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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 20 janvier 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 355) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Van Alstein présente des observations contre les ouvrages militaires que l'on se propose de construire sur les rives de l'Escaut. »

M. Verwilghen. - Les questions soulevées par le pétitionnaire sont très importantes et exigent une prompte solution. C'est pourquoi je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Par sept pétitions, autant de négociants en charbon prient la Chambre de ne pas accéder à la demandé de quelques sociétés charbonnières du Couchant de Mons, de créer des courtiers officiels qui, seuls, auraient le droit d'affréter les bateaux transportant la houille. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Geens prie la Chambre de lui accorder un secours en rapport avec les dommages qu'il a soufferts par suite d'une erreur judiciaire. »

M. Notelteirs. - Je demande le renvoi à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. Il importe que cette question soit vidée.

- Adopté.


« Des industriels et commerçants à Dolhain demandent qu'il soit fait, à la station de cette commune, une construction plus en rapport avec les exigences de son développement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La veuve Coppée prie la Chambre de faire accorder un congé à son fils Adolphe, milicien de la classe de 1857. »

- Même renvoi.

Interpellation

M. de Theux. - Je viens appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la situation déplorable dans laquelle se trouve l'exploitation du chemin de fer de Maestricht à Landen. Une pétition a été adressée, il y a quelques jours, à M. le ministre, par la régence de la ville de Saint-Trond. Je préjuge que jusqu'à présent il n'a pas eu le temps de prendre connaissance de cette pièce et de l'état des choses. Je vais l'exposer en peu de mots.

La régence de Saint-Trond se plaint de ce qu'ayant eu jusqu'à présent, cinq convois partant de cette localité vers Hasselt, et quatre partant de cette même localité vers Landen, ces convois sont aujourd'hui réduits à deux ; et encore ce sont des convois mixtes qui prennent une heure pour faire le trajet de Saint-Trond à Hasselt, qui n'est long que de trois lieues. Enfin, les heures d'arrivée sont extrêmement incommodes pour les habitants. Outre l'insuffisance des convois, il en résulte un très grand préjudice pour les relations d'affaires, pour les relations des marchés hebdomadaires.

La ligne de Landen à Hasselt a été longtemps exploitée par l'Etat à la satisfaction de tous les intéressés.

Depuis que la compagnie d'Aix-la-Chapelle l'exploite jusqu'à présent, il n'y a pas eu non plus de grief légitime. Mais depuis quelque temps les mesures que la compagnie vient de prendre, les congés qu'elle a donnés à un grand nombre d'employés et qui indiquent la permanence probable de cet état de choses, ont jeté l'inquiétude dans toute la province.

Il est de toute nécessité que M. le ministre des travaux publics intervienne dans cette affaire. Je pense qu'une des premières mesures à prendre serait, par exemple, de mettre la compagnie en demeure d'établir une exploitation suffisante. La convention faite avec la compagnie donne au gouvernement de très grands pouvoirs, notamment le pouvoir d'exploiter lui-même la ligne et au besoin de reprendre le chemin de fer.

Je livre ces réflexions à l'attention de M. le ministre des travaux publics et j'espère qu'il ne manquera pas de s'empresser de faire rendre justice à la province de Limbourg.

M. Julliot. - Messieurs, je viens appuyer les observations présentées au ministère par l'honorable comte de Theux.

Depuis la suppression des divers convois sur la ligne de Landen à Maestricht, nous nous trouvons, en ce qui concerne le service de la poste, dans une position insupportable. Ce service pour Tongres et ses environs se faisait par les convois supprimés qui correspondaient avec Tongres par des voitures publiques ; or, quand on a suspendu la marche des convois, les voitures ont cessé leur service et la poste à Tongres pour le moment a rebroussé au point où elle en était il y a cinquante ans.

Je ne parlerai pas de l'usage que nous pouvons encore faire de ce chemin de fer pour nos voyages, car il nous faut voyager la nuit pour pouvoir y avoir accès. Mais je dis que sous le rapport du service de la poste on doit venir à notre aide sans retard. Le percepteur des postes à Tongres est un homme intelligent et zélé qui s'est adressé de suite à l'administration centrale pour faire cesser cet état de choses en établissant des malles postes, car pour écrire une lettre à deux lieues de chez soi et en recevoir la réponse il nous faut trois jours.

Je suis certain que le gouvernement mettra ordre dans ce désordre sans la moindre perte de temps.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comme il s'agit de faits qui se sont passés avant l'entrée en fonctions de mon honorable collègue M. le ministre des travaux publics, je demande à la Chambre la permission de dire quelques mots en réponse aux observations qui viennent d’être présentées.

Une compagnie, déjà concessionnaire du chemin de fer de Maestricht à Aix-la-Chapelle, a obtenu la concession d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht. Cette compagnie s'est, en outre, substituée à l'Etat pour l'exploitation du chemin de fer de Landen à Hasselt, qui faisait partie de la concession de Tournai à Jurbise et qui était exploité par l'Etat.

Jusque dans ces derniers temps, elle a exécuté complétement les obligations qu'elle avait contractées. Mais récemment, et à raison de la situation financière dans laquelle elle se trouve, elle a supprimé, en effet, un certain nombre de convois.

Voici, messieurs, quelle est la situation de la compagnie. Elle s'est constituée pour l'exécution et l'exploitation de ces divers chemins de fer et après avoir émis un certain nombre d'actions, elle a dû, pour compléter les travaux et faire l'achat de son matériel, émettre jusqu'à deux séries d'obligations. On pouvait espérer que les produits permettraient de servir au moins les intérêts des obligations contractées. Je ne parle pas d'un bénéfice quelconque à procurer aux actionnaires ; mais il se trouve que les produits de la ligne balancent simplement les frais d'exploitation. Il n'y a pas même de quoi payer un centime d'intérêt aux porteurs d'obligations.

Cette situation, la Chambre le reconnaîtra, est extrêmement grave pour la compagnie. Les gouvernements intéressés à l'exploitation de la ligne en ont été préoccupés.

Le gouvernement prussien a fait appel au gouvernement hollandais et au gouvernement belge pour examiner ce qu'il y avait à faire et jusqu'à présent aucune résolution n'a été prise. Mais en attendant, la compagnie a supprimé quelques-uns de ses convois ; elle a essayé de réduire dans une certaine proportion ses dépenses.

Je n'ai pas attendu les interpellations des honorables membres pour présenter des observations à la compagnie sur ce point. Elle a été mise en demeure de remplir ses engagements. Mais ces engagements ne sont pas limités. Ils ne consistent pas en un nombre fixe et déterminé de convois. Ils obligent à satisfaire aux besoins des populations. Quels sont ces besoins ? C'est ce qu'il y aura à examiner. Les convoi 'étaient-ils trop multipliés ? Peut-on en réduire quelques-uns tout en satisfaisant aux plaintes légitimes ? C'est à examiner. J'ai demandé un rapport à la compagnie ; nous attendons sa réponse. Mon honorable collègue le ministre des travaux publics recherchera ensuite ce qu'il y aura lieu de statuer.

Rapport de pétitions

M. Sabatier. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission permanente de l'industrie sur la pétition des fabricants de sulfate de soude qui sollicitent l'établissement d'un droit sur le sulfate de soude étranger.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La Chambre le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi révisant le code pénal

Rapport de la commission

M. Moncheur. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission spéciale chargée de la révision du Code pénal sur les articles 295 et suivants de ce Code.

- Le rapport sera imprimé et distribué.

Rapports de pétitions

M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Namur le 1er juin 1858, le sieur Wiemaer réclame l'intervention de la Chambre pour que les personnes qui ont reçu la médaille de Ste-Hélène se conforment au règlement sur le port de cette décoration.

Je crois, messieurs, que la Chambre n'a pas à s'occuper de l'exécution de pareils règlements correctionnels ; en conséquence, votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


(page 356) M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Gand, le 3 juin 1858, le sieur Van Beveren, destitué par arrêté du 16 mai 1831, de ses fonctions de notaire qu'il remplissait à Lokeren, demande une indemnité en compensation de la perte de son étude.

