complète ? »

Vous voyez donc, messieurs, que l'honorable ministre explique lui-même pourquoi on a substitué la forme facultative à la forme impérative ; il déclare que dans des circonstances extraordinaires, défavorables, on pourra suspendre l'exécution des promesses faites au pays. Mais entre suspendre l'exécution et dire qu'on ne doit pas exécuter, il y a une différence immense.

Or sommes-nous dans les circonstances que prévoit le ministre, dans des circonstances extraordinaires, défavorables ? Y a-t-il quelques nuages à l'horizon, sommes-nous menacés de quelque événement grave ? la situation du trésor est-elle mauvaise, sommes-nous menacés de devoir faire des emprunts forcés ?

Evidemment non. En voulez-vous la preuve ? Je la trouve dans le discours même de la Couronne.

On y lit : « Je me félicite de me retrouver au sein de la représentation nationale dans des circonstances toutes favorables à notre pays, au double point de vue de sa situation intérieure et de ses relations avec les pays étrangers. »

Et plus loin : « Le progrès de la richesse publique exerce une influence sur la situation du trésor ; les recettes ordinaires présentent, relativement aux dépenses, un excédant qui a servi à réduire la dette flottante. »

Vous le voyez, messieurs, nous n'avons aucun événement fâcheux à craindre ; notre situation extérieure est bonne ; la situation intérieure est excellente et jamais, je crois, la situation financière n'a été meilleure que dans ce moment.

J'en félicite sincèrement le gouvernement et j'en félicite aussi (page 239) l'ancienne majorité qui, comme l'a très bien dit hier l'honorable M. Thiéfry, n'a pas craint de s'exposer à l'impopularité pour rétablir l'équilibre entre nos recettes et nos dépenses. Mais puisque notre situation financière est si favorable, pourquoi ne pas en profiter ?

Personne ne conteste que cette position ne soit excellente. Dernièrement, à la fin de la session précédente, un projet de loi dont a parlé l'honorable M. Thiéfry a été présenté ; il avait pour objet l'exécution de grands travaux d'utilité publique.

D'après ce projet, le gouvernement aurait dû pouvoir disposer pendant 5 ou G ans d'une somme annuelle de 4 à 5 millions. Or, si la si (nation financière est telle, qu'elle permettait de pourvoir à une dépense considérable extraordinaire pendant 5 à 6 ans, pourquoi, puisque cette dépense est au moins ajournée, ne pas consacrer un minime partie des ressources que le gouvernement tient en réserve, à l'introduction d'une réforme qui, de l'aveu de tout le monde, serait extrêmement utile ?

Messieurs, en dehors même de ces antécédents, je crois que le complément de la réforme postale est très désirable.

Jusqu'ici, en effet, nul ne l'a contesté. Au Sénat, la situation financière du moment a seule empêché l'introduction immédiate de la réforme complète, et fait ajourner le vote de l'amendement de la Chambre. Voici comment s'exprimait sur la réforme à 10 centimes l'honorable M. Cogels, rapporteur de la commission.

« L'utilité de la réforme postale est assez généralement admise, les revenus de la poste aux lettres sont alimentés pour la plus forte partie par le commerce et l'industrie. C'est le commerce de détail avec les petites villes et les bourgs de l'intérieur sur lequel cette charge pèse le plus lourdement, car c'est en raison de la multiplicité et de la modicité des transactions que le port de lettre devient proportionnellement le plus onéreux.

« Réduire la taxe actuelle serait un puissant encouragement à l'activité des transactions commerciales et industrielles, et ce n'est pas sous le point de vue matériel seulement que la majorité de votre commission a compris les bienfaits de cette mesure. Mettre le service de la poste à la portée des plus petites fortunes, c'est contribuer à entretenir les liens de famille et à répandre dans toute la société cette faculté de s'exprimer par écrit, qui a encore de si grands progrès à faire parmi les classes inférieures. La réduction proposée renferme donc tout à la fois un intérêt matériel et un intérêt moral, c'est ce que votre commission a su fort bien apprécier, mais la situation actuelle de nos finances permet-elle un semblable sacrifice ? »

Au Sénat donc, les adversaires mêmes de la réforme en comprenaient parfaitement l'utilité, et il résulte de leurs déclarations que la situation financière était l'unique obstacle qu'ils trouvaient à la réalisation immédiate de ce que nous demandons aujourd'hui.

Si je recherche l'opinion des ministères sur la question, je trouve qu'aucun d'eux n’a nié jusqu'à présent l'utilité de la réforme. L'honorable M. Rolin déclarait très catégoriquement que la reforme à 10 centimes était complétement dans les principes du cabinet de 1847. Cette déclaration est consignée au Moniteur. Plus tard, l'honorable M. Partoes, dont nous regrettons tous si vivement la perte prématurée, nous déclarait que le cabinet était, en principe, partisan de la réduction à 10 centimes ; il objectait seulement, comme toujours, la question d'opportunité, la situation financière, etc.

La taxe uniforme à 10 centimes a eu et a encore dans cette Chambre un grand nombre de partisans, et veuillez bien le croire, la majorité qui l'a votée n'était pas composée en général d'utopistes, de novateurs ou de réformateurs exagérés.

Des membres qui ont voté cette réforme en 1849, 24 siègent encore dans cette Chambre et parmi ces 24 hardis novateurs il y en a 5 qui ont été ou qui sont encore ministres.

La majorité n'était donc nullement antigouvernementale, c'est encore dans cette majorité qui a voté la loi que je trouve tous les présidents de la Chambre depuis 1849 et 4 ou 5 de nos vice-présidents passés ou présents.

On ne dira certes pas des honorables MM. Henri de Brouckere et Vilain XIII que ce sont des hommes anti-gouvernementaux, capables de se laisser entraîner à un mouvement irréfléchi. Tout le monde reconnaîtra, au contraire, que ce n'est qu'après y avoir mûrement réfléchi qu'ils ont donné leur assentiment à l'application de la taxe uniforme à 10 centimes.

J'ai dit que l'amendement de MM. Orts et Loos ayant été appuyé, le cabinet, dans une pensée de conciliation avec la majorité, ce qui était très louable et ce que je voudrais voir encore aujourd'hui, se rallia à cet amendement. Celui-ci fut adopté à la majorité de 52 voix contre 17, et parmi ces 52 voix, je trouve notamment celles des honorables MM. Rogier, d'Hoffschmidt, Rolin, etc. L'honorable M. Frère était absent. Peut-on dire, après cela, que ce que nous demandons soit quelque chose d'extraordinaire ou de dangereux ? Notre honorable et regretté collègue, M. Delfosse, qui était si soucieux des intérêts du trésor, si parcimonieux même, n'hésita pas, en présence du bien qui devait en résulter, n'hésita pas, dis-je, à se rallier à l'amendement.

