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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19 juin 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1591) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor secrétaireµ, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Thienpont, secrétaireµ, présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Par dépêche du 18 juin, M. le ministre des affaires étrangères transmet des explications sur la pétition du sieur Bernier, relative au droit de succession sur les biens possédés par des Belges à l'étranger. »

- Dépôt au bureau des renseignements.


« D'anciens volontaires dans le corps des chasseurs Chasteleer ayant pris part aux combats de 1830 et 1831, prient la Chambre de leur accorder le bénéfice des dispositions de la loi du 27 mai 1856 qui alloue dix années de service à des fonctionnaires civils et militaires. »

M. Rodenbach. - La pétition dont il s'agit émane de chasseurs de Chasteleer qui ont pris part aux journées de septembre ; elle mérite d'être examinée avec bienveillance ; je demande un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Kindt, greffier de la justice de paix du canton de Meulebeke, demande une augmentation de traitement pour les greffiers des justices de paix. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur l'organisation judiciaire.


« Des officiers pensionnés prient la Chambre d'améliorer leur position. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale d'Anderlues prient la Chambre d'accorder à la compagnie Delval la concession d'un chemin de fer de Manage à Momignies par Beaumont, Thuin et Anderlues. »

- Même renvoi.


« Le sieur Desmet, greffier de la justice de paix du canton de Thielt, demande que le projet de loi sur l'organisation judiciaire assimile, dans leurs revenus, les greffiers des justices de paix aux commis greffiers des tribunaux de troisième classe. »

- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.


« M. Dechentinnes, obligé de s'absenter pour affaires, demande un congé de deux jours. »

- Accordé.

Projets de loi accordant des crédits au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Vander Donckt. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le crédit de 180,000 fr. demandé pour le département de la guerre.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.


M. Van Humbeeckµ. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ouvrant un crédit de 358,910 fr. au département de la guerre.

Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.


MiVµ. - J'ai l'honneur de déposer le troisième rapport triennal sur l'enseignement moyen.

- Ce rapport sera imprimé et distribué aux membres.

Projet de loi instituant une caisse d'épargne et de retraite

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Je prie la Chambre de vouloir décider que cette discussion continuera demain, qu'elle ne sera pas interrompue, une troisième fois, par les prompts rapports.

- La Chambre décide que les prompts rapports sMperont renvoyés après la discussion sur l'institution de la caisse d'épargne et de retraite.

Discussion des articles

Chapitre II. De la caisse d'épargne

Article 26

La discussion continue sur l'article 26 et l'amendement de MM. Tack et de Smedt.

(page 1601) M. H. Dumortier. - Messieurs, les observations que M. le ministre des finances a présentées à la fin de la séance d'hier sur la question du maximum et partant sur l'amendement présenté par mes honorables amis, MM. Tack et de Smedt, ont singulièrement simplifié ma tâche.

Nous ne sommes pas occupés à faire une de ces lois en quelque sorte immuables, une de ces lois organiques ou constitutionnelles, auxquelles on ne touche que rarement, auxquelles, comme dit M. Guizot, on ne touche qu'avec la lime et non avec la hache ; nous faisons une loi pratique qui doit être sans cesse mise en harmonie avec les mœurs, les habitudes des populations pour lesquelles elle est faite.

Les lois sur les caisses d'épargne, en Angleterre comme en France et dans tous les pays constitutionnels, ont été fréquemment remaniées, corrigées suivant les nécessités indiquées par l'expérience.

L'honorable ministre a proposé d'insérer dans le texte de la loi que cette loi subirait une révision dans un délai de cinq années. En attendant l'expiration de ce terme, la situation de la caisse d'épargne, le mouvement de ses finances, sera mensuellement publiée et mise sous les yeux du public, de façon que tout le monde pourra observer la marche incessante et le mouvement de cette institution.

Si, après ce délai, nous trouvons qu'il y a nécessité de fixer un maximum aux versements, ou d'adopter telle autre modification que l'expérience aura indiquée, ce sera alors le moment de prendre une résolution définitive.

Quant à moi, je le déclare, je désire si peu voir dégénérer cette institution, je désire si peu la voir détourner de sa véritable destination que si, dans cet intervalle de cinq ans, il était démontré que la caisse d'épargne, au lieu de servir les intérêts de l'ouvrier et de la petite bourgeoisie, est exploitée par des classes qui doivent trouver ailleurs le placement de leur fortune, je n'attendrais pas l'expiration du délai de cinq ans, pour venir réclamer une réforme que je croirais urgente et indispensable.

Je pense, messieurs, que, dans ces termes, nous pourrions à peu près tous nous mettre d'accord, car enfin je ne sais pas si certains membres s'imaginent que cette caisse d'épargne va devenir une espèce de pêche miraculeuse, ou si elle va rappeler la multiplication des pains. On croirait en vérité que nous allons voir y verser des trésors incalculables.

Alors les crises arrivant avec tout ce cortège de spectres et de fantômes dont on a constamment parlé, on soutient que la sécurité de l'Etat pourrait être compromise. Mais je ne pense pas que tous ces malheurs puissent arriver dans la période de cinq années, et c'est pourquoi je crois que les observations faites par M. le ministre des finances rendent l'amendement parfaitement inutile.

