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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 janvier 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 385) (Présidence de M. Dolez, second vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présenté l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Couturiaux propose un moyen destiné à engager tous les parents à faire instruire leurs enfants. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la pétition des habitants du canton de St-Josse-ten-Noode.


« Les sieurs Van Acker, de Clercq et autres membres de la société littéraire dite Eikels worden boomen, demandent une traduction flamande des Annales parlementaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame Vergeylen demande d'être admise à établir ses droits aux bourses d'études fondées à l'université de Louvain, par Remi Drieux dit Driutius. »

M. Lelièvre. - Cette pétition a un certain caractère d'urgence. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission qui sera invitée à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« La veuve Hoffmann demande que son fils Jean-Baptiste, gendarme à cheval de Notre-Dame-au-Bois, soit renvoyé à Arlon en congé illimité ou en résidence. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. A. Goblet, retenu par une indisposition, demande un congé. »

- Ce congé est accordé.

Rapports sur des pétitions

(page 413) M. le président. - La parole est à M. de Haerne.

M. de Haerne. - Messieurs, dans l'état où se trouve la discussion, je ne crois pas devoir entrer dans des détails relatifs aux principes. Ces principes ont déjà été assez longuement débattus pour que je croie pouvoir m'abstenir de rentrer dans la discussion sous ce rapport. Je pense cependant que tout n'a pas été dit sur l'importante question qui s'agite devant vous. Je crois qu'il y a surtout des détails statistiques, des détails historiques à donner et que ces détails peuvent jeter un grand jour sur la question sur laquelle on s'est, me semble-t-il, un peu égaré. Les citations que j'aurai à faire sont de leur nature assez arides. J'ose compter d'avance sur l'indulgence dont la Chambre a l'habitude de m'honorer.

Je dirai d'abord, messieurs, que, quoique je n'appartienne pas aux jeunes de cette chambre, quoique je n'aie pas encore atteint mon onzième lustre et que sous ce rapport je me rapproche beaucoup de l'honorable M. Rogier, puisque j'ai 54 ans, je crois cependant, quant à la question de l'instruction, être resté jeune et voici pourquoi : c'est que je n'ai abdiqué sous aucun rapport les principes que j'ai professés dans cette même enceinte lorsque j'y suis entré comme membre du Congrès à l'âge de 26 ans. J'ai voté, parmi toutes les libertés qui font l'honneur de la Belgique, la liberté la plus entière de l'enseignement. J'ai continué à professer ce principe sans exclure, dans de justes limites, l'action du gouvernement, l'action de la province, l'action de la commune.

En 1832, lorsqu'on a soulevé pour la première fois dans cette assemblée la question de l'instruction primaire à l'occasion de la proposition de MM. Seron et de Robaulx, quels sont les principes que j'ai proclamés ? J'ai dit que la liberté devait marcher avant tout et que si la liberté était en défaut, la commune devait venir à son secours ; qu'ensuite la province devait aussi accorder son appui et que le gouvernement devait enfin dans ce cas prêter et son appui moral et son concours administratif dans l'intérêt de l'enseignement public.

Tels sont les principes que j'ai professés à cette époque et auxquels je n'ai renoncé en aucun point.

On a parlé de l'enseignement primaire sous deux principaux rapports. On en a parlé au point de vue de l'influence religieuse et au point de vue de l'obligation pour les parents de faire instruire leurs enfants. Permettez-moi de dire quelques mots de la question sous ces deux rapports.

En ce qui concerne l'influence religieuse dans l'enseignement, je dirai d'abord que, d'après nos lois, il ne s'agit pas d'une intervention à titre d'autorité ; il s'agit d'une intervention, à titre légal ; l'autorité n'est que religieuse ; et jamais le clergé ne l'a compris autrement. A entendre certains membres, le clergé ne devrait intervenir que comme amateur, à titre de curiosité ; tel n'est pas le rôle de la religion ; et vouloir qu'elle intervienne seulement dans ce sens, c'est saper d'avance l'autorité religieuse, si nécessaire quand il s'agit de dogmes. C'est donc exclure le clergé que de l'appeler à ce titre.

Mais il n'est pas appelé à titre d'autorité civile ; cela n'est pas et ne doit pas être. La loi sur l'instruction primaire est formelle à cet égard, car la décision définitive appartient toujours à l'autorité civile. D'ailleurs, l'expérience est là pour faire voir que depuis que la loi fonctionne, il n'y a jamais eu d'abus sérieux à cet égard.

Quant à la convention d'Anvers dent on s'est aussi occupé dans ce débat, je dirai seulement que je ne la considère pas comme un obstacle, ainsi qu'on a eu l'air de l'envisager, elle n'est pas une borne ; elle est un moyen, à mes yeux ; si ce moyen n'est pas assez efficace, je crois que, dans l'ordre administratif, il est possible d'en trouver d'autres.

Messieurs, à propos de l'enseignement primaire, considéré au point de vue religieux, on a cité l'exemple de la Hollande pour faire voir que cet enseignement doit être ce qu'on a appelé dans le temps mixte ; c'est-à-dire un enseignement dans lequel aucune influence dogmatique ne devrai t se faire senti r; la dernière loi votée en Hollande a été invoquée à plusieurs reprises à l'appui de ce système. C'est pour ce motif que je crois devoir en dire quelques mots.

Cette loi a été assez mal expliquée à l'étranger et chez nous ; pour bien la comprendre, il faut savoir que le point de départ était la loi de 1806, que le parti ultra-protestant, appelé le parti d'Utrecht, voulait ressusciter.

Ce système consistait à introduire forcément le protestantisme comme religion dominante dans les écoles publiques et à combattre l'égalité des cultes, qui avait prévalu en 1795. Les catholiques ont protesté contre ce système, et d'accord avec la fraction modérée des protestants ils sont parvenus à renverser ce système et à introduire un système qui sous le nom de système mixte, n'est pas cependant regardé comme tel en Hollande par tous les partis.

Remarquez que cette question était bien subtile. Je vais vous en donner une preuve. Pourquoi l'ancien système, tel qu'il était défendu par le chef du parti ultra-protestant, pourquoi ce système qui tendait à introduire directement la religion protestante dans l'instruction primaire, a-t-il été condamné ? Parce qu'il s'appuyait sur la loi de 1806, qui cependant n'énonçait pas d'une manière formelle l'admission du protestantisme dans les écoles, mais qui contenait un mot dont on a toujours abusé en Hollande, en y donnant une tendance protestante.

Que disait la loi de 1806 ? Elle disait que dans l'instruction primaire il fallait prendre pour base les vertus chrétiennes, et c'est là-dessus qu'a roulé le débat. Or, dans la loi nouvelle, ces mots : « les vertus chrétiennes » sont reproduits. J'ai ici la loi.

Cette loi, à l'article 23, se base formellement sur toutes les vertus chrétiennes. Permettez-moi, messieurs, de lire en hollandais la partie significative de l'article. Voici le texte :

« Het schoolonderwys wordt dienstbaar gemaakt aan de ontwikkeling vani de verstandelyke vermogens der kinderen en aan hunne opleiding tot alle christelyke en maatschappelyke deugden. »

C'cst-à dire que l'enseignement doit être adapte à l'éducation de la jeunesse de telle manière qu'elle puisse être élevée dans toutes les vertus chrétiennes et sociales.

Voilà la traduction fidèle du texte hollandais ; ceux qui comprennent cette langue peuvent dire si j'ai bien traduit.

Vous voyez que la loi n'est pas tellement en dehors du christianisme, qu'on a voulu le prétendre.

Il est vrai que beaucoup d'orateurs en Hollande l'ont expliquée de telle manière, qu'il faudrait entendre par ces mots : « vertus chrétiennes », les vertus dans un sens général ; mais la loi ne le dit pas.

II est à remarquer qu'on tenait à l'insertion de ces mots ; car un amendement présenté en sens contraire a été rejeté ; il ne reproduisait pas exactement ces mots.

Voulez-vous la preuve que la plupart des Hollandais n'adoptent que comme pis-aller ce système qu'on appelle sans religion, ce système d'instruction publique en dehors de toute religion positive ?

Je vais vous citer les paroles d'un des principaux orateurs des états généraux de Hollande, appartenant non à la religion catholique, il serait suspect aux yeux de plusieurs membres, mais au protestantisme avancé. Je veux parler de M. Groen Van Prinsterer.

Voici ce qu'il dit au sujet de l'opinion des catholiques :

Le principe des écoles mixtes (gemengde scholen), dit-il, ne peut être admis par les catholiques que comme un mal nécessaire. Seulement ils veulent qu'on écarte tout ce qui pourrait-être contraire à leur foi, et ils envisagent l'enseignement en dehors d'un culte positif comme un pis-aller.

Voilà comment a été admise cette loi de 1857 si mal à propos introduite dans cette discussion en ce qui concerne ses rapports avec la religion catholique.

Vous voyez donc que lorsque nous demandons l'intervention de l'autorité religieuse, j'appuie sur ce mot, dans l'école dont, selon M. Guizot, l'atmosphère doit être religieuse, - vous voyez, messieurs, que nos prétentions n'ont rien d'exagéré.

Nous sommes d'accord, à cet égard, avec tous les hommes pratiques et si, par hasard, une législation quelconque ne s'énonce pas expressément sur ce point, les choses se rétablissent dans la pratique de l'administration ; on fait, par mesure administrative ou du moins d'une manière indirecte, dans la pratique, ce qu'on n'a pas cru devoir faire par la loi.

Et la loi hollandaise, messieurs, qu'on a citée tant de fois ! mais sachez que dans cette loi on rencontre l'instruction libre à côté de l'instruction publique ; et si les protestants de la couleur de M. Thorbeek, n'avaient pas eu la ressource de l'instruction libre, ils se seraient élevés aussi bien que tes catholiques, avec bien plus de force, contre le principe de l'enseignement tel qu'il était proposé. Mais ils ont l'instruction libre, et ce sont les écoles libres qui dominent particulièrement là où les catholiques sont en majorité, comme dans le Brabant septentrional, par exemple.

Messieurs, on a fait entendre que l'instruction est beaucoup plus arriérée dans les pays ou dans les provinces catholiques que dans les autres. Eh bien, puisque je parle de la Hollande, je me permettrai encore de dire que, quoique l'instruction n'y soit pas plus avancée qu'en Belgique, cependant il y a, sous ce rapport, à peu près pondération, quant au nombre d'élèves qui fréquentent les écoles, entre les provinces où domine le catholicisme et celles où le protestantisme règne à peu près sans partage.

Ainsi, d'après un relevé fait en 1849 (je n'ai pas pu en trouver de plus récent), il y a 112 enfants à l'école sur 1,000 habitants dans le Brabant septentrional.

Je sais très bien qu'ailleurs, dans d'autres pays, en Ecosse par exemple, pays que l'honorable M. Verhaegen a cité hier, la population des écoles est plus forte. Je dirai tout à l'heure quelle est, selon moi, la cause pour laquelle les écoles ne sont pas plus fréquentées eu Hollande.

Dans le Limbourg, il y a 103 enfants à l'école sur 1,000 habitants ; dans la Zélande, : 107 sur 1,000 ; ainsi voilà deux provinces, dont l'une est catholique et l'autre protestante et où l'écart n'est que de 103 à 107.

Dans la Frise, il est vrai qu'il y a 135 enfants à l'école sur 1,000 ; tandis que dans la province d'Utrecht, protestante en grande partie, il n'y en a que 103.