Le pétitionnaire, âgé aujourd'hui de 77 ans et père d'une famille mineure, est, à ce qu'il paraît, dans un état voisin de la misère.

Le 23 mai 1856, la munificence royale vint en aide à son malheureux sort en lui accordant la gratification de 150 fr.

Plusieurs fois le sieur Van Beveren exposa ses prétendus griefs à différents ministres, entre autres aux honorables MM. Tesch et Nothomb qui, après avoir soigneusement examiné cette affaire, ne crurent pas cependant devoir faire droit aux diverses demandes du plaignant.

Dans la pétition actuelle, aucune preuve nouvelle ne vient établir d'une manière évidente l'injustice dont le sieur Van Beveren se croit victime.

En supposant d'ailleurs, tout à fait gratuitement, que la destitution ait été arbitraire ou du moins qu'elle n'ait pas été suffisamment justifiée par les motifs énoncés dans l'arrêté du 16 mai 1831, la Chambre, dans cette hypothèse même, pourrait, à ce que je crois, difficilement faire droit à la demande du pétitionnaire, attendu qu'il n'y a pas de fonds disponibles à cette destination au département de la justice.

Votre commission, messieurs, ne peut donc que vous proposer l'ordre du jour sur l'objet de cette pétition.

- Ces conclusions sont adoptées.


Par pétition datée d'Eessen, le 5 juin 1858, le sieur Seys réclame l'intervention de la Chambre pour que la société concessionnaire du chemin de fer de Lichtervelde à Furnes, exécute ses obligations.

Depuis que cette pétition a été adressée à la Chambre, on a fait droit, mais en partie seulement, aux réclamations du sieur Seys. Il reste encore les travaux suivants à exécuter.

1° Un aqueduc sous la voie ferrée sur la parcelle n° 08 du cadastre, pour donner issue aux eaux fluviales qui, par suite de la construction dudit chemin, devront nécessairement se répandre sur les terres du plaignant ; ou, dans le cas de grandes difficultés ou d'impossibilité de la construction dudit aqueduc, de lui donner une indemnité en rapport avec les frais que lui occasionnera le détournement dudit ruisseau sur ses terres ; car, en vertu du cahier des charges, il était interdit à la société de détourner aucun eau de son cours.

2° Creuser des fossés latéraux sur les parcelles n°107 et 106 du cadastre pour l'écoulement des eaux provenant du chemin de fer et des terres attenantes.

L'exécution de cet ouvrage est urgente pour préserver le réclamant d'inondations et de pertes irréparables.

3° Replanter la haie vive à 50 centimètres de la ligne séparative, conformément à la loi, sur les parcelles n°108,107 et 106 du cadastre.

4° Les barrières placées dans la pâture sur la parcelle n°190 ne sont nullement en état de contenir le bétail ; il en est de même de la clôture en palissades que la société a été obligée de construire sur la même parcelle, ce qui expose le réclamant à des pertes, et les voyageurs à de grands dangers. En outre, la société s'était engagée par écrit à ouvrir et à faire garder lesdites barrières, ce que jusqu'ici elle n'a pas encore fait ; de sorte que le plaignant se trouve dans la nécessité d'y mettre un garde à ses frais.

Messieurs, le sieur Seys n'est pas le seul propriétaire qui ait à se plaindre de la négligence, et je dirai même de la mauvaise foi de la société concessionnaire du chemin de fer de Lichtervelde à Furnes. Tous les jours il y a des plaintes et des procès à cette occasion.

Les cours d'eau sont interrompus, les clôtures sont généralement insuffisantes ; il est vrai qu'on les a récemment améliorées en quelques endroits, mais, contrairement à la justice, aux frais des riverains. Dans différentes causes d'expropriation, la société par plusieurs arrêts, et sur conclusions conformes, a été condamnée à construire sur son fonds un fossé ayant une largeur au minimum de 2 mètres 70 centimètres et 1 mètre 50 centimètres de franc bord, d'élargir ce fossé si la sécurité publique le commande, enfin de le remplacer par tout autre mode de clôture, si la clôture par fossé était reconnue insuffisante.

Eh bien, messieurs, nonobstant ses propres engagements et le dispositif des jugements et arrêts à sa charge, la société est restée en demeure jusqu'à ce jour, de satisfaire aux exigences les plus apparentes de la sécurité publique.

Tout le monde sait en effet, que ce chemin traverse les riches pâtures de Dixmude et du Veurnambacht ; bien des fois déjà, le convoi a heurté et écrasé des animaux qui se promenaient sur la voie ferrée. Si, fort heureusement, des accidents n'ont pas encore eu lieu, c'est par pur hasard.

En présence de ces faits et de beaucoup d'autres qu'il serait trop long et trop ennuyeux surtout d'énumérer ici, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition du sieur Seys à M. le ministre des travaux publics, afin qu'il force au plus tôt ladite société à satisfaire à toutes les obligations qu'elle a contractées et que le cahier des charges lui impose d'ailleurs.

M. le président. - Dans le bulletin imprimé, les conclusions de la commission sont le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. de Smedt, rapporteur. - Ce renvoi a été adopté d'abord par la commission des pétitions ; mais sur des observations que je lui ai présentées, j'ai demandé le renvoi à M. le ministre des travaux publics, ce qui m'a été accordé.

M. de Breyne. - Messieurs, la pétition sur laquelle on vient de présenter un rapport doit remonter à une époque déjà ancienne.

M. le président. - La pétition est du 5 juin 1858.

M. de Breyne. - On a, depuis lors, satisfait à toutes les réclamations.

M. le président. - Le rapport dit qu'on n'y a satisfait qu'en partie.

M. de Smedt, rapporteur. - En effet, les renseignements que j'ai reçus tout récemment m'ont donné la certitude qu'on n'a fait droit qu'à une partie des griefs. J'ai reçu du sieur Seys une lettre à cet égard.

M. de Breyne. - Je suis de cette contrée ; je fais partie de l'administration de ce chemin de fer ; et je dois dire que je suis excessivement étonné des plaintes qui s'élèvent ; je suis encore plus étonné des déclarations que vient de faire l'honorable rapporteur. Je proteste contre ses paroles. J'admets qu'il y a eu des plaintes, et que ces plaintes étaient plus ou moins fondées ; mais c'était au début de l'exploitation ; personne n'ignore que la première période d'une exploitation de ce genre est extrêmement difficile : car ceux qui ont parcouru cette ligne, et je pourrais citer beaucoup d'honorables membres de cette Chambre qui sont dans ce cas, et notamment l'honorable M. Le Bailly de Tilleghem que j'ai rencontré plusieurs fois sur ce chemin de fer ; ceux qui ont parcouru cette ligne, dis-je, doivent reconnaître que l'administration s'acquitte parfaitement de ses devoirs.

Je demande que, conformément aux premières conclusions de la commission, la Chambre ordonne le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

M. de Smedt, rapporteur. - Je me rallie à cette proposition.

- Le dépôt delà pétition au bureau des renseignements est mis aux voix et adopté.


M. de Smedt, rapporteur. - Par pétition datée de Gand le 8 juin 1858, le sieur Bergain, sergent au régiment du génie, réclame l'intervention de la Chambre pour faire entrer l'orpheline Jonghbeys à l'institut royal de Messine.

Plusieurs fois déjà le sieur Bergain a adressé à la Chambre la même demande ; jusqu'à ce jour il n'y a eu aucune décision de prise en faveur de cette orpheline.

Votre commission a l'honneur de vous proposer de nouveau le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

- Cette proposition est adoptée.


M. de Smedt, rapporteur. - « La veuve Walkiers réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir le payement d'une créance à charge du département de la guerre.

Messieurs, à plusieurs reprises déjà la pétitionnaire s'est adressée au gouvernement et à la Chambre afin d'obtenir le remboursement des dépenses faites par feu son mari en 1830 et 1831 pour l'organisation d'une légion belge anversoise. Cette prétendue créance s'élèverait à la somme de 5,190 fr. 80 cent.