Messieurs, je ne puis pas croire que les capitalistes, les gens appartenant aux classes élevées de la société iraient donner pour destination à leurs fonds la caisse d'épargne. Cela me paraît impossible. D'abord l'intérêt minime que la caisse d'épargne pourra payer doit les en détourner. Les capitalistes ont mieux à faire que de recevoir un intérêt de 2 ou de 2 1/2 p. c. Ils connaissent trop bien les opérations financières pour aller verser leurs capitaux dans la caisse d'épargne.

En second lieu, je le demande à tout homme de bonne foi : quel est le négociant, quel est le propriétaire disposant de fonds plus ou moins considérables, qui ira les verser dans la caisse d'épargne, alors que, du moment que ces sommes dépasseront 1,000 à 3,000 francs elles seront en quelque sorte immobilisées ?

Quel est l'avantage que trouve le négociant, que trouve le propriétaire à verser à des banques, même à des intérêts de 1 1/2 ou 2 p. c, les fonds dont ils peuvent disposer ? C'est d'avoir constamment ces fonds sous la main, de manière que le négociant puisse profiter des circonstances qui s'offrent pour pouvoir en disposer, pour que le propriétaire de son côté puisse faire les acquisitions qui se présentent.

Les capitalistes demandent comme une faveur de pouvoir verser leurs fonds chez les banquiers à 1 ou 1 1/2 p. c. ; mais à la condition que s'ils les réclament aujourd'hui on les leur rendra demain. Or, à la caisse d'épargne, du moment que la somme dépasse mille francs et surtout 3,000 fr., le remboursement ne peut avoir lieu qu'au bout de plusieurs mois.

Exceptionnellement, dans quelques caisses d'épargne, en Italie surtout, on a vu des exemples de personnes appartenant à la classe aisée versant certains capitaux. Eh bien, messieurs, le remède qu'on a employé contre ce mal, c'est celui de l'article. 22 ; dès que ces caisses ont décidé qu'au-delà de certaines sommes les fonds ne pourraient être retirés qu'au bout de quelques mois, ces capitaux ont disparu comme par enchantement.

Mais le remède du maximum est complètement illusoire et parmi les caisses dont je viens de parler, il en est où le maximum existait et il était si facilement éludé qu'un seul dépositaire y avait jusqu’à 17 livrets au moyen de personnes interposées.

La mesure du maximum ne peut produire le résultat qu'en attendent les auteurs de l'amendement ; la seule précaution à prendre, c'est d'empêcher les remboursements à court délai, et alors soyez-en bien persuadés, les capitalistes préféreront verser dans des caisses où ils pourront retirer leurs fonds du jour au lendemain, même en ne touchant qu'un très faible intérêt.

Si on veut se donner la peine de lire quelques-uns des 200 volumes qui se trouvent à la bibliothèque de la Chambre sur cette matière, on pourra facilement se convaincre que les capitalistes ne figurent nulle par parmi les déposants aux caisses d'épargne.

Voici, entre autres, un compte rendu de la situation de la caisse d'épargne de Paris, qui est administrée avec beaucoup d'intelligence et par des hommes hors ligne, qui font autorité en ces matières, le relevé, par profession, des personnes qui ont déposé des fonds à la caisse d'épargne, ce relevé constate que sur un total de 173,741 livrets il n'y en a que 143 dépassant 3,000 fr.

« Vous voyez d'après ce tableau, dit le rapporteur (je crois que c'est M. Dupin) que le nombre des livrets au-dessous de 500 fr. est le plus considérable, qu'il forme à lui seul plus des cinq huitièmes de la totalité, et que la moyenne de chacun de ces livrets n'est que de 147 francs ; ce qui nous prouve de nouveau que ce sont surtout les ouvriers, les domestiques, les classes peu fortunées de la société qui placent leurs petites économies à la caisse d'épargne. »

Je pourrais faire vingt-cinq citations du même genre.

Mais, messieurs, voulez-vous savoir pourquoi la section centrale aussi bien que l'honorable ministre désire que les dépôts puissent atteindre à une certaine élévation ? Et ce côté de la question a été trop négligé dans la discussion. C'est que nous voulons faire une caisse d'épargne non seulement pour les ouvriers proprement dits, pour les prolétaires, mais aussi pour la petite bourgeoisie, pour cette classe si intéressante de la société qui mérite à tous égards notre sollicitude et qui, selon moi, est trop absolument exclue de toute participation à la vie politique d'après notre système électoral.

Du reste, partout où des caisses d'épargne ont été organisées avec intelligence, on a voulu y attirer la petite bourgeoisie, surtout par cette considération que la petite bourgeoisie est en contact journalier avec la classe ouvrière et que dès lors elle entraîne avec elle l'ouvrier qui va déposer ses économies à la caisse d'épargne. C'est là un grand avantage, et c'est pourquoi nous n'avons pas voulu limiter à 5,000 fr. le montant des dépôts.

