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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 14 juillet 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 7) (Présidence de M. Dautrebande, doyen d'âge.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Gottal, secrétaire provisoireµ, procède à l'appel nominal à midi et demi.

M. de Montpellier, autre secrétaire provisoireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Liedekerke et Faignart demandent un congé de quelques jours.

- Accordé.


MM. le Bailly de Tilleghem, de Haerne et Tack, dont l'élection a été validée dans une séance précédente, prêtent serment.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Nivelles

M. David, au nom de la troisième commission, fait rapport sur l'élection de MM. Dechentinnes, Nélis, Snoy et Mercier, élus par l'arrondissement de Nivelles, et propose leur admission.

- Ces conclusions sont adoptées.

En conséquence, M. Dechentinnes, Nélis, Snoy et Mercier sont proclamés membres de la Chambre des représentants. Ils prêtent serment.

Arrondissement de Dixmude

M. David, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection de M. de Breyne, élu par l'arrondissement de Dixmude, et propose son admission.

- Ces conclusions sont adoptées.

En conséquence, M. de Breyne est proclamé membre de la Chambre des représentants.

Il prête serment.

Arrondissement de Furnes

M. David, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection de M. de Smedt, élu par l'arrondissement de Furnes, et propose son admission.

- Ces conclusion sont adoptées.

En conséquence, M, de Smedt est proclamé membre de la Chambre des représentants

Il prête serment.

Arrondissement de Bruxelles

(page 9) M. Vervoort. - Messieurs, la deuxième commission s'est réunie plusieurs fois ; elle a examiné attentivement les opérations électorales de l'arrondissement de Bruxelles.

Lors de l'élection du 14 juin, 6,840 électeurs ont pris part au vote. Au premier tour de scrutin MM. Ch. de Brouckere, De Fré, Goblet et Guillery ont seuls réuni la majorité.

Un scrutin de ballottage a eu lieu entre plusieurs candidats, et il a donné la majorité à MM. Orts, Prévinaire, Jamar, de Rongé, Pirson Victor, Van Volxem et Louis Hymans.

Les opérations ont été régulières ; les nouveaux élus ont produit les pièces constatant qu'ils se trouvent dans les conditions d'éligibilité prescrites par l'article 50 de la Constitution. Une réclamation a été portée devant la Chambre contre l’élection de M. Hymans. Elle émane d'un électeur, M. Stassin. Voici dans quels termes elle est conçue :

« e soussigné électeur de l'arrondissement de Bruxelles,

» Expose avec respect qu'il résulte d’une pièce authentique délivrée le 29 juin 1859 par l'administration communale d'Anvers que dans l'acte de naissance de sa fille Julie, le père de M. Louis Hymans nommé représentant le 14 juin dernier, a déclair qu'il était né à Berlin, âgé de 34 ans. Ladite déclaration porte la date du 25 janvier 1832.

« Par suite de la loi du 22 septembre 1835 destinée à conférer la qualité de Belge aux Néerlandais compromis par les événements de la révolution de 1830, ne peut être applicable au père de Louis Hymans, toutes déclarations faites tant par le père que par le fi l, sont restées sans effet par le motif que M. Louis Hymans, né en Hollande d'un Prussien, ne peut revendiquer la qualité de Belge à aucun titre.

« En conséquence le soussigné vous prie, messieurs, de bien vouloir annuler l'élection de M. Louis Hymans qui ne réunit pas les conditions voulues par l'article 50 de la Constitution. »

A cette pétition est joint un extrait des registres des actes de naissance de la ville d'Anvers d'où il résulte que le 25 janvier 1832, on a déclaré la naissance de Julie Hymans, fille de Henri-Simon Hymans,. âgé de 34 ans, né à Berlin, domicilié à Anvers, et de Sophie Josephs, née à Londres.

M. Louis Hymans produit, pour faire la justification imposée par l'article 50 de la Constitution, son acte de naissance, constatant qu'il est né à Rotterdam le 3 mai 1829, de Henri-Simon Hymans et de Sophie Josephs ; il produit une déclaration du bourgmestre d'Ixelles, portant qu'il a réclamé la qualité de Belge dans l'année qui a suivi sa majorité.