La pétition actuelle rappelle une pétition antérieure qui fut renvoyée, dans la séance du 5 mai dernier, à M. le ministre des finances qui la renvoya au ministre de la guerre. Par dépêche ministérielle du 21 mai, M. le ministre de la guerre répondit à l'exposant : 1° que la créance n'était pas suffisamment établie et, 2° que, le serait-elle, il n'y a pas à son département de fonds disponibles à cette destination.

Il paraîtrait cependant, s'il faut en croire la pétition actuelle, que la réclamation de la veuve Walkiers aurait été appuyée par un bordereau détaillé des dépenses dressé et approuvé par les chefs de corps composant l'administration du régiment pour lequel ces dépenses auraient été faites.

Sans rien préjuger par conséquent de la question, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. de Smedt, rapporteur. - « Par pétition datée de Tubize, le 8 juin 1858 ; le sieur Houze demande que le droit de délivrer les médicaments tant simples que composés, prescrits par le maréchal vétérinaire, soit exclusivement réservé aux pharmaciens.

Il est incontestable, messieurs, que la loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire a rendu de grands services à l'industrie agricole.

Avant le vote de cette loi qui ne date que du 11 juin 1850, il manquait dans beaucoup de localités de la Belgique des médecins vétérinaires diplômés ; aujourd'hui il n'y a plus que très peu de communes tant soit peu importantes qui en soient encore privées.

En général donc cette loi a été utile ; je crois cependant pouvoir critiquer avec le pétitionnaire une seule disposition de cette loi, c'est celle contenue dans l'article 32 accordant aux médecins et maréchaux vétérinaires l'autorisation de fournir des médicaments aux propriétaires des animaux auxquels ils donnent leurs soins.

Je crois qu'il serait à désirer, comme le voulait d'ailleurs la section centrale de 1850 chargée d'examiner le projet de loi sur cette matière que cette faculté fût accordée aux médecins et maréchaux vétérinaires (page 357) alors seulement qu'ils habitent des localités où il n'y a pas de pharmacie.

Je ne comprends pas en effet la nécessité d'octroyer un pareil privilège aux médecins et maréchaux vétérinaires alors qu'il est refusé aux docteurs en médecine ? Serait-ce dans l'intérêt de l'agriculture ? On l'a prétendu lors de la discussion de la loi. Mais depuis lors l'expérience des faits est venue donner un démenti à cette opinion.

En effet que se passe-t-il journellement dans nos campagnes ? Les propriétaires d'animaux malades sont exploités par les médecins vétérinaires qui leur font payer jusqu'à 10 et 15 fois la valeur du médicament qu'ils trouveraient chez le pharmacien et le plus souvent même chez les droguistes. Ils ne font pas un compte séparé des frais de visite et désirais de médicaments ; c'est ainsi que pour une simple visite pour laquelle ces messieurs demanderaient 2 francs, ils en demandent 5 du moment qu'ils ont fourni un médicament, la drogue ne coûtât-elle en réalité que 20 centimes.

Ils exploitent donc ainsi et trop souvent malheureusement la bonne foi du fermier qui ne réclame pas parce qu'il croit que c'est par les médicaments fournis que les frais s'élèvent d'autant.

Cette fraude ne serait plus possible alors que le propriétaire d'animaux malades devrait chercher chez le pharmacien les médicaments prescrits par le médecin vétérinaire. Cela se passerait alors sans plus ni moins de difficultés que pour les ordonnances des docteurs en médecine.

Un autre motif, messieurs, pour désirer l'abrogation de l'article 32 de la loi de 1850 sur l'exercice de la médecine vétérinaire, c'est que le pharmacien qui a fait des études spéciales est incontestablement plus apte à la manipulation et à la préparation des médicaments que le médecin ou maréchal vétérinaire qui n'a étudié la pharmacologie que comme branche accessoire de son enseignement.

Les faits que j'ai signalés plus haut, messieurs, ne se passent que trop souvent à la campagne, et le droit tout exceptionnel accordé à tous les médecins et maréchaux vétérinaires de fournir eux-mêmes des médicaments alors même qu'à deux pas de chez eux il y aurait un pharmacien, ce droit, dis-je, ne sert en définitive qu'à leur donner une occasion facile d'exercer de honteuses exactions, et cela au grand détriment de l'industrie agricole au profit de laquelle seule cette loi devait être faite. En conséquence, messieurs, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur, et je demanderai en outre que cet honorable ministre veuille bien examiner s'il n'y a rien à faire pour prévenir d'aussi graves abus et même, s'il le juge à propos, de demander à la législature la révision de cette loi ; d'autant plus que certains autres articles de cette loi, notamment les articles 22 et 23, demandent également quelques changements.

M. Vermeire. - Messieurs, la pétition sur laquelle vous venez d'entendre un rapport renferme une accusation contre les médecins vétérinaires et les maréchaux qui exercent l'art vétérinaire ; elle demande que la loi sur la délivrance des médicaments soit changée. Je ne crois pas qu'on puisse signaler des abus dans l'exercice de l'art vétérinaire de la part des médecins vétérinaires, non plus que de la part des maréchaux ; je ne m'oppose pas au renvoi au ministre de l'intérieur, mais je ne puis attacher à ce renvoi la même portée que M. le rapporteur qui voudrait qu'on apportât des changements à la législation. J'appuie le renvoi pourvu qu'il soit pur et simple.

- Adopté.

M. Vander Donckt. - Ce n'est pas une accusation que contient le rapport que vous venez d'entendre ; il se borne à signaler un abus antérieur à la loi. Aujourd'hui le médecin vétérinaire, tant dans les grandes villes que dans les campagnes, a le privilège de délivrer les médicaments destinés au bétail, au préjudice des pharmaciens légalement institués dans les localités où ce vétérinaire a sa résidence. C'est un abus ; il faut que l'un et l'autre de ces fonctionnaires aient les attributions ressortissant à leurs fonctions.

Le vétérinaire ne peut pas convenablement délivrer des médicaments dans une localité où un pharmacien est établi. C'est contre cet abus que réclame le pétitionnaire. Nous avons cru qu'il y avait quelque chose à faire ; c'est dans ce sens que nous avons conclu au renvoi au ministre de l'intérieur, en lui laissant la libre appréciation. Je maintiens que les observations présentées par l'honorable rapporteur sont très fondées.

M. Vermeire. - Je demande le renvoi pur et simple.

- Le renvoi pur et simple est mis aux voix et prononcé.


M. Vander Donckt, deuxième rapporteur. - Par pétition du 10 juillet 1858, par deux pétitions des négociants et industriels à Aerseele, Vive-St-Eloi, Volsene et autres communes dans les deux Flandres, demandent que le gouvernement leur accorde l'autorisation de naviguer sur le canal de Schipdonck, en permettant le passage de leurs bateaux au barrage de Deynze.

Messieurs, vous vous rappellerez qu'il y a peu de jours semblables demandes ont été soumises à votre appréciation. Votre commission vous propose les conclusions précédemment adoptées, le renvoi au ministère des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Ophoven, le 10 juillet 1858, le sieur Vandeur demande que le milicien Moers, de la commune d'Ophoven, qui a été réformé, soit soumis à une nouvelle visite.

Votre commission a pensé que la Chambre n'avait pas à s'occuper de la question soulevée par le pétitionnaire ; d'abord sa réclamation est faite tardivement ; et la décision de la députation permanente est devenue définitive et sans appel, et par ces motifs votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Theux, le 25 juin 1858, plusieurs habitants de Theux demandent l'abrogation de la loi du 11 juin 1850, sur l'exercice de la médecine vétérinaire.

Cette loi, messieurs, présente plusieurs lacunes qu'il est plus que temps de faire disparaître, dans l'intérêt de l'agriculture, comme dans l'intérêt même des vétérinaires. Votre commission, messieurs, a cru devoir se borner pour le moment à vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.

M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Thielt, le 8 mai 1858, le sieur Braekevelt, boucher et marchand de bestiaux à Thielt, demande remise d'une amende à laquelle il a été condamné pour exercice illégal de la médecine vétérinaire.

