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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 juin 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1456) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaireµ, présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Demunck, ancien préposé des douanes, prie la Chambre de statuer sur sa demande ayant pour objet une enquête sur les faits qui ont motivé sa démission. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Lize demandent que ce hameau, dépendant de la commune de Seraing, soit érigé en commune distincte. »

- Même renvoi.


« Des propriétaires, exploitants de minerais de plomb, fer et pyrite, et autres industriels, demandent l'exécution du chemin de fer de Namur à Landen. »

- Même renvoi.


«Le sieur Segers, ancien lieutenant, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la démission du grade qu'il occupait dans l'armée.»

- Même renvoi.


« M. Visschers fait hommage à la Chambre de 120 exemplaires d'un mémoire sur la situation et les besoins des caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs. »

-— Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.

Composition des bureaux de sections

Composition des bureaux des sections pour le mois de juin 1862.

Première section

Président : M. Vilain XIIII

Vice-président : M. Vermeire

Secrétaire : M. de Paul

Rapporteur de pétitions : M. Thienpont


Deuxième section

Président : M. Goblet

Vice-président : M. David

Secrétaire : M. Orban

Rapporteur de pétitions : M. Snoy


Troisième section

Président : M. Magherman

Vice-président : M. de Naeyer

Secrétaire : M. Tack

Rapporteur de pétitions : M. H. Dumortier


Quatrième section

Président : M. d’Hoffschmidt

Vice-président : M. Braconier

Secrétaire : M. De Fré

Rapporteur de pétitions : M. Van Renynghe


Cinquième section

Président : M. le Bailly de Tilleghem

Vice-président : M. Van Leempoel

Secrétaire : M. Mouton

Rapporteur de pétitions : M. Van Bockel


Sixième section

Président : M. Kervyn de Volkaersbeke

Vice-président : M. Van Humbeeck

Secrétaire : M. Sabatier

Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt

Projet de loi relatif à l’indemnité pour logements militaires

Développements

MpVµ. - La Chambre consent-elle à entendre aujourd'hui les développements de la proposition de M. Coomans ?

- Plusieurs membres : A demain.

M. Coomans. - Je me conformerai parfaitement au désir de la Chambre ; seulement, je prendrai la liberté de lui faire remarquer que ma proposition offre un certain caractère d'urgence et que du reste mes développements seront très courts. Après cela, je suis prêt à accepter le jour et l'heure que la Chambre voudra fixer..

- Plusieurs membres. - A demain.

MpVµ. - Il n'y a pas de motif, ce me semble, pour ne pas entendre ces développements aujourd'hui.

M. Allard. - Cela n'est pas à l'ordre du jour.

M. Coomans. - Soit, à demain.

Projet de loi révisant le code pénal

Rapports de la section centrale

M. Pirmez. - Messieurs, voici la rédaction nouvelle de l'article 516, que la commission a l'honneur de vous proposer :

« Seront punis d'un emprisonnement de 15 jours à six mois et d'une amende de 50 francs à mille francs, ceux qui, par un écrit non rendu public, mais adressé à un certain nombre de personnes, auront répandu des imputations calomnieuses à une personne contre son subordonné ; ceux qui auront fait par écrit à l'autorité une dénonciation calomnieuse. »

Messieurs, cette proposition contient des modifications aux paragraphes 2 et 3 de l'article 516.

Le paragraphe 3 n'avait été envoyé à la commission que pour un simple changement de rédaction.

Le paragraphe 3 lui avait été renvoyé par suite de la proposition de l'honorable M, Devaux, qui demandait qu’il fût écrit dans l'article qu'il n'y aurait délit que lorsque celui qui adresse des écrits contenant des imputations calomnieuses ou diffamations, a l'intention de répandre ces imputations.

La commission n'a pas adopté cette proposition, parce qu'elle a pensé que le but de l'honorable M. Devaux était suffisamment réalisé par la rédaction qu'elle vous propose.

En effet, d'après l'article il n'y a délit que lorsqu'on aura répandu des imputations calomnieuses. Or, il est de droit que jamais un fait n'est punissable que lorsqu'il est commis avec connaissance et avec volonté. Il s'ensuit donc que le fait de répandre une imputation ne peut être puni que lorsque l'auteur du fait a voulu réellement répandre cette imputation.

L'article d'ailleurs exige encore que l'imputation ait pour mobile la méchanceté, comme l'indique l'article 514.

Je crois donc que la proposition que la commission a l'honneur de vous soumettre, en maintenant l'harmonie dans la rédaction de ces divers articles du chapitre, doit écarter toute crainte d'extension exagérée de l'infraction.


M. Moncheur. - Organe de la commission qui a examiné le titre IV du Code pénal, je viens, messieurs, vous rendre compte de ses délibérations sur les changements que nécessite l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Guillery, amendement qui est devenu l'article 295. La disposition primitive du projet n'était relative qu'aux ministres des cultes. Elle portait que les ministres des cultes qui, dans des discours prononcés ou par des écrits, lus dans l'exercice de leur ministère et en assemblée publique, auraient fait la critique ou la censure du gouvernement, d'une loi, d'un arrêté royal ou de tout autre acte de l'autorité publique, seraient punis d'un emprisonnement de 8 jours à trois mois et d'une amendé de 26 francs à 500 francs ; mais la disposition étant devenue générale par la substitution du mot : « quiconque » aux mots : « les ministres des cultes », il est devenu nécessaire de changer l'intitulé du chapitre IX et même celui du titre IV.

La commission vous propose donc de substituer dans l'intitulé du titre IV, aux mots : « ou par les ministres des cultes dans l'exercice de leur ministère, » ceux-ci : « et des infractions commises dans l'exercice des cultes, » et de rédiger également comme suit l'intitulé du chapitre IX : « des infractions commises dans l'exercice des cultes. » Il est également nécessaire de faire aux articles 296 et 297 les changements de rédaction qui résultent matériellement de la modification apportée à l'article 295.

Ainsi, l'article 296 est conçu comme suit :

« Si le discours ou l'écrit contient une provocation directe à la désobéissance aux lois ou aux autres actes de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, « le ministre du culte » qui l'aura prononcé ou lu sera puni, etc. »

La commission propose au lieu des mots : « Le ministre du culte qui l'aura prononcé » les mots : « Celui qui l'aura prononcé, etc. »

Enfin à l'article 297 elle propose de substituer aux mots : « au ministre coupable de la provocation » les mots : « à l'auteur de la provocation. »

L'article 297 serait conçu comme suit : « Lorsque la provocation a été suivie d'une sédition ou révolte de nature à entraîner une peine criminelle, cette peine sera appliquée à l'auteur de la provocation. »

Discussion des articles amendés (livre II. Des infractions et de leur répression en particulier

Titre IV. Des crimes et des délits contre l’ordre public, commis par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions ou par des ministre des cultes dans l’exercice de leur ministère

Chapitre IX. Des infractions commises par les ministres des cultes dans l’exercice de leurs fonctions
Articles 295 à 297

MpVµ. - La Chambre veut elle s'occuper d'abord des modifications apportées à l'intitulé du titre IV et à celui du chapitre IX.

La commission propose de rédiger comme suit l'intitulé du titre IV : « Des crimes et des délits contre l'ordre public commis par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, et des infractions commises dans l'exercice des cultes. »

M. B. Dumortier. - Je dois m'opposer aux amendements proposés aujourd'hui ; d'abord c'est que les articles 296 et 297 sont votés définitivement et qu'il n'est pas possible d'y revenir ; le vote définitif a eu lieu, le règlement est formel, le deuxième vote une fois accompli, il n'est plus possible de revenir sur ce qui a été fait, sans une nouvelle violation du règlement ajoutée à celles déjà commises.

Quant à l'intitulé, je ferai remarquer que le changement qu'on propose aurait pour résultat de changer la portée de l'article adopté au premier vote. Au premier vote on s'est borné à remplacer le mot « ministre du culte » par « quiconque », ce qui a étendu considérablement la partie de la donation. Par le changement qu'on propose au libellé, on l'étend non seulement à ce qui se passe dans le temple pendant l’office religieux, mais à tout ce qui est exercice religieux.

(page 1457) Messieurs, deux modifications existent donc, et je ferai remarquer que si, dans le cours des débats, les membres de la droite ne se sont pas occupés de l'amendement présenté par les honorables MM. Guillery et Van Humbeeck, c'est que l’on ne croyait pas que cet amendement fût sérieux. M. le ministre de la justice ne s'y étant pas rallié au commencement des débats, nous pensions que le gouvernement le combattait, en sorte qu'il ne faut pas s'étonner si personne n'a songé à rencontrer cet amendement que tout le monde croyait ne pas être sérieux.