Je crois donc, messieurs, avoir suffisamment prouvé que la réforme postale a toujours pu pour partisans les hommes les plus sérieux, les plus graves, que ces hommes ne l'eussent certainement pas appuyée si elle pouvait être considérée comme une utopie.

Maintenant que peut-on nous objecter ? L'opportunité ; la situation financière ? Mais, n'ai-je plus démontré que jamais notre situation financière n'a été meilleure et que le moment n'a jamais été plus opportun qu'aujourd'hui pour compléter la réforme ?

Et en effet, le projet de loi des travaux publics n'ayant pas été voté, pourquoi ne pourrait-on pas faire un sacrifice réellement insignifiant comparativement à la dépense qu'on aurait imposée au pays si ce projet avait été voté ?

En attendant qu'on exécute ces travaux, quand ce ne serait qu'avec l'intérêt du rachat des bons du trésor, on aura des excédants suffisants pour parer au déficit que la poste pourrait laisser.

Mais, dira-t-on, si nous fixons la taxe postale à 10 cent., nous aurons un déficit considérable. Je ne nie nullement, messieurs, que la réduction à 10 cent, n'amène un déficit momentané.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Momentané7

M. A. Vandenpeereboom. - Oui, momentané ; et je ne puis pas admettre que le déficit soit aussi considérable que le suppose le gouvernement. D'après la note qui nous a été communiquée, le déficit sera de 1,416,250 francs, dont 1,219,000 francs immédiatement et 196,000 francs plus tard. Je crois ce calcul exagéré ; voici pourquoi :

D'abord on ne tient pas compte des lettres de poids, ni des lettres à grande distance. Ensuite on suppose que nous ferons avec les offices étrangers une perte qui en définitive serait de 494,000 fr. c'est-à-dire à peu près 500,000 fr. Or, je ne puis admettre que nous fassions une perte semblable. En effet les sommes à payer par les offices étrangers sont réglées par des conventions, et il me semble qu'une administration quelconque ne ferait pas de convention qui serait de nature à faire subir à la Belgique une perte de 500,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On n'est pas maître.

M. A. Vandenpeereboom. - Les conventions se négocient. Le gouvernement peut exiger, par exemple, que la malle des Indes, que les dépêches de l'Allemagne, que les dépêches de la Hollande ne transitent pas par la Belgique gratuitement. Vous évaluez aujourd'hui dans votre tableau à 67,000 francs le reliquat à payer par les offices étrangers à la Belgique, et vous supposez qu'au lieu de toucher cette somme, nous pourrons perdre 500,000 francs.

Ce serait donc 430,000 francs que nous payerions aux puissances étrangères pour avoir le plaisir de voir transiter leurs correspondances à travers notre pays. A ces conditions, je crois qu'il vaudrait mieux leur dire qu'elles feraient fort bien de faire passer leur correspondance ailleurs.

Ensuite l'honorable auteur de la note semble perdre de vue que le produit normal de la poste s'accroît tous les ans. Tous les ans, en effet, il y a 250,000 fr. d'augmentation normale. Or, si vous avez tous les ans 250,000 fr. d'augmentation, vous devez tenir compte de cette somme pour l'exercice prochain et ensuite pour les années ultérieures.

Quant à moi, je crois que la perte que nous subirons doit être établie comme suit :

Le produit brut de la poste en 1857 a été de 4,835,000 fr. En 1857 la poste a transporté 7,966,000 lettres à 20 cent., soit 8 millions de lettres. Voilà donc 800,000 fr. de perte.

Il me restera un revenu de 4,033,000 francs Mais il ne faut pas perdre de vue qu'indépendamment du produit lettres, il y a le produit journaux et imprimés, et que l'accroissement des produits de la poste en dehors du produit lettres est en moyenne de 90,000 à 94,000 fr.

D'un autre côté, sous le régime actuel, le nombre des lettres augmente chaque année de 1,147,000 fr. c'est donc 147,000 fr. que nous aurons en plus.

Enfin je me permets d'espérer que la réduction de la taxe aura nécessairement, comme toute réduction de taxe, pour conséquence d'augmenter la correspondance ; je démontrerai tout à l'heure sur quels faits je base cette appréciation.

J'évalue cette augmentation à 40,000 francs. J'aurai donc un accroissement annuel de 248,000 francs de recettes, et si la réforme avait été opérée dès le 1er janvier 1858, nous aurions eu, d'après moi, à la fin de cet exercice, une recette brute de 4,281,000 francs.

Sans doute il y aura une perte évidente dans les premières années, mais nous aurons toujours ce résultat, quelle que soit l'époque à laquelle nous ferons la réforme. L'objection sera même de plus en plus sérieuse, en apparence, car plus la poste fera de recettes, plus nous paraîtrons perdre.

En effet nous avons aujourd'hui 8 millions de lettres, nous perdrons 800,000 fr. L'année prochaine, avec l’accroissement normal, nous aurons un million de lettres de plus, nous perdrons 900,000 fr. L'année suivante nous perdrons un million, car nous aurons 10 millions de lettres.

Du reste, messieurs, il ne faut pas comparer la perte avec le chiffre de l'aimée antérieure ; il faut partir d'une base fixe, et cette base est celle de 2 millions. II faut voir si nos recettes nettes seront de beaucoup inférieures à ce chiffre.

D'après mes calculs, et je crois qu'ils sont exacts, si l'on introduit la réforme au commencement de l'année prochaine, dès la fin de 1859, nous aurons une recette brute de 4,500,000 francs, une recette de 4,700,000 francs en 1860, et de 5,000,000 en 1801 ; et nos pertes, en prenant pour base l'exercice dans lequel serait faite la réforme, seraient assez minimes, puisque dès 1862 nous aurions comblé le déficit des années antérieures et nous percevrions une somme supérieure à celle qui était perçue avant 1859.

(page 240) D'après les calculs que j'ai faits et que je demande la permission de faire imprimer au Moniteur, il nous resterait largement en faisant la réforme, sur la recette nette, une somme suffisante pour améliorer chaque année le service postal d'une somme de 60 à 80 mille francs au moins, puisque nous aurons net : en 1859 2,129,000 fr., en 1860 2,377,000 fr., en 1861 2,625,000 fr. et en 1862 2,873,000 fr., et ainsi de suite, en augmentant toujours de 250,000 fr. par an.

Messieurs, je m'étonne réellement qu'en présence de la situation financière si bonne dans laquelle nous nous trouvons, nous ayons tant de scrupule de toucher à l'un des revenus du trésor. En 1849, nous étions dans des circonstances tout autres. Nous étions en présence des événements qui se passaient à l'étranger, de l'agitation dans le pays, et d'un déficit considérable. Alors que faisions-nous ? On criait de toutes parts économie ! économie ! et cependant nous disions : La réforme postale est utile et demandée par le pays, nous la ferons. Nous l’avons décrétée et nous avons parfaitement bien fait.

