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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 27 janvier 1860

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 568) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Plusieurs décorés de la croix de Fer demandent qu'il soit alloué une pension de 250 fr. à tous les décorés de la croix de Fer et une pension de 200 fr. à leurs veuves. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.


« Le sieur Troivallet, ancien gendarme, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Vedrin, des propriétaires de mines et des voituriers présentent des observations contre la pétition des maîtres de forges ayant pour objet le retrait de la loi du 2 août 1856. »

M. de Montpellier. - Cette pétition est très importante ; car c’est grâce à la sortie des minerais oligistes que l’on extrait dans la province de Namur, que des milliers d’ouvriers trouvent des moyens de subsistance. Dans la commune de Vedrin seule, un millier d’ouvriers sont entretenus grâce à ces travaux. Du reste, la pétition ne demande que le maintien d’une législation que nous avons sanctionnée.

Je recommande l'examen de cette requête à la bienveillance de la commission d'industrie.

- La pétition est renvoyée à la commission permanente d'industrie.


« M. L. Wodon, avocat à Liège, fait hommage à la Chambre de 120 exemplaires d'une brochure intitulée : Des besoins des réformes pénales en Belgique. »

- Distribution aux membres de la Chambre, et dépôt à la bibliothèque.

Prompts rapports de pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Le sieur Genot, milicien congédié pour infirmité contractée au service, demande une pension.

Comme c'est par suite d'ophtalmie que le sieur Genot a été congédié, la commission a jugé à propos de demander des explications à M. le ministre de la guerre sur la demande de ce milicien. J'aurai l'honneur de vous donner lecture de la dépêche de M. le ministre de la guerre en réponse à la demande de la commission des pétitions.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous informer, en réponse à votre lettre en date du 10 de ce mois, relative au nommé Genot, Isidore, soldat réformé du régiment des carabiniers, qui sollicite une pension pour cause d'ophtalmie contractée au service, que ce n'est point pour une affection oculaire de l'espèce que cet homme a été réformé, mais pour cataracte lenticulaire double.

« D'après les documents qui se trouvent dais les archives du département de la guerre, Genot présentait, dès son entrée au service, des apparences d'idiotisme ou d'imbécilité ; rappelé sous les armes, avec les miliciens de sa classe, au mois de juin 1857, on s'aperçut, quelques jours après sa rentrée, qu'il était atteint d'une affection oculaire ; envoyé à l'hôpital de Malines, il fut bientôt évacué sur l'hôpital spécial de Louvain, d'où, après un traitement d'environ six semaines, il fut renvoyé au corps afin d'être proposé pour la réforme comme atteint de cataracte compliquée d'un état amaurotique que les médecins de l'institut ont attribué, à cause de l'aspect hébété du malade, de sa marche chancelante et d'autres indices, à une lésion cérébrale.

« C'est après avoir pris connaissance des documents rappelés ci-dessus que la commission médicale supérieure chargée par le département de la guerre d'examiner le soldat Genot a unanimement émis l'opinion que l'infirmité de cet homme ne pouvait être considérée, comme ayant été contractée au service.

» Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute considération.

« Le ministre de la guerre, Baron Chazal. »

Messieurs, il résulte de la lettre de M. le ministre de la guerre que si le milicien Genot n'a pas contracté sa maladie oculaire sous les drapeaux, il a été par erreur désigné pour le service. M. le ministre déclare qu'on a remarqué chez cet homme des signes d'idiotisme et d'affection cérébrale. Il a été obligé de se rendre à l'armée, par suite d'une erreur du conseil de milice et des hommes de l'art chargés de la visite. Il est sorti de l'armée dans l'état que je viens de faire connaître, et son malheur seul le rend très recommandable et lui donne des titres sinon à une pension, au moins à un secours sur le budget de la justice.

Dans ces termes, messieurs, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à MM. les ministres de l'intérieur et de la justice.

M. Desmaisières. - Messieurs, la lettre de M. le ministre de la guerre nous apprend que le pétitionnaire a été jugé, unanimement par deux commissions, que cet honorable ministre a consultées, ne pas rentrer malheureusement dans les cas prévus pat la loi pour obtenir une pension militaire.

Dans cette situation, il est bien difficile de faire autre chose que d'admettre les conclusions de la commission.

Cependant cet homme est bien malheureux. Appelé à faire partie de la milice nationale, il s'est présenté devant le conseil de milice, lequel l'a déclaré propre au service. Arrivé au corps, il a été renvoyé devant la députation permanente du conseil provincial. La députation permanente l'a déclaré, également, propre au service. Les infirmités dont ce milicien est frappé doivent donc être considérées comme ayant été contractées pendant le service militaire. Il est aujourd'hui aveugle et infirme, et c'est à ces titres qu'il a été réformé. Je crois donc, messieurs, qu'il est dans les conditions voulues pour obtenir tout au moins un secours.

Mais je voudrais, messieurs, qu'on pût faire mieux pour cet homme, car il est véritablement malheureux, et il est devenu aveugle étant au service.

Il n'a plus ni père ni mère, les membres de sa famille sont tous pauvres et hors d'état de venir à son secours, il lui est impossible de se livrer au travail.

M. Rodenbach. - L'honorable député d'Eecloo nous assure que cet homme est infirme et aveugle, et qu'il a contracté sa cécité étant militaire. Il n'est pas seulement aveugle et infirme, il est encore idiot. Evidemment le gouvernement ne peut pas laisser ce malheureux sans secours ; cela serait considéré comme un délit de justice qu'on doit réparer.

Il y a d'ailleurs, dans le budget de la justice, une allocation destinée à secourir ceux qui sont atteints d'affections ophthalmiques.

Il en est de même du budget de la guerre. Si le malheureux dont il s'agit ne peut pas obtenir une pension, qu'on lui alloue du moins un secours, qui l'empêche de mourir de faim. Il paraît, en outre, être idiot. C'est un titre de plus à la bienveillance du gouvernement.

- Le renvoi de la pétition à MM. les ministres de la justice et de l'intérieur est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Des habitants de Remagne demandent la construction d'une route d'Amberloup à Sainte-Marie.

Une demande semblable est faite par les membres du conseil communal de Remagne.

Enfin, les membres du conseil communal et les habitants de Tille t réclament la construction d'une route de la barrière Hinck à la station de Libramont, par Amberloup, Tille et Remagne, Vreux et Sainte-Marie.

Messieurs, la commission des pétitions n'a pas pu apprécier le degré d'utilité de cette route ; mais comme toute communication est toujours d'une très grande ressource pour les localités qu'elle doit traverser, la commission n'a pas hésité à appuyer la demande, et elle vous propose le renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics.

M. de Moor. - Messieurs, je viens appuyer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics et appeler l'attention sérieuse de ce haut fonctionnaire sur ce projet important.

La députation permanente de notre province a recommandé un ensemble de travaux de routes, de raccordement au chemin de fer. Parmi ces travaux se trouve la route de Flamierge à Libranont ; tous les travaux signalés et sollicités par la députation sont dignes de la haute bienveillance du gouvernement.

Sans rien préjuger, quant au tracé de la route de Flamierge a Libramont, je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir bien donner des instructions à ses ingénieurs pour que les études soient faites dans le plus bref délai possible.

Il serait utile aussi que le gouvernement fît étudier le prolongement de la route dont il vient d'être parlé et qui consisterait à relier Libramont aux ardoisières d'Herbeumout en passant par Neuvillers, Orgeo.

Je recommande donc tout spécialement à M. le ministre des travaux publics l'importante voie de communication de Flamierge à Libramont et son prolongement jusqu'aux ardoisières d'Herbeumont.

Le crédit de 1 million voté dans la dernière loi des travaux publics me permet d'espérer que le gouvernement pourra prendre en considération les observations que j'ai cru devoir présenter à la Chambre.

M. d’Hoffschmidtµ. - Messieurs, je viens appuyer les observations fort justes que vient de présenter l'honorable M.de Moor.

(page 569) Les arrondissements de Neufchâteau et de Bastogne sont grandement intéressés à l'exécution de la route dont il s'agit qui est réclamée depuis longtemps par les pétitionnaires et par la commune de Tillet.

La députation permanente a reconnu les avantages qui devaient résulter de l'exécution de cette route et elle l'a appuyée aussi à diverses reprises. Je n'entends pas me prononcer sur le tracé qui devra être adopté pour Mons ; elle fera un affluent utile au chemin de fer du Luxembourg : elle doit aboutir à la station de Libramont et elle reste par conséquent dans l'ordre des travaux auxquels il doit être pourvu à l'aide du crédit d'un million, voté dans la dernière grande loi des travaux publics, pour l'exécution de routes aboutissant au chemin de fer.

J'espère que ces considérations engageront M. le ministre des travaux publics à faire faire le plus tôt possible les études relatives à cette nouvelle voie de communication.

- Personne ne demandant plus la parole, le renvoi des pétitions à M. le ministre des travaux publics est ordonné.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Tongres, le 9 décembre 1859, un grand nombre d'habitants de Tongres demandent la construction d'un chemin de fer de Bilsen à Tongres.

Par pétition sans date, les membres du conseil communal de Sluse prient la Chambre d'ordonner la construction d'un chemin de fer de Bilsen à Tongres, sollicité par les habitants de cette ville.

Même demande des conseils communaux deWerm, 's Heeren-Elderen, Hoesselt, Bilsen, Rixingen, Mall, Berg, Russon, Overrepen, Membruggen, Hern-Saint-Hubert, Schalkhoven, Coninxheim et d'autres habitants de cette commune.

Par pétition datée de Hasselt, le 22 décembre 1859, le conseil communal de Hasselt présente des observations contre la demande de la ville de Tongres, ayant pour objet la construction d'un chemin de fer de Bilsen à Tongres.

Par pétition datée de Tongres, le 18 janvier 1860, le sieur Tournaye présente des observations contre la demande ayant pour objet la construction d'un chemin de fer de Tongres à Bilsen, et prie la Chambre d'autoriser !a concession d'un chemin de fer de Fexhe ou d'Ans à Tongres, moyennant la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. sur un capital de deux millions de francs.

Par pétition datée de Cortessem, le 19 décembre 1859, les membres de l'administration communale et des habitants de Cortessem demandent la construction d'un chemin de fer direct de Hasselt à Liège par Cortessem.

Même demande des membres des conseils communaux de Jesseren Viermael, Gors-op-Leeuw et Wintershoven.

Messieurs, je demanderai à la Chambre la permission de comprendre, dans mon rapport deux autres demandes ; l'une, portant la date du 20 janvier 1860, émane du conseil communal de Wimmertingen et demande la construction d'un chemin de fer direct de Hasselt à Liège par Cortessem ; l'autre est du 15 janvier 1860, elle émane des membres du conseil communal de Genoels-Elderen qui demandent la construction d'un chemin de fer de Bilsen à Tongres.

Parmi les pétitions qui critiquent le chemin de fer de Tongres sollicité par de nombreux pétitionnaires, il en est qui prêtent à ceux-ci des idées erronées qu'ils n'ont pas, et les termes dans lesquels elles sont conçues n'ont pu exercer d'influence sur la commission.