Le mot « quiconque », qui commence l'article, se rapporte nécessairement à la matière sujette. Or, quelle est la matière sujette ?

« Des infractions commises par les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions. »

C'était donc un article purement et simplement relatif aux ministres des cultes, et lorsqu'on disait quiconque, ce quiconque se rapportait uniquement aux ministres des cultes, et les articles 296 et 297 confirmaient cette opinion, puisqu'on y a maintenu les mots de « ministres des cultes ».

Ce qu'on vous propose aujourd'hui, c'est d'étendre cette disposition attentatoire à la liberté de la parole, à tous les citoyens assistant à un exercice religieux quelconque

Si l'amendement proposé était adopté, quel en serait le résultat ? La chose est de toute évidence : c'est que non seulement le ministre du culte, mais tout particulier quelconque serait frappé de mutisme au sujet des actes du pouvoir, lorsqu'il assisterait à une cérémonie religieuse.

Ainsi, si cet article était voté, je défie à l'avenir de faire l'oraison funèbre d'un homme politique qui vient de décéder. Car vous ne pourriez pas le louer d'avoir fait résistance à un acte du gouvernement, sans que pour cela vous fussiez condamné à cinq mois d'emprisonnement.

Mon honorable ami, M. Bartels, vient de mourir ; il n'eût pas été possible à son enterrement, de dire qu'il avait résisté à l'arbitraire du gouvernement, sans être nécessairement poursuivi et exposé à une peine de cinq mois d’emprisonnement.

Si c'est ce qu'on veut, qu'on ait la franchise de le dire. Mais il ne faut pas d'équivoque dans une question qui tient à la plus sacrée de toutes les libertés, à la liberté de la parole. Il ne faut pas d'équivoque ; il faut que chacun sache à quoi il est astreint.

Ce n'est pas tout, messieurs. En étendant cet article comme on veut le faire, en en changeant l'intitulé, savez-vous où vous en arrivez ? Vous en arrivez à cette conséquence que, dans toute espèce de congrégation religieuse quelle qu'elle soit, que dans toute espèce d'association religieuse, quelle qu'elle soit, on ne pourrait pas s'exprimer sur la conduite du gouvernement sans être poursuivi et condamné à cinq ans d'emprisonnement.

Ce serait là, messieurs, une atteinte et une violente atteinte portée au droit d'association ; ce serait une nouvelle atteinte à enregistrer à côté de toutes celles que ces articles ont déjà consacrées.

Je m'oppose donc formellement au changement d'intitulé du chapitre.

L'article a été voté avec l'intitulé qui s'y trouvait. Personne, dans le débat, n'a dit que cet article devait s'appliquer à tous les individus qui assistaient à une cérémonie religieuse. Jamais parole semblable n'a été prononcée dans le débat. Ce serait donc, par votre vote, donner à cet article une portée qu'on ne lui a pas donnée avant qu'il fût voté.

Je le répète donc, vous avez sanctionné définitivement les articles 296 et 297 ; vous ne pouvez les changer ; vous n'avez plus le droit de changer ces articles. Par le fait de ces articles, vous avez consacré ce principe que l'article nouveau, tel qu'il se présente, ne se rapporte qu'aux ministres des cultes.

Maintenant changer l'intitulé après coup, ce serait non seulement faire ce que vous n'avez pas le droit de faire, violer notre règlement qui est la loi des minorités, mais encore englober dans la pénalité tous les individus, quels qu'ils soient, qui seraient ainsi frappés de mutisme en ce qui concerne les actes du gouvernement le jour où ils assisteraient à une réunion religieuse, et vous ne savez pas jusqu'où l'on pourrait étendre la portée de ses expressions : « réunion religieuse.»

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je crois qu'on peut modifier les articles 296 et 297, sans violer le règlement, sans commettre les iniquités que l'honorable M. Dumortier voit dans ce changement, sans donner à ces articles l'extension que l'honorable membre prétend que nous y donnerions si nous adoptions la rédaction qui nous est soumise.

Voici, messieurs, ce que porte l'article 45 du règlement : « Lorsque des amendements auront été adoptés, ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés.

« Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances.

« Dans la seconde, seront soumis à une discussion et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés.

« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »

M. B. Dumortier. - Vous avez fait le second vote.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les articles 296 et 297 n'ont pas été soumis à un second vote. (Interruption.) Il y a un article qui a été modifié.

Le règlement aurait été tout à fait incomplet s'il n'avait pas prévu ce cas. Lorsqu'un article a été modifié, il peut en résulter la nécessité de modifier d'autres articles.

Ainsi, messieurs, les modifications peuvent être introduites sans violation du règlement.

Le changement apporté à l'article 295 exige aussi une modification aux intitulés du titre et du chapitre. On prétend aujourd'hui que personne ne s'en est expliqué. La Chambre se rappellera que, immédiatement avant le vote, j'ai dit que cette modification proposée rendrait nécessaire une modification à ces intitulés ; on ne peut donc pas venir parler de surprise.

On nous a demandé si nous entendons appliquer cet article à toutes les associations religieuses.

Cela n'est jamais entré dans nos intentions, et l'article n'y prête pas le moins du monde.

L'article 295 s'occupe des critiques et censures, pendant l'exercice du culte, dans les lieux où un culte public s'exerce, et non par des associations religieuses, et je ne sais pas où l'on trouverait un juge qui donnerait à l'article l'extension que semble prévoir M. Dumortier.

M. Coomans. Messieurs, je ne trouve pas tout cela bien clair et net. D'abord il est évident que le règlement n'admet que deux votes. Il est bien vrai que l'honorable ministre a dit qu'il y aurait un troisième vote quant à l'intitulé, mais ce n'est là qu'une simple déclaration de M. le ministre, sur laquelle la Chambre n'a pas eu à se prononcer.

Je conçois qu'on modifie des articles définitivement votés, avec l'assentiment de la Chambre tout entière ; mais quand un seul membre s'oppose à une suspension, à une violation ou même à une modification du règlement, la majorité ne peut pas passer outre.

Ce qu'il nous importe à nous de démontrer, c'est que le changement proposé par le gouvernement est en réalité une aggravation déplorable.

La majorité a décidé à tort, je pense, mais enfin elle a décidé que les ministres des cultes salariés ne jouiraient pas de la liberté de la parole qu'on leur avait attribuée jusqu'à présent. (Interruption.)

Oh ! ce ne sont pas seulement les prêtres dont on rogne la liberté ; c'est un rognement général que l'on fait.

En supprimant les mots « ministres des cultes, » vous avez cette intention-ci : c'est de rendre les articles applicables à d'autres personnes que les ministres des cultes ; car si vous n'avez en vue que les ministres des cultes, laissez-les seuls dans l'intitulé.

Si donc vous voulez supprimer les ministres des cultes dans l'intitulé, il est évident que vous voulez rendre ces articles applicables à d'autres personnes, c'est-à-dire que vous aggravez beaucoup la disposition et que vous diminuez encore la liberté de la chaire, la liberté religieuse.

M. le ministre de la justice vient de dire, et c'est sur ce point que je demande une explication, que l'article 295 ne s'applique pas aux églises non officielles, aux associations religieuses ; n'avez-vous en vue réellement que les ministres des cultes salariés ? Dites-le ; attendu que vous avez déclaré souvent que vous diminuez la liberté de la chaire, en considération des avantages financiers que vous accordez au clergé.

Si cet argument a de la valeur, il laisse en dehors de vos pénalités les prêtres non salariés, les églises non salariées.

Voulez-vous, au contraire, que ce articles soient applicables à tous les cultes salariés ou non ? En ce cas, vous allez extrêmement loin.

Si vous vous bornez à réprimer les excès commis par les ministres des cultes salariés, vous constituez un privilège immense en faveur des prêtres non salariés, vous permettez aux ministres de nouveaux cultes qui peuvent s’établir demain en Belgique, vous leur permettez de prêcher des choses que vous ne toléreriez pas chez d’autres ministres.

Il y a dans le monde, et en Europe même, des cultes qui n'admettent pas de ministre, où tous les fidèles sont ministres et même ministres officiants.