Eh bien, messieurs, que supposerait-on si l'on voyait aujourd'hui que nous estimons, que nous comptons par sous et deniers la perte probable, une perte comparativement minime ? Ne pourrait-on croire, ce serait à tort, mais ne pourrait-on croire qu'en 1819 nous avons agi par peur et sous la pression du dehors ?

Dans mon opinion, messieurs, ce n'est pas quand il y a émotion populaire qu'il faut s'occuper de réformes. Il vaut mieux choisir les époques de calme, parce qu'alors on peut discuter froidement, parce qu'alors la situation financière est bonne. Et lorsqu'on s'est préparé par des réformes utiles eu temps de paix, si l'émotion revient, ou n'a rien à craindre et l'on peut dire avec orgueil, si des exigences se produisent au dehors : Ce que vous demandez, nous l'avons fait.

Je crois donc le moment très opportun pour compléter la réforme postale ; et si plus tard il y a des révolutions autour de nous, elles ne passeront pas non plus par la Belgique, parce qu'alors il n'y aura plus de réforme à faire dans le pays.

On me dira : Mais la réduction de la taxe à 10 centimes n'augmentera pas le nombre de lettres, le nombre sera le même et vous aurez perdu une recette.

En supposais que cela fût, je dirai que tout abaissement de taxe et de péages est un grand bienfait pour le pays et que la perception de péages sur la transmission des idées est un impôt assez mauvais pour qu'on le réduise le plus possible.

Ainsi, en supposant qu'il n'y ait pas augmentation de correspondance, je dirai encore que l’abaissement de la taxe, si nous pouvons le faire, est une bonne chose.

Mais sur quoi se base-t-on pour dire que l'abaissement de la taxe postale n'amènera pas une augmentation du nombre des lettres ? On nous dit : Il y a eu déception partout. Partout la réforme a occasionné un déficit. En Angleterre, cette déception a été effrayante ; en Belgique aussi il y a eu déception.

Je reconnais qu'en Angleterre les résultats qu'on espérait n'ont pas été obtenus, mais la réforme n'en a pas moins produit des résultats et de magnifiques résultats dans le pays. En 1839, le nombre des lettres transportées par la poste était de 82 millions ; en 1847 il était de 322 millions et en 1856 de 478 millions ou de 396 millions de plus qu’avant la réforme. Il me semble que ce résultat est très beau.

Il y a eu, dit-on, en Angleterre, déception quant aux produits, et c'est après 12 ans, en 1851, qu'on a eu la recette de 1839, mais il est à remarquer que la situation en Angleterre n'était pas la même que chez nous et nous ne pouvons raisonner par analogie.

Ainsi en Angleterre, le mécompte est surtout provenu de la réduction immense qu'il a fallu faire sur certaines catégories de lettres, réduction qui a été de 800 p. c.

Ensuite en Angleterre la réforme postale a amené une augmentation de dépenses très considérable. En 1839 la dépense était de 687,000 liv. st. En 1856 elle s'élevait à 1,660,000 liv. st.

D'où provient cette augmentation considérable de dépenses ? Le voici.

D'abord le service postal en Angleterre laissait à désirer. Depuis 1815, si je ne me trompe, la recette était restée stationnaire. Il y avait, par suite de la réforme, d'énormes améliorations à introduire. On les a introduites avec beaucoup de courage, mais à grands frais.

D’un autre côté on a créé de nouvelles lignes de bateaux à vapeur soit vers les colonies, soit vers le continent. C'est une dépense que la Belgique n’aura pas à faire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela ne figure pas à charge du service des postes eunAngleterre.

M. A. Vandenpeereboom. - Je pense que oui.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur. Les services transatlantiques ont un chiffre spécial.

M. A. Vandenpeereboom. - Soit ! Mais des services vers le continent ont été établis. Passons toutefois cette cause de dépense. Il en est une autre, la redevance payée aux chemins de fer. En Belgique, nous n'avons rien à payer, même aux compagnies.

Le transport gratuit des lettres est prescrit par les cahiers des charges. L'Angleterre, au contraire, paye des sommes énormes aux chemins de fer, et la preuve c'est que le péage aux chemins de fer varie de 10 1/2 c. à 3 fr. 48 c. par dépêche et par mille anglais. Je vous laisse à penser quelle énorme dépense il doit en résulter.

Après tout, j'admets qu'il y ait eu quelque déception en Angleterre. Mais je demande si un seul homme d'Etat en ce pays, si un seul citoyen y regrette, ce qui s'est fait, regrette les sommes que le trésor n'a pas reçues. Quelqu'un voudrait-il que la réforme ne fût pas faite ? Quel serait l’homme qui oserait proposer en Angleterre de revenir sur cette réforme ? Pas un ; tout le monde comprend en Angleterre que l'accroissement des correspondances a stimulé le commerce, a augmenté le bien-être général.

J'arrive à la Belgique.

On dit qu'en Belgique aussi il y a eu déception et déception amère. Sous ce rapport encore, il y a exagération.

Il faut d'abord remarquer, messieurs, que tout le monde n'a pas évalué les effets de la réforme postale de la même manière ; les avis ont été très partagés. J'ai lu dans un rapport fait, je crois, par M. de Corswarem, avant la réforme postale, que cette réforme occasionnerait une perte de 30 millions. D'un autre côté, d'honorables négociants de Bruxelles attendaient de la réforme les résultats les plus brillants.

Mais entre ces deux appréciations il y en a une qui se rapproche singulièrement de la vérité. Le rapport de la section centrale, fait par l'honorable M. Cools, suppose que de 1848 à 1850 le nombre des lettres serait de 18$ millions et le nombre a été de 117,800,000.

D'après l'honorable M. Cools, la recette probable devait être, pendant ce même laps de temps, de 21,900,00 fr. ; elle a été de 23,700,000 fr.

Il me semble qu'il n'y a pas eu là de déception bien grande.

Quoiqu’il en soit, il faut reconnaître, messieurs, qu'en Belgique comme en Angleterre, les résultats de la réforme postale ont été excellents. Ainsi, dans un rapport de la section centrale, on constatait que le nombre de lettres par tête n'était, en 1847, que de 2 ; aujourd'hui il est de 4, de sorte que l'on correspond deux fois plus, et je crois aussi que la correspondance s'est répandue dans une classe qui auparavant faisait très peu usage de la poste.

Mais voici encore quelques résultats de la réforme postale en Belgique.

En 1849, année normale, on a constaté 9 millions de lettres, et en 1857, huit ans après la réforme, 20 millions de lettres.

Voilà une augmentation de 11 millions, n'est-ce pas satisfaisant ?

Pour les imprimés et journaux la différence est beaucoup plus grande encore.

Quant à la question financière, la déception n'a pas été grande.

En 1847 la recette brute était de 3,764,000 et en 1853 elle était de 3,778,000. Ainsi, dès 1853 la recette brute dépassait le chiffre de 1847.