Un deuxième certificat constate qu'il a satisfait aux lois sur la milice nationale et d'autres documents établissent qu'il a été porté sur les listes électorales et qu'il a exercé ses droits politiques à Bruxelles

Le père de M. Hymans a obtenu l'indigénat en Belgique en 1836, La pétition de M. Stassin soulevé la question de savoir s’il réunissait les conditions exigées par la loi pour acquérir la qualité de Belge

La deuxième commission a examiné cette question ; on lui a soumis une série de pièces dont voici l’énumération et le sommaire.

M. Hymans père a épousé le 20 juin 1827 à Rotterdam Mlle Sophie Josephs, née à Amsterdam en 1806.

A l'acte de mariage indiquant Dordrecht comme étant le lieu de naissance de M. Hymans est joint un acte de notoriété constatant qu'il est né en cette dernière ville le 27 novembre 1799.

Son acte de décès dressé à Anvers le 4 mai 1848 porte aussi qu'il est nè à Dordrecht.

M. Hymans a été reçu docteur en médecine à l'université de Liège le 24 mars 1821.

Il s'est établi à Bruxelles en 1830. Le visa de son diplôme par la commission médicale du Brabant porte la date du 16 juin 1830 et mentionne qu'il exerce la profession de médecin à Bruxelles.

Le Mémorial administratif du Brabant contient, a la date du 28 février 1831, la liste des personnes exerçant la profession de médecin.

M. Hymans y figure comme docteur en médecine, autorisé à exercer l'art de guérir conformément à la loi de 1818. Cette pièce constate donc qu’en 1831 il habitait Bruxelles.

Eu septembre 1831 M. Hymans transfère son domicile à Anvers ;_ il est inscrit à cette date comme venant de Bruxelles. Un extrait du registre de la population d'Anvers porte qu'il est né à Dordrecht et qu'il a constamment habité Anvers depuis 1832 jusqu'à son décès. Un autre certificat émané aussi de l'honorable bourgmestre d'Anvers constate que M. Hymans, docteur en médecine à Anvers, y a été patenté comme médecin depuis l'année 1832 jusqu'au jour de son décès survenu en 1848 et qu'il a figuré sur la liste des électeurs et du jury.

Enfin, nous avons reçu communication d'un acte constatant que le 21 mars 1836 M. Hymans père, docteur en médecine, né à Dordrecht, s'est présenté devant le président de la députation des états provinciaux d'Anvers à l'effet de déclarer qu'il entendait jouir du bénéfice de la loi du 22 septembre 1835, et que son intention était d'être considéré comme Belge de naissance et de jouir des avantages et de supporter les charges attachés à cette qualité.

Voici, messieurs, comment s'exprime la loi de 1835.

« Seront considérés comme Belges de naissance, et jouiront de tous les droits civils et politiques attachés à cette qualité :

« 2° Les habitants des provinces septentrionales de l'ancien royaume des Pays-Bas qui étaient domiciliés ou qui sont venus demeurer en Belgique avant le 7 février 1831 et qui ont depuis lors continué d'y résider.

« Les personnes auxquelles s'applique l'article qui précède devront déclarer que leur intention est de jouir du bénéfice de la présente loi.

« Cette déclaration devra être faite dans les 6 mois à compter du jour de la publication de la présente loi dans la forme et devant l'autorité déterminées par l’article 133 de la Constitution. »

Et l'article 133 de la Constitution dit : « Les étrangers établis en Belgique avant le 1er janvier 1814, et qui ont continué d'y être domiciliés, seront considérés comme Belges de naissance, à la condition de déclarer que leur intention est de jouir du bénéfice de la présente disposition.