Messieurs, je voudrais en quelques mots faire ressortir l'importance des caisses d'épargne, au point de vue du petit commerce et de la petite bourgeoisie ; je me contenterai de vous citer un seul extrait d'un des articles qui ont été publiés sur ce sujet dans la Revue des Deux-Mondes, et dont l'auteur est un des publicistes remarquables de notre époque :

« Des esprits que la fortune retient captifs dans ses délices n'ont peut-être jamais regardé aux souffrances de la classe déshéritée. Il n'en est pas moins vrai que ces souffrances existent. Les statistiques sont là pour répondre aux froides dénégations de l'égoïsme. Encore, cette misère officielle, enregistrée, chiffrée dans les livres ne représente-t-elle qu'un côté du malaise de la société : à côté d'elle, il y a une misère anonyme, honteuse, inconnue qui s'enveloppe dans son manteau troué. Combien de familles dans le dénuement rejettent les dons d'une charité publique qu'il faut acquérir par des certificats ! Combien d'âmes encore roides et fières sous la chape de plomb de la nécessité refusent de se baisser pour ramasser à terre une aumône inscrite sur le livre de la mairie. Ce n'est pas tout : les caisses d'épargne ne sont pas fondées seulement pour le peuple, pour cette classe d'hommes sans lendemain, dont le travail est le seul capital ; mais aussi pour la petite bourgeoisie, pour cette classe intermédiaire, si nombreuse, qui se voit menacée plus que toute autre par la concurrence. Les pertes et les ruines subites entrent par trop d'endroits dans la fortune des petits commerçants ; la prévoyance leur conseillé de s'affermir ailleurs et de chercher dans un placement de fonds assuré une ancre contre les instabilités du négoce. »

Mon honorable ami M. Tack nous a dit hier que la Société Générale a organisé un assez grand nombre de caisses d'épargne, et il a fait l'éloge de ces institutions. Pour ma part, je ne me pose pas en adversaire des (page 1602) caisses d'épargne établies par la Société Générale ; bien au contraire ; comme M. le ministre des finances, je désire qu'on prenne à leur égard toutes les mesures possibles pour qu'elles se multiplient et s'étendent aux localités où elles n'existent pas encore.

Mais, en fait, les caisses de la Société Générale ne sont instituées que dans des parties du pays où se trouvent des populations industrielles ; les populations agricoles sont complètement privées de ce bienfait ; faut-il donc vous dire avec M. Thiers dans une discussion célèbre :

« Et l'homme des champs tant négligé parce qu'il n'est pas l'instrument des factions, ne faut-il donc rien faire pour lui ? »

Mon honorable ami, M. Tack, disait encore :

« Aujourd'hui la cote de la bourse est connue jusque dans les plus petits villages. Tout le monde se familiarise avec les opérations financières et les placements de fonds. »

Certainement, sous ce rapport il y a progrès, et la côte de la bourse pénètre plus qu'antérieurement dans les villages, mais ce n'est pas pour l'ouvrier, pour le petit fermier, le petit cultivateur, c'est pour le fermier capitaliste, pour le fermier propriétaire. Je ne comprends pas que des personnes au courant des us et coutumes des campagnes, qui connaissent les populations ouvrières des campagnes, qui connaissent le paysan, en un mot, puissent soutenir que les travailleurs agricoles ont connaissance des cotes de la bourse et d'institutions où ils peuvent placer leurs économies.

Ce que l'on connaît encore trop dans les campagnes, c'est l'usurier, ce sont les mauvais agents d'affaires qui spéculent sur l'économie de ces pauvres paysans, de ces pauvres travailleurs, de l'homme des champs qui présente tant de garanties à la société.

C'est là la lèpre des campagnes.

Voilà ce que l'on connaît dans les campagnes, mais ne parlez pas de finances, de banque, de crédit à beaucoup de ces gens qui sont encore sous l'influence de vieilles idées, d'idées erronées qui appartiennent à un autre âge. Ils vous répondront en parlant des assignats de 1793.

Voilà ce qui se passe dans les campagnes. ;

Mais, disait encore l'honorable M. Tack, qui a d'ailleurs étudié d'une manière sérieuse et consciencieuse ce projet de loi, j'aime à le constater, quoique je ne puisse adopter sa manière de voir ; mais, disait-il :

« Pourquoi ne pas l'établir dès maintenant ? Nous serons libres de l'élever fût-ce dès la session prochaine ? »

Pourquoi alors l'établir ?

C'est là un de nos meilleurs arguments pour combattre l'établissement d'un maximum.

Nous disons, attendez trois, quatre, cinq ans, laissons faire l'expérience, et si pendant cette période nous reconnaissons qu'il y a quelque chose à faire sous ce rapport, nous pourrons changer la loi en temps utile et quand la Chambre le voudra.

Mon honorable ami a produit un autre argument dont je ne puis pas bien me rendre compte.

Il semble voir dans l'article 26 du projet une porte ouverte à l'arbitraire.

L’administration de la caisse, a-t-il dit, pourra selon son bon plaisir dire à l'un : Retirez votre capital ou je vais transformer ce qui excède 3,000 francs en fonds sur l'Etat, tandis qu'elle permettra à l'autre de laisser ses fonds à la caisse au-delà du chiffre de 3,000 francs.

Nulle part, ni dans les sections, ni dans la section centrale, pareille objection ne s'est produite.

Nous avons pensé que si les temps devenaient chanceux ; que si l'horizon s'assombrissait, que si l'on voyait la nécessité de diminuer l'encaisse de la caisse d'épargne, l'administration pourrait dire à tous les déposants, indistinctement et par mesure générale : Nous croyons utile, indispensable dans l'intérêt de l'institution, de diminuer le montant des dépôts.

M. Coomans. - C'est une sorte d'exécution à la Mirès.

M. H. Dumortier. - C'est une sorte de mesure de prudence pour le cas où ces fantômes qu'on a tant fait miroiter devant nos yeux viendraient à se présenter réellement.

On pourrait alors faire avec raison ce que vous voulez que l'on fasse maintenant sans motifs, c'est-à-dire déterminer un maximum. Je ne vois pas ce que Mirés vient faire ici.

