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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 26 janvier 1861

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1860-1861)

(page 423) (Présidence de M. Vervoort, présidentµ.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Florisone procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Portes demandent que le gouvernement emploie les deux métaux à la confection des monnaies belges ; que l'on batte, de préférence, celui des deux métaux qui est le plus abondant ; que le rapport légal soit conservé dans toute son intégrité, et que l'or français soit admis sur le même pied que la France admet l'or belge. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à la monnaie d'or.


« Les sieurs Dubois, Pironet autres, membres de l'association commerciale et industrielle de Charleroi, demandent une loi qui fasse cesser les inconvénient résultant du système monétaire en vigueur en Belgique. »

- Même décision.

Projet de loi révisant le code pénal (titre II, livre ???)

Rapports de la commission

M. de Boe. - J'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports de la commission du Code pénal sur des questions qui lui ont été renvoyées par la Chambre.

- Ces rapports seront imprimés et distribués.

Rapport de pétitions

MpVµ. - En attendant l'arrivée de M. le ministre de l'intérieur, je vous proposerai de procéder à l'examen d'un feuilleton de pétitions.

- Cette proposition est adoptée.

M. Jamar, rapporteur. - Par pétition datée de Deutz, le 15 avril 1860, le sieur Vanderzypen prie la Chambre d'examiner si l'Etat ne pourrait pas se charger des assurances contre l'incendie.

Le pétitionnaire, dans une lettre de quelques lignes, appelle l'attention de la Chambre sur la possibilité de tirer un revenu considérable des assurances faites par l'Etat. Il ne donne, au reste, dans sa lettre, aucune indication, aucun aperçu de nature à jeter quelque lumière nouvelle sur une question qui a fait l'objet d'études sérieuses de la part d'hommes éminents. Dans ces conditions, votre commission vous propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jamar, rapporteur. - Par pétition datée de Campenhout, le 23 mars 1860, le sieur Goossens réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une indemnité du chef de pertes essuyées par suite des événements de 1830., Une fois déjà, le pétitionnaire avait réclamé dans le même but l'intervention de la Chambre, et sa pétition avait été renvoyée au ministre de l'intérieur qui fit connaître au sieur Goossens quelles considérations s'opposaient à ce qu'il fût lait droit à sa demande.

Il ne reste à votre commission qu'a vous proposer l'ordre du jour en présence de cette nouvelle démarche.

- Adopté.


M. Jamar, rapporteur. - Par pétition datée de Beeck, le 27 mars 1860, le sieur Lisbach, ancien officier du premier ban de la garde civique, demande une récompense pour services rendus en 1831.

Par pétition datée de Verviers, le 28 mars 1860, le sieur Dusart, ancien combattant de la révolution, demande une pension.

Les considérations invoquées par les pétitionnaires ont toujours été favorablement accueillies soit par la Chambre, soit par M. le ministre de l'intérieur, mais M. le ministre de. l'intérieur est seul en mesure d'apprécier la valeur des titres sur lesquels s'appuient les pétitionnaires et votre commission vous propose le renvoi de ces deux pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.


M. Jamar, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Léonard, le 24 mars 1860, la veuve du sieur Bott, ancien brigadier des douanes, demande un secours.

La position de la pétitionnaire semble digne d'intérêt, et votre commission a été unanime à vous proposer te renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Jamar, rapporteur. - Par pétition datée de Haine-Saint-Pierre, le 28 février 1860, le sieur Pourtois, ancien sous-officier, demande la décoration de l’ordre de Léopold, du chef de services rendus à la révolution.

Parmi les pièces jointes à la pétition du sieur Pourtois, se trouve une dépêche du ministre de la guerre, en date du 27 août 1853, informant le pétitionnaire qu'il n'y avait pas lieu d'admettre sa demande, attendu qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une proposition de ses chefs, lorsqu'il appartenait à l'armée.

Au reste la nature de la récompense que sollicite le pétitionnaire, la décoration de l'Ordre de Léopold, ne pouvait laisser à votre commission aucune hésitation sur les conclusions qu'elle vous propose, c'est-à-dire l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jamar, rapporteur. - Le sieur Fiévez réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la levée d'un jugement qui le concerne.

C'est sans raison que le pétitionnaire réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir un pro Deo qu'il croit être en droit d'obtenir. Votre commission croit donc devoir vous proposer l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Jamar, rapporteur. - Par pétition datée da Gaurain-Ramecroix, le 14 mars 1860, le sieur Rossignol demande une loi qui fixe le minimum du traitement des secrétaires communaux d'après le chiffre de la population de la commune.

Par pétition sans date, des secrétaires communaux demandent que la position de ces fonctionnaires soit améliorée.

Par pétition datée du 20 mars 1860, des secrétaires communaux dans les cantons de Quevaucamps et de Chièvres prient la Chambre d'améliorer leur position.

Par pétition sans date, les secrétaires communaux dans l'arrondissement de Thielt-Roulers demandent que leur position soit améliorée.

Par pétition datée de Moerbeke, le 20 mai 1860, les secrétaires communaux dans l’arrondisement de Gand demandent une loi qui fixe le minimum de leurs traitements et qui établisse une caisse de retraite eu leur faveur.

Tous ces pétitionnaires insistent auprès de la Chambre pont obtenir une amélioration de leur position actuelle, soit par une loi qui détermine le minimum de leur traitement en prenant pour base le chiffre de la population de chaque commune, soit par l'intervention directe de l'Etatl et de la province.

Les services que ces utiles et modestes fonctionnaires rendent chaque jour aux administrations provinciales et au gouvernement sont incontestables, et le traitement de beaucoup d'entre eux n'est pas eu rapport avec l'importance de leur travail. Les réclamations des pétitionnaires sont fondées, et il serait désirable qu'après avoir mis la vieillesse des secrétaires communaux à l'abri du besoin et assuré après eux des ressources à leurs familles par l'institution d'une caisse de retraite, le gouvernement s'occupât des moyens d'améliorer leur position actuelle. Votre commission vous propose donc le renvoi de ces diverses pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

- Adopté.

Projet de loi relatif au grade d'élève universitaire

Discussion des articles

Article 3

MpVµ. - Nous sommes arrivés à l'article 3 et aux amendements y relatifs. Voici l'article 3 du projet de la section centrale, auquel le gouvernement se rallie :

« Art. 3. L'examen de gradué en lettres comprend :

« 1° Une traduction du français en latin ;

« 2° Une traduction du latin en français ;

« 3° Une traduction du grec en français ;

« 4° Une composition française ;

« 5° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;

(page 424) « 6° La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire.

« Les récipiendaires qui se destinent à la candidature en sciences seront toujours interrogés sur la géométrie à trois dimensions.

« L'examen préalable à celui de candidat en pharmacie comprend :

« Une traduction du latin en français ;

« 2° Une rédaction française ;

« 3° L'algèbre jusqu'aux équations du second degré ;

« L'examen préalable à celui de candidat notaire comprend :

« 1° Une traduction du latin en français ;

« 2° Une rédaction française ;

« 3° L’algèbre jusqu’aux équations du second degré ;

« 4° La géométrie plane.

« 5° La trigonométrie rectiligne.

« Ces examens ont lieu par écrit. »

M. Van Humbeeck présente les amendements suivants :

« L’examen de gradué en lettres se compose d'une épreuve écrite et d'une épreuve orale. Il comprend :

« 1° Des explications d'auteurs latins à livre ouvert avec exercices littéraires sur les passages expliqués ;

« 2° Des explication d'auteurs grecs également avec exercices littéraires sur les passages expliques ;

« 3° L’algèbre jusqu'aux équations du second degré ;

« 4° La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire ;

« 5° La trigonométrie rectiligne ;

« 6° Les notions élémentaires de physique.

« Les récipiendaires qui se destinent à la candidature eu sciences seront toujours interrogés sur la géométrie à trois dimensions.

« L'examen préalable à celui de candidat en pharmacie ou de candidat notaire se compose également d'une épreuve écrite et d'une épreuve orale. Il comprend :

« 1° Une traduction du latin en français ;

« 2° Une traduction du grec en français ;

« 3°L'algèbre jusqu’aux équations du second degré ;

« 4° La géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire. »

L'honorable M. Van Humbeeck demande pour les différents examens une épreuve orale et une épreuve écrite ; ce sera le premier point que je mettrai en discussion.

M. Van Humbeeck demande la suppression de la traduction du français en latin, et de la composition française.

Il substitue à la traduction du latin et du grec en français, des explications u auteurs latins et grecs, avec des exercices littéraires sur les passages expliqués.

Pour les gradués en lettres, M. Van Humbeeck demande encore un examen sur la trigonométrie rectiligne que le gouvernement et la section centrale exigent exclusivement pour l'épreuve préalable à l'examen de candidat notaire. Enfin, il demande que les gradués en lettres soient interrogés sur les notions élémentaires de physique A l'examen préalable à celui de candidat en pharmacie et de candidat notaire, M. Van Humbeeck, veut ajouter une traduction du grec en français, la géométrie plane ou la géométrie à trois dimensions, au choix du récipiendaire,

Il supprime la rédaction française proposée par le gouvernement et la section centrale.

Enfin en ce qui concerne spécialement l'examen préalable à celui de candidat notaire M. Van Humbeeck veut supprimer la trigonométrie rectiligne.

J'ouvre la discussion sur le premier point : Y aura-t-il une épreuve écrite et une épreuve orale dans les examens énumérés dans l'article 3 ?

M. Tack. - Messieurs, l'article en discussion comprend deux parties essentiellement distinctes, l'une a rapport au mode d'examen, l'autre est relative aux matière» qui composent le programme pour l’obtention du grade d'élève universitaire. Dans la séance d'hier, sur la motion de l’honorable M. Devaux, la Chambre a décidé que, pour mettre de l'ordre dans la discussion, elle s’occupera du premier point, c'est-à-dire du mode d'examen.

Je me renfermerai donc exclusivement dans le cercle qui m’est tracé par la décision de la Chambre. L’article 3 du projet de loi statue que l'épreuve pour le grade d’élève universitaire se bornera à un examen écrit. L'honorable M. Van Humbeeck propose, dans son amendement, d'ajouter l’épreuve orale à l’épreuve écrite.

La disposition du projet du gouvernement qu'admet aussi la section centrale, et qui supprime l'épreuve orale, me semble une innovation assez hardie et très peu heureuse ; je dis une innovation, car la loi de 1849, qui a institué le grade d'élève universitaire, admettait la double épreuve.