Il s'agit encore une fois, messieurs, de la même question soulevée pour la même cause. Il est évident, pour tous ceux qui connaissent les campagnes des Flandres, qu'il ne s'y trouve pas un nombre suffisant de vétérinaires.

Eh bien, on ne cesse de solliciter les anciens vétérinaires à prêter leurs secours au bétail malade ; et s'il arrive qu'un vétérinaire du gouvernement en ait connaissance, il dénonce le fait et il en résulte des condamnations à des amendes à charge de ces maréchaux vétérinaires qui ne sont cependant guidés que par un mobile de pure philanthropie.

Il y a d'ailleurs une absurdité réellement inconcevable dans la loi sur l'exercice illégal de l'art vétérinaire. En effet, messieurs, le bétail est bien certainement la propriété de celui qui le possède ; à ce titre il a le droit d’assommer son bétail, de le mutiler, de lui faire subir tous les traitements qu'il juge convenable.

Mais s'il s'avise de faire saigner son bétail, celui qui aura consenti à faire cette opération sera condamné, s'il n'est pas porteur d'un diplôme, à une amende de 25 florins et même à l'emprisonnement en cas de récidive. Eh bien, je demande si ce seul fait ne démontre pas la nécessité de réviser la loi en vigueur ? Quant à moi, je pense qu'il y a, sous ce rapport, une véritable lacune dans la loi ; car il n'y a pas, surtout dans les Flandres, assez de vétérinaires pour traiter le bétail malade et dès lors il est absurde de ne pas accorder à des hommes, suffisamment compétents du reste, la faculté de donner leurs soins au bétail malade. Je me permets d'appeler le sérieuse attention de M. le ministre de l'intérieur sur les lacunes que je viens de signaler, et au nom de la commission, je vous propose le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. le président. - Avant de passer à la suite de l'ordre du jour' je vous prierai de fixer l'heure de la séance de demain. Je ferai remarquer que la commission chargée de l'examen du Code pénal doit avoir encore une réunion importante demain.

- Plusieurs membres : A 3 heures.

La Chambre fixe à 3 heures sa séance de demain.


M. de Paul, rapporteur. - Par pétition datée de Villers-la-Bonne-Eau, le 26 juillet 1858, les membres du conseil communal de Villers-Ia-Bonne-Eau demandent que la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg construise l'embranchement sur Bastogne

Même demande des conseils communaux de Mabompré, Tintange, Champion, Hompré, Hives, Wardin, Ortho, Tenneville et de négociants et cultivateurs à Hompré.

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. de Paul, rapporteur. - Par diverses requêtes de dates récentes, les commissaires de police de Tirlemont, de Turnhout et de Seraing, ainsi que ceux des cantons d'Ardoye et d'Ingelmunster, demandent qu'il leur soit accordé un traitement ou une indemnité en raison des fonctions de ministère public qu'ils remplissent près des tribunaux de simple police.

De nombreuses réclamations semblables à celles-ci sont déjà parvenues à la Chambre. Vous en avez ordonné le renvoi à M. le ministre de la justice ; votre commission, messieurs, vous propose aujourd'hui le même renvoi.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par requête en date du 27 juillet 1858, la commission administrative des hospices civils de Stavelot réclame contre la perception des droits d'enregistrement auxquels a erronément donné lieu l'adjudication au rabais des fournitures d'objets nécessaires à ces hospices.

La question que soulève cette requête est celle de savoir si le droit fixe de fr. 1.70 établi par la loi du 4 juin 1855, est dû pour chaque adjudication ou seulement pour chaque procès-verbal, quel que soit le nombre d'adjudications qu'il contienne.

Il appartient au gouvernement de prescrire à ses agents le mode de perception qu'il croit conforme à la loi, sauf aux parties intéressées à se pourvoir devant les tribunaux si elles se croient lésées. Votre commission vous proposé, messieurs, le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.

(page 358) M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Lille (Anvers), le 9 novembre 1858, la dame Lehouque demande à recouvrer la pension dont elle jouissait à titre de veuve sans enfants du sieur Havard, ancien receveur des contributions, pension qu'elle a perdue en se remariant.

La loi étant sur ce point formelle, votre commission propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Worteghem, le sieur Destoop réclame l'intervention de la Chambre pour être mis en possession des biens dépendants de la succession de la dame Marquier.

Les réclamations du sieur Destoop étant de la compétence exclusive des tribunaux, votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Winghe Saint-Georges, le 3 août 1858, la dame Veugelen demande un congé en faveur du sieur Pierre Javier, soldat au 10ème ligne.

L'objet de cette demande étant complétement étranger aux attributions de la Chambre, votre commission vous propose, messieurs, de passer à l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Thonnelalong, le 30 juin 1858, le sieur Métivier réclame l'invention de la Chambre pour obtenir le retrait de l'ordre d'expulsion délivré à sa charge.

Votre commission, messieurs, ne pouvant ni apprécier les motifs qui ont amené l'expulsion du pétitionnaire, ni vérifier la sincérité des bons témoignages que ce dernier invoque, et croyant du reste qu’au gouvernement seul appartient de juger de la nécessité d'expulser du pays les étrangers qui s'y présentent, croit devoir vous proposer le renvoi de la requête dont s'agit à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par requêtes datées de Saint-Nicolas et de Belcele, plusieurs cultivateurs de ces deux localités prient la Chambre d'exempter du droit de barrière les différents transports qu'ils doivent faire du lin vert, avant qu'ils puissent le rentrer définitivement dans la ferme, et de comprendre ces transports dans l'exemption établie par le paragraphe 7 de l'article 7 de la loi du 18 mars 1833.

Votre commission, sans vouloir trancher la question de savoir si les transports dont s'agit ne tombent pas sous l'application du prédit article 7, estime que la réclamation dont s'agit mérite l'attention du gouvernement ; en conséquence, elle propose le renvoi de la pétition à MM. les ministres des finances et des travaux publics.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée d'Arlon, le 23 juillet 1858, le sieur Thinnès, ancien maréchal des logis au régiment des cuirassiers, prie la Chambre de lui faire obtenir un emploi de garde-convoi, au chemin de fer de l'Etat.

Quels que soient les sentiments de bienveillance qu'éprouve la Chambre pour tout ancien militaire qui a satisfait à ses devoirs, elle ne peut cependant pas se charger de son avenir. Votre commission croit donc devoir, messieurs, vous proposer de passer à l'ordre du jour sur la pétition dont s'agit.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par pétition datée de Bleid, le 10 novembre 1858, des membres du conseil communal de Bleid prient la Chambre d'ordonner que les archives de la commune soient réintégrées dans la maison communale, et de décider que les réunions du conseil doivent s'y tenir.

La commission conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. de Paul, rapporteur. - Par pétition en date du 17 novembre 1858, l'administration communale de Ramscappelle demande qu'il soit pris de promptes mesures pour faire disparaître l'eau insalubre des fossés qui longent les pâtures situées en cette commune.

Les faits signalés présentent un caractère de gravité tel, que votre commission doit devoir appeler la sérieuse attention du gouvernement sur la nécessité de les faire disparaître, et vous propose en conséquence le renvoi de la requête dont s'agit à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.

M. de Breyne. - Je viens appuyer la proposition de la commission tendante au renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur. Il s'agit ici d'une question très grave qui se rattache non seulement à l'industrie, mais aussi et surtout à la salubrité publique.

La contrée qui forme le littoral de la mer, et qui comprend les arrondissements de Furnes, Dixmude, et d'une partie de l'arrondissement d'Ypres, toute cette partie de la Flandre occidentale est complétement dépourvue de sources d'eau ; c'est au moyen des eaux pluviales que le pays est alimenté. Dans les grandes sécheresses, quand l'approvisionnement s'épuise, on cherche à remédier à cette pénurie au moyen des eaux du canal de Bruges à Ostende, que l'on fait passer dans le canal de Nieuport et la crique de Nieuwendamme, dans l'Yser et le canal de Furnes.

Mais, comment se fait-il que l'eau, bonne et saine à sa source, arrive saumâtre et mauvaise dans l'intérieur du pays ? Je ne m'occuperai pas des causes du mal et des moyens propres à y remédier, je constate un fait grave, qui intéresse une population nombreuse et je le signale au gouvernement pour qu'il y soit porté un remède prompt et assuré.