Quant à la recette nette, dès 1854 on avait atteint le produit de 1847.

Mais, dit-on, si nous n'avions pas fait la réforme postale, nous aurions beaucoup bénéficié pour le trésor, et la perte qu'il a éprouvée peut être évaluée à 8 millions.

Je révoque ce chiffre en doute. Au surplus, je ferai remarquer que lorsqu'on réduit un péage quelconque, on subit toujours une perte. Si en 1851 on n'avait pas réduit le péage sur le canal de Charleroi, l'Etat aurait perçu de ce chef un revenu beaucoup plus considérable qu'il n'a perçu en réalité. Si nous n'avions pas réduit le péage sur toutes les autres voies navigables, la recette du trésor aurait été plus forte qu'elle ne l'a été. Quand la réduction est bonne et utile, il me semble qu'il ne faut pas reculer.

Toutefois je n'admets pas que nous ayons fait une perte de 8 millions ; on perd de vue en effet que nous avons passé par une crise politique, industrielle et sociale qui a affecté tous les revenus et spécialement ceux de la poste. Cette influence s'est fait sentir dès 1848, cette année la poste n'a produit que 3,465,000 ; en 1847 la recette était de 3,764,000. Admettons qu'il y a eu certaine perte ; mais il ne faut pas perdre de vue que, s'il y a eu une perte sur le produit de la poste, il y a eu, d'autre part, un bénéfice considérable sur le timbre des effets de commerce ; la loi sur le timbre a été votée comme compensation de la réforme postale. On doit donc défalquer, de la perte que nous avons pu avoir faite, le bénéfice que nous avons réalisé sur le timbre des effets de commerce.

Voici ce que le commerce a payé en compensation du bénéfice que la réforme postale peut lui avoir procuré. Avant 1848, la recette moyenne du timbre sur les effets de commerce était de 109,000 francs par an. Depuis la réforme et par suite du vote de la loi, la recette moyenne a été jusqu'en 1852, de 400.000 fr. par an. D'après le tableau annexé au rapport de la section centrale, ce produit a été, de 1853 à 1857, de 3,175,000 fr. de sorte que l'Etat aurait réalisé là un bénéfice de près de 4 millions. Ce bénéfice doit être déduit de la perte faite sur la poste, puisqu'il a été accordé comme compensation de la réforme postale.

Je ne puis admettre que la réduction de la taxe n'aura pas pour résultat d'augmenter le nombre des lettres

En effet, dans les premières années qui ont suivi la réforme de 1849, l'augmentation du nombre des lettres a suivi une progression très forte. Ainsi en 1847 nous n'avions que 9,138,000 lettres transportées par la poste ; en 1850 nous en avions déjà 10,894,000 et en 1851 12,479,000.

(page 241) Mais, dit-on, la poste a encore beaucoup à faire pour être parfaite ; il reste de grandes améliorations à introduire dans ce service. Je pense aussi que les diverses branches de ce service sont susceptibles d'être améliorées, et c'est ce que nous pourrons faire. Les ministres, à toutes les époques, ont tous déclaré que le service postal en Belgique était un service modèle ; qu'il restait peu de chose à faire dans cette branche de l'administration publique ; qu'il y avait en Europe peu de services mieux organisés que celui de la poste en Belgique.

Il est un point important qu'il ne faut pas perdre de vue ; lors de la discussion de la loi sur la réforme postale, le gouvernement a déclaré que le revenu de la poste ne devait pas s'accroître à l'infini. Voici ce que disait l'honorable M. Rolin, répondant à un membre du Sénat :

« Si vous ne voulez pas diminuer, dans une proportion notable, le produit de la taxe postale, votre désir n'est pas davantage de l'augmenter ! »

Il a donc toujours été entendu plus ou moins que la taxe postale devait rapporter une somme fixe au minimum, et qu'il devait y avoir une limite qu'on ne devait dépasser.

On objecte encore que la réforme postale n'est pas démocratique. Je ne sais si l'on entend par là que la réforme n'est pas dans les idées de nos populations.

Je crois, dans ce cas, qu'on apprécie mal les instincts et les désirs publics. La réforme sera généralement accueillie avec faveur. Si l'on entend au contraire par-là que le peuple use peu de la poste, c'est un fait qui ne prouve rien. On a dit aussi que l'abaissement des droits sur la viande ne produirait pas de résultat. A quoi bon, disait-on, abaisser cette taxe ? Le peuple ne mange pas de viande. Le peuple ne mange pas de viande ; mais pourquoi ? parce que la viande est trop chère.

Si la taxe de la poste était moins élevée, les hommes de la classe populaire auraient plus souvent recours à la poste pour écrire à leurs parents et à leurs amis. Mais, objecte-t-on, la réforme postale ne profitera qu'au commerce et à l'industrie. Je ne puis mieux répondre à cette objection qui fut faite aussi au Sénat, qu'en citant la réponse faite par l'honorable M. Rolin dans cette assemblée. M. Eloy trouvait que l'agriculture ne profiterait pas du tout de la réforme ; que le commerce et l'industrie en auraient seuls tout le bénéfice. L'honorable M. Rolin, prenant la parole, s'écriait :

« Ne disons pas que la réforme profitera à telle classe plutôt qu'à telle autre. Quand vous décrétez une mesure généralement utile, il peut arriver qu'une partie déterminée de la société n'en profite pas, mais ce qu'il s'agit de voir, c'est si le corps social en profite dans son ensemble. C'est là, messieurs, toute la question ; or il serait difficile de nier que la réduction de la taxe des lettres soit un bien pour toute la société, le fait même de l'augmentation de la correspondance en est la meilleure démonstration...

« Sans doute l'abaissement de la taxe postale sera un bienfait pour les commerçants et les industriels, comme l'a été l'abaissement du tarif du chemin de fer, mais ce ne sont pas des bienfaits stériles, et les classes qu'ils vivifient font couler par mille sources dans les veines du pays la prospérité qu'ils reçoivent de vos mains.

« Le commerce et l'industrie sont, aussi bien que l'agriculture, les nourricières du peuple, toutes ces branches se prêtent un mutuel appui, de telle sorte qu'il serait bien difficile de dire jusqu'à quel point les charges qui pèsent sur l’une ne retombent pas sur les autres et jusqu'à quel point les bienfaits que vous accordez à l'une ne se communiquent pas à toutes. »

Je crois qu'après ces paroles éloquentes il est inutile d'ajouter encore des considérations pour prouver que l'industrie et le commerce ne profiteront pas seuls de la réforme.

Messieurs, il est encore une considération, c'est celle-ci : Qu'est-ce en résumé que la taxe postale, est-ce un impôt, un péage ? Evidemment non ; c'est la rémunération d'un service que l'État rend à la société.