« La déclaration devra être faite dans les six mois à compter du jour où la présente Constitution sera obligatoire, s'ils sont majeurs et dans l'année qui suivra leur majorité, s'ils sont mineurs. »

Vient, messieurs, l'objection de M. Stassin. « M. Hymans, dit-il, ayant reconnu qu'il était Prussien n'a pas pu faire de déclaration qui eût pour effet de lui conférer l'indigénat en Belgique. »

L'objection tombe devant les preuves que j'ai eu l'honneur d'analyser. D'abord l'acte de naissance de Mlle Julie Hymans, dans lequel se trouve la mention, n'est pas destiné à prouver le lieu de naissance de M. Hymans père ; ensuite, on ne produit pas d'acte de naissance d'où résulterait que M. Hymans est en effet né à Berlin ; la déclaration faite devant l'autorité municipale d'Anvers ne peut, selon nous, avoir l'effet que l'on voudrait y attacher. Elle doit céder le pas aux actes nombreux qui établissent le véritable lieu de naissance de M. Hymans père. La déclaration est le résultat d'une erreur, et cela paraît d'autant plus manifeste, que l'acte de naissance de Julie Hymans porte que sa mère est nié à Londres. Or, sa mère était née à Amsterdam, en 1806. 11 faut croire que c'est l'œuvre d'un jeune commis qui n'avait pas l'habitude de ces déclarations, car il rappelle fort inutilement que Berlin se trouve en Prusse et Londres en Angleterre.

Mais il y a plus. M. Hymans a étudié à Bonn, à Heidelberg, à Berlin. Or, on produit son diplôme de docteur en philosophie, de Bonn et il y est dit que le docteur est né à Dordrecht. On produit le diplôme de docteur en médecine et en chirurgie délivré à Heidelberg et il indique que le diplômé est né à Utrecht.

Les certificats obtenus par M. Hymans lorsqu'il faisait ses études à Berlin, indiquent Dordrecht comme étant son lieu de naissance.

Or, comment aurait-il déclaré en réclamant des certificats relatifs à des examens particuliers pendant son séjour à l'université de Berlin, qu'il était Hollandais, si dans la réalité il était natif de Berlin ? Cela est inadmissible.

L'analyse de ces divers documents justifie donc complètement la conclusion de votre commission qui a été unanime en faveur de l'admission de M. Hymans.

Plusieurs membres de la commission ont pensé qu'il n'était pas même nécessaire d'examiner si M. Hymans père était né en Hollande ou en Prusse, parce que la loi de 1835 porte : les habitants de l’ancien royaume des Pays-Bas et non les personnes nées dans l'ancien royaume des Pays-Bas.

Je dois ajouter, messieurs, que tous les enfants nés de M. Hymans père en Belgique, sont indiqués dans les actes de naissance comme nés d'un père prussien et d'une mère anglaise.

M. Stassin produit l'acte de naissance de mademoiselle Julie, il en est de même de celui de deux autres enfants ; chose curieuse, un de ces enfants est né huit mois après la déclaration faite par M. Hymans père devant la députation des états provinciaux d'Anvers le 21 mars 1836.

Il est dit dans l'acte de naissance que l'enfant est né de Henri-Simon Hymans, de Berlin.

Il faut incontestablement voir une erreur dans cette mention, car on ne comprendrait pas comment, après avoir réclamé l'indigénat en (page 10) Belgique, le père aurait fait déclarer dans l'acte de naissance de son enfant qu'il était, lui Hymans, natif de Berlin.

On doit croire que le commis qui a rédigé l'acte de 1836, aura copié l'acte de naissance de Mlle Julie Hymans en y introduisant les changements nécessaires.

J'arrive à la conclusion qui découle de notre examen.

M. Hymans père est né à Dordrecht, il s'est établi en Belgique en 1830 et y a conservé sa résidence jusqu'au jour de son décès. Il était en droit de jouir du bénéfice de la loi de 1835 et a rempli les formalités nécessaires pour obtenir l'exercice de ce droit. Dès lors, M. Hymans père devait être considéré comme Belge de naissance.