Dans la Gueldre il y en a 126 sur 1,000 et dans la Drenthe 155 aussi sur 1,000.

Messieurs, la raison pour laquelle l'instruction primaire n'est pas plus avancée en Hollande que ne l'indiquent les chiffres que je viens de citer, c'est l'état d'incertitude dans lequel on s'est trouvé quant au régime de la loi ; et sous ce rapport la Hollande ressemble un peu à la Belgique.

(page 414) La dernière loi date de 1857 ; jusqu'à cette époque il y a eu des tiraillements continuels. Comment voulez-vous que l'instruction progresse quand les influences ne sont pas d'accord et se combattent ? Dans un tel état de choses, les élèves sont écartés de l'école plutôt qu'ils n'y sont attirés.

Voilà les résultats qu'on a eus en Hollande ; n'est-ce pas à peu près la même chose qu'on a vue en Belgique ?

Heureusement notre loi date de plus longtemps, elle date de 1842 et j'ose dire, comme j'aurai l'honneur de le démontrer, que dans une bonne partie de la Belgique nous sommes plus avancés qu'on ne l’est en Hollande, et aussi avancés que dans certaines contrées où l'instruction est obligatoire.

J'ai prononcé le mot d' instruction obligatoire et je dois m'attacher à cette partie de la discussion. C'est en effet l'idée de l'instruction obligatoire qui a dominé dans ce débat amené par la pétition de Saint-Josse-ten-Noode.

Sous ce rapport je me suis demandé ce qui se passe en Belgique, et je vois qu'en pratique, administrativement et par l'influence religieuse, on tâche de rendre autant que possible l'instruction obligatoire. Seulement elle n'est pas obligatoire par la loi. Mais je vois que dans les localités où l'autorité civile, et l'autorité religieuse marchent d'accord, il y a une obligation non pas absolue, non pas allant jusqu'à priver le pauvre de pain, mais une obligation morale qui force les parents à envoyer leurs enfants à l'école. Voilà les faits, et cela se pratique presque partout. Cette question n'est donc pas aussi sérieuse qu'on paraît le dire puisque en définitive, on fait, en pratique, tout ce qu'on peut faire, et que sous ce rapport on progresse d'année en année.

Je ne crains pas de dire qu'au point de vue religieux, il y a une véritable obligation parce qu'enfin le père de famille qui ne donne pas l'instruction à ses enfants les prive d'un bien qu'il leur doit.

Il y a donc un devoir qu'on ne cesse d'inculquer aux parents. Mais on ne réussit pas toujours. Les inspecteurs ecclésiastiques, dont le zèle est au-dessus de tout éloge, rendent les plus grands services, en secondant l'autorité civile, par la prescription du devoir religieux en cette matière.

Administrativement parlant, dans certains cas, il peut aussi y avoir obligation jusqu'à un certain point. Quel est ici le rôle du bureau de bienfaisance qui doit agir paternellement, car, vous le savez, les secours de la charité publique ne sont pas donnés à titre obligatoire. Comment agit le bureau envers les parents, lorsqu'ils négligent d'envoyer leurs enfants à l'école ? On leur dit : Vous faites du tort aux pauvres en général, parce qu'en laissant vos enfants à l'abandon vous les mettez pour le présent ou pour l'avenir à la charge du bureau de bienfaisance. Vous lésez les intérêts des pauvres et en justice nous avons le droit de vous priver de certains secours. On les menace ; on exécute quelquefois la menacé en partie, mais je le répète, jamais au point de laisser les pauvres tomber d'inanition et d'augmenter le mal au lieu d'y porter remède.

Voilà ce qui a passé en pratique. Il y a donc des moyens d'influence, des conseils, une contrainte morale et religieuse, une certaine contrainte administrative, mais tout cela se fait avec beaucoup de prudence. Tous ces moyens sont mis en œuvre pour améliorer l'état de l'instruction publique, instruction dont on a reconnu, je dois le répéter, les progrès, qui sont incontestables.

Mais avant d'entrer au fond de la question en ce qui concerne la Belgique, permette- moi de recourir encore à un pays dont on a cité plusieurs fois l'exemple et que l'on a toujours invoqué en tête de tous les pays qui ont rendu l'instruction obligatoire. Je veux parler de la Prusse.

Si vous voulez bien le permettre, je vais produire quelques faits et quelques chiffres instructifs dans la question qui nous occupe.

Messieurs, je tiens à faire voir ce qui se passe en Prusse et à faire la comparaison entre ce pays et la Belgique, et j'ose le dire, tout considéré, cette comparaison ne sera pas en notre défaveur. Il faut, messieurs, alors qu'on a de bonnes intentions et des intentions patriotiques, il faut éviter de calomnier son pays.

L'instruction est obligatoire en Prusse ; c'est un fait que tout le monde connaît. Mais entrons au fond de la loi prussienne et voyons comment cette loi fonctionne, quels sont ses éléments, quelles sont surtout les diverses influences, influences civiles et religieuses, qui s'harmonisent pour atteindre le but voulu par la loi. Cette obligation serait stérile si les efforts combinés du clergé et de l'autorité civile dans ce pays protestant, n’étaient pas là pour rendre la loi exécutoire. Il y a donc obligation, et une obligation avec sanction, comme on l'a dit. La peine est appliquée même avec une certaine rigueur, mais on a des égards, par exemple, aux empêchements légitimes ; on a égard aux besoins urgents de secours de la part des enfants pour les parents malades. Chaque jour le maître d'école prend note des enfants absents. Il envoie cette liste au curé et au maire, et ce dernier prononce la peine si les excuses ne sont pas admises. La peine est de 60 c. à 3 fr. 75 et subsidiairement d'un emprisonnement d’une heure à 24 heures, pour une absence non légitimée.

Toutes les écoles publiques et privées sont sous la surveillance d'un fonctionnaire et du curé respectifs. Dans les écoles mixtes, les ministres des divers cultes interviennent d'autorité. Il y a des écoles mixtes comme des écoles confessionnelles, l'un système existe à côté de l'autre ; mais les écoles mixtes sont en petit nombre.

Dans toutes les écoles, c'est le curé ou le ministre de chaque confession qui décide de l'époque à laquelle l'enfant peut quitter l'école. C'est le curé qui décide si l'enfant est assez instruit.

Les enfants catholiques sont ordinairement affranchis de la fréquentation de la classe, après la première communion ; les protestants en sont exemptés à l'âge de 14 ans.

Les enfants ne sont pas admis aux écoles industrielles avant d'avoir terminé leur cours primaire. Il y a peu d'écoles industrielles en Prusse. Il y a des écoles de filage ; il y a des écoles de tissage. Dans les écoles industrielles on ne donne ni instruction primaire ni instruction religieuse, mais seulement l'instruction professionnelle. Ces écoles sont des écoles industrielles proprement dites. Le bénéfice revient généralement à la commune qui organise ces écoles. C'est, comme on sait, tout le contraire en Belgique, où les enfants retirent tout le bénéfice de leur travail dans les ateliers libres et dans ceux qui sont communaux.

Il y a des parents qui donnent l'instruction eux-mêmes à leurs enfants. Cela leur est permis par la loi prussienne. Si cela se fait en société, celui qui donne l'instruction aux enfants de plusieurs familles doit y être autorisé. Il y a des fraudes ; cependant elles ne sont pas très fréquentes.

Messieurs, ces détails sont extraits en grande partie de l'ouvrage : Sammlungder gesetze und verordnungan über das elemcntarschulenwesen des Regierungs bezirks Cœlni>, par M. Schweizen, à Cologne, chanoine de la cathédrale et conseiller de régence. Quoiqu'il soit conseiller de régence, il est reconnu comme prêtre par le gouvernement protestant de Berlin. Ceci soit dit en passant, pour répondre à ceux qui ont soulevé ici cette question toute théologique, et pour faire voir que cet auteur est parfaitement compétent, au point de vue religieux et au point de vue administratif.

Voyons maintenant, messieurs, quels ont été les résultats de cet enseignement obligatoire qui fonctionne en Prusse depuis 1825. Je tiens beaucoup à constater cette date. Selon moi la date fait beaucoup dans cette matière, parce qu'une loi de cette nature doit avoir fonctionné pendant longtemps avant qu'elle ait pu entrer dans les mœurs et qu'elle ait pu produire tous les résultats que le législateur en a attendus. Ce sont de ces lois pratiques qui exigent une longue expérience pour que l'application en soit efficace.

Messieurs, permettez-moi d'entrer dans quelques détails sur ce point. Ces détails sont nécessaires pour pouvoir établir une comparaison entre la Prusse et notre pays et entre les diverses provinces de la Prusse, comme je l'ai fait tout à l'heure par rapport à la Hollande. Je crois que ces comparaisons sont très utiles à plus d'un point de vue. Car en comparant les provinces qui se trouvent sous un même régime, on peut mieux apprécier la valeur de ce régime, et en comparant les divers régimes entre eux, on s'en rend ainsi un meilleur compte.

L'enfant entre à l'école à l'âge de cinq ans accomplis dans le royaume de Prusse. La province de Prusse fait exception ; on n'y entre à l'école qu'à l'âge de six ans accomplis : c'est la loi de 1845 qui fait cette exception en faveur de la province de Prusse. Vous pourrez apprécier tout à l'heure quel est effet de cette différence. Vous verrez que la province de Prusse est moins avancée que les autres provinces, que la province du Bas-Rhin, par exemple.

Les enfants ne peuvent être employés dans les fabriques s'ils n'ont atteint leur douzième année. C'est un corollaire de l'enseignement obligatoire. Alors seulement ils peuvent être employés dans les fabriques pendant six heures par jour et ils doivent se trouver pendant trois heures à l'école, et cela jusqu'à l'âge de 14 ans. S'il est prouvé que les enfants employés dans les fabriques reçoivent un enseignement à la maison, ils ne doivent pas fréquenter l'école, je l'ai déjà dit en général.

Voici, messieurs, la population des écoles en Prusse d'après les diverses provinces.

Les détails statistiques que j'aurai l'honneur de vous communiquer sont tirés des publications du bureau de statistique de 1855.

Sur 100 habitants, il y a, sur 100 habitants, dans la province de

Prusse 13 63/100 enfants à l'école

Posen 15 80/100 enfants à l'école

Brandebourg 16 21/100 enfants à l'école

Silésie 16 17/100 enfants à l'école

Saxe 18 25/100 enfants à l'école

Westphalie 17 17/100 enfants à l'école

Rhin 16 77/100 enfants à l'école

Dans le royaume entier 16 20/100 enfants à l'école

Si tous les enfants en âge d'école fréquentaient les écoles, il faudrait ajouter, sur 100 habitants, dans la province de :

Prusse 5 43/100 enfants à l'école

Posen 6 3/100 enfants à l'école

Brandebourg 2 86/100 enfants à l'école

Poméranie 4 65/100 enfants à l'école

Silésie 3 28/100 enfants à l'école

Saxe 1 11/100 enfants à l'école

Westphalie 2 92/100 enfants à l'école.

Ces différences de chiffres, dans un pays placé sous le même régime légal, donnent la preuve la plus évidente que ce régime n'est pas () page 415) toujours efficace, et que bien que cette obligation existe dans la loi, il est souvent impossible de l'exécuter complétement en pratique.

La population catholique, comme vous savez, prévaut dans les provinces rhénane et de Westphalie ; elle se balance avec la population protestante dans la Silésie ; dans la province de Posen, elle prévaut aussi ; mais la province de Posen est polonaise ; et, à cause de certaines coutumes féodales, l'instruction y est entravée ; c'est une considération qu'on fait ressortir dans les tableaux dont je viens d'avoir l'honneur de vous parler.