Quant à la pétition du conseil communal de Tongres au contraire, elle contient des considérations extrêmement sérieuses. Ordinairement, la commission se borne à vous proposer le renvoi des pétitions de cette nature à M. le ministre des travaux publics ; mais en présence des considérations que contient cette pétition, la commission n'a pas cru pouvoir se borner à vous soumettre purement et simplement cette proposition.

En effet, messieurs, la situation de la ville de Tongres est vraiment intolérable : elle est enlacée pour ainsi dire dans un réseau de chemins de fer dont elle est partout distante de 3 ou 4 lieues et auquel elle n'est reliée par aucune voie de communication.

Cette situation, messieurs, ne peut manquer de causer la décadence de la ville de Tongres et de diminuer chaque jour son importance si les chambres et le gouvernement ne lui accordent pas une voie de raccordement avec le chemin de fer. C’est pourquoi la ville de Tongres demande une ligne qui la relie au chemin de fer près de la commune de Bilsen.

La pétition des habitants de Tongres est écrite sur parchemin ; elle a, comme vous le voyez, une longueur de plusieurs mètres et elle est couverte d'innombrables signatures.

Eh bien, nous croyons, messieurs, qu'une pétition de ce genre mérite de fixer tout particulièrement l'attention de la Chambre et du gouvernement.

Les nombreuses signatures qui viennent à l'appui de cette pétition et les considérations que les pétitionnaires font valoir à l'appui de leur demande méritent, comme je viens de le dire, une attention toute spéciale de la part du gouvernement et de la Chambre, en accordant une justice tardive. C’est dans ces termes que la commission propose le renvoi au ministre des travaux publics. Pour ne pas abuser des moments de la Chambre, je n'entrerai pas dans de plus longs détails ; je n'énoncerai pas tous les arguments que les pétitionnaires produisent et je demanderai à la Chambre la permission de les insérer dans mon rapport aux Annales parlementaires.

M. Julliot. - Le rapport que vous verrez d'entendre a une très grande importance. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de nous dire quand il lui conviendra d'aborder la discussion de ce rapport. En attendant, j'appuie les conclusions de la commission des pétitions.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je suis à la disposition de la Chambre.

M. de Renesse. - J'aurai l'honneur de proposer à la Chambre de vouloir fixer la discussion du rapport de la commission des pétitions, présenté par l'honorable M. Vander Donckt, à la suite de l'ordre du jour actuel, qui comprend encore les projets de budgets de l'intérieur et des affaires étrangères.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l’exercice 1860

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments publics

Section I. Ponts et chaussées
Article 8

La discussion continue sur l'article 8 : Plantations nouvelles sur les routes, 41,000 fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je croyais qu’il y avait des orateurs inscrits ; sans cela je n'aurais pas demandé la parole, car je m'aperçois que c'est par mon intervention au débat que le vote de l'article dont il s'agit n'a pas eu lieu hier.

Je n'ai pas à faire valoir des considérations nouvelles sur l'usage que le gouvernement fait de son droit de propriétaire ; les réclamations élevées contre les plantations te long des routes, et qui ont été reproduites hier, sont les mêmes que celles que nous entendons depuis plusieurs années ; les réponses du gouvernement seront aussi les mêmes. Sa situation est excessivement nette.

L'honorable M. de Montpellier n'a pas contesté le droit du gouvernement, mais l'usage exorbitant qu'il en ferait, selon lui.

Il a été jusqu'à prétendre que le gouvernement ne devait pas exercer son droit. Je me range de l'avis de l'honorable M. Goblet et je dis que non seulement le gouvernement a le droit de faire des plantations le long des roules, mais je crois qu'il fait très bien d'exercer ce droit. En l'exerçant, il fait, eu sa qualité de représentant du domaine de l'Etat et dans l’intérêt du trésor public, ce que font les propriétaires privés.

Il y a là une richesse qui est mise à sa disposition et il serait blâmable s'il ne la faisait pas fructifier. L'honorable M. de Montpellier qui recommande au gouvernement d'abdiquer l'exercice de son droit, trouverait, j'en suis sûr, que cette abdication, de la part d'un propriétaire ordinaire, serait un acte de fort mauvaise administration. Je ne crois pas que le gouvernement, sous ce rapport, soit placé dans une position différente.

Mais comment exerce-t-il ce droit ? L'exerce-t-il, comme l'ont prétendu quelques orateurs, entre autres l'honorable M. Julliot, d'une manière véritablement maladroite ? Encore ici je ne suis pas d'accord avec les honorables membres.

Je ne prétends pas que toutes les plantations qui ont été faites sur les routes de l'Etat, aient été faites dans de bonnes conditions. Mais la question n'est pas là. Il n'y a absolument aucune utilité à venir critiquer ce qui s'est fait depuis 15, 25 ou 30 ans. La question est de savoir si, à la suite des observations dont cette branche de l'administration a été l'objet, celle-ci suit actuellement de meilleurs errements ; si, en d'autres termes, les vices qu'on reprochait aux plantations du gouvernement se reproduisent encore, s'ils persistent ou si l'administration y a mis bon ordre.

Eh bien, je crois que les plantations qui ont été faites dans ces derniers temps, que celles qui se font maintenant, sont à l'abri des reproches qui ont été élevés contre les plantations qui ont vingt ou trente ans de date. Il n'y a donc absolument aucune nécessité à renouveler les critiques dont il s'agit.

Comme preuve que les plantations du gouvernement étaient mal faites, on a dit que le produit en était des plus médiocres. Cela n’est pas encore exactement vrai. Les plantations du gouvernement n'ont été faites que depuis une certaine époque. Depuis 1840, il a été porté annuellement au budget, et la Chambre a toujours voté, à une forte majorité, le chiffre uniforme de 40,000 francs, sous réserve des critiques que je viens de mentionner et qui se reproduisent encore cette année.

Ce n'est que maintenant que le trésor commence à retirer le bénéfice de ses dépenses, et dans quelques années seulement, il y aura là une source de revenu très appréciable.

En effet, les arbres plantés depuis un certain temps ce sont pas encore arrivés à maturité ou commencent seulement à arriver à maturité. La situation normale est donc celle dans laquelle nous entrons ou dans laquelle nous sommes sur le point d’entrer, et pour apprécier si le gouvernement a fait une bonne ou une mauvaise opération, il faut non s'en rapporter au passé, mais attendre le résultat que l'avenir nous promet.

page 570) La période dans laquelle nous sommes est déjà passablement bonne en résultats et celle dans laquelle nous allons entrer sera, je pense, excellente. Voici quelques chiffres qui le prouvent.

Depuis 1830, le gouvernement a dépensé en plantations 915,000 fr. Il s'agit donc d'un objet important qu'il y aurait quelque témérité à conseiller au gouvernement d'abandonner. Ainsi que je viens de le rappeler, depuis 1840, il a été alloué, pour les plantations de l’Etat, un crédit régulier de 40,000 fr. par an.

Dans ces dernières années, les ventes ont produit aussi approximativement une somme de 40,000 fr., c'est à-dire que le produit balance la dépense. Mais nous entrons dans une période beaucoup plus favorable, et dans le courant de 1859, le département des travaux publics a fait connaître à l'administration des domaines les arbres arrivés à maturité et qui pouvaient être vendus.

L'estimation de ces arbres n'est pas de moins de 170,000 fr. C'est évidemment là un produit superbe, que personne ne peut songer à abandonner.

Nous voyons aussi par-là que les plantations de l'Etat ne sont pas aussi mauvaises qu'on le prétend.

L'honorable M. Julliot est allé plus loin ; il a encore reproduit cette année une proposition qu'il renouvelle régulièrement depuis plusieurs années. Cette proposition consiste à mettre les plantations de l'Etat en adjudication.

D'après les renseignements que je viens de fournir à la Chambre, d'après les recettes que le gouvernement va effectuer, d'après celles, peut-être plus considérables, qu'il effectuera dans l'avenir, vous voyez que bien évidemment il n'a pas intérêt à abandonner cet objet à l'industrie privée.

Mais il y a plus, l'Etat n'a pas repoussé d'une manière absolue l'idée de l'adjudication. Il a cherché à la mettre en pratique et il n'a pas réussi. Après 1840, sans pouvoir indiquer l’époque d'une manière précise, des propositions lui avaient été faites par certains propriétaires. Ils avaient fait l'offre de se charger des plantations et le gouvernement avait même rédigé un cahier des charges. Lorsqu'il s'est agi de contracter, de faire une convention, ceux qui avaient fait cette offre se sont retirés.

La députation permanente du conseil provincial du Brabant est allée plus loin. Elle a mis en adjudication publique les plantations des routes provinciales, et quel en a été le résultat ? C'est que personne ne s'est présenté.

La Chambre le comprend, les plantations des routes sont sujettes à des chances assez grandes et personne ne veut courir ces chances.

D'après ces faits, on peut regarder l'idée émise par l'honorable M. Julliot comme n'étant pas pratique. Je pense que, dans cet état de choses, la Chambre n'a qu'une voie à suivre ; c'est celle qu'elle a suivie, depuis toujours ; c'est de continuer à abandonner à l’Etat le soin de planter les routes et d'en récolter les fruits. Elle le peut, aujourd'hui, arec d'autant plus de raison, qu'éclairé par l'expérience et se rendant aux bons avis qui lui ont été soumis, l'Etat a considérablement amélioré les plantations et réalisé des résultats qu'on peut considérer comme très satisfaisants.

Je bornerai là les observations que j'avais à présenter sur cette question.

M. Faignart. - Dans les observations que j'ai présentées hier à la Chambre, je n'ai nullement contesté à la Chambre le droit de planter le long des routes. Mais j'ai demandé à M. le ministre des travaux publies s'il n'y avait rien à faire pour les plantations qui ne sont pas à la distance voulue des propriétés riveraines. A cet égard, M. le ministre n'a rien répondu, et je désirerais vivement connaître l'opinion du gouvernement.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, je ne puis émettre à cet égard qu'une opinion. La question soulevée par l'honorable M. Faignart est du domaine des tribunaux. Le gouvernement ne fait pas la loi, il l'interprète comme il l'entend ; mais si les particuliers n'adoptaient pas son interprétation, ils s'adresseraient aux tribunaux.

Sous la réserve, messieurs, que je n'ai qu'une simple opinion à exprimer, voici celle que j'émets. Selon moi, le gouvernement n'est pas soumis aux règles ordinaires du Code civil quant aux distances.

Il y a pour des plantations de l'Etat des dépositions légales particulières : ainsi, la loi de ventôse an XIII, et le décret de décembre 1811, sont encore applicables aujourd'hui.

Quant à l'usage à faire de ces dispositions, c'est pour le gouvernement une affaire de tact. Il est évident que chaque fois qu'il pourra le faire sans nuire aux propriétés riveraines, il plantera à une distance plus ou moins rapprochée de ces propriétés. Il a toujours usé de son droit avec une extrême circonspection, et ce qui le prouve, c'est qu'il a renoncé à planter le peuplier du Canada.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Section II. Bâtiments civils
Articles 9 et 10

« Art. 9. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat : Charge ordinaire : fr. 120,000.