(page 1458) Je suppose qu'un culte pareil qui existe en Suède, en Norvège, aux Etats-Unis, vienne à être établi à Bruxelles, il vous serait impossible, à vous comme à moi, de l'empêcher.

Du reste, je déclare que, pour ma part, je ne ferais aucun effort dans ce sens.

Eh bien, voilà un culte qui croyant que la liberté de la chaire, de la presse, de la parole, de l'enseignement existe en Belgique, voilà un culte qui va jouir d'un privilège énorme. Il admettra tous les fidèles à prêcher tout ce qu'ils voudront, et ces fidèles seront justiciables du jury et du droit commun, tandis que les cultes salariés se trouveront dans une condition beaucoup inférieure et beaucoup plus difficile.

Messieurs, une fois que l'on sort de la justice, de l'équité, de la logique, on se heurte coup sur coup à de très grosses difficultés. En voilà une.

L'autre jour, quand mon honorable ami, M. Dumortier, a insisté sur le respect dû à la liberté de la parole, j'ai entendu quelques chuchotements. (Interruption.) Que la liberté de la parole est la plus sacrée des libertés, c'est là, à mes yeux, une vérité élémentaire.

J'aime et je respecte la liberté de la presse. J'ai eu et j'aurai peut-être encore d'excellentes raisons pour cela ; mais j'avoue que j'aime et que je respecte encore plus la liberté de la parole, et je vais dire pourquoi.

La liberté de la parole, c'est la liberté du pauvre.

La liberté de la presse est la liberté du riche. C'est une liberté aristocratique ; elle n'est pas accessible à tout le monde ; la liberté de la parole l'est, c'est la plus respectable des libertés.

Je dis que lorsque vous mettez la liberté de la parole à un degré inférieur à la liberté de la presse, vous ne faites pas du libéralisme digne de ce nom ; vous faites du despotisme et de l'aristocratie privilégiée dans le plus mauvais sens du mot. Vous placez la presse dans une position où nous aimons à la voir, mais, après tout, dans une position privilégiée.

La presse a toutes sortes de garanties, et la parole n'en aura plus. Le pauvre diable qui ne sera pas assez riche pour pouvoir écrire un journal ou pour le lire, ne jouira pas de la liberté dont jouira l'homme riche, instruit, qui rédige un journal ou qui le lit.

Vous allez porter une atteinte réelle à la liberté de la parole.

Je le regrette surtout, dans un pays où la liberté de la parole a toujours été respectée.

Messieurs, puisque je jouis de cette liberté pour le moment, je demanderai la permission d'expliquer en très peu de mots pourquoi il me sera impossible de voter l'ensemble du Code pénal. Plusieurs raisons m'en empêchent. Voici les principales : D'abord, beaucoup de pénalités que nous avons édictées me semblent trop fortes : ensuite la peine de mort est appliquée dans des cas où je ne l'admets pas.

Je n'admets la peine de mort que lorsqu'il y a eu mort et préméditation bien établie de donner la mort.

En troisième lieu, vous avez diminué notablement la liberté de la chaire, de toutes les chaires, la liberté de la parole, la liberté du pauvre, je maintiens le mot.

Ensuite vous avez diminué considérablement la liberté de la presse.

Vous avez créé des délits pour ainsi dire nouveaux, dont nous n'avions plus le souvenir en Belgique.

M. Pirmez. - Quels sont ces délits ?

M. Coomans. - Si je puis revenir à ces articles, je vous le dirai. (Interruption.)

Mais avez-vous donc perdu la mémoire des distinctions subtiles que vous avez fait décréter l'autre jour avec M. le ministre de la justice au sujet de la calomnie, de la diffamation et de l'injure ?

M. Pirmez. - Je demande la parole.

M. Coomans. - Je croyais que tout cela vous était encore présent à l'esprit. J'en ai fait la remarque l'autre jour.

Nous avons donc empiré la situation de la presse. Pour moi, je dois le dire, je suis de ceux qui pensent qu'il n'entre pas dans l'esprit du législateur de 1831 de punir financièrement des journalistes qu'on ne pouvait pas punir par les lois ordinaires.

C'est là une pénalité énorme qui est entrée dans notre jurisprudence et presque dans nos mœurs, et, pour ma part, je le regrette beaucoup. C'est à cause de l'existence de ces grosses pénalités financières que j'aurais voulu voir adoucir plus qu'on ne l'a fait et même supprimer complètement, celles qui concernent la calomnie, la diffamation et l'injure.

Je ne pensais pas qu'alors que le gouvernement ne poursuivait pas d'office les personnes qui avaient prétendument calomnié, diffamé, injurié, il y eût encore lieu de prévoir de semblables peines dans le Code et surtout d'y appliquer de grosses peines.

La société ne considère pas ces prétendus délits de calomnie, de diffamation et d’injure comme de véritables délits, puisque la société s’abstient de les poursuivre ; elle ne poursuit que sur la plainte du calomnié, de diffamé ou de l'injurié.

M. Muller. - Mais sur quoi donc discutons-nous ?

M. Coomans. - Si je suis entré dans ces détails c'est sur l'invitation de l'honorable rapporteur de la commission.

Je me proposais simplement d'énoncer les motifs, qui me porteraient à voter contre le nouveau Code pénal ; et je crois en avoir dit assez pour justifier ma détermination.

M. Pirmez. - Messieurs, je ne veux répondre qu'à la partie générale du discours de l'honorable M. Coomans.

L'honorable membre ne veut pas voter le nouveau Code pénal. Il en a bien certainement le droit, mais il me semble qu'il devrait mettre les motifs qu'il donne de ce vote négatif d'accord avec la réalité.

M. Coomans nous reproche d'abord d'avoir admis des pénalités trop fortes ; il n'a cependant guère critiqué les différentes peines comminées.

Dernièrement, il est vrai, il nous a proposé de diminuer la peine des infractions de calomnie, et ses propositions ont été adoptées ; on devrait donc croire que ce n'est pas dans cette matière que l'honorable membre trouve le fondement du grief qu'il nous fait.

Eh bien, n'cst-il pas vraiment extraordinaire qu'après que la commission et la Chambre ont accepté le système de pénalité qu'il vous a présenté, l'honorable M. Coomans vienne nous dire qu'il ne votera pas le Code, parce qu'il maintient, dans cette matière même de la calomnie, des peines trop rigoureuses ?

M. Coomans. - J'ai dit que la peine est encore trop forte, attendu que je voudrais qu'il n'y en eût pas du tout ; j'en appelle aux Annales parlementaires.

M. Pirmez. - Vous ne voudriez pas de peine pour la calomnie ; de sorte qu'il faudrait permettre à tous et à chacun d'attenter de toute manière à l'honneur et à la considération d'autrui. Quelque grave que soit l'imputation, quelque perverse que soit l'intention, quelque faux que soit le fait allégué, il faudrait laisser un tel fait impuni !

M. Coomans. - Et les dommages-intérêts ?

M. Pirmez. - Les dommages-intérêts ! Mais ne savons-nous pas qu'on les élude déjà en se cachant derrière des malheureux n'offrant aucune prise aux condamnations pécuniaires ?, Combien ne trouverait-on pas de ces éditeurs responsables des méchancetés d'autrui, si la peine ne les éloignait, et que deviendrait donc cette ressource des dommages-intérêts ?

Je demande à l'honorable membre s'il est en Europe une seule législation qui ne punisse pas la calomnie.

M. Dolez. - C'est au nom de la morale surtout que ce délit doit être puni.

M. Pirmez. - En effet, messieurs, c'est la morale, dans ce qu'elle a de plus relevé, de plus incontesté, qui réclame cette satisfaction. Quel délits pourront encore être punis au nom de la justice, de la probité, de la loyauté, si la loi ne réprimait l'atteinte injuste, dommageable, mensongère, portée à la considération, ce bien si précieux à l'homme d'honneur ?

Mais voyez les contradictions où vous tombez, dit l'honorable membre : vous punissez la calomnie et vous exigez la plainte de la partie lésée ; vous proclamez à la fois l'ordre public intéressé et désintéressé à la répression de la calomnie.

Je m'étonne que M. Coomans choisisse précisément pour objet de ses critiques un des adoucissements que nous apportons à la législation actuelle, en cette matière de la calomnie où il nous reproche d'avoir étendu les pénalités.