M. de Naeyer. - Vous avez peur des fantômes !

M. H. Dumortier, rapporteur. - De la manière dont vous les avez évoqués et agités devant nos yeux, il y aurait de quoi en avoir peur, si l'on prenait tout cela au sérieux.

Mais j'ai appris à me familiariser avec tous vos épouvantails, et voici comment :

J'ai lu d'anciennes discussions plus ou moins analogues à celle-ci : les discussions sur le crédit foncier, sur la Banque Nationale, sur la caisse de retraite et autres, et j'ai vu défiler devant moi autant de fois tout ce sinistre cortège ; j'ai vu les mêmes Cassandres nous prédire les plus grands maux.

Je me suis ainsi, plus ou moins, familiarisé avec tous ces fantômes de fantaisie. En vous les entendant évoquer de nouveau ici, je voyais que j'avais affaire à d'anciennes connaissances qui ne pouvaient ébranler ma confiance dans le projet de loi.

Messieurs, je ne puis donc me rallier à l'amendement de l'honorable M. Tack.

Je ne le puis pas, parce que si, en pareille matière, il faut agir avec prudence, il ne faut cependant pas ne rien faire de peur d'agir témérairement.

Je le demande à quiconque a vu tous les travaux préparatoires qui ont été faits sur cette question et qui, au département des finances, forment une véritable montagne de papier, peut-on reprocher au projet de loi d'être une œuvre faite avec précipitation ? On a fait une enquête universelle, on ne s'est pas borné à l'ancien monde, on a été jusque dans le nouveau pour s'enquérir de toutes les institutions qui existent en Amérique comme en Europe ; le résultat de ces investigations minutieuses est exposé dans l'exposé des motifs.

Qui donc, en présence d'un tel travail, d'une enquête aussi approfondie, pourrait prétendre que le projet de loi est une œuvre imprudente, téméraire ?

Mais il est des personnes qui s'effrayent de tout et chez qui la prudence dégénère souvent en timidité, en faiblesse, en inaction.

Eh bien, nous vivons à une époque où il n'est point permis de rester inactif, surtout dans des matières comme celle dont nous nous occupons.

La société marche à grands pas. Nous voyons, dans l'espace de 20 à 25 ans, s'opérer les révolutions économiques et sociales les plus profondes.

Il faut que les mandataires de la nation, qui ont pour mission de satisfaire aux besoins nouveaux qui se présentent, aient le courage d'adopter les mesures destinées à satisfaire à ces besoins.

Je crois, messieurs, que c’est pour nous un devoir d'autant plus impérieux que si, dans les temps de calme, les classes de la société pour lesquelles nous voulons créer ces utiles institutions, sont paisibles et résignées, il est d'autres époques où souffle le vent révolutionnaire ; et nous savons qu'à ces époques il ne manque pas de gens qui, ayant en vue tout autre chose que l'ordre public et le bien-être du pays, saisissent avec empressement ces tristes occasions pour égarer l'opinion publique et pour accuser la législature de ne point s'occuper d'une manière assez sympathique des intérêts des classes laborieuses de la société.

Alors, messieurs, quand il n'y a plus de frein pour retenir ces populations égarées, alors tous ces hommes prudents dont je parlais tout à l'heure, tous ces hommes qui, dans des temps de calme reculent devant toute innovation, sont pleins de bonne volonté, et sont prêts à accorder tout ce qu'on demande. Malheureusement ils s'exposent parfois à entendre alors ce terrible mot qui précède ordinairement les révolutions comme l'éclair précède la foudre : Il est trop tard !

(page 1591) M. Tack. - Malgré les observations que vient de présenter mon honorable collègue, M. Henri Dumortier, je crois devoir maintenir l'amendement que j'ai proposé.

On a fait, dit l'honorable membre, une enquête immense, une instruction sans précédents ; on a étudié à fond le projet de loi, des montagnes de papiers relatifs à la question qui nous occupe sont entassées au département des finances, preuve que toutes les difficultés ont été convenablement résolues et tranchées ; à quoi bon dès lors s'obstiner à vouloir prolonger le débat ? C'est faiblesse, c'est pusillanimité que de ne pas oser suivre M. le ministre des finances dans la voie où il nous convie d'entrer.

Eh quoi, il ne nous serait plus permis de discuter ? Est-ce qu'on nous présente le projet de loi comme une chose à prendre ou à laisser ? N'est-il plus permis de hasarder un modeste amendement ?

Si quelqu'un croit que des modifications utiles peuvent être apportées aux propositions du cabinet, ne lui est-il pas loisible de les soumettre au verdict de la Chambre ?

Il convient, dit l'honorable membre, de montrer de la sympathie pour les classes laborieuses. Mais qui d'entre nous n'est pas animé de ces sentiments, qui de nous ne demande que des mesures soient prises pour donner du développement aux caisses d'épargne ? Le tout est de savoir comment il faut s’y prendre. On peut varier sur les moyens, le but que nous poursuivons tous est le même.

En règle générale on est resté fidèle ailleurs au principe du maximum que je propose à la Chambre d'adopter.

En voulez-vous la preuve ? L'honorable rapporteur de la section centrale va se charger lui-même de vous la fournir ; voici ce que je lis à la page 21 du rapport :

« Il n'est peut-être pas inutile d'indiquer les pays où l'on prescrit un maximum et ceux où l'on admet les versements d'un chiffre illimité.