Messieurs, à certaine époque de l'année et surtout dans les grandes sécheresses, l'eau salée, malgré les écluses à la mer, arrive jusqu'à cinq et six lieues dans l'intérieur du pays. Elle est non seulement impropre aux usages du ménage, mais elle est insalubre et nuisible. Les brasseurs pas plus que les distillateurs ne peuvent s'en servir, et le fabricant de sucre est forcé d'interrompre fréquemment ses travaux pour enlever une croûte de sel qui s'est cristallisé dans les générateurs. Le fermier se plaint que le bétail ne s'engraisse plus dans une contrée où cette branche de l'industrie agricole est une des plus considérables. Enfin, l'intérêt le plus important est compromis, la santé des habitants subit nécessairement la fâcheuse influence de la mauvaise qualité de l'eau.

J'appuie d'autant plus le renvoi de la pétition que récemment encore, et j'en félicite M. le ministre de l'intérieur actuel, les administrations communales ont reçu l'invitation de s'occuper de l'amélioration des eaux potables. Je suis convaincu que M. le ministre cherchera le moyen d'obvier aux inconvénients signalés par les pétitionnaires.

Je ferai une autre proposition et j'espère que la Chambre voudra bien l'appuyer. Je demande que la pétition soit aussi renvoyée à M. le ministre des travaux publics. Voici pourquoi. Par des lois votées dans la dernière session vous avez décrété des travaux d'amélioration à l'Yser et au canal de Plasschendaele, vers la frontière française. Or, comme ces travaux sont sur le point d'être exécutés, je demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics, afin que d'accord avec son collègue M. le ministre de l'intérieur, il fasse examiner s'il ne serait pas possible, au moyen de ces travaux, d'améliorer la situation dont on se plaint.

M. de Smedt. - Messieurs, j'appuie les observations que vient de vous présenter l'honorable député de Dixmude. Je crois que l'état de choses dont on se plaint est dû surtout à ce que l'éclusier de Nieuport n'observe pas le règlement qui l'oblige à n'ouvrir les écluses que lorsque l'eau du chenal est à 10 ou 15 centimètres plus bas que l'eau du canal. J'appelle sur ce point l'attention du gouvernement.

M. de Paul, rapporteur.- Les pétitionnaires ne font pas connaître la cause des faits qu'ils signalent. Ils se plaignent de l'insalubrité des eaux dans les fossés de la commune, mais ils n'indiquent pas d'où elles viennent ni pour quelles causes elles se vicient. La commission a donc dû se borner à vous proposer le renvoi de la requête à M. le ministre de l'intérieur qui a dans ses attributions les travaux d'assainissements et d'hygiène publique.

Maintenant que nos honorables collègues nous font connaître que cette situation provient de l'état de la rivière, la commission ne s'oppose nullement à ce que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics en même temps qu'à M. le ministre de l'intérieur.

- Le renvoi à M. le ministre de 1 intérieur et à M. le ministre des travaux publics est prononcé.


M. de Paul, rapporteur. - Par requête en date du 30 juillet 185«, le conseil communal d'Amber-loup sollicite l'intervention de la Chambre pour obtenir la construction aux frais de l'Etat d'une route de Libramont à Houffalize et 1'exécution de l'embranchement du chemin de fer sur Bastogne par Amberloup et Saint-Hubert.

Il appartient au gouvernement de faire droit sur le double objet de la demande dont s'agit. Votre commission vous en propose, messieurs, le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


Par requête datée d'Aywaille, le 23 octobre 1858, le sieur Vincent sollicite l'intervention de la Chambre pour obtenir révision d'un procès civil.

Votre commission ne peut que vous proposer, messieurs, l'ordre du jour sur semblable demande.

- Adopté.


Par requête daté de Bruxelles, le 20 septembre 1858, le sieur Tulpinck réclame l'intervention à la Chambre pour faire saisir des actes de partage qu'il prétend avoir été falsifiés.

Votre commission, messieurs, propose l'ordre du jour.

- Adopté.


Par pétition datée de Fineuse, le 13 août 1858, le sieur Lepère demande s'il faut avoir la permission du propriétaire pour pêcher à la main ou avec de petits filets, dans les rivières dont la pêche n'est pas louée, et si un individu qui demeure à Fineuse depuis quatre ans ne peut y obtenir une part d'affouage.

Votre commission, messieurs, vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


Par requête en date du 12 juin 1858, cent trente-quatre habitants de Saint-Josse-ten-Noode prient la chambre de modifier la loi du 25 septembre 1842, en y inscrivant le principe de l'instruction obligatoire et en abolissant l'intervention du ministre des cultes, à titre d'autorité, dans les écoles publiques.

Cette pétition, messieurs, soulève deux questions des plus importantes qui, à bon droit, préoccupent l'opinion publique et sont depuis longtemps l'objet des méditations des esprits pratiques et théoriques les plus éminents. Sans aucun doute, ces questions intéressent au plus haut point l'avenir de la Belgique, mais elles sont trop graves pour que la Chambre en soit saisie incidemment et trop vastes pour que votre commission en entreprenne l'examen dans un travail forcément restreint.

(page 359) Tout en appelant la sérieuse attention de la législature et du gouvernement sur ces deux grandes questions ainsi que sur toutes les mesures qui seraient de nature à répandre l'instruction dans toutes les classes de la société, votre commission croit devoir se borner à vous proposer, sans rien préjuger, le renvoi de la requête dont s'agit à M. le ministre de l'intérieur.

M. de Fré. - Je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions. J'engage l'honorable ministre de l'intérieur à examiner sérieusement la question de la révision de la loi de 1842.

La pétition sur laquelle il vient de vous être fait rapport demande la révision de la loi de 1842, en ce qui concerne l'enseignement obligatoire, et en ce qui concerne l'intervention du prêtre à titre d'autorité dans l'enseignement primaire.

Vous avez pu remarquer d'abord, que les hommes qui ont signé cette pétition sont des administrateurs, des conseillers communaux ayant leur bourgmestre en tête. Ce sont des hommes qui ont pratiqué la loi de 1842 depuis quinze ans. Ils en ont donc reconnu les vices et ils s'adressent à la législature afin qu'elle révise cette loi.

En ce qui concerne l'enseignement obligatoire, je dois faire à la Chambre une seule observation.

La loi de 1842 avait inscrit le principe de l'enseignement gratuit, et la statistique établit que l'enseignement gratuit n'a pas été suffisant pour répandre l'instruction d'une manière complète. Ceux qui veillent aux besoins moraux du pays ont examiné s'il n’y avait pas lieu de mettre à côté de la gratuité de l'enseignement le caractère obligatoire de l'enseignement.

Il est certain que la société ne se développe et ne s'enrichit que par l'instruction.

L'homme qui a de l'instruction possède un capital ; à l'aide de ce capital, non seulement il s'enrichit, mais il enrichit par son travail la production générale. Il y a dans les dépôts de mendicité beaucoup d'individus que la commune doit nourrir parce qu'ils ne savent ni lire ni écrire. Je me rappelle qu'un jour un avocat, assistant à une audience de justice de paix, s'intéressa à un jeune homme qui était arrêté comme vagabond, comme mendiant ; il voulut en faire un commis. Le jeune homme répondit qu'il ne savait ni lire ni écrire.

S'il avait su lire et écrire, la commune n'aurait pas été obligée de le nourrir au dépôt de mendicité. Voilà l'effet pratique de l'enseignement obligatoire.

Si la commune s'appauvrit, l'Etat s'appauvrit et tout le monde s'appauvrit. La nécessité de répandre l'enseignement ne peut donc pas être contestée ; il ne s'agit que de savoir s'il faut forcer directement ou indirectement. Cette question, l'honorable ministre de l'intérieur l'examinera, et j'en suis persuadé, lui, qui a toujours montré, dans toutes les circonstances, sa grande sollicitude pour renseignement et le développement moral des classes les plus nombreuses de la société, il arrivera d'ici à très peu de temps à une solution satisfaisante.