Messieurs, ces chiffres font déjà comprendre qu'il est très injuste de prétendre que, dans les contrées catholiques, le clergé ne fait pas ce qu'il doit faire dans l'intérêt de l'instruction publique, puisque vous avez ici des contrées où les catholiques dominent, et qui l'emportent sur des provinces où prévaut le protestantisme ; la province du Rhin l'emporte sur la province de Prusse ; et si vous voulez me permettre d'entrer dans d'autres développements, je vous dirai que la ville d'Aix-la-Chapelle a 17 11/100 enfants à l'école sur 100 habitants, tandis que Berlin n'en a que 9 62/100 ; Cologne en a 17 17/100 et Königsberg 13 48/100. Vous savez quelle influence domine dans les premières de ces villes et quelle est celle qui prévaut à Berlin et à Königsberg ; la conclusion est facile à tirer.

Je tiens, dans l'intérêt de l'instruction publique comme dans celui de mon pays, à établir qu'en Belgique nous ne sommes pas aussi arriérés, dans cette matière, qu'on a osé le dire. Je tiens à prouver aussi que nous faisons des progrès.

Dans un ouvrage que j'ai publié récemment, sous le titre de Tableau de la charité chrétienne en Belgique, j'ai donné des statistiques très nombreuses sur la charité et sur l'instruction dans ses rapports avec la charité.

Comme la province d'Anvers vient la première selon l'ordre alphabétique dans la nomenclature des provinces belges, c'est à celle-là surtout que je me suis attaché, pour ce qui regarde l'instruction dans ses rapports avec la charité publique et la charité privée.

J'ai publié sept tableaux sur les écoles primaires de cette province.

Je ne fatiguerai pas la Chambre de détails sur ce point ; mais je les résumerai tous en un seul chiffre que j'ai établi. C'est que, dans la province d'Anvers, la charité privée fait un sacrifice annuel de plus de 125,000 fr. en faveur de l'instruction gratuite des enfants pauvres.

Messieurs, j'ai poussé mes investigations plus loin et j'ai voulu embrasser l'instruction dans son ensemble ; j'ai dressé à cet égard quatre tableaux nouveaux, que je vous demanderai la permission d'insérer au Moniteur. (Oui ! Oui !)

J'énumère dans ces tableaux les différentes institutions d'enseignement primaire, et j'arrive dans le premier à une conclusion totale qui donne 16.05 enfants sur 100 individus, dans la province d'Anvers, sous le régime d'enseignement libre et non obligatoire ; c'est un chiffre supérieur à celui que j'ai cité tout à l'heure pour la province de Prusse et qui est de 13.65 p. c.

J'ajouterai que mes tableaux ne s'appliquent qu'aux diverses catégories d'écoles de l'instruction primaire proprement dite ; mais vous savez que dans les athénées, les collèges communaux, les collèges libres et les écoles moyennes, on donne aussi l'instruction primaire.

Je ne crains donc pas de dire que si l'on ajoute tous ces élèves à ceux dont je donne ici le chiffre, on arrive à un résultat supérieur à celui qui est obtenu dans certaines parties de la Prusse, sous le régime de l'enseignement obligatoire. Voilà les faits qui font voir l'inutilité d'une loi sur l'enseignement forcé chez nous.

Messieurs, il y a un autre tableau que je ferai également insérer dans les Annales parlementaires si la Chambre veut bien le permettre (oui, oui) et qui se rapporte aux villes de la province d'Anvers. Le fait est que dans les villes le chiffre des enfants qui se trouvent à l'école primaire, est inférieur au chiffre qu'on rencontre à la campagne, où l'influence du clergé est plus grande.

J'arrive, pour les quatre villes de la province d'Anvers, au chiffre de 14 6/100 p. c. tandis que nous avons 16.05 p. c. pour la province entière ; mais dans ces mêmes villes, je remarque que les enfants qui fréquentent les écoles dominicales placées sous l'influence du clergé, sont en plus grand nombre.

Je me suis procuré un troisième tableau, que je demanderai également à faire insérer aux Annales parlementaires, et celui-ci je le considère comme le plus décisif.

Il tend à constater les progrès de l'instruction élémentaire en Belgique d'année en année à partir de 1853 jusqu'en 1857.

Permettez-moi, messieurs, d'en lire seulement les totaux.

J'ai pris les totaux pour l'hiver et pour l'été, car vous savez que sous ce rapport il y a une grande différence dans toutes les provinces, même dans celle de Luxembourg qui a été citée, à juste titre, hier comme une des plus avancées.

J'ai constaté par moi-même que, dans cette province, les écoles sont bien plus fréquentées en hiver qu'en été.

Voici, messieurs, les chiffres de la province d'Anvers.

En 1853-1854 : en hiver, 42,318 enfants et en été, 33,348.

En 1854-1855 : en hiver, 43,220 enfants et en été, 34,647.

En 1855-1856 : en hiver, 44,055 enfants et en été, 33,398.

En 1856-1857 : en hiver, 44,804 enfants et en été, 36,572.

En 1857-1858 : en hiver, 47,018 enfants et en été, 36,214.

On voit qu'il y a eu une augmentation notable d'année en année.

Voir aussi le quatrième tableau qui démontre que l'accroissement a été encore plus considérable dans les écoles dominicales, relativement au nombre total des élèves.

Ainsi, messieurs, de 1853 à 1857, le nombre d'enfants qui ont fréquenté les écoles dans la province d'Anvers, s'est accru à peu près de 5,000 ; c'est plus de 1,000 par an. Nous sommes donc en progrès et vous voyez qu'en employant les moyens dont on parlait ici l'autre jour et dont M. le ministre de l'intérieur a fait comprendre l'importance, nous arriverons au résultat désiré, par l'action combinée de toutes les influences. Je puis vous assurer que si les inspecteurs civils et ecclésiastiques étaient toujours suffisamment secondés par les autorités communales, les progrès seraient bien plus rapides. Ces progrès, en quatre ans, ont été de 42,318 à 47,018 dans les écoles primaires, et de 11,251 à 13,903 dans les écoles du dimanche.

Sans doute les résultats que je trouve dans la province d'Anvers ne sont pas partout les mêmes. Il y a des provinces moins avancées ; nous sommes, quant à ces différences, dans la même situation que la Prusse. Il y a sous ce rapport en Belgique une complication dont on ne se rend pas suffisamment compte, il y a des exigences industrielles ; pour les Flandres notamment, si on leur appliquait l'enseignement obligatoire on froisserait les habitudes industrielles, on s'exposerait aune espèce de révolution et on pousserait à cette émigration si regrettable de nos ouvriers vers la France.

Oui, messieurs, ce serait là le résultat d'une pareille mesure pour les Flandres. Il est certain que dans beaucoup de ménages, les enfants sont le gagne-pain des parents. Si vous les forciez comme en Prusse, à fréquenter les écoles, il faudrait supprimer ou diminuer notablement le travail, comme dans le même pays ; il faudrait faire disparaître ce système aujourd'hui si bien établi et qui consiste à combiner le travail des enfants des deux sexes avec l'enseignement primaire.

C'est par cette heureuse combinaison que nous sauvons la classe ouvrière. C'est par les efforts réunis des libéraux et des catholiques, des membres du clergé et de tous les autres bons citoyens, qu'on arrête nos populations à la frontière.

Il n'y a pas longtemps, je me trouvais dans un village des environ sde Gand. Un ouvrier flamand établi en France était venu prendre sa femme et ses enfants pour les conduire à Halluin ; je lui demandai pourquoi ; il me répondit qu'il y était depuis un an et demi, et qu'il y gagnait plus qu'en Belgique. Ses enfants travaillaient dans leur village, mais il avait l'espoir de leur faire gagner davantage en les emmenant avec lui.

Que serait-ce si les enfants étaient privés de leur travail habituel ? Tout le monde comprendra où cela nous mènerait. D'après le recensement de la population française fait en 1851, on comptait en France 128,103 Belges. Ce chiffre est extrait des Annales de l'économie politique et de la statistique, Paris 1856, page 9.

Le nombre de nos émigrants, notez-le bien, qui conservent leur domicile de secours en Belgique, ne pourrait que s'accroître par la mesure violente dont on a parlé.

Voilà les conséquences auxquelles on arrive par les moyens qu'on a mis en avant, sans y avoir assez réfléchi, j'aime à le croire.

J'ai dit, messieurs, ce que j'avais à dire sur l'enseignement pris en général, sur l'influence religieuse qu'on doit y maintenir et sur l'insertion dans la loi du principe de l'instruction obligatoire, que je crois inefficace, inutile et dangereuse pour l'avenir en Belgique.

(page 385) M. L. Goblet. - Messieurs, dans la séance de vendredi dernier, M. le ministre de l'intérieur m'a honoré de ses attaques, accablé de ses dédains ; permettez-moi de vous dire que je ne me croyais pas digne de cet excès d'honneur, de cette indignité.

Mais le siège était fait, il fallait un programme à anéantir, il fallait saisir l'occasion de donner une leçon.

La leçon a-t-elle été juste ?

Voilà ce qui est à décider.

Messieurs, je n'essayerai pas de défendre la jeunesse contre les attaques dont on l'a poursuivie ; ceux qui en médisent sont ceux qui lui portent le plus envie, ils savent que les plus beaux reflets du passé ne valent pas le moindre des mirages de l'avenir.

J'ai demandé que la loi sur l'instruction primaire de 1842 fût modifiée au point de vue de l'admission du prêtre, à titre d'autorité, dans les écoles du gouvernement. Le prêtre est admis à titre d'autorité dans les écoles de l'Etat, ceci est incontestable, nous sommes tous d'accord sur ce point, catholiques et libéraux.

Le ministre de l'intérieur ne pourra pas admettre le prêtre par mesure administrative, c'est une obligation que la loi impose. Je dis que cette obligation d'admettre le prêtre dans les écoles de l'Etat est une mauvaise chose. Je vais tâcher de le prouver encore.

Dans le programme, puisque programme il y a, que j'ai brièvement exposé devant vous, j'ai énoncé des principes. Où donc le ministre de l'intérieur a-t-il vu que j'étais un novateur, un opposant quand même ? Où a-t-il vu que je voulais régénérer le monde, que j'amassais un bagage d'opposition pour marcher à l'assaut du pouvoir ?

Je n'ai rien dit de semblable. On a exagéré certaines paroles que j'ai prononcées, on m'a prêté des intentions que je n'ai jamais eues, on a changé les expressions dont je me suis servi. Le programme que j'ai déroulé devant vous, à de bien minimes différences près, est celui que M. le ministre de l'intérieur et ses amis ont presque toujours défendu.

C'est lui-même qui l'a constaté hier. Si je viens demander l'exclusion du prêtre à titre d'autorité de nos écoles, je m'appuie sur l'opinion d'un homme qui, venu jeune, a formulé le programme du parti au congrès libéral. Dans ce programme il a demandé d'inscrire la réforme de l'instruction primaire. C'était en 1846, la loi de 1842 existait donc. Voici ce qu'il disait.

Ce jeune homme s'appelait M. Frère, il s'appelle aujourd'hui M. le ministre des finances.

Maintenant qu'il est incontestable que le prêtre est admis à titre d'autorité dans l'enseignement organisé par le pouvoir civil, je vais vous dire pourquoi je veux combattre cette admission. La Constitution en proclamant la liberté des cultes a fait un grand acte de justice ; elle a assuré la liberté de conscience, mais en donnant comme corollaire à cette disposition le principe du salaire du clergé par l’Etat tout en maintenant son indépendance absolue, on a déposé, dans le texte de la Constitution, le germe de bien des dangers pour l'avenir.

