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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 29 novembre 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 95) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Bruxelles présentent des observations contre les dispositions du Code pénal relatives aux coalitions. »

« Mêmes observations d'habitants de Molenbeek-St-Jean »

- Renvoi à la commission du Code pénal.


« L'administration communale de Warquignies demande que le département de la justice accorde un subside au sieur Nicodème, ouvrier de cette commune, atteint d'une ophtalmie granuleuse qu'il a contractée de son beau-frère, milicien au régiment du génie, »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des meuniers dans la Flandre occidentale demandent la réduction du droit de patente auquel ils sont assujettis. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Dessart, médecin vétérinaire diplômé, demande des modifications à la loi du 11 juin 1850, sur l'exercice de la médecine vétérinaire. »

« Même demande des sieurs Furnémont et Gailly. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. Van Leempoel, retenu par la maladie de sa belle-mère, s'excuse de ne pouvoir, pendant quelques jours, assister aux séances de la Chambre. »

- Pris pour information.

Commission d'enquête sur les élections de l’arrondissement de Louvain

Rapport de la commission

M. De Fré. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre, le rapport de la commission d'enquête sur les élections de Louvain.

- Plusieurs membres : La lecture ! la lecture !

- M. De Fré donne lecture de son rapport.

M. le président. - Le rapport est suivi d'annexés très volumineuses comprenant toutes les dépositions des témoins ; toutes ces pièces seront imprimées et distribuées aux membres de la Chambre. La distribution pourra avoir lieu après-demain au plus tard, peut-être demain soir.

Les membres de la Chambre seront ainsi mis à même d'apprécier tous les détails de l'enquête ; ils seront exactement sur la même ligne, à cet égard, que les membres de la commission eux-mêmes.

Il a été entendu, lors de la lecture du rapport au sein de la commission, que les membres de la minorité fourniraient une note exprimant leur opinion ; cette note sera transmise par eux directement à l'impression et distribuée en même temps que le rapport et les annexes.

M. Van Overloop. - Messieurs, je n'entends pas adresser aujourd'hui des critiques au rapport de la commission, ni aux développements surtout qu'il donne à ses conclusions ; je prie seulement la Chambre de suspendre son jugement jusqu'au moment où, froidement, elle aura pu apprécier les dépositions des témoins ; quand la Chambre aura pu examiner l'enquête dans tous ses détails, et non par le petit verre d'un télescope, je crois qu'elle arrivera à d'autres conclusions que celles auxquelles est arrivée la majorité de la commission.

Je demande à la Chambre de ne pas se laisser impressionner par le rapport que vient de lui lire l'honorable M. De Fré, mais d'attendre, pour formuler son jugement, qu'elle ait toutes les pièces sous les yeux et alors, je n'hésite pas à le dire, dans ma conviction il est impossible que la Chambre adopte les conclusions de la commission.

M. le président. - Je crois que la Chambre entend trop bien ses devoirs de juge impartial pour se former une opinion avant d'avoir entendu les deux parties entre lesquelles elle doit décider.

M. B. Dumortier. - Je croirais manquer au plus sacré des devoirs que m'impose le mandat dont je suis investi si je ne venais aujourd'hui protester du plus profond de mon âme contre le mode qui vient d'être adopté pour ce qu'on a appelé un rapport et que moi j'appelle purement et simplement un libelle. (Interruption.)

- Plusieurs membres. A l'ordre ! A l'ordre !

M. le président. - Je ne puis pas laisser passer la qualification de libelle adressée à une acte officiel de la Chambre, surtout quand aucune pièce n'a encore été distribuée pour l'infirmer.

Le premier j'ai fait observer que la Chambre manquerait à ses devoirs de juge impartial si elle se formait dès à présent une opinion sur les conclusions du rapport.

Je prie donc M. Dumortier de vouloir bien employer une autre expression que celle de libelle.