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Construction d'un bâtiment près de l'hôtel du gouvernement provincial à Arlon pour le dépôt des archives de l'Etat : Charge extraordinaire : fr. 35,000. »

- Adopté.

Section III. Service des canaux et rivières, des bacs et hait aux de passage, dès polders et des chemins de fer en construction
Article 11

« Art. 11. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire, et dépenses d'exploitation des canaux et rivières : Charges ordinaires : fr. fr. 782,640.

« Charges extraordinaires : fr. 179,260. »

- Adopté.

Bassin de la Meuse. Travaux d’amélioration des canaux et des rivières
Article 12

« Art. 12. Meuse dans les provinces de Namur, de Liège et de Limbourg ; charge extraordinaire : fr. 334,200. »

M. J. Lebeau. - Messieurs, je ne demande pas mieux que d'épargner les moments de la Chambre ; je serais charmé, pour mon propre compte, de pouvoir renoncer à la parole, à cause des efforts que je devrais faire grâce à une indisposition, pour parvenir à être entendu. Il dépendra des explications de M. le ministre des travaux publics de rendre ma tâche simple et facile.

Vous comprenez, messieurs, qu'il s'agît de connaître d'une manière bien précise, bien nette, les intentions du gouvernement à l'égard des travaux qu'il se propose de faire exécuter pour la canalisation de la Meuse, en amont de Chokier jusqu'à la frontière de France.

J'ai cru comprendre, par les explications échangées dans la session dernière, à propos de la loi des travaux publics, que le gouvernement semblerait reconnaître qu'il y avait justice à ne pas laisser en quelque sorte hors du droit commun de canalisation, appliqué à la Meuse, la plus grande partie de ce beau fleuve, de ce fleuve international, car il arrose à la fois la France, la Belgique et la Hollande.

J'ai toujours pensé que M. le ministre des finances, qui a joué un rôle si remarquable, si brillant dans la discussion de la loi qui a amené cette canalisation jusqu'à Chokier, n'avait pas obéi uniquement à des préoccupations de localité.

J'ai reconnu qu'il y avait, pour donner la priorité à la canalisation de la Meuse jusqu'à Chokier, des considérations de diverse nature, également puissantes, également respectables. C'est presque exclusivement en amont de Chokier qu'expire le principe bassin houiller de la province. Mais il y avait, de plus, une question d'humanité : il s'agissait de soustraire au fléau de périodiques inondations une partie de la population liégeoise.

J'ai trop de confiance dans l'élévation d'esprit et l'impartialité du cabinet de 1847 pour croire un seul instant qu'il ait pu lui venir à l'esprit que le beau travail exécuté en conséquence de la grande loi de travaux publics fût le dernier mot à dire sur la navigation de la Meuse. La navigation de la Meuse, messieurs, constitue un intérêt national dans toute la force de l'expression. Je fais cette observation, bien que je n'aie aucune répugnance à défendre des intérêts de localité quand ils sont légitimes et respectables. Nos élections fractionnées, d'après le vœu du pouvoir constituant, ont évidemment pour but de nous mettre à même d'apprécier d'une manière spéciale les intérêts matériels comme les intérêts politiques de ces localités.

Je le répète, messieurs, si j'obtiens de M. le ministre des travaux publics des explications catégoriques, rentrant dans les idées que je viens d'exprimer, je serai très heureux de renoncer à la parole.

M. de Gottal. - Messieurs, la section centrale a demandé à M. le ministre des travaux publics quelles étaient les mesures que le gouvernement se proposait de prendre pour remédier aux atterrissements du bas Escaut. M. le ministre des travaux publics a répondu par quelques lignes, commençant en ces termes :

Il est de toute impossibilité au gouvernement de répondre d'une manière catégorique à la question posée.

En ce qui me concerne, messieurs, il m'est impossible de me contenter de cette réponse, et je ne puis en féliciter ni le gouvernement ni les membres de la commission instituée dans le but de rechercher les causes de ces atterrissements.

Je dis : « instituée dans ce but », car il ne m'est nullement démontré que ses recherches ont amené un résultat quelconque. Pour vous le prouver, messieurs, j'examinerai succinctement la réponse de M. le ministre.

Vous le savez, messieurs, des craintes sérieuses se sont élevées dans le pays sur les atterrissements dans l'Escaut, atterrissements qui, depuis quelques années, ont rétréci les passes de ce fleuve et qui, à une certaine époque, pourraient présenter les dangers les plus graves pour les navires d'un fort tirant d'eau.

Le gouvernement s'est occupé de l'examen de cette question, et par un arrêté du ministre des travaux publics, du 14 avril 1857, une (page 571) première commission a été instituée dans un double but : d'abord, de rechercher les causes de ces perturbations, ensuite de s'enquérir des moyens qui pourraient y remédier. Eh bien, la commission n'a pas porté ses investigations sur ce double objet.

En effet, d'après les explications de M. le ministre des travaux publics, la commission s'est bornée simplement à constater les atterrissements, en faisant opérer des sondages dans le bas Escaut. Ainsi, elle ne dit pas un mot des causes de la formation des atterrissements. Cependant l'examen de cette question aurait son importance, car, en connaissant les causes, il était plus facile d'éviter les effets.

Je passerais encore sur ce point, si du moins la commission avait recherché et indiqué quelques moyens de remédier aux atterrissements ; mais elle s'est bornée à proposer au département des travaux publics de confier à une commission spéciale la mission de rechercher ces moyens.

Le département des travaux publics s'est rendu au vœu exprimé par la commission, en instituant, par arrête du 4 novembre 1859, une nouvelle commission à cet effet.

Je ne puis pas non plus me montrer satisfait des déclarations assez vagues que M. le ministre des travaux publics a faites à la section centrale, pour expliquer le long retard que la nouvelle commission a mis à s'assembler. En effet, c'est seulement le 20 mai 1859, c'est-à-dire six mois après son institution, que la commission s'est réunie pour la première fois.

Il me semble qu'un tel retard apporté à l'examen d'une question si importance, peut être qualifié de négligence, sinon d'indifférence.

J'ai maintenant à examiner les résultats qui ont été obtenus par la nouvelle commission.

M. le ministre des travaux publics nous dit qu'elle s'est livrée à un examen sérieux et approfondi sur des questions graves dont l'étude lui est confiée.

Et cependant, d'après les explications fournies par M. le ministre des travaux publics, cet examen n'a abouti qu'à une nouvelle proposition, celle de faire faire de nouveaux sondages dans la partie maritime de l'Escaut. Les premiers sondages, dont la première commission s'était occupée exclusivement n’ont donc pas semblé complets, et la seconde commission n'a fait que continuer une œuvre qui ne paraît pas encore arrivée à sa fin.

Et ici, j'ai à relever une erreur matérielle qui s'est probablement glissée dans la lettre de M. le ministre des travaux publics, lorsqu'on nous dit :

« Sur sa proposition (celle de la deuxième commission) le département des travaux publics a fait opérer de nouveaux sondages dans la partie maritime de l’Escaut et en a publié les cartes. »

En effet, des cartes ont été mises à la disposition des membres de la Chambre.

Or, sur ces cartes, je n'ai vu aucun sondage opéré d'après les ordres et sous la direction de la seconde commission. Tous les sondages indiqués sur ces cartes sont antérieurs au 1er mai 1859, et la nouvelle commission ne s'est réunie, pour la première fois, que le 20 du même mois.

Je ne vois donc, dans les explications fournies par M. le ministre-, aucune indication d'un acte quelconque posé par cette seconde commission.

Il y a tout lieu d'espérer, nous dit en terminant l'honorable ministre, que la commission instituée sera, dans un avenir peu éloigné, en position de présenter des conclusions au département des travaux publics. C'est là, messieurs, une phrase sacramentelle à l'usage de nos ministres passés et présents.

Quant à moi, il me semble qu'il y a plutôt lieu de désespérer de voir arriver une solution, surtout si l'on continue à suivre la marche qu'on a suivie jusqu'à ce jour.

Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien recommander d'une manière sérieuse, à la commission, d'accélérer ou, pour être plus exact, de commencer son travail, de manière à arriver dans peu à un résultat.

C'est une question d'un intérêt majeur ; il y a déjà trois ans qu'elle est à l'étude, car la première commission a été nommée en 1857. La question, du reste, n'est pas neuve ; elle a déjà été résolues dans d'autres pays ; on y a eu recours à des remèdes efficaces dans de certaines mesures.

Je crois que nous sommes dès lors endroit à demander à M. le ministre des travaux publics des explications plus catégoriques que celles qu'il nous a fournies. Il est plus que temps que le gouvernement fasse cesser les craintes qui se manifestent. On bien ces craintes sont exagérés, et, dans ce cas, il est de son devoir de faire les déclarations propres à les faire cesser ; ou elles sont fondées, et alors il est plus que temps d'y porter remède-

J'appelle donc sur ce point toute l'attention de M. le ministre des travaux publics ; j'espère que dans un temps aussi proche que possible, nous verrons le gouvernement mettre la main à l'œuvre d'une manière sérieuse, pour faire cesser un état de choses qui peut compromettre les intérêts du commerce de la Belgique.

M. Van Overloop. - Messieurs, puisque nous en sommes à la partie du budget des travaux publics qui concerne l'Escaut, je désire poser une question à l'honorable ministre des travaux publics.

Il y a quelques années, j'avais signalé, dans cette chambre, les atterrissements très graves qui se produisaient entre Tamise et Bernhem et qui compromettaient même le sort de la ville de Tamise ; je désire savoir si cet état de choses s'est amélioré.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, j'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer sur la question que l'honorable M. Lebeau m'a fait l'honneur de me poser, en ce qui concerne la Meuse ; j'ai fait une déclaration aussi satisfaisants que la situation le permet J'ai rappelé que lors de la discussion de la grande loi des travaux publics, il avait été convenu que les propositions du gouvernement qui étaient restées en suspens, ainsi que les contre-propositions de la section centrale, feraient l'objet d'un nouvel examen de la part de la Chambre, examen qui serait provoqué par le gouvernement dans h session actuelle.

Si la situation du trésor le permet, si le gouvernement croit devoir maintenir celles des propositions restées en suspens, il compte même y donner quelque extension en y comprenant, dans les limites du possible, celles des contre-propositions de la section centrale qui lui paraîtraient mériter un meilleur accueil.

Parmi ces contre-propositions figuraient les améliorations à apporter à la Meuse.

Je suis personnellement convaincu que c’est une des dépenses les plus utiles que l'on puisse faire. Dès lors, si le gouvernement croit devoir maintenir et étendre quelque peu ce qui est resté de son projet de l'année dernière, je pense qu'il pourra y comprendre les travaux d’amélioration à la Meuse, réclamés par l'honorable député de Huy.