J'espère que ce sera le plus tôt possible, le moins tard possible et que cette solution pourra concilier l'intérêt général de la société et l'intérêt de la liberté individuelle.

Je ne veux pas entrer dans l'examen approfondi de cette question ; ce n'est pas le moment ; mais il est bon que de temps en temps de semblables questions soient agitées ; c'est le seul moyen pour que ces questions fassent du chemin.

En ce qui concerne la seconde question soulevée par la pétition, la demande d'inscrire dans la loi de 1842 la séparation des pouvoirs en matière d'enseignement, c'est une question, messieurs, qui est à l'ordre du jour depuis 15 ans et ce n'est pas au moment où l'opinion libérale triomphe que les promesses libérales doivent être oubliées.

Maintenant, messieurs, je ne viens pas dire aux ministres : Présentez un projet de loi immédiatement, c'est au gouvernement à choisir son heure, il est des circonstances qui sont favorables à la présentation de certaines lois, il en est d'autres qui le sont moins.

L'honorable ministre de l'intérieur restera juge de l'opportunité. Mais il est bon, en attendant que des réalisations de ce genre s'opèrent, que les principes libéraux soient proclamés et mis en lumière.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, bien que l'honorable préopinant ne demande pas une solution immédiate de la question qu'il soulève, je pense qu'il sera utile que le gouvernement fasse part à la Chambre de quelques réflexions que les circonstances rendent opportunes.

La pétition et l'honorable orateur demandent deux choses : la révision de la loi sur l'enseignement primaire en ce qui touche l'intervention du prêtre dans l'école et en ce qui touche la fréquentation de l'école par les élèves ; en d'autres termes l'exclusion du prêtre de l'école primaire et l'obligation pour les parents d'envoyer leurs enfants à l'école. Je m'attache d'abord à cette seconde partie de la pétition.

Quant à modifier la loi sur l'instruction primaire en ce sens qu'il y aurait obligation pour les parents d'envoyer leurs enfants à l'école sous peine d'amende, sous peine de prison, à cet égard, messieurs, je serai très net. En principe, les opinions peuvent différer ; mais, je n'hésite pas à le dire, pour ce qui concerne mon opinion personnelle, j'irai très loin pour amener les parents à envoyer leurs enfants à l'école.

Mais, messieurs, est-il bien établi qu'en Belgique, dans cette Belgique déjà si civilisée, si instruite, est-il bien établi que nous avons affaire à des parents incorrigibles, récalcitrants, se refusant obstinément à envoyer leurs enfants à l'école ? Avant de pratiquer cette maxime, qui appartient à une autre opinion que la nôtre, compelle illos intrare, nous avons une question préalable à résoudre. Avant de forcer tous les enfants à entrer dans nos écoles, je demanderai si nous possédons des locaux suffisants, des locaux convenables pour les recevoir. Or, je résous négativement cette question préalable, cette question essentielle, cette question qu'il faut résoudre avant toute autre. Car quel spectacle donnerions-nous si nous venions forcer les parents sous peine d'amende, sous peine de prison, à envoyer leurs enfants à l'école, alors que nous n'aurions pas des locaux préparés pour recevoir ces enfants ? Or, messieurs, l'absence ou l'insuffisance de locaux est un fait malheureusement encore beaucoup trop fréquent dans un grand nombre de localités.

Que se passe-t-il dans nos villes, et principalement dans nos grandes villes ? Dès que les administrations ouvrent une nouvelle école, à l'instant même les enfants s'y précipitent de toutes parts ; à l'instant même l'école regorge.

Et cela, messieurs, est un bon signe, un bon témoignage en faveur des parents, c'est un premier témoignage qui répugne à cette violence que l'on parle d'exercer contre eux.

Nous devons donc, messieurs, avant de forcer à la fréquentation des écoles, nous devons avoir des écoles capables de recevoir les enfants. Nous ne les avons pas, il manque encore dans un grand nombre de localités des locaux convenablement préparés ; c'est pour atteindre ce but préalable que nous avons proposé antérieurement et que nous proposons encore aujourd'hui, que nous présenterons sous peu de jours à la Chambre de voter de nouveaux crédits extraordinaires pour la construction d'écoles et l'appropriation de bâtiments d'école.

Quant à moi, messieurs, je suis partisan de l'instruction à tout prix, et tout le monde ici est partisan de l'instruction, tout le monde doit désirer que le peuple belge s'instruise, que tous les Belges sachent lire et écrire, possèdent les éléments de l'instruction primaire. Mais, messieurs, qu'avons-nous à faire avant de recourir aux moyens violents ? Nous avons à employer ce que j'appellerai les moyens attrayants ; il faut engager, inviter, exhorter les parents à remplir ce devoir, et les moyens attrayants, les moyens d'encouragement ne manquent pas.

Il suffirait que dans chaque commune, dans chaque quartier deux ou trois hommes de bonne volonté, deux ou trois femmes de bonne volonté s'occupassent avec un intérêt soutenu de l'enseignement primaire, pour que chaque père de famille se fît une espèce de loi d'honneur d'envoyer ses enfants à l'école, sans attendre qu'il y soit forcé par la voie judiciaire. Il y a des récompenses pour ceux qui s'instruisent ; il y a des peines indirectes qui peuvent frapper ceux qui ne s'instruiraient pas.

Voilà, quant à moi, comment j'entendrais résoudre pour le moment la question de l'enseignement primaire obligatoire.

On est loin d'être d'accord sur la portée de ce mot obligatoire. Je répète que, pour mon compte personnel, j'irais très loin ; mais je remarque que dans le camp même des libéraux, il existe de grandes divergences d'opinions sur la portée du mot obligatoire. II y a beaucoup de libéraux et de très avancés, puisque avancés il y a, qui répugnent fortement à appliquer l'amende et la prison aux familles qui n'envoient pas leurs enfants à l'école. Dans nos rangs, il y a des libéraux modérés - nous sommes des libéraux modérés, on nous appelle encore autrement ; mais enfin il y a des libéraux modérés qui vont jusqu'à l'amende et la prison ; j'en connais ; je n'ai pas besoin de les citer. Mais enfin on n'est pas d'accord sur ce point.

Avant qu'on en vienne à proposer une loi destinée à forcer les familles belges à envoyer leurs enfants à l'école, sous peine de prison et d'amende, nous avons beaucoup d'efforts à tenter, et je ne fais pas cette injure au caractère du peuple belge de ne pas croire qu'on obtienne ce résultat, sans recourir à ces moyens violents. Mais construisons avant tout des maisons d'école, et formons en outre des instituteurs, des sous-instituteurs et des institutrices.

Remarquons que si toute notre jeunesse, garçons et filles, fréquentait nos écoles, les locaux et le personnel actuel seraient de beaucoup insuffisants.

Vous ne voulez pas une simple fréquentation matérielle de l'école ; vous voulez une fréquentation fructueuse ; vous voulez que les enfants apprennent à lire et à écrire ; mais vous ne pouvez pas charger un instituteur de plus de 100 enfants ; si l'instituteur a plus de 100, et même plus de 50 élèves, la moitié de ces enfants iront de leur personne à l'école, mais ils n'y apprendront rien. Vous voulez une instruction primaire sérieuse, efficace. Si vous augmentez de beaucoup le nombre des enfants qui fréquentent les écoles, il faudra augmenter le nombre des instituteurs et des sous-instituteurs ; or, pour augmenter le nombre des locaux, pour augmenter celui des instituteurs et des sous-instituteurs, vous aurez de grandes dépenses à faire.

Ce sont là des dépenses qu'une nation libérale ne doit pas hésiter à faire ; et je suis convaincu aussi que le parlement belge ne fera pas d’opposition aux dépenses qui seront proposées pour l'instruction primaire comme pour l'instruction publique a tous les degrés.

J'arrive maintenant à l'autre question sur laquelle je serai tout aussi net.