« Ceux de la première catégorie sont : L'Angleterre, la France, l'Autriche, la Prusse, le royaume de Suède et de Norvège, la Saxe, la Bavière, la Grand-Duché de Bade, le Danemark, Brème, Hambourg, Pétersbourg, la Lombardie, la Vénétie, Utrecht. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et après.

M. Tack. - Je vais achever de lire : « En Suisse, la plupart des caisses ont fixé un maximum.

« Ceux de la seconde catégorie sont : Le royaume des Deux-Siciles, les Etats Romains, la Silésie, la régence de Düsseldorf, Francfort, Christiania, »

Ainsi, le plus grand nombre des caisses et les plus importantes ont assigné une limite au chiffre des dépôts.

Celles qui n'ont pas fixé de maximum, comme la caisse de Lübeck, sont gérées pour la plupart par des sociétés particulières. A Lübeck la caisse ne donne qu'un intérêt de 2 1/2 p. c. et il faut que les retraits soient annoncés 6 mois d'avance ; est-ce un exemple à suivre ?

En Lombardie les caisses d'épargne n'ont pas fixé en général de maximum, mais le gouvernement n'intervient pas, et il a eu soin de proclamer que ces caisses doivent être considérées et traitées comme des établissements particuliers.

Enfin, partout où le gouvernement accorde son concours et engage sa responsabilité, il a eu soin de faire admettre, sans exception, le principe du maximum.

Il ne faut pas, dit l'honorable rapporteur, laisser à l'écart l'intéressante phalange des populations agricoles ; nous ne demandons pas qu'on reste dans l'inaction en ce qui concerne ces populations ; nous désirons, au contraire, qu'on encourage les caisses existantes, et qu'on en crée de nouvelles dans l'intérêt des habitants de la campagne ; cette observation est donc sans portée et n'a point de rapport avec l'objet qui nous occupe eu ce moment.

Pour prouver que les classes riches n'ont guère recours aux caisses d'épargne, l'honorable rapporteur nous cite ce qui se passe à la caisse d'épargne de Paris.

Là, les déposants sont presque tous ouvriers, ils versent dans la caisse des sommes importantes ; je réponds que la caisse d'épargne de Paris est dans une situation spéciale, que les ressources de nos classes ouvrières (page 1592) ne sont pas celles de la classe ouvrière de Paris ; au surplus les caisses françaises adoptent un maximum, l'exemple cité n'a donc pas de valeur. Je soutiens que c'est une erreur de dire qu'il n'y a que les classes ouvrières qui ont recours aux caisses d'épargne, que les personnes aisées s'en éloignent, s'en retirent. Nous avons dans notre pays même, l'exemple de la Société Générale qui a dû écarter la foule des déposants aisés en réduisant son maximum ; il était de 4,000 francs, elle l'a abaissé à concurrence de 1,500 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A quelle époque ?

M. Tack. - En 1419, elle n'a pas entièrement supprimé les dépôts s'élevant à 4,000 francs, car elle l'a restreint à certains participants, à ceux dont les dépôts provenaient de l'accumulation des petites épargnes. Mais les dépôts effectués au moyen de versements antérieurement faits en bloc, la Société Générale a refusé, en vertu de sa circulaire de 1849, d'accepter les dépôts dépassant 1,500 francs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela lui a été imposé.

M. Tack. - Qu'importe ! le fait est là. Faut-il, ajoute-t-on, écarter les petits rentiers, les petits capitalistes, les bourgeois ? Oui et non ; oui, dans une certaine mesure ; entièrement non, puisque nous admettons un maximum égal à celui admis en Angleterre. Nous voulons qu'au-delà de 5,000 fr., les déposants aient la responsabilité de leurs placements. Pourquoi la faire incomber à la masse des contribuables ?

Les grands capitalistes, s'écrie l'honorable rapporteur, ne verseront pas leurs fonds aux caisses d'épargne, il n'y a pas pour eux avantage.

De deux choses l'une : ou vous accorderez, pour attirer les capitaux importants, de gros intérêts aux déposants ; mais vous ne pourrez le faire qu'aux dépens de la solidité du placement en vous livrant à des placements aléatoires ; ou vous ne donnerez qu'un intérêt ordinaire au-dessous de l'intérêt qu'on obtient par le placement en fonds publics ; et pour lors les sommes importantes vous échapperont ; dans la première hypothèse, la latitude que vous exigez qu'on vous octroie est dangereuse ; dans la seconde hypothèse, elle est inutile, dangereuse ou superflue ; je ne puis vous la concéder.

L'honorable préopinant vous a parlé de ces Cassandres.... (Interruption.)

Oui, de Cassandres qui sont venus jadis faire dans cette enceinte de sinistres prédictions.

M. H. Dumortier. - Vous ne faisiez pas partie de la Chambre.

M. Tack. - Vous m'avez un peu assimilé à ceux de cette époque qui ont critiqué des mesures dont le résultat a démontré dans la suite qu'ils s'étaient trompés.

Aurais-je, comme le prétend l'honorable membre, évoqué des fantômes, suscité des monstres, quand j'ai avancé que l'administration de la caisse a la faculté, aux termes de l'article 26, de repousser les dépôts des uns, d'accueillir les capitaux des autres ; ai-je raison de dire que le pouvoir prêtait à l'arbitraire ? Nulle part, il n'y a, dit l'honorable M. Henri Dumortier, trace de semblable principe, ni dans ses discours, ni dans ceux de M. le ministre des finances, ni dans aucune des pièces communiquées à la Chambre. Les remboursements forcés n'auront lieu que pur mesure générale.