La première question que nous avons à nous poser est celle de savoir si l'épreuve orale, dont on entend faire table rase, a donné lieu à des inconvénients, a provoqué des abus.

J'ai parcouru rapidement, il est vrai, la longue enquête faite en 1857 par ordre de M. de Decker, pour constater les effets produits par l'abolition du grade d'élève universitaire. Je vois bien, dans cette enquête, que la plupart des professeurs des établissements officiels et la plupart des préfet d'études se prononcent pour le rétablissement du grade d'élève universitaire, tandis que les directeurs, les supérieurs, les professeurs appartenant aux établissements d'enseignement privé émettent un avis différent et demandent qu'on n'en revienne pas à la loi de 1849 ; mais nulle part, je ne m'aperçois que les hommes spéciaux qu'on a consultés se soient élevés contre l'épreuve orale pour la combattre, pour en exiger formellement la suppression ; nulle part je ne trouve que l'épreuve orale ait donné lieu à des inconvénients, à des réclamations ; personne ne suppose que le grade d'élève universitaire ne sera rétabli qu'à la condition de ne soumettre les candidats qu'à une épreuve écrite.

C'est tout au plus quelques membres du corps enseignant croient qu'a la rigueur, moyennant d'adopter un programme qu’ils indiquent, on pourrait s'abstenir de l'épreuve ; c'est le très petit nombre.

Je comprends jusqu'à un certain point l'examen oral isolé de l'épreuve écrite, mais je n'admets pas l'épreuve écrite sans l'épreuve orale.

Autrefois, sous le régime hollandais et sous le premier empire, l'épreuve écrite était inconnue.

On vous a répété à satiété que les examens, tels qu'ils avaient été pratiqués sous ces deux régimes, avaient donné de brillants résultats et on a invoqué cette circonstance qu'en 1830, une foule d'hommes éminents mûrs pour la politique, les lettres et les sciences, avaient surgi tout à coup comme par enchantement, grâce à l'enseignement de cette époque, grâce au mode d'examen adopte alors. L'honorable M. Devaux vous l'a dit, il y a deux jours, actuellement en France ni en Hollande on ne connaît l'épreuve écrite, on se borne dans ces pays à l'épreuve orale.

Bien plus, pour la collation des grades académiques dans notre propre pays on a renoncé à l'épreuve écrite pour se borner à l'examen oral. Vous avez entendu par M. Devaux que le conseil académique de Gand a insisté pour obtenir la suppression de l'épreuve écrite, et l'honorable membre a ajouté que ceux qui veulent la rétablir sont des gens de mauvaise humeur, des esprits chagrins et moroses.

La conclusion naturelle de tout ceci, messieurs, c'est que l'examen oral eu lui-même est une excellente chose, et ce qui le prouve encore, c'est que la Chambre elle-même le maintient, au moins provisoirement, pour ce qui concerne les grades académiques. En effet, messieurs, en adoptant l'article premier de la loi en discussion, vous avez voté la prorogation de la loi de 1852, qui n'admet pour l’enseignement supérieur que l'épreuve orale, à l’exclusion de l’épreuve écrite. Pourquoi, en sens contraire, répudier pour le titre de gradué en lettres l’examen oral et vous borner à l'examen écrit ?

Comme l'a fait observer l'honorable M. Dechamps, avec ces divergences nous aboutissons à une véritable mosaïque législative. En effet, nous aurons d'un côté l'épreuve orale pour les grades académiques, de l'autre côté l'épreuve écrite pour le grade d'élève universitaire, nous aurons le jury central pour le grade d'élève universitaire et les jurys combinés pour les grades académiques ; on est donc en droit d'affirmer que l'une des lois qui règlent la matière de l'enseignement supérieur est l’antithèse, le contre-pied de l'autre qui organise l'enseignement moyen.

Pour moi, messiers, l'examen oral est le contrôle nécessaire, le correctif obligé, la contre-épreuve indispensable de l'examen écrit. D'abord l’épreuve orale a pour elle la garantie de la publicité.

Or, messieurs, il n'y a évidemment point de garantie meilleure que celle-là ; il est évident que c'est le contrôle le plus efficace, le plus énergique, le plus incontestable qu'il soit possible d'imaginer.

Toutes nos institutions quelconques, politiques, judiciaires, administratives, sont basées sur le principe de la publicité.

Nous avons la publicité des audiences des tribunaux ; nos débats, ici à la Chambre, sont publics ; la publicité existe pour les discussions des conseils provinciaux, des conseils communaux. Il y a même publicité pour les concours artistiques.

(page 425) En effet, les productions des lauréats des concours de peinture, de dessin, d'architecture sont exposées à côté des productions de ceux qui ont échoué, après que le jury a prononcé son jugement, et l'opinion publique et la presse sont là pour infirmer ou pour sanctionner le verdict des juges du concours.

Messieurs, rien de pareil dans ce qu'on vous propose ; on supprime complètement la publicité, on y substitue le huis-clos.

Jadis, messieurs, sous l'empire de la loi de 1835, l'examen écrit même était entouré d'une publicité réelle.

Voici comment : les récipiendaires lisaient successivement en présence du public devant leurs camarades et devant le jury, leurs compositions ; il y avait là moyen de comparer le travail des uns et des autres ; il y avait possibilité de faire un parallèle entre les aspirants qui se présentaient en même temps.

L'honorable ministre de l'intérieur nous disait : On pourra permettre au jeune homme qui a échoué dans son examen, s'il le désire, de donner lecture de sa copie. Mais c'est là une publicité tout à fait illusoire. Il n'y a pas l'ombre d'une analogie. Comment voulez-vous qu'un jeune homme qui peut avoir l'idée de se représenter aille ainsi affronter le mécontentement de ses juges ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je n'ai pas parlé du jeune homme, mais du jury.

M. Tack. - Je ferai d'abord observer à l'honorable ministre que rien de tout cela n'est inscrit dans la loi ; la latitude que M. le ministre accorde au jury est entièrement abandonnée à sa discrétion. Puis il reste toujours ceci, c'est qu'il n'y a pas de terme de comparaison pour le public.

Je le demande, messieurs, est-ce là le moyen d'entourer le jury du prestige dont il a besoin, d'en faire une institution qui défie toute critique, qui appelle forcément sur elle l'approbation, la confiance et le respect de tous ? Il faut avant tout, je le concède, assurer l'impartialité du jury, offrir des garanties aux aspirants et à leur famille, au point de vue de l'équité des décisions à intervenir, mais cela ne suffit pas, il importe d'écarter jusqu'au moindre soupçon de partialité. Il ne faut pas que l'on puisse se retrancher derrière aucun prétexte, pour soutenir que le jury prend des décisions qui ne sont point conformes à la justice. Son autorité est à ce prix. Avec l'examen oral, les passe-droit sont presque impossibles. L'élève est interrogé successivement par son professeur et par d'autres membres du jury avec lesquels il n'a point de rapports ; si la moindre connivence pouvait exister on s'en apercevrait immédiatement.

Et puis il reste toujours la comparaison entre tous les récipiendaires, chose qui est capitale. Avec l'examen écrit séparé, de l'examen oral, l'élève médiocre peut réussir, abstraction faite de toute fraude ; il suffit pour cela que la version qui fait l'objet de l'examen ait été expliquée récemment dans la classe ; il suffit que le professeur ait insisté spécialement sur la question de mathématiques ou de géométrie qui forme le sujet de l'examen.

L'examen oral fera voir, immanquablement, si le succès obtenu dans l'épreuve orale est l'effet du hasard ou le fruit de bonnes et solides études.

On dira peut-être, messieurs, qu'il convient de tenir compte de la timidité si naturelle au jeune âge ; que le récipiendaire, à peine échappé des bancs du collège peut être troublé, ému et que, sous ce rapport, l'examen oral peut laisser à désirer.

Messieurs, cette timidité, ce trouble, cette émotion sont beaucoup plus rares qu'on ne se l'imagine. On a l'habitude, dans l'école, de faire faire des exercices oraux ; dans les établissements bien organisés, les étudiants sont fréquemment interrogés, ils subissent, par continuation, des examens en présence de leurs condisciples, ils sont familiarisé avec les interrogatoires, rompus en quelque sorte au métier.

Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.

Et j'ajouterai : aisément.

Bien souvent, il faut le reconnaître, cette timidité, ces émotions ne sont que des feintes ; le jury sait, distinguer, les examinateurs sont-là ; si c'est une timidité réelle on encouragera le récipiendaire, on tâchera de le mettre à l'aise, on le tirera d'affaire d'une manière ou de l’autre.

D'autre part, l'élève studieux, de son côté, peut échouer, peut avoir la chance contre lui ; qu'il fassi un contre-sens dans la version, qu'il ne saisisse pas les questions de mathématiques, il peut être ajourné ou rejeté, il est désirable qu’il puisse se réhabiliter devant le jury, qu’il puisse réparer son échec par l’examen oral.

Cela est surtout désirable en ce qui concerne les épreuves pour le grade d'élève universitaire Ne perdons pas de vue que l'élève qui échoue au seuil de l'université se représente rarement, il est le plus souvent découragé, il n'ira plus s'asseoir sur les bancs du collège. Il en est autrement pour les jeunes gens qui fréquentent les universités, ceux-là, s'ils échouent, tentent ordinairement de nouveau la fortune, ils voient autour d'eux des compagnons qui ont éprouvé le même sort et se consolent mutuellement.

Mais pour ce qui regarde le grade d'élève universitaire, le plus souvent le récipiendaire évincé n'affrontera plus le danger de l'épreuve ; l'expérience le démontre. Sa carrière sera brisée, à tout jamais, et le pays peut être privé d'un savant utile, d'un écrivain distingué, d'un littérateur ou d'un historien éminent

Avec la combinaison de l'examen écrit et de l'examen oral, si le récipiendaire à la conviction qu'il n'a pas réussi dans son examen écrit, il aura le temps de la réflexion, il pourra consulter ses professeurs, ses parents, pour savoir s'il doit se présentera à l'épreuve orale, ou s'il doit se retirer définitivement pour se représenter plus tard six mois, un an après et attendre une nouvelle session.