(page 360) J'ai dit que nous devions d'abord tâcher de rendre l'instruction primaire attrayante, d'y attirer les enfants par tous les moyens directs et indirects. Eh bien, n'y aurait-il pas une sorte d'inconséquence à vouloir que les enfants des villes, les enfants de nos villages fussent envoyés par leurs parents à l'école, qui en fait serait unique, alors que, par l'effet des lois, vous auriez éloigné le prêtre de l'école ?

Le prêtre une fois éloigné de l'école, une loi qui rendrait la fréquentation de cette école obligatoire, ne deviendrait-elle pas une atteinte portée à une précieuse liberté constitutionnelle, à la liberté de conscience ? Serait-il juste de forcer les parents d'envoyer leurs enfants à l'école, quand vous en auriez écarté l'élément le plus précieux aux yeux de beaucoup de familles ?

Quant à moi, il m'est impossible, je dois le dire, d'associer en Belgique ces deux ordres d'idées, et du jour où nous rendrions l'enseignement obligatoire pour toutes les familles, je pense que nous contracterions plus énergiquement l'engagement de conserver le prêtre dans l'école.

Au surplus, ce n'est pas d'aujourd'hui que cette dernière question est soulevée, aussi bien que celle de l'enseignement obligatoire ; toutes ces questions, quoique provenant du jeune libéralisme, toutes ces questions sont déjà assez vieilles ; pour notre compte nous avons demandé l'enseignement obligatoire dans différents congrès, il y a plusieurs années.

Quant à la révision de la loi de l'instruction primaire, en ce qui concerne le clergé, la question n'est pas non plus nouvelle ; elle a déjà une douzaine d'années de date.

Nous nous en sommes occupés en 1850 ; sur les bancs où siège le ministère, nous n'étions pas les plus éloignés d'arriver à la révision de la loi sur l'instruction primaire ; ce n'est pas des bancs du ministère qu'est venue l'opposition. Il y a eu et il y a encore sur ce point de fortes divergences au sein de l'opinion libérale. Or, nous ne sommes pas rentrés aux affaires pour susciter des divergences, pour les réveiller, pour les continuer ; nous sommes venus pour tâcher de maintenir l'unité dans l'opinion libérale, pour l'engager à gouverner avec ensemble, sans se diviser et par conséquent sans s'affaiblir et se perdre.

Or, la seconde partie de la pétition divise profondément l'opinion libérale. Donc, par ces raisons qui sont parfaitement connues de l'honorable député de Bruxelles, il ne peut pas être question pour le moment de réviser la loi sur l'instruction primaire, ni au point de vue de la présence du clergé dans les écoles, ni à celui de l'enseignement obligatoire.

Voilà une déclaration que j'ai cru devoir faire en quelque sorte dès l'ouverture de cette session, afin que la Chambre sût à quoi s'en tenir sur les intentions du gouvernement.

Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait rien à faire administrativement pour améliorer le régime de l'instruction primaire ; la loi n'est pas parfaite ; mais elle donne beaucoup de latitude à l'administration, pour introduire des améliorations ; nous nous en sommes déjà occupés et nous nous en occuperons encore. Je suis convaincu que l'instruction primaire doit faire l'objet des occupations constantes et pour ainsi dire quotidiennes de l'administration.

Il y a là de grands devoirs à remplir ; nous avons à satisfaire à des besoins nombreux et de divers genres ; et comme je l'ai dit, nous avons la certitude de rencontrer sur les bancs de cette Chambre un concours actif et efficace chaque fois que nous apporterons dans cette enceinte des propositions ayant pour but l'amélioration de la situation du peuple, au point de vue de l'instruction.

M. de Fré. - Je ne regrette pas le moins du monde d'avoir provoqué les explications que vient de donner M. le ministre de l'intérieur.

L'honorable ministre est partisan de l'enseignement obligatoire en principe. En effet, il a voté cette proposition au congrès de Francfort. Mais il veut examiner les moyens de réaliser ce principe. Je n'ai pas demandé autre chose. La pétition ne demande pas comme moyen le prison et l'amende ; personne n'a parlé d'amende ni de prison.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'en parle, moi !

M. de Fré. - Je ne sais à qui le ministre a répondu, ce n'est pas à moi ; il avait cependant demandé la parole pour me répondre. La pétition ne parle ni de prison ni d'amende ; je n'en ai pas parlé davantage, et cependant l'honorable ministre s'est livré à des mouvements d'indignation en attaquant comme une énormité l'amende et à la prison pour réaliser le principe de l'enseignement obligatoire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Au contraire, je vais jusque-là, mais je dis qu'il y a beaucoup d'autres moyens à employer auparavant.

M. de Fré. - Je reconnais avec l'honorable ministre de l'intérieur qu'il n'y a pas de locaux suffisants ; mais puisque l'insuffisance des locaux retarde la solution d'une question sur laquelle il est d'accord avec moi, je ne doute pas qu'il ne pousse par tous les moyens administratifs et législatifs à l'augmentation des locaux.

On pourra aussi bien voter des subsides pour les écoles que pour des prisons et des forts détachés. Créez donc ces locaux pour hâter la solution demandée par les pétitionnaires. En ce qui concerne les instituteurs, la question est encore du ressort du gouvernement puisqu'il est chargé de l'enseignement, qu'il a ses écoles à côté des écoles libres ; son premier devoir est donc de pourvoir à ce besoin.

L'honorable ministre de l'intérieur, en ce qui concerne la révision de la loi de 1842 relativement à l'intervention du prêtre à titre d'autorité, ne peut pas ne pas être de mon avis, sans méconnaître la base fondamentale de la société moderne, le principe qui fait la force du parti libéral, à savoir la séparation des pouvoirs.

Les représentants de l'autorité civile ne vont pas dans les séminaires pour voir ce qui s'y enseigne ; les représentants de l'autorité religieuse ne doivent pas aller dans les écoles du gouvernement pour y contrôler son enseignement.

On ne respecterait pas l'enseignement du clergé, si les représentants de l'autorité civile allaient s'ingérer dans l'enseignement qu'on donne dans ses établissements ; on ne respecte pas l'instituteur laïque quand on l'oblige à subir dans son école la censure du prêtre. De bonne foi le prêtre est obligé en vertu de sa croyance, si elle est sincère, de critiquer les choses que cette croyance condamne ; il agit en vertu de la liberté, en vertu de sa foi ; mais l'instituteur qui se trouve censuré, critiqué dans sa liberté, est gêné par l'intervention du prêtre dans l'école ; cet instituteur ne jouit pas de la plénitude de ses droits politiques.

J'ai dit l'autre jour que je ne voulais pas que vous pussiez mettre la main sur le prêtre dans l'église, quand il expose sa foi, et que dans son ardeur il attaque les lois et les institutions qui la contrarient ; il doit être libre dans son église. Cette liberté que je réclame pour le prêtre, je la veux également pour l'instituteur. L'instituteur peut appartenir à une autre religion, ne pas pratiquer ou n'avoir pas de| religion, c'est son droit, et il est obligé d'enseigner des principes diamétralement opposés à la croyance du prêtre.

Si vous mettez en présence dans le même lieu, sous le même toit, les représentants de deux sociétés, dont l'une est la négation de l'autre, à quoi arrivez-vous ? Vous arrivez à la désorganisation politique, vous arrivez à l'anéantissement des droits politiques : ou bien le prêtre verra son enseignement repoussé et il sera froissé, ou bien l'instituteur sera gêné dans sa liberté et son enseignement sera détruit.

Je veux quelque chose de plus rationnel, je veux la séparation des pouvoirs, je veux que la société civile vive en paix à côté de la société religieuse ; c'est la seule condition de paix et de concorde pour la patrie ! Autrefois la théocratie opprimait la société civile, elle entravait la liberté de pensée dans ses manifestations les plus légitimes et lui interdisait toute spontanéité, qu'est-il arrivé ? Une grande lutte a surgi. Après avoir été vaincue par la philosophie, la théocratie a été vaincue par la politique ; on a fait un contrat ; on a choisi un terrain neutre, la liberté ; on a dit : Nous vivrons côte à côte. J'organiserai, a dit la société moderne, l'enseignement et la charité, je ne vous laisse que la liberté, que je demande aussi pour moi. Voilà ce qui fut le salut de la société moderne.