M. le ministre des finances va juger entre nous ; je lis à la page 120 de l'exposé des motifs ce qui suit :

« Il résulte de ce qui précède que pour donner aux opérations de la caisse toute l'extension désirable, le maximum des dépôts, si tant est qu'une telle limite soit jugée utile, doit être fixé au chiffre le plus élevé possible et le minimum au chiffre le plus bas.

« Si l'on veut ne rien compromettre et faciliter à l'institution le moyen de rendre au public tous, les services en vue desquels elle est créée, il faut, comme on l'a fait presque partout, laisser une grande latitude à l'administration. Il faut que celle-ci puisse, dans certains moments, refuser quelques milliers de francs apportés par un capitaliste, un négociant, un industriel et recevoir en même temps une somme beaucoup plus forte versée par un marin, par un tuteur, ou même par toute personne de condition médiocre, qui viendrait, par exemple, de recueillir un petit héritage. »

Est-il vrai ou non, en présence de cette déclaration consignée dans l'exposé des motifs, que l'administration a le droit d'accepté, le capital d'un tel, et de repousser le capital de tel autre ?

Cela me paraît évident.

Au reste, je crois qu'il serait impossible, dans un moment de crise, de venir dire par mesure générale que tous les fonds atteignant une certaine limite seront remboursés. On comprend que souvent la caisse ne pourrait prendre une mesure de cette espèce, qui irait directement à l'encontre de ses intérêts.

Messieurs, l'honorable ministre des finances n'a pas combattu ex professo l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous présenter. Il a cru qu'il fallait recourir à un autre moyen qui celui que je mets en avant.

Il reconnaît, au reste, que nos scrupules sont légitimes, qu'il y a quelque chose à faire, et il propose d'insérer, dans le projet que nous discutons une disposition en vertu de laquelle la loi serait révisée au bout de cinq ans.

Je regrette de ne pouvoir accepter cette transaction. Tout en ne critiquant pas au fond mon amendement, l'honorable ministre a cependant fait une observation qui est de nature à frapper l'esprit des membres de la Chambre et sur laquelle je voudrais un instant revenir. Il vous a dit : Mais ce n'est pas exagérer que de supposer qu'un ouvrier fasse un dépôt de 10,000 fr., cela correspond à un revenu de 400 ou 500 fr. ; il n'a pas de quoi vivre très largement avec cette ressource.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai rien dit de semblable ; vous avez mal compris.

M. Tack. - Il est possible que j'ai mal saisi votre pensée. Il me semblait que vous aviez parlé d'un versement de 10,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit que je trouvais assez simple et assez naturel qu'un ouvrier versât 10,000 fr. Je ne puis pas croire qu'un ouvrier fasse de semblables versements Mais j'ai fait observer qu'un petit capitaliste, versât-il 10,000 fr. à 2 1/2 ou 3 p. c., il n'aurait pas encore une rente suffisante pour assurer son existence,

M. de Naeyer. - Vous avez dit que cela n’était pas impossible de la part d’un ouvrier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon. Je voudrais que cela fût possible, mais je ne puis y croire.

M. Tack. - L'honorable ministre vient de dire que l'argument n'avait pas été produit. Je m'en rapporte à sa déclaration.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voyez ce qui est aux Annales.

M. Tack. - Je n'ai pas lu les Annales ; en présence de votre déclaration j'abandonne l'argumentation que j'avais commencée et je passe à un autre ordre d'idées, L'institution pourrait être paralysée dans le principe, dit l'honorable ministre, si l'on n'accorde pas à l'administration de la caisse une latitude illimitée quant à l'admission des dépôts.

Je ne partage nullement ces appréhensions ; non pas que je croie que, dès le début, les capitaux vont affluer en masse et se précipiter comme par enchantement dans la caisse d'épargne ; non pas que je m'imagine que, dès l'origine, la caisse d'épargne renouvellera, comme le dit mon honorable ami, M. Henri Dumortier, le miracle de la pêche miraculeuse ou de la multiplication des pains. Est-ce bien nécessaire ? Non. J'aime mieux, pour ma part, qu'un établissement grandisse sûrement, lentement, par degrés ; ce sera le moyen de captiver la confiance du public. Il n'est nul besoin, dès le principe, d'avoir un personnel considérable, organisé sur un pied tel qu'il le faudrait, pour une caisse qui devrait immédiatement centraliser toutes les ressources de toutes les caisses du pays dans une seule main. Je ne pense pas que le lendemain du jour où s'ouvriront les bureaux de la caisse d'épargne, elle sera appelée à escompter énormément de valeurs ; mais si ce débouché devait lui faire défaut, ne lui reste-t-il pas d'autres moyens de placement ? Quel mal y aurait-il à ce que, dans le principe, la plus grande masse de dépôts soit placée en fonds publics ? Cela ne peut présenter aucun danger. Le danger ne commence à naître que lorsque les dépôts deviennent considérables. Eh bien, on pourra tout d'abord effectuer des placements en rentes sur l'Etat, en obligations des communes, et cela sans grande dépense. Plus tard, on fractionnera, comme on l'entendra, les placements au mieux des intérêts de la caisse, pour le plus de sûreté de sa gestion.