Personne, messieurs, plus que moi ne professe un respect plus profond pour notre Constitution, personne plus que moi n'admire les hommes de cœur et de patriotisme qui ont contribué à consolider notre nationalité.

Leur œuvre fait notre force dans le présent, elle sera notre palladium dans l'avenir, comme elle a été notre gloire dans le passé.

Loin de moi la pensée de la critiquer : mais qu'il me soit permis de rechercher, si en présence du privilège énorme constitué en faveur du parti politique catholique, cette disposition a été bien appréciée par la majorité du parti libéral dans cette enceinte.

Unis en 1830 dans une même pensée, catholiques et libéraux ont voulu constituer un Etat progressif où l'élément communal et démocratique était appelé à dominer. Tous étaient sincères, je veux le croire, et rien ne me donne le droit d'en douter. Mais il y a deux phases dans la constitution de notre indépendance. La première, c'est la phase de notre Constitution proprement dite ; la seconde, c'est celle qui commence avec les lois organiques, c'est celle de l'organisation.

Les grands principes posés dans la première de nos phases politiques ont été généralement admis par tout le monde ; mais la division s'est faite alors que nous sommes arrivés à la seconde phase, la phase de l'organisation. Là, messieurs, chacun a repris sa place : les amis du progrès et de la liberté ont combattu les partisans du silence et de l'immobilité ; là chacun est venu défendre ses véritables principes et nous avons commencé à nous apercevoir alors des conséquences du principe qui mettait à charge de l'Etat le salaire d'un clergé indépendant.

Nous ne regrettons pas, messieurs, que ce principe ait été inscrit dans la Constitution ; mais nous devons, au nom des idées libérales que nous défendons, empêcher qu'on ne s'efforce d'en atténuer le plus possible les conséquences.

Nous luttons depuis 1830, je dis nous parce que je crois avoir le droit de parler au nom du parti libéral, nous luttons depuis 1830 contre un parti qui, il y a quelques mois à peine, conduisait la Belgique à sa perte et qui a été si solennellement condamné en décembre 1857.

Que devaient faire les majorités libérales, si elles voulaient réellement amoindrir les forces du parti catholique, l'influence du clergé ? Elles devaient laisser au prêtre le moins d'autorité possible. Or, je le demande, ont-elles toujours agi de manière à atteindre à ce résultat ? Non, messieurs, elles ont admis le prêtre dans l'école ; elles ont fait la convention d'Anvers ; elles ont ainsi augmenté, consolidé l'influence du clergé.

Vous voyez donc, M. le ministre, qu'ici encore, je suis conséquent avec les véritables principes du libéralisme et qu'il n'y a pas, dans ce que j'ai dit sous ce rapport, une intention d'opposition au ministère.

J'ai parlé de la convention d'Anvers. Je n'en ai pas demandé la suppression ; mais j'ai demandé la condamnation officielle de la convention d'Anvers et rien de plus.

Je sais parfaitement, M. le ministre, qu'en présence de la loi, en présence du vote de la Chambre, ce contrat exécuté loyalement par les deux partis, existe dans certaines localités, et que vous n'avez pas le droit de le supprimer ; mais (et quand cette discussion n'aurait eu que ce résultat, nous pourrons déjà nous féliciter de l'avoir provoquée) vos propres paroles ont déjà répondu à ce que nous demandons ; elles ont produit le résultat auquel vous auriez dû arriver depuis longtemps par voie administrative, le résultat que l'opinion libérale était en droit d'attendre du pouvoir, c'est-à-dire, la condamnation formelle, énergique de la convention d'Anvers et la déclaration implicite que, puisque cette convention n'avait pas été exécutée avec une entière sincérité par l'une des deux parties, elle ne mériterait plus désormais l'approbation du pouvoir.

Voilà ce que j'ai demandé ; est-ce là encore une fois de l’opposition ?

J'ai parlé aussi de la réforme postale ; mais où donc M. le ministre a-t-il vu que j'aie demandé la réforme postale ? Je me suis borné à demander le complément de la réforme et pourquoi ? Parce que, encore une fois, j'ai trouvé ce principe inscrit dans un programme que votre génération a donné à la nôtre pour nous apprendre quels sont nos droits et nos devoirs politiques. Voici en effet ce que je lis sur ce point dans le programme de l'association libérale de Bruxelles à laquelle appartient l’honorable M. Rogier.

Que la réforme postale soit complétée ; et que la réduction des péages sur nos voies de communication soit opérée.

J'arrive, messieurs, à un autre point de ce fameux exposé à propos duquel M. le ministre de l'intérieur a dit que le plus difficile était fait, qu'il restait bien peu de chose à faire ; et que nous n'avions pas besoin de formuler de nouvelles exigences ; je veux parler de la réforme de notre législation douanière.

Messieurs, vous le savez, notre législation douanière date de 1822. Quelques modifications y ont été apportées : le ministère du 12 août a pris des mesures.je le reconnais, utiles et progressives, mais pourquoi s'est-il arrêté dans cette voie si bonne, si généreuse, si utile au pays ? Voyons quel était l'état de la question en 1851 d'après la déclaration de M. le ministre des finances lui-même ?

« Si les considérations qui précèdent ont quelque valeur, elles paraissent faire un devoir au gouvernement, et si l'on me permet de le dire, à l'opinion qui a la direction des affaires, de provoquer la révision du notre régime commercial.

« Dans plusieurs de ses dispositions, notre tarif établit des taxes trop élevées qui entravent le développement d'une foule d'industries et qui tarissent une des principales sources de revenu pour le trésor.

(page 386) « Le régime différentiel a créé, sans utilité réelle pour aucun intérêt légitime, des taxes et des complications inextricables qui éloignent le commerce de nos ports et provoquent les représailles de l'étranger.

« Différents objets, et notamment des produits à l'usage exclusif des classes aisées, sont soumis à des droits insignifiants qui ne produisent presque rien au trésor, tandis qu'il serait facile d'en obtenir un revenu assez important.

« Dans son ensemble, notre législation forme un dédale de dispositions douanières où le redevable s'égare et où l'administration elle-même ne se meut qu'à l'aide d'un nombreux personnel qui lui occasionne de fortes dépenses, dont la déchargerait en partie un tarif simplifié.

« Enfin des motifs sérieux, puisés dans des considérations politiques et commerciales de premier ordre, nous font une nécessité de compter avec la situation nouvelle qui résulte pour nous des changements introduits dans le régime commercial de plusieurs autres pays.

« La nécessité et l'opportunité de la révision de nos lois commerciales sont évidentes.

« Le gouvernement n'a pas attendu la proposition de l'honorable M. Coomans pour le reconnaître. Il a annoncé depuis longtemps ses intentions. »

Voilà donc, messieurs, quel était, d'après M. le ministre des finances lui-même, l'état de la question en 1851. Eh bien, cette situation n'a guère changé depuis lors. Les droits différentiels ont, je crois, disparu.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois ?

M. L. Goblet. - Soit, ils ont disparu, on a abaissé les droits d'entrée sur les fontes et voilà tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et les charbons ?

M. L. Goblet. - Les droits sur les charbons ont été réduits, mais la législation n'a pas changé, les droits sur les étoffes de luxe sont restés les mêmes ; enfin les monstruosités pénales que contient cette législation sont restées debout. Ainsi, pour un pot de sirop on condamne un homme à quatre mois de prison ; pour quelques kilos de cannelle, trois mois de la même peine, sans compter la détention préventive. Cela est-il tolérable ? je le demande, et n'ai-je pas raison de réclamer la révision de notre législation douanière ?

Parmi les mesures désirables et réalisables, le programme de l'association libérale signale encore la suppression de l'impôt sur le sel :

« Que l'impôt sur le sel soit le premier à disparaître encore ; l'impôt du sel, dans le budget d'un Etat démocratique, est une anomalie. »

Eh bien, messieurs, pour une valeur de fr. 2-50 le sel paye encore 18 francs d'accise. Vous voyez donc bien, qu’il reste encore beaucoup à faire pour corriger tous les vices de notre législation douanière ; cela est tellement vrai que, malgré les rires de M. le ministre des finances, je vois avec plaisir que je ne suis pas seul de mon avis.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous m'avez vu rire ?

M. L. Goblet. - Je puis m être trompé. Quoi qu'il en soit, je constate que M. le bourgmestre de Bruxelles, l’honorable M. de Brouckere, a déclaré que, s’il ne se trouvait pas d'accord avec moi sur plusieurs des propositions que j'ai émises, il en est une sur laquelle il est complétement de mon avis et cette proposition, messieurs, est celle qui a trait à la réforme douanière.

On a parlé de la réforme des octrois, mais qu'ai-je donc dit de si extraordinaire sur ce point encore ? Je me suis borné à me déclarer partisan de cette réforme et je l'ai fait avec une conviction profonde que m'a donnée l'étude que j'ai faite de la question au conseil provincial du Brabant. Je sais parfaitement combien il est difficile d'arriver à une solution pratique de cette question ; mais ce n'est pas une raison, pour moi, de reculer devant la recherche d'une pareille solution. En demandant la réforme douanière et la réforme pratique des octrois, je ne crois pas, encore une fois, avait fait acte d'hostilité au ministère., Maintenant, messieurs, arrive la question de la liberté de la presse. Je demanderai encore à M. le ministre de l'intérieur où il a vu que j'avais dénoncé une conspiration, que j'avais accusé l'opinion libérale, dont je m'honore de faire partie, d'avoir voulu anéantir la liberté de la presse ; où il a vu que j'avais accusé du même crime la Chambre, le parlement, le ministère, le pays tout entier ?

J'ai dit que j'étais partisan de ceux qui ne voulaient pas d'aggravations de peines pour la presse. Mais tant qu'il restera dans cette enceinte ou hors de cette enceinte un homme qui désire, qui veut des aggravations de peine pour la presse, j'ai le droit de me dire du nombre de ceux qui n'en veulent pas.

Messieurs, je suis de l'avis de M. le ministre de l'intérieur, cette question d'aggravation de peines pour la presse est un malentendu. Oui, je suis heureux de l'avoir, en paroles très généreuses, entendu dire par M. le ministre de l'intérieur. Mais c'est la première fois que le cabinet se prononce ainsi, c'est la première fois que le cabinet prend l'engagement positif de faire disparaître cette aggravation.

Permettez-moi de vous dire, messieurs, pourquoi je suis partisan de voir disparaître d'une manière absolue cette aggravation de peines.

C'est parce qu'il y a toujours, quoi qu'on en ait dit, dans une œuvre aussi importante qu'un code pénal, œuvre qui, je le crois avec M. le ministre de l'intérieur, fera l'honneur du parlement, lorsque certaines imperfections en auront disparu, il y a toujours un côté politique. Eh bien, le coté politique de la révision du code pénal était précisément dans les articles qui concernent la presse et dans les articles qui protègent les objets de culte ! Eh bien, l'honorable M. Dolez, cet avocat éminent, dont les vues si consciencieuses ont fait tant pour la réalisation de cette révision, avoue lui-même que dans une œuvre aussi grande, aussi complète, il pouvait y avoir un côté défectueux.