Pour dire toute ma pensée, l'examen écrit abandonne trop au hasard. Il ne fournit pas le moyen le constater la capacité, l'aptitude avec une certitude suffisante ; c'est, au surplus, une sentence sans appel, et ici c'est en outre une sentence à huis-clos. L'examen oral doit lui servir de supplément et de correctif.

Vient ensuite la possibilité de fraude, et ceci est plus grave.

Prenez toutes les précautions imaginables, imaginez la surveillance la plus sévère, multipliez vos mesures de défiance, choisissez des hommes fermes et vigilants pour présider aux examens, faites usage de papier et d'enveloppes cachetés, ce luxe de précaution et de mesures, n'empêchera pas les fraudes.

Tous ceux qui ont passé des examens le savent par expérience, tous ont vu pratiquer la fraude ; oui, tous vos moyens échoueront contre la subtilité et l'esprit inventif de l'étudiant. Un instant d'inattention de la part de ses surveillants suffira pour qu'on se passe des copies, pour qu'on échange la solution des questions d'algèbre et de géométrie contre la traduction grecque ou latine.

Objectera-t-on que la surveillance est parfaitement organisée et assurée pour le concours des écoles moyennes ? Je réponds qu'il n'y a pas d'analogie, pas la moindre similitude à invoquer.

Veuillez remarquer que, dans le concours, ce sont des rivaux qui se trouvent en présence : les concurrents se surveillent réciproquement.

La fraude dans un concours est envisagée par tout le monde comme un acte de déloyauté ; elle est flétrie par tous les camarades ; c'est un préjudice direct occasionné à un concurrent dont on usurpe la place. Mais autre chose est lorsqu'il s'agit d'examens ; là la société seule est intéressée, c'est le moindre souci de MM. les étudiants, à cet égard point de scrupule, s'entraider l'un l'autre est considéré comme un service que l'on se doit l'un à l'autre quand on le peut, sans trop se compromettre ; c'est presque envisagé, à tort, je le veux bien, comme un acte méritoire ; on s'en vante.

N'en doutons point, messieurs, si vous renoncez à l'épreuve orale, si vous vous bornez à l'épreuve écrite, nous verrons revivre et refleurir de plus belle les éditions diamant, les autographes lilliputiens, les pains fourrés de grec, de latin et de mathématiques et les gilets d'examen que nous a révélés naguère l'honorable M. Devaux. Avec ces engins et d'autres plus ou moins ingénieux, beaucoup de médiocres étudiants passeront à travers le crible de l'examen.

C'était l'opinion qu'émettait l'honorable M. Devaux, dans une autre circonstance, à propos des examens du grade d'élève universitaire.

Voici comment s'expliquait l'honorable membre :

« La fraude est un autre inconvénient très grave de ce genre d'examen (l'épreuve écrite). Il n'y a pas de fraude à laquelle on n'ait eu recours. D'abord, il y a un genre de fraude que je n'affirme pas, mais dont on se plaint. Il y a des personnes qui assurent que, pour certains examens, elles connaissent à l'avance, sans être du jury, la moitié des questions qui seront mises dans l'urne.

« Je ne dis pas que cela soit vrai, mais c'est déjà une chose fâcheuse qu'on le croie.

« Mais il y a un autre genre de fraude que les professeurs eux-mêmes ont souvent dénoncé ; c'est celle qu'emploient les élèves, et qu'il est impossible de prévenir tant leur esprit est ingénieux sous ce rapport. Ainsi ils ont de petits cahiers écrits d'une écriture microscopique et qui entrent dans leur poche ; c'est tout un traité. Il suffit que l'examinateur ait tourné le dos, pour que le traité passe dans le papier sur lequel on écrit et l'on copie. Il y a une autre invention qui consiste à écrire le (page 426) traité sur des bandelettes que l'on roule autour du bras depuis l'épaule jusqu'au poignet.

« Une autre fraude qui n'est pas inconnue à d'autres membres de la Chambre, c'est l'usage de ce qu'on appelle, à ce qu'il semble, le gilet d'examen ; c'est un vêtement qui a, à l'intérieur, le long de la poitrine, des poches longitudinales, dans lesquelles peuvent entrer trois ou quatre traités manuscrits sur les matières de l'examen. L'élève arrive véritablement cuirassé de science.

« Vous sentez que devant de pareilles fraudes on n'a qu'une confiance très limitée dans l'examen écrit. S'il arrive que l'examen écrit est des plus brillants et que l'élève se présente à l'examen oral, on reconnaît qu'il est impossible que le travail soit de lui. »

Vous voyez, messieurs, qu'en principe je suis entièrement d'accord avec l'honorable membre.

Je prie la Chambre de remarquer que si je demande que l'on adopte une épreuve orale, ce n'est point parce que je veux décréter de suspicion le corps professoral, ni MM. les examinateurs.

Non sans doute, je les crois incapables de la moindre partialité, je les crois incapables de vouloir de gaieté de cœur, volontairement, commettre la moindre injustice ; ce que je veux, c'est leur fournir les moyens de s'assurer d'une manière certaine de la capacité, de l'aptitude de l'élève.

Je suis cependant obligé d'avouer, avec tout le monde, que les rivalités qui existent entre les professeurs et les établissements ont eu souvent pour résultat de déteindre sur les jugements, de fausser les décisions, bien entendu à l'insu et malgré ceux qui les portent.

On est naturellement émerveillé de ses doctrines, d. son enseignement, de ses méthodes. Il arrivera que le professeur reconnaîtra l'écriture de son élève ; dans ce cas, il sera, sans qu'il le veuille, portée l'indulgence.

Je ne lui en fais pas un reproche, car c'est une chose bien naturelle, mais dès lors l'égalité entre les récipiendaires sera rompue.

Dira-t-on, messieurs, que si l'on a recours à l'examen oral, il en résultera une perte de temps, que les examens se prolongeront trop longtemps, que les professeurs et les élèves seront privés de leurs vacances ?

Ma réponse est facile. On était arrivé à organiser l'épreuve orale pour le grade d'élève universitaire, par la loi de 1849.

Je demande pourquoi la chose, serait impossible aujourd'hui.

Du reste, les examens oraux sont organisés pour la collation des grades académiques. Or, le personnel des universités est beaucoup moins nombreux que celui des établissements moyens. Dans ces derniers vous avez un personnel considérable et par conséquent un choix, très étendu, ce qui vous permet de multiplier tant que vous le voulez le nombre des membres du jury.

Rien m'empêche même de décider qu'il y aura plusieurs jurys. À ce propos je me permets de dire que j'ai été fort étonné, lorsque, dans la séance d'avant-hier, j'ai entendu M. te ministre de l'intérieur nous déclarer que le gouvernement n'était pas encore fixé sur la question de savoir s'il y aura des jurys multiples ou seulement un jury central. Cependant l'exposé des motifs est clair, précis sur ce point ; il ne peut pas prêter le moins du monde au doute ; il y est positivement dit que le gouvernement a décidé d'établir un jury central unique.

M. Devaux. - Vous le rendez impossible par l'épreuve orale.

M. Tack. -Je ne dis pas qu'il faille adopter le jury central de préférence à tout autre, je ne me prononce pas ; mais je fais remarquer que M. le ministre, qui ne veut pas, lui. de l'épreuve orale, qui a dit dans son exposé des motifs, qu'il y aura un jury central, nous a déclaré avant-hier que le gouvernement n'était pas encore fixé sur ce point. Voilà le changement que je me borne à signaler.

M. le ministre s'est probablement convaincu lui-même qu'un jury central est impossible, même en supposant qu'il n'y ait pas d’épreuve orale, alors que l'examen serait borné à une seule épreuve écrite ; je pense, moi, qu'un jury unique n'est pas en état de dépouiller et de juger toutes les compositions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Refusez-vous au gouvernement de tenir compte des discussions parlementaires ?

M. Tack. - Certainement non.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense que vous lui en voudriez si, parce qu'il a une fois exprimé une opinion, il la croyait la seule bonne et ne voulût pas en changer.

M. Tack. - Ainsi, nous allons nous trouver devant une nouvelle proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Me permettez-vous de dire un mot ?

M. Tack. - Très volontiers.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le ministre a indiqué, dans l'exposé des motifs, quel serait, selon lui, le mode de jury à appliquer pour l'examen d'élève universitaire. Il a exprimé une opinion ; il n'a point formulé de proposition. Maintenant. s'il résulte de la discussion que ce jury central unique présenterait des inconvénients, le ministre examinera, comme il l'a annoncé, s'il n'y aurait pas lieu de substituer au jury central des jurys multiples comme par le passé.

M. Tack. - Cela prouve que, pour le moment, M. le ministre ne sait pas encore à quoi s'en tenir ; mais ce qui me paraît clair dès à présent, c'est qu'il demande un blanc-seing pour trancher de son chef, à part lui, une controverse grave.

La question de savoir s'il convient d'avoir un jury central ou des jurys combinés, est une question très compliquée et qui a donné lieu à de nombreux conflits au sein même de cette assemblée. Je dirai même qu'elle n'est pas encore tranchée d'une manière, absolue, pour ce qui concerne les grades académiques.

L'autre jour, l'honorable M. Van Humbeeck avait déposé un amendement tendant au rétablissement du jury centrale, et si plusieurs membres l'ont rejeté, c'est peut-être uniquement parce qu'ils préfèrent. que l'expérience des jurys combinés se prolonge pendant trois années encore.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La loi ne prescrit pas les jurys combinés.

M. Tack. - Donc, comme je le disais tout à l'heure, vous demandez un blanc-seing.

M. le ministre reconnaissait, il y a quelques jours à peine, que le point culminant de nos débats c'est la composition et la formation du jury ; ; c'est là, en effet, la source de toutes nos divergences, de toutes les difficultés que nous avons à résoudre.

Et que fait M. le ministre ? Il nous demande une délégation qui lui permette de décider, seul, cette question comme il l'entend. Eh bien, cela-est-il constitutionnel ; n'est-ce pas revenir au régime des arrêtés et des décrets-lois ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais c'est la loi actuelle !

M. Tack. - M. le ministre de l'intérieur présente une autre objection : d'après lui. les matières du programme ne sont pas susceptibles d'un examen oral. Or, quelles sont ces matières ? La géométrie, l'algèbre, une composition française, un thème, une version grecque et une version latine. Voilà les cinq branches qui forment l'objet de l'examen.