M. B. Dumortier. - J'emploierai une expression plus nette; je dirai que c'est un pamphlet de M. Joseph Boniface.

- Plusieurs membres : A l'ordre !

M. B. Dumortier. - Il y a 29 ans que je siège dans cette enceinte ; et jamais je n'ai vu un pareil document déposé sur le bureau. Savez-vous ce qu'il y a au fond de ce rapport ? C'est l'ostracisme de la minorité, prononcé par la majorité... (Interruption.) Oui, la majorité veut ici l'ostracisme de la minorité. Vous, majorité, vous avez tout pouvoir ; vous en usez et en abusez. Vous avez le pouvoir d'expulser vos collègues, mais nous, minorité, nous avons le droit de protester contre un acte semblable. Il serait impossible de citer un seul précédent de ce genre dans aucune assemblée délibérante du monde, une pareille oppression de la majorité par la minorité.

- Des membres : A l'ordre !

M. le président. - Vous avez le droit, que comporte la liberté de la tribune, d'attaquer le rapport de la commission ; mais vous n'avez pas le droit de qualifier de libelle ou de pamphlet une œuvre faite par la majorité de la commission, c'est-à-dire par une délégation de la Chambre.

- Des membres : A l'ordre !

M. le président. - M. Dumortier, je vous invite pour la seconde fois à retirer les expressions injurieuses qui vous sont échappées, les expressions de libelle et de pamphlet.

M. B. Dumortier. - M. le président, ces mots sont l'expression de ma conscience indignée ; je ne puis pas les retirer.

M. le président. - M. B. Dumortier, je vous rappelle à l'ordre, pour avoir refusé itérativement de retirer deux expressions injurieuses pour la majorité de la commission.

M. B. Dumortier. - M. le président, le pays en jugera.

M. de Theux. - Messieurs, tout homme de bonne foi conviendra que ce qui a donné lieu à ce trouble, c'est la lecture inusitée d'un pareil document, qui inculpe directement une foule de personnes que nous devons présumer honorables jusqu'à preuve du contraire.

C'est cette lecture inusitée, dis-je, d'un document de cette importance, contenant une série d'accusations d'un bout à l'autre, sans qu'on lise en même temps les déposions des témoins ! Ce fait est sans antécédent dans cette Chambre. Je le regrette vivement : c'est un acte déplorable que la lecture de ce rapport.

Maintenant au fond je demande que la note de l'honorable M. Van Overloop soit imprimée en même temps que le rapport et à la suite de ce document. Il ne faut pas que cette pièce paraisse isolément.

Je demande, en outre, que les Annales parlementaires qui contiendront le rapport tel qu'il a été lu, contiennent simultanément tous les documents de l'enquête.

Je demande, en troisième lieu, que la Chambre ne fixe pas la discussion du rapport, avant que nous ayons eu le temps de prendre connaissance de tous les documents d'une manière approfondie. C'est alors seulement que la Chambre pourra, avec une entière impartialité, fixer le jour de la discussion. La fixation de ce jour serait aujourd'hui tout à fait prématurée et pourrait amener un débat incomplet.

M. le président. - M. de Theux fait trois propositions ; nous n'avons pas à nous occuper de la première, puisque déjà il a été décidé qu'il y serait fait droit.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Qu'on donne lecture de la note de l’honorable M. Van Overloop.

M. le président. - Elle n'est pas encore rédigée.

M. de Theux demande ensuite à la Chambre de ne pas se prononcer aujourd'hui. Je crois que cette proposition ne peut pas soulever d'objection. Il est d'usage de ne mettre un objet à l'ordre du jour que quand les pièces qui y sont relatives sont distribuées.

Il demande en troisième lieu qu'on imprime, dans les Annales parlementaires en même temps que le rapport, toutes les pièces qui doivent servir d'annexés.

Pour faire droit à cette dernière demande, il faut que la Chambre décide qu'au compte rendu de la séance d'aujourd'hui, ne figurera pas le rapport que vous venez d'entendre, car il serait impossible d'imprimer le tout dans un seul et même numéro demain matin.