Incontestablement la loi de 1835, en donnant à ceux qui remplissent les formalités exigées par l'article 2, la qualité de Belge de naissance, a voulu attacher à cette qualité tous les effets qui en découlent naturellement.

Le premier de ces effets est de donner des droits aux enfants mineurs de celui qui devient Belge de naissance. La loi sur la grande naturalisation s'en explique : elle accorde aux enfants mineurs de l'étranger qui obtient la grande naturalisation les mêmes avantages, s'ils font une déclaration dans l'année qui suit leur majorité. Dans le cas actuel, il paraît que M. Hymans fils n'avait pas à faire de déclaration, son père ayant les droits d'un Belge de naissance ; et si on prend les choses rigoureusement, M. Hymans fils est né à l'étranger d'un père belge et aux termes de l'article 16 du Code civil, il a dès lors originairement la qualité de Belge. Mais au surplus il a fait une déclaration, et nous ne pouvons pas traiter plus rigoureusement les enfants mineurs de celui qui, par application de la loi de 1835, est considéré comme Belge de naissance que nous ne traiterions les enfants d'un étranger qui obtient en Belgique la grande naturalisation. Cette anomalie serait repoussée par l'esprit de nos lois.

La commission conclut, à l'unanimité, à ce que la Chambre prononce l'admission de tous les élus de l'arrondissement de Bruxelles, et les admette au serment.

- Ces conclusions sont adoptées.

(page 7) MM. Hymans, Jamar, Orts, V. Pirson, Prévinaire, Van Volxem, De Fré, de Rongé, Goblet, Ch. de Brouckere et Guillery, sont proclamés membres de la Chambre des représentants.

Ces messieurs prêtent serment, à l'exception de MM. Ch. de Brouckere et Guillery, qui ne sont pas présents.

Arrondissement de Louvain

M. Deliége, au nom de la troisième commission, fait le rapport ci-après sur les élections de l'arrondissement de Louvain. (Nous donnerons ce rapport.) (Note du webmaster : ce rapport n’est pas repris dans la présente version numérisée).

M. Deliége, après la lecture de ce rapport, ajoute ce qui suit. - Messieurs, je n'ai eu que quelques heures pour faire ce rapport. Par conséquent, je n'ai pas eu le temps de faire valoir, en faveur de la thèse que la majorité de la commission a soutenue, tous les arguments que je pouvais produire. Je n'ai pas non plus rapporté en entier deux discours prononcés par l'un des membres de la minorité de la commission ; le premier de ces discours a duré à peu près toute une séance ; l'autre a absorbé également la plus grande partie de la seconde séance.

Les membres de la minorité ont fait observer que le rapporteur n'avait pas exposé les arguments que la minorité avait fait valoir pour combattre la proposition d'enquête ; que la plupart des arguments, consignés dans le rapport, au nom de la majorité de la commission, n'avaient pas été produits dans le cours de la discussion.

Messieurs, il ne s'agit pas de savoir si tous les arguments, développés dans le rapport, ont été produits dans la discussion ; le rapporteur soutient l'opinion de la majorité, comme il le juge le plus utile ; il est bien entendu que son rapport doit être lu et soumis à la commission : ce qui a été fait.

Quant à rendre compte dans le rapport de tous les arguments sans exception qu'un membre de la minorité a exposés en commission dans deux discours très étendus, j'avoue que cela m'a été impossible, parce que je ne connais pas la sténographie et qu'il ne m'a été donné que quelques heures pour faire mon rapport.

M. de Theux. - Je demande l'impression du rapport et de toutes les pièces.

.M. Dechamps. - Messieurs, je faisais partie de la minorité de la commission de vérification des pouvoirs. M. le rapporteur de cette commission, après la lecture de son travail, a fait connaître la réserve ou plutôt la protestation que les membres de la minorité avaient remise entre ses mains. Messieurs, permettez-moi deux mots d'explication.

L'honorable rapporteur vient de le reconnaître lui-même, les membres de la minorité ont pris de beaucoup la plus large part aux débats de la commission sur les élections de Louvain. Sans me nommer, M. le rapporteur a dit que j'avais parlé pendant plus d'une heure.