Vous ne voulez donc plus qu'il y ait des délits qui ne soient punis que sur la plainte de la partie lésée ? Mais que ferez-vous donc pour l'adultère ? Le laisserez-vous impuni ou permettrez-vous la poursuite d'office ? Choisissez ! On nous reproche d'avoir créé des délits en matière de calomnie, d'avoir étendu les pénalités. Mais l'honorable membre oublie donc complètement la définition nouvelle que nous avons donnée de ce délit ; il oublie donc que nous avons restreint de la manière la plus marquée la définition du délit, en exigeant toujours, pour qu'il existe, que l'agent ait agi méchamment, mot qu'il faut lire à chaque article et qui modifie profondément le système de la législation répressive de la calomnie.

Désormais plus de pénalité quand on n'aura pas mis dans l'acte une intention coupable, quand il ne sera pas prouvé que l'auteur de la diffamation a été animé de l'intention de nuire. Et vous comptez cela pour rien ?

Prenez la législation actuelle, que trouvez-vous d'après la définition de la calomnie ? Qu'il suffit de reprocher à quelqu'un un fait qui donnerait lieu à une peine simplement correctionnelle pour être puni comme calomniateur, Ainsi, je dirai d'un individu qu'il a négligé de faire (page 1459) inscrire son enfant à l'état civil, qu'il a chassé sans port d'armes, ou péché en temps de frai, le fait fût-il vrai, je serai flétri du nom de calomniateur !

Maintenant, plus rien de tout cela.

Je sais bien que nous avons autrement divisé les degrés de la peine ; que nous avons fait une classification nouvelle des délits. Mais vous oubliez donc que tous les faits que nous punissions, tombaient déjà sous l'article du Code actuel, inséré au titre des Contraventions. C'est parce que vous oubliez cet article que vous croyez voir des délits nouveaux.

Nous avons établi une distinction entre la calomnie et la diffamation ; mais, si je ne me trompe, l'honorable M. Coomans était au sein de la commission lorsqu'il a été question de ce point ; et il a approuvé le changement.

M. Coomans. - Du tout ! du tout !

M. Pirmez. - Soit, si vous le repoussez, vous repoussez encore un adoucissement notable à la législation existante.

Aujourd'hui toutes les imputations vraies ou fausses sont réputées calomnie. Nous nous avons voulu que, lorsqu'on ne sait pas si l'imputation est vraie ou fausse, elle ne soit pas considérée comme une calomnie, qu'elle soit qualifiée de diffamation.

N'est-ce pas une atténuation sensible de la condamnation que de ne pas se voir frappé de la flétrissure du nom de calomniateur ?

Et c'est pour arriver là que M. Devaux et M. Guillery avaient critiqué l'article primitif qui, conformément à la loi actuelle, maintenait toujours la qualification de calomnie.

Je ne veux rien dire de ce qu'on a appelé la liberté de la chaire, sujet épuisé ; il me reste à faire une observation sur le dernier grief de M. Coomans.

L'honorable membre se plaint de ce que le Code prononce la peine de mort dans un cas d'incendie où l'agent n'a pas eu l'intention de donner la mort.

Nous avons démontré, lors de la discussion de l'article auquel on fait allusion, que le Code ne portait la peine de mort que quand il y avait certitude complète, absolue que l'incendiaire a mis le feu, sachant que l'incendie devait, par la nature même de faits, apparents pour lui, amener la mort de personnes qui se trouvaient dans l'édifice incendié.

Mais je suppose que sous ce rapport nous ayons été trop loin, que la disposition pèche par un excès de sévérité.

Un vote contre tout le Code, que se propose M. Coomans, est-il un remède bien choisi ? Mais M. Coomans ne voit donc pas que ce vote est le maintien de l'ancien Code ?

Or, celui-ci punit toujours de mort l'incendie sans distinction ; de sorte que si la manière de voir de M. Coomans était celle de la Chambre, pour éviter de punir de mort un incendiaire dont le crime a fait mourir plusieurs personnes peut-être de la plus cruelle des morts, on frapperait de la peine capitale celui qui a mis le feu à un mont de foin ? Est-ce être conséquent ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - M. Coomans m'a de nouveau interpellé sur l'interprétation à donner à l'article 295. Je vais chercher à être aussi clair que possible.

La critique ou la censure du gouvernement, des actes de l'autorité, pour tomber sous l'application de la loi, doit avoir été faite dans le lieu où s'exerce publiquement le culte et pendant l'exercice du culte ; voilà dans quel cas l'article est applicable. Quels que soient après cela les cultes, qu'ils soient salariés ou qu'ils ne soient pas, l'article ne fait aucune distinction ; nous ne changeons, sous ce rapport, nous ne changeons rien à la législation existante.

Je ne veux pas rentrer dans la discussion ; cependant je ferai une observation. On a dit que nous enlevions la liberté de la parole qui est, selon M. Coomans et d'après ses expressions, la liberté des pauvres diables. Je ferai observer que quand il s'est agi des articles 155 et 156, on ne les a pas combattus. Comme les pauvres diables n'ont pas le droit de monter en chaire, c'est dans cette circonstance qu'il fallait défendre leur liberté. Si la liberté de la parole avait été maintenue pour répondre, la discussion sur l'article 295 n'aurait probablement pas eu l'occasion de surgir.

M. B. Dumortier. - Je suis étrangement surpris quand j'entends M. le ministre de la justice prétendre qu'on aurait dû réclamer la liberté de la parole à l'occasion des articles 156 et 157 du Code. Le ministre s'est trompé en citant ces articles ; ce sont les articles 149 et 150, qui portent :

« Art. 149. Ceux qui, par des troubles ou des désordres, auront empêché, retardé ou interrompu les cérémonies ou les exercices religieux qui se pratiquent dans un édifice destiné ou servant habituellement au culte, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à trois mois et d’une amende de vingt-six francs à cinq cents francs.3

« Art. 150 Toute personne qui, par des faits, par paroles, gestes ou menaces, aura outragé les objets d'un culte, soit dans les lieux destinés ou servant actuellement à son exercice, soit à l'extérieur de ces lieux, dans des cérémonies publiques de ce culte, sera punie d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »

Je demande à M. le ministre comment il entend exécuter l'article de la Constitution qui garantit la liberté des cultes et l'exercice public des cultes, s'il entend établir une corrélation entre ces articles et la liberté de la parole ?

La Constitution dit : « La liberté des cultes et de leur exercice public est garantie » ; et quand la Constitution a décrété une pareille garantie, vous refuseriez d'insérer la sanction dans la loi ; en refusant d'inscrire cette sanction, vous refuseriez d'assurer la garantie décrétée par la Constitution.

Je réponds que les articles cités ne constituent pas un privilège en faveur du prêtre, mais en faveur des cultes pour assurer la liberté que la Constitution garantit. M. le ministre, il vous est plus facile de ricaner que de répondre ; c'est d'ailleurs votre habitude. (Interruption.)

Je dis que quand la Constitution a garanti la liberté des cultes et de leur exercice public, vous ne pouvez pas refuser la sanction que la Constitution exige. En la refusant, vous établiriez un privilège à celui qui voudrait troubler l'exercice du culte contre ceux qui s'y livrent paisiblement. Dans ce cas vous n'auriez qu'une chose à faire, ce serait d'accorder à ceux qu'on troublerait dans l'exercice de leur culte, la faculté de se faire justice eux-mêmes. Alors vous pourriez supprimer les dispositions dont il s'agit ; mais il n'entre pas dans nos mœurs de faire usage de la loi de Lynch.

Il fallait donc une disposition pour prévenir le trouble apporté dans l'exercice du culte. Qu'on ne dise donc pas que c'est en rapport avec la liberté de la parole. Dans toute assemblée, je l'ai déjà dit, ne peut pas prendre la parole qui veut. Nous sommes dans la Chambre des représentants, vous attaquez un fonctionnaire, une personne quelconque, cette personne ne peut pas prendre ou demander la parole ; il en est de même au conseil communal ou provincial ; au spectacle même, une personne se trouverait attaquée, elle n'a pas le droit de prendre la parole, elle a le droit de réponse, mais pas dans cet endroit, ce serait un trouble apporté à l'ordre, et partout l'ordre doit régner ; il n'y a donc aucune similitude entre les articles 149 et 150 et l'article 295 ; ces articles, je le répète, ne sont pas une faveur pour les ministres des cultes, mais pour la religion, pour les cultes ; ce sont des dispositions que vous ne pouviez pas vous dispenser d'insérer dans la loi sans refuser de donner aux cultes la garantie à laquelle ils ont droit. Ce que veut M. le ministre, c'est la suppression de la garantie de la liberté des cultes.