- Plusieurs voix. - Quand la note de la minorité sera-t-elle produite ?

M. le président. - La chambre entend-elle que le rapport ne soit pas inséré aux Annales parlementaires de demain ?

M. de Gottal. - Messieurs, tout en me ralliant à la proposition de l'honorable M. de Theux, de ne pas fixer le jour de la discussion du rapport avant qu'il soit distribué ainsi que toutes les pièces à l'appui, il me semble qu'il serait nécessaire de fixer un délai dans lequel la note de la minorité de la commission sera fournie.

M. Van Overloop. - La Chambre comprendra la difficulté pour (page 96) la minorité de la commission de faire immédiatement la note que nous avons demandé de joindre au rapport.

J'espère qu'elle sera faite dans deux ou trois jours. L’intérêt de la minorité est de ne pas en retarder la publication Nous ne reculons pas devant cette œuvre.

M. E. Vandenpeereboom. - La commission, comme vous le verrez en parcourant toutes les pièces, a fait diligence pour terminer son travail. Je ne veux pas entrer dans le débat incidentel qui vient de se produire, et auquel, pour ma part, j'attache une minime importance. Mais je trouve étonnant qu'on se plaigne de l'impression d'un rapport officiel dont la Chambre a décidé la lecture, alors qu'on ne s'est pas plaint des publications de dépositions incomplètes, qui nous ont assaillis pendant quinze jours. Mieux vaudrait décider que les Annales parlementaires ne rendront pas compte de la séance : ce serait décréter le silence de la feuille officielle, quand les autres peuvent parler.

Pour ce qui est du rapport et de la note de M. Van Overloop, il a été entendu que la note de la minorité sera jointe aux pièces. L'honorable M. Van Overloop nous dit : Je viens seulement de recevoir les pièces et il me faut quelques jours pour rédiger ma note ; il me semble qu'il aurait pu la faire plus tôt, car il avait pris copie de toutes les dépositions, puisqu'il avait écrit sous la dictée du président, comme le faisait le greffier. L'impression ne devrait donc pas souffrir de retard par la note qu'il aura à produire.

Les membres de la majorité ont si peu empêché la production de cette note, que les membres de la minorité ont été engagés par nous à ne pas persister dans la résolution qu'ils avaient manifestée de ne prendre part, ni à la nomination du rapporteur, ni à la lecture du rap.port. Je défie mes collègues de la minorité de contester notre loyauté et notre impartialité. J'ai la certitude qu'ils ne le feront pas.

M. Van Overloop. - Il est vrai que j'ai pris la précaution d'écrire les dépositions des témoins, mais il est vrai aussi que le président, comme c'était son droit, a envoyé plusieurs commissions rogatoires, et je n'en connaissais qu'une seule, il fallait bien que j'examinasse les autres. J'ai demandé une première épreuve ; il était nécessaire que je pusse constater si mes notes étaient conformes à celles du greffier et de la commission.

Il est matériellement impossible que je fasse ma note d'ici à demain ou après-demain ; il ne dépendra pas de moi que la Chambre ne la reçoive au plus tôt.

M. Devaux. - Ce serait un bien fâcheux précédent de décider qu'un rapport lu ou un discours prononcé dans cette séance ne paraîtra pas au Moniteur.

Je conçois très bien qu'on diffère la discussion jusqu'à ce que la note de la minorité soit faite, jusqu'à ce qu'il y ait distribution de toutes les pièces aux membres de la Chambre. Mais je ne comprends pas qu'on ferme la bouche au Moniteur, qu'on l'empêche de reproduire ce qui s'est passé dans la séance, d'autant plus que la publicité existe non seulement pour le Moniteur, mais pour les autres journaux.

Si les membres de la minorité prétendent qu'il ne devait pas y avoir publicité avant que leur note fût présentée, ils devaient demander que la lecture du rapport fût suspendue.