Quant à la composition française, évidemment elle ne peut pas faire l'objet d'un examen oral ; mais quant aux autres matières, je. n'y vois pas le moindre obstacle. Ainsi, quelle difficulté y a-t-il à ce qu'on envoie l'élève au tableau pour y résoudre un problème d'algèbre, de géométrie ? Cela se fait tous les jours, dans tous les établissements d'enseignement moyen. Quant à la version, rien n'empêche que l'on fasse traduire à livre ouvert les auteurs latins les plus faciles ? Je soutiens que l'étudiant qui, au sortir de la rhétorique, est incapable de traduire plus ou moins bien les commentaires de César, Salluste, Tite-Live, les Epitres de Cicéron, prouve par là qu'il n'a pas fait de bonnes études classiques. Au surplus, le jury tiendra naturellement compte de la différence qu'il faut établir entre une traduction à vue et une traduction faite avec préparation.

Il existe un autre moyen d'éviter la difficulté : Laissez au récipiendaire le choix de certains auteurs ; permettez-lui de préférer trois ou quatre auteurs ou certains passages d'auteurs. Cela se pratique de la même manière pour les examens du droit.

Ainsi, pour le droit romain, l'élève est interrogé sur une partie des matières du Corpus juris, sur certains livres des Pandectes indiqués d'avance.

Ne pourrait-on pas admettre une mesure analogue, pour ce qui concerne l'examen du grade d'élève universitaire ? Je ne vois pas qu'il y ait rien d'obstatif à cette mesure, et quant au thème, qu'est-ce qui empêcherait le jury, s'il soupçonnait quelque fraude de la part du récipiendaire, de revenir sur son travail, de lui demander des explications ?

Qu'est-ce qui l'empêcherait, par exemple, à titre de vérification, de contrôle, de complément de l'examen écrit de lui faire traduire quelques phrases élémentaires du français en latin. Cela serait d'autant plus naturel que vous obligez l’élève à traduire par écrit sans dictionnaire.

Peut-être pourriez-vous, comme le propose l'honorable M. Van Humbeeck, substituer, dans l'examen oral, au thème des exercices philologiques ou des explications d'auteurs grecs et latins.

Vous iriez ainsi au-devant d'un reproche qu'on fait aujourd'hui au programme, lorsqu'on dit qu'il est tellement insignifiant que vous vous exposez à abaisser le niveau des études ; je sais bien que (page 427) M. le ministre de l'intérieur nous dira que ce sont les établissements privés qui ont demandé la simplification du programme Mais je ne puis pas admettre l'assertion de M. le ministre dans le sens qu'il y attache.

Les établissements privés n'ont pas demandé que vous réduisiez l’examen d'élève universitaire à une épreuve insignifiante, incomplète ; ce qu'ils ont demandé, c'est que l'on donnât moins d'importance aux mathématiques et que l’on rendît l'examen plus littéraire.

Il est à ma connaissance qu'il y a 25 ans que dans certains établisse men(s privés d'instruction moyenne, il y avait déjà des sections professionnelles et des sections d'humanités ; qu'on y enseignait tontes les branches de l'histoire ; l'histoire, ancienne, l'histoire du moyen âge, l'histoire moderne, et plus spécialement l’histoire de Belgique ; qu'on y donnait un cours d'économie politique ; qu'on y enseignait la physique et l'astronomie. ; et qu'il y avait non seulement, des cours de géométrie plane et à trois dimensions, mais encore des cours de trigonométrie rectiligne et sphérique ; qu’on y enseignait jusqu’u calcul infinitésimal.

Cessons donc ces récriminations contre les établissements privés. Apprécions le mérite des établissements officiels ; mais pour les exalter, pour reconnaître les services qu'ils rendent, il n'est pas besoin de déprécier les établissements qui sont le produit de la liberté.

Je me résume, je demande avec l'honorable M. Van Humbeeck, qu'à l'examen écrit, soit ajouté, l'examen oral, comme contrôle, comme correctif et corollaire nécessaire de l'examen écrit, comme sauvegarde contre la collusion ou la connivence qu'on pourrait accidentellement rencontrer au sein du jury, comme garantie d'impartialité, de justice et d'égalité offerte aux établissements officiels et aux établissements privés, aux aspirants gradués et à leurs familles ; comme, moyen d'atteindre le but que vous vous proposez de rendre l'examen sérieux, ou si vous voulez, de maintenir et de relever les études, enfin comme un hommage rendu au grand principe de publicité ouï est la pierre angulaire de nos libres institutions.

M. Devaux. - Il y a longtemps que le poète a dit :

« Est bien fou du cerveau

« Qui prétend contenter tout le monde et son père. »

Il est au moins fort difficile de satisfaire certaines personnes de l'opposition.

L'honorable M. Tack vient d'indiquer le projet du gouvernement avec beaucoup de chaleur. Mais à quoi s'adressent ses reproches ? Il n'en est pas un qui ne s'en prenne à une concession que le gouvernement a eu l'intention de faire au parti de M. Tack.

Si le gouvernement n'en avait pas agi ainsi, s'il avait peu modifié les anciennes dispositions sur le jury universitaire, on n'aurait pas en d'expressions assez vives pour le blâmer d'avoir résisté à tant de réclamations.

Au lieu de cela le gouvernement cherche à satisfaire à toutes les réclamations fondées, et chaque fois qu'il fait une concession, voilà M. Tack qui s'écrie : « Pourquoi vous éloignez-vous de l'ancienne loi, que ne restez-vous dans l'ancienne loi ? »

L'honorable membre se plaint aujourd'hui de ce qu'il n'y ait qu'une seule épreuve. Mais son parti ne s'était-il pas récrié contre la complication et les exigences de l'examen ? Ne devait-on pas croire qu'on entrait dans ses vues en le simplifiant et en réduisant les deux épreuves à une seule ?

M Tack trouve mille inconvénients à un jury unique, et il en voudrait trois, comme autrefois. Mais cette triplicité de l'ancien jury est une des parties de l'ancien système contre lesquelles les amis politiques de M. Tack se sont le plus récriés. Et le gouvernement a tout fait pour écarter ce grief qui semblait leur tenir tant à cœur ; du moment qu'il n'y avait qu'un jury unique, il fallait bien se borner à l'épreuve écrite seule, car l. temps aurait manqué à un seul jury pour examiner tant d'élèves à la fois oralement et par écrit ; et d'ailleurs, pour interroger oralement, il eût fallu ou que le jury passât une partie de son temps à voyager, ce qui lui eût permis moins encore de faire à lui seul tous les examens, ou il eut fallu déplacer tant d'élèves et les amener tous à Bruxelles, ce. qui n'était guère proposable,.

Si aujourd'hui on a changé d'avis sur la diversité de jurisprudence qu'on a si vivement reprochée à l'ancien système de. trois jurys si l'on ne s'effraye plus de ce qu'il pourra y avoir d'un côté un degré de sévérité de plus que, de l'autre, si, en un mot, on préfère trois jurys à un seul, je ne vois, quant à moi, et je crois que le gouvernement sera de cet avis, aucune difficulté à préférer l'ancien système des trois jurys, qui, au fond, vaut mieux, et qu'on n'avait abandonné que par égard pour les objectons des amis politiques de M. Tack. Avec ce système, l'organisation devient plus facile, et l'on peut plus aisément, si l'on trouve aujourd'hui qu'une épreuve écrite ne suffit pas, y ajouter une épreuve orale. De cette manière on pourra rétablir l'ancienne publicité, à laquelle l’on n'avait renoncé que pour pouvoir établir ce jury unique qu'on croyait être une concession aux opinions de la droite. La publicité, on l'avait remplacée par une autre garantie : c'était le secret du nom des élèves qui restait cacheté pendant qu'on jugeait leurs travaux. Je ne sais si cette garantie, avec la composition impartiale des jurys, ne valait pas celle de la publicité sous le régime de laquelle chaque membre du jury connaît le nom de l'élève et sait à quel établissement il appartient.

M. Tack veut aujourd'hui qu'on inscrive dans le programme, comme le demande M. Van Humbeeck, des explications d'auteurs latins et grecs. Mais c'est encore pour les réclamations qui s'étaient élevées, et qui cette fois ne manquaient pas de fondement, qu'on a retranché les explications de l'ancien programme.

Les professeurs de rhétorique s'étaient plaints que leurs élèves devant expliquer devant le jury certaines parties d'auteurs déterminés, on ne fît plus dans leur classe pendant toute l'année que repassez les mêmes parties et que, toujours préoccupés de l'examen, les élèves n'écoulaient plus qu'avec distraction les développements littéraires auxquels leurs professeurs eussent voulu consacrer une partie du temps des classes.

N'v a-t-il pas de l'aveuglement et de la partialité de la part de l'honorable membre de reprocher au gouvernement d'avoir retranché ces exercices dont on se plaignait pour y substituer les travaux écrits qui n'offrent pas les mêmes inconvénients ? Est-ce justice de voir ainsi une espèce de conspiration permanente du gouvernement dans la bienveillance et le soin avec lequel il cherche à satisfaire aux réclamations de ses adversaires ?,

Messieurs, si on peut trouver des exercices oraux qui n'ont pas l'inconvénient qu'on avait signalé et qui est très réel, d'obliger les professeurs à revenir toujours sur les mêmes parties d'auteurs pour en apprendre l'explication par cœur aux élèves, je ne verrais pas d'obstacle absolu à ajouter l'épreuve orale, quoiqu'il soit assez bizarre que ce soient ceux qui se plaignaient le plus de la sévérité de l'ancien examen et qui ne voulaient pas d'épreuve du tout, qui en réclament aujourd'hui deux au lieu d'une seule.

Messieurs, si cependant on veut une épreuve orale il faut profiter de l'expérience du passé et prévenir les inconvénients dont on s'est plaint. Sous l'ancienne loi, voici comment on comprenait les explications d'auteurs latins.

L'élève désignait lui-même trois auteurs de la classe de rhétorique et dans chacun d'eux une douzaine de pages qui lui avaient été expliquées dans l'année ; c'était exclusivement sur ces 30 à 40 pages qu'il était interrogé, et comme-je le disais tout à l’heure, c'était dans ce cercle étroit que les professeurs de rhétorique étaient en quelque sorte, forcés de se renfermer toute l'année sous peine d'être écoutés avec défaveur et peu d'attention par leurs élèves.