Malheureusement pour nous, ce côté défectueux est précisément le côté politique. Je ne puis pas mettre en doute la bonne foi des auteurs du rapport sur la révision du code pénal ; ils ont commis de bonne foi, sans arrière-pensée, une erreur ; c'est une affaire de criminalistes, étudiant un thème légal dans le silence du cabinet, je le veux bien, mais il n'en est pas moins vrai que cette erreur avait les conséquences les plus graves.

Un reproche sérieux, que pourtant je me permettrai de lui faire, c'est, comme nous l'avait prouvé déjà mon honorable ami M. De Fré, d'avoir négligé un peu trop de s'inspirer aux sources de nos mœurs nationales. Ils ont été chercher des inspirations aux mœurs étrangères et moins pures d'une législation qui peut convenir à un pays, oh d'autres idées que les nôtres sont florissantes, d'une législation dont je ne veux pas pour mon libre pays.

Ai-je donc ainsi accusé le cabinet, ai-je accusé la majorité d'un crime épouvantable en disant que j'étais partisan de la révision de la loi sur la presse dans le sens de la diminution des peines ? Et avez-vous bien eu des raisons de dire que je voulais tout bouleverser à cet égard ?

J'ai parlé de la révision du code pénal en ce qui concerne les articles qui aggravent les peines pour les objets du culte.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a pas d'aggravation.

M. L. Goblet. - Je vous demande pardon. Je n'ai pas demandé d'annuler complétement les peines qui protègent les objets du culte. Je vous ai dit que je regrettais les aggravations de peines.

MjT. - Je répète qu'il n'y en a pas.

M. L. Goblet. - Il y a une augmentation d'amende.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une erreur complète il n'y en a pas.

M. L. Goblet. - Il y a des mots ajoutés au texte primitif.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a pas de changement, ni dans les pénalités ni dans les dispositions.

M. L. Goblet. - Il y a une augmentation d'amende ; le texte le porte.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - S'il y a un changement quant à l'amende, c'est en ce qui concerne le minimum qui de 15 fr. est porté à 26 francs. C'est là le résultat d'une disposition générale et d'un changement dans les règles de la compétence. Le minimum de la peine pécuniaire sera désormais de 26 francs en matière correctionnelle, et en matière de simple police le juge de paix pourra prononcer l'amende jusqu'à concurrence de 26 francs. Il n'y a donc là rien de spécial au délit en question.

M. L. Goblet. - Je n'ai pas la loi. Mais l'amende portée de 12 à 26 fr., c'est une aggravation. (Interruption.) En outre, le maximum de l'amende est porté de 300 à 500 fr.

Du reste, je constate encore ici une déclaration du cabinet, c'est qu'il n'y aura pas d'aggravation de peine. Je suis heureux de l'apprendre, et le pays sera heureux de l'apprendre avec moi.

Mou programme n'est pas neuf, dit-on. C'est vrai, c'est le programme de beaucoup de libéraux et je n'aurais peut-être pas pris la parole pour le défendre de nouveau dans cette enceinte, si M. le ministre de l'intérieur n'avait prononcé à la fin de son discours quelques paroles que je regrette et que je ne puis pas accepter. Il a prononcé les mots d'enfants et de plagiaires.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous aviez parlé de vieillards.

M. L. Goblet. - Je félicite M. le ministre de se croire et de se sentir assez jeune pour ne pas admettre qu'on puisse vieillir à côté de lui, et je rappellerai à l'honorable M. Rogier qu'il n'avait pas mon âge lorsqu'il proclamait l'indépendance de la Belgique.

Messieurs, j'ai établi que j'étais du même avis, en fait de réforme douanière, que l'honorable M. Frère en 1851 ; que j'étais du même avis que l'honorable M. Frère en 1846, quant à la révision de la loi de 1842, et j'ai établi que bien des choses que je demandais étaient inscrites dans un programme auquel a adhéré M. le ministre de l'intérieur. Est-ce donc être plagiaire que d'être de l'avis de ces honorables ministres et de marcher dans les voies qu'ils nous ont indiquées ? Non, nous ne sommes pas des plagiaires, mais nous croyons que les programmes politiques engagent les hommes politiques. Que l'honorable M. Rogier pose des actes conformes aux opinions qu'il a professées dans cette enceinte et au-dehors, et soyez certain, M. le ministre, que nous serons prêts à vous suivre, à vous défendre et à combattre à côté de vous, au premier rang des soldats du libéralisme constitutionnel.

M. H. de Brouckere. - Je ne pense pas qu'il soit dans les intentions de la Chambre de discuter, à l'occasion d’une simple pétition, toutes les questions soulevées par l'honorable préopinant, je crois mieux comprendre les intentions de la Chambre en ne prolongeant pas cette discussion qui a déjà durée assez longtemps. Je déclare donc renoncer à la parole et j'ajourne à une autre époque les observations que je comptais particulièrement présenter à la Chambre relativement à la convention d'Anvers. J'ajourne ces observations jusqu'à l'époque où quelqu'un (page 387) présentera à la Chambre une proposition ayant pour objet de jeter un blâme direct ou indirect sur cet acte du ministère dont j'ai fait partie.

Cependant, messieurs, une discussion comme celle qui vient d'avoir lieu dans la Chambre, une discussion qui a duré cinq jours, ne peut pas rester sans une conclusion. C'est pour cela que je propose à la Chambre de substituer aux conclusions de la commission tendantes au renvoi à M. le ministre de l'intérieur, le simple dépôt au bureau des renseignements.

M. le président. - M. De Fré a demandé la parole. Mais comme il a parlé deux fois dans cette discussion, je consulte la Chambre pour savoir si elle veut l'entendre une troisième fois.

- La Chambre décide qu'elle entendra M. De Fré.

M. De Fré. - Sans le discours que l'honorable M. Verhaegen a prononcé dans la séance d'hier, je n'aurais pas pris la parole.

L'honorable M. Verhaegen est descendu... de son fauteuil de président pour se mêler à ce débat, et j'ai particulièrement été honoré des attaques de cet honorable et cher collègue.

L'honorable membre est venu me mettre personnellement en cause, et lorsqu'il avait à réfuter M. le ministre de l'intérieur, c'est à moi qu'il s'en est pris, comme si c'était moi qui avait inventé l'enseignement obligatoire.

L'honorable M. Verhaegen est allé puiser dans l'histoire d'une société privée un argument pour combattre la demande de l'enseignement obligatoire. Il a soutenu que j'étais venu faire au cabinet un reproche de l'aggravation des peines en matière de presse. Je n'ai pas parlé de la presse dans ce débat.

Messieurs, que l'honorable M. de Theux m'attaque, j'ai pendant toute ma vie combattu le parti auquel appartient l'honorable M. de Theux ; que l'honorable M. Malou m'attaque, je le conçois. Mais que des hommes que j'ai toujours glorifiés et pour lesquels j'ai subi des injures m'attaquent, c'est trop fort ! c'est de la misère !

Il y a quelque chose qui est plus fort que les partis, c'est l'honneur et quand je prononce le nom d'honneur en Belgique, j'aurai pour moi tous les honnêtes gens, tous les Belges à quelque parti qu'ils appartiennent.

J'ai assisté et vous tous, messieurs, vous avez assisté à un triste spectacle. Je serai modéré, parce que j'ai une trop haute idée de la dignité parlementaire, j'ai trop de respect pour moi-même, pour descendre sur le terrain où j'ai été personnellement attaqué d'une façon si injuste et si peu convenable.

Messieurs, avant de reprendre la question, et je serai très court, je dois dire à l'honorable ministre de l'intérieur, qu'il ne m'a pas bien compris. Lorsque j'ai prononcé mon dernier discours, j'ai été mû par un sentiment de bienveillance. Lorsque j'ai vu l'honorable M. Rogier défendre courageusement à côté de ses collègues, et en présence du pays, cette grande question de l'enseignement obligatoire, tandis que cette question est exploitée avec perfidie contre tant de vrais libéraux, allant droit à lui, je lui ai dit : Vous êtes un homme de cœur. Et loin d'être accusé de venir allumer la guerre intestine j'ai dit : Les hommes de 1830, non pas les vieux, ce mot est peu poli, les anciens, les aînés ce sont eux qui ont consolidé le pays, il ne faut pas les isoler ; les anciens, nous leur devons du respect ; mais les anciens doivent avoir de la bienveillance pour les jeunes, pour ceux qui viennent d'entrer dans la carrière. Il faut unir l'expérience de l'âge mûr à l'initiative, à l'élan héroïque de la jeunesse. C'est ainsi qu'on fait les grandes choses, c'est cette union qui existait en 1830, c'est cette union qui a existé à toutes les époques de l'histoire pour créer de grandes choses.

Permettez-moi de le dire ; oui, il faut s'incliner devant ceux qui ont cette longue expérience des affaires, parce qu'ils savent comment un pays se sauve, comment un pays se perd ; mais il ne faut pas qu'on oublie la jeunesse vigoureuse et honnête, parce qu'elle a la sève des jeunes années et qu'en définitive c'est la jeunesse qui souvent décide de la victoire.

A la guerre il ne faut pas toujours prendre les gros bataillons, il faut avoir aussi les compagnies de voltigeurs qui tirent sur l'ennemi et piquent les traînards, qui viennent secouer les irrésolus et dire : Allons ! soyons logiques ! Voilà le drapeau : en avant !

Messieurs, dans un pays où est né le gouvernement représentatif, il y a une alliance continuelle entre les hommes qui ont blanchi dans les débats parlementaires et les jeunes gens qui y arrivent.

En Angleterre on attire à soi les jeunes hommes de 20 ans parce qu'on comprend qu'il faut de bonne heure s'appliquer à la vie politique ; on va à eux et on ne les repousse pas quand ils arrivent. C'est ainsi que l'Angleterre produit ses hommes politiques ; c'est ainsi que dans ce pays, on confie quelquefois à l'initiative de la jeunesse la défense et le salut de la patrie.

Ainsi donc ce désir, qu'on se l'arrache de l'esprit, cette idée de vouloir créer un parti de vieux comme on dit, et un parti de jeunes, je ne l'admets point. Nous sommes tous libéraux, nous voulons tous la nationalité, la Constitution avec toutes les institutions que cette charte renferme, personne de nous ne va au-delà, mais savez-vous ce qui existe dans ce pays ? Il y a des libéraux logiques et des libéraux qui ne le sont pas. Eh bien, si ceux qui viennent d'entrer dans la carrière trouvent qu'il y a des libéraux qui ne sont pas assez logiques, permettez-leur d'avoir cette opinion, cela ne fait de mal à personne et les choses n'en iront que mieux.

Messieurs, je dois dire un mot de la proposition que vient de farie l'honorable M. H. de Brouckere.

Il ne s'agit pas ici d'une proposition qui a pour but d'arriver à un vote. Reprenons la question dans les termes où elle s'est produite.

Des habitants de St-Josse-ten-Noode, ayant à leur tête leur administration communale, s'adressent à la Chambre en demandant qu'on modifie la loi de 1842 de la manière qui est indiquée dans leur pétition. Il arrive à la Chambre un grand nombre de pétitions qui n'ont aucun caractère sérieux ; celle-ci fait exception ; elle est sérieuse et a soulevé d'importants débats.

Je crois qu'il est bon que les citoyens qui usent de leur droit de pétition, trouvent dans cette enceinte des représentants (qui ne sont après tout que leurs mandataires) disposés à appuyer près du gouvernement les pétitions qu'ils envoient à la Chambre.