Mais une fois que la lecture a eu lieu, d'après tous nos précédents, le compte rendu complet de la séance doit paraître dans les Annales parlementaires.

Je n'attache pas d'autre importance à cela que comme précédent.

M. de Theux. - Je crois d'abord qu'il y a chose décidée par la Chambre.

- Plusieurs membres. - Non ! non !

M. de Theux. - En second lieu, je ferai observer que c'est ici une circonstance toute particulière.

Le rapport de la commission contient l'opinion de la majorité contient des inculpations extrêmement graves. Les journaux rendront compte de la séance comme ils le jugeront à propos. Mais j'ai demandé que le rapport de la commission ne parût aux Annales parlementaire qu’accompagné de l'enquête pour que l'on pût apprécier l'enquête en même temps que le rapport.

Je crois que cela est juste. Si j’avais prévu que le rapport eût contenu ce qu’il contient en effet, j’aurais à l’instant même demandé que la lecture ne fût pas faite. Mais je l’ignorais ; je ne pouvais pas demander que la lecture du rapport n'eût pas lieu.

Je crois, messieurs, qu'il y a une justice réelle à procéder de la manière que j'ai indiquée. On n'y perdra rien.

Les journaux donneront à la séance la publicité qu'ils trouveront à propos. Mais les abonnés aux Annales parlementaires pourront lire même temps l'enquête et le rapport et la contre-note. Ce que je demande est parfaitement juste.

M. Muller. - Messieurs, je dois appuyer les observations pleines de sens et conformes aux précédents de la Chambre, que l’honorable M. Devaux vous a présentées.

Je ne comprends réellement pas comment on pourrait régulièrement, dans un but illusoire de garantie et d’impartialité, supprimer du compte rendu de la séance de ce jour, le rapport de la commission d'enquête dont il a été donne lecture, alors qu'on y laisserait subsister les épithètes inconvenantes par lesquelles l'honorable M. Dumortier l'a qualifié.

Il me semble naturel que tout ce qui a signalé cette séance soit publié en même temps, sous réserve de l'appréciation de chacun de nous, et puisqu'on parle d'équité, il faut que les lecteurs du Moniteur puissent prendre à la fois connaissance du travail de l'honorable M. De Fré et des attaques dont il vient d'être l'objet.

Je ferai remarquer d'autre part que les annexes devant être très volumineuses, il sera difficile, sans inconvénient, que la feuille officielle les reproduise toutes le même jour. Trouverez-vous un matériel et un personnel suffisants pour achever le tout à la fois ? Et dans quel intérêt sérieux propose-t-on de suspendre la publication au Moniteur d'un document lu et d'enlever provisoirement à la connaissance d'une partie du public un compte rendu de nos séances qui doivent être soumises au contrôle de la nation ? J'ai peine à le découvrir.

M. de Theux. - Il arrive très fréquemment que le compte rendu de nos séances n'est inséré au Moniteur que deux ou trois jours après que la séance a eu lieu. Du reste je ne m'oppose en aucune manière à ce que le rapport paraisse dans le Moniteur de demain, si l'on veut en même temps y faire paraître l'enquête. Ce que je demande, c'est que l'ensemble paraisse en même temps.

On aurait dû, pour être parfaitement juste, donner également lecture de l'enquête. Cela n'a pas été fait. Que l'on donne lecture de l'enquête, et tout paraîtra ensemble. Mais pour ne pas fatiguer la Chambre de cette lecture, il est beaucoup plus simple d'imprimer en même temps le rapport et l'enquête.

M. Muller. - J'ajouterai une dernière considération : c'est que les journaux ont ici leurs représentants. Ceux-ci ont eu le droit de prendre des notes, de les sténographier, et quel sera le résultat d'un retard dans la publication du Moniteur ? C'est qu'en définitive on pourra tronquer par avance le rapport.