Je ne comprends pas que l'honorable ministre de l'intérieur subisse devant cette proposition si vraie, si simple, une émotion si pénible. (Interruption.) Il me semblait que la proposition vous agitait très fort.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je suis moins ému que vous ; je demande la parole... très tranquillement.

M. de Fré. - Eh bien, cette séparation a toujours existé. Sous le roi Guillaume, le prêtre n'entrait ni à l'école ni au collège, et cependant la génération qui est sortie des écoles du roi Guillaume était si peu protestante, qu'elle a chassé le roi parce qu'il voulait opprimer les consciences. Si nous remontons plus loin dans l'histoire, nous trouvons l'illustre chancelier de l'Hospital, réclamant cette séparation des pouvoirs du roi Charles IX, la veille de la St-Barthélemy, pour empêcher la lutte, pour empêcher le carnage qu'il prévoyait. Si ses sages conseils avaient été suivis, si Charles IX avait compris que la paix et la sécurité de la société, que le progrès dans la paix et dans la sécurité ne sont possibles qu'à la condition qu'il y ait séparation entre l'autorité civile et l'autorité religieuse, la St-Barthélemy n'eût pas été marquée par les massacres qui en ont fait une des pages les plus sanglantes de l'histoire des peuples.

Plus tard, Henri IV voulut, par son édit de Nantes, ramener la paix, la concorde entre ces deux fractions de la société ; mais lorsque Louis XIV eut accordé de nouveau la prééminence à l'autorité religieuse, par la révocation de l'édit de Nantes, qu'est-il arrivé ? C'est qu'une des plus violentes révolutions des temps modernes vengea la société civile des abus de pouvoir dont elle avait eu à souffrir antérieurement. Eh bien, messieurs, nous devons surtout éviter les révolutions ; pour cela il faut avant tout veiller avec le plus grand soin à la séparation des pouvoirs, et ce que demandent les pétitionnaires n'est, après tout, que la réalisation des principes philosophiques qui ont fait le triomphe et la gloire de la société moderne.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est fâcheux qu'une discussion aussi intéressante surgisse en quelque sorte à l'improviste et à la fin d'une séance.

- Plusieurs membres : A demain.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est seulement un regret que j'exprime ; mais je désire répondre en peu de mots aujourd'hui même aux dernières observations de l'honorable préopinant.

M. le président. - On pourrait renvoyer à demain la suite de la discussion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai plus que quelques mots à dire pour le moment ; l'occasion se présentera sans doute encore de revenir sur cette intéressante question.

(page 361) Il est un point important à constater, c'est la divergence radicale d'opinions qu'il y a entre l'honorable préopinant et nous. Si je comprends bien la pensée de l'honorable membre, et je crois l'avoir bien traduite dans mon premier discours, il veut l'exclusion du prêtre de l'école, il ne veut pas de prêtre dans l'école primaire.

Nous voulons, nous, le prêtre dans l'école. Mais voici comment nous entendons le principe. Il ne faut pas que le prêtre entre à l'école à titre d'autorité ; tous les libéraux sont d'accord sur ce point ; mais il est désirable qu'il y vienne à raison de son aptitude à enseigner la religion ; il est désirable qu'il y vienne par voie administrative, sur l'invitation que lui adresse l'autorité publique.

C'est ce principe que nous avons fait prévaloir dans la loi sur l'enseignement moyen. Là, le prêtre est invité à venir donner l'enseignement dans les athénées et collèges.

Je sais qu'on a, plus tard, forcé le sens de cette loi ; on a fait une convention, par suite de laquelle on a exagéré le sens de la loi ; mais de telles circonstances se sont présentées, qu'on peut dire que cette convention est aujourd'hui considérée à peu près comme une lettre morte.

Voilà donc, messieurs, la différence radicale qui nous sépare : l'honorable préopinant ne veut du prêtre à aucun titre dans l'école ; nous, nous déclarons que la présence du prêtre dans l'école primaire est une chose désirable et nous l'invitons administrativement à y venir.

Il est bon qu'on sache à quoi s'en tenir dans notre parti sur cette question ; nous professons donc l'opinion, nous, que la présence du prêtre dans l'école est une chose utile, désirable.

Il ne s'agit pas ici de séparation de pouvoirs ; l'honorable préopinant nous parle de deux pouvoirs ; nous ne connaissons pas, nous, deux pouvoirs en Belgique : nous ne connaissons que le pouvoir civil tel qu'il est déterminé par la Constitution.

Voilà le seul, l'unique pouvoir qui existe légalement chez nous. Le clergé, c'est une autorité spirituelle, une autorité morale, une agrégation d'individus exerçant dans la société une influence dont il faut, en hommes pratiques tenir grand compte ; et c'est à ces hommes influents que le gouvernement, que le pouvoir civil fait appel, dans certaines circonstances, pour accomplir une certaine tâche, pour remplir certains devoirs. Il ne l'appelle pas à titre de second pouvoir ; je le répète, nous ne reconnaissons pas deux pouvoirs, mais comme influence, comme autorité spirituelle : voilà le seul titre auquel nous le reconnaissons. Nous repoussons donc d'une manière absolue cette idée aussi vieille que fausse pour notre pays de la séparation de la société en deux pouvoirs.

Encore une fois, nous ne reconnaissons, ici, qu'un pouvoir, c'est celui que représentent les Chambres, le gouvernement, les provinces et les communes.

Ainsi, messieurs, envisageons bien les choses, non pas au point de vue abstrait, philosophique ; mais au point de vue pratique, et reconnaissons qu'il est convenable autant que désirable et conforme aux principes, aux idées, aux traditions du pays que l'enseignement primaire soit secondé par le concours du prêtre. Il me semble que tout le monde devrait être d'accord pour reconnaître que la présence du prêtre dans l'école primaire pour l'enseignement religieux est une chose désirable ; et quant à moi, je l'avoue, il me serait impossible surtout de comprendre comment on pourrait songer un seul instant à rendre l'enseignement obligatoire et en même temps à exclure le prêtre de l'école primaire.

Savez-vous, messieurs, où l'on arriverait avec cette théorie de l'exclusion du prêtre de l'école ? Savez-vous à quel résultat vous aboutiriez en mettant le prêtre à la porte ? C'est qu'immédiatement il se dressera à côté de votre école primaire un autre école érigée par le prêtre et soumise à sa seule direction et que les élèves déserteront vos écoles officielles pour celles du clergé.

Alors, soyez-en bien certains, vous n'aurez plus de dépenses à faire pour construire de nouvelles écoles ou pour approprier des locaux à l'enseignement primaire.

Or, messieurs, c'est là ce que nous ne voulons pas ; nous ne voulons pas que le clergé ait le monopole de l'enseignement primaire, pas plus que de l'enseignement moyen et supérieur. Il a déjà une part assez large dans l'enseignement, et je ne pense pas qu'il soit d'un vrai libéral de pousser à des mesures qui auraient nécessairement pour effet de remettre aux mains du clergé tout l'enseignement primaire dans nos campagnes. Voilà, cependant, quel serait le résultat le plus clair de votre doctrine, si elle venait à être mise en pratique. Or, comme je veux que l'élément laïque exerce la plus grande influence dans la diffusion de l'enseignement primaire, je ferai tous mes efforts pour conserver dans l'école primaire tout ce qui est de nature à en rendre la fréquentation attrayante pour les familles.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire brièvement à la Chambre. Je ne décide pas si je l'ai dit avec agitation ou avec calme, mais du moins je l'ai dit avec une pleine sincérité.

Je reconnais que mon honorable adversaire est parfaitement sincère, parfaitement modéré. Je lui rends justice sous ce rapport et il n'est pas mauvais que ces questions qui se débattent ailleurs avec beaucoup d'agitation, viennent tranquillement se discuter au sein de cette Chambre. Ce sont de larges questions, de grandes questions dignes du parlement, et pour ma part je remercie mon honorable collègue de m'avoir fourni l'occasion de m'expliquer.

M. Muller. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - A demain !

- La séance est levée à 5 heures et quart.