Veuillez me dire comment sera garantie la liberté des cultes, si vous sup-rimez cet article.

Les cultes n'auront plus de garantie, et alors celui qui aurait un privilège, dans votre système, serait celui qui voudrait troubler l'ordre dans une cérémonie religieuse.

Maintenant est-ce à dire qu'il y ait aucune espèce de rapport entre ces articles et ceux qui sont en discussion ? En aucune manière. Dans les articles dont il s'agit ici, il n'est plus question que de la liberté de la parole.

Et qu'est-ce qu'on veut frapper, empêcher ? C'est le droit de se plaindre d'un acte du gouvernement, comme si le gouvernement était arrivé à une espèce d# déification telle, que tout le monde dût s'incliner devant lui, s'agenouiller devant lui. Car voilà la portée réelle de l'article qu'il s'agit de sanctionner définitivement.

Comme le disait fort bien un de mes honorables collègues, on comprenait fort bien cet article sous le régime impérial. Il n'y avait pas là une disposition exceptionnelle pour le prêtre. Car alors personne ne pouvait s'occuper du gouvernement. Quiconque se serait avisé de s'en occuper aurait été envoyé en Algérie, à Lambessa, à la Guyane ou partout ailleurs.

Lors donc qu'on défendait au prêtre de s'occuper du gouvernement, on ne faisait que lui appliquer la loi commune.

Rappelez-vous que la Chambre elle-même, sous l'empire, n'avait pas le droit de critiquer le gouvernement et lorsque l'on est venu présenter une humble adresse de la Chambre pour qu'il fût mis un terme au système de guerre qui ruinait la France et la couvrait de flots de sang, l'empereur a répondu : Moi seul suis le maître de la France, et vous, messieurs, vous n'avez qu'à retourner dans vos foyers.

Voilà la liberté dont on jouissait alors, et si c'est à ce système que le gouvernement veut nous amener, je le lui déclare, jamais le Belge ne consentira à vivre sous un pareil régime.

(page 1460) Maintenant le changement qu'on veut introduire dans l'article ne peut être admis. Car, encore une fois, il aurait pour portée, d'une part, de violer le règlement, et d'autre part, d'étendre à tout individu, quel qu'il soit, un article qui, en vertu de l'intitulé, ne s'appliquait qu'aux seuls ministres des cultes.

Je vous ai dit que l'article 296 avait été voté. Je viens de vérifier le procès-verbal ; je crois qu'il est au bureau. M. le président pourra vous confirmer ce que j'ai eu l'honneur d'avancer. L'article a été définitivement voté, le second vote a eu lieu.

M. le ministre de la justice invoque l'article 46 du règlement. Oui, l'article 46 du règlement prescrit que lorsque des amendements ont été apportés à un article, ces amendements peuvent entraîner un changement à d'autres articles.

Mais c'était avant le second vote de l'article 296 que M. le ministre de la justice devait faire sa réclamation. Il ne l'a pas faite, et l'article a été définitivement voté. Or vous ne pouvez plus revenir sur un article qui a été définitivement voté.

M. Orts. - Je ne veux dire que deux mots sur la question du règlement et je n'en sortirai pas.

Il est incontestable qu'un amendement a été apporté à l'article 295 et que l'on a, dans cet article, remplacé le terme restrictif : « ministres des cultes » par le mot « quiconque ». Cela est voté, définitivement voté.

Qu'est-ce que cela signifie ? Que lorsque le délit de l'article 295 aura été commis par n'importe quel individu, ministre du culte ou autre, il sera puni de la peine de l'article 295.

« Quiconque » ne veut pas dire en français « ministres des cultes », « quiconque » est le terme le plus large et le plus absolu qu'on puisse employer pour exclure toute espèce de distinction, de catégories d'individus. Il est donc constant que lorsqu'un particulier, dans une assemblée publique et au moment de l'exercice du culte, aura fait la critique et la censure du gouvernement, ce particulier pourra être puni.

Mais pourquoi l'honorable M. Guillery a-t-il proposé cette extension et ce mot « quiconque » ! Pour répondre aux objections des amis de l'honorable M. Dumortier et je crois un peu de l'honorable M. Dumortier lui-même, qui disaient : Vous mettez les ministres des cultes hors la loi ; vous leur faites, à leur détriment, une position privilégiée ; vous les empêchez de faire ce que tout particulier a le droit de faire.

L'honorable M. Guillery a répondu : Vous voulez le droit commun, eh bien, nous allons mettre « quiconque », et vous l'aurez.

M. B. Dumortier. - Ce n'est pas là le droit commun.

M. Orts. - C'est dans ce sens que cela a été voté et que cela sera appliqué.

Maintenant, le règlement en main, l'honorable M. Dumortier vous dit : Vous ne pouvez pas mettre les articles 296 et 297, définitivement votés, en rapport avec ce qui a été introduit légalement dans l'articles 295 par l'honorable M. Guillery. Mais si la lettre du règlement est pour l'honorable M. Dumortier, voyez les inconséquences où nous arrivons et je les lui signale ; c'est une question de bon sens.

Tous ceux qui commettront le délit de l'article 295, ministres du culte ou non, seront punis. Puis, l'article 296 restant ce qu'il est, lorsque le même délit est accompagné d'une circonstance aggravante et méritera par ce motif d'être puni plus sévèrement, les ministres des cultes seront frappés de cette aggravation de sévérité de la loi, et les « quiconque », non ministres des cultes, n'en seront pas frappés.

Cela est-il logique ? cela est-il raisonnable et juste ? Je ne le pense pas, et c'est pourquoi je crois qu'il faut admettre, d'accord commun, la correction, conséquence de l'article voté, ou se condamner à subir cette humiliation de voter un Code pénal qui n'a pas de logique et manque de sens commun autant que d'équité.

M. Moncheur, rapporteur. - Messieurs, permettez-moi de dire quelques mots pour expliquer ma manière de voir sur cette question de règlement.

Il est certain que l'amendement de l'honorable M. Guillery a étendu énormément l'incrimination et qu'alors que celle-ci était relative aux ministres des cultes seulement, il en fait une incrimination générale. C'est pourquoi j'ai formellement combattu l'amendement de l'honorable M. Guillery et j'ajouterai que si je ne l'ai pas combattu plus longuement et plus vivement encore, c'est que je ne l'ai pas cru sérieux. Il ne me semblait pas possible que l'on adoptât une disposition aussi extraordinaire, aussi excessive que celle-là, une disposition qui punit de l'emprisonnement et de l'amende tous les citoyens quelconques qui, dans certaines circonstances, auraient seulement critiqué ou censuré le gouvernement.

J'ai donc prouvé que l'article 295 recevait une extension immense et qu'il laissait subsister tous nos griefs quant aux ministres des cultes en en faisant naître d'autres, quant à tous les citoyens. A mon sens, cette disposition est beaucoup plus mauvaise que l'article qui avait été proposé par le gouvernement.

Cependant, elle a été définitivement adoptée et il y a aujourd'hui des intitulés qui ne sont plus en harmonie avec l'article 295 nouveau. D'autre part, les articles 296 et 297 ne sont plus non plus en rapport avec l'article 295.

Or, ordinairement, lorsqu'il y a des corrections, pour ainsi dire matérielles à faire par suite de l'adoption d'un principe, les corrections s» font d'un commun accord, d'un consentement unanime dans cette Chambre.

Mais j'avoue que, pour rester dans les termes du règlement, du moment que la minorité ou même un seul membre s'oppose à ce qu'un article adopté au second vote soit encore modifié, au moment du vote définitif sur l'ensemble, on ne peut le faire. (Interruption.)

C'est mon opinion personnelle, et je ne crois pas qu'il puisse en être autrement.

Le règlement dit qu'il y aura deux votes : au second vote on remet en discussion les amendements, et puis on peut toujours, avant le second vote, apporter à d'autres articles les modifications qui seraient la conséquence de nouveaux amendements adoptés.

Ainsi si, avant de procéder au second vote sur l'article 296, l'on avait proposé de corriger cet article, pour le mettre en harmonie avec l'article 295 nouveau, évidemment on aurait pu le faire, mais aujourd'hui que le second vote a eu lieu sur l'article 296, cet article est bien définitivement adopté. Ainsi le veut le règlement.