Il faut évidemment éviter de retomber dans cet inconvénient. M. Van Humbeeck propose de dire des explications à livre ouvert, et par là il entend sans doute que ce serait les examinateurs et non les élèves qui désigneraient les passages à expliquer ; mais M Jacquemyns lui a objecté avec beaucoup de raison qu'un bien petit nombre d'élèves seraient capables d'expliquer à livre ouvert des auteurs de la force de ceux qu'on explique en rhétorique.

Les élèves sont même loin de pouvoir le faire après une année d'études universitaires dans l'examen de la candidature en philosophie. Là, la loi a exigé des explications d'auteurs, d'une part, et de l'autre une traduction à livre ouvert. Pour la première, l'élève désigne ce que dans l'année son professeur a expliqué à l'université et les examinateurs s'y renferment.

Quant à la traduction livre ouvert, elle se fait sur des auteurs beaucoup plus faciles, et on descend même jusqu'à César, c'est-à-dire jusqu’à un auteur de quatrième, et quand on en emploie de moins faciles on choisit quelques pages qui offrent le moins de difficultés, ou on vient en aide à l'élève dans les autres endroits. Avec la rédaction de l'honorable M. Van Humbeeck, on serait obligé de prendre l'un ou l'autre de ces deux partis ; il faudrait descendre à des auteurs de troisième ou de quatrième et alors on ne sait pas trop ce que prouverait l'examen, ou, si on prenait des auteurs de la force de ceux qu'on doit expliquer en rhétorique, sans que l'élève eût été préparé, les élèves qui tomberaient sur des passages faciles pourraient s'en tirer, très peu sortiraient avec honneur de l'explication des autres ; tous dépendrait donc du hasard ou du choix que feraient les professeurs.

(page 428) Les travaux écrits ont ici de grands avantages. D'abord, ils sont les mêmes pour tous, personne n'est favorisé par le hasard ou par le choix des examinateurs. Dans l'épreuve orale, on ne peut introduire une composition qui est cependant le travail le plus important pour juger du degré de développement de l'intelligence et du goût de l'élève La composition par écrit et la traduction écrite n'ont rien qui pousse à des exercices de mémoire, ni qui gêne l'enseignement du professeur. Il n'en peut résulter que la meilleure influence sur les études.

Car pour se préparer à l'examen, ce que l'élève a de mieux à faire c'est d'apporter le plus de soin possible aux devoirs que le professeur lui prescrit chaque jour.

Le danger de fraude est moins à craindre dans l'enseignement moyen que pour les élèves des universités.

D'abord parce qu'à cause de l'âge ils sont moins habiles, et que la surveillance leur impose davantage ; mais il y a surtout cette différence que dans les examens sur les études universitaires, les réponses qu'ont à faire les élèves, ils peuvent les trouver dans leurs cahiers, et si ces cahiers sont en leur possession pendant le travail de l'examen, ils y copient leurs réponses ; mais il n'y a pas de cahiers qui contiennent les traductions et les compositions qu'auront à faire les élèves de rhétorique.

Que si deux ou trois élèves parvenaient à réussir par fraude, quel en serait le résultat ? Ils n'acquerraient par là d'autres droits que de se présenter plus tard à des examens où ils échoueraient s'ils n'étaient pas aptes aux études universitaires.

Cela n'empêcherait pas l'examen d'avoir une utile influence à la fois sur les études universitaires dont il écarterait la masse d'élèves les moins capables et sur l'enseignement moyen, en y excitant les efforts des professeurs et des élèves.

Messieurs, je dois signaler une omission ou une distraction dans l'amendement de M. Van Humbeeck.

L'honorable membre veut une épreuve orale et une épreuve écrite ; mais pour la partie la plus importante de l'examen, pour le latin, je ne vois pas ce qui pouvait se faire par écrit d'après sa rédaction.

L'explication se fait à livre ouvert ; cela exclu tout travail écrit Qu'entend l'auteur de l'amendement par expliquer à livre ouvert ?

M. Van Humbeeckµ. - Traduire sans dictionnaire.

M. Devaux. - A livre ouvert suppose que la traduction se fasse oralement et d'abondance.

Si l'on a du temps pour se recueillir, ce n'est plus à livre ouvert. Il faudrait donc effacer à livre ouvert, car je ne vois plus de différence entre une traduction préparée et une traduction à livre ouvert si on l'entend de cette manière.

Dans tons les cas, messieurs, il faudrait tâcher d'arriver à une rédaction évitant à la fois les deux inconvénients que j'ai signalés, c'est-à-dire qui ne forçât ni de descendre au-dessous des auteurs de la classe de rhétorique ni de renfermer l'examen dans des parties d'auteurs que l'élève désigne lui-même ou qu'il a connues à l'avance.

Messieurs, si les honorables adversaires de l'institution pensent que le gouvernement a pris trop de précautions pour satisfaire à leurs anciennes plaintes, s'ils veulent proposer des amendements tendant à se rapprocher davantage de l'ancien examen sans toutefois reproduire ses vices réels, j'attendrai leurs propositions et je suis fort disposé à m'en rapprocher ou à y adhérer.

M. de Theux. - Messieurs, l'honorable membre se plaint avec amertume de ce que ceux qui ont été opposés à la première organisation du grade d'élève universitaire critiquent maintenant le système proposé par le gouvernement, soit pour les matières, soit pour le mode d'examen.

Pour moi je ne crois pas que nous soyons placés dans l'alternative d'opter entre les deux organisations ; si nous discutons, c'est parce que nous avons le droit de substituer d'autres propositions à celles qui nous sont soumises.

L'honorable membre dit : « On s'est plaint de ce que, sous l’ancien régime, il y avait trois jurys ». Ce n'est point là la plainte principale, car cette plainte pourrait se produire encore aujourd'hui relativement aux jurys combinés pour les universités.

Cependant, malgré les observations faites dans ce sens, la Chambre a maintenu les jurys combinés parce qu'elle y a trouvé des avantages supérieurs à l'inconvénient que l'on signalait de quelques légères différence de jurisprudence. On s'est plaint surtout de deux choses : la première était la composition du jury.

En effet l'enseignement libre n'avait que deux représentants dans un jury de 7 membres ; voilà la plainte capitale. Une autre plainte à peu près d'égale force, mais à un autre point de vue, portait sur l'étendue et la diversité des matières. On disait que l'examen n'était plus qu'une affaire de mémoire, que tout se bornait à des efforts de mémoire.

Eh bien, messieurs puisque la Chambre a adopté le rétablissement du grade d'élève, universitaire, tâchons d'obvier à ces deux inconvénients.

Nous n'avons pas, à présent, à nous expliquer sur les matières d'examen, puisqu'il a été décidé que l'on s'occuperait, avant tout, de la question de savoir si l'examen serait écrit ou oral.

Eh bien, messieurs, il importe de bien se rendre compte des conséquences du vote que l'on émettra sur cette question : L'examen sera-t-il écrit ou oral ? L'examen écrit, c'est l'examen central indiqué par M. le ministre de l'intérieur dans l'exposé des motifs ; l'examen oral c'est évidemment la division des jurys soit par ressort de cour d'appel, soit par province, ce que, pour mon compte, je préférerais, et les jurys en quelque sorte combinés.

J'ai examiné, messieurs, les avantages de l'un et de l'autre système et leurs inconvénients : c'est à cela que je me suis particulièrement attaché. Ainsi que je l'ai dit dans la discussion de l’article 2, l'examen central semble, de prime abord, présenter plus de garanties d'impartialité en même temps qu'il pst plus favorable à l'uniformité.

La garantie d'impartialité consiste en ce que le jury central ignore non seulement le nom de l'établissement auquel l'élève appartient, à ce point de vue toute garantie d'impartialité semble assurée ; mais, messieurs, il peut cependant y avoir, ainsi que je l'ai signalé incidemment, une partialité réelle, c'est dans la composition du programme. Si le programme est pris principalement dans le programme d'enseignement des établissements confiés aux soins du gouvernement, il est évident nue les établissements libres ne se trouvent pas dans les mêmes conditions, au point de vue de l'examen, que les établissements officiels.

Il est évident que la composition d'un programme peut renfermer une grande partialité. Il peut y avoir encore des indiscrétions. Des rapports nombreux existent entre les établissements dépendants du gouvernement et l'administration centrale, et entre celle-ci et les membres du jury nommés par le gouvernement.

Cela peut être la contrepartie de cette impartialité qui semble garantie par l'ignorance du jury du nom de l'élève et du nom de rétablissement.

Mais, messieurs, l'organisation d'un jury central est, de fait, impossible : la reddition des prix dans les collèges et dans les athénées se fait dans le courant du mois d'août. Il est beaucoup de ces établissements dans lesquels les prix ne sont pas rendus avant le 20 août ; aussi le gouvernement est-il dans l'intention d'envoyer les jurys chargés de surveiller les élèves pendant leur travail dans chaque province, à partir du 25 août.

Dans certain ressort de cour d'appel, ils auront à se rendre successivement dans quatre chefs-lieux ; dans un ressort, ils auront à se rendre dans trois chefs-lieux, et dans le deuxième dans deux chefs-lieux. Avant donc que les opérations des jurys-surveillants soient terminés et que les composions soient expédiées à Bruxelles, on sera arrivé au mois de septembre. Il faudra alors que l'on convoque le jury chargé du jugement des examens. Or, il se présentera annuellement 400 à 500 élèves. Le jury central aura donc plus de 30 compositions à examiner et plus de 30 jugements à prononcer par jour, pour que les opérations soient terminées pour le commencement d'octobre.

Je crois que la charge est trop forte, la fatigue devra nécessairement s’emparer des membres du jury et les jugements ne pourront peut-être pas être prononcés avec toute la maturité désirable.

Un autre inconvénient, c'est que les familles et les jeunes gens vont être dans l'incertitude, jusque dans le mois d'octobre, sur le point de savoir s'ils pourront suivre ou non les cours de l'université. Cependant il y a des arrangements à prendre dans ce cas ; il importe que les jeunes gens sachent en temps utile s'ils peuvent se faire inscrire à l'université.

Il y a d'autres inconvénients encore : on ne pourra pas s'assurer, à défaut de publicité, de la justice relative apportée par le jury dans l'appréciation des diverses compositions.

Je sais que les noms des établissements restent inconnus et que dès lors le jury n'a aucun intérêt à être partial. Il y a cependant cet inconvénient qui est extrêmement grave : c'est qu'il importe aux collèges, ainsi qu'aux jeunes gens, de savoir quel est le degré de sévérité (page 429) dans les appréciations du jury central. Or, comment le savoir ? Ce sont des compositions par écrit qui restait dans le secret ; les jugements sont prononcés à huis clos : ils n'ont pas besoin d'être motivés.