Je le répète, je ne puis, messieurs, accepter l'espèce de transition que me propose M. le ministre des finances. Si la masse de capitaux sur lesquels on compte doit être un jour concentrée dans la caisse d'épargne, puis relancée dans tout le pays pour encourager l'industrie, pourrez-vous, lorsque le fait se sera produit, y porter remède, quand bien même il serait démontré que l'établissement a pris une extension démesurée ?

Non, messieurs, ceux qui auront profité du crédit de la caisse, auront mille objections à faire ; il y aura une foule d'intérêts à ménager ; on se prévaudra de prétextes plus ou moins spécieux, de raisons en apparence plausibles.

En attendant, le mal sera fait et il sera sans remède. J'aime mieux, pour ma part, le prévenir.

Sans doute, une banque comme celle que le gouvernement se propose de créer est en soi une bonne et excellente chose. Sans doute les banques de ce genre rendent des services éminents à l'industrie, quel que soit le nom qu'on leur donne ; qu'on les appelle banque commanditaire, (page 1593) crédit mobilier, union de crédit, société générale, peu importe, ce n'est pas moi qui songe à nier les bienfaits dont l'industrie est redevable à ces utiles institutions financières.

Mais vient toujours cette question : Le gouvernement doit-il se placer à la tête d'établissements pareils ? Personne ne le soutiendra ; tout le monde est d'accord pour dire non ; M. le ministre des finances lui-même est de cet avis. Ce n'est donc qu'exceptionnellement que nous admettons que le gouvernement puisse prendre la direction d'une institution analogue, non pas en vue de favoriser la production, de stimuler le travail national, de venir au secours de l'industrie ; non, c'est en vue uniquement de procurer à l'ouvrier un placement temporaire pour ses petites épargnes.

Evitons, messieurs, d'intervertir les idées et de tout confondre. Prenons garde que nous aboutissions à une banque gouvernementale, empiétant sur le domaine de l'industrie privée, usurpant ce domaine, se substituant à l'initiative des particuliers, accaparant les capitaux, exerçant un véritable monopole, défiant toute concurrence.

Une telle banque, entre les mains du gouvernement, serait, politiquement parlant, un grave danger, un danger tout aussi grave que l'omnipotence ? la supériorité que s'arrogerait un établissement particulier qui, par les mêmes voies, serait parvenu à se rendre maître presque absolu du crédit commanditaire et à dicter la loi à tous.

L'œuvre doit conserver son caractère propre et rester essentiellement une caisse d'épargne. La banque que la caisse alimente ne doit être qu'un rouage, un simple moyen ; il ne faut pas que l'accessoire devienne le principal. J'ai la conviction que la banque pourra utilement fonctionner avec le maximum que j'assigne.

Je n'ai pas de peine à reconnaître que la combinaison arrêtée par M. le ministre des finances est bonne. Elle me paraît sagement conçue, je l'ai dit dès le principe de la discussion.

D'accord avec lui sur ce point, je ne le suis plus on ce sens que je pense qu'avec la limite du maximum, avec un intérêt équivalent à peu près à la moyenne des revenus qu'offrent généralement les placements les plus solides, avec une gestion sage, avec le concours des hommes généreux et intelligents que le pays compte en grand nombre, le succès me semble certain. Et, à coup sûr, nous éviterons, au moins les conséquences fâcheuses qui pourraient résulter d'une extension outrée.

Quant à l'amendement que l'honorable ministre des finances se propose de formuler, je ne puis y attacher grande importance, parce que la révision éventuelle après cinq ans ne serait qu'une fiction. Il en serait de cette révision comme de beaucoup d'autres ; de prorogation en prorogation, la loi finirait par être définitive, et par ne subir aucune espèce de modification.

M. de Smedt. - L'honorable rapporteur a vivement, et je dirai même éloquemment combattu l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer avec mon honorable ami, M. Tack. Quoi qu'il en puisse dire, je crois que la question du maximum est d'une très haute importance. Le principe du maximum a rencontré, dans la section centrale, de chaleureux partisans, et dans cette Chambre il n'a été combattu que d'une manière fort indirecte.

Dans la séance d'hier, l'honorable ministre des finances nous a dit : « Je tiens compte des scrupules des honorables membres. Je ne suis pas insensible aux raisons qu'ils ont fait valoir. Je ne voudrais pas plus qu'eux que l'institution dégénérât, qu'elle fût un moyen de recevoir des capitaux considérables de la part de gens qui peuvent les faire valoir eux-mêmes, capitaux qu'on se chargerait ainsi de faire valoir pour eux, à l'aide de l'institution et sous la garantie de l'Etat. »

Ainsi, messieurs, vous l'entendez, l'auteur même de la loi sur les caisses d'épargne croit qu'il y a un inconvénient, un danger possible à recevoir, sous la garantie de l'Etat, des capitaux considérables de la part de personnes qui sont à même de les faire valoir eux-mêmes.

Puis l'honorable ministre ajoute :

« Les honorables membres ne peuvent pas vouloir non plus que l'institution ne puisse marcher, qu'elle soit constituée en perte. »

Je m'étonne, messieurs, je dois le dire, de ne pas rencontrer chez l'auteur de cette généreuse idée d'établir en Belgique pour les classes inférieures de la société une caisse d'épargne sous le contrôle et la garantie du gouvernement, je m'étonne de ne pas rencontrer de sa part une plus grande foi dans la réussite de l'œuvre qu'il projette.