Je ne puis pas pour le moment faire une déclaration plus catégorique ; j'espère, toutefois, qu'elle est de nature à satisfaire provisoirement l'honorable membre.

Messieurs, en ce qui concerne les travaux de la commission instituée pour l'ensablement qui a été constaté au bas de l’Escaut : je regrette de ne pas pouvoir faire à l'honorable M. de Gottal une réponse différente de cette que le gouvernement a remise officiellement à la section centrale ; à savoir : qu'une commission a été instituée au commencement de l'année. L'honorable membre comprendra qu'en présence d'un travail aussi vaste que celui dont la commission est chargée, il ne peut pas exiger d'elle une solution du jour au lendemain. En effet, il y a là des causes mystérieuses de perturbation, il y a des remèdes à rechercher ; remèdes dont l'application peut être la source de dépenses considérables.

L'affaire est trop importante pour que l'on soit fondé à exiger de cette commission qu'elle soumette une solution immédiate. Je dois, d’ailleurs, faire observer à l'honorable membre que certains incidents ont retardé le travail de cette commission, retard tout à fait indépendant de la volonté du gouvernement et des membres de la commission elle-même. Des mutations nombreuses ont eu lieu dans le personnel de la commission ; ces mutations ont été occasionnées par le décès de l'un de ses membres, par la mise à la pension d'un autre et par le déplacement des derniers.

Je ne sais pas trop même si, à l'heure qu'il est, il existe encore dans la commission un seul des membres qui en faisaient originairement partie. Enfin, à titre de renseignement encore, je puis dire à l'honorable M. de Gottal que, dans mon désir sincère de mettre la commission à même d'activer autant que possible son travail, j'ai chargé de la présidence de cette commission, l'inspecteur général des ponts et chaussées, que j'ai récemment nommé, l'autre inspecteur général étant éloigné depuis quelque temps de ses fonctions par suite de maladie.

Quant aux atterrissements dont a parlé l'honorable M. Van Overloop, je puis donner l'assurance que, d'après les derniers rapports qui me sont parvenus, ces atterrissements, loin de s'accroître, tendent, au contraire à diminuer.

M. Wasseigeµ. - J'aurais eu aussi des observations importantes à présenter à la Chambre quant à la continuation des travaux de canalisation de la Meuse qui s'est arrêtée jusqu'à présent à Chokier.

Mais les déclarations que M. le ministre des travaux publics a faites dans une précédente séance et qu'il a renouvelées encore aujourd'hui, m'engagent à remettre mes observations au temps où le projet de loi qui nous est annoncé sera présenté.

Je remercie M. le ministre des travaux publics de la bienveillance qu'il a bien voulu témoigner en faveur des travaux à exécuter dans la Meuse et j'en prends acte.

Il est donc convenu que, dans le complément du projet de loi sur les travaux publics que le gouvernement nous présentera dans le cours de la session actuelle, si l'état de nos finances le permet, les travaux de la Meuse figureront au premier rang comme utilité générale et comme importance. En présence de cette déclaration dont, je le répète, je prends acte, je réserverai mes observations jusqu’au moment de la discussion de ce projet de loi, s’il ne satisfait pas à ce que je crois être dû au fleuve dont je m’occupe et dont je me ferais un devoir, dans ce cas, de présenter de nouveau la défense.

M. J. Lebeau. - Je prends également acte de la déclaration que vient de faire M. le ministre des travaux publics en ce qui concerne la Meuse ; et je ne doute pas qu’il ne fasse tout ce qui sera en son pouvoir pour satisfaire à nos réclamations. Toutefois, je dois l’avertir qu’il (page 572) résulte de renseignements très respectables que j'ai reçus, qu'on semble n'avoir pas une très grande envie d'aborder l'examen des travaux de canalisation à exécuter à la Meuse.

Si, même, je suis bien informé, les études commencées seraient ajournées indéfiniment ; il paraîtrait même que l'on a révoqué la mission qui avait été donnée à l'ingénieur, très capable, auquel ce travail avait été confié.

Je ne sais pas si ces renseignements sont exacts ; mais j'ai lieu de le penser et je crois devoir les livrer tels qu'ils sont à l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Il y a, messieurs, un motif tout particulier et très puissant pour le gouvernement d'imprimer la plus grande activité à l'étude des moyens d'arriver à la canalisation de la Meuse. C'est que si le gouvernement était franchement décidé à ne pas exécuter lui-même cette canalisation, il se trouverait immédiatement une société considérable disposée à effectuer à ses frais ce travail.

Il résulte de là que toute perte de temps, tout délai qui ne serait pas justifié par une impérieuse nécessité, serait extrêmement regrettable. Le gouvernement doit hâter le plus possible la solution à prendre, puisque, je le répète, à défaut du gouvernement, l’intérêt privé, qui comprend parfaitement quels seraient les avantages pécuniaires de cette vaste entreprise, demanderait immédiatement au gouvernement l'autorisation de se charger de 1 exécution de ce travail.

M. B. Dumortier. - Parmi les questions d'intérêt matériel qui intéressent notre pays, il en est peu qui offrent plus de gravité, plus d'importance que celle qu'a soulevée tout à l'heure l'honorable M. de Gottal. Il est incontestable que le régime de l'Escaut réclame l'attention la plus sérieuse, non seulement du gouvernement mais encore de la législature. Il est évidemment impossible de laisser l'Escaut, qui est notre principale artère commerciale, dans l'état où il se trouve, et qui, s'aggravant de jour en jour, menace de devenir très dangereux pour la navigation.

M. le ministre des travaux publics, répondant à l’honorable M. de Gottal, a dit qu'on ferait des études pour porter remède au mal qui existe actuellement.

Je ne puis naturellement pas entrer ici dans des détails sur la gravité de ce mal ; car il est de ces choses que la prudence commande de passer sous silence, mais précisément parce qu'une grande réserve nous est commandée, je pense qu'il ne faut point tarder à porter remède au mal

Je ferai d'ailleurs remarquer que tous les ports situés sur des fleuves sont exposés à des ensablements et que, dans tous les pays où l'on tient à la conservation de ces ports il existe un moyen simple pour maintenir le lit des fleuves à une profondeur normale ; on approfondit, au moyen de bateaux dragueurs, les endroits qui s’ensablent et l’on maintient ainsi la profondeur nécessaire à la navigation.

Il est absolument indispensable que le même système soit employé en Belgique, car nous ne pouvons pas nous exposer volontairement à perdre un port de l'importance d'Anvers, et il y aurait de graves dangers à ne pas porter remède à la situation actuelle.

Pour mon compte, si le gouvernement venait nous demander les fonds nécessaires pour l'acquisition d'un bateau dragueur, non seulement je le voterais, mais je l'appuierais de tout mon pouvoir, parce que je crois que c'est l'unique moyen de conserver au port d'Anvers son importance actuelle.

D'ailleurs, un bateau dragueur pourrait servir ailleurs encore partout où son utilité serait reconnue. Ceux d'entre vous, messieurs, qui ont été à Londres ont pu voir bien des fois sur la Tamise plusieurs bateaux dragueurs employés à empêcher l'ensablement du fleuve. Faisons la même chose pour un des plus beaux joyaux de notre pays et sachons nous imposer les sacrifices nécessaires pour ne point le perdre.

J’appelle donc toute l'attention du gouvernement sur la nécessité de faire l'acquisition d'un bateau dragueur pour empêcher les atterrissements dans l'Escaut.

Tous ceux qui, comme moi, ont vu la carte dressée par M. l’ingénieur Kummer, reconnaîtront qu'il y a péril en la demeure, et qu'il y a urgente de remédier au mal dans le plus bref délai possible.

M. d'Hoffschmidt, rapporteur. - Je crois, messieurs, que chacun de vous trouvera la réclamation que vient de faire l'honorable M. Lebeau en faveur de l'amélioration du régime de la Meuse parfaitement légitime. On a donné à la Meuse un tirant d'eau de 2 m. 10 c en aval de Chokier, il est donc juste d'accorder le même avantage à la partie supérieure, puisque des intérêts très importants le réclament.

Quant à moi, je serai toujours très favorablement disposé pour tout ce qui tend à améliorer les deux grandes voies navigables qui traversent notre pays. J'ai voté, quelque considérables qu'ils fussent, tous les crédits qui ont été consacrés à cette amélioration. Mais je pense que si la Chambre doit aborder bientôt cette grande question, il est indispensable qu'elle soit entourée de tous les documents nécessaires pour l'éclairer ; il ne faut pas que par la présentation d’un projet portant demande d'une somme insuffisante, les Chambres s'engagent sans connaître la portée de leur engagement.

La canalisation de la Meuse en amont de Chokier jusqu'à la frontière de France est un travail qui coûtera des sommes fort considérables ; il faut donc que les ingénieurs chargés de ce travail nous fournissent des documents positifs pour apprécier l'importance de la question ; il ne faut pas que, comme cela est arrivé pour tant de travaux publics, on nous donne des devis estimatifs insuffisants, nécessitant de nouvelles demande des fonds, ce qui produit toujours un mauvais effet sur la Chambre et sur le pays.

J'engage donc M. le ministre, quand il voudra proposer de donner à la Meuse un mouillage de 2 m. 10 de Chokier à la frontière française à nous dire immédiatement combien ce grand travail coûtera pour que nous puissions nous prononcer, en parfaite connaissance de cause, sur cet objet.

Je suis, je crois, d'accord à cet égard avec l’honorable M. Lebeau ; comme lui, je pense qu'il ne faut pas, par la présentation d'un crédit insuffisant, nous engager dans une dépense dont nous n'aurions pas pu entièrement apprécier I importance.

Il y a un crédit de 220 mille fr. porté depuis de longues années au budget des travaux publics pour travaux d'amélioration dans les provinces de Namur et de Liège. Ce crédit porté chaque année au budget a été consacré à l'amélioration du fleuve par un système de barrage artificiel ; on pensait par ce moyen donner un mouillage de 1 mètre 50.

Malgré les travaux effectués on n'obtient qu'une profondeur de 1 mène 10. On a dépensé pour ce système, je crois, trois millions de francs ; il est à désirer que ces travaux ne nuisent pas à ceux qu'on se propose d'entreprendre. Je ne sais si on doit encore porter ce crédit au budget, puisque le gouvernement compte proposer prochainement un nouveau système.

Il entend probablement appliquer ce crédit au chemin de halage et plus à l'amélioration du fleuve.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Aux deux objets.

M. d’Hoffschmidtµ. - Je crois que ces travaux qu'on exécute, avant l'adoption d'un système définitif, doivent être exécutés avec prudence pour ne pas nuire à ceux qu'on voudrait entreprendre plus tard.

Un des prédécesseurs de M. le ministre disait que ce crédit pourrait disparaître dans cinq ou six ans à partir de 1855 ; il annonçait dans une note à la section centrale insérée au rapport du budget de 1857 que ce crédit devait disparaître dans tous les cas au budget de 1861. Je désire que M. le ministre veuille bien nous dire s'il est dans l'intention d'entrer dans les idées de son prédécesseur.