Et quoi de plus juste qu'une pièce dont la lecture a été ordonnée par la Chambre, et qui émane d'une commission de haute magistrature que vous avez instituée, paraisse dans le Moniteur de la même manière que tous les autres rapports faits à la Chambre en pareille circonstance, et dont on n'ajourne pas l'impression ?

M. Guilleryµ. - Je regrette, je l'avoue, de devoir partager l’opinion de la droite ; mais je pense que lorsque la minorité réclame une garantie, fût-elle puérile, il faut la lui accorder.

M. Devaux. - Ce n'est pas une garantie.

M. Guilleryµ. - Comment ! lorsqu'on demande que les pièces sur lesquelles on a été jugé soient à côté du jugement, vous n'appelez pas cela une garantie ? Vous avez d'étranges idées sur les droits de la défense.

Il y a un rapport. Ce rapport émet une opinion. Est-e'le fondée, oui ou non ? Je n'en sais rien. Je le saurai quand j'aurai lu les pièces et pas avant. Le rapport conclut à l'annulation de l'élection. A-t-il raison ou tort ? On ne le saura qu’en lisant les pièces. La minorité de la commission en appelle devant la Chambre et devant l’opinion ; elle en a le droit. La Chambre et l’opinion jugeront.

L'honorable M. de Theux demande que les lecteurs des Annales parlementaires, en ayant le rapport sous les yeux, aient en même temps les documents qui doivent être joints à ce rapport. Qu'est-ce que cela nous fait ? A qui cela nuit-il ? A qui cela porte-t-il préjudice ? Cela entrave-t-il notre action parlementaire ?

M Devauxµ. - Cela entrave le droit du public de connaître nos séances.

M. Guilleryµ. - Mais. M. Devaux, si vous voulez me permettre de feuilleter les Annales parlementaires, je vous indiquerai cinquante séances dans lesquelles vos discours ont été de trois ou quatre jours en retard.

Il n'y a pas longtemps que les Annales parlementaires ont reproduit des discours trois ou quatre jours après le compte rendu des séances dans lesquelles ils avaient été prononcés (interruption), non pas par décision de la Chambre, mais parce que ces discours n'avaient pas été renvoyés assez tôt au Moniteur.

Il n'est donc pas inouï qu'un discours paraisse trois jours après avoir été prononcé et le rapport de l'honorable M. De Fré peut parfaitement paraître en même temps que les documents qui y seront annexés.

L'honorable M. Muller craint que ce ne soit trop considérable. On prendra, s'il le faut, ce jour-là des hommes spéciaux pour porter les Annales parlementaires. Mais il ne me semble pas que le poids doive en être tel, qu'il puisse fatiguer un homme.

M. Muller. - Je n'ai pas parlé du personnel.

M. Guilleryµ. - Vous parlez du matériel ? Mais ce qui sera distribué ne doit pas être imprimé le même jour. On imprimera un jour une première feuille, ensuite une seconde, ensuite une troisième. L'honorable M. Muller connaît assez bien ce qu'est qu'une imprimerie pour savoir que quand on imprime un ouvrage, on ne tire pas toutes les feuilles ensemble ; et cependant elles le publient ensemble. Les documents parlementaires ne paraissent pas en général le jour où ils sont déposés.

Si les journaux rendent compte du rapport que vous venez d'entendre, ils useront d'un droit ; ils useront de la liberté qui leur appartient de reproduire et d’apprécier ce qui se fait dans cette enceinte. Mais je ne vois pas ce qui pourrait empêcher la Chambre d'arrêter pour quelques jours l'impression du rapport. Et du reste il me semble que ce retard ne doit pas être long.

(page 97) Qu'est-ce qui empêchera l'impression d'avoir lueu dans un bref délai ? L'enquête est presque tout entière imprimée aujourd'hui comme document parlementaire ; elle pourra donc être bientôt reproduite par le Moniteur et je ne vois pas là de longs retards.