Maintenant, messieurs, on dit : » Vous ferez une chose qui ne sera pas logique ; il y aura une contradiction dans la loi. » C'est possible, messieurs, mais la loi sera examinée dans une autre enceinte, et là on pourra faire disparaître cette contradiction.,

En résumé, s'il n'y avait pas de réclamation, nous pourrions adopter les changements proposés par la commission, mais puisqu'il n'y a pas opposition, les articles adoptés au second vote ne peuvent plus être modifiés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - e tiens à établir, messieurs, que l'on est, selon moi, absolument dans les termes du règlement.

- Plusieurs membres. - Mais certainement !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est évident que la Chambre, en faisant son règlement, a dû se préoccuper de cette hypothèse-ci : dans, la confection des lois, un article peut se trouver amendé, et par cela même, il doit être soumis à un second vote.

M. B. Dumortier. - Mais le second vote a eu lieu. En voulez-vous un troisième ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Laissez-moi donc achever. Si le second vote est favorable à l'amendement, il peut en résulter que d'autres dispositions, quoique définitivement adoptées, doivent encore être modifiées. Il a donc fallu prévoir ce que l'on ferait en pareil cas, et on l'a dit dans le pénultième paragraphe de l'article 45.

Ce paragraphe dispose que, dans la seconde séance, seront soumis à une discussion et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés. « Il en sera de même, porte le dernier paragraphe, des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. »

Ainsi, messieurs, on a le droit, non pas seulement de faire des amendements avant l'adoption du premier amendement, mais de faire de « nouveaux » amendements « motivés » sur l’ « adoption ou le rejet » des amendements soumis au second vot.

- La clôture est demandée.

M. B. Dumortier (contre la clôture). - Il est impossible, messieurs, de prononcer la clôture quand on vient de soulever une question de règlement.

L'honorable M. Frère parle comme si l'article n'avait point été adopté ; eh bien, je demande la lecture du procès-verbal de la séance où le vote définitif a eu lieu.

-La clôture est mise aux voix et prononcée.

MpVµ. - Lorsque M. le ministre de la justice a dit qu'il se ralliait à l'amendement de M. Guillery, il s'est réservé en même temps de proposer une modification à l'intitulé du chapitre IX, et le vote a eu lieu à la suite de cette réserve.

Il ne peut donc pas y avoir de difficulté à ce que l'on revienne sur l'intitulé, si la Chambre le trouve convenable.

Maintenant il s'agit d'apporter des modifications aux articles. 296 et 297 qui ont été définitivement adoptés, et ici se présente la question d'interprétation du règlement. Il en est qui pensent que ces articles ayant été définitivement adoptés il n'est plus possible d'y revenir ; d'autres (page 1461) invoquent le dernier paragraphe de l'article 45 du règlement, d'après lequel on doit mettre aux voix les modifications qui sont la conséquence de l'adoption ou du rejet d'articles ou d'amendements.

Il me semble, en effet, que c'est bien là le sens du paragraphe final de l'article 45. La Chambre statuera.

Je vais mettre aux voix le changement proposé à l'intitulé. Il était ainsi conçu :

« Des infractions commises par les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions. »

La commission, d'accord avec le M. ministre de la justice, propose de dire :

« Des infractions commises dans l'exercice des cultes. »

- Plusieurs membres. - L'appel nominal l

II est procédé au vote par appel nominal sur la proposition de la commission.

98 membres sont présents.

63 adoptent.

31 rejettent.

4 s'abstiennent.

En conséquence la proposition est adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Braconier, Carlier, Crombez, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dupré, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier et Vervoort.

Ont voté le rejet : MM. Van Bockel, Vander Donckt, Van de Woestyne, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans, Coppens-Bove, Dechamps, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Notelteirs, Rodenbach, Royer de Behr et Snoy.

Se sont abstenus : MM. de Decker, de Naeyer, Moncheur et Tack.

MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Decker. - Messieurs, je n'ai pas voté contre le changement d'intitulé, parce que la Chambre a été avertie, lors du vote de l'article 295, que le changement serait proposé ; je n'ai pas voté pour parce que le changement est une extension de la disposition primitivement votée et qu'il est une aggravation que je ne puis ni ne veux sanctionner.

M. de Naeyer. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que je ne veux contribuer en rien au vote d'une disposition qui me paraît évidemment attentatoire à une liberté consacrée par notre Constitution.

M. Moncheur. - Messieurs, je n'ai pas voté contre la modification, parce qu'en présence de la réserve faite par M. le ministre de la justice, la Chambre avait le droit de revenir sur l'intitulé du livre II du chapitre IX, et que celui qui est proposé par la commission le met en harmonie avec l'article 295 nouveau ; mais je n'ai pas voté pour cet intitulé, parce qu'ayant combattu l'article 295 lui-même, je ne pouvais pas en admettre les conséquences.

M. Tack. - Je n'ai pas voulu voter pour la modification apportée au texte de l'intitulé du chapitre, parce qu'elle confirme la disposition de l'article 295 que je repousse ; je n'ai pas cru devoir voter contre la nouvelle rédaction de l'intitulé, parce qu'il a été entendu dans une précédente séance qu'on le mettrait en harmonie avec le texte de l'article que je viens de citer.


MpVµ. - Messieurs, comme conséquence du changement qui a été introduit dans l'article 295, on propose de substituer dans l'article 296 le mot « celui », à ceux-ci : « le ministre des cultes. »

Je mets ce changement aux voix.

- Des membres. - L'appel nominal.

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat.

99 membres sont présents.

2 (MM. Orts et Pirmez) s'abstiennent.

60 répondent oui.

37 répondent non.

En conséquence, la Chambre adopte.

Ont répondu oui : MM. Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Braconier, Carlier, Crombez, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dupret, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier et Vervoort,

Ont répondu non : MM. Thienpont, Van Bockel, Vander Donckt, Van de Woestyne, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans, Coppens, Debaets, Dechamps, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Ruddere de te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Moncheur, Notelteirs, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy et Tack.

MpVµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Orts. - Messieurs, je n'ai pas voté pour le changement, parce que je crois que la lettre du règlement consacrait le droit de la minorité de s'opposer à un nouvel examen ; mais comme l'exercice de ce droit conduit à une véritable absurdité dont je ne veux pas être le complice, je n'ai pas voté pour.

M. Pirmez, rapporteur. - Messieurs, je crois que le règlement s'oppose à ce qu'on remette en délibération un article qui a été voté une seconde fois depuis que l'amendement qui y réclame une modification a été adopté.

Je n'ai donc pu voter pour le changement proposé.

D'autre part, je vois que l'on soulève cette question du règlement sans motifs sérieux, sans aucune utilité, uniquement pour introduire une contradiction dans le projet ; on le fait dans une loi où à chaque instant il a été renoncé à invoquer le règlement pour laisser chaque membre rediscuter les dispositions adoptées.

Je n'ai pas voulu, en votant contre le changement, contribuer au résultat cherché.


MpVµ. - Comme conséquence du même changement, la commission propose de substituer dans l'article 297, aux mots : « au ministre coupable de la provocation », ceux-ci : « à l'auteur de la provocation ».

L'article 297, ainsi modifié, est adopté.

- M. Moreau remplace M. Vervoort au fauteuil.

Titre VIII. Des crimes et des délits contre les personnes

Chapitre V. Des atteintes portées à l’honneur ou à la considération des personnes
Article 516

MpMoreauµ. - Nous reprenons l'article 516. L'article est ainsi conçu :

« Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs ;

« Celui qui, par des écrits non rendus publics, mais adressés à différentes personnes, aura répandu des imputations calomnieuses ;

< Celui qui aura adressé, par écrit, des imputations calomnieuses à la personne, dont l'individu, contre lesquelles elles sont dirigées, est le subordonné ;

« Celui qui aura fait par écrit à l'autorité une dénonciation calomnieuse. »

Voici les amendements qui ont été proposés à cet article :

« Paragraphe 2. Amendement présenté par M. Devaux :

« Celui qui, dans l'intention de les répandre, aura consigné des imputations de la nature de celles déterminées à l'article 514, dans des écrits non publiés, mais adressés à un certain nombre de personnes. »

« Paragraphe 3. Rédaction proposée par M. Guillery :

« Celui qui aura adressé par écrit de semblables imputations à uue personne contre son subordonné. »

Modification proposée par M. Dolez :

« Au lieu de : contre son subordonné, dire : contre le subordonné de celle-ci. »

La commission propose de rédiger l'article 516 de la manière suivante :

« Seront punis d'un emprisonnement de 15 jours à 6 mois et d'une amende de 50 francs à 1,000 francs, ceux qui, par un écrit non publié, (page 1462) mais adressé à un certain nombre de personnes, auront répandu des imputations calomnieuses à une personne contre son subordonné ; ceux qui auront fait par écrit à l'autorité une dénonciation calomnieuse. »

M. Devaux insiste-t-il sur son amendement ?

M. Devaux. - Messieurs, j'avais en vue de soustraire à l'application de la peine les correspondances particulières, n'ayant aucune intention de publicité.