Je dois le dire, de mon côté, les membres de la majorité ont été excessivement sobres d'arguments. Messieurs, j'ai été étonné, avec mes collègues de la minorité, à la lecture du rapport au sein de la commission, rapport dont je ne veux pas apprécier ici la forme et la convenance ; nous avons été étonnés que M. le rapporteur eût passé sous silence, d'une manière presque complète, les arguments nombreux que nous avons la prétention de regarder comme sérieux et que nous avons fait valoir pendant deux longues séances. M. le rapporteur s'est borné à dire qu'on avait soutenu que les abus dont on se plaint se commettaient presque partout.

Voilà la seule objection consignée dans le rapport. Pour ne citer qu'un point, nous avons discuté longuement sur la violation de la liberté de la presse et du domicile dont il est parlé dans la réclamation et pas un mot à l'appui des idées que nous avons soutenues a été dit dans le rapport. D'un autre côté nous avons été surpris d'entendre développer une longue et vive argumentation en faveur de la proposition d'enquête et dont je n'avais pas entendu un mot dans le débat, ce qui donne à cette œuvre le caractère d'un plaidoyer, plutôt que celui d'un rapport impartial.

J'avais demandé à pouvoir rédiger, au nom de la minorité, une note reproduisant un résumé succinct des arguments présentés par nous ; on m'a fait remarquer avec raison qu'il était midi et que M. le rapporteur devait lire son rapport à la tribune à l'ouverture de la séance, que le temps manquait.

Voilà comment les faits se sont passés. J'ai cru devoir les soumettre à la Chambre qui aura à les apprécier.

M. B. Dumortier. - Messieurs, il faut laisser au rapport que nous venons d'entendre, son caractère qui est très curieux ; il faut qu'il le conserve dans son intégrité. Les observations de la minorité viendraient défigurer singulièrement ce caractère. Nous les examinerons quand nous discuterons le rapport.

Je prierai cependant le Chambre d'observer que M. le rapporteur a laissé en arrière la lecture de trois pièces d'une très grande importance : celle de l'article incriminé qui est la base essentielle de la pétition ; on n'a donné lecture ni du texte flamand, ni de la traduction française.

En second lieu, on n'a pas donné lecture de la lettre du juge d'instruction annexée au dossier ; enfin, en n'a pas non plus donne lecture du procès-verbal de la visite domiciliaire, ni de la protestation contre la violation de la liberté de la presse, la violation du domicile et la violation du secret des lettres. Vous n'avez donné lecture d'aucune de ces pièces. Je demande que cette lecture soit donnée parce que ces pièces figureront au Moniteur ; il faut que chacun comprenne la portée de ces pièces.

Puisque j'ai dit tout à l'heure que je donnerais lecture en français, de l'article qui a donné naissance à ce grief, je vais suppléer au défaut du rapporteur afin que cela figure parmi les pièces.

Je prie M. Alphonse. Vandenpeereboom qui a en mains le numéro du journal de vouloir bien suivre sur le texte flamand pour voir si ma traduction est exacte et la rectifier si elle ne l'est pas.

Voici donc le corps du délit :

« Fermiers à deux lieues à la ronde de Louvain.

« Vous autres vous devez nécessairement voter pour M. Luesemans.

« 1° Vous n'avez pas la moindre raison pour vous plaindre de lui, car quand un paysan commet le moindre délit dans la ville on ne lui fera jamais rien.

« 2° Dorénavant il se corrigera et vous n'aurez plus à vous plaindre de la police louvaniste.

« On volait par bandes et à pleins sacs vos pommes de terre, vos carottes et vos navets. »

Voilà le grand grief.

Mais tout le monde sait que cela se fait, il y a des vols organisés par bandes.