Si l'on veut rester dans les principes économiques, dans les principes vrais, il faut que de service ne soit pas rendu à un taux usuraire ; sans cela le service que l'Etat se réserve de rendre seul devient un monopole odieux. Il faut proportionner le prix à la valeur du service ; sans doute l'Etat doit se réserver un bénéfice, mais il ne faut pas, je le répète, que ce bénéfice soit usuraire. En exploitant le chemin de fer, le gouvernement rend des services, les péages sont également la rémunération du service.

Si le chemin de fer rapportait cent pour cent du capital engagé, est-ce qu'on maintiendrait les tarifs actuels, dirait-on que ce qui est bon à prendre est bon à garder ? Non, sans doute ; on réduirait les tarifs ; quand le service que rend le gouvernement est convenablement rémunéré, il ne doit pas demander davantage.

Je crois avoir prévu les principales objections qu'on pourrait me faire, je me réserve de répondre à celles qui pourraient se produire ultérieurement.

Je crois devoir recommander au gouvernement d'examiner s'il ne pourrait pas se rallier à une proposition qui impliquerait de sa part la promesse d'accorder dans un temps peu éloigné la réduction de la taxe postale.

Si je voulais me placer au point de vue politique de mon parti, je dirais : Depuis deux ans bientôt nous siégeons en majorité considérable en cette Chambre ; au banc ministériel se trouvent des hommes issus de nos rangs qui ont toute notre confiance. Voilà deux sessions...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'y a pas deux sessions.

M. A. Vandenpeereboom. - La deuxième session est commencée, et si vous voulez réaliser la réforme avant la fin, nous serons satisfaits.

A la fin de la deuxième session, quand nous rentrerons dans nos foyers et que le corps électoral nous dira : Vous avez été pendant deux sessions majorité considérable, qu'avez-vous fait ? Nous répondrons : Nous avons fait de bonnes choses ; nous avons voté les budgets ; nous avons voté une bonne loi sur la contrainte par corps, l'interprétation de l'article 84 de la loi communale, mais il me semble que ce bagage...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La session ne fait que commencer.

M. A. Vandenpeereboom. - Soit, mais je désirerais, quand nous arriverons devant les électeurs, pouvoir leur dire : A tout ce bagage que je viens d'énumérer, dont vous n'appréciez peut-être pas toute l'importance, nous avons ajouté la réforme postale que vous désiriez depuis longtemps.

Mais je ne veux pas me placer à ce point de vue exclusif ; je prends la réforme en elle-même, et je dis que tout milite pour la faire adopter le plus tôt possible ; elle est d'une utilité incontestable ; elle est due, car elle a été formellement promise par le gouvernement ; elle est due, parce qu'on a établi à la charge du commerce un impôt équivalent à la réduction de recette qui pourrait en résulter.

La taxe postale est, si l'on veut, une espèce de péage général, et la réduction ne peut exciter aucune susceptibilité entre les diverses provinces du pays, toutes en profiteront ; on n'a donc pas à redouter de difficultés comme pour les péages sur les canaux ; c'est un bien général pour tout le pays, pour tous les partis ; la réforme n'est ni catholique ni libérale ; ou plutôt elle est libérale en soi, mais la droite peut la voter en toute sûreté de conscience. Il restera facile, malgré la réforme, d'améliorer les différents services, car il y aura un excédant au-delà des deux millions ; je prie donc le gouvernement de vouloir bien aviser et voir s'il n'y aurait pas moyen de céder au vœu que forme un grand nombre de ceux qui appuient sa politique.

Il faut s'entendre, disait M. Rogier à propos du discours de l'adresse ; eh bien, nous voulons nous entendre avec le cabinet, mais s'entendre n'est pas faire tout ce que l'on demande. Nous voulons, sur certaines questions, vous donner tout notre appui, mais il faut aussi de votre côté donner satisfaction à une partie de l'opinion.

Quand nous arriverons au vote, nous n'aurons peut-être pas la majorité, mais il est des victoires qui, comme celles de Pyrrhus, sont pires que des défaites, et qui nuisent plus à ceux qui les gagnent qu'à ceux qui les perdent. Je prie le gouvernement d'aviser et de voir s'il ne peut pas se rendre au désir que nous manifestons.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, l'honorable M. Vandenpeereboom vient, avec le talent et les connaissances approfondies que nous lui connaissons, de défendre la cause de ce qu'on est convenu d'appeler la réforme postale. On ne peut que lui savoir gré des efforts qu'il fait pour chercher, à son point de vue, à éclairer le pays et le gouvernement sur cette question intéressante.

Nous désirons tous l'abaissement des taxes et des impôts quand il est possible. Les réformes de cette nature ne peuvent qu'être accueillies favorablement par l'opinion publique, car quel est celui qui ne désire pas voir le port de lettre à dix centimes au lieu de vingt ? Je ne sais même pas pourquoi on ne le désirerait pas à cinq centimes, car le chiffre de dix centimes n'a rien de plus parlant ni de plus absolu que tout autre.

Mais, messieurs, est-ce là un motif suffisant pour que nous venions contraindre le gouvernement à appliquer, malgré lui, cette réforme, sans nous inquiéter de ses prévisions financières ? Quand je vois M. le ministre des finances et des travaux publics, dont nous connaissons les vues libérales, dont nous apprécions tous les hautes capacités financières, venir nous déclarer que cette mesure occasionnera une perte annuelle de plus d'un million pour le trésor, perte qui se reproduira pendant plusieurs années ; quand je vois cette déclaration si importante, appuyée de calculs et de raisonnements très sérieux ; je crois, messieurs, qu'il est de votre devoir d'examiner cette question sans engouement, quelles que soient les sympathies qu'elle inspire.

Quant à moi, je ne diffère, du reste, avec l'honorable préopinant que sur la question d'opportunité. En principe, je suis aussi partisan de rabaissement de la taxe au taux uniforme de 10 centimes ; mais sans perturbation financière ; et, d'accord avec le gouvernement, je désire cet accord, parce que le gouvernement est chargé de la responsabilité de l'application ; parce que le gouvernement a d'autres améliorations encore à introduire dans le service des postes, et qu'il doit envisager la question au point de vue plus élevé de l'ensemble des intérêts du pays.

Messieurs, j'examinerai trois questions qui me semblent dominer tout le débat : d'abord, le gouvernement et les Chambres sont-ils tenus, en vertu de l'article 10 de la loi du 22 avril 1849, d'appliquer la taxe uniforme dès que le produit net atteindra 2 millions ; en second lieu, quel es seront les conséquences de cette mesure pour l'ensemble des intérêts du pays ; enfin, y a-t-il urgence de l'appliquer ?

Un honorable député de Bruxelles, qui a traité cette question dans la discussion générale, nous disait que, quant à lui, il ne croyait pas qu'on eût à s'enquérir des résultats financiers de la mesure ; que toute la question se résumait dans l'article 10 de la loi de 1849 ; qu'il y avait là une (page 242) injonction pour le gouvernement d'appliquer la taxe uniforme de dix centimes.