Il est impossible que les professeurs et les élevés sachent jusqu'à quel point le jury se montre sévère dans l'examen des compositions, et par conséquent quel est le degré d’instruction qu'on doit avoir pour se présenter avec confiance à l'examen. Ceci est un inconvénient extrêmement grave.

Maintenant examinons l'épreuve mixte, c'est-à-dire l’épreuve écrite et orale, et examinons le système des jurys combinés.

Je pense que d'après l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck, il est entendu que l'examen écrit sera la partie principale, que l’examen oral aura pour objet de contrôler la sincérité des compositions par écrit, de s'assurer que des fraudes n'ont pas été commises, car si l'élève a bien répondu par écrit, et qu'on lui pose en même temps oralement une question simple sur la même matière, sans qu'il sache y répondre d'aucune manière ; qu'on lui en pose deux ou trois autres et qu'il se trouve dans le même embarras, il est clair qu'il y a eu fraude dans sa composition écrite.

Si, au contraire, la composition écrite a été mauvaise, et s'il y a lieu de croire que le récipiendaire a plus de moyens qu'il n'en a montré dans sa rédaction, le jury s'en assurera, en lui posant oralement quelques questions.

Voilà les garanties que je trouve dans la double épreuve écrite et orale.

Il est vrai que, pour les grades académiques, on a supprimé l'examen écrit ; ici nous le maintenons, parce qu’on ne peut s'en passer complètement. L'honorable M. Devaux a expliqué pourquoi on a supprimé les examens écrits pour les grades académiques. Je voudrais que, pour le grade d'élève universitaire, il fût possible de n'avoir qu'un examen oral ; mais je crois que ce système serait très difficile à organiser. J adopte donc aussi volontiers l'examen écrit et comme complément ou comme correctif l'examen oral.

Je disais qu'il serait peut-être plus utile de nommer un jury combiné par province, au lieu d'organiser un jury par ressort de Cour d'appel. Les élèves sauraient à l'avance quelle est à peu près la portée des questions qu'on leur fera. On objectera peut-être que l'on aurait dans ce système toujours les mêmes examinateurs. On peut corriger cet inconvénient, en faisant alterner, chaque année, plusieurs examinateurs d'une province à une autre, de manière que les mêmes examinateurs ne siègent pas pendant deux années consécutives dans le même jury.

Quant à la publicité, qui est une garantie pour tout le monde, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'elle soit mise en pratique dans l'ordre des mesures que j'indique.

Si vous avez un jury par province, il en résultera ce grand avantage, que les opérations au jury pourront être très facilement terminées en quinze jours et peut-être en moins de temps encore. Alors, les jeunes gens savent de bonne heure s'ils peuvent se rendre à l'université, et les professeurs de l’enseignement moyen ou de l'enseignement supérieur, membres du jury, séront rendus plus vite à leur repos, et pourront recommencer leurs leçons avec plus d'avantage.

Messieurs, je ne m'explique pas, quant à présent, sur les matières de l'examen. Il faut que le principe sur lequel nous venons de nous expliquer soit décidé auparavant. Je suis, d'ailleurs, désireux avant d'exprimer une opinion définitive sur le programme, d'entendre les personnes qui sont plus familiarisées avec ces matières ; il y a même dans cette Chambre des membres qui ont siégé dans le jury d'élève universitaire ou qui ont appartenu à l'enseignement et qui sont parfaitement à même de nous renseigner sur le point de savoir ce qu'il y a de plus pratique, de plus utile dans le choix des matières a examen.

Je bornerai ici mes observations.

Quoique j'aie voté contre l’établissement du grade d'élève universitaire pour les motifs que j'ai suffisamment exposés à la Chambre, je n'hésiterai pas à voter pour les propositions qui me paraîtront les meilleures.

C’est dans cet ordre d’idées que j’ai étudié avec soin les résultats divers de chaque combinaison de jury ; d’une part, le jury central avec le système d'examen par écrit et les jugements sans publicité, et d'autre part le jury combine.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le principe de l'examen d’élève universitaire a été adopté, dans cette Chambre, par une majorité telle, que je ne pense pas qu'on puisse se proposer de revenir sur le principe même.

Cela étant, je ne puis qu’approuver l’honorable préopinant de vouloir bien apporter des lumières dans la discussion et le remercier des intentions qu'il manifeste pour améliorer une institution qu'il a cependant repoussée en principe.

Je remercie aussi l'honorable membre de soutenir un système qui est le nôtre, le système que nous avons établi en exécution de la loi de 1849.

Ce système consiste à répartir les aspirants au grade d'élève universitaire entre trois jurys, et à comprendre dans le programme de l'examen, l'examen oral.

L'honorable membre vient de défendre l'examen oral et le jury multiple. C'est ce que nous avions établi, mais dans un esprit de conciliation que je commence à croire avoir été exagéré et au-delà du but, nous avons voulu réformer cela.

On avait attaqué le système des jurys combinés répartis entre les provinces et les programmes d'examens comme trop sévères.

Nous avons réduit le programment j'ai indiqué, dans l'exposé des motifs, un autre mode de composition du jury.

A ces trois jurys qui déplaisaient je proposais de substituer un jury central.

Maintenant c'est le jury central qui déplaît. Revenons, de commun accord, je ne demande pas mieux, au système primitif de 1849. Nous serons d'accord sur ce point d'autant plus facilement que nous sommes les auteurs du système.

Quant à l'examen oral, je n'éprouve aucune espèce de répugnance à l'introduire dans le programme. Cet examen figurait dans la loi de 1849. Pourquoi en est-il sorti ? Parce qu'on l'a critiqué. Cet examen oral, tel qu'il était institué, forçait les professeurs à s'occuper pendant une année, non seulement du même auteur, mais même de quelques pages du même auteur ; seulement qu'ils répétaient, qu'ils serinaient aux élèves pendant toute l'année.

On disait ; Vous détruisez l'enseignement littéraire, vous matérialisez l'enseignement de la rhétorique. Il faut changer cela.

Voilà pourquoi on a supprimé l'examen oral. Cet examen, dans de bonnes conditions, était une chose excellente, je le reconnais, et dans la discussion générale j'ai eu soin de dire que si les élèves réclamaient l'examen oral, je ne verrais pas d'inconvénient à leur accorder cette faveur.

Veut-ou en faire une condition du programme, je ne m'y oppose pas ; il restera seulement alors à arrêter le mode de procéder à cet examen.

Si l'on veut rétablir cet examen, il y a une chose très simple à faire, c'est de supprimer le dernier paragraphe de l'article 5 qui dit que ces examens ont lieu par écrit.

Restera à régler l'examen oral de manière à éviter les inconvénients qu'on a reprochés au premier mode de procéder, d'éviter que cet examen ne porte que sur quelques passages d'un auteur déterminé, ce qui forçait le professeur à régler tout son cours sur quelques pages d'un seul auteur.

Mais si l'on décide la traduction à livre ouvert, il faudra faire en sorte que l'auteur à traduire soit à la portée du plus grand nombre des élèves de rhétorique, et je ne pense pas que ceux qui veulent dispenser l'élève de tout examen, soient contraires à un examen plus facile.

Messieurs, si je suis d'accord avec l'honorable M. de Theux d'une part, si je suis d'accord sur ce point avec l'honorable M. Van Humbeeck, il me semble que la discussion est bien près d'aboutir. Nous acceptons l'examen oral. La loi ne prescrira plus l'examen écrit. Nous ne décrétons pas le jury unique ; dans mon opinion, exclusivement le jury combiné interrogeant les élevés dans les provinces vaut mieux que le jury central.

Le jury combiné sera d'autant plus nécessaire maintenant que sa besogne s'accroîtra si a l'examen écrit on joint l'examen oral, nous voulons rassurer tout le monde, et nous le déclarons, nous avons souci de la liberté d'enseignement. Je l'ai dit à plusieurs reprises dans cette enceinte, entre la liberté de l'enseignement et le monopole de l'enseignement dans les mains de l'Etat, c'est à la liberté que je donnerais de préférence.

Dans la constitution de l'ancien jury pour le grade d'élève universitaire, ou trouvait que l'élément représentant l'Etat, l'élément officiel était prépondérant.

Eh bien, mon intention serait de constituer le jury pour le grade d'élève universitaire de la même manière que sont constitués les jurys pour les examens de candidat, de docteur, mi-partie de membres appartenant à l’enseignement libre, mi-partie de membres appartenant à l'enseignement de l'Etat, avec un président nommé comme il l'est pour les jurys universitaires.

Ce jury procéderait comme l'ancien jury, il se rendrait au chef-lieu des cours d'appel. Pour les provinces très peuplées, comme les Flandres, (page 430) par exemple, il y aurait un jury à Gand et un à Bruges, en raison du grand nombre d'élèves. Pour les provinces qui ne fournissent pas beaucoup d'élèves, il est inutile que le jury se déplace. C'est aux élèves à se rendre au siège du jury.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire. Plus tard, nous aurons à revenir sur d'autres amendements de l'honorable M. Van Humbeeck ; ceux-là présentent plus d’importance, et je me réserve de prendre de nouveau la parole sur ces amendements quand ils seront mis en discussion.

M. B. Dumortier. - Messieurs, une légère indisposition ne m'a point promis encore de prendre part à ces débats. Si j'avais pu assister à la discussion générale, j'aurais combattu le principe que la Chambre a adopté. Je l'aurais combattu pour plusieurs raisons, bien qu'à une autre époque j'aie été partisan de l'examen d'élève universitaire. Je l'aurais combattu parce qu'il n'a produit que des résultats défavorables, parfois même des résultats incroyables. On a vu, l'observation en a été faite déjà, on a vu, pendant que le grade d'élève universitaire était exigé, un jeune homme, couronné au concours (interruption) de tous les athénées du royaume et qui, trois jours auparavant, n'avait pas été jugé digne du grade d'élève universitaire.

Des faits de cette nature, messieurs, m'ont ouvert les yeux, je l'avoue, et voilà comment de partisan que j'ai été du grade d’élève universitaire j'en suis devenu l'adversaire.

Mais la Chambre a admis le principe ; nous n'avons donc pas à y revenir ; et ici je dirai avec l'honorable M. de Theux que notre devoir est d'améliorer, autant que possible, ce qui a été admis.