Je ne crois pas, quant à moi, que la demande de la minorité ait une grande importance ; mais enfin elle fait un appel à notre justice, à nous majorité ; eh bien, nous devons accueillir la demande, de même que si la minorité de la commission nous demandait un délai pour préparer sa note, nous devrions l'accorder. En pareille matière il faut être excessivement large : la justice est la force des majorités.

.M. Dechamps. - Je dois remercier l'honorable M. Guillery des paroles loyales et impartiales qu'il vient de prononcer. Evidemment c'est une garantie que demande la minorité, et je ne comprendrais pas qu'on nous la refusât dans la position qui nous est faite.

Il est bien vrai qu'il y a, comme l'a dit M. Devaux, quelque chose d'insolite dans ce que l'on propose ; mais d'où cela vient-il ? Du caractère tout particulier du rapport que nous venons d'entendre.

Je ne veux pas critiquer ce rapport ; mais je dois dire une chose, c'est que, d'après tous les antécédents de la Chambre, lorsqu'un rapporteur vient présenter son travail au nom d'une commission ou d'une section centrale, toujours le rapporteur a soin, se plaçant au point de vue d'une stricte impartialité, de faire connaître à la Chambre et l'opinion de la majorité avec les motifs sur lesquels cette opinion est fondée et l'opinion de la minorité avec les motifs sur lesquels elle repose.

Un rapport n'est pas un plaidoyer ; or ce que nous venons d'entendre est évidemment un plaidoyer pour la majorité, plaidoyer dans lequel je ne trouve aucune trace des opinions qui ont dû être soutenues dans la commission par la minorité. C'est tellement vrai, que la minorité a dû avoir recours, ce qui arrive quelquefois mais très rarement, à une note spéciale pour faire ce qui, selon moi, doit être fait par le rapporteur lui-même.

Il en résulte que si le Moniteur devait publier le travail de M. De Fré, sans la contre-note et sans les pièces à l'appui, évidemment ce ne serait pas un rapport que vous auriez, ce serait un demi-rapport, un fragment de rapport qui doit être complété par la note renfermant les motifs de la minorité.

Ce rapport encore incomplet, qui n'est, je le répète, qu'un plaidoyer pour la majorité, paraîtrait isolément ; la note paraîtrait quelques jours après, puis les documents de l'enquête, qui sont très volumineux, paraîtraient par fragments, à de longs intervalles. Evidemment si l'on veut que la lumière se fasse, il faut que quand on lira les pièces officielles on puisse les lire toutes ensemble.

M. Devaux. - Messieurs, j'ai parlé dans l'intérêt des usages de la Chambre. Quant à moi, je ne puis voter pour que la Chambre décide de retrancher de la publicité de ses séances ce qui s'y est passé. Je ne vois pas là une garantie pour la minorité. A supposer, si vous le voulez, que le rapport ait le caractère que M. Dechamps vient de lui attribuer, à supposer que ce soit un acte d'accusation, que se passe-t-il tous les jours dans les affaires judiciaires où certainement toutes les garanties sont respectées ?

C'est que l'acte d'accusation est public longtemps avant le procès.

M. Guilleryµ. - C'est .un abus

M. Devaux. - On regarde comme une garantie de parler le dernier, mais je ne sache pas que l'on considère comme une garantie de parler le premier.

Je le répète, je ne vois pas de raison pour changer les usages parlementaires et supprimer de la publicité des séances ce qui en fait réellement partie.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je ne puis pas admettre, avec l'honorable M. Devaux, qu'il faille que le Moniteur reproduise chaque jour les documents parlementaires. Le Moniteur ne le fait jamais ; jamais les documents parlementaires ne sont imprimés le jour où ils sont présentés.

Veuillez ouvrir les Annales parlementaires que vous avez chez vous et vous verrez que tous les documents parlementaires, tous, sans exception, sont imprimés comme annexes.

Ce n'est pas une innovation que nous demandons, c'est au contraire re qui se fait tous les jours.