M. Thibaut. - Messieurs, on paraît d'accord pour ne pas aborder maintenant la grande question de la canalisation de la Meuse ; je me bornerai donc à me joindre aux honorables préopinants pour prier M. le ministre d'ordonner des études complètes qui embrassent les travaux à faire sur tout le parcours du fleuve depuis Chokier jusqu'à la frontière française. A cette occasion, je signalerai à l'attention de M. le-ministre une petite brochure qui a été distribuée, il y a peu de jours, à tous les membres de la Chambre.

Le système de canalisation indiqué par l'auteur de la brochure, système adopté en France, est extrêmement simple.

Nous avons souvent entendu objecter l'élévation de la dépense qu'entraînerait la canalisation de la Meuse ; on a dit que depuis Chokier jusqu'à Namur seulement, le travail à faire coûterait huit millions ; l'auteur de la brochure assure que si on se bornait à établir des écluses à barrages mobiles qui fonctionnent à la satisfaction du batelage en France, la dépense totale de Chokier à Givet ne dépasserait pas les huit millions. La Chambre sans doute estimera que pareille somme n'est pas exagérée.

La Belgique posséderait alors une voie navigable magnifique depuis la frontière de Hollande jusqu'à la frontière de France, et même depuis Anvers au moyen des canaux, jusqu'à Verdun, et cette voie aurait presque partout le même tirant d'eau. Il reste en France quelques travaux à faire.

L'auteur de la brochure annonce comme un fait certain que le gouvernement français les ferait exécuter aussitôt que l'inention du gouvernement belge de canaliser la Meuse sur notre territoire serait constatée.

Je n'en dirai pas davantage sur cette question, mais j'appellerai, avant de terminer, l'attention du gouvernement sur une pétition renvoyée au département des travaux publics par décision de la Chambre en date du 24 novembre dernier. Par cette pétition les bateliers de la Meuse demandent que l'article 35 de l'arrêté de 1841, sur la police de la navigation de la Meuse, soit modifié.

J'espère qu'il suffira de rappeler cet objet à l'attention de M. le ministre des travaux publics pour qu'il s'en occupe dans un bref délai.

M. Muller. - Messieurs, j'ai lu aussi très attentivement la brochure à laquelle vient de faire allusion l'honorable préopinant et je ne comprends guère comment l'honorable préopinant a pu y puiser la conviction de la possibilité d'effectuer un système efficace de barrages mobiles à moitié du prix de ce que coûtent ceux qui fonctionnent avec tant de succès sur la Meuse liégeoise. En effet, dans cette brochure, il n'y a, je ne dirai pas une seule preuve, mais même pas une seule explication à l'appui de cette assertion.

L'auteur, M. de Saint-Roch, que nous ne connaissons pas comme ingénieur, nous dit qu'on fait des barrages en France, à moitié prix de ce que coûtent les nôtres, et cependant, d'après la description que nous en donne une vignette, ce genre de barrage français ressemble (page 573) beaucoup à celui qui est exécuté chez nous, sauf une différence capitale sur laquelle porte probablement la réduction de la dépense, mais qui doit le rendre très dangereux. Au lieu d'un barrage formé de fermettes et de poutrelles mobiles, qui disparaissent avec facilité et rapidement, sans obstruer le lit de la rivière, au moment des crues, M. de Saint-Roch propose tout simplement une série de grosses poutres rejointes et superposées, barrant le fleuve, engrenées dans une sorte de rainure ou d'encaissement. Eh bien, lors des inondations, elles seraient levées toujours trop tard ; c'est le vieux système, qui compromettrait les propriétés riveraines et parfois la vie des habitants.

On le conçoit pour un cours d'eau peu large ; mais il y a lieu de faire une différence entre ce qu'est la Meuse en France et ce qu'elle est en Belgique. Il ne faut donc pas, sous ce rapport, attacher à une simple brochure, qui n'est revêtue d'aucun caractère d'autorité scientifique, dans laquelle aucun argument sérieux n'est apporté, plus d'importance qu'elle ne mérite.

Puisque j'ai la parole, je présenterai quelques objections aux considérations qu'a fait valoir l'honorable rapporteur de la section centrale.

Il me semble avoir engagé le gouvernement à soumettre avant tout à la Chambre, un devis complet et les plans de détail de tous les travaux qu'occasionnerait la construction des barrages depuis Chokier jusqu'à la frontière de France, et probablement depuis le barrage de la fonderie de canon jusqu'à la frontière de Hollande.

Il ne serait pas juste, pourtant, qu'on pût trouver là une cause d'ajournement qui pourrait être indéfini, puisque le travail que l'on a fait jusqu'ici à Liège, celui qu'on se propose d'entreprendre dans les directions de Huy et de Namur comme dans la direction de Maestricht sont reconnus excellents et efficaces, en supposant que le système ne fût pas ultérieurement continué.

Les barrages qui fonctionnent actuellement à Liège rendent évidemment d'immenses services à l'industrie, à la navigation et aux propriétés riveraines qu'ils préservent des inondations. Que l'on poursuivra ces barrages dans l'une ou l'autre direction, vous en accroîtrez les avantages et vous ne contrarierez nullement les dispositions ultérieures qu'il y aurait à prendre pour achever ce grand travail d'utilité publique en faveur d'un fleuve auquel on a eu raison de donner la qualification d'international.

Il me reste à ajouter que les scrupules ou plutôt les craintes qu'a manifestées l'honorable rapporteur de voir faire pour l'amélioration de la Meuse, des dépenses provisoires qui seraient stériles dans l'avenir par suite de l'exécution de barrages, ont été prévues par M. le ministre des travaux publics et dans la réponse qu'il a faite à la section centrale, il a dit, page 9 :

« Il ne sera pas inutile de dire ici que depuis qu'il est question de continuer éventuellement vers l'amont le système de canalisation de la Meuse, au moyen de barrages à fermettes, le département des travaux publics a eu le soin attentif et continuel de n'affecter les crédits qui ont été mis à sa disposition pour l'amélioration de la navigation de la Meuse, qu'à des ouvrages qui auraient, dans tout état de cause, un caractère d'utilité, et notamment à l'établissement de bons chemins de halage. »

Sous ce rapport donc, le gouvernement avait prévu les observations parfaitement justes, d'ailleurs à ce point de vue, que vient de présenter 1 honorable rapporteur.

M. Wasseigeµ. - Messieurs, l'honorable auteur de la brochure à laquelle on vient de faire allusion, M. de Saint-Roch, n'est pas ingénieur, et je ne crois pas que l'honorable M. Muller soit ingénieur plus que lui. Mais il ne faut pas être ingénieur pour avoir la science infuse. M. de Saint-Roch est un des commerçants les plus recommandables de la province de Namur, un de ceux qui se servent le plus de la Meuse pour le transport des marchandises.

Tous les chiffres qu'il indique sur l'importance des transports sont puisés à des sources officielles. Quant à l'évaluation des barrages qui ont été faits en France, le moment de la discuter n'est pas venu. Mais ce que je puis affirmer, c'est que les renseignements que donne M. de Saint-Roch ont été demandés par lui à l'administration française et lui ont été donnés d’une manière complète ; et je suis convaincu que lorsque le moment de discuter à fond la question sera venu, je ne serai pas embarrassé de justifier les chiffres présentés par M. de Saint-Roch.

M. d’Hoffschmidt, rapporteurµ. - L'honorable M. Muller- a cru que je faisais une motion d’ajournement indéfini en demandant qu'on présentât des plans et devis complets, lorsque nous aurions à décider une des plus importantes questions, en matière de travaux publics que nous ayons à résoudre. L’honorable M. Muller n'a pas remarqué que voilà plusieurs années que le département des travaux publics annonce que l’on fait des études sur cette question.

Or, lorsque pendant plusieurs années, on fait des études sur le point de savoir comment on canalisera la Meuse, il me semble que l’on doit arriver promptement à un résultat. Ce n’esy pas là une question imprévue qu’il fait résoudre instantanément. Les études de toute nature concernant la Meuse dire depuis plus de vingt ans. Il est vrai qu’on n’était pas arrivé, comme on veut, avec raison selon moi, le faire maintenant, à un projet de canalisation aussi complète que celle que l'on projette aujourd’hui et qui donnera un mouillage de 2 mètres 10 sur tout le parcours. Mais des études se sont faites pendant plusieurs années dans ce but et se sont constamment continuées.

Je crois donc que, sans occasionner un long ajournement, M. le ministre des travaux publics pourra demander à ses ingénieurs de nous fournir le résultat de leurs études.

Je crois qu'il serait bien préférable pour la législature de pouvoir examiner toutes les conséquences financières, tout le temps qu'il faudra pour un pareil travail, que de se prononcer sur la question de savoir si l'on ajoutera une, deux ou trois écluses à celles qui existent.

On doit aborder franchement la question. Il importe à l'intérêt public que ce beau fleuve qui traverse tout notre territoire, ait sur tout son parcours une navigation comme celle qui existe en aval de Chokier. Eh bien, il faut que nous puissions examiner la question dans son ensemble, voir le système qu'il faudra adopter et les moyens de faire face à la dépense. Car la question difficile dans cet examen sert peut-être la question financière. Ce grand travail, d'après ce qu'on peut présumer, occasionnera une dépense fort considérable.

Il faudra pouvoir dire, comme on l'a fait souvent avec raison, en combien d'années on pourra le terminer et par quels moyens financiers on fera face à la dépense.

J'ai lu aussi la petite brochure dont a parlé un honorable membre. Elle contient des renseignements intéressants mais elle présente une lacune : on ne dit pas quel sera, avec le système de barrage mobile préconisé dans la brochure, le tirant d'eau. Or, c’est là un renseignement capital. Donnera-t-on à la partie de la Meuse en amont de Namur, par exemple, un tirant d'eau d'un mètre 50, ou le même mouillage que celui qui existe en aval de Chokier ? L'auteur de la brochure ne s'explique pas sur cette question.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La Chambre comprendra que je ne me prononce pas entre le système préconisé par l'auteur de la brochure dont il est question et le système que pourra présenter l'administration.

En quoi je suis d'accord avec l'honorable M. d'Hoffschmidt, c’est que la Chambre ne peut pas s'engager dans une dépense considérable sans savoir où elle marche, c'est qu'il faut un plan d'ensemble.

Des études ont été faites pour la canalisation de la Meuse et elles sont arrivées, à l'heure qu'il est, à un résultat que je pourrai communiquer à la Chambre. L'ajournement que cette affaire a subi forcément a été mis à profit par le gouvernement pour revoir ces études.

Dans la discussion des crédits que je demande pour l'exécution partielle des travaux de canalisation de la Meuse, je pourrai indiquer d'une manière précise la somme totale qui sera nécessaire. De cette manière, la Chambre pourra se prononcer en pleine connaissance de cause.