Messieurs, on a énormément agrandi cette affaire, et l'honorable M. Verhaegen, en m'attaquant personnellement comme le défenseur de la pétition, en parlant continuellement de la monstruosité de l'amende et de la prison, l'honorable M. Verhaegen s'est un peu écarté des paroles que j'ai prononcées, Voici quels termes j'ai employés, en m'adressant à l'honorable ministre de l'intérieur :

« Il ne s'agit que de savoir s'il faut forcer directement ou indirectement. Cette question, l'honorable ministre de l'intérieur l'examinera, et j'en suis persuadé, lui, qui a toujours montré, dans toutes les circonstances, sa grande sollicitude pour l'enseignement et le développement moral des classes les plus nombreuses de la société, il arrivera d'ici à très peu de temps à une solution satisfaisante.

« J'espère que ce sera le plus tôt possible, le moins tard possible, et que cette solution pourra concilier l'intérêt général de la société et l'intérêt de la liberté individuelle. »

Voilà dans quels termes j'ai appuyé la pétition près de l'honorable M. ministre de l'intérieur.

Je lui ai dit : « C'est une question importante ; elle agite le pays ; et, je vous prie donc d'examiner, vous qui vous êtes toujours occupé avec beaucoup de sollicitude de ce qui intéresse l'enseignement, je vous prie d'examiner cette question ; tâchez de la résoudre, parce que la gratuité qui est inscrite dans la loi de 1842, n'a pas produit les résultats qu'on attendait de ce principe. La statistique prouve qu'il y a encore un grand nombre d'enfants qui sont sans instruction ; voyez s'il n'y a rien à faire, quant à la question de l'enseignement obligatoire. »

Pouvait-on dans des termes moins impératifs, plus conciliants, recommander une pétition aussi sérieuse ?

Pourquoi donc l'honorable M. Verhaegen vient-il m'attaquer pour avoir appuyé cette pétition ?

Voici en quels termes M. le ministre de l'intérieur a répondu à ma demande :

« Je reconnais que mon honorable adversaire est parfaitement sincère, parfaitement modéré. Je lui rends justice sous ce rapport et il n'est pas mauvais que ces questions qui se débattent ailleurs avec beaucoup d'agitation, viennent tranquillement se discuter au sein de cette Chambre. Ce sont de larges questions, de grandes questions dignes du parlement, et pour ma part je remercie mon honorable collègue de m'avoir fourni l'occasion de m'expliquer.

Voilà dans quels termes la question s'est présentée. M. le ministre de l'intérieur a paru charmé d'avoir vu surgir ici cette discussion ; les membres qui ne sont pas de cette opinion, ont pu s'exprimer devant le pays ; tout le monde n'écrit pas dans les journaux, tout le monde ne publie pas des brochures sur les questions à l'ordre du jour ; la Chambre, si je puis m'exprimer ainsi, est comme un porte-voix par lequel chacun de nous dit au pays quels sont ses sentiments, ses espérances.

Voilà donc dans quelles conditions le débat s'est engagé. M. le ministre de l'intérieur vous a dit qu'il y a énormément à faire pour l'enseignement primaire ; qu'il faut construire de nombreux locaux ; que des subsides considérables doivent être votés par la législature ; que l'Etat est obligé d'employer tous les moyens administratifs, tous les moyens attrayants pour répandre le plus possible l'instruction dans le peuple ; que quand on aura épuisé ces moyens, on recourra à d'autres moyens plus attrayants encore ; que si ces moyens ne devaient pas non plus réussir, si l'ignorance produisait encore ses ravages, si elle tenait la société belge enfin dans une position inférieure à celle d'autres pays, l'Etat aurait alors le droit d'intervenir d'une manière coercitive.

On a combattu l'enseignement obligatoire, comme si M. le ministre de l'intérieur, comme si mon honorable ami, M. Louis Goblet, comme si moi-même, nous avions demandé à la législature, dans un temps très rapproché, une loi qui forçât tout père de famille, sous peine d'amende et de prison, à envoyer ses enfants à l'école ; cela n'est pas vrai ; nous ne voulons pas cela. Il serait absurde d'inscrire une telle prescription dans une loi, alors qu'il n'y aurait pas assez de locaux pour recevoir les enfants.

Il est évident que si demain vous portiez une semblable loi, la loi ne pourrait pas être exécutée.

Ainsi, c'est une question qu'on a attaquée avec trop de colère, avec trop de terreur. Messieurs, on doit laisser discuter certaines questions ; on ne doit pas avoir peur ; et crier an socialisme, et au communisme.

(page 388) Messieurs, il y a de bonnes choses dans le socialisme : En voulez-vous une preuve ? Le système des assurances par l'Etat est une idée socialiste. J'ai lu dans le temps une remarquable brochure de l'honorable bourgmestre de Bruxelles qui soutenait le système des assurances par l'Etat ; l'honorable M. Malou, lorsqu'il était ministre des finances en 1847, a nommé une commission qui était chargée d'examiner s'il n'y avait pas lieu de créer en Belgique les assurances par l'Etat. Et les crèches... c'est encore une idée qui a été organisée en Belgique. Ne nous effrayons donc pas des mots.

Je crois, messieurs, que s'il résultait des paroles de ceux qui ont défendu l'enseignement obligatoire, qu'on dût de suite introduire ce principe nouveau dans la législature, il y aurait lieu d'admettre, par forme de mépris, la proposition de l'honorable M. de Brouckere.

M. H. de Brouckere. - Je demande la parole.

M. De Fré. - Je me suis mal exprimé. Je prie l'honorable M. H. de Brouckere de croire que je n'ai voulu rien dire qui pût le blesser.

M. H. de Brouckere. —- J'en suis bien convaincu.

M. De Fré. - J'aurais été désolé qu'il en pût être autrement.

Je dis donc que si l'enseignement obligatoire avait été présenté dans de pareilles conditions, il faudrait accepter la proposition de M. H. de Brouckere.

Mais ce n'est pas dans de pareilles conditions que la proposition a été produite ; on a tout réservé, les moyens et l'opportunité ; il y a donc lien de voter les conclusions de la commission des pétitions.

Si vous admettez la proposition de l'honorable M. de Brouckere, on pourra croire que vous ne voulez pas, ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais, vous occuper de la révision de la loi de 1842, qui admet le prêtre à titre d'autorité et on croira que la majorité libérale qui siège dans cette assemblée a déserté son drapeau.

Il est évident que si l'honorable ministre de l'intérieur n'est pas d'accord avec moi sur cette question d'une manière absolue, il ne pourrait pas voter une proposition qui aurait pour but de déclarer que la loi de 1842 est parfaite, qu'on ne peut pas y toucher. Ainsi donc, s'il n'était question dans l’espèce que de l'enseignement obligatoire, on pourrait encore accepter la proposition de M. H. de Brouckere ; mais il s'agit de la loi de 1842 et je crains que ce vote ne soit considéré comme une réaction contre tous les antécédents libéraux, contre tous les programmes, contre toutes les déclarations, contre tous les discours de la gauche. Si la majorité libérale votait cette proposition, ce serait une abdication.

Je ne suis pas d'accord avec l'honorable M. Verhaegen quand il vient dire : « Dans l'opposition je demande la révision de la loi de 1842, mais au pouvoir, je ne la demande plus, car je produirais dans mon parti une scission » ; si vous deviez produire une scission dans votre parti en faisant aujourd'hui cette demande, vous ne le représentiez donc pas quand vous le faisiez sur les bancs de l'opposition.

Les hommes qui sont au pouvoir sont assez forts et inspirent assez de sympathie pour réaliser dans les lois les principes qu'ils ont proclamés dans l'opposition.

Je ne dis pas qu'il faille faire les choses tout de suite, immédiatement ; il est des circonstances où il faut temporiser ; mais en attendant que ces circonstances soient passées et que le moment d'agir soit armé, il faut affirmer des principes afin d'entretenir le feu sacré dans l'opinion.

Il faut être logique ; ce qui tue les hommes, ce qui tue les partis, c'est de n'être pas logique.

Je demande la permission de puiser dans les annales parlementaires de mon pays un exemple qui prouve que chaque fois qu'un parti est arrivé au pouvoir, le lendemain de son avènement, il a affirmé ses principes.

En 1855, lorsque les honorables MM. de Decker et Vilain XIIII ont formé leur cabinet, le premier mot sorti de la bouche de l'honorable M. de Decker parlant au nom du ministère, a été celui-ci : liberté de la charité ! Qu'est-ce que cela voulait dire ? Cela voulait dire : Je réaliserai au pouvoir le principe de la charité catholique, je donnerai à la question de la charité l'interprétation catholique. Voilà ce qu'a dit M. de Decker, mais il a ajouté : Le projet de M. Faider sera retiré.

On arrive au pouvoir pour faire quelque chose, pour réaliser des principes. S'il m'était permis, je citerais un exemple emprunté à l'Angleterre.

On s'y est agité pendant dix ans pour faire arriver à maturité la grande question économique ; un jour, celui qui personnifiait cette réforme entre dans le parlement porté par l'opinion publique qui la voulait ; avec lui la réforme s'introduisit dans le parlement et alors le ministre sir R. Peel non seulement ne la combattit pas, mais sortit des rangs des protecteurs, et arbora le drapeau de la réforme qu'il fit réussir et qui immortalisa son nom.

Puisque l'opinion publique avait produit, en Belgique, un ministère libéral, qui avait, en matière de charité, un système contraire à celui qu'avait défendu l'honorable M. de Decker, chacun s'attendait à entendre, le lendemain du 10 décembre, sortir de la bouche du nouveau ministère le mot de charité laïque, de même que le premier mot de M. de Decker, eu arrivant au pouvoir, avait été celui de liberté de la charité. C'est ainsi que l'opinion publique consacre sa victoire.

Messieurs, un mot encore, pour terminer, en réponse au discours de l’honorable M. Verhaegen, sur un point qui m'est tout à fait personnel.

L'honorable M. Verhaegen m'a dit, en se tournant vers moi, et avec un grand mouvement oratoire : « Mais, cet homme qui attaque le Code, pénal, pourquoi n'était-il pas ici quand le Code pénal a été présenté quand les dispositions relatives à la presse ont été discutées ? Si, seul, il a vu clair dans cette question et s'il ne pouvait pas se rendre dans cette enceinte, il devait avertir ses amis afin qu'ils compatissent ces dispositions qu'il trouvait monstrueuses. Quant à moi, a-t-il ajouté, si j'avais été malade, je me serais fait transporter ici pour accomplir mon devoir ! » Messieurs, le projet dont il s'agit a été distribué aux membres le 20 janvier 1858 ; le rapport de l'honorable M. Lelièvre, sur les dispositions relatives à la presse, a été distribué au mois d'avril suivant. Or, à cette époque je n'avais pas encore l'honneur de faire partie de la Chambre ; je ne connaissais donc pas la gravité de ce projet et je ne devais donc pas m'y faire transporter comme l'eût fait l'honorable M. Verhaegen. (Interruption.)

D'ailleurs, messieurs, m'eût-il été permis de croire que l'honorable M. Verhaegen n'eût pas été là pour protester, alors que tous ses autres collègues eussent gardé le silence ? Etait-ce à moi qu'il appartenait, à moi, simple et modeste débutant dans la carrière parlementaire, de venir formuler un système nouveau et combattre le ministère sur une question spéciale aussi importante ?

En 1847, lorsqu'il était dans l'opposition, l'honorable M Verhaegen a combattu l'aggravation de peine, ainsi que la surveillance de la police ; pourquoi, en 1858, n'a-t-il pas combattu la surveillance de la police et une aggravation de peine plus grande encore ? L'honorable M. Verhaegen avait reçu au mois de janvier le projet du gouvernement et au mois d'avril le rapport de la commission. Il était donc averti, lui ; moi, je ne l'étais pas.