Et pourquoi le demandons-nous ? Pour que chaque membre de la Chambre, en lisant le rapport de la majorité, puisse lire aussi le rapport de la minorité et se former une opinion sur l'ensemble de ces deux rapports.

Il me semble donc, messieurs, que l'argument présenté par l'honorable M. Devaux n'est pas fondé en fait puisque jamais ou n'insère les rapports dans le compte rendu des séances.

D'ailleurs, messieurs, le rapport doit être envoyé en premier lieu non pas à l’imprimeur des Annales parlementaires, mais à l'imprimeur des pièces de la Chambre. Or pendant que celui-ci s'occupera du rapport de la majorité, M. Van 0verloop pourra achever le rapport de la minorité, et le Moniteur pourra ensuite publier toutes les pièces en même temps.

M. De Fré, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pas demandé la parole pour défendre mon rapport ; le moment n'est pas arrivé ; mais ce qu'a dit l'honorable M. Dechamps me force a lui donner un mot de réponse.

L'honorable M. Dechamps a dit que mon rapport n'est pas complet parce qu'il ne contient pas les motifs de la minorité.

C'est une erreur : l'honorable M. Dechamps n'était pas présent lorsque les motifs de la minorité ont été fournis et il ne peut pas dire en quoi mon rapport est incomplet à cet égard. C'est donc un peu à la légère que l'honorable membre m'accuse d'avoir fait un rapport incomplet. Mon rapport est complet : les deux grands arguments qui ont été produits par la minorité et qui ont été présentés dès le principe, c'est que les libéraux ont employé les mêmes manœuvres que les catholiques ; c'est, en second lieu, qu'il n'y a pas eu de corruption, qu'on s'est borné à avancer des frais de voyage, que l'argent constitue une simple indemnité.

Eli bien, messieurs, j'en appelle au souvenir de tout le monde, ces deux arguments je les ai reproduits et réfutés.

La majorité de la commission a décidé quoi ?

Que l'élection,devait être annulée parce qu'elle est entachée de corruption ; parce qu'il y a eu une pression telle, que les électeurs n'étaient pas libres. J'ai été l'organe de cette majorité et j'ai cherché dans l'audition des témoins tous les arguments propres à établir cette conclusion, et c'est cette conclusion que je suis venu développer à cette tribune.

C'était là le mandat que j'avais reçu.

Quand la discussion viendra, j'établirai que mon rapport est empreint d'une grande modération. (Interruption.)

Riez ; mais vous ne rirez plus quand vous connaîtrez toutes les dépositions des témoins qui vous écraseront. J'ai dit à mes deux collègues de la majorité qu'il y avait des faits que je ne voulais pas mettre dans le rapport ; j'aurai plus tard l'occasion de vous les faire connaître, et alors vous serez obligés de rendre témoignage à la modération de la majorité de la commission.

Ce n'est pas mon rapport qui vous fait crier ; ce sont les dépositions accablantes qui y sont groupées. C'est la preuve qui est fournie contre vous, qu'il y a eu pression, corruption. Vous avez dit partout dans le pays que dans l'élection de Louvain, rien d'insolite ne s'était passé ; que l'enquête que nous avions votée était une injustice, un coup de la majorité ; eh bien, toutes ces accusations que vous aviez produites, s'évanouissent aujourd'hui. Je n'ai rien inventé, rien créé de tout ce qui est dans le rapport, et c'est ce qui provoque les récriminations.

M. B. Dumortier. - Je prie l'honorable M. De Fré de vouloir bien nous faire connaître les faits graves auxquels il vient de faire allusion et qu'il n'a pas mentionnés dans son rapport. Il complétera par là ce document.

Qu'il nous dise maintenant ce qu'il a sur le cœur.