Quant aux 200,000 fr. pour travaux d'amélioration, l'honorable M. Muller vient de prouver que l'administration a prévu l'observation de l'honorable M. d'Hoffschmidt. Il s'agit ici de travaux qui seront utiles en tout état de cause ; il s'agit de l'amélioration des chemins de halage et de quelques travaux dans le lit du fleuve. Ces travaux sont de telle nature qu'ils s'approprient parfaitement à la canalisation.

L'honorable M. Dumortier a parlé de l'envasement de l'Escaut ; je tiens beaucoup à ce qu'on n'aggrave pas le mal ; je suis loin de le nier, mais il ne faut pas non plus l'exagérer. Il y a des motifs très graves pour ne pas le faire.

Il y a divergence, messieurs, sur les causes et sur l'intensité du mal. Des hommes sérieux et très compétents prétendent que l'envasement peut provenir de l'absence d'inondations depuis plusieurs années. Quant à moi, je ne dirai pas ce qui en est. Une commission est instituée ; elle formulera ses conclusions ; mais en attendant il est prudent, je dirai presque national de ne pas attacher à l'état de choses dont il s'agit une importance plus grande qu'il ne le mérite.

Je reconnais avec l'honorable M. Dumortier qu'il pourrait être utile d'effectuer des travaux de draguage dans l’Escaut. J'ai envoyé en Angleterre un ingénieur de l'administration pour étudier les travaux de draguage effectués dans la Tamise.

II est possible que je demande ultérieurement un crédit pour la construction d'un bateau dragueur. Cela dépendra du rapport qui me sera présenté par l'ingénieur dont il s'agit.

M. Muller. - Messieurs, si je me suis occupé de la brochure de M. de St-Roch, c'est que je ne voudrais pas, pour mon compte, contribuer à induire la Chambre en erreur, je ne voudrais pas que l'on supposât que le gouvernement peut se borner à demander 450,000 fr. pour un barrage alors qu'il faudra près du double de cette somme.

Nous avons, messieurs, l'expérience heureuse faite en Belgique, après qu'on a eu longuement et très sérieusement discuté le système des barrages français nouveaux, sur lesquels les nôtres ont été copiés, et je crois que l’honorable M. Wasseige s'est trop avancé en prétendant démontrer ultérieurement que le système préconisé par M. de Saint-Roch peut aboutir. Même dans l'intérêt de notre arrondissement, qui a besoin de barrages comme nous en possédons, il ne faut pas qu’on puisse supposer que la dépense est susceptible d'être réduite de moine.

J'avais ajouté, sans être ingénieur, une considération très simple, c'est que le système de M. de St-Roch est vieux et connu, et qu’il a toujours offert les plus grands inconvénients, parce qu'il est impossible, dans ce système, de ne pas compromettre une foule de graves intérêts dans les temps de crues d'eaux.

(page 574) J'ai fait cette observation dans l'intérêt de la cause que je soutiens, comme l'honorable M. Wasseige.

- L'article est adopté.

Articles 14 à 20

« Art. 14. Canal latéral à la Meute ; charge extraordinaire : fr. 2,300. »

- Adopté.


« Art. 15. Canal de Maestricht à Bois-le-Duc ; charge extraordinaire : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 16. Canal de jonction de la Meuse à l’Escaut ; charge extraordinaire : fr. 56,900. »

- Adopté.


« Art. 17. Canal d'embranchement vers le camp de Beverloo ; charge extraordinaire : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Art. 18. Canal d'embranchement vers Hasselt ; charge extraordinaire : fr. 73,000.

- Adopté.


« Art. 19. Canal d'embranchement vers Turnhout ; charge extraordinaire : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Sambre canalisée ; charge extraordinaire : fr. 31,000. »

- Adopté.

Article 21

« Art. 21. Canal de Charleroi à Bruxelles ; charge extraordinaire : fr. 20,100. »

M. Gobletµ. - L'année dernière quand la Chambre a voté une réduction sur les péages du canal de Charleroi, elle avait la conviction intime que le nouveau tarif serait applicable au 1er janvier 1860.

Le gouvernement pourra me dire que les retards fâcheux, qui tiennent aujourd'hui toute une population dans une incertitude cruelle, ne doivent pas lui être attribués dans la circonstance présente ; je le veux bien ; mais je constate que ces retards sent d'autant plus regrettables, qu'ils sont plus inattendus.

Dans le courant de l'année 1859, l'on a, en effet, ajourné à plusieurs reprises la discussion de projet de loi sur le canal de Charleroi, sous prétexte que l'on avait le temps et que rien ne pressait de la voter, puisque la réduction ne devait être appliquée qu'à partir du 1er janvier 1860.

Quoi qu'il en soit, j'ai demandé la parole pour obtenir du gouvernement une déclaration qui tranquillise des intérêts légitimement alarmés et qui, j'aime à le croire, exagèrent encore le mal.

On prétend qu'alors même que le projet de loi sur la réduction des péages du canal de Charleroi serait votée par le Sénat, le gouvernement songe à en retarder l'application jusqu'au 1er janvier 1861.

Comme le Sénat ne peut ajourner plus longtemps l'adoption du projet de loi, cette hypothèse me semble inadmissible ; il faut que l'application de la réduction des péages se fasse le plus promptement possible et je désire en obtenir l'assurance de M. le ministre.

M. Faignart. - Messieurs, vous avez pu lire dans le rapport de la section centrale que « sous la date du 6 septembre 1859, le département des travaux publics a prescrit que des études fussent faites pour rechercher s'il serait possible d'augmenter encore l'alimentation du canal de Charleroi à Bruxelles. »

Je crois, messieurs, qu'une commission a été nommée pour faire ces recherches et je demanderai à l'honorable ministre des travaux publics, s'il connaît le résultat de ces investigations et si l'on peut espérer d'obtenir bientôt une solution favorable au canal de Charleroi.

J'attendrai, pour reprendre la parole, s'il y a lieu, que M. le ministre des travaux publics veuille bien donner quelques explications à cet égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, l'honorable M. Goblet a reconnu que le gouvernement devait être considéré comme tout à fait étranger à l'ajournement, devant le Sénat, de, la discussion du projet de loi portant réduction des péages sur le canal de Charleroi. Le Sénat fixe ses discussions comme il lui convient ; le gouvernement n'a pas le droit d'intervenir dans le règlement des travaux de l'une ou de l'autre des deux Chambres.

Quant à l'époque à laquelle le gouvernement mettrait la loi en vigueur pour le cas où le Sénat la voterait, je puis donner l'assurance qu'elle serait publiée immédiatement, il n'est pas entré dans l'intention du gouvernement de retarder d'une année, même de 24 heures, la mise en vigueur du nouveau péage.

- Un membre. - Et la réduction du péage sur le canal de la Campine.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La réduction du péage sur le canal de la Campine suivra immédiatement. Ce sont deux choses qui ont été annoncées comme annexes dans le projet du gouvernement et qui ont été maintenues comme telles dans le rapport de la section centrale.

Messieurs, en ce qui concerne l'alimentation du canal de Charleroi, j’avais promis, l'année dernière, de faire faire des études, cette promesse, je l'ai tenue.

Un premier rapport sur cet important objet m'a été adressé il y a quelques jours. Je vais avoir l'honneur d'en faire connaître les conclusions à la Chambre, bien que je ne considère pas ces études comme définitives et complètes. Mais je pense que quelques renseignements succincts seront de nature à intéresser la Chambre.

Messieurs, on avait prétendu que le canal de Charleroi ne pourrait pas recevoir un supplément d'alimentation, ou tout au moins que les difficultés seraient extrêmes. Il résulte au contraire des recherches auxquelles l'administration s'est livrée, qu'on peut procurer au canal de Charleroi un volume d'eau supplémentaire assez considérable. Divers moyens ont été indiqués. Tous ne semblent pas également pratiques et efficaces.

Il en est qui méritent une mention spéciale. Dans le cas que je vais préciser, on pense qu'il faudrait un nouveau volume d'eau d'environ 10,000 mètres cubes par jour.

Or, les 10,000 mètres cubes, on croit pouvoir les tirer de la Sambre, à Erquelinnes, mais, toutefois, dans des conditions assez défavorables. Il y aurait des indemnités importantes à payer aux usiniers et des travaux considérables à faire pour amener les eaux. Un moyen plus simple consisterait à prendre 5,000 mètres au Piéton, qui peut fournir ce supplément malgré la prise qui s'y effectue déjà, et 5,000 à la Sambre, à Marchiennes. La prise opérée à la Sambre, à Marchiennes, pourrait l'être beaucoup plus facilement et à beaucoup plus bas prix qu'à Erquelinnes. La navigation ne paraîtrait devoir en éprouver aucun dommage.

L'évaluation des travaux a été faite en ce qui concerne la prise supplémentaire au Piéton. Les frais de premier établissement sont encore élevés. Ils ne monteraient pas à moins de neuf cent mille francs. Les frais annuels d'entretien seraient de soixante mille francs.

Mais cette administration supplémentaire n'est regardée comme nécessaire, ou plutôt la nécessité n'en est admise sans conteste, que pour le cas où l'on se déciderait, à l'effet d'augmenter la navigation sur le canal de Charleroi, à exécuter l'un de ces deux travaux, ou à augmenter la section du canal sur le versant de Bruxelles comme cela est fait sur le versant de la Sambre, ou à doubler les écluses. Le doublement des écluses permettrait d'augmenter la navigation dans une proportion notable, de 50 p. c. au moins.

Ainsi que je viens de le dire, les 10,000 mètres cubes nécessaires, soit pour le doublement des écluses, soit pour l'agrandissement de la section du canal, pourraient être pris le plus facilement, pour moitié au Piéton, pour l'autre moitié à la Sambre, à Marchiennes. Les frais de premier établissement de la prise d'eau à la Sambre n'ont point été évalués.

Les études devraient être complétées. Mais ce qui fait supposer qu'une nouvelle alimentation ne serait nécessaire que dans l'hypothèse de travaux exécutés au canal, c'est qu'on ne se plaint de la pénurie d'eau que depuis trois ou quatre ans, depuis l’époque, en un mot, où la grande sécheresse qui a régné s'est fait sentir sur toutes les voies navigables.

Voici quelques chiffres très intéressants à ce sujet. La machine de Luttre a fonctionné de 1846 à 1855, de 45 à 46 journées de 15 heures par an. De 1851 à 1855, 26 journées par an. Or, dès 1855, le mouvement de la navigation atteignait sensiblement celui qu'il atteint depuis. En 1856, la même machine a fonctionné 119 journées. En 1857, 228 journées et, en 1858, 344 journées.

L'effet de la sécheresse se fait sentir, comme vous le voyez, messieurs, d'une manière remarquable, et tout porte à croire que si nous rentrions dans des conditions atmosphériques normales, les plaintes qui se sont élevées deviendraient sans objet.

Dans cette situation, ce que le gouvernement croit de son devoir de faire, c'est de continuer à étudier la question de l'alimentation et de profiter des indications nouvelles que l'expérience lui apportera quant aux besoins réels du canal. Il sera ainsi prêt à tout événement sans risque d'agir avec trop de précipitation. C'est suivant cet ordre d'idées que le gouvernement continuera les recherches qu'il a commencées.