Au surplus, j'avoue ne pas comprendre comment, à propos de l'enseignement obligatoire, que l'honorable M. Rogier défend comme moi, l'honorable M. Verhaegen se livre contre moi seul à ces attaques étrangers ; comment il veut déconsidérer un homme qui n'a jamais demandé qu'à servir la liberté, qu'à servir son pays, et qui, comme je le disais tout à l'heure, l'a fait quelquefois au détriment de son repos, toujours au détriment de sa fortune.

M. le président. - La parole est à M. Pierre.

- Voix nombreuses. - Aux voix ! aux voix !

M. Pierre. - Mon intention est de voter pour la proposition de l'honorable M. de Brouckere ; mais je ne voudrais pas qu'on se méprît sur la portée de mon vote. C'est pourquoi je demande à le motiver en quelques mots.

- Plusieurs membres. - Parlez !

M. Pierre. - La séparation entière, complète, radicale, absolue de l'Eglise et de l'Etat est le grand principe formant la base de mes convictions libérales. Je suis et je resterai invariablement l'adversaire de tout ce qui s'est fait et de tout ce que l'on pourrait tenter de faire contrairement à ce principe, puisqu'il est et demeurera incessamment ma règle. C'est assez vous dire que je ne suis point partisan de la loi de 1842, car j'entends que le personnel enseignant des écoles primaires communales relève exclusivement de l'autorité civile et nullement, même de la manière la plus indirecte, des ministres d'un culte quelqu’il soit, La modification de la loi de 1842, en ce sens, est conséquemment le but de mes vœux. Je me hâte toutefois de dire que, lorsqu'il s'agit de la réalisation d'un progrès, il faut tenir compte de la question d'opportunité. Or, à mon avis, comme à l'avis de la presqu'unanimité de nos amis politiques, le temps de réviser et de modifier la loi de 1842 n'est point encore venu, quoique, pour ma part, je le considère comme étant très proche.

Il me paraît qu'il importe de nous résigner prudemment à attendre jusque-là, en restant unis, sans nous affaiblir par une désunion qui, étant on ne peut plus intempestive, aurait des conséquences d'autant plus fâcheuses et regrettables.

Quant à l'enseignement obligatoire, dont je suis tout disposé à devenir l’un des plus dévoués promoteurs, dans certaines limites que je ne voudrais point dépasser, il m'est agréable de lui voir faire un pas en quelque sorte d'essai, en se produisant pour la première fois dans nos débats législatifs. Je comprends parfaitement que la grave question de l'enseignement obligatoire doit aussi faire son chemin lentement, sagement avec mesure, gradationnellement. C'est pourquoi je saurai attendre que cette importante question soit arrivée au dernier degré de sa maturité pour devenir l'une de nos lois de progrès et d'avenir. Ayant l'intention de voter la proposition que vient de nous soumettre notre honorable collègue, M. Henri de Brouckere, j'ai voulu que mon vote ne présentât aucune équivoque.

M. H. de Brouckere. - Je demande à dire quelques mots pour bien préciser le sens de ma proposition.

L'honorable M. De Fré s'est singulièrement mépris sur ce que je demande : ma proposition n'a ni le but ni le sens qu'il lui a prêtés. Je déclare tout d'abord que la pétition est aussi sérieuse à mes yeux qu'elle l'est aux yeux de l'honorable M. De Fié lui-même. Les signatures de cette pétition ont usé, dans des termes convenables, d'un droit que je respecte autant que qui que ce soit. Si la pétition ne m'avait pas paru sérieuse, si j'avais voulu lui montrer du dédain et engager la Chambre à s'associer à un pareil sentiment, j'aurais proposé l'ordre du jour, qui signifie que la Chambre ne veut pas s'occuper d'une pétition qui est l'objet d'une pareille décision.

(page 389) Mais voici la question telle qu'elle se présente : la pétition a deux objets, car, remarquez-le bien, la convention d'Anvers est tout à fait en dehors ; la pétition demande d’abord la réforme de la loi de 1842 ; elle demande, en second lieu, la mise en pratique de l’enseignement obligatoire et elle demande ces deux choses à la Chambre actuelle. Eh bien, ou je me trompe fort ou l'immense majorité de la Chambre actuelle ne désire en aucune manière que le gouvernement vienne lui présenter un projet de loi ayant pour objet soit la réforme de la loi de 1842, soit l'enseignement obligatoire.

Dès lors, la majorité ne peut pas appuyer cette pétition en la renvoyant à M. le ministre de l'intérieur. Mais en demandant le dépôt de la pétition au bureau des renseignements, est-ce que j'entends lier l'avenir ? Mais j'entends si peu obtenir ce résultat, que le dépôt au bureau des renseignements signifie précisément qu'on veut permettre à chacun des membres de cette assemblée de prendre connaissance de la pétition afin d'y puiser les renseignements dont il aurait besoin pour formuler, si bon lui semble, une proposition nouvelle.

Le dépôt au bureau des renseignements ne peut pas avoir d'autre objet.

M. E. Vandenpeereboom. - Je demande la parole.

M. H. de Brouckere. - Il a si peu un autre objet que, si, dans la session prochaine, les pétitionnaires venaient soumettre à la Chambre une nouvelle proposition ayant le même but que la pétition actuelle, nous nous en occuperions de nouveau et nous aurions à voir quelles conclusions il y aurait lieu de prendre sur cette nouvelle pétition. Je pense donc, messieurs, que la demande du dépôt au bureau des renseignements, expliquée comme je viens de le faire, est parfaitement légitime, convenable et ne peut blesser personne.

M. E. Vandenpeereboom. - Je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions, qui sont le renvoi pur et simple à M. le ministre de l'intérieur ; et je ne puis accepter la proposition de l’honorable M. H. de Brouckere. Il est reçu à la Chambre que quand on veut écarter honnêtement une pétition, on en ordonne le dépôt au bureau des renseignements ; c'est un ordre du jour déguisé, poli, si l'on veut. Cela est parfaitement convenu ici. Eh bien, je dis, messieurs, que la pétition qui vient d'occuper la Chambre, pendant plusieurs séances, ne mérite pas ce traitement.

Si l'on n'est réellement d'accord de ce côté de la Chambre sur toutes les mesures à prendre, au moins sommes-nous d'accord sur ce point,

Qu'il y a beaucoup à faire, en matière d'instruction primaire : c'est-à-dire qu'avant de rendre l'instruction obligatoire, il faut étendre, autant que possible, l'enseignement. C'est le but des pétitionnaires ; but avouable, libéral et désiré par tous nos amis politiques. Les formules indiquées peuvent n'être pas réalisables en ce moment ; mais il est des ministres et des membres, assis sur nos bancs, qui les acceptent. Ce qui ressort de nos débats, c'est que, si législativement il n'y a rien à faire actuellement, il y a administrativement beaucoup de mesures utiles à prendre, le plus tôt possible.

Si la Chambre ne paraissait pas si impatiente d'en finir, j'aurais eu quelques observations à présenter à cet égard. J'aurais demandé notamment qu'un règlement fût présenté, pour déterminer les heures de travail dans les fabriques ; car il n'est rien qui empêche davantage le développement de l'instruction, que la durée évidemment trop longue du travail des enfants dans les ateliers. Epuisés de fatigue, quand leur journée est terminée, ils ne peuvent pas songer à aller encore à l'école.

Je connais beaucoup de chefs de fabrique, dans la grande ville que j'ai l'honneur de représenter, qui désirent la cessation de cet état de choses et qui ne demanderaient pas mieux que de voir les enfants mis à même de fréquenter les écoles du soir, après un travail rendu moins long et moins pénible. Il est d'autres mesures encore qu'il serait également bon de prendre, et sur lesquelles nous aurons l'occasion de nous expliquer.

En attendant, je demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, comme le propose la commission des pétitions, et je regarderais comme une mesure peu digne de la discussion qui nous occupe et de l'objet de la pétition elle-même, si la Chambre en ordonnait le dépôt au bureau des renseignements.

Je propose donc, formellement, d'adopter des conclusions de la commission. Ce serait un appel et un encouragement adressés au gouvernement, pour que, sans retard, il mette en œuvre toutes les mesures administratives possibles, pour arriver à l'extension et, si c'est possible, à la généralisation de l'instruction publique, confiée à ses soins. Le public, d'ailleurs, attentif à nos débats, saisira fort bien la signification d'un tel renvoi.

M. De Fré. - Une première fois déjà une pétition de ce genre a été produite à la Chambre. La commission en proposé le renvoi à M. le ministre de l'intérieur et la Chambre ne s'est pas opposée à ce renvoi. Si aujourd'hui vous allez faire autre chose que ce que vous avez fait l'année dernière ; il semblera que votre sollicitude pour les questions d'enseignement diminue et je crains que cela ne produise dans le pays une mauvaise impression.

M. Orts. - Messieurs, avant de passer au vote, j'avoue que j'éprouve certains scrupules en présence des conclusions que propose l'honorable M. H. de Brouckere, malgré les explications qu'il vient de nous donner. Peut-être pourra-t-on lever ces scrupules.

La pétition sur laquelle nous avons à nous prononcer s'occupe d'objets divers qui ont chacun leur importance spéciale. De plus, il y a entre ces objets une distinction importante à faire à un autre point de vue.

L'un d'entre eux vient d'être discuté, vient d'être examiné par la Chambre pendant de nombreuses séances. Je veux parler de l'enseignement obligatoire.

S'il s'agissait de se prononcer immédiatement sur la demande d'organisation de l'enseignement obligatoire, je trouverais la conclusion proposée par l'honorable M. de Brouckere beaucoup trop faible ; je demanderais l'ordre du jour, parce que la question a été vidée, discutée et éclaircie et je ne pense pas que d'ici à longtemps elle se reproduise devant la Chambre.

Quant à la partie de la pétition qui concerne la réforme à établir dans la loi d'instruction actuellement en vigueur en ce qui concerne le règlement des rapports du clergé avec l'autorité civile, cette question n'a pas été discutée devant la Chambre. Elle existe, elle divise les esprits ; et quoique j'ai déclaré, et je ne le regrette nullement, avoir une opinion formée sous ce rapport, je reconnus que tout le monde n'arrive pas à la même conclusion que moi et je comprends l'utilité du dépôt au bureau des renseignements ou une autre formule qui indique que la Chambre ne considère pas cette question comme suffisamment examinée pour la résoudre immédiatement. Je demanderai donc à l'honorable M. de Brouckere s'il ne serait pas possible, soit en motivant sa proposition, soit en disjoignant les objets auxquels la pétition s'applique, d'arriver à une solution plus satisfaisante et qui permette à chacun d'apprécier les demandes des pétitionnaires d'après la conviction qu'il s'est formée pendant ces longs débats. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - 'Des votes de ce genre n'ont de valeur que par la signification qu'on veut leur donner. Or, pour qu'il y ait une signification, il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque.

D'honorables préopinants, ayant à s'expliquer sur la motion, déclarent la voter dans un esprit entièrement différent. Je n'admettrais pas, par exemple, pour ma part, que le vote de la motion de l'honorable M. de Brouckere, à laquelle je suis tout disposé à me rallier, impliquât, en ce qui concerne la loi de 1842, la condamnation d'une opinion que j'ai toujours défendue, opinion que nous avons essayé de faire prévaloir dans cette chambre, opinion que nous avons formulée en projet de loi, opinion que nous n'avons pas pu faire réussir que nous n'avons pas pu faire admettre par la majorité de nos amis. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons encore aujourd'hui, et elle est si bien constatée par l'honorable M. De Fré lui-même, qu'il reconnaît qu'il n'y a pas lieu de proposer immédiatement un projet de loi sur cette matière. L'honorable membre l'a déclaré à diverses reprises.