Voyons donc, messieurs, quel est cet article 10 qui paraît avoir une si grande puissance, li est ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à appliquer aux lettres transportées à une distance de plus de 30 kilomètres la taxe de 10 centimes par lettre simple, dès que le revenu net de la poste aura atteint la somme annuelle de 2 millions de francs. »

Si l'on s'en tient au texte, évidemment il n'y a là pour le gouvernement qu'une simple faculté, une simple autorisation. Mais, dit-on, il faut voir l'ensemble des faits qui ont précédé le vote définitif de la loi ; il faut voir surtout les discussions.

Quant aux faits qui ont précédé le vote de la loi, je vois que le gouvernement s'est prononcé d'abord pour la taxe uniforme à 20 centimes ; que le Sénat a repoussé la taxe uniforme de 10 centimes ; mais que la majorité de la Chambre avait voté les dix centimes. Ensuite on a adopté comme transaction le système qui nous régit aujourd'hui, c'est-à-dire la taxe de 10 centimes dans un rayon de 30 kilomètres et 20 centimes pour un plus long parcours.

Pour bien apprécier l'esprit de la disposition adoptée par le Sénat, nous ne pouvons sans doute mieux faire que de recourir aux discussions de cette assemblée et surtout aux discours des auteurs de la disposition. Or, voici ce qui s'est passé :

L'honorable M. de Haussy, membre du cabinet, présenta au Sénat un amendement portant : « la taxe de 10 centimes par lettre simple sera rendue applicable aux lettres transportées à une distance excédant 30 kilomètres, etc. Sera rendue ; là il y avait une véritable injonction.

La commission du Sénat n'adopta pas cet amendement, qui fut combattu par plusieurs orateurs de cette assemblée. Alors l'honorable M. Spitaels proposa un autre amendement qui est devenu l'article 10 de la loi de 1849. L'honorable M. Spitaels est donc le véritable auteur de l'article 10. Voyons ce qu'il disait en le développant :

« En adoptant mon amendement, nous donnerons au ministère une preuve de confiance en nous en rapportant à lui pour la question d'opportunité d'application de la taxe à 10 centimes, si tant est que nous parvenions à dépasser un revenu de deux millions. »

Ainsi, dans la pensée de l'honorable M. Spitaels, il faut d'abord que le revenu net de 2 millions soit atteint, et, cette recette acquise, le gouvernement reste juge de la question d'opportunité. Cela résulte à toute évidence du passage que je viens de reproduire.

L'honorable M. Desmanet de Biesme, qui avait combattu à son tour très vivement la proposition de l'honorable M. de Haussy, et qui avait présenté un amendement d'après lequel le gouvernement, lorsqu'il aurait jugé convenable d'adopter la taxe uniforme à 10 centimes, devait présenter un projet de loi, amendement qu'il retira ensuite, s'exprimait comme suit :

« Veuillez remarquer, messieurs, qu'il est toujours très dangereux de lier les législatures futures.

« Nous ne savons pas si nous ferons encore partie de cette assemblée quand le produit de la poste aura atteint deux millions ; je ne vois donc pas pourquoi nous stipulerions maintenant au nom de ceux qui seront peut-être appelés à nous remplacer. De même aussi, je ne vois pas pourquoi M. le ministre, qui peut-être ne fera plus partie du cabinet à cette époque, stipulerait aujourd'hui au nom de son successeur ; car celui qui viendrait après lui pourrait trouver qu'il n'est pas opportun d'introduire cette réforme. »

L'honorable M. Cogels, qui était rapporteur de la commission du Sénat, s'exprimait, à son tour, dans les termes suivants :

« Nous nous trouvons maintenant en présence de trois propositions différentes et très divergentes :

« Le sens de la proposition de l'honorable M. de Haussy est impératif quant au gouvernement ; c'est-à-dire qu'elle ne permet pas au gouvernement de se dispenser de porter la taxe uniforme à 10 centimes, aussitôt qu'une recette annuelle nette de 2 millions aura été constatée.

« L'amendement de l'honorable M. Spitaels, que je considère comme préférable, accorde au gouvernement cette faculté. »

Le ministre des travaux publics, l'honorable M. Rolin, se rallia à l'amendement de M. Spitaels et l'article 10 fut définitivement voté.

Voilà, messieurs, comment les faits se sont passés. Maintenant j'admets très bien que, dans l'esprit de la Chambre, qui était favorable à la taxe uniforme de 10 centimes, l'article 10 pouvait avoir le sens d'une injonction impérative, mais on ne peut pas faire abstraction du Sénat où l'amendement a pris naissance. Or, le Sénat n'entendait évidemment pas l'amendement qu'il votait comme l'entend l'honorable M. Prévinaire ; je ne parle pas de l'honorable M. A. Vandenpeereboom, car il interprète l'article 10 autrement que l'honorable M. Prévinaire ; il ne va pas aussi loin que celui-ci : il ne voit dans l'article 10 qu'un engagement moral imposé au gouvernement.

Au surplus, messieurs, je suppose même que la législature de 1849 ait entendu donner un sens impératif à l'article 10, est-ce que la législature de 1858 serait liée par l'intention supposée de celle de 1849 ? En aucune manière ; cela n'est évidemment pas admissible. Nous avons le droit de réformer toutes les lois faites par nos prédécesseurs, de les rapporter même, et nous devrions subir une espèce d'injonction supposée de la part d'une législature antérieure ! Bien plus, je dis que la législature ; de 1858 est bien plus compétente pour apprécier cette question que celle de 1849, puisque nous avons pour nous le bénéfice de l'expérience acquise depuis lors.

Nous pouvons apprécier les effets de la réforme et nous serions tenus de nous en rapporter à ce que voulait prétendument la législature de 1849, qui ne pouvait connaître ses conséquences ! Cela est inadmissible.

Quant à l'engagement que l'on prétend avoir été pris à l'égard du commerce et de l'industrie, je ne sais pas non plus si nous devons admettre cette théorie de promesses formelles d'une législature précédente vis-à-vis d'une partie du pays. Le pouvoir législatif fait des lois et non des promesses. Ce serait une singulière manière d'interpréter nos actes que d'en tirer des conséquences semblables.,

Ainsi, pour citer un exemple, on avait aussi promis au pays que les riverains du canal de la Campine payeraient une indemnité. Cependant on va rapporter la loi qui exigeait d'eux cette indemnité, et je crois qu'on fera bien.

Je ne puis donc admettre qu'il y ait eu une promesse dont on puisse sérieusement argumenter en faveur de la réforme. Ce serait une promesse faite en quelque sorte à nous-mêmes ; car nous représentons aussi, ce me semble, le commerce et l'industrie.