Je remercie, d'abord, M. le ministre de l'intérieur de la déclaration qu'il vient de faire ; cette déclaration est pleine de loyauté, et pour mon compte elle me satisfait pleinement.

La première chose, pour moi, dans un jury, c'est la garantie de la publicité. Sans publicité, messieurs, non seulement un jury qui serait mal intentionné pourrait écarter de bons élèves, mais il pourrait encore en recevoir de mauvais. Or, l'intérêt des jeunes gens, l’intérêt des études, exige, avant tout, que le jury donne des gages d'impartialité. Eh bien, ces gages vous ne pouvez les trouver que dans la publicité. Or, quand le jeune homme qui avait fait son devoir écrit venait, en présence du public, en présence de tous ses concurrents, lire sa composition devant le jury, il y avait là une véritable garantie d'impartialité par la publicité donnée à l'épreuve.

Mon honorable ami, M. de Theux, a démontré tout à l'heure, à la dernière évidence, l’impossibilité d'avoir un jury unique. Il vous a dit, en effet, qu'un jury unique aurait tous les jours 30 à 40 jugements à porter. Or, il est de toute impossibilité que le jury accomplisse une pareille tâche tous les jours. Il y a là une impossibilité matérielle évidente. Dès lors, force est bien d'en revenir à plusieurs jurys ; et, quoi qu'en ait dit l'honorable M. Devaux, je n'ai jamais entendu de plaintes sur la diversité de jurisprudence des jurys. On a bien pu dire qu'un jury était plus ou moins sévère qu'un autre ; cela se voit tous les jours ; mais ce n'est pas là-dessus que les plaintes ont porté.

Les plaintes en matière de jury d'examen pour le grade d'élève universitaire n'ont jamais porté sur ce point, mais surtout sur cette considération, que l'institution de ce grade avait profondément abaisse le niveau des études, il était alors démontré que les jeunes gens ne faisaient plus leur rhétorique ; que les élèves non seulement de seconde mais même de troisième et de quatrième, se présentaient devant le jury et étaient parfois reçus. Dès lors, tous les athénées, tous les collèges, tant libres que du gouvernement sont venus réclamer avec instance contre cet état de choses, qui était l'anéantissement des humanités en Belgique.

Un autre grief contre les jurys, grief excessivement grave, portait sur le nombre des matières d'examen ; et ici je ferai remarquer avec l'honorable M. Van Humbeeck que les jeunes gens appartenant à l’enseignement libre se trouvaient dans des conditions complètement insuffisantes. Si mon honorable ami M. de Muelenaere s'était trouvé à cette séance, il aurait pris, à ce qu'il me disait, la défense des véritables humanités et sa voix eût eu certainement plus d'écho que la mienne dans cette enceinte. A quoi sert de faire entrer dans les examens tant de matières qui sont étrangères aux humanités ?

Les humanités initient l'homme à toutes les facultés de l'intelligence ; elles le forment pour l'avenir ; et la preuve qu'un jeune homme peut très bien se contenter de ses humanités, c'est qu'aucun des grands écrivains du siècle de Louis X1V n'était mathématicien ni statisticien remarquable, tandis que tous étaient d'éminents humanistes.

Quand nous en viendrons aux articles qui sont relatifs aux matières, je me propose d'entrer plus avant dans l'examen de cette question ; je ne fais maintenant qu'énoncer mon opinion sur ce point. Si vous voulez relever les études, attachez-vous uniquement aux humanités ; si vous sortez de là, vous affaiblirez inévitablement les études.

Comment ! Il faut un temps où l'on interrogeait sur la géographie, par exemple, et voici un fait qui vous donnera une idée des questions que l'on posait. A un jeune homme que je connais parfaitement, on a demandé quel était le 64ème département de la France (Interruption) Le jeune homme a répondu. Cela dépend d'où vous voulez commencer. (Nouvelle interruption). Eh bien, il a eu une très mauvaise note pour avoir ainsi répondu.

Autre fait : On demande à un autre jeune homme : dites-nous quelles sont les villes qu .sont baignées par l'Arno. Eh bien, je le demande, cela est-il sérieux ?

Si l'on demandait aux membres de cette Chambre quelles sont les villes que baigne la Meuse, j'affirme qu'il n'y en a pas un seul qui saurait répondre à cette question. (Interruption.)

Oui, vous direz très bien quelles sont les villes du pays de Liége que baigne la Meuse, mais je vous défie de compléter la réponse pour tout le parcours de la rivière jusqu'à sa source.

Voilà, messieurs, quel genre de questions on posait aux élevés.

C'est vouloir meubler la tête des élèves d'une foule de futilités aux dépens des humanités. Je le répète, il faut porter la hache dans ces matières superflues et inutiles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On l'a fait.

M. B. Dumortier. - Cela reste pour les jeunes gens qui n'ont pas de certificats d'études.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sans doute.

M. B. Dumortier. - C'est ce que je ne veux pas. Je ne veux pas qu'on vienne vous demander quel est le 64ème département de la France.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il ne faut pas discuter sur une question faite par un imbécile.

M. B. Dumortier. - Je vous dirai le nom, vous verrez que ce n'est pas un imbécile.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Discutons sérieusement.

M. B. Dumortier. - Quand on n'est pas de l'opinion de M. le ministre de l'intérieur, c'est fâcheux.

L'essentiel est de fortifier les lettres latines qui constituent les humanités.

Encore une chose essentielle si vous voulez le bien-être du pays dans quelques années, ce sera d'exiger un examen en langue flamande.

La connaissance des langues parlées dans le pays est plus importante que celle de beaucoup de matières dont beaucoup de jeunes gens n'ont aucun besoin. (Interruption.) Ce sont les membres de la Chambre des représentants qui n'ont pas, comme vous, le bonheur de connaître la langue flamande qui veulent diriger les études des jeunes gens.

Pour le présent, je crois que la question se trouve en partie résolue par la déclaration de M. le ministre de l'intérieur.

Cependant, pour améliorer la loi, je me demanderai s'il n'y a pas un moyen terme à employer. Je soumets cette opinion à M. le ministre de l'intérieur et à la Chambre. Ce serait de commencer par l'examen écrit ; comme il ne s'agit que d'aptitude, l'examen oral devient inutile si l'examen écrit a été satisfaisant ; si, au contraire, il n'a pas été satisfaisant, on lui fera subir un examen oral.

Je soumets cette opinion à M. le ministre de l'inférieur. Par là on simplifierait les examens, on ne mettrait pas à la torture de l'examen oral l'élève qui aurait satisfait à l'examen écrit.

Je vois que cette proposition rencontre de la sympathie, je vais la formuler par écrit.

M. Guilleryµ. - D'après la déclaration de M. le ministre de l'intérieur on est d'accord sur la question de la publicité. Je ne sais si j'ai bien compris. Il admet, ce me semble, l'examen oral et public. (Oui ! oui !) Je renonce à la parole, je la demanderai pour parler sur les explications d'auteurs proposées par l'amendement de M. Van Humbeeck.

Je crois qu'il y a lieu de voter maintenant sur l'oralité de l'examen.

M. Tack. - D'après la déclaration qu'il vient de faire, M. le ministre de l'intérieur reconnaît la nécessite d'un examen oral et public. La thèse que j'ai défendue est donc pleinement justifiée.

L'honorable M. Devaux n'aurait donc pas dû supposer qu'en la présentant j'étais dominé par un aveuglement partial.

Je n(ai certes pas la fatuité de croire que je possède la centième partie de l'expérience ni des connaissances de l’honorable membre, mais je le prie d'être persuadé qu'au moins mes convictions sont sincères, et (page 431) que si je me suis prononcé pour un système plutôt que pour un autre, c'est que j'ai cru devoir le faire en acquit de ma conscience.

J'étais d'accord au fond avec l'honorable M. Van Humbeeek qui a pris l'initiative de la proposition à laquelle l'honorable ministre de l'intérieur déclare n'être pas éloigné de vouloir se rallier.

D'après l'honorable M. Devaux, ce seraient les établissements privés qui auraient demandé toutes les simplifications introduites au programme.

M. Devaux. - Je n'ai pas dit un mot des établissements privés.

M. Tack. - Vous avez dit que c'est nous qui avons demandé la réduction du programme, que c'est l'opinion que nous représentons qui a formulé cette prétention. N'est-ce pas notre opinion qui plaide ici la cause des établissements privés ?

L'honorable M. B. Dumortier vient de replacer la question sur son véritable terrain. J'affirme avec lui que tous les établissements privés et publics qui ont été consultés se sont élevés contre la composition du programme des examens qui avait fait dégénérer les études en stériles efforts de mémoire.

Voici l'opinion d'une commission spéciale, consultée en 1857 :

« L'examen n'est plus qu'un immense effort de mémoire, qui a ôté à l'élève toute spontanéité, qui a détruit toute sa puissance d'initiative, qui a amorti son imagination et épuisé son intelligence. IL sait tout et ne s'est rien approprié. »

On n'est donc pas en droit de soutenir que c'est notre opinion isolément qui a demandé des modifications aux programmes d'examens, ni que les changements qu'on y a introduits l'ont été à titre de concession en sa faveur.

Au reste, voulez-vous la preuve que les établissements privés ne sont pas les promoteurs de cette simplification excessive dont on les accuse ?

J'ouvre l'enquête faite en 1857, pour voir quels ont été les avis qu'ils ont émis. A la page 5 se trouve le premier de ces avis ; c'est celui du préfet des études du collège de Notre-Dame à Anvers, qui s'exprime comme suit :

« Je ne crois pas que jamais on s'entende sur la formation d'un programme ; et ne fût-ce que pour cette raison, il faudrait abandonner l'idée d'un jury.

« Voici toutefois mon opinion :

« La partie littéraire doit faire la base de ce programme, comme elle est le fondement des humanités. Il suffît pour les branches positivés d'acquérir durant les études de collège des connaissances élémentaires que plus tard ou puisse développer.

« Je ne demanderais donc pour l'examen écrit que :

« 1° Un discours latin.

« 2° Un thème grec.

« 3° Une composition française.

« En écartant les branches positives on aurait encore l'avantage de prévenir la fraude.

« L'examen de vive voix porterait sur les auteurs latins, grecs et français que d'ordinaire on voit en rhétorique. Une explication littéraire serait exigée, au moins pour l'auteur latin et français. L'appréciation serait difficile, je l'avoue ; mais ce n'est pas une raison pour se contenter d'explications grammaticales.