M. De Fré. - J'ai parlé de l'enseignement obligatoire,

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En parlant de la réforme de la loi de 1842, l'honorable M. De Fré, dans son premier discours, a dit : je ne demande pas une proposition immédiate. Ainsi l'honorable M. De Fré lui-même proclame l'impossibilité d'agir.

Il est donc impossible que, dans ma pensée, le vote de la motion de l'honorable M. de Brouckere, puisse impliquer la condamnation du principe même que j'ai toujours défendu. Mais je reconnais que je serais impuissant à le faire prévaloir dans la chambre.

L'honorable ministre de l'intérieur, ayant à s'expliquer sur ce point, a précisément exprimé ce que je viens de répéter. Et si cela est vrai de la proposition de révision de la loi de 1842 pour régler par voie administrative, l'intervention du clergé, à plus forte raison est-ce vrai, quelle que soit l'opinion que l'on se forme à ce sujet sur le principe même de l'enseignement obligatoire. Encore une fois, l'honorable M. De Fré lui-même reconnaît qu'il est impossible de faire une proposition à cet égard dans la chambre actuelle.

La motion de l'honorable M. de Brouckere est une conséquence toute naturelle des explications qui ont été données par le gouvernement : Il n'y a pas lieu de proposer maintenant des modifications à la loi de 1842. Or sur ce point tous nos mis sont unanimes. L'honorable M. Verhaegen l'a dit, mon honorable ami M. Muller l'a dit.

M. Muller. - A regret.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A regret sans doute. C'est un fait que l'on constate. En définitive il faut opter : ou s'abstenir ou faire une proposition, non pas pour le stérile plaisir de l'agiter dans cette enceinte afin de paraître plus ou moins avancé ou reculé, mais en décidant qu'une pareille proposition sera soumise à la Chambre et que l'opinion libérale sera divisée et vaincue. Est-ce là ce qu'on veut ? Et si personne ne veut assumer une pareille responsabilité devant l'opinion libérale, à quoi bon ces vaines paroles, que l'on a fait entendre ici, ces discours qui ne s'adressent pas à nous et qui sont complétement inutiles ?

Pour entretenir le feu sacré dit l'honorable M. De Fré. Mais ce feu sacré nous ne l'avons pas perdu ; nous nous sommes encore, aujourd'hui comme au jour où nous faisions notre proposition dans le sein de l'assemblée qui a été rappelée par l'honorable M. De Fré ; nous sommes prêts à défendre avec la même conviction, les principes que nous avons essayé alors de faire prévaloir.

Messieurs, on nous dit : l'opinion arrivée au pouvoir doit nécessairement affirmer ses principes. C'est ma conviction. Mais n'avons-nous pas suffisamment affirmé nos principes ? Quelle est la question qui a ramené l'opinion libérale au pouvoir ?

Une question sur laquelle l'opinion libérale tout entière s'est trouvée (page 590) unanime ; une question cependant que nous avons dû agiter longtemps dans cette enceinte et au-dehors avant d'arriver à former cette conviction unanime, une question qui, lorsque nous l'agitions ici au plus fort de nos luttes, nous valait de la part des jeunes libéraux d'alors, le reproche de nous livrer stérilement à la discussion du clérical et du libéral. (Interruption.) Non pas vous, M. De Fré, mais entre autres, celui-là même que vous avez remplacé.

Nous agitions alors stérilement les questions de libéral et de clérical ! Et il a fallu des années de lutte persévérante et de courage, souffrez que je le dis, pour vous dooner à tous cette conviction que nous avions depuis longtemps.

Nous sommes arrivés ici, messieurs, est-ce pour la question des dix centimes de la poste ? Est-ce même pour la question douanière ? Est-ce pour toutes ces questions secondaires qui ont été indiquées comme devant former un programme nouveau et à l'occasion desquelles on pourrait voir l'honorable M. L. Goblet se précipiter dans les bras de MM. Vander Donckt et Magherman ou dans les bras de M. Coomans ! Car ces messieurs demandent également les mêmes réformes que l'honorable membres a signalées ici comme étant des réformes politiques, comme étant des réformes essentielles que devait faire l'opinion libérale.

Lorsque nous sommes arrivés à la direction des affaires, nous y sommes venus comme l'antithèse du ministère qui nous précédait et notre présence au pouvoir a précisément cette signification, de même que tout ce que nous faisons l'exprime hautement.

M. De Fré. - Quand viendra la loi sur la charité ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Tous nos actes, toutes nos paroles disent notre pensée. Vous n'avez pu citer une seule mesure qui fût contraire à nos obligations. Tous nos actes, toutes nos paroles sont conformes aux principes constitutifs de l'opinion libérale, au principe qui a servi de base à la formation du cabinet qui la représente au pouvoir.

Quand, dites-vous, viendra la loi de la charité ? Je ne voudrais pas vous offenser, mais je vous demande si, en parlant ainsi, vous connaissez bien cette question ? J'ai lu parfois : ce n'est pas l'article 84 qu'il faut réformer ; c'est un vaste projet sur la charité qui est à présenter. Un vaste projet sur la charité qui est à présenter ! Et sur quel point ? Quelles matières sont à traiter ? Un seul point politique existe ; c'est celui de l'article 84.

M. De Fré. - C'est celui-là que je vous demande de résoudre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je réponds aussi à ceux qui ont dans l'imagination un vaste projet sur la charité.

Toutes les questions qui se rattachent à cette affaire ont été décidées dans le sens des principes que nous n'avons pas cessé de défendre. Reste la question de l'article 84 sur laquelle un dissentiment s'est élevé. La magistrature s'est prononcée, une cour dans un sens, une cour dans un autre. Il faut faire cesser tout conflit. Eh bien, le premier jour où nous avons été interpellé sur ce point, avons-nous hésité ? Mais dans la dernière session, le premier jour où l'on nous a demandé notre opinion, le ministère a répondu.

Il a annoncé qu'un projet de loi fixant le sens de l'article 84 serait déposé dans la session actuelle. Le ministère avait des motifs graves pour ne point présenter le projet dans la session dernière. Mais quant aux principes, le ministère les applique.

Il a donc dit qu'il présenterait le projet dans la session actuelle ; il tiendra sa parole. Il n'y avait pas eu à la session dernière d'ouverture solennelle des Chambres ; il n'y avait pas eu de discours du trône. L'opposition avait gardé le silence. Aucun de nos amis ne nous avait autrement interrogés. C'est dans l'examen en section du budget de la justice que la question s'est élevée et c'est dans la section centrale que mon honorable collègue M. le ministre de la justice a fait la déclaration nette et catégorique que dans la session actuelle le projet serait présenté.

Le discours de la Couronne ne vous a-t-il pas annoncé que ce projet vous serait soumis ! ? Eh bien, ce projet, je le répète, sera présenté dans le cours de cette session et j'ajoute : il vous sera présenté dans un bref délai. Que faut-il de plus ?

M. H. Dumortier. - Et l'enquête ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez, ceci est la partie administrative. On a allégué qu'il existait de grands abus dans les établissements de bienfaisance publique. On a dit, d'autre part, que l'organisation dans son ensemble était essentiellement vicieuse.

Nous avons, nous, messieurs, séparant la question politique de cette question sociale, nous avons, dans la discussion de la loi sur la charité, demandé que si le projet n'avait aucune espèce de but politique, on ouvrit préalablement une enquête pour examiner quelle était la situation des classes pauvres, quelles étaient les mesures à prendre pour soulager la misère. Eh bien, cette enquête que nous demandions dans l’opposition, nous avons décidé de la faire. Nous avons rédigé le programme de cette vaste, de cette immense enquête, et cette enquête sera poursuivie, mais elle n'a rien de politique, elle ne peut avoir rien de politique, elle porte sur la situation des classes pauvres dans le pays, et sur les remèdes employés et à employer pour l'améliorer.

Je le répète donc, nous n'avons pas cessé d'affirmer notre programme, nos principes et nous persistons à les défendre de la manière la plus complète, la plus absolue ; nous tenons les engagements que nous avons pris et nous usons surtout de tous les moyens en notre pouvoir, tantôt en parlant, tantôt même par notre silence, pour ne pas jeter la division au sein de l'opinion libérale !

C'est par les divisions qu'elle a succombé, c'est uniquement par la guerre intestine que l'opinion libérale a sombré en 1852. Ce n'est point le pays qui l'a condamnée, non, mais des libéraux qui se qualifiaient d'indépendants, ont jugé dans leur sagesse, qu'il y avait lieu de faire défection et d'abandonner, sans même en faire connaître les motifs au pays, ceux qui dirigeaient alors les affaires de l'Etat.

Et après deux ans de vains efforts, le pouvoir a passé aux mains de nos adversaires politiques. Aujourd'hui que le libéralisme est au pouvoir, aujourd'hui après cette expérience qui a été faite, il faudrait apparemment, à propos de questions secondaires sans importance bien réelle, qu'on sacrifiât le grand intérêt politique que nous avons à défendre, celui de proclamer et de faire prévaloir dans leur ensemble les doctrines de l'opinion libérale,

Il faudrait qu'on s'exposât à voir renaître cette situation que semblait tant regretter M. De Fré, d'une époque où nous entendions condamner l'enseignement public, d'une époque où nous voyions, dans la Chambre même, les propositions les plus graves, appuyées par la majorité, érigeant en quelque sorte le principe que l'enseignement tout entier, même l'enseignement supérieur ne pourrait jamais être contraire aux dogmes d'un culte particulier. Il faudrait encore revoir sur ces bancs ceux qui ont élaboré le projet de loi de la charité et qui ont amené cette situation si grave, si regrettable dans laquelle le pays s'est trouvé.

Pour nous, messieurs, nous comprenons autrement nos devoirs, nous pensons qu'en gouvernant avec calme, avec sagesse, avec cette modération qui se concilie si bien avec la fermeté, nous répondrons complétement aux vœux, aux espérances du pays.

M. Orts. - Messieurs, j'ai compris, je pense, la signification qu'attache l'honorable ministre des finances a la proposition de M. de Brouckere. M. de Brouckere veut constater par le dépôt au bureau des renseignements qu'aucune des questions soulevées dans la pétition de Sainl-Josse-ten-Noode n'est susceptible d'une solution immédiate. C'est une question d'opportunité qu'il veut nous faire juger. Si c'est en effet là le sens de la proposition, je renonce à demander quelque chose de plus et j'accepte volontiers le dépôt au bureau des renseignements.

- La proposition de M. H. de Brouckere est mise aux voix par appel nominal.

85 membres sont présents.

78 membres répondent oui.

5 membres répondent non.

En conséquence la Chambre décide que la pétition d'habitants du canton de Saint-Josse-ten-Noode, sera déposée au bureau des renseignements.

Ont répondu oui : MM. J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Mascart, Moncheur, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Sayeman, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Wala, Allard, Ansiau, Coomans, Coppieters t' Wallant, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de la Coste, De Lexhy, de Liedekerke, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frère-Orban, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau et Dolez.

Ont répondu non : MM. E. Vandenpeereboom, David, De Fré, L. Goblet et Grosfils.

- La séance est levée à 5 heures.