A cet effet, j'avais proposé deux changements ; l'un consistait à dire qu'il fallait l'intention de répandre les imputations ; l'autre exigeait que les imputations fussent adressées à « un certain nombre de personnes », au lieu de : « plusieurs personnes ».

Le mot « plusieurs » s'applique dès qu'il y a deux personnes. L'expression « un certain nombre de personnes » permet au juge de déterminer le nombre d'après l'esprit de la loi.

La commission, messieurs, a admis ce dernier changement.

Quant au premier, la commission a reconnu que les abus que je voulais atteindre, elle voulait les atteindre aussi, c'est-à-dire que les correspondances particulières qui n'auraient aucune intention de publicité ne tombaient pas sous l'application de la loi.

J'avais proposé de dire qu'il devait y avoir intention de répandre les bruits calomnieux. La commission a reconnu qu'elle l'entendait ainsi, mais au lieu de le dire dans la loi, elle a préféré l'énoncer dans le rapport, parce que, si on le disait dans la loi, il pourrait en résulter cet inconvénient que d'autres articles où la même énonciation n'a pas lieu pourraient être interprétés dans ce sens que cette même condition n'existe pas.

La déclaration de la commission étant formelle et l'article ayant ainsi son interprétation officielle, je n'insiste pas pour que l’énonciation ait lieu en termes exprès.

Je pense que la déclaration consignée dans le rapport de l'honorable M. Pirmez suffit pour atteindre le même but, et je me rallie au changement proposé.

MpMoreauµ. - La commission propose de rédiger comme suit l'article 616 :

« Seront punis d'un emprisonnement de quinze jours a un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs :

« Ceux qui, par un écrit non rendu public, mais adressé à un certain nombre de personnes, amont répandu des imputations calomnieuses ;

« Ceux qui auront adressé, par écrit, des imputations calomnieuses à une personne, contre son subordonné ;

« Ceux qui auront fait par écrit à l'autorité une dénonciation calomnieuse. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

MpMoreauµ. - Voici la formule du projet de loi :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Les Chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit : »

La Chambre entend-elle voter chaque livre séparément ou les deux livres à la fois ?

- La Chambre décide qu'elle votera en une seule fois sur les deux livres.

Il est procédé à l'appel nominal.

98 membres y prennent part.

58 répondent oui.

35 répondent non.

5 s'abstiennent.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera renvoyé au Sénat.

Ont répondu oui : MM. Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Leempoel de Nieuwmunster, Van Volxem, Allard, Ansiau, Braconier, Carlier, Crombez, Cumont, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, de Paul, de Renesse, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dupret, Frère-Orban, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Rogier, Sabatier et Vervoort.

Ont répondu non : MM. Thienpont, Van Bockel, Vander Donckt, Van de Woestyne, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Beeckman, Coomans, Coppens-Bove, Debaets, Dechamps, de Haerne, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Grosfils, Janssens, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Notelteirs, Rodenbach, Royer de Behr, Snoy et Tack.

Se sont abstenus : MM. David, de Decker, de Naeyer, Lesoinne, Moncheur, Prévinaire.

MpMoreauµ. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. David. - Je n'ai pu voter pour le nouveau Code pénal parce que la peine de mort y est comminée, dans certains cas.

Je n'ai pas voulu voter contre, parce que dans beaucoup de ses articles il apporte de grandes améliorations à ce qui existait.

M. de Decker. - Je n'ai pas voté pour, parce qu'il est telles dispositions, entre autres l'article 295, que je ne saurais consacrer par mon vote. Je n'ai pas voté contre, parce que, pour quelques dispositions que je désapprouve, je ne veux pas retarder indéfiniment la réforme si longtemps désirée de notre législation pénale.

M. de Naeyer. - Si je n'avais eu d'autre alternative que d'adopter le nouveau Code ou de le rejeter, je n'aurais pas hésité à prendre ce dernier parti et mon vote négatif aurait été suffisamment motivé par l'article 295.

Cette disposition, dans ma manière de voir, est une atteinte à la liberté de l'enseignement religieux qui, chez toutes les nations chrétiennes, forme une partie essentielle de l'exercice du culte.

Elle est, en outre, une violation du pacte qui a présidé à la conquête et à la consécration de notre indépendance nationale.

Elle est enfin le maintien d'un abus odieux qui nous a été légué par un régime de despotisme.

D'autres considérations m'auraient probablement empêché de donner mon adhésion au nouveau Codé.

Je me contenterai de faire observer, à cet égard, que si le nouveau Code qui vient d'être voté était mis en vigueur, notre législation pénale, au lieu d’être simplifiée, serait probablement plus compliquée qu'auparavant.

Le Code qui nous régit actuellement a, je crois, 484 articles ; le Code nouveau en aura à peu près 700, soit une augmentation de 40 p. c.

MjT. - Parce qu'on y a introduit les dispositions des lois nouvelles.

M. de Naeyer. - Soit, mais l'augmentation que je signale paraît néanmoins peu en harmonie avec les progrès de notre civilisation. (Interruption.)

Mais, permettez donc et laissez-moi motiver mon abstention.

MaeRµ. - C'est de la discussion.

M. de Naeyer. - Cette observation n'est pas sérieuse sans doute, car il y a eu des abstentions bien plus longuement motivées que celle-ci. Cela ne valait donc pas la peine de m'interrompre.

Je disais donc, messieurs, et je répète que notre législation pénale sera plus compliquée qu'auparavant.

Une foule de questions qui étaient fixées par la jurisprudence vont être de nouveau mises en doute et livrées à tous les inconvénients des controverses judiciaires ; tout cela, messieurs, parce que, au lieu de nous borner à un simple travail de révision, nous avons eu la prétention d'opérer une réforme radicale.

Malgré tout cela je me suis contenté de m'abstenir, parce que j'espère que la décision de la Chambre ne sera que provisoire et parce que je reconnais d'ailleurs la nécessité d'adoucir les pénalités comminées par le Code actuel et d'en élaguer une foule de dispositions qui ne sont plus en harmonie avec l'esprit de nos institutions.

M. Lesoinne. - e me suis abstenu pour les mêmes motifs que l'honorable M. David.

M. Moncheur. - Le Code pénal que nous venons d'élaborer es une œuvre capitale et qui a nécessité un travail énorme. Les nombreux documents qui nous ont passé sous les yeux vous en auront donné la preuve et ceux qui, comme moi, ont fait partie de votre commission spéciale le savent surtout.

Je suis convaincu que le Code pénal nouveau, apporte, par presque toutes ses dispositions, une amélioration très considérable à l'état actuel des choses ; il constitue un véritable progrès au point de vue de la législation répressive du pays.

Je désire donc que ce projet aboutisse et je, n'ai pas voulu (page 1463) voter contre son ensemble afin qu'il puisse être examiné le plus tôt possible par le Sénat.

D'un autre côté, ayant signalé comme inconstitutionnelle la disposition de l'article 295, tout le monde comprend que je n'ai pas pu donner un vote approbatif à l'œuvre qui contient cet article.

M. Prévinaire. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que les honorables MM. David et Lesoinne.

- M. E. Vandenpeereboom remplace M. Moreau au fauteuil.

M. Van Overloop. - Je n'étais pas ici au moment où l'on a voté le Code pénal ; je déclare que, si j'avais été présent, j'aurais voté négativement.

Motion d’ordre

M. Guilleryµ. - J'ai le regret de devoir dénoncer à la Chambre (le mot n'est pas trop fort) un fait qui touche à son honneur et à la dignité de ses délibérations.

Je n'ai pas l'habitude, chacun le comprendra, de relire, dans les Annales parlementaires, les discours de mes collègues pour voir s'ils y ont introduit des injures ou des outrages à mon adresse.