« On volait par bandes et à pleins sacs vos pommes de terre, vos carottes et vos navets, on les laissait entrer en ville francs et libres sans leur adresser la parole. »

On n'adressait pas, dit-on, la parole aux carottes, aux navets, aux pommes de terre à leur entrée à Louvain, quel crime abominable ! et pour cela il faut annuler l'élection !

« Ah ! ils entraient par les remparts entre les portes de Malines et de Bruxelles, ou encore par d'autres endroits. Pendant la récolte on (page 8) volait les grains par gerbes entières. Eh bien, qu'a fait M. le principal agent de la police, M. le bourgmestre, pour protéger vos biens contre les individus les plus mal notés de la ville ? Nous ne le savons pas, ou pense-t-on peut-étre que ces maraudeurs cesseront de dévaster vos champs parce qu'on en arrête déjà un sur dix et parce qu'ils vont en prison pour 1, 2 ou 3 jours. Il y avait l'an dernier, un fermier du Parc qui se plaignait de ce qu'on lui avait bien volé 30 sacs de pommes de terre. Il en est de même avec les carottes et les navets et maintenant les libéraux vous promettront peut-être que vos sillons ne seront plus dévastés et que l'on ne laissera plus entrer en ville le bien volé ni par les portes ni par les remparts. .Mais ne le croyez pas, car moi aussi j'ai entre les mains des lettres de promesses des grands hommes de Louvain.

« Mais ils ne tiennent leur parole. »

M. Orts. - Le mot souvent n'y est pis : il y a : « ils ne tiennent pas leur parole ! ce qui veut dire qu'ils ne la tiennent jamais.

M. B. Dumortier. - « Mais ils ne tiennent point leur parole et les agents de la police ont souvent des yeux mais ne veulent pas voir. Mais quand un campagnard introduit un peu de boudins, pour cela ils sont assez diligents. Quand la charrette ou le chariot du paysan se trouve dans la voie publique, alors ils sont bien plus soigneux pour empêcher que les cultivateurs jouissent en sécurité des fruits qui se trouvent sur leurs terres dont le loyer est si cher. »

Voilà donc cette fameuse pièce.

M. Orts. - Il y a encore une phrase ; la voici : « Les agents de la police ont souvent des yeux, mais ils ne veulent rien voir. »

M. B. Dumortier. - J'ai demandé qu'on rectifiât les erreurs qui pourraient se trouver dans ma traduction.

Qu'y a-t-il dans cet article ? On dit que la police de Louvain ne surveillait pas l'entrée des grains, des pommes de terre volés, mais qu'elle se montrait sévère quand on introduisait des boudins. C'est une question de fait ; les membres de la gauche trouveront dans cette allégation tout ce qu'il faut pour annuler une élection. Mais le pays jugera.

Maintenant il reste deux pièces dont je désire avoir lecture, c'est la lettre de M le juge d'instruction et le procès-verbal des agents de police dont je demande la lecture, ainsi que de la plainte adressée par M. Copin à M. le procureur du roi. Ces pièces sont indispensables pour bien comprendre cette affaire.

M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, je ne répondrai pas à ce que M. Dumortier vient de dire pour moi ; nous sommes habitués à ses personnalités, c'est pourquoi nous n'y faisons plus attention et que le public n'y fait plus attention.

Je répondrai seulement à l'assertion de l'honorable M. Dechamps, que ses observations ont revêtu la forme d'une protestation. Je n'ai pas improvisé, j'ai une note écrite de la main de l'honorable membre et j'ai été rapporteur fidèle de ses paroles, il m'a dit en commission que je n'avais pas rapporté tous ses arguments ; j'ai répondu qu'il pouvait les rédiger et que je les insérerais dans mon rapport. Alors il a été convenu entre nous qu'il les ferait valoir en séance publique. Je pense donc qu'il n'a pas à se plaindre de la conduite du rapporteur.

M. de Theux. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour proposer à la Chambre l'impression du rapport et de toutes les pièces à l'appui, avant que la discussion ne commence. Le rapport est très étendu, il articule beaucoup de faits que, pour ma part, je désire examiner article par article. Je pourrais dès ce moment signaler des inexactitudes sur un point excessivement grave contenu dans la pétition et dans le rapport même de M Deliége, mais j'attendrai la discussion pour le faire et je le ferai le Moniteur à la main.