M. De fFéµ. - L'honorable M. Dumortier, s'adressant à moi, dit : « M. De Fré devrait nous faire connaître les faits graves qu'il a omis dans son rapport. »

Messieurs, ces faits graves sont consignés dans les dépositions des témoins. (Interruption.) Or, il résulte de ces documents que l'immoralité a été enseignée par le clergé la veille de l'élection ; il résulte de ces actes que le mensonge est enseigné par le clergé et que quelques-uns de ses membres sont venus mentir devant nous. Voilà la vérité.

- La discussion sur la proposition de M. de Theux est close.

M. le présidentµ. - Je mets aux voix cette proposition en ces termes :

« Le rapport lu à la tribune par M. De Fré sera-t-il inséré au compte rendu de la séance de ce jour dans les Annales parlementaires ? »

- Des membres. - L'appel nominal !

M. Gobletµ (sur la position de la question). - La proposition de l'honorable M. de Theux consiste à demander que le rapport soit imprimé en même temps que toutes les annexes. Je ne sais ce que la Chambre décidera ; mais il me semble que la proposition, comprise de cette façon, est la seule qui puisse être mise aux voix.

M. Ch. de Brouckere. - La question ne présente pas de difficultés : ceux qui répondent oui, demanderont tous les documents, et ceux qui répondent non, ne les demanderont pas.

M. de Theux. - Messieurs, ma proposition a été parfaitement résumée par l'honorable M. Goblet ; j'ai demandé que tous les documents paraissent simultanément dans les Annales parlementaires. Le jour de la publication m'est indifférent. Si cela pouvait être demain, nous ne demanderions pas mieux ; plus tôt la publication se fera, plus vite la vérité sera connue. Mais il y a une impossibilité à cette impression de tous les documents pour demain ; c'est que la note de l'honorable M. Van Overloop qui fait partie intégrale du rapport n'est pas rédigée.

La Chambre a accordé un délai à l'honorable Van Overloop pour la rédaction de cette note.

Messieurs, une seule et dernière observation. Je crois que le rapport ne peut pas être lu dans cette Chambre, s'il n'est pas accompagné de la note de la minorité qui en fait essentiellement partie.

Je demande donc que le rapport, la note de l'honorable M. Van Overloop, et. les annexes paraissant simultanément dans les Annales parlementaires.

Messieurs, vous comprendrez l'importance de ce qui fait l'objet de ma demande. Si les dépositions des témoins sont publiées par pièces et par morceaux, il est impossible que le lecteur des Annales parlementaires se fasse une opinion vraie sur les dépositions.

Quand, au contraire, les documents paraîtront tous ensemble au (page 98) Moniteur, alors au moins le lecteur aura l'ensemble des pièces sous les yeux, et pourra alors se former une conviction, même sans discussion.

M. le rapporteur a discuté les dépositions ; eh bien, nous ne demandons pas la discussion des dépositions ; nous demandons seulement l'impression simultanée du rapport, de la note de l'honorable M. Van Overloop, et de tous les autres documents. (Aux voix ! aux voix. L'appel nominal !}

M. le président. - La question mise aux voix est celle-ci : « Le rapport lu à la tribune par M. De Fré sera-t-il inséré au compte rendu de la séance de ce jour dans les Annales parlementaires ?

Il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

83 membres ont répondu à l'appel.

37 membres ont répondu oui.

46 membres ont répondu non.

En conséquence, la proposition d'insérer le rapport aux Annales parlementaires n'est pas adoptée.

M. le président. - Il est entendu que la publication de ce rapport aura lieu simultanément avec celle des autres documents.

Ont répondu oui ; MM. Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Saeyman, Tesch, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Volxem, Vervoort, Allard, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Bast, de Florisone, De Fré, de Gottal, De Lexhy, Deliége, Devaux, de Vrière, Frère-Orban, Grosfils, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos et Manilius.

Oui répondu non : MM. Notelteirs, Nothomb, Pierre, Rodenbach, Royer de Behr, Sabatier, Snoy. Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, de Boe, C. de Brouckere, H. de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de Liedekerke, de Montpellier, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Lesoinne et Orts.

- La séance est levée à 4 heures et demie.