- Personne ne demandant plus la parole, l'article 21 est mis aux voix et adopté.

Bassin de la Meuse. Travaux d’amélioration des canaux et des rivières
Articles 22 à 24

« Art. 22. Escaut. Charge extraordinaire : fr. 400. »

- Adopté.


« Art. 23. Canal de Mons à Condé. Charge extraordinaire : fr. 62,000. »

- Adopté.


« Art. 24. Lys. Charge extraordinaire : fr. 11,000. »

- Adopté.

Article 25

« Art. 25. Canal de Gand à Ostende. Charge extraordinaire : fr. 70,500. »

M. Coppieters ’t Wallant. - L'article 25, qui est maintenant en discussion, comprend une somme de 60,000 francs pour l'établissement d'un pont sur le canal de Bruges à Ostende, au hameau de Plasschendaele. Cette nouvelle communication entre les deux rives a été réclamée par le conseil provincial de la Flandre occidentale et c’est, je pense, à la suite d’un vœu émis par cette assemblée dans sa session de 1858 que le gouvernement s’est décidé à porter une somme au budget pour l’exécution de ce travail.

Mais depuis le vote du conseil provincial, des faits se sont produits qui méritent de fixer toute l'attention de M. le ministre des travaux publics.

(page 575) L'année dernière, nous avons reçu différentes pétitions émanant des communes de Varssenaere, Meetkerke et Snelleghem et demandant l'établissement d'un pont sur le même canal à la hauteur de Nieuweghe, en remplacement du ponton qui existait depuis un temps immémorial, et qui a été supprimé lors de la construction, en 1822, du pont de Stalhille.

D'un autre côté, messieurs, les armateurs et négociants de Bruges, ainsi que la chambre de commerce de cette ville, se sont vivement alarmés du projet du gouvernement et ont vu dans l'exécution d'un nouveau pont sur le canal de Bruges à Ostende, surtout à Plasschendaele où le canal est le moins abrité, un véritable danger pour la navigation et des causes d'avaries et de pertes pour le commerce. Ces réclamations sont très vives et je pense que M. le ministre des travaux publics doit en avoir été déjà saisi.

Je demanderai donc que M. le ministre veuille bien, avant de faire mettre la main à l'œuvre, se faire donner tous les renseignements nécessaires pour arriver à concilier, dans la mesure du possible, les intérêts de l'agriculture avec ceux du commerce et de la navigation.

Un autre sujet de plainte des armateurs à Bruges et qui, je pense, a été également signalé à M. le ministre des travaux publics, consiste dans les entraves qu’éprouve la navigation par suite des baisses trop fréquentes des eaux du canal et surtout des délais beaucoup trop prolongés que l’on donne aux entrepreneurs pour l’exécution des travaux d’entretien et autres. Ils prétendent qu’à d’autres canaux, les baisses sont beaucoup moins fréquentes et ils citent, je crois, notamment le canal de Terneuzen, où les baisses ne sont, en moyenne, que de quatorze jours et où les travaux d’entretien s’exécutent simultanément sur toute l’étendue du canal.

Ce sont là des points d'une certaine importance, et je suis sûr qu'il aura suffi de les signaler à l'attention bienveillante de M. le ministre des travaux publics, pour qu'il s'en occupe sérieusement et qu'il fasse en sorte que tous les intérêts soient sauvegardés.

- L'article 25 est mis aux voix et adopté.

Article 26

« Art. 26. Canal de Plasschendaele vers la frontière de France. Charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.

Article 27

« Art. 27. Dendre. Charge extraordinaire : fr. 34,400. »

M. J. Jouret. - Je m'étais proposé de me faire inscrire pour parler sur cet article ; mais après les observations que j'ai eu l'occasion de présenter dans la discussion générale, je puis renoncer à la parole.

M. de Ruddere de Te Lokerenµ. - Après les explications que M. le ministre des travaux publics a données au sujet de la canalisation de la Dendre, je puis également renoncer à soumettre les observations que je comptais présenter sur ce point.

- L'article 27 est mis aux voix et adopté.

Articles 28 et 29

« Art. 28. Rupel. Charge extraordinaire : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art 29. Dyle et Demer. Charge extraordinaire : fr. 900. »

- Adopté.

Bassin de l’Yser. Travaux d’amélioration des canaux et des rivières
Articles 30 et 31

« Art. 30. Yser. Charge extraordinaire : fr. 9,900. »

- Adopté.


« Art. 31. Canal d'Ypres à l'Yser. Charge extraordinaire : fr. 5,000. »

- Adopté.

Plantations
Article 32

« Art. 32. Plantations nouvelles : fr. 25,000. »

- Adopté.

Bacs et bateaux de passage
Article 33

« Art. 33. Entretien de bacs et bateaux de passage et de leurs dépendances : fr. 32,000. »

- Adopté.

Section IV. Ports et côtés
Article 34

« Art. 34. Travaux d'entretien ordinaire et extraordinaire des ports, côtes, phares et fanaux. Charges ordinaires : fr. 185,600.

« Charges extraordinaires : fr. 144,500.

« Total : fr. 330,100. »

(page 577 M. de Smedt. - Messieurs, je ne compte pas entrer aujourd'hui dans de longues considérations pour établir de nouveau la possibilité et la nécessité de faire exécuter les travaux d'amélioration dont le port de Nieuport est susceptible.

J'ai déjà eu l'honneur d'entretenir la Chambre de cette importante question ; une discussion approfondie sur la matière trouvera plus naturellement sa place lors de la présentation du projet de loi des travaux publics dont l'ajournement a c'é décidé par la Chambre.

Je négligerai donc les détails de la question pour ne l'envisager qu'au point de vue des avantages généraux que la Belgique tout entière recueillerait en ouvrant de nouveaux débouchés à notre commerce maritime.

Donner de l'extension à notre commerce, donner toutes les facilités désirables à nos riches produits industriels de se déverser sur les marchés étrangers est l'objet, qui, en ce moment surtout, a l’avantage d'occuper l'opinion publique.

On voudrait d'abord établir un port à Blankenberghe, je n'y suis pas contraire, à condition toutefois qu'on améliore ceux qui se trouvent dans les meilleures conditions possibles de vitalité.

L'opinion publique s'occupe aussi d'étendre, à grands frais peut-être, nos relations commerciales jusque dans les pays les plus éloignés.

On voudrait y fonder des établissements commerciaux, voire même y établir un port. Ces idées sont certainement généreuses et patriotiques ; aussi, messieurs, je n'ai nullement ici l'intention de les combattre, ni même de les critiquer. Mais je me permets une réflexion et je me demande s'il ne serait pas prudent de bâtir sa maison avant de vouloir la meubler ! En effet, messieurs, avant de songer à étendre à grands frais en Chine ou ailleurs nos relations commerciales, ne conviendrait-il pas de mettre d'abord en bon état tous les ports, toutes les ressources commerciales qu'offre notre propre pays ? Or nous avons en Belgique un port qui, par suite de l'abandon obstiné du gouvernement, est aujourd’hui dans un état déplorable.

Tout le monde connaît cependant les conditions tout exceptionnellement avantageuses dans lesquelles la nature l'a placé.

Je pose d'abord en fait que sur tout le littoral de la Manche et de la mer du Nord il n'existe pas de port où l'évacuation des eaux de l'intérieur (bovenwaters, comme on les appelle en flamand) soit aussi considérable.

Le gouvernement semble avoir ignoré complètement jusqu'aujourd'hui l’utilité et les immenses avantages qu'on pourrait en tirer et à peu de frais dans l'intérêt général du pays.

La rade est excellente, elle est même reconnue la meilleure de tout notre littoral ; je n'en veux d'autre preuve que les très rares accidents maritimes survenus dans ces parages.

En temps de guerre les navires y sont bien mieux à l'abri des désastres du bombardement qu'à Ostende, puisque Nieuport est à 3 kilomètres de l'embouchure du chenal.

Il est réellement fâcheux que Nieuport, qui est le centre d'écoulement de toutes les eaux des Flandres et du nord de la France qui s'y déchargent par trois grands canaux, ne soit pas en même temps, par suite du mauvais état de son port, le centre d'écoulement de tous les produits de notre riche pays.

La construction d'un chemin de fer de dix kilomètres mettrait d'autre part cette ville en communication avec toutes nos voies ferrées, et il est facile d'en comprendre l'importance pour la pêche. Toutes ces qualités, messieurs, que je viens d'énumérer et bien d'autres encore désignent ce port à la sérieuse attention du gouvernement et de tous ceux qu'intéresse l'avenir commercial de la Belgique.

Les idées de liberté en tout et pour tous font des conquêtes rapides dans le monde entier ; déjà nous voyons les nations qui les repoussaient avec le plus de ténacité ne s'en effrayer plus autant aujourd'hui. La propagation de ces idées de sage liberté en tout et pour tous entraînera nécessairement leur conséquence logique et inévitable, la liberté des échanges en tout et partout.

Cette révolution préparée dans les esprits sera bientôt, nous l'espérons, accomplie dans les faits. Nécessairement cette révolution dans l’ndustrie amènera une activité plus grande dans le commerce.

Chaque pays produisant ce qu'il est plus apte à produire et achetant aux autres nations ce qu'il produit moins bien et plus cher, il s'ensuivra nécessairement que les échanges seront plus nombreux, que le commerce prendra plus d'extension.

Et alors que les peuples auront renversé les obstacles artificiels que des gouvernements inhabiles ont dressés à la consommation de la richesse universelle, celle-ci n'aura plus d'autres ennemis que les obstacles naturels, les distances, la difficulté des communications, etc.

Dès lors il est évident aussi que les pays les plus richement dotés de bons ports et de bonnes voies de communication avec tous les pays du centre, seront aussi sous l'influence de ce nouvel ordre de faits, les plus riches, les plus avantagés au point de vue des transactions commerciales.

Ce sont là, messieurs, de ces vérités qu'il suffit de montrer du doigt pour qu'elles soient aussitôt comprises et acceptées par tout le monde.

Nous ne pouvons, d'ailleurs, rester en arrière de tous les efforts qui se font dans ce but sur toutes les côtes de France et de Hollande.

Vous savez, messieurs, que quelques ingénieurs, même dans des documents officiels, ont manifesté des craintes très sérieuses sur la fermeture prochaine des passes de l'Escaut.

L'honorable M. de Gottal vient encore de signaler cette importante question à la sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics.

Pour ma part, j'aime à croire que leurs sinistres prédictions sont exagérées ; je sais d'ailleurs que le gouvernement fait faire en ce moment des études sur l'efficacité du draguage, très utilement employé, paraît-il, dans les ports de Glascow, dans la Tamise, dans les bouches du Danube et dans presque tous les ports de la France.

Quoi qu'il en soit, la prudence ne nous commande-t-elle pas de nous armer contre toute éventualité de ce genre et que peut-être tous nos sacrifices et nos efforts ne parviendront pas à détourner ?