Nous sommes donc, selon moi, parfaitement libres d'apprécier cette question d'après les conséquences qu'elle peut avoir au point de vue des intérêts du pays.

Je n'entrerai pas même dans la question très difficile de savoir s'il y a maintenant un revenu net de 2 millions de francs. L'honorable ministre des finances nous dit que le revenu net n'est que de 1,400,000 fr. L'honorable M. Vandenpeereboom l'estime à plus de 2 millions ; on comprendra que je n'entends pas discuter les chiffres qu'il nous a présentés. M. le ministre des finances répondra à l'honorable membre. Mais en admettant même que la recette nette soit de 2 millions, je crois que la question ne serait pas résolue, et que, comme je le disais en commençant, M. le ministre des finances serait admissible à nous dire : Attendons, pour faire la réforme, que les finances du pays soient dans une meilleure situation.

Voilà comment il me semble que la question doit être appréciée.

Voyons, messieurs, quels seraient en ce moment les effets de la réforme.

Pour résoudre cette question, nous ne devons plus, comme en 1849, nous en rapporter à la simple théorie. Nous avons l'expérience acquise non seulement en Belgique, mais en Angleterre.

L'Angleterre a fait sa grande réforme postale (car celle-là mérite ce nom) en 1839. Nous avons fait notre réforme en 1849. Nous avons donc déjà pour notre pays neuf années d'expérience.

En Angleterre, la taxe, comme vous le savez, était, avant la réforme, exorbitante. La moyenne, pour la lettre simple, était de 90 centimes. Il y avait encore d'autres charges extrêmement lourdes, et il en résultait une fraude énorme. On prétend même que la fraude transportait au moins autant de lettres que le service postal. La réforme fut radicale, puisqu'il y eut réduction de 90 à 10 centimes. Eh bien, quelles étaient les prévisions à cette époque ? On nous a distribué une brochure qui mérite toute confiance, puisqu'elle émane de l'inspecteur des postes qui a été envoyé en Angleterre par l'honorable M. Rogier, en 1841. J'ai trouvé dans cette brochure des détails puisés dans les documents officiels et qui par conséquent méritent toute créance. Nous y voyons que M. Rowland-Hill, auteur de la réforme, prévoyait que le nombre des lettres, dès la première année, quintuplerait ; il supposait, en outre, que l'augmentation de dépenses de la poste ne serait pas très considérable ; en troisième lieu que sur la recette, il y aurait seulement une diminution, la première année, équivalant à 7 millions et demi, qu'ensuite il y aurait au moins équilibre et après cela augmentation considérable.

La commission d'enquête nommée par le parlement pour examiner la proposition de M. Rowland-Hill accepta ses prévisions, mais elle n'adopta pas la taxe à 10 centimes. Il est à remarquer que cette commission d'enquête proposa précisément le système qui nous régit aujourd'hui. Mais il y avait alors engouement par le système de M. Rowland-Hill et l'on finit par accepter la taxe uniforme à 10 centimes.

Or, quels ont été les résultats ? Le nombre des lettres, au lieu de quintupler, a simplement doublé. Les dépenses de la poste, comme vous le disait tout à l'heure l'honorable M. Vandenpeereboom, pour des causes que je n'ai pas à examiner, ont augmenté de 43 p. c. en quatre années, et quant au déficit pour le trésor, il a été la première année de 25 millions et demi. Ce déficit s'est renouvelé pendant quatorze années, et ce n'est que depuis très peu de temps que le revenu net est remonté au chiffre antérieur à la réforme, celui de 41 millions et demi de francs.

Voilà quelles ont été les conséquences de la réforme en Angleterre. L'auteur de la brochure que je citais tout à l'heure, ajoute que cette réforme a occasionné au trésor de l'Angleterre une perte que l'on peut évaluer à plus de 400 millions de francs.

Le trésor de la riche et puissante Angleterre peut bien supporter cette perte ; mais ce n'était pas le meilleur moyen pour arriver à la suppression de l'income-tax ou à la diminution de son énorme dette.

Quant à la Belgique, comme la Chambre finirait par se fatiguer de l’énumération d'un trop grand nombre de chiffres, je me bornerai à lui rappeler ceux cités dans la note de M. le ministre des finances.

(page 243) Les prévisions de 1849 ont été complétement déçues ; cela est démonté d'une manière claire dans la note si lucide de l'honorable ministre.

On supposait que la diminution de la taxe des lettres ferait immédiatement augmenter le nombre des lettres à 10 centimes, de 200 p. c. selon les uns, de 50 p, c. selon les autres, et qu'en 1857 l'augmentation serait de plus de 600 p. c.

Or, dans la note dont il s'agit, on vous dit quels ont été les résultats. Au lieu de cette augmentation énorme, il y a eu augmentation de 6 p. c. pour, les six premiers mois de 1849, de 13 p. c. pour l'année 1850, et pour l'année 1857, les accroissements cumulés depuis la réforme ne sont, par rapport à 1847, que de 142 p. c. En 1858, l'augmentation sur 1847 n'est plus que de 137 p. c, les lettres à 10 centimes ayant subi, pendant cette année, une perte de plus de 2 p. c.

Je ne pense pas que l'honorable M. Vandenpeereboom conteste ces chiffres provenant de source officielle.

Quant à la taxe à 20 centimes, dans son discours au Sénat l'honorable M. Rolin, qui pouvait parfaitement se tromper à cette époque comme Rowland Hill, évaluait à 68 p. c. l'augmentation pour la première année et à 198 p. c. l'augmentation pour 1857.

En réalité l'accroissement des lettres à 20 centimes a été de 15 p. c, pour les six mois de 1849, de 5, de 10 et de 16 p. c pour les années suivantes.

En 1858, l'augmentation n'est encore que de 129 p. c. Mais, messieurs, il est évident qu'il ne faut pas attacher uniquement l'augmentation du nombre des lettres à la réforme postale. Elle dépend d'un ensemble de circonstances extrêmement difficile à apprécier ; telles que notamment l'augmentation de la prospérité publique, les améliorations apportées au service des postes. La réforme postale ne prend dans cette augmentation qu'une part indéterminée.

Serons-nous plus heureux à l'avenir dans nos prévisions ? ici il y a une complète divergence entre M. le ministre des finances et l'honorable M. Vandenpeereboom. L'honorable M. Frère dit qu'il y aura une perte qui se prolongera, qui sera très considérable et qu'il faudrait une augmentation de 10 millions de lettres pour arriver à la recette actuelle.

L'honorable M. Vandenpeereboom tout à l'heure, dans les appréciations qu'il nous a données, nous a dit qu'au bout de la quatrième année l'équilibre serait déjà rétabli. Mais dans ces appréciations il a fait entrer, l'accroissement normal du nombre des lettres, ce qui est complétement étranger à la réforme.