« Pour l'histoire et même pour les mathématiques, je voudrais que l'examinateur fût obligé de se renfermer dans un questionnaire déterminé. Il est vrai que de cette manière le gouvernement dirigerait l'enseignement du pays ; c'est un mal, à mon avis, mais un mal inhérent au jury. »

Vous voyez que le but que voulait atteindre le préfet des études du collège de Notre-Dame à Anvers, était de donner aux examens un caractère plus littéraire qu'auparavant et nullement d'arriver à une simplification poussée à l'excès ; le programme qu'il propose est beaucoup plus étendu que celui qu'admet le projet de loi.

Consultez tous les avis qui ont été donnés, ils sont dans le même genre. Ne venez donc pas dire que nous ou ceux dont nous croyons défendre la cause, nous avons demandé un programme nul, un programme insignifiant.

Je me serais mis en contradiction en demandant un jury multiple au lieu d'un jury unique. C'est de ce côté de la Chambre, dit l'honorable M. Devaux, qu'on a combattu le jury multiple.

Mais nous avons tous voté l'article premier du projet de loi qui admet le jury combiné pour les grades académiques. Quant à moi, je n'ai demandé en principe ni jury unique, ni jury multiple ; je me suis demandé s'il est possible qu'un jury unique suffise pour présider aux examens pour le grade d'élève universitaire.

Je crois qu'il est démontré, et je pense que M. le ministre de l’intérieur est de cet avis, qu'un jury unique ne pourrait pas suffire à la besogne que lui serait imposée, et que par nécessité, forcément, du moment que l'on admet le grade d'élève universitaire, il faut bien multiplier le nombre de jurys.

J'aurais, d'après l'honorable M. Devaux, parlé de conspiration. Je ne pense pas que ce mot me soit échappé ni qu'on puisse inférer des paroles que j'ai prononcées, que j'aie voulu soupçonner de conspiration qui que ce soit. Qu'ai-je demandé ? Des garanties d'impartialité, de justice, d'équité au moyen de la publicité. Je ne suis point allé au-delà.

Messieurs, en présence de la concession que vient de faire l'honorable ministre de l'intérieur, qui se rallie à l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck, je crois inutile d'entrer plus avant dans ce débat ; ce serait faire perdre du temps à la Chambre.

M. Devaux. - Je me félicite avec l'honorable membre que nous nous trouvions d'accord. Ce n'était que par concession à l'opinion d'une partie de cette Chambre qu'on pouvait être partisan du jury unique. Du moment que cette partie de l'assemblée se rallie au jury multiple, cela facilite singulièrement toute l'organisation de cet examen.

Maintenant donc nous aurons à voir de quoi se composeront l'examen écrit et l'examen oral, et j'appelle surtout l'attention de l'assemblée sur ce point que, pour ne pas donner naissance aux plaintes qui se sont élevées autrefois, il ne faut pas renfermer la traduction dont il s'agira pour l'épreuve orale dans des parties d'auteurs déterminées à l'avance ; sans cela dans les classes, on passera une grande partie de l'examen à l'explication de ces fragments et on négligera d'autres parties importantes des études.

Je pense qu'on pourrait décider d'abord quel sera l'objet de l'examen par écrit et puis voir ce qu'il faudra ajouter pour l'examen oral.

L'honorable M. B. Dumortier vient d'énoncer une idée ; ce serait de n'exiger l'examen oral que dans les cas où le jury juger ait que l'examen par écrit n'a pas suffi. J'attendrai la suite de la discussion pour apprécier ce système.

M. de Haerne. - Messieurs, tout en étant d'accord sur le fond avec ce que vient de dire l'honorable M. Dumortier, je crois cependant que cette idée d'un examen oral exceptionnel ne peut pas être admise. Que la Chambre me permette d'en faire connaître le motif.

J'ai eu l'honneur de dire dans l’avant-dernière séance que j'attachais aussi un très grand prix à l'examen oral et public, et j'en ai exposé brièvement les principales raisons.

Je vous ai dit, messieurs, que j'envisageais surtout cet examen comme une garantie de la sincérité de l'examen écrit. J'ai dit que souvent, si les examinateurs croient qu'il y a eu fraude dans l'examen écrit, l'examen oral était pour eux un moyen de constatation à cet égard.

Mais, ai-je ajouté, la chose n'est pas toujours très claire, elle est souvent douteuse. Vous comprenez que si l'examen oral n'était pas généralisé, s'il était exigé seulement de quelques élèves, ces élèves seraient déclarés en quelque sorte suspects. Ce serait donc, dans le cas de doute, leur infliger une espèce de flétrissure, quelquefois non méritée.

C'est là un motif suffisant, me paraît-il, pour que l'examen oral soit général. C'est du reste ce qui avait lieu sous l'ancien régime d'élève universitaire.

Messieurs, j'avais l'intention de parler dans le sens de mon honorable collègue M. Tack et de l'honorable comte de Theux. Je me garderai bien de répéter les arguments qu'ils ont si bien exposés ; ce serait abuser des moments de la Chambre. Cependant puisque j'ai la parole, je dirai encore un mot en réponse à l'honorable M. Devaux.

L'honorable membre a dit tout à l'heure que l'on s'était plaint de la diversité de jurisprudence qui se manifestait entre les différents jurys d'élève universitaire, tels qu'ils étaient organisés autrefois, et parfois d'une partialité dont ils semblaient avoir fait preuve.

Il y avait un jury par cour d'appel ; ces jurys étaient donc au nombre de trois ; mais ils étaient provinciaux pour la majorité ; pour quatre membres pris dans les collèges de chaque province, il y avait trois membres appartenant au ressort de chaque cour d'appel, et qui restaient les mêmes dans les diverses provinces de ce ressort. Ainsi, le jury se subdivisait pour chaque province appartenant à une cour d'appui de manière que la majorité du jury était réellement provinciale.

Il en résultait sans doute une certaine diversité ; il est impossible d'avoir une uniformité complète. Vous ne l'auriez pas même dans un jury central tel qu'on le proposait par le projet. Tous les membres d'un (page 432) jury ne s'occupent pas toujours de toutes les compositions ; cela ne se faisait pas du moins dans les jurys tels qu'ils étaient constitués précédemment pour l'examen d'élève universitaire. Les membres du jury avaient assez de confiance les uns dans les autres pour confier la principale partie de la tâche à tel ou tel membre particulier, sauf à revoir ensuite l'ensemble des corrections. Cette manière de procéder était connue, et il en résultait parfois des soupçons injustes à l'égard de certains correcteurs.

Ainsi l'on peut, dans tous les cas, se plaindre jusqu'à un certain point d'une certaine divergence d'appréciation, et y trouver de la partialité.

S'il y a eu des plaintes de ce chef, et j'avoue qu'il y en a eu quelques-unes émanant de personnes sérieuses, ces plaintes portaient sur un inconvénient accessoire, à mon avis, eu égard aux grands avantages qu'on peut atteindre par l'examen oral.

D'autres réclamations ont été faites avec plus de fondement, selon moi. Elles se rapportaient aux inconvénients inhérents à la diversité des procédures combinés avec ceux qui résultaient des éléments mêmes dont les jurys d'élève universitaire étaient composés, en ce que l'élément gouvernemental y avait une grande prépondérance.

Il ne faut pas perdre de vue qu'en matière de jurys, les questions sont complexes, et lorsqu'on examine l'application du programme et le résultat des corrections, on doit en même temps réfléchir à la composition du jury qui influe beaucoup sur l'une et sur l'autre. Souvent le jugement qu'on porte dépend non seulement de la manière de faire les corrections et d'appliquer le programme, mais aussi en grande partie de la composition du jury.

Vous voyez, messieurs, que cette matière est compliquée. Ainsi lorsqu'on s'est plaint de l'inégalité de jurisprudence, de certaines anomalies, de certaines injustices, si vous le voulez, dans les décisions des divers jurys qui existaient autrefois, c'était aussi eu égard à la composition de ces jurys, qui, quoique impartiaux, j'aime à le déclarer, étaient composés de telle manière, comme j'ai eu l'honneur de le dire dans l'avant-dernière séance et comme l'a répété tout à l'heure l'honorable M. de Theux, étaient composés de telle manière qu'il n'y avait, dans chacun, que deux membres appartenant à l'instruction privée ou libre contre cinq autres dont deux appartenaient à l'enseignement officiel et trois étaient pris en dehors de l'enseignement, mais représentaient aussi le gouvernement qui les nommait comme il voulait.

En combinant ce principe de la composition du jury avec la divergence qu'on remarquait dans les procédures, et en attribuant à cette double influence les verdicts portés par les jurys d'examen, puis en comparant entre eux les résultats obtenus devant les divers jurys, souvent on en augurait qu'il n'y avait pas eu une impartialité complète dans tel jury, ni une parfaite égalité entre la manière de procéder de l'un par rapport aux autres. C'était là un grand inconvénient, en ce que les apparences seules semblaient autoriser les soupçons, surtout aux yeux des récipiendaires. De là sont nées, selon moi, les plaintes dont on vient de parler. Mais d'après la déclaration que vient de faire M. le ministre de l'intérieur, l'élément gouvernemental ne sera plus prépondérant. Vous comprenez donc, messieurs, que les plaintes ne pourront plus se produire de la même manière ni avec le même fondement.

Vous voyez que toutes ces questions sont complexes, que de la solution de l'une dépend souvent l'appréciation des autres.

Messieurs, nous discutions surtout, je crois, maintenant ce que nous avons appelé le mode de l'examen, la question de savoir si l'examen doit se faire par écrit ou oralement ou s'il doit être à la fois écrit et oral. Il n'entre pas, je pense, dans l'intention de la Chambre qu'on examine en ce moment les matières du programme. Cette question devant se présenter plus tard, je me réserve de prendre alors la parole, pour faire connaître mon opinion à cet égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, nous devons d'abord constater l'accord de la Chambre sur le principe ; puis nous aurons à organiser le principe et sur ce point je demanderai la remise de la discussion à la prochaine séance. Pour constater dès aujourd'hui le principe qui paraît admis par la généralité des membres de la Chambre, je proposerai de dire au dernier paragraphe de l'article 3 :

« Ces examens ont lieu par écrit et oralement. »

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

La séance est levée à 3 heures 3/4.