Pourquoi vouloir à tout prix aller chercher, en dehors de la sphère d'action utile et raisonnable de cette institution des éléments qui pourront peut-être, en tout état de choses, en assurer le succès, mais cette fois en compromettant, sans compensation aucune, les finances de l'Etat au-delà du strict nécessaire.

Pourquoi cette défiance si grande en la prospérité d'un établissement si impatiemment attendu et qui offrira aux déposants des facilitée et des garanties qu'aucune antre institution de ce genre n'avait à leur offrir jusqu'aujourd'hui dans aucun pays du monde ?

D'ailleurs, messieurs, les frais d'administration de la caisse ne croîtront qu'en raison directe de l'extension que prendront ses opérations et ses recettes, et ce sont celles-ci qui lui apporteront les ressources nécessaires pour faire face aux nouveaux besoins du service de la caisse.

De plus, messieurs, comme je le disais hier, l'Etat n'a-t-il pas à sa disposition des milliers d'agents disséminés sur tous les points du territoire, et dont plusieurs d'entre eux, les receveurs de l'Etat par exemple, pourraient, pendant les premières années, être chargés de recevoir, pour le compte de la caisse d'épargne, les petites sommes que les particuliers voudraient déposer ?

Ces receveurs toucheraient un tantième pour cent ou par mille des recettes qu'ils opéreraient pour le compte de la caisse ; intéressés ainsi eux-mêmes à voir croître le chiffre des dépôts et des déposants, ils seraient les apôtres zélés de l'institution.

Je crois donc qu'il n'est pas raisonnable de grossir démesurément ces frais d'administration. Pour une œuvre aussi philanthropique, il faut aussi tenir compte du concours actif de toutes les personnes charitables qui seront heureuses de contribuer gratis à la prospérité de cette généreuse entreprise.

L'honorable ministre des finances croit pouvoir nous accorder une satisfaction en faisant insérer dans le projet de loi une disposition formelle par laquelle la Chambre sera tenue de réviser l'article 26 dans un délai de cinq ans.

A part, messieurs, que ce délai est beaucoup trop long pour tenter une expérience aussi dangereuse, à laquelle je craindrais d'attacher ma responsabilité, je dois dire que ce n'est là qu'une concession apparente et sans garantie.

Comment pourra-t-on alors que des capitaux considérables auront été engagés dans cette caisse et seront lancés dans la circulation, les retirer ensuite et, après une tolérance excessive, prononcer contre eux l'exclusion la plus rigoureuse ?

Tant d'influences seront engagées dans cette caisse, que lorsqu'on voudra les en faire sortir, le gouvernement, les Chambres et les administrateurs de la caisse reculeront peut-être devant l'impopularité de la mesure, et en tout cas, ce qui est si facile, si prudent surtout de faire aujourd'hui soulèvera alors une opposition des plus difficiles à vaincre. Comme l'honorable M. Tack, je maintiens l'amendement qui tend à fixer le maximum des dépôts.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans cette discussion, l'on reproduit tout ce qui a été dit dans la discussion générale ; il est une seule chose dont on ne se préoccupe pas : avez-vous entendu les honorables auteurs de la proposition démontrer qu'il est certain qu'avec le maximum auquel ils s'arrêtent, qu'avec ce chiffre qui est aussi arbitraire que tout autre, il est certain qu'on pourra faire face aux frais d'administration de la caisse et au payement des intérêts ? Non. Ils ont la foi sous ce rapport et ils nous convient à les croire sur parole. Ces honorables membres sont les adversaires décidés de l'institution telle qu'elle est proposée, et ce sont eux que nous devons croire !

M. de Smedt. - Toutes les caisses, à l'étranger comme en Belgique, sont dans des conditions moins bonnes, moins économiques.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ne parlez pas de toutes les caisses, puisqu'il en est un grand nombre qui n'imposent point de maximum. En général les caisses qui n'admettent pas de maximum sont les caisses instituées par des particuliers, qui reconnaissent ainsi que, pour bien opérer, pour opérer avec fruit, pour opérer utilement, il ne faut point déterminer de maximum.

Au contraire, les caisses garanties par l'Etat, par exemple en Angleterre et en France, ces caisses, ont un maximum déterminé. Pourquoi ? Parce que l'Etat intervenant et n'ayant que des charges, veut réduire ces charges autant que possible.

Ces caisses sont généralement constituées en perte, celles de France par suite de crises, celles d'Angleterre en quelque sorte d'une manière permanente. On veut diminuer les pertes par l'établissement d'un maximum. Ces caisses n'ont qu'un seul mode de placement, le placement eu fonds publics, ce qui fait qu'aux époques où elles doivent réaliser, elles subissent fréquemment des pertes.

M. Tack. - C'est là le vice.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Certainement, et c'est précisément pour ne pas tomber dans ce vice, que nous voulons opérer d'après un mode entièrement différent ; nous cherchons à affranchir l’Etat de toute espèce de perte, et nous n'avons d'autre moyen d'atteindre ce (page 1594) but que d'accepter le dépôt de capitaux d'une certaine importance, mais sans pouvoir assigner, dès à présent, une limite à l'importance de ces capitaux.

Voici la règle ; pour nous, pour moi qui formule ce projet, qui défends l'institution, voici la règle : il ne doit y avoir des capitaux étrangers aux capitaux d'épargne proprement dits, que dans la mesure de ