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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7 mai 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1197) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, fait l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. de Boe, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Gand appellent l'attention de la Chambre sur des faits qui ont été constatés dans cette ville à l'occasion de la révision des listes électorales et prient la Chambre d'aviser aux moyens d'assurer la pratique sincère et loyale de nos institutions constitutionnelles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale de Thuin demande la construction d'un chemin de fer de Momignies à Manage par Beaumont, Thuin et de cette ville à Mons. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Beaumont demandent que le chemin de fer projeté par la vallée de l'Ourthe passe par Laroche ou près de cette ville ou du moins qu'on établisse un embranchement de Hotton à Laroche. »

« Même demande des membres de l'administration communale et d'habitants de Hives et Halleux. »

- Même renvoi.


« Des habitants de Braine-le-Château prient la Chambre d'indemniser les cultivateurs du tort que leur causent les plantations existantes sur les routes de l'Etat et des provinces, si les propriétaires d'Anvers sont indemnisés du chef des servitudes militaires. »

- Même renvoi.


« La dame Jourdan se plaint d'un droit de patente auquel elle est imposée du chef de fabrication de dentelles et demande qu'il soit ordonné une enquête sur les faits qui motivent cette imposition. »

- Sur la proposition de M. Rodenbach et de M. le Bailly de Tilleghem, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Par messages, en date du 6 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté :

« 1° Le projet de loi qui approuve le traité d'amitié, de commerce et de navigation, conclu entre la Belgique et la Bolivie ;

« 2° Le projet de loi autorisant l'importation, en franchise de droit, des matériaux destinés à la construction et à l'armement des navires. »

- Pris pour notification.

Composition des bureaux de sections

Composition des bureaux de sections pour le mois de mai

Première section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. Rodenbach

Secrétaire : M. Magherman

Rapporteur de pétitions : M. Van Bockel


Seconde section

Président : M. Van Leempoel

Vice-président : M. Nélis

Secrétaire : M. Frison

Rapporteur de pétitions : M. Van Humbeeck


Troisième section

Président : M. Crombez

Vice-président : M. Royer de Behr

Secrétaire : M. Braconier

Rapporteur de pétitions : M. de Rongé


Quatrième section

Président : M.de Naeyer

Vice-président : M. Tack

Secrétaire : M. de Gottal

Rapporteur de pétitions : M. Notelteirs


Cinquième section

Président : M. De Fré

Vice-président : M. de Boe

Secrétaire : M. Thienpont

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt


Sixième section

Président : M. Laubry

Vice-président : M. H. Dumortier

Secrétaire : M. Dupret

Rapporteur de pétitions : M. David

Rapports de pétitions

Rapport de la commission d’industrie sur les plaintes contre la douane dans l’exécution du traité franco-belge

MpVµ. - La parole est continuée à M. Hymans.

M. Hymans. - Messieurs, j'ai provisoirement peu de chose à (page 1198) ajouter aux observations que j'ai faites hier. J'attendrai la réponse de M. le ministre des finances pour répliquer, s'il y a lieu.

J'ai terminé hier, en disant que la commission de l'industrie avait demandé au ministre des finances de donner satisfaction au commerce dans le plus bref délai possible, en ce qui concerne deux points principaux ; qu'elle avait demandé qu'on supprimât la vente en détail des objets saisis et qu'on défendît aux employés de la douane d'assister à ces ventes, et par conséquent, d'acheter, pour leur propre compte, les objets qu'ils avaient préempté pour le compte du trésor.

Que la commission de l'industrie demande qu'à l'avenir les ventes se fassent en gros, et plus en détail, cela est tout naturel, attendu qu'en cela elle se conforme aux principes qui dominent la législation douanière.

M. le ministre des finances, dans une de ses circulaires, dans celle-là même qui donne satisfaction aux réclamations du commerce relativement à l'interprétation de l'article 19 du traité franco-belge, dit que la valeur à déclarer, aux termes de cet article, est celle de la marchandise vendue en gros ; que pour apprécier, à cet égard, la sincérité des déclarations, la douane ne peut pas se préoccuper du prix de détail ou de demi-gros ; qu'elle doit rechercher si la valeur déclarée représente bien celle de la marchandise achetée en gros au lieu d'origine et de fabrication, augmentée des frais de transport.

M. le ministre des finances est donc d'avis que la valeur de la marchandise en gros doit servir de base à la déclaration. Il est dès lors évident que si la marchandise était préemptée, c'est aussi en gros qu'elle doit se vendre et non en détail.

Faisant droit, sous ce rapport, aux réclamations des pétitionnaires, M. le ministre, par une circulaire du 17 février 1862, a exigé qu'à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, qu'à moins de circonstances qui mettent un obstacle insurmontable à ce qu'il en soit autrement, la vente des marchandises préemptées ait toujours lieu en gros, conformément à la circulaire du 26 mai 1861 dont jusqu'à présent il n'avait guère été tenu compte.

On croira qu'après une instruction donnée dans de pareils termes aux officiers des douanes, il ne peut plus être question de vente en détail. Pas du tout ; la circulaire, dans un article subséquent, porte que lorsqu'un intérêt sérieux le commandent, il est permis de comprendre dans un même lot des marchandises de préemptions différentes.

Cela veut dire que par un mélange habile la douane peut dérouter le commerce et varier ses assortiments de manière à satisfaire les acheteurs, comme le disait hier M. Goblet.

La circulaire ajoute encore que si le directeur a des motifs de supposer que les marchandises ne se vendront pas à un prix suffisant, il peut faire procéder à la vente dans une autre localité.

Qu'est-ce que cela veut dire ? La douane, évidemment, commencera toujours par vendre à Bruxelles, parce que c'est là qu'elle rencontrera le plus grand nombre d'acheteurs. Elle vendra dans la capitale parce que c'est là qu'elle aura le débit le plus assuré, le plus lucratif. Mais si elle ne trouve pas à Bruxelles de moyens de réaliser des prix favorables, des prix qui lui permettent d'opérer avec bénéfice, elle a le droit d'aller établir ses marchandises dans d'autres localités, d'aller dans les petites villes, dans les villages, s'adresser à des populations naïves qui soient disposées à lui payer des prix élevés.

C'est ainsi que la douane fait concurrence au commerce sans payer au trésor les frais de patente, sans payer de loyer, sans supporter les frais de toute espèce qui pèsent sur le commerce.

Il y a plus encore, messieurs, toujours pour empêcher que le douanier qui s'est trompé fasse une mauvaise affaire ou fasse faire une mauvaise affaire au trésor, on permet de ne pas adjuger la marchandise si le prix offert est notoirement inférieur à la valeur réelle.

On fait donc des ventes complètement dérisoires, de ventes dans lesquelles on n'est pas tenu de livrer l'objet vendu, et l'on va vendre ailleurs avec plus de succès pour l'industrie de la douane, pour l'industrie, pour le. commerce de la douane.

Depuis que l'on a introduit ce système, le gouvernement n'a pas voulu rester l’associé de la douane dans ces spéculations ; il a trouvé que sa dignité ne lui permettait pas de continuer à faire cette espèce de commerce de compte à demi, et il a aboli la prime qui se payait auparavant au douanier, prime qui se partageait entre le trésor et l'employé ; il a remplacé cette récompense par la création d'un fonds spécial destiné à récompenser le zèle des douaniers les plus intelligents, c'est-à-dire, de ceux qui font le plus de préemptions.

Je dois dire qu'en ce qui concerne le fonds spécial je ne suis pas tout à fait de l'avis des pétitionnaires ; je crois que l'institution de ce fonds spécial est un progrès, je crois que le gouvernement assure une plus grande loyauté aux opérations, par le système qu'il a introduit. Cela va de soi ; le douanier, le vérificateur qui aura préempté souvent avec perte pour le trésor n'aura pas de récompense tandis qu'on récompensera celui qui aura fait des préemptions justes, loyales, utiles, qui aura constaté des fraudes.

Il y a là un progrès, mais à la condition que le vérificateur, qui, en vertu d'un nouveau système introduit depuis le traité franco-belge, ne peut plus préempter pour son propre compte, ne puisse pas non plus venir à l'entrepôt et acheter pour son compte les marchandises qu'il a préemptées au profit du trésor.

C'est à cette condition seulement que l'institution du fonds spécial peut présenter un avantage pour le commerce.

Si vous autorisez les douaniers à préempter comme fonctionnaire public, au profit du trésor, et à acheter comme particulier et à son profit, pour revendre à tous les magasins de la ville et des faubourgs, votre fonds spécial ne donne plus au commerce aucune des garanties que, dans d'excellentes intentions, M. le ministre des finances a voulu lui offrir.

Je reconnais encore que tous ces abus qui paraissent surprendre M. le ministre des finances, sont inséparables du principe même de la préemption.

Ces abus existent partout où la préemption est admise ; ils existent exactement en France comme chez nous ; ils avaient lieu en Angleterre, à l'époque où la préemption y existait, avant qu'on eût supprimé en règle générale les droits à la valeur ; seulement, il y avait cette énorme différence que je vous signalais hier, en vous parlant de la déclaration du poids, qu'en Angleterre, on supposait toujours a priori le négociant de bonne foi, tandis qu'en Belgique on commence par le suspecter et le déclarer fraudeur.

Que se passait-il en Angleterre, à l'époque où la préemption y existait ?

Le négociant faisait une déclaration ; si elle était fausse, la douane, après vérification, lui laissait le droit de majorer sa déclaration. Vous comprenez que dès lors les préemptions devaient y être extrêmement rares. Eclairé de la sorte par des fonctionnaires loyaux et équitables, le négociant ne demandait pas mieux que de majorer sa déclaration, pour ne pas s'exposer à l'amende et à la confiscation ; en outre à la mésestime de ses confrères et à des difficultés constantes avec la douane.

Ainsi en Angleterre, on supposait la bonne foi, et les préemptions y étaient excessivement rares.

Enfin, quand il y avait dissentiment entre la douane et le déclarant, on appelait l'importateur devant le comité de la douane, et là, on l'admettait à une discussion contradictoire sur la valeur de sa marchandise ; cela se faisait comme se font toutes les enquêtes en Angleterre, au grand jour de la publicité ; il n'y avait pas d'erreur possible ; il n'y avait pas surtout de vexation possible de la part de la douane à l'égard du commerce.

En effet, la vente se faisait toujours et sans exception, en gros, au lieu de se faire, comme chez nous, en détail.

Une caisse de soieries arrivait à l'entrepôt : on étalait les marchandises par douzaines de paquets. Ainsi se faisait la vente.

M. le ministre des finances paraît contester l'exactitude de ce que j'avance.

Il fera connaître peut-être à la Chambre les instructions écrites de la douane en Angleterre. Ces instructions sont abrogées ; je puis garantir que les choses se passaient jadis comme je viens de le dire.

Comme conclusion à ce discours qui a été déjà trop long, si l'on ajoute la partie prononcée hier à celle que j'ai prononcée aujourd'hui, je demande qu'on laisse à celui qui déclare la valeur de sa marchandise et qui commet une erreur, le droit de majorer sa déclaration, si on a lieu de croire qu'il est de bonne foi.

Je crois qu'accorder une pareille faveur ne sera pas détruire les principes de droit tout à fait exceptionnels sur lesquels repose la législation douanière.

Je demande qu'on suppose la bonne foi a priori, sauf à punir sévèrement la fraude, et ceci me donne l'occasion de répondre à M. le ministre des finances, qui me disait hier : La législation anglaise en matière de douanes est une législation draconienne.

Cela est exact pour les fraudeurs. Oui, on punit d'une manière draconienne les fraudeurs en Angleterre, et on doit les punir de même en Belgique ; mais je n'admets pas que d'avance, sans aucune raison, ayant affaire à des commerçants honorables, à des hommes qui n'ont jamais eu maille à partir avec la justice, on les déclare coupables de fraude.

Je demande qu'on leur permette de majorer leurs déclarations s'il y a erreur et que la bonne foi soit toujours supposée.

(page 1199) Je demande en outre qu'on supprime la vente en détail comme l'a proposé la commission d'industrie qui, je le répète, est composée d'hommes très compétents.

Je demande enfin qu'on défende aux employés de la douane d'assister aux ventes qui se font à l'entrepôt.

Je sais bien que cette défense serait illusoire, car les employés de la douane pourraient se faire représenter par des amis ou par des membres de leur famille qui achèteraient pour leur compte.

Je n'insiste donc pas sur ce point. Je ne serais pas assez sûr d'aboutir à un résultat utile.

Je demande aussi qu'on ne considère la déclaration du poids comme définitive qu'après la vérification de la douane. Comme elle doit, dans tous les cas, vérifier le poids et qu'elle ne peut constater l'erreur qu'après avoir procédé à cette vérification, il serait tout simple qu'on n'admît la déclaration comme définitive qu'après qu'elle a été vérifiée.

On donnerait ainsi satisfaction à ces griefs qui sont reconnus parfaitement légitimes par tout ceux qui ont eu affaire à la douane, de loin ou de près. On rendra ainsi service au commerce sans gêner en quoi que ce soit l'administration, et qu'on veuille bien se rappeler surtout que l'administration est faite pour servir le commerce et non pour entraver ses opérations, que la douane est faite pour protéger le commerce tout autant que pour le surveiller, que l'administration n'est pas faite pour vexer ou froisser les contribuables et qu'en tout cas, lorsqu'on a affaire à des hommes qui par leur esprit d'entreprise, par leurs avances, par leur travail, font la prospérité et la force du pays, on ne les déclare pas d'avance fraudeurs, et ennemis du trésor, cherchant constamment à mettre leurs intérêts au-dessus de tous les principes de justice et d'intérêt public.

Il y a à cela, en dehors de la question d'équité, que je n'ai pas besoin de développer devant vous, deux grands intérêts, un intérêt matériel et un intérêt moral, que j'appellerai même un intérêt politique.

L'intérêt matériel est facile à comprendre. Vous exposez ceux qui importent des marchandises de France en vertu de ce traité qu'on a représenté avec raison comme une mesure libérale, à des préemptions constantes et à des difficultés de tout genre.

Si vous gênez de cette façon les importations faites de France, vous exposez les importateurs belges en France à des représailles toutes naturelles.

Vous ferez en sorte que la douane française rendra à la douane belge la monnaie de sa pièce et que vos industriels, qui importent leurs produits en France, y seront soumis aux vexations auxquelles les industriels français sont en butte aujourd'hui à l'occasion de l'importation de leurs produits en Belgique.

Cela me paraît très grave, messieurs, et bien digne d'être pris en considération.

Il y a, disais-je tout à l'heure, un grand intérêt moral à réformer le système en vigueur ; il y a un intérêt moral et politique, et cet intérêt, personne ne le comprend mieux que M. le ministre des finances.

Il est évident, messieurs, qu'il se produit, actuellement, en Belgique comme dans la plupart des autres pays de l'Europe, un mouvement très sérieux dans les esprits en faveur de la suppression totale des douanes.

Cette suppression totale des douanes n'est pas un résultat que nous puissions obtenir du jour au lendemain. C'est un but auquel il faut marcher lentement, avec prudence, avec sagesse, mais qu'il faudra bien atteindre quelque jour et atteindre d'une façon complète.

Mais puisque nous sommes d'avis, puisque tous les hommes imbus de principes libéraux en matière de commerce, sont d'avis que les douanes doivent disparaître dans un avenir très prochain, tâchons au moins de débarrasser cette institution, aussi longtemps qu'elle subsiste, de tout ce qui peut la rendre odieuse, vexatoire, de tout ce qui peut opposer au commerce des entraves avec lesquelles il lui est impossible de vivre.

Sous ce rapport, je suis convaincu que les sentiments de M. le ministre des finances sont tout à fait conformes aux miens comme à ceux de tous les hommes qui, je le répète, professent des principes libéraux en matière d'économie politique.

Je suis persuadé, en outre, qu'après mûr examen, M. le ministre des finances, qui ne se préoccupe que de l'intérêt du trésor, dont la loyauté et la bonne foi ne sauraient être mises en doute par personne, qui ne cherche qu'à être utile au commerce, qui l'a prouvé déjà par les concessions qu'il a accordées aux pétitionnaire., ; je suis persuadé, dis-je, que M. le ministre des finances fera droit aux justes réclamations dont je me suis fait l'organe dans cette enceinte et j'attends sa réponse avec pleine et entière confiance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs l'affaire qui vous est soumise en ce moment est un exemple de ce que peuvent quelque hommes ardents et persévérants ; elle démontre comment on réussit à grossir des faits extrêmement minimes en eux-mêmes, et comment on parvient à détourner l'attention de l'administration, de la Chambre et des pouvoirs publics sur des objets dont l'importance est tout à fait insignifiante.

Les pétitionnaires se sont d'abord adressés au ministre des finances, qui les a, je crois, parfaitement accueillis. Il a écouté toutes leurs plaintes ; il les a invités à lui remettre un mémoire contenant tous leurs griefs ; il leur a promis de faire une enquête sévère, d'examiner avec soin toutes les réclamations qu'ils jugeraient à propos de lui soumettre.

J'ai attendu quelque temps le mémoire qui m'avait été annoncé ; cela se passait du 2 au 10 décembre 1861. Dès que les pièces me furent transmises, l'enquête promise fut prescrite et elle eut effectivement lieu. Mais, chose incroyable ! tout à coup, ces mêmes pétitionnaires, jugeant qu'un peu de bruit, un peu de tapage ne serait pas inutile pour donner de plus grandes proportions à leurs réclamations, réunissent un meeting et provoquent un pétitionnement et des démonstrations très énergiques.

J'aurais pu m'arrêter, puisqu'on jugeait à propos de changer de voie, et attendre le résultat de cette nouvelle information qu'on voulait obtenir par le concours des Chambres. Cependant je n'en ai rien fait ; j'ai poursuivi l'enquête commencée, et sans attendre le rapport sur cette pétition, j'ai fait droit à tout ce qui m'a paru légitime dans les réclamations qui m'avaient été présentées.

Bien que les instructions que j'ai données à la douane soient antérieures au rapport sur lequel vous avez à statuer, et que ces instructions fassent droit, comme vous le verrez tout à l'heure, à tout ce qu'il y a de légitime dans ces réclamations, on n'en persiste pas moins à soumettre l'affaire aux délibérations de la Chambre.

Pour ma part, je n'ai aucune raison, comme vous le verrez dans un instant, de me refuser à la discussion qui est ouverte.

Voici, messieurs, les plaintes des pétitionnaires. La pièce qui vous est adressée, porte ceci en propres termes :

« Le traité franco-belge, conclu le 1er mai 1861, a pour but de resserrer les liens d'amitié qui existent entre les deux peuples, d'améliorer et d'étendre leurs relations commerciales.

« La suppression de la prohibition et le principe de la progression de la diminution des droits d'entrée nous prouvent à l'évidence les tendances libérales de la nouvelle convention. Il importe donc que la douane ne l'exécute que dans la mesure strictement nécessaire pour garantir les intérêts du trésor.

« Aussi nous n'entendons nullement réclamer contre l'esprit ou les principes du traité, mais seulement contre les rigueurs inutiles et les abus de pouvoir auxquels, depuis trois mois, le commerce est exposé.

« Depuis la mise en vigueur de la nouvelle convention, des maisons anciennes et honorables, n'ayant jamais eu avec la douane aucune contestation, ont dû subir de sa part les suites rigoureuses de contraventions entraînant la saisie de toutes leurs marchandises. »

Tel est le tableau que l'on fait de la situation. C'est, prétend-on, ce qui se passe depuis et immédiatement après la mise en vigueur du traité de commerce conclu avec la France.

Dans les trois premiers mois qui ont suivi l'exécution de ce traité, les abus les plus graves, les plus énormes, les plus criants, se révèlent subitement. C'est ce qui vous est dénoncé, c'est ce qui m'avait également été dénoncé.

J'avais donc tout d'abord à examiner si, en effet, une révolution douanière s'était tout à coup opérée, s'il y avait eu dans la manière d'agir de la douane un changement extrêmement notable qui pouvait légitimer de pareilles plaintes.

J'ai fait cet examen et voici ce que j'ai constaté. Ce résultat seul vous permettra de juger des réclamations, sans entrer dans le détail de tous ces menus faits qui sont dénoncés à votre attention, et vous permettra aussi de faire justice des déclamations et des imputations très graves lancées à charge des employés de la douane.

Avant le traité, du 1er juin au 31 décembre 1860, 146 procès-verbaux de préemption ont été rédigés, pour une valeur déclarée de 72,286 fr. Tel est l'état de choses ancien.

Après le traité, lorsque l'affaire devient très grave et lorsque les abus criants se produisent, du 1er juin au 31 décembre 1861, il y a eu 109 préemptions ; 109 préemptions au lieu de 146 qui avaient été déclarées sous le régime paternel précédent.

De ces 109 préemptions, combien croyez-vous qu'il y en ait eu sous (page 1200) l’empire du nouveau régime consacré par le traité ? Car la législation générale subsiste toujours, et il n'y a de législation exceptionnelle que pour les marchandises importées dans les conditions de ce traité. Combîen donc croyez-vous qu'il ait été déclaré de préemptions sous l'empire du traité ? Eh bien, messieurs, il y en a eu seize !

M. Hymans. - Qu'est-ce que cela prouve, si elles sont injustes ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce que j'examinerai tout à l’heure.

Je commence par démontrer l'incroyable exagération des plaintes ; je commence par constater qu'il est complètement inexact de dire que, par un changement radical dans les habitudes de la douane, on ait tout à coup, depuis le traité, nonobstant l'esprit libéral qui a présidé à cette convention, apporté des changements très graves aux usages suivis antérieurement par la douane.

Il y a donc eu, sous l'empire du traité, 16 préemptions, tandis que 93 préemptions ont eu lieu sous le régime général. Ces 93 préemptions représentaient une valeur déclarée de 32,921 fr., et l'augmentation de droits qui en est résultée pour le trésor s'est élevée à 1,256 fr. 32 c.

Pour les 16 préemptions effectuées sous le régime du traité, la valeur déclarée était de 9,917 fr. Les droits payés en plus se sont élevés à 463 fr. 53 c.

Voilà toute l'importance de la discussion.

Ce simple exposé, et vous allez voir par la comparaison avec d'autres chiffres ce que cela va devenir, ce simple exposé ne vous démontre-t-il pas que des hommes sérieux n'ont pas pu venir dénoncer de pareils faits, et cela dans des meetings et dans la presse, comme constituant les abus les plus graves, des abus de nature à compromettre le sort du commerce de la capitale ?

Ainsi que je viens de le dire, le nombre des procès-verbaux n'a donc pas augmenté ; il a au contraire diminué. En 1860, il y a eu 294 préemptions ; il n'y a en a eu que 239 en 1861 ; donc diminution de 55 procès-verbaux. Or, par suite du traité, les articles imposés à la valeur sont devenus beaucoup plus nombreux qu'ils ne l'étaient sous la législation ancienne, et, par conséquent, il aurait dû y avoir un nombre beaucoup plus considérable de préemptions, tandis qu'en réalité il y en a eu beaucoup moins. Ce fait ne peut certainement pas être invoqué comme constituant une recrudescence de sévérité de la part de la douane.

Maintenant, pour mieux juger quelle a pu être l'influence de ces actes énormes, voyons quelle est la valeur des importations constatées à la douane de Bruxelles. En 1860, ces importations se sont élevées à une valeur de 7,208,285 fr. En 1861, cette valeur a été de 7,250,885 fr.

Ainsi, première observation : il y a eu plus d'importations et moins de procès-verbaux. Or, les marchandises françaises entrent pour plus de moitié dans la somme des importations générales.

Quelle est maintenant, par rapport aux valeurs importées, la valeur des préemptions ? Les valeurs importées, je viens de le dire, sont de 7,250,885 fr. ; et quelle est la valeur des marchandises préemptées, pour la vente desquelles ces employés rapaces viennent faire concurrence, non seulement au commerce de Bruxelles, mais au commerce du pays entier ? Car l'honorable M. Hymans prétend que l'on ira jusque dans les villages faire concurrence au commerce libre. Voyons ce que cela signifie. Eh bien, les marchandises préemptées représentent une valeur de 12,084 fr., ou plutôt le produit de la vente des marchandises préemptées a été de 12,084 fr. Comparez ces deux chiffres, et voyez ce qui ressort de cette comparaison ! Vous comprenez sans doute, messieurs, que cela seul fait justice de toutes les déclamations auxquelles on se livre.

Cependant, voyons si les résultats ont prouvé qu'on avait fait erronément des préemptions. Eh bien, après avoir payé la marchandise à raison de 9,402 fr., après déduction des droits, des frais, etc., le trésor a bénéficié d'une somme de 2,682 fr.

Ce sont, messieurs, les ventes faites les 3 et 4 décembre 1861, qui ont donné lieu aux plaintes si vives dont vous avez connaissance. C'est alors qu'a eu lieu cette fameuse préemption de 100 robes de chambre, dont nous parlerons tantôt. L'honorable M. Hymans ne sait pas ce qu'elles sont devenues ; je tâcherai de les retrouver. C'est à l'occasion des ventes qui ont eu lieu alors, que des plaintes si énergiques se sont produites, et voici, messieurs, ce qui a été constaté par l'examen de ces plaintes. On m'a adressé un rapport officiel sous la date du 10 décembre 1861. Il en résulte que le total des valeurs déclarées était de 6,861 fr., et que le produit de la vente publique s'est élevé à 10,345 fr., suit une augmentation de 50 p. c. environ. Comment trouvez-vous ce résultat ?

M. Hymans. - C'est impossible.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il s'agit de ces fameuses ventes qui ont eu lieu en décembre 1861 et dont on a fait tant de bruit, de ces ventes « déplorables, scandaleuses. »

Eh bien, vous voyez si c'est à tort que les agents de l'administration ont fait usage du droit de préemption, qui leur est donné par la loi ; vous voyez si la différence entre le produit de la vente et la valeur des marchandises préemptées est si peu considérable, S'il en était ainsi, il y aurait un grief ; il y en aurait un, à plus forte raison, s'il y avait eu perte sur la vente, comme on semblait le dire ; mais je fais remarquer que la vente a porté sur des marchandises déclarées pour un chiffre de 6,861 fr. et que le produit de la vente a été de 10,345 fr. c'est-à-dire, qu'il y a eu une différence en plus de 50 p. c. environ. Cela prouve que l'employé de la douane a parfaitement reconnu qu'on avait déclaré les marchandises à un taux de beaucoup inférieur à la valeur réelle, et cela pour se dispenser de payer des droits d'ailleurs assez faibles.

Maintenant, ce même jour, avait lieu la vente des fameuses robes de chambre dont on a tant parlé. Il est vrai que sur les robes de chambre il y a eu une légère perte ; elles avaient été préemptées au prix de 1,350 francs, et elles ont été adjugées pour 1,255 francs. Il y a donc eu perte de 95 francs.

L'administration pense que, dans cette circonstance, on a employé certaines manœuvres pour que cette vente ne pût avoir lieu dans des conditions favorables pour le trésor. Le local ou la vente s'effectuait a été envahi en grande partie par des personnes qui n'avaient pas précisément intérêt à ce que cette vente se fît d'une façon normale.

Mais enfin les voilà retrouvées ces 96 robes de chambre que l'on disait égarées ; elles ont été toutes vendues ; le produit de la vente est ici renseigné dans un rapport que j'ai sous les yeux, et qui porte la date du 5 décembre 1861 ; leur vente publique a produit une somme de 1,255 fr. ; il y a eu sur cette vente, comme je viens de le dire, une perte fort légère ; cela est exact. Mais ce qui est également exact, c'est que des robes de chambre identiques ont été, peu de temps après, déclarées pour une valeur supérieure, afin d'éviter la préemption.

J'ai dit tout à l'heure quel avait été, par comparaison entre deux périodes correspondantes de chacune des deux dernières années, le montant des valeurs déclarées et le montant des préemptions opérées ; voici, messieurs, pour un terme plus rapproché, la même statistique.

La valeur des marchandises importées dans les quatre premiers mois de 1861 était de 2,299,512 fr.

Pendant les quatre premiers mois de 1862, les importations se sont élevées à la somme de 3,541,345 fr. Ainsi augmentation de 1,242,035 francs.

Voyons maintenant les préemptions opérées pendant les mêmes périodes. Pour les quatre premiers mois de 1861, on constate 104 préemptions ; pendant les 4 premiers mois de 1862, il y en a eu 50 ; ainsi réduction de plus de moitié sur le nombre des préemptions. Quant à la valeur, il y a également diminution ; elle a été de 36,105 fr. pendant la première période, et de 32,316 fr. pendant la seconde.

Après cela, messieurs, je suis prêt à reconnaître que le système de la déclaration à la valeur présente de graves inconvénients et donne lieu à des difficultés plus ou moins grandes, plus ou moins fréquentes. J'ai toujours combattu ce système. J'ai pensé que, dans l'intérêt du commerce, pour éviter beaucoup d'embarras et de tracasseries, il eût mieux valu, dans tous les cas où cela est possible, établir les droits d'après le poids, le nombre ou la mesure. Ces bases peuvent, assurément, se vérifier beaucoup plus facilement que la valeur. J'ai soutenu cette opinion dans les négociations du traité de commerce ; mais, enfin, cette opinion n'a point prévalu, et nous sommes obligés d'exécuter la loi telle qu'elle existe.

Nous avons cependant réussi à introduire un correctif, qui est une grande garantie pour le commerce, et dont on ne parle jamais. On dit bien que ce correctif existe en Angleterre et on semble dire qu'il n'existe pas ici ; mais il existe au contraire et d'une façon incontestable. Je veux parler de la faculté donnée aux déclarants de réclamer l'expertise en cas de préemption, lorsqu'ils croient que la valeur qu'ils ont déclarée est réellement celle qui doit être attribuée à leurs marchandises.

Qu'est-ce que l'on veut de mieux ?

Il y a déjà eu des applications de cette disposition, et je ne crois pas que les négociants qui y ont eu retours aient eu à s'en plaindre, car, en général, en cas de semblables expertises, alors même que l'évidence démontre le droit de l'administration, c’est encore celle-ci qui succombe.

Voyons maintenant quels sont les autres griefs. En réalité, ce ne sont que des minuties dont la Chambre des représentants ne devrait pas avoir à s'occuper.

(page 1201) Mais enfin, examinons-les. Ces griefs sont au nombre de trois. D'abord, il faudrait que la douane constatât elle-même le poids de la marchandise. Ce n’est pas à l’importateur de s’imposer. Le second grief se rapporte à la mesure qui prescrit la production des factures. Le troisième, c’est la vente en détail des marchandises préemptées, au lieu de la vente publique en gros, même par ministère de notaire.

Messieurs, quant au premier point, relatif à la constatation du poids, il est absolument contraire au principe qui régit la matière douanière. C'est à celui qui fait l'importation à s'imposer lui-même par sa déclaration. S'il en était autrement, la porte serait ouverte à la plus dangereuse corruption. Ce seraient de simples douaniers qui auraient à constater le poids des marchandises ; vous comprenez parfaitement qu'aucun contrôle ne pouvant être exercé dans ce système, puisque l'administration serait tenue de s'en rapporter aux opérations de ces agents, des négociants de mauvaise foi seraient très facilement portés à les circonvenir, pour en obtenir un certificat constatant un poids inférieur au poids réel.

Sous l'empire de la loi de 1822, qui permettait aux négociants de faire constater le poids à leurs frais par les agents de la douane, on a eu malheureusement à constater de très graves abus.

Et ce qui prouve qu'il y a un motif secret, bien à l'insu des pétitionnaires, j'en suis convaincu, qui fait désirer la constatation du poids, comme cela existait avant le traité, c'est que bien que la disposition de la loi de 1822 fût purement facultative et qu'elle imposât à l'importateur la charge de payer les frais de la vérification, plus cette autre charge consistant à déballer les marchandises, on était arrivé à faire le plus grand abus de la constatation du poids, et cela évidemment parce qu'on avait la tolérance de quelques employés subalternes de l'administration.

Un pareil abus, qui a pour conséquence la corruption des agents de l'Etat, doit être scrupuleusement évité. (Interruption.)

La préemption, ce n'est pas la même chose ; lorsqu'il s'agit de préemption, l'importateur fait sa déclaration à la valeur ; l'employé dit : « Je préempte la marchandise au taux déclaré. » Le négociant a la faculté de faire un appel à l’expertise pour empêcher la préemption ; cela n'a rien de commun avec la constatation du poids des marchandises, opération après laquelle on serait tenu de s'en rapporter à ce qui aurait été bien ou mal constaté.

Le procédé qui est suivi actuellement est tout différent, et offre, par cela même, beaucoup plus de garanties et beaucoup plus de moralité. On dit au négociant, qui le connaît parfaitement : « Déclarez le poids de votre marchandise. » Le négociant ne sait par qui se fera la constatation la vérification ; c'est tantôt l'un, c'est tantôt l'autre ; il est incertain sur ce qui doit se passer ; il est donc singulièrement stimulé à faire une déclaration exacte.

« Mais, dit-on, il ne connaît pas toujours le poids de sa marchandise ! » Je veux bien l'admettre ; mais alors on lui accorde une facilité ; on lui dit : « Voici un magasin où vous pouvez, sous l'œil de la douane, faire cette constatation, et formuler en conséquence votre déclaration. »

Que peut-on demander de plus loyal, de plus satisfaisant ? Le commerce trouve que le magasin n'est pas beau, qu'il y fait sombre, qu'il ressemble à une prison, qu'on y est sous l'œil des douaniers. Mais, messieurs, cela n'est pas sérieux ; quelle valeur peut-on donner à de pareilles allégations ?

Le procédé qu'on suit aujourd'hui est parfaitement loyal, et doit être maintenu dans l'intérêt de la moralité.

Il faudrait d'ailleurs, pour que ce grief eût quelque fondement, qu'il s'appliquât à beaucoup d'objets ; mais, à l'exception des tissus de coton de qualité commune dont l'importation est insignifiante, à l'exception des tissus de soie, toutes les autres étoffes sont tarifées à la valeur. Voici ce qu'on peut déclarer au poids :

Les tissus de coton pesant plus de 3 kil. par 100 mètres carrés (calicots, croisés et coutils), écrus, blanchis et teints ;

Les velours de coton ;

Les tissus de soie, comprenant la passementerie, la bonneterie et la rubannerie.

Pour la déclaration à la valeur, nous avons au contraire un grand nombre d'articles ; ce sont, entre autres :

Les tissus de coton imprimés, sans distinction de finesse ;

Les broderies de coton à la main ;

Les dentelles et blondes de coton ;

Tous les autres tissus de coton, comprenant les tissus unis ou croisés pesant moins de 3 kil. par 100 mètres carrés, la bonneterie, la passementerie et la rubannerie, les couvertures, les gazes et mousselines brodées ou brochées, pour amendement et tenture, les tulles unis ou brodés, les objets confectionnés en tout ou en partie, les piqués, les (un mot illisible) façonnés, damassés et brillantés, et les tissus mélangés, quand le coton domine en poids ;

Tous les tissus quelconques de laine ou de poils ;

Toutes les tissus de lins, de chanvre et de jute ;

Enfin tous les tissus non spécialement tarifés ; toiles, cirés de toute sorte, tissus et ouvrages de crins ou de poils de vache pus ou mélangés, tissus de végétaux non dénommés.

Vous voyez donc que la réclamation n'a pas d'importance, qu'elle est empreinte d'une évidente exagération.

On semble d'ailleurs avoir perdu de vue qu'il y a des tares légales qui ont été accordées pour les déclarations au poids, que ces tares ont été fixées sous l'empire de la loi de 1822. à une époque où les moyens de transport n'étaient pas aussi commodes qu'aujourd'hui, et exigeaient un emballage beaucoup plus fort, beaucoup plus lourd ; ces tares légales suffiraient à elles seules pour couvrir amplement le négociant des erreurs qu’il pourrait commettre dans ses déclarations. Sous ce rapport donc, je ne puis admettre le fondement de la réclamation.

« En Angleterre, nous dit-on, il en est autrement.»

Messieurs, on dit beaucoup de choses de l'Angleterre ; on nous apprend, par exemple, à propos des déclarations à la valeur, qu'en Angleterre « la vente se fait toujours en gros ; on ouvre la caisse, on adjuge publiquement, écus comptants, au plus offrant et dernier enchérisseur. Si le chiffre de la vente n'atteint pas celui de la préemption, le vérificateur reçoit un premier avertissement ; à la troisième faute de cette nature, il est déplacé ou destitué.

« Ce sont là, au moins, des garanties sérieuses données au commerçant contre les excès de zèle des agents douaniers. En Angleterre, le chancelier de l'échiquier peut, en plein parlement, proclamer avec conviction et vérité que des subordonnés pratiquent la plus grande modération dans l'exercice du droit de préemption. »

Eh bien, messieurs, il n'y a plus de préemption en Angleterre.

M. Hymans. - Je l'ai dit hier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous l'avez dit, mais je réponds à ceux qui ont dit le contraire,

M. Hymans. - Qu'importe ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il importe beaucoup. Je dois réfuter les erreurs que l'on cherche à propager.

On dit au public comment les choses se passent en Angleterre, comment tout est si bien organisé dans ce pays-là, et comment tout est si mal organisé dans celui- ci. Je suis obligé d'apprendre à ceux qui disent ces choses qu'il n'y a plus de préemption en Angleterre ; il est vrai que c'était le 1er avril que l'on a publié ces assertions. (Interruption.) Je parle d'une lettre que j'ai sous les yeux et qui a été publiée dans un journal le 1er avril.

Il n'y a plus dans le tarif des douanes de l'Angleterre qu'un seul article à déclarer à la valeur. C'est un produit qui sert à la fabrication de la bière et dont l'importance est tout à fait insignifiante.

Il n'est donc pas exact de dire qu'il y a dans ce pays toutes ces prétendues garanties pour des déclarations à la valeur qui ne s'y font pas.

Voyons s il en est autrement pour les déclarations de marchandises tarifées au poids.

L'honorable M. Hymans a cru, cette fois, que les choses se pratiquaient autrement en Angleterre qu'en Belgique. Il a vu l'officier de la douane constatant d'office le poids des marchandises. Messieurs, je suis fâché de devoir le dire, mais l'honorable membre a mal vu. La constatation à laquelle il a assisté devait nécessairement s'appliquer à autre chose, car j'ai sous les yeux le résumé des obligations imposées aux importateurs eu Angleterre. Je ne le lirai pas tout entier, mais c'est exactement le même régime que chez nous.

« Déclaration pour la consommation intérieure à l'entrée. - Une déclaration complète sera faite avant le débarquement, par l'importateur ou par son agent, de toutes les marchandises passibles de droits et destinées à la consommation intérieure. Les détails de cette déclaration doivent être d'accord avec la déclaration générale du capitaine et avec les certificats d'origine.

« Payement des droits. Permis de délivrance. - Après le payement des droits dus, le collecteur signera la déclaration, laquelle sera transmise au vérificateur et lui servira de permis pour le débarquement et la délivrance des marchandises.

(page 1202) « Marchandise destinées à être entreposées. - Les détails de la déclaration seront les mêmes que ceux des déclarations sous payement des droit en tant qu'il y a lieu, avec l'indication de l'entrepôt et de la personne au nom de laquelle l'entreposage a lieu...

« Marchandises exemptes de droits. - L'importateur de marchandises non passibles de droits, ou son agent, fera une déclaration avec les mêmes détails que pour les marchandises sujettes à des droits, en tant qu'il y a lieu. »

Je ferai remarquer ceci, pouf démontrer que c'est exactement la même chose que ce qui se pratique en Belgique :

« Déclaration par bulletin de visite, quand les marchandises ne sont pas connues. - Les importateurs ou leurs agents, s’ils sont incapables, à défaut de renseignements, de faire une déclaration complète de leurs marchandises, seront admis à faire une déclaration par bulletin de visite, indiquant tous les détails requis à cet effet.

« Cette déclaration, remise au collecteur et signée par lui, servira de permis pour le débarquement des marchandises, afin qu'elles puissent être examinées par l'importateur en présence des officiers de la douane. L'importateur fera ensuite, dans les trois jours et avant la délivrance des marchandises, une déclaration complète, en inscrivant par endossement sur le bulletin de visite les détails exigés pour les déclarations complètes, et cet endossement, dûment signé, fera sa déclaration définitive. »

C'est identiquement ce qui se pratique ici.

M. Hymans. - Ici ce n'est pas un droit, c'est une faculté.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit à la douane qu'à moins de motifs graves il y a lieu d'accorder cette faculté à tous ceux qui la réclament.

M. Hymans. - On ne suit pas vos instructions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais certainement on les suit.

Vous voyez donc que ce sont les mêmes formalités que celles qui sont prescrites ici. Tous ceux qui se sont occupés de douane ont reconnu qu'il ne peut en être autrement.

Maintenant, les pénalités sont-elles moindres en Angleterre qu'en Belgique ? Je garantis que si nous avions, pour la fraude des droits dus au trésor, les pénalités qui existent en Angleterre, nous recevrions une somme beaucoup plus considérable que celle que nous percevons.

Voici pour les pénalités :

« Quiconque importe des marchandises d'une espèce, cachées dans des colis de marchandises d’une autre espèce, ou qui importe des marchandises sous une certaine dénomination, mais qu'on reconnaîtrait plus tard, avant ou après la délivrance, contenir des marchandises d'une autre nature soumises à des droits plus élevés, encourra la confiscation desdits colis et marchandises, et une pénalité de 100 liv. pour chaque délit, ou bien une amende du triple de la valeur des marchandises. Tout importateur, agent ou toute autre personne déclarant des marchandises, qui sera volontairement en défaut de satisfaire aux prescriptions de la loi, sera passible d'une amende de 20 liv. »

Avons-nous quelque chose de plus sévère que cela ? Je ne le crois pas.

Voilà donc, pour le premier grief, quant à la constatation au poids et quant aux prétendus avantages qu'on trouve sous ce rapport en Angleterre.

Vient le retrait de la mesure qui prescrit la production des factures.

La commission d'industrie a elle-même reconnu que ce grief ne pouvait être admis, par la raison fort simple que, dans le traité, il est prescrit de produire ces factures, et que nous ne pouvons nous dispenser, bien que nous n'y attachions guère d'importance, d'exiger leur production, alors que nos nationaux sont soumis à cette formalité à l'étranger. C'est le motif principal du maintien de la mesure, car j'ai pu constater ce que sont ces factures. J’ai pu constater aussi par la même occasion que, s'il y a des négociants très loyaux, très honnêtes, très délicats, et certes ils sont en immense majorité, qui présentent en douane des déclarations très véridiques, il y a aussi des négociants qui cherchent à tromper l'administration ; et voici, par exemple, un fait qui vient à l'appui de l’histoire des factures.

Une facture pour des objets expédiés de Paris était produite à l'appui d'une déclaration en douane. Elle était signée de la personne qui faisait l'expédition ; elle était certifiée conforme au livre du vendeur. Les employés de la douane furent convaincus, à la simple inspection des objets présentes, de l'évidence de la fraude ; nuis le destinataire de la marchandise était une personne tellement honorable, tellement au-dessus de tout soupçon, qu'au lieu de dresser un procès-verbal et de déclarer la préemption, on se rendit chez cette personne, à qui l'on dit : « Voilà la déclaration qu'on présente pour la marchandise qui vous est destinée. » Cette personne répondit incontinent, : « Cela est complètement faux ; il faut doubler la valeur désirée. » Ce qui fut fait.

Voici un autre fait.

Je reçois une plainte d'un négociant. Il déclare qu'on a refusé de recevoir une facture qu'il avait produite à l'appui d'une déclaration, parce qu'elle n'était pas visée par l'agent consulaire, comme le prescrit le traité.

Je fais écrire à l'agent consulaire à Paris, et voici ce qu'il me répond :

« J’ai l'honneur de vous retourner ci-incluse la facture que me transmettait votre dépêche du 30 écoulé, en vous informant que, pour le même colis, on s'est présenté à trois reprises, avec des factures formulées sur des en-têtes : Pagnod, emballeur ; Constant, emballeur, et enfin, pour celle-ci, provenant de M. E. Gascon ; j'avais à m'en défier pour divers motifs ; elle a été présentée les trois fois par le même commissionnaire expéditeur, M. B... ; que chaque fois nous y avons trouvé la même écriture, et de la même main qu'un des agents de la maison ; que la signature doit être un nom supposé ; qu'on a cherché à dissimuler le nom du véritable destinataire, sous celui de M. Thaon ; qu'aucune des marchandises y renseignées n'est en rapport avec l'en-tête de la susdite facture.

« La représentation du facturier a donc été demandée, et l'on s'est bien gardé de revenir cette fois. Au surplus, puisque l'occasion se présente, etc. »

On se rend ensuite chez le négociant dont la facture avait été produite à l'appui de la déclaration, et il écrit en marge de la facture :

« Je ne connais nullement les marchandises facturées ci-dessus, et je nie également la signature. Cet imprimé doit avoir été soustrait chez moi ou chez mon imprimeur. »

M. Hymans. - Je n'entends nullement me constituer le défenseur d'abus.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le crois volontiers ; mais je vous en signalerais bien d'autres, si je voulais citer tous les faits qui sont à ma connaissance. Venons au troisième grief : la vente publique doit avoir lieu en gros. Eh bien, messieurs, la vente en gros est prescrite, sauf les exceptions motivées par des circonstances graves. Il se peut qu'on ne puisse pas toujours vendre en gros, mais, en général, c'est en gros que la vente doit avoir lieu. Et l'unique motif qui m'a déterminé à prescrire de vendre en gros, c'est la volonté d'exiger que la préemption elle-même ne se fasse que sur la valeur en gros.

Mon bu ta donc été de réduire les contestations, car une fois la préemption opérée, je n'admets pas le moins du monde cette immixtion des négociants pour prescrire à la douane la manière dont il conviendrait, selon eux, qu'elle réalisât la marchandise préemptée. La marchandise étant payée au prix de la valeur déclarée, augmenté de 5 p. c, la douane en dispose comme elle l'entend et, en définitive, si elle peut vendre à plus bas prix que les négociants, ce sont les consommateurs qui en profitent.

Mais il y aurait quelque inconvénient à permettre de préempter avec la chance de revendre en détail. C'est la valeur en gros de ces marchandises qui doit servir de base à la déclaration, mais jamais la valeur de la marchandise en détail. Il ne faut donc pas favoriser les ventes en détail, car elles provoqueraient elles-mêmes la préemption.

C'est en présence de ces faits, messieurs, que vous avez entendu dénoncer, d'une manière extrêmement fâcheuse, les employés de l'administration qui, en définitive, n'ont fait que leur devoir, et qui, comme vous l'avez pu voir, l'ont fait dans des limites extrêmement raisonnables. Ces agents sont signalés à l'animadversion publique, comme troublant le commerce, comme le vexant, le torturant, le tourmentant et le rançonnant de toute façon.

Il y a peu de temps, nous avons entendu un tout autre thème à propos des fonctionnaires publics : c'étaient des citoyens qui ne pouvaient prétendait-on invoquer en leur faveur les dispositions constitutionnelles, qui ne pouvaient pas user de tous les droits garantis par la Constitution : ils ne pouvaient, disait-on, ni parler, ni écrire. On blâmait cette situation faite aux fonctionnaires. Aujourd'hui, ce ne sont plus des citoyens, ce sont des hommes qu'on peut malmener comme on l'entend.

M. Hymans. - Personne n'a dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Certainement on l'a dit ; on a dit qu'il fallait leur interdire d'être présents à la vente des marchandises qu'ils ont préemptées ; vous-même, vous venez de le répéter.

M. Hymans. - C'est dans le rapport de la commission de l'industrie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous venez de le répéter et l’honorable M. Goblet l'avait dit également. Il faut donc les mettre hors la loi ?

M. Hymans. -Non pas hors la loi, mais hors du local où se font les ventes. (Interruption.)

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est hors la loi, car, en définitive, que signifie cette exclusion dont ou veut frapper les employés de la douane ? Vous reconnaissez vous-même que cela serait sans but, sans résultat, sans effet, en d'autres termes que cela n'a pas le sens commun. Vous voulez qu'ils ne soient pas présents aux ventes ; mais pouvez-vous empêcher qu'ils n'y envoient quelqu'un pour les y suppléer ?

M. Hymans. - Je n'ai pas insisté.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le sais parfaitement ; et si je discutais uniquement pour vous, ce serait bientôt fini ; mais je discute ici surtout pour le public, pour montrer au public qu'on l'induit en erreur.

Personne plus que moi, messieurs, n'est ennemi des vexations douanières, et constamment je prescris aux agents de l'administration d'agir avec la plus grande modération, avec toute la circonspection possible dans l'exécution de leur service ; je recommande la plus grande bienveillance de la part de la douane envers le public, parce que, comme le disait tout à l'heure l'honorable préopinant, personne plus que moi n’est pénétré de cette idée que l'administration est faite pour le public et non le public pour l'administration.

M. Hymans. - C'est le ministre qui dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, oui, c'est le ministre qui dit cela ; et il ne cesse de le répéter, car c'est là l'esprit dont il faut imprégner l'administration. Certainement, on ne peut espérer que, toujours et partout, on ne rencontrera que des hommes incapables de commettre aucun abus, des hommes animés de la plus grande bienveillance, et dont l'intelligence même sera irréprochable.

Tout cela est vrai, messieurs, et tout ce que nous pouvons faire, c'est d'engager ces hommes à se bien pénétrer de l'esprit qui anime l'administration supérieure ; à se montrer sévères, sans doute, dans l'application de la loi quand il y a fraude manifeste ; mais aussi à se montrer tolérants quand il y a simplement erreur ; et c'est ce qu'on fait en réalité.

J'ai demandé, interrompant hier un orateur, qu'on précisât certains faits qui m'étaient dénoncés, certaines spéculations qu'on me signalait comme étant excessivement graves. Je n'ai eu connaissance que d'un seul de ces faits ; c'est l'honorable M. Goblet qui me l'a signalé. Il se trouve que la personne désignée est un vérificateur des douanes. J'ignore ce qu'il y a dans sa maison ; mais je vais expliquer le fait ; il est extrêmement simple.

Sous l'empire de la loi générale de 1822, qui est encore en vigueur, excepté quant aux dispositions modifiées par le traité franco-belge, la préemption se fait par les employés, pour leur compte personnel ; il est donc tout naturel qu'ils aient des marchandises chez eux. Comment voulez-vous qu'ils n'aient pas de marchandises en leur possession, alors que la loi leur dit : « Préemptez ces marchandises pour votre compte. »

Qu'est-ce donc que ce grief articulé contre les agents de la douane, d'avoir des marchandises en leur possession ? A mon avis, rien n'est plus naturel : ils ont des marchandises, parce qu'ils les ont préemptées en vertu de la loi, et ils les vendent, parce qu'ils ne les ont évidemment pas préemptées pour les conserver.

Maintenant, peut-on sérieusement prétendre que cela constitue une concurrence dangereuse pour le commerce de la capitale ? Voyons de quoi il s'agit.

Les marchandises préemptées en 1861, sous le régime de la loi générale, représentent en tout et pour tout 77,631 fr.

Or, nous avons à la douane de Bruxelles 13 agents ayant le droit de préempter ; ce qui fait qu'il y avait, en moyenne, pour chacun d'eux, des marchandises pour une valeur de 5,956 fr. Voilà la concurrence que l'on pouvait faire pour ruiner le commerce de la capitale. Remarquez qu'ils avaient dû payer d'avance ces 5,956 fr. aux négociants, plus 10 p. c. d'augmentation, indépendamment des droits et des frais.

J'ai essayé de corriger ce que le mode de répartition de la prime résultant des préemptions pouvait avoir encore de fâcheux, en stimulant trop les employés à faire des préemptions.

Remarquez bien ceci : sous le régime de la loi générale, les employés préemptaient pour leur propre compte, à leurs risques et périls. Je n’ai pas à intervenir.

Sous l'empire du traité, la préemption se fait pour compte du trésor, et, par une première mesure d'application de cette disposition, j'avais prescrit une certaine répartition du fonds de préemptions. Une certaines quotité était dévolue aux employés. Je crois que je pouvais parfaitement maintenir ce système, puisque c'était déjà une modification favorable au système précédent.

Mais, qu'ai-je fait de plus ? Et, chose étrange, on réclame encore ! j'ai supprimé cette répartition entre les employés ; j'ai créé un fonds spécial qui sera distribué dans certaine proportion aux employés, qu'ils aient ou qu'ils n'aient pas fait de préemptions. J'ai dit dans les instructions que les employés seront récompensés de leur zèle, leurs actes fussent-ils positifs ou négatifs ; c'est-à-dire que les employés qui auront évité les préemptions, tout en assurant les droits au trésor, prendront part à la répartition.

C'est certainement une mesure qui aurait dû être complètement approuvée. Eh bien, j'ai été étonné d'entendre des critiques se produire encore dans les discours des honorables préopinants. Je pense cependant que je dois maintenir cette mesure, qui est incontestablement très bonne.

Dans la séance d'hier, on a cité quelques faits de nature à exercer peut-être certaine impression sur l'assemblée.

On vous a raconté l'histoire d'un lustre destiné à un théâtre, et qu'un concurrent avait eu le dessein de faire préempter, pour empêcher le théâtre rival de s'ouvrir.

Le concurrent s'était donc proposé de corrompre les agents de la douane pour les engager à la préemption d'un lustre de théâtre, qui n'est pas précisément un objet de commerce.

Eh bien, messieurs, je me suis fait rendre compte de cette histoire du lustre, qui m'avait parue assez piquante, racontée par l'honorable M. Hymans. Mais voici ce que j'ai appris : Le lustre avait, en effet, été expédié à la douane. La déclaration avait eu lieu ; elle avait été admise. Il n'y a eu aucune velléité de préemption. On n'a pas le moins du monde remis le lustre au théâtre sous la garde de la douane.

M. Hymans. - C'est la même chose.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). -Ah ! c'est la même chose ! Je vais vous expliquer que c'est tout autre chose, que l'histoire change complètement.

Le fait avait en effet été dénoncé au directeur général de l'administration et le directeur général avait dit : « Vous pouvez être tranquille ; on ne se prêtera pas à de pareilles manœuvres et l'on donnera des instructions à la douane. » Mais il s'agissait d'une pure invention. On avait imaginé que le concurrent voulait faire préempter ; il n'en avait pas été question.

M. Hymans. - Il est évident que les employés qui devaient préempter n'iront pas l'avouer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais ils n'ont ni préempté, ni tenté de préempter. Ne tenez-vous pas compte de cette circonstance que le fait n'a été porté à leur connaissance qu'après que la déclaration avait été admise ? Les droits avaient été payés, le lustre avait été livré, quand l'histoire que vous racontez est parvenue à leur connaissance. Tout était terminé. Mais il n'y avait dans tout cela rien de sérieux. Et, en effet, qu'aurait-on fait de ce lustre ainsi préempté ?

M. Rodenbach. - On aurait éclairé la douane.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La douane y voit parfaitement.

Un second fait a été cité. Un négociant avait commis une erreur. Il avait déclaré pour 500 grammes un colis pesant 3 kil. 500 grammes. De là procès-verbal, contravention, etc.

J'ai fait, à cet égard, des recherches inutiles ; toutes mes demandes de renseignements n'ont pas abouti. Le fait est parfaitement inconnu à l'administration.

M. Hymans. - Je vous donnerai ces renseignements.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le veux bien.

Mais j'ai trouvé un autre fait, relatif à un poids de 6 kil. et à une valeur de 18 fr. ; et avant toute espèce de réclamation, à la date du 30 avril 1862, l'administration avait répondu : Il y a là une simple erreur, il n'y a pas lieu à procès-verbal, on payera les droits et tout sera dit.

M. Hymans. - Sans doute, c'est ainsi qu'agit l'administration supérieure, je l'ai dit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais on a toujours le droit de s'adresser à l'administration supérieure. Si quelqu'un se prétend lésé par la décision de l'administration en province, il réclame auprès de l'administration supérieure.

Vous avez confiance, et très justement, dans l'administration supérieure ; vous savez qu'elle donne raison quand on a raison.

Enfin, un quatrième fait a été cité : c'est cette histoire d'une saisie (page 1204) de 100,000 radeaux de papiers peints. Ces papiers peints ont, prétend-on, été vendus en détail, ce qui a soulevé les plaintes universelles du commerce.

Messieurs, j'ai reçu en effet des plaintes des fabricants de papiers peints du pays. Je crois qu'on les avait intéressés presque tous à se plaindre, et voici ce que j'ai appris. Un négociant avait déclaré à la douane une quantité considérable de papiers peints, environ, je crois, 100,000 rouleaux. Ces 100,000 rouleaux ou à peu près étaient en entrepôt . On a d'abord déclaré 12,700 rouleaux en consommation. La douane a préempté ; immédiatement plaintes très vives, réclamations de tous les négociants ; beaucoup de marchands de papier de la Belgique se sont adressés à moi. Je me suis empressé d'ordonner une enquête sur un fait qui semblait aussi grave, et voici ce que j'ai appris :

« Par la pétition qui m'est parvenue avec votre apostille du 7 de ce mois, m'écrit le directeur de la province où les faits se sont passés, des commerçants détaillants de papiers peints dans plusieurs villes du pays, vous exposent qu'ils ont à subir une concurrence très préjudiciable de la part de la douane au port d'Anvers qui préempté de fortes parties de papiers de l'espèce importées d'Angleterre, et en opère la vente en détail.

« En vous renvoyant cette pétition, j'ai l'honneur de vous faire parvenir les rapports des fonctionnaires que j'ai entendus sur l'objet.

« Les explications contenues dans ces rapports vous prouveront, M. le ministre, l'inexactitude des assertions des pétitionnaires, car il en résulte à toute évidence que les papiers peints préemptés pendant l'année 1861, n'ont pas été vendus en détail, et qu'ainsi la concurrence dont se plaignent les réclamants n'est qu'imaginaire.

« Un fait digne de remarque, c'est que l'un des signataires de la pétition, le sieur N..., à..., a acheté en masse la partie de 12,700 rouleaux de papier préemptée par le vérificateur. »,

Voilà, messieurs, à quoi se réduit cette importante affaire.

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que celui qui a importé le papier peint, et dont la marchandise a été en partie préemptée, a effrayé tous les marchands de papier, en leur dénonçant la concurrence fâcheuse qu'ils allaient avoir à subir. Il ne s'est pas douté que l'un de ceux qui avaient signé la pétition, rachèterait en gros toute la partie qui avait été préemptée par le vérificateur.

Quelque temps après, l'importateur a déclaré de nouveau une certaine quantité de papier peint en consommation. Ce papier a été de nouveau préempté. Le négociant s'est adressé à l'employé qui avait opéré la préemption et lui a dit : « Voulez-vous subir une perte de 200 fr., je reprendrai le papier. » Mais celui-ci s'y est refusé, et il a vendu son papier comme il l'entendait, en tout ou par parties, ce dont il avait parfaitement le droit, puisque la préemption tombait sous le régime de la loi générale.

Les explications dans lesquels je viens d'entrer, vous permettront, messieurs, de juger de la valeur des plaintes qui vous sont adressées.

Je demande pardon à la Chambre d'être entré dans tous ces développements, et d'avoir réfuté aussi longuement des réclamations si peu sérieuses. Mais je devais à la Chambre et au public de faire connaître de quelle exagération sont empreintes les dénonciations que l'on a faites, à son de trompe, dans la presse et dans les meetings, contre des agents de l'Etat parfaitement innocents des griefs qu'on leur impute.

- M. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil.

M. Hymans. - M. le ministre des finances a débuté en disant que les réclamations dont la Chambre est saisie prouvent de quelle façon il est possible de grossir, par le bruit et les meetings, les réclamations les plus futiles et leur donner l'apparence d'une affaire sérieuse.

Je dirai, moi, que le discours de l'honorable ministre des finances prouve de la manière la plus évidente de quelle façon un ministre de bonne foi peut être induit en erreur sur des faits qui sont de notoriété publique et qui non seulement depuis des semaines et des mois, mais depuis plusieurs années, donnent lieu aux plaintes les plus vives et, à mon avis, les plus légitimes.

M. le ministre a accueilli, dit-il, les pétitionnaires avec bienveillance. Je n'en doute pas, je sais que M. le ministre a l'habitude d'écouter avec bienveillance ceux qui lui adressent des réclamations.

Mais M. le ministre ajoute qu'il a failli être arrêté dans ses bonnes dispositions par la résolution des réclamants de provoquer un meeting pour discuter publiquement leurs intérêts au lieu d'attendre justice de l'administration.

Il y a eu, en effet. un meeting ; mais, mon Dieu, il n'a rien été dit là de bien féroce, je n'ai pas d'excuses à faire, je n'ai pas à défendre discours prononcés à cette occasion.

La preuve que les négociants réunis dans ce meeting n'étaient pas animés d'intentions bien hostiles à l'égard de M. le ministre des finances ni à l'égard de l'administration supérieure, je la tire des paroles prononcées par l'orateur le plus violent de la réunion.

Il commençait son discours par ces mots :

« Qu'il me soit permis de rendre un hommage éclatant à l'homme éminent placé à la tête du département des finances, à M. Frère, l'immortel auteur de l'abolition des octrois, à l'économiste distingué, au grand homme d'Etat qui s'occupe, en ce moment encore, de travaux ayant pour objet de doter le pays de réformes qui seront un véritable bienfait pour la Belgique. »

Et tous les membres ont accueilli par des applaudissements unanimes et prolongés, constatés par le compte rendu, cet hommage si mérité rendu à M. le ministre, des finances.

Je pense, messieurs, que la sympathie dont les membres de cette réunion faisaient preuve, n'était pas une raison pour que M. le ministre cessât les démarches qu'il avait commencées dans le but de leur rendre justice.

Ce qui prouve que les plaintes dont il s'agit ne sont pas tout à fait aussi insignifiantes que l'honorable ministre veut bien le dire, c'est précisément le temps qu'il a mis à les réfuter.

L'honorable ministre s'est donné la peine de discuter ex-professo tous les détails, ne laissant, selon son habitude, rien échapper. C'est ce qu'il n'aurait pas fait pour des réclamations n'ayant aucun fondement et dont le bon sens public devrait faire justice.

Le gouvernement a une réponse facile à toutes les réclamations qu'on lui adresse en matière administrative. A propos de ceci comme à propos d'autres affaires, il nous répond : « J'ai fait une enquête. »

A cela, messieurs, je n'ai qu'une seule chose à dire : Vous avez fait une enquête ; avez-vous fait une enquête contradictoire ? Avez-vous entendu ceux qui s'étaient adressés à vous ? Pas du tout, vous avez entendu ceux dont on se plaignait. Vous avez fait exactement ce qui s'est passé à Malines, quand il s'est agi de faire une enquête administrative. (Interruption.)

Puisque l'honorable M. Vanden Brandon de Reeth m'interrompt, vous allez voir que cela est extrêmement grave (Interruption), et je ne comprends pas que l'honorable M. Coomans, qui se déclare toujours si grand partisan de la stricte observation des lois, trouve mon observation étrange. (Interruption.) L'enquête administrative de Malines, enquête qui n'avait rien produit...

M. Coomans. - Ce n'est pas la question.

M. Hymans. - C'est la question, puisque je critique les enquêtes administratives en général.

L'enquête administrative de Malines n'avait rien produit, et sur ma demande on a procédé à une enquête judiciaire. Savez-vous, messieurs, quel a été l'un des premiers témoins cités pour venir déposer ? C'est moi. Avant que je fusse cité devant le juge d'instruction, rien n'était connu, rien n'avait été constaté sur les faits qui s'étaient passés et qui étaient de notoriété publique à Malines, qui avaient été signalés en pleine séance huit jours avant que l'honorable Vanden Branden de Reeth en fût venu contester l'existence.

On me cite donc devant M. le juge d'instruction ; mais je dois dire que M. le juge d’instruction de Bruxelles, qui avait une commission rogatoire de Malines, s'est borné à m'envoyer une simple invitation ; j'ai déclaré que je faisais toutes mes réserves quant au droit que j'avais de répondre ou de ne pas répondre aux questions qui m'étaient posées ; mais comme je ne voulais pas qu'on m'accusât de laisser ignorer la vérité, alors que j'étais parfaitement sûr de ce que j'avais avancé, malgré tout ce qu'on a pu dire dans la Chambre et dans la presse, je communiquai à la justice une liste de 2 témoins oculaires qui, s'ils étaient interrogés, viendraient déclarer l'exactitude de ce que j'avais avancé.

Or, si je dois en croire les renseignements qui m'ont été donnés, ces témoins ont déclaré devant M. le juge d'instruction de Malines que les faits avancés étaient exacts.

Voilà pour les enquêtes. Je n'admets pas comme suffisante la réponse qui consiste à dire : « J'ai fait une enquête », alors que l'enquête n'a pas été contradictoire. Si M. le ministre des finances veut faire procéder à une enquête sérieuse, je lui remettrai une liste complète de négociants qui n'aiment pas à se faire dénonciateurs, mais qui, appelés à déposer sous la foi du serment, devant l'autorité compétente, ne reculeront pas devant la responsabilité des déclarations qu'ils auront à faire.

J'ai dit hier, en parlant de la préemption, que les plaintes faites à ce sujet ne sont pas nouvelles ; qu'elles se produisent depuis très longtemps ; que plusieurs des députés de Bruxelles avaient reçu des réclamations depuis plusieurs années, et que, pour ma part, j’avais dit aux réclamants : (page 1205) « Attendez ; la préemption se fait toujours au profit des vérificateurs et à leurs risques et périls ; elle va, en vertu du traité franco-belge, se faire pour le compte du trésor ; attendez la mise en pratique du nouveau système ; si alors les abus se perpétuent, réclamez, et alors je serai tout prêt à appuyer vos justes réclamations. »

II n'y a donc pas eu, depuis peu, comme l'a dit M. le ministre des finances, une révolution douanière, et ce qui se passe maintenant se passait autrefois ; seulement le chiffre des préemptions a diminué, et cela pour deux raisons : d'abord, il y a des commerçants, qui voyant que, systématiquement, on préemptait leurs marchandises, alors que leur déclaration indiquait la véritable valeur, ont élevé le chiffre de leur déclaration. En second lieu, la préemption se faisant pour le compte du trésor et non plus au profit du vérificateur, le vérificateur use naturellement un peu moins de la faculté de préempter.

« Le produit de la vente des marchandises préemptées est une nouvelle preuve, dit M. le ministre des finances, de la tolérance de la douane ; ce produit n'a été que de 12,000 fr. ; par conséquent on ne s'est pas montré très sévère. »

; Mais qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve que l'on n'a pas adjugé ; et c'est précisément de cela que. le commerce s'est plaint si vivement, à propos des ventes du mois de décembre. »

D'un autre côté, dit M. le ministre des finances, il y a eu pour 6,860 fr. de valeur déclarée, et on a vendu ces marchandises préemptées pour 9,000 et des francs ; le trésor, en cette circonstance, fait un bénéfice de plus de 3,000 fr.

Ce qui prouve que le déclarant avait fraudé le fisc.

Mais ces chiffres établissent précisément combien on a raison de se plaindre. La marchandise préemptée avait été déclarée au chiffre de 6,860 fr. ; mais elle a été vendue en détail ; et c'est la vente en détail qui procure à la douane des bénéfices que nous considérons comme illicites.

M. le ministre des finances dit aussi : « On peut réclamer des experts. »

Nous savons parfaitement que le négociant et la douane peuvent désigner chacun un expert, et qu'en cas de contestation entre les deux experts, le tribunal de commerce en nomme un troisième.

Mais le commerce réclame contre ces dispositions et demande que les experts soient, et après ce qu'a dit M. le ministre des finances des dangers qu'il y a à laisser certaines appréciations à des employés subalternes, le commerce est en droit de demander que les experts soient nommés non par les employés inférieurs, mais par l'administration supérieure. Il y aurait là plus de garanties.

M. le ministre des finances a interprété tout à l'heure la loi générale de 1822, et je crois, moi, que de la façon dont les expertises se font aujourd'hui, cette loi est violée à peu près tous les jours. Que voyons-nous aujourd'hui ?

Le préempteur prend des échantillons, et va demander des renseignements en ville, quand il ne connaît pas parfaitement la valeur des marchandises ; et très souvent il arrive que, par suite de ce système, les concurrents du préempté deviennent eux-mêmes les experts du préempteur.

Voilà un inconvénient que je considère comme grave, et qui disparaîtrait bientôt si l'on voulait accorder au commerce la nomination des experts par l'administration supérieure, indépendante elle, et qui n'a aucun bénéfice à recueillir de la préemption.

Hier je paraissais avoir outragé vivement l'administration de la douane tout entière, en supposant qu'il pût se trouver des employés corrompus.

Je suis convaincu que dans cette administration, qui compte, si je ne me trompe, 4,000 employés, ceux qui se livrent aux spéculations que nous avons dénoncées à cette tribune, constituent une infime minorité ; mais la corruption peut se produire, et ce qui le prouve, c'est que M. le ministre des finances ne veut pas que la pesée soit faite par les employés de la douane en présence de l’importateur. L'usage a révélé, dit-il, qu'on pourrait corrompre les employés subalternes.

Est-ce que par hasard vos vérificateurs sont des employés supérieurs ? Dites-moi quels sont leurs appointements.

Ce doit être quelque chose comme 1,200 fr. ou l,400 fr. Mettons que ce soit 2,000 fr.

Ce ne sont, après tout, que de petits fonctionnaires ; ils appartiennent à la catégorie de ceux dont je voudrais voir augmenter le traitement.

Ainsi donc en matière de pesée, la porte est ouverte à la corruption. M. le ministre des finances a dit tout à l'heure qu'elle était ouverte aux abus les plus graves.,

On ne prétendra donc pas que la porte n'est pas ouverte à la corruption lorsqu'il s'agit de faire préempter des marchandées par des employés appartenant aux régions inférieures de l’administration.

M. le ministre disait encore que le fait de la pesée des marchandises, accompli sous les yeux de la douane par l'importateur, est contraire au principe de notre législation douanière.

Je lui demandais hier ce que ce principe avait d'immuable, et pourquoi il devait être maintenu dans la législation ?

Je ne crois pas me tromper eu disant que pour toutes marchandises sujettes à l'accise, le déclarant ne peut s'imposer lui-même et que la taxation se fait par les employés de l'administration.

Voilà donc ce prétendu principe de l'indispensabilité de la déclaration par l'importateur de marchandises, qui disparaît lorsque la marchandise est sujette à l'accise.

M. le ministre nous dit qu'il accorde à l'importateur l'avantage de vérifier l'exactitude de sa déclaration, et qu'une salle est mise à sa disposition à cet effet, à l'entrepôt.

Moi, je dis que cette salle n'est pas convenable.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne connais pas ce local.

M. Hymans. - Ni moi non plus. Mais puisqu'on autorise les négociants à vérifier le poids de leur marchandise sous l'œil de la douane, pourquoi ne leur donne-t-on pas le droit de faire vérifier immédiatement ce poids par la douane ?

Il me semble que cela couperait court à une partie des entraves dont se plaint le commerce.

Maintenant, pour en finir en ce qui concerne la préemption, je ne puis admettre comme peu de chose cette liste d'articles que citait tout à l'heure l'honorable ministre et qui sont imposés à la valeur.

Il me semble que cela est très important.

On a reproché aux pétitionnaires de s'être trompés en ce qui concerne la manière dont la vente des objets préemptés se fait en Angleterre.

M. le ministre voudra bien reconnaître que je n'ai pas versé dans cette erreur. Excepté pour une essence qui sert pour la fabrication de la bière, il n'y a plus de droits à la valeur ; mais à l'époque où la préemption existait en Angleterre on procédait comme je le disais hier. (Voir l'Annuaire de la douane anglaise en 1859.)

Le négociant faisait sa déclaration. S'il y avait erreur, ou lui disait : Il faut majorer d'autant. Certain d'être préempté s'il faisait une déclaration inexacte, lorsqu'il n'était pas tout à fait sûr de ce qu'il avait annoncé, il cédait aux injonctions de la douane.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y aurait plus que des déclarations en dessous de la réalité si l'on agissait ainsi.

M. Hymans. - Mais que faites-vous en matière de contribution directes ? C'est le contribuable qui fait sa déclaration. N'avez-vous pas le droit d'envoyer des experts et si sa déclaration est inexacte, le punissez-vous ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Certes.

M. Hymans. - Vous en avez le droit, mais vous ne le faites pas. Vous admettez la bonne foi, et si l'on trouve que le contribuable s'est trompé sur la valeur locative ou sur le mobilier, vous vous contentez de rectifier l'erreur.

Voilà donc comment on a toujours procédé en Angleterre. Rien dans les instructions que vous avez lues tout à l'heure ne prouve que j'ai tort. Je me suis renseigné à la douane anglaise. Je n'ai pas de documents authentiques à l'appui de mes assertions, mais je suis autorisé à les croire fondées.

Vous me dites encore qu'en Angleterre on n'admet pas le négociant à faire peser lui-même sa marchandise sous le contrôle de la douane. C'est une erreur.

Ici vous lui accordez la faculté de le faire, et là c'est un droit.

Le droit au poids n'existe plus dans le tarif anglais en vertu du traité anglo-français que pour 19 articles de substances alimentaires, mais on ne paye pas sur ces articles.

La déclaration ne sert pas de base au payement du droit ; elle est faite uniquement pour le payement d'un droit de timbre proportionnel à la déclaration.

Ainsi une erreur commise dans la déclaration ne peut en rien modifier un droit qui n'existe pas. Il n'y a donc pas d'inconvénient.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On ne pèse pas les marchandises imposées à la valeur.

M. Hymans. - Si l'on ne pèse pas les marchandises imposées à la valeur, je demande qu'on pèse les marchandises imposées au poids et que l'importateur ait le droit de les faire peser en sa présence par la douane.

(page 1206) Qu'y a-t-il de si irréalisable dans un pareil désir ?

Vous m'avez dit que c'était ouvrir la porte à la corruption, et quand j'objecte qu'on ouvre la porte à la corruption par la préemption, vous me répondez que j'insulte l'administration. Vous comprenez que je ne puis admettre comme sérieuses de pareilles raisons.

On a dit que les pénalités anglaises sont draconiennes. Il ne faut pas exagérer. Ce qui est vrai, c'est que les peines, quand il y a délit, sont d'autant plus sévères que la tolérance est plus grande, et en définitive, une amende de 100 liv. st. n'est pas une peine si rigoureuse pour ceux qui ont fraudé.

Je ne me plaindrai jamais de voir frapper sévèrement ceux qui ont commis un délit : mais ce que je n'admets pas, c'est que d'avance et a priori on suspecte le commerce et on l'accuse d'être de mauvaise foi. Sur tous ces points donc, je maintiens mes conclusions.

En ce qui concerne les factures, en ce qui concerne le fonds spécial, en ce qui concerne tous les autres détails dont M. le ministre a parlé, je suis parfaitement d'accord avec lui. Je lui ai dit que je considérais le fonds spécial comme un progrès.

J'ai remercié M. le ministre d'avoir donné raison au commerce sur l'interprétation de l'article 19 du traité ; je n'ai donc pas à m'occuper davantage de ces détails.

Quant aux faits que j'ai énoncés et dont on voudra bien reconnaître qu'il reste quelque chose malgré la façon dont ils ont été racontés par M. le ministre des finances, je m'attendais à la réponse qui m'a été faite : on a fait une enquête !

Eh bien, je maintiens que, pour moi, une enquête administrative non contradictoire, dans laquelle on a entendu non pas les plaignants, mais seulement les accusés, ceux qui ont à se défendre, je dis qu'une telle enquête ne prouve absolument rien ; et que, jusqu'à ce qu'on ait instruit d'une façon plus juste et surtout plus sérieuse il me sera impossible de me déclarer satisfait des explications qui nous sont données.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Hymans, dans le discours qu'il vient de prononcer, s'est particulièrement appesanti sur ces enquêtes administratives, qui ne lui offrent, dit-il, aucune espèce de garantie, parce que, n'étant pas contradictoires, elles n'ont pas le caractère impartial des enquêtes judiciaires.

Mais, messieurs, je n'ai pas eu d'enquête à invoquer ; je n'ai invoqué aucune espèce d'enquête dans cette question.

Il est bien vrai que des dénonciations m'ont été adressées, les unes verbales, quelques-unes signées, la plupart anonymes, et beaucoup dont on n'a pas voulu accepter la responsabilité.

J'ai dit à la Chambre que j'avais fait une enquête administrative sur les faits dénoncés ; mais cela est tout à fait en dehors du débat. Quel fait signalez-vous, auquel j'aurais opposé le résultat de l'enquête ? Il n'y en a pas un seul.

Maintenant vous voulez, comme vous l'avez annoncé, me citer des faits précis, indiquez-moi sur qui doit peser la responsabilité des imputations ; si ces faits constituent un crime ou un délit, demandez une enquête judiciaire. S'ils ne constituent ni un crime ni un délit et qu'il n'y ait lieu qu'à une enquête administrative, je suis prêt à agir.

Mais il faut absolument sortir de ce vague dans lequel ou se complaît ; il ne faut pas continuer à faire planer le soupçon sur l'administration, sans rien produire qui le justifie.

J'attends des faits ; si l'on veut en dénoncer qui constitueraient des crimes ou délits, je les porterai à la connaissance de l'autorité judiciaire. Mais il faut qu'il y ait un accusateur responsable. Je ne puis pas livrer mon administration à des dénonciateurs anonymes.

S'il ne s'agit que de simples faits pouvant donner lieu à une répression administrative, je ferai une enquête de la manière la plus scrupuleuse, la plus impartiale, et telle encore qu'elle puisse être livrée à la publicité.

M. de Rongéµ. - Je dois nécessairement défendre les expressions dont s'est servie la commission de l'industrie dans son rapport. Il est évident, pour tout le monde et pour M. le ministre lui-même, puisqu'il a changé de système, que la prime accordée aux employés a été, en partie, la cause des faits qui ont provoqué les réclamations du commerce de la capitale.

J'ai assisté, messieurs, à une des ventes qui ont eu lieu à l'entrepôt de Bruxelles, et je puis attester que l'allusion qu'y fait le rapport de la commission est parfaitement exacte.

On nous dit que ces faits ont été blâmés par l'administration supérieure. Je le crois sans peine, messieurs ; mais il me semble, par cela même, qu'il était bien permis à la commission de l'industrie de les qualifier comme elle l'a fait.

Je me borne à demander à M. le ministre des finances s'il accepte les conclusions du rapport de la commission. Beaucoup d'explications nous ont été données déjà ; mais il est encore plusieurs points qui en réclament.

Ainsi, en admettant que M. le ministre ne veuille pas renoncer à la faculté que lui donne l'article 5, je crois qu'il y aurait lieu de réduire la pénalité qui est excessivement forte en cas de saisie.

M. Gobletµ. - Comme M. le ministre des finances, je ne demande qu'une chose, c'est que la lumière se fasse.

Des faits ont été articulés et, quoi qu'en dise M. le ministre des finances, plusieurs de ces faits ont été articulés par écrit et, par conséquent, sous la responsabilité des personnes qui les ont fait connaître. Du reste, si M. le ministre des finances le désire, je lui en ferai connaître qui sont signés par des négociants de Bruxelles qui, par conséquent, acceptent la responsabilité de leur dénonciation ; car, croyez-le bien, jamais de la vie je ne me permettrai d'attaquer qui que ce soit, ici ou hors de cette enceinte, sans être en mesure de produire une preuve certaine de mes allégations ou un garant en qui je puis avoir confiance.

Ainsi, voici un fait articulé par écrit et signé : on déclare que, dans l'affaire des papiers les choses ne se sont pas passées comme l'a dit M. le ministre des finances.

Voici une lettre d'un employé de la douane d'Anvers, qui prouve aussi que les papiers ne se sont pas non plus aussi bien vendus en gros que veut le dire M. le ministre. D'une déclaration écrite et signée d'un honorable négociant de Bruxelles, qui par suite accepte toute la responsabilité de ses assertions, il résulte un fait excessivement grave, c'est que le vérificateur qui a préempté les 27,000 rouleaux de papier, a cherché à vendre ces papiers en détail et a promis aux acheteurs que le premier envoi qui arriverait encore d'Angleterre il le préempterait également. Encore une fois, messieurs, ce fait me paraît très grave, et comme j'y suis autorisé par le signataire de la déclaration, j'ai cru pouvoir la faire connaître. Si le commerçant qui l'a signalé s'est trompé, eh bien, qu'il en subisse la conséquence.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lorsque les faits ne sont pas précisés, lorsqu'on reste dans le vague, il semble, en vérité, qu'il y ait là des crimes, des délits, des choses épouvantables.