Je demande donc l'impression du rapport et de toutes les pièces à l'appui ; je demande, en outre, que les pièces flamandes soient traduites en français pour que chacun puisse les lire facilement.

M. H de Brouckereµ. - J'appuie la demande d'impression qui vient d'être faite par l’honorable M. de Theux, et je crois qu'il est convenable d'imprimer non seulement le rapport, mais toutes les pièces qui ont été citées. Sur ce point, nous sommes entièrement d'accord, mais je crois que l'honorable M. de Theux a été un peu sévère envers le rapporteur de la commission.

Il faut bien remarquer que le rapport n'est pas l'œuvre de celui qui le lit ; il est l'œuvre de la majorité de la commission ; la majorité de la commission ayant adopté le travail de M. Deliége, les griefs que l'on articule retombent non sur lui, mais sur la majorité de la commission.

Il y a un moyen extrêmement simple de faire droit aux plaintes de la minorité, c'est que la Chambre autorise un membre de cette minorité à rédiger une note contenant les arguments qu'il a fait valoir dans la commission et qu'il soit décidé que cette note sera imprimée en même temps que le rapport. Nous aurons alors toutes les pièces du procès et nous examinerons la question en toute connaissance de cause.

Je propose donc à la Chambre de décider que la minorité aura le droit de rédiger une note et que cette note sera imprimée en même temps que le rapport.

M. B. Dumortier. - Je demanderai à l'honorable rapporteur la lecture de deux pièces annexées au procès-verbal et qu'il n'a pas lues. L'honorable rapporteur a dit qu'il dédaignait de me répondre ; je me soucie fort peu de ses dédains, et sa colère ne me touche pas plus que celle d'un moineau (Interruption.) Mais il est convenable que le rapporteur donne lecture des pièces ; j'insiste pour que cette lecture soit faite.

M. Deliége (pour un fait personnel). - Je demande que M. Dumortier retire son expression de moineau qu'il vient de m'adresser.

M. B. Dumortier. - Je pense que l'honorable M. Deliége se méprend complètement sur ce que je viens de dire : j'ai dit que sa colère ne me touchait pas plus que celle d'un moineau, j'aurais pu dire aussi bien que celle d'un aigle ; il n'y a là rien d'inconvenant pour lui, mais ce qui est inconvenant, c'est que l'honorable rapporteur ait déclaré qu'il ne daignait pas me répondre.

M. Muller. - J'ai demandé la parole, non sur ce dernier incident auquel j'attache peu d'importance, mais pour répondre à la leçon que M. Dumortier prétend faire à l'honorable rapporteur et à la majorité de la commis-ion, puisque la responsabilité du travail n'incombe pas simplement au rapporteur, mais à la commission tout entière.

Vous vous plaignez de ce que l'honorable rapporteur a dit qu'il ne daignait pas vous répondre ; mais vous, vous avez manqué aux convenances envers la majorité de la commission. Vous avez déversé sur son œuvre des reproches injustes, vous y avez ajouté des paroles d'ironie. La commission ne pouvait accepter une de ces leçons imméritées, comme M. Dumortier a l'habitude d'en donner trop souvent.

M. B. Dumortier (pour un fait personnel). - On veut usurper les pouvoirs du président et je suis surpris que ce soit M. Muller, un des nouveaux venus dans cette assemblée. (Interruption.)

Mais il est évident que M. Muller en me reprochant, comme il vient de faire, le langage que j'ai tenu à l'égard de la commission, usurpe les pouvoirs de M. le président. J'avais demandé à l'honorable M. Deliége la lecture de deux pièces qu'il est essentiel de connaître pour apprécier l'affaire. M. Deliége, au lieu de faire cette lecture, a déclaré qu'il ne daignait pas me répondre. Cela ne s'est jamais fait, et j'étais en droit de dire que je ne me souciais pas de ses dédains. Maintenant je ne demande pas que le rapport soit complété, je désire qu'il soit imprimé au Moniteur tel qu'il est. C'est une œuvre de parti, qu'on l'imprime comme tel.

M. Muller. - Je suis, je le reconnais, un des nouveaux membres de cette assemblée, mais je crois avoir les mêmes droits que les anciens, et lorsque je trouve que l'on a manqué aux convenances envers un rapporteur et la majorité d'une commission, il m'appartient, comme à tout membre, d'en faire l'observation.

Je sais que l'honorable M. Dumortier aime à se prévaloir de sa qualité de vétéran de la législature et même du Congrès national dont il n'a jamais fait partie. Mais cette prétention ne l'autorise pas à manquer aux convenances, et je n'usurpe pas les pouvoirs de M. le président en soumettant, humblement à son appréciation et à celle de la Chambre les observations que me dicte ma conscience.

M. H. de Brouckere. - M. le président, je vous prie de mettre aux voix l'impression du rapport, des pièces du dossier et de la note à faire par la minorité.

M. le président. - Je mets cette proposition aux voix.

M. Notelteirs. - Je demande que les pièces soient insérées en flamand.

M. le président. - Vous n'avez pas la parole On ne peut parler quand un vote est commencé.

- La proposition de M. Henri de Brouckere est mise aux voix et adoptée.


MM. d’Hoffschmidt et Devaux prêtent serment.

- Un membre : On pourrait procéder à la formation du bureau.

M. de Theux. - Pour moi il est fort indifférent que l'on procède aujourd'hui à la formation du bureau ; mais je ferai remarquer qu’il serait contraire à tous les précédents de le faire avant d'avoir statué sur les conclusions du rapport de la commission sur les vérifications de pouvoir.

M. le président. - Votre observation est fort juste ; aussi n'est-il pas question de former le bureau aujourd'hui. L'ordre du jour est épuisé.

- Plusieurs membres. - A mardi.

- Plusieurs membres quittent leurs bancs.

M. H. de Brouckere. -Plusieurs membres ont demandé la remise à mardi, mais je ne sache pas qu'il ait été pris une décision.

Je demande que l'on vote sur le point de savoir à quel jour la séance est remise.

M. Dolez. - Je propose à la Chambre de remettre sa prochaine séance à samedi à midi. L'intérêt du pays a forcé le gouvernement à réunir les Chambres à une époque où cette réunion contrarie et les affaires et les convenances d'une foule de ses membres ; il ne faut pas venir aggraver cet inconvénient par des lenteurs inutiles. Or, les rapports et les pièces y annexées peuvent être parfaitement distribués demain soir et nous pourrions discuter samedi et procéder ensuite à la formation du bureau. Cela nous permettrait de nous occuper dès la semaine prochaine des travaux pour lesquels nous nous trouvons réunis.

Je demande donc que la Chambre, se réunisse samedi à midi.

(page 9) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas, messieurs, que les pièces à imprimer soient très longues ; il est deux heures et demie à peine ; je pose en fait que l'impression peut avoir lieu aujourd'hui ; la distribution pourrait se faire ce soir ou au plus tard demain matin, et rien ne s'opposerait à ce que l'on discutât demain à deux heures, les conclusions du rapport. (Interruption.)

Dès qu'on aura lu, on pourra discuter ; c'est une simple énumération de faits.

Au surplus, s'il était démontré demain que la distribution n'a pas eu lieu en temps opportun, il serait encore temps d'ajourner la discussion.

M. Dolez. - Quand j'ai proposé à la Chambre de se réunir samedi, c'était dans la pensée que l'impression demanderait un temps assez long ; mais si les pièces peuvent être distribuées dès ce soir ou demain matin, je pense aussi que la Chambre doit se réunir demain à 2 heures.

Je me rallie donc à la proposition de M. le ministre des finances

- La Chambre décide qu'elle se réunira demain à 2 heures.

La séance est levée à 2 heures et demie.