Il est évident que si l'on veut être exact dans une appréciation pareille, il faut comparer le chiffre que nous obtiendrons naturellement en 1862 avec l'augmentation prévue par l'honorable membre ; ce qui peut simplement peser dans la balance à cet égard, c'est l'augmentation provenant de la réforme.

Or l'appréciation sur ce point est extrêmement difficile, mais lorsqu'on voit combien les appréciations ont été trompées en Angleterre et en Belgique, on doit un peu se défier de celles que nous pourrions former aujourd'hui, surtout quand elles sont combattues par le gouvernement, qui est dans une meilleure position que toute individualité quelconque pour l'appréciation des résultats, attendu qu'il a une administration à ses ordres pour le renseigner, qu'il a tous les documents nécessaires, une armée d'employés pour lui fournir les chiffres.

L'honorable M. Partoes, que nous avons eu le malheur de perdre, nous déclarait à la session dernière qu'il avait fait l'étude la plus approfondie de cette question depuis de longues années, dans sa position de secrétaire-général du ministère des travaux publics et qu'il y avait un extrême optimisme dans les prévisions que l'on présentait.

Enfin, messieurs, nous avons aussi un élément d'appréciation dans la réforme, à 10 c. adoptée en 1849.

La réforme à 10 centimes que nous avons établie dans un rayon de 30 kilomètres n'a pas produit les résultats qu'on en attendait au point de vue financier. Là aussi il y a eu déficit. « Le déficit total, au 31 décembre 1855, nous dit M. le ministre des finances, est de 2,795,347 fr., qui, sauf déduction des timbres-poste, est réduit, en 1858, à 1,908,705 fr., soit 2,000,000 de francs, tandis que, dans la pensée de ses auteurs, le système actuel aurait dû produire, en 1858, au bout de dix années, des excédants qui auraient atteint une somme de 11,000,000 de francs. »

Ainsi, messieurs, il y a à craindre un million de déficit.

Or il faut en convenir, en présence d'une crainte pareille on peut hésiter, on peut attendre, surtout ceux qui ont une grande confiance dans le cabinet, ceux qui ont déclaré tout à l'heure que l'honorable M. Rogier avait été le premier promoteur de la réforme, que l'honorable M. Frère l'a présentée en 1848. Cela doit donner quelque confiance dans leurs appréciations à cet égard, et leurs bonnes dispositions.

On a dit que la situation financière est excellente et que le moment est arrivé de compléter la réforme. Je crois aussi que la situation financière est bonne, quoique l'honorable M. Vermeire nous ait dit qu'il a des craintes sérieuses quant à la nécessité de créer de nouveaux impôts que, quant à lui, il ne voudrait pas voter. Mais, messieurs, nous avons encore beaucoup de dépenses à faire. On nous a présenté dans la dernière session un projet de loi qui prévoyait pour 60 millions de nouvelles dépenses. Je ne veux pas parler des fortifications d'Anvers, j'espère qu'il n'en sera pas question du moins dans cette session, mais il y avait pour 40 millions de travaux publics qui ont tous été reconnus utiles, qui ont tous été accueillis par les sections et par la section centrale.

Il faudra bien exécuter ces travaux soit au moyen de crédits successifs soit au moyen d'une proposition globale.

On parle souvent d'augmenter les traitements de certaines classes de fonctionnaires.

Enfin, il y a aussi de très grandes améliorations, qui entraîneront des dépenses, à réaliser dans le service même de la poste. Eh bien, messieurs, ne serait-il pas sage d'attendre au moins que ces questions soient vidées, que nous ayons fait face à ces dépenses, réalisé ces améliorations et que le revenu de la poste ait atteint un chiffre tel, que nous n'ayons plus à nous inquiéter de la diminution des recettes, conséquence inévitable de la taxe uniforme ?

On pourrait immédiatement réaliser déjà certaines améliorations, en ce qui concerne la taxe des lettres elle-même. L'année dernière, il a été question, si je ne me trompe, de réduire la taxe, par exemple, en faveur des miliciens et de porter le poids de la lettre simple de 10 à 15 grammes ! Il a toujours été question d'augmenter le nombre des distributions ; on pourrait en établir dans chaque station, dans chaque halte du chemin de fer, ce qui serait d'une haute utilité, non seulement pour le service postal, mais encore pour le service du chemin de fer, et fournirait les moyens d'utiliser davantage le matériel du chemin de fer, souvent insuffisant.

Dans tous les cas y a-t-il urgence ? Je ne le pense pas. Est-ce qu'on ne se fait pas une trop haute idée de ce qu'on appelle la réforme postale ? On raisonne un peu comme si nous gémissions sous un régime intolérable ; mais, messieurs, notre service des postes est un des meilleurs de l'Europe.

Dans les autres pays la taxe uniforme n'existe pas ; partout il y a deux ou trois zones, et la Belgique conserve l'avantage.

L'honorable M. A. Vandenpeereboom a dit que la taxe des lettres n'est qu'une simple rémunération d'un service rendu. Je ne puis pas admettre cette assertion d'une manière aussi absolue. L'honorable préopinant ne s'y conforme pas lui-même. Si la taxe des lettres est une simple rémunération, pourquoi ne pas proposer un abaissement beaucoup plus considérable ? Pourquoi vouloir encore 2 millions de revenu net ?

Pourquoi ne réduisez-vous pas la taxe à 5 centimes ?

Ne perdons pas de vue, messieurs, que la taxe des lettres est considérée dans tous les pays tout à la fois comme rémunération et comme impôt, et que c'est un revenu que le trésor perçoit d'une manière facile et nullement vexatoire. Ce mode d'alimenter le trésor public vaut sans doute infiniment mieux que tout autre mode qu'on devrait peut-être lui substituer.

On a dit, avec raison, dans la dernière discussion, que la réduction de la taxe, comme dégrèvement, ne profiterait pas à la classe qu'on a principalement en vue, lorsqu'on veut opérer un dégrèvement, la classe inférieure ; la réduction profiterait au haut commerce, à l'industrie et à la Banque.

On disait l'année dernière que la Banque Nationale ferait un bénéfice annuel de 6,000 fr., par suite de l'abaissement de la taxe à 10 centimes.

M. Prévinaire. - C'est un chiffre erroné.

M. d'Hoffschmidt. - Ce chiffre a été cité par M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas moi qui ai cité ce chiffre ; mais le fait est que ce serait un bénéfice énorme.

M. d'Hoffschmidt. - L'heure est fort avancée et je me hâte de terminer. Je dirai donc que je désire en principe l'application de la taxe uniforme, mais que je la désire sans perturbation dans les finances et d'accord avec le gouvernement. Cela me paraît indispensable dans l'intérêt de la mesure elle-même et pour que le gouvernement puisse la concilier avec d'autres améliorations. J'engage cependant M. le ministre des finances à en prendre l'initiative aussitôt que l'ensemble des intérêts du pays le permettra.

- La suite de la discussion est remise à demain.

La séance est levée à 5 heures.