En réalité, qu'y a-t-il ? Voici, me dit-on solennellement, un fait à raison duquel un négociant assume toute la responsabilité de la dénonciation ; on a vendu des rouleaux de papier en détail, et le fait ne s'est pas passé comme le raconte le ministre !

Mais d'abord a-t-on, bien écouté ce qu'a dit le ministre ? Il a dit : 100,000 rouleaux plus ou moins, cela importe peu, ont été introduits en entrepôt ; 12,700 ont été préemptés sur une première déclaration ; on a mis en émoi les fabricants de papier, presque tous les marchands de papier du pays. J'ai reçu une pétition me dénonçant cette vente en détail et se plaignant du préjudice qui en résultait pour les marchands de papiers peints.

J'ai fait une enquête administrative ; c'était la seule qui pût être ordonnée ; car il n'y avait là ni crime ni délit ; j'ai donc fait une enquête et j'ai constaté que l'un des signataires de la pétition qui me signalait la vente en détail des 12,700 rouleaux, était précisément l'acquéreur en gros de tous ces papiers,

Maintenant, j'ai ajouté que, postérieurement, on avait encore déclaré en douane environ 10,000 rouleaux de ces mêmes papiers, et qu'ils avaient également été préemptés. L'importateur s'est adressé au vérificateur lui offrant de reprendre ces papiers s'il consentait à perdre 200 fr., ce que l'employé a refusé d'accepter.

Alors ce vérificateur ayant pu disposer de sa marchandise comme il l'entendait, il l'a vendue en détail, et il en avait parfaitement le droit. Par conséquent le fait que vous citez ne signifie absolument rien et je n'ai pas à me livrer à de nouvelles investigations à ce sujet.

M. Gobletµ. - Dans les paroles que j'ai prononcées hier, je n'ai soutenu qu'une chose, c'est qu'il y avait des abus, et à mes yeux, l'un des plus considérables, c'était cette immixtion des employés de la douane dans les ventes de marchandises préemptées. J'ai cité, entre autres faits qui me paraissaient déplorables, un employé qui avait un magasin. M. le ministre des finances m'a dit : Citez le nom. Comme il n'est pas possible de produire publiquement des noms propres, j'ai répondu : Je vous le citerai après la séance. C'est ce que j'ai fait, mais M. le ministre des finances m'a dit : Cet employé est parfaitement dans son droit.

Je vois là, quant à moi, un abus. J'admets qu'un vérificateur ait le droit de vendre, dans certains cas, la marchandise qu'il a saisie. Mais (page 1207) d'autres agents de la douane s'occupent aussi de la vente de tes marchandises.

Des faits ont été dénoncés à cet égard, à M. le ministre des finances, faits dont se rendent garants des hommes honorables : MM. Dartevelle-Rue, Pauwels, Vermeire, etc.

On cite des douaniers qui se présentent à domicile et viennent offrir en détail des marchandises préemptées.

Je dis que ce sont là des abus, et quel que soit le chiffre des préemptions, je dis que ces faits ne doivent pas être tolérés, pour qu'on ne soupçonne pas, à tort, la généralité des employés de l'administration.

Je désire donc, je le répète, que la lumière se fasse. Si des commerçants ont attribué à l'administration des faits controuvés, des faits qui n'existent pas, je désire que ces faits soient éclaircis. De même que si des abus existent, je tiens à ce qu'ils ne soient pas tolérés et que d'honorables négociants ne soient pas soupçonnés de calomnie.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis vraiment désespéré de fatiguer la Chambre par des explications sur des faits si peu dignes d'occuper son attention ; mais je ne puis laisser dénaturer la situation.

De quoi s'agit-il ? Vous incriminez des employés de l'administration ; vous prétendez qu'ils posent des actes illicites, condamnables. Or, quand vous parvenez à préciser un fait, on vous démontre à toute évidence la parfaite inanité du prétendu grief renfermé dans ce fait. Nous venons d'avoir l'histoire des papiers peints ; vous racontez maintenant l'histoire des agents faisant le commerce. Mais dites-moi donc si, oui ou non, des employés chargés de préempter, et qui ont préempté, ne peuvent pas vendre les marchandises qu'ils ont ainsi achetées pour obéir à un devoir que la loi même leur impose ? Comment peut-on leur faire un crime de pareille chose ? Que voulez-vous qu'ils fassent de ces marchandises ? Doivent-ils donc les préempter pour les jeter à la rivière ? Chargés par la loi, à tort ou à raison, je ne me préoccupe pas de cette question, de faire les préemptions, de les faire à leurs risques et périls, obligés de payer d'avance les marchandises préemptées, que voulez-vous qu'ils en fassent ?

M. Gobletµ. - Ce ne sont pas les employés qui préemptent, qui font le commerce.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais quels intérêts vous défendez ici. Comprenons-nous bien. Les agents de la douane ont fait une préemption ; ils ont payé le prix, augmenté de 10 p. c., à celui qui a fait la déclaration. Ils ont la marchandise ; mais nécessairement ils doivent la vendre. Ils la colportent, dites-vous ; ils vont de porte en porte. C'est fâcheux ; mais que voulez-vous qu'ils en fassent ?

Ayant préempté, non dans le système du traité mais dans celui de la loi générale, c'est-à-dire pour leur propre compte, ils faut bien qu'ils disposent de la marchandise. Aussi longtemps que la législation existe, vous ne pouvez leur faire un crime de chercher à se défaire d'un objet qui leur appartient.

M. Gobletµ. - Mais ceux qui n'ont pas le droit de préempter peuvent-ils se mêler de la vente ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il se peut que l'employé charge un tiers de la vente des marchandises ; je l'ignore, mais au fond quelle importance cela peut-il avoir ?

Maintenant, remarquez bien que je ne veux pas couvrir de ma protection les abus qui peuvent naître d'une semblable situation, d'une semblable législation. Sans doute des abus peuvent exister, et notre devoir-est de les réprimer.

M. Gobletµ. - Nous sommes d'accord.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous ne sommes pas d'accord, en ce sens que je ne puis considérer comme répréhensibles les faits que vous citez. Les négociants se sont plaints à moi ; j'ai dû leur répondre : Cela n'est pas répréhensible ; c'est l'usage légitime d'un droit. Mais si de véritables abus étaient révélés et constatés, je n'hésiterais pas à les réprimer.

J'ai, du reste, démontré que les faits n'avaient pas d'importance ; qu'ils n'étaient pas dignes d'occuper la Chambre.

M. de Rongé, rapporteurµ. - Comme rapporteur de la commission, je n'ai pas cru devoir entrer dans des questions de personnes ; je ne puis cependant laisser la question s'égarer, et l'on s'est un peu éloigné des conclusions du rapport.

Je demande quelle satisfaction M. le ministre des finances compte donner à ces conclusions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On propose le renvoi de la pétition au ministre des finances avec demande d'explications. Je viens de m'expliquer très longuement. Veut-on que j'écrive ces explications ? Cela n’est pas sérieux. Je ne puis refaire que ce que j'ai fait. J'ai donné mes raisons à l'appui du système que défend l'administration. Elle a examiné tout ce qui lui a été révélé. J'ai invité les réclamants, lorsqu'ils ont des faits à signaler, à les préciser, et j'ai dit que j'ordonnerais une enquête. Que veut-on de plus ?

On dit qu'il y aurait peut-être une disposition de la loi à modifier. J'examinerai cela.

Il est donc inutile de me renvoyer la pétition avec demande d'explication. J'accepterai le renvoi pur et simple.

- La discussion est close.

M. le président. - M. le rapporteur, persistez-vous dans votre demande d'explication ?

M. de Rongé, rapporteurµ. - On nous dit que les explications ont été données. Je demande le renvoi pur et simple. Mais j'espère que M. le ministre des finances voudra bien examiner la question et faire tout ce qui est possible dans l'intérêt du commerce.

- Le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances est ordonné.

Ordre des travaux de la chambre

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le président. - Pourquoi, M. Dumortier ?

M. B. Dumortier. - Je vais vous le dire, M. le président.

M. le président. - Vous devez faire connaître pourquoi vous demandez la parole.

M. B. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

M. le président. - Vous avez la parole pour une motion d'ordre.

M. B. Dumortier. - Messieurs, dans la situation où se trouve le pays, situation dont nous comprenons tous la gravité, il importe que la Chambre fixe son attention sur ce qui reste à faire dans les débats qui vont suivre et dans les objets à fixer à l'ordre du jour.

Le danger que court la santé de notre Souverain chéri préoccupe énormément tous les bons citoyens. Il n'est pas dans cette Chambre un seul membre sur qui ce danger ne pèse fortement.

Tout en formant les vœux les plus ardents pour que la divine providence daigne conserver au pays celui qui a constitué notre nationalité et qui l'a amenée au point où elle est aujourd'hui, celui qui a encore de grands, d'éminents services à nous rendre, tout en formant les vœux les plus sincères pour la conservation des jours du Roi, je crois, messieurs, qu'il est un point sur lequel nous devons tous tomber d'accord ; c'est la nécessité impérieuse d'éviter, dans les circonstances actuelles, tout ce qui peut, dans nos débats, avoir le moindre caractère de questions irritantes.

Il faut tous nous réunir dans un commun patriotisme pour ne voir que la situation que nous est faite. Dans une pareille occurrence, si la Chambre a, d'un côté, le devoir de rester réunie, d'un autre côté nous avons un devoir non moins grand : c'est d'éviter en ce moment les luttes de partis et de ne nous occuper que des questions dont la solution est nécessaire au bien-être public, mais qui ne peuvent exciter aucune espèce d'irritation dans le pays.

J'engage donc la Chambre à laisser à la présidence le choix des questions à placer à l'ordre du jour, bien entendu avec cette direction qu'on écartera tout ce qui pourrait donner lieu à des discussions irritantes.

Je demanderai spécialement qu'on mette à l'ordre du jour la question des warrants qui peut tenir la Chambre pendant quelques jours sans donner lieu à la moindre lutte de partis.

Je sais bien qu'il n'y a rien de désespéré dans la santé de notre bien-aimé Souverain, mais la douleur que nous éprouvons de l'état de souffrance où il se trouve est d'autant plus grande que notre affection pour lui est plus vive. C'est pour cela que j'ai pris la confiance de faire une motion dont l'assemblée comprendra le but et l'utilité.

M. le président. - Si j'ai bien compris l'honorable M. Dumortier, il demande qu'après les prompts rapports, qui sont à l'ordre du jour de la séance de demain, la Chambre s'occupe de l'institution des warrants.

(page 1208) M. B. Dumortier. - Je demande en outre que si parmi les prompts rapports il s'en trouve qui puissent jeter de l'irritation dans les esprits, ces rapports-là soient laissés momentanément de côté,

M. le président. - Je vous demanderai de mettre votre proposition par écrit.

M. B. Dumortier. - C'est inutile, M. le président. Ma motion n'est qu'une simple recommandation que je me permets de soumettre à la Chambre.

M. le président. - Chacun pourra voir dans les Annales parlementaires ce que vous avez recommandé. Il n'y a rien à mettre aux voix.

M. B. Dumortier. - J'ajoute, messieurs, qu'il me semble surtout convenable de ne pas aborder le Code pénal qui soulève une des questions les plus irritantes qu'on puisse rencontrer.

- La séance est levée à 5 heures.