Anvers n'est d'ailleurs notre port que par les traités, nous somme de ce chef tributaires de la Hollande, nous ne sommes vraiment libres et chez nous qu'à Ostende et à Nieuport.

Je m'arrête ici, messieurs, car toutes ces considérations d'un caractère d'utilité générale pourraient m'entraîner trop loin.

Je signalerai seulement à la Chambre et au gouvernement une dernière considération qui, pour être d'intérêt local, n'en n'est pas moins, j'estime, de nature à militer victorieusement aussi en faveur de l'approfondissement du chenal de Nieuport.

La fonte rapide des neiges a occasionné récemment dans plusieurs parties de notre Fandre et tout particulièrement dans le bassin de l'Yser, des inondations dont les désastres sont incalculables.

Il est donc de la plus haute importance que le gouvernement s'efforce de faire disparaître les difficultés qui s'opposent à la prompte exécution des travaux projetés et votés il y a deux ans, dans le but de rendre plus rapide l’écoulement des eaux de l'Yser et de ses affluents. J'ose espérer que ces difficultés pourront trouver une solution sans nuire aux propriétaires riverains.

Mais afin que l'utilité et les bienfaits qu'en attend l'agriculture ne soient pas en partie rendus illusoires, je crois qu'il est nécessaire d'enlever, dans la mesure du possible, soit par des bateaux dragueurs soit par d'autres moyens, les sables et la vase que trois années de sécheresse exceptionnelle et la négligence de faire jouer en temps utile les écluses de chasse de Nieuvendam ont accumulés si fatalement dans le chenal.

En effet, il faut que les eaux du bassin de l'Yser qui, par suite des travaux projetés arriveront à Nieuport avec une rapidité et une abondance, qu'elles ne peuvent avoir actuellement, n'y soient pas arrêtées par l'ensablement du canal de décharge à la mer.

Il faut que les eaux, arrivées dans le port, y coulent avec cette impétuosité qui faisait autrefois remarquer leur courant jusque près de deux lieues en mer, alors que le chenal se trouvait dans de meilleures conditions d'écoulement. Ce courant du déchargement de l'Yser, par les plus fortes crues d'eaux, ne se manifeste plus aujourd'hui qu'à une faible distance de la côte.

Vous le voyez, messieurs, l'intérêt commercial, l'intérêt agricole surtout, l'intérêt industriel même, l'intérêt général, en un mot plaident ici puissamment la cause de Nieuport.

Aussi, messieurs, nous sommes pleins de confiance, et nous espérons que la justice, le temps, la bonne volonté du ministre des travaux publics, répareront le délaissement inconcevable que 30 années de nationalité féconde en tant de progrès n'ont pas empêché jusqu'à ce jour de faire subir à ce port, à cet élément de prospérité commerciale.

Je suis heureux d'avoir pu constater que lors de la présentation du précédent projet de grands travaux publics plusieurs de mes honorables collègues de cette Chambre et du Sénat, ont bien voulu appuyer mes observations sur cet objet.

Je remercie le gouvernement et en particulier l'honorable ministre des travaux publics des bonnes dispositions dans lesquelles, j'ai droit, je crois, de les supposer à l'égard des légitimes réclamations des Nieuportais.

Des études, en effet, sont faites en ce moment sur cette importante question et se poursuivent avec activité et, j'ose l'espérer, sans prévention aucune.

Aussi attendrons-nous avec une impatience légitime la présentation du projet de loi complémentaire des travaux publics, bien persuadés que le gouvernement voudra bien demander alors un premier crédit pour les améliorations les plus impérieusement commandées au port de Nieuport.

(page 575) M. Rodenbach. - Messieurs, j'ai jeté un coup d'œil rapide sur les dépenses qu'on a faites pour les ports et côtes depuis 25 ans et j'ai constaté qu'elles se sont élevées à plus de sept millions de francs. Mais j'ai vainement cherché quelles dépenses on aurait faites en travaux d'amélioration au port de Nieuport.

Tout ce qu'on a fait à ce port depuis 25 ans, consiste en travaux de réparations, qui n'ont guère coûté que quelques milliers de francs.

Ce port a été laissé dans un complet abandon sous le rapport des travaux d'amélioration ; il en résulte qu'aujourd'hui il est complètement envasé et que le chenal sera bientôt impraticable si l'on n'y fait point les travaux d'approfondissement qui sont devenus de la plus urgente nécessité.

Ces travaux sont également indispensables pour remédier aux inondations périodiques qui se produisent dans cette partie du pays. Chaque année des centaines d'hectares sont submergés par la crue des eaux et sont rendues impropres à la culture par suite du séjour prolongé des eaux qui les inondent.

J'espère que M. le ministre des travaux publics aura égard aux observations que cet état de choses vient de suggérer à l'honorable M. de Smedt ; car il y aurait une véritable iniquité, le mot est dur mais il est juste, à laisser le port de Nieuport dans l'état d'abandon où il est depuis 30 ans.

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, on a beaucoup parlé depuis quelque temps, dans cette enceinte, de localités déshéritées, traitées en parias. La ville de Nieuport a le triste droit de revendiquer la première place parmi les déshérités, car elle a été complètement oubliée depuis 30 ans. Dans presque toutes les villes d'une certaine importance, on a reçu, de la part du gouvernement, des preuves de bienveillance ; on y a construit des voies de communication par terre et par eau, des chemins de fer ; la ville de Nieuport, depuis 1830, n'a pas reçu la moindre part du gâteau budgétaire qu'on répartit d'une manière si généreuse parmi les autres localités du pays ; si un chemin de fer devait aboutir quelque part, c'était à la mer, à Nieuport ; eh bien, aucun tronçon n'a été fait qui relie ce port au reste à la Belgique pas même au chemin de fer de Furnes. Le port de Nieuport mérite cependant la bienveillance de la Chambre et du cabinet.

Je ne le comparerais pas au port d'Anvers, ni même à celui d'Ostende, pour ne pas éveiller de susceptibilité ; mais je constate que dans les temps anciens, Nieuport était un des ports des plus importants de la côte de Flandre ; c'est par le marché qui s'y établissait que les villes d'Ypres, Gand et Bruges devinrent si florissantes.

Ce port avait des privilèges très considérables, il peut encore devenir d'une très grande utilité pour notre commerce avec l'Angleterre. L'exportation de nos produits agricoles peut s'effectuer par le port de Nieuport, aussi bien que par celui d'Anvers Si l'on consentait à faire quelques améliorations réclamées par la localité, le port prospérerait ; il est à remarquer que les habitants sont très industrieux ; ils se distinguent par un esprit d'entreprise très développé, ils ont fondé des sociétés de pêche et d'autres sociétés industrielles ; ces efforts méritent des encouragements.

Le gouvernement doit faire quelque chose pour cette ville. Je demande catégoriquement à M. le ministre si la commission qu'il a nommée pour examiner les réclamations de Nieuport, a fait son rapport.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Il n'y a pas de commission de nommée.

M. E. Vandenpeereboom. - Vous auriez dû en nommer une. Que cette commission soit nommée dans un bref délai, qu'elle entre en relations avec les autorités communales et qu'elle présente un prompt rapport.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je n'ai pas envoyé les réclamations de Nieuport à une commission ; j'ai chargé l'ingénieur au chef de la province de se mettre en rapport avec les autorités, d'entendre les réclamations et de me faire un rapport. L'honorable M. de Smedt a pu s'assurer que l'affaire avait été soigneusement traitée et que l'ingénieur que j'en avais chargé avait rempli sa mission et m'avait adressé un rapport.

La question est à l'étude, c'est tout ce que je puis dire quant à présent.

M. Rodenbach. - Elle est à l'étude depuis 30 ans.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Cependant, je n'ai rien trouvé dans le dossier qui pût me mettre sur la voie de ce qu'il y aurait à faire.

Les réclamations de Nieuport peuvent se diviser en deux catégories ; l'une qui nécessiterait des dépenses assez faibles ; si elles peuvent être efficaces, je suis disposé à les faire, en les imputant, soit sur le budget futur, soit sur un crédit spécial que je demanderai quand l'occasion s'en présentera ; l'autre réclamation de la ville de Nieuport est très importante ; je ne puis m'engager à y faire droit ; elle consiste dans la demande d'une écluse de chasse comme celle qu’on construit à Ostende.

La dépense est trop considérable pour qu'on l'entreprenne avant d'avoir constaté les effets de celle que l'on construit à Ostende. Personne n'oserait engager le gouvernement à faire une semblable dépense en ce moment ; il faut attendre que l'expérience ait prononcé.

- L'article 34 est mis aux voix et adopté.

Travaux d'amélioration des ports, côtes, phares et fanaux
Articles 35 et 36

« Art. 35. Port d'Ostende. Charge extraordinaire : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Art. 36. Port de Nieuport. Charge extraordinaire : fr. 15,100. »

- Adopté.

Article 37

« Art. 37. Côte de Blankenberghe. Charge extraordinaire : fr. 29,500. »

M. Coppieters ’t Wallant. - Messieurs, il s'agit ici d'un travail plus modeste que ceux dont on vous a entretenus tout à l'heure. Il ne s'agit pas de remplacer, même dans un avenir très éloigné, le port (page 576) d'Anvers ou celui d’Ostende, mais de créer un petit port de refuge à Blankenberghe. Je demande la permission de dire deux mots sur ce travail dont l'utilité est incontestable et, paraît-il, incontestée aujourd'hui. Je viens seulement prier M. le ministre de nous faire connaître d'une manière bien claire les intentions du gouvernement.

Je ne lui demande pas s'il se propose de comprendre ce travail dans le projet complémentaire de travaux publics dont ou a parlé, je ne doute pas qu'il n'en soit ainsi, mais je le lui demande si ce projet sera présenté en temps utile pour être discuté dans le courant de cette session.

On a dit que ce projet serait présenté, mais on n'a pas dit quand. Je prie M. le ministre de bien vouloir me donner l'assurance qu'il sera présenté assez à temps pour qu'il y ait certitude qu'il pourra être voté dans le courant de la session actuelle.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Le projet sera présenté en temps opportun pour que la Chambre puisse l'examiner avec soin et le voter dans le cours de la session.

- L'article 37 est mis aux voix et adopté.

Article 38

« Art. 38. Phares et fanaux. Charge extraordinaire : fr. 300. »

- Adopté.

Section V. Frais d'études et d'adjudications

M. Vermeire. - Je dois appeler l'attention du gouvernement suc les envasements qui s'opèrent en aval et en amont du port de Termonde.

C'est surtout à Appels que le danger est le plus imminent ; là viennent se briser périodiquement sur les bancs de sable qui se sont formés dans le lit de la rivière des bateaux chargés de charbon ou d'autres matériaux venant du Hainaut.

Le gouvernement avait promis antérieurement de faire examiner cette question.

Je l'engage de nouveau à vouloir bien faire ce qui est nécessaire pour la disparition de ces atterrissements, afin que la navigation ne soit pas entravée.

- L'article est mis aux voix et adopté.

La Chambre décide qu'elle se réunira demain à une heure.

La séance est levée à 4 h. 3/4.