Grande a donc été ma surprise hier, lorsque, par hasard, le discours de l'honorable M. Dumortier, répandu par la presse catholique, à un grand nombre d'exemplaires, m'est tombé sous la main et que j'y ai lu la phrase suivante :

« Et c'est au moment où vous avez la parole pour soutenir le système le plus monstrueux qui ait été établi par le despotisme impérial et que nous subissons aujourd'hui parce que telle était la volonté du tyran, de l'empereur, que vous venez flétrir ceux qui combattent pour la liberté en les accusant des atteintes à la liberté qui coulent à grands flots de vos lèvres trompeuses et déshonorées. »

Plus loin, je lis :

« Ah ! je le conçois, votre langue a besoin de cacher la honte de votre face et c'est ce qui la fait parler. »

J'ose dire, messieurs, et ici je parle en quelque sorte au nom de la Chambre, que si de pareilles expressions s'étaient produites dans cette enceinte, il n'y aurait eu qu'un cri d'indignation pour les flétrir. (Interruption.)

La Chambre appréciera le procédé qui consiste non pas à se laisser entraîner par la chaleur de l'improvisation à des injures, ce que je pardonnerai toujours facilement, mais à venir, le soir, à froid, introduire dans ses discours, des injures à l'adresse de collègues, alors que ceux-ci peuvent ignorer parfois toute leur vie que ces injures ont été livrées à la publicité... (Nouvelle interruption.)

M. B. Dumortier. - Je crois que l'honorable préopinant doit être profondément convaincu que mon intention n'a nullement été... (Interruption), que mon intention n'a nullement été de dire rien qui fût attentatoire à son honneur.

Seulement, j'ai été, je dois le dire, dans l'improvisation que j'ai prononcée l'autre jour, j'ai été très animé, et cela par la position prise par l'honorable préopinant qui m'accusait de porter atteinte à la liberté dans le moment où, d'après mon appréciation, il venait, lui, d'y porter la plus grave de toutes les atteintes.

Le discours que j'ai prononcé s'est nécessairement ressenti du sentiment que j'éprouvais en cette circonstance. Ce discours, messieurs, a été assez faiblement reproduit, à ce point, qu'en le relisant j'ai dû, en plusieurs endroits, recourir à la sténographie de l'Indépendance et d'autres journaux pour rétablir mes paroles.

Maintenant, dans ma conviction, j'avais prononcées paroles dont on parle. (Interruption.)

- Des membres. - Elles n'ont pas été prononcées.

M. B. Dumortier. - Je dis que je crois les avoir prononcées, et que si je n'avais pas eu cette conviction je ne me serais pas permis de changer mon discours.

Encore une fois, messieurs, mon intention n'a nullement été de porter atteinte à l'honneur de l'honorable membre. J'ai seulement voulu faire allusion à sa manière de voir ; rien de plus.

M. Gobletµ. - Je crois que les privilèges dont jouissent nos discussions doivent nous imposer une réserve d'autant plus grande que ces privilèges sont plus étendus. Je pense donc qu'il ne peut pas se trouver dans le compte-rendu officiel de nos séances une seule parole qui n'aurait pas été soufferte dans cette enceinte. Or, les mots qui s'adressent à l'honorable M. Guillery : « les lèvres trompeuses et déshonorées..., la honte de votre face... » se trouvent dans les Annales parlementaires ; tous ceux qui reçoivent le journal officiel ont pu les y lire.

Ces mots, messieurs, ne peuvent pas y rester ; il faut que, par une décision de la Chambre, ils soient rayés des Annales parlementaires comme leur auteur eût dû les retrancher s'il les avait prononcés.

M. B. Dumortier. - Cela n'est pas nécessaire après ma déclaration.

- Voix nombreuses. - Si ! Si !

M. B. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Gobletµ. - Le Moniteur n'est pas le seul journal qui se soit rendu l'écho des injures de l'honorable membre, elles ont été répétées par d'autres journaux.

Comment donc voulez-vous je ne dirai pas réparer le dommage que ces injures ont pu causer à la dignité de la Chambre et à l'honorabilité de mon ami M. Guillery, car je la crois au-dessus de pareilles atteintes, mais atténuer l'effet qu'elles ont pu produire, si vous ne donnez pas à la réparation la même publicité qu'à l'attaque ? Je propose donc à la Chambre d'adopter la résolution suivante :

« La Chambre ordonne la réimpression du discours prononcé par M. B. Dumortier dans la séance du 30 mai dernier et inséré aux Annales parlementaires, page 1400. Cette réimpression sera faite sous le contrôle du bureau, d'après le manuscrit des sténographes, et pour tenir lieu et place du discours inséré aux pages 1400 et suivantes, qui restera supprimé. »

M. B. Dumortier. - Je n'ai pas hésité, messieurs, dès le premier abord de dire que dès l'instant où les paroles dont on parle paraissent offensantes pour un membre de cette assemblée, je suis le premier à les retirer.

Mais si la Chambre veut aller plus loin, qu'elle le fasse. Seulement, il ne faut pas qu'on s'imagine que tout ceci fera quoi que ce soit à la chose. Il est évident que je n'ai jamais eu l'intention de porter atteinte à la considération de l'honorable M. Guillery.

On trouve ces paroles offensantes ; je les retire sans aucune hésitation. Je ferai remarquer que ce n'est pas la première fois qu'on se borne à une simple déclaration comme celle que j'ai faite : c'est ce qui s'est fait notamment lors de l'incident qui a eu lieu entre M. le ministre des finances et l'honorable membre lui-même.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pas du tout.

M. le président. - M. Dumortier retire les paroles offensantes ; il en sera tenu acte aux Annales parlementaires. (Interruption.)

Il reste la proposition de M. Goblet.

M. Gobletµ. - La quasi-unanimité du mouvement de la Chambre a prévenu l'objection que j'allais faire à l'honorable président. Les expressions dont il s'agit ne peuvent être retirées ; elles n'ont pas été prononcées ; si elles l'avaient été, elles auraient immédiatement provoqué une explosion unanime de réprobation, vous-même, M. le président, vous n'auriez pas souffert qu'une seule de ces paroles fût prononcée ici. Ce ne sont donc pas des paroles qu'on peut retirer, c'est de sang-froid que M. Dumortier est allé au Moniteur les introduire dans son discours !

Si elles avaient été prononcées au milieu d'une improvisation, je serais le premier à les excuser.

Comme M. Guillery, je sais combien il est facile de se laisser entraîner, mais ici il ne s'agit pas d'improvisation, c'est de propos délibéré, après coup, que l'injure a été insérée dans les Annales, c'est de propos délibéré que la Chambre doit décider que l'injure en sera efface.

M. le président. - On ne peut pas empêcher M. Dumortier d« déclarer qu'il retire les expressions offensantes.

M. B. Dumortier. - La preuve que ce n'est pas de propos délibéré que j'ai agi comme le prétend M. Goblet qui paraît vouloir envenimer cette affaire, c'est que je n'ai eu qu'une demi-heure pour revoir un discours qui avait duré plus de trois quarts d'heure. C'est donc à tort qu'on prétend que j'y ai inséré des offenses de sang-froid ; je l'ai revu sous l'impression que j'éprouvais quand je l'ai prononcé.

Du reste je déclare que je ne m'oppose pas à ce qu'on réimprime mon discours. Cependant dans d'autres circonstances, quand pareilles choses se sont passées, on n'a pas ordonné de réimpression : ainsi dans l'incident entre M. Guillery et Frère et celui entre M. Delehaye et M. Verhaegen, jamais pareille chose ne s'est faite ; je suis étonné que M. Goblet veuille envenimer une chose qui s'arrange.

M. le président. - M. Dumortier a déclaré retirer les paroles qu'il a insérées au Moniteur. Si les choses en sont venues là, ce n'est pas la faute du bureau qui a cherché à arranger l'affaire.

Reste maintenant la proposition de M. Goblet, à laquelle on ne s'oppose pas, je pense ; il n'y a plus qu'à la mettre aux voix.

(page 1464) J'en donne une nouvelle lecture :

« La Chambre ordonne la réimpression du discours prononcé par M. B. Dumortier, dans la séance du 30 mai dernier et inséré aux Annales parlementaires, page 1400. Cette réimpression sera faite sous le contrôle du bureau, d'après le manuscrit des sténographes, et pour tenir lieu et place du discours inséré aux pages 1400 et suivantes, qui restera supprimé. »

- Plusieurs membres. - L'appel nominal.

M. le président. - Il n'y a pas cinq membres qui se lèvent pour demander l'appel nominal Je mets la proposition aux voix.

-Elle est adoptée.

L'incident est clos.

La séance est levée à 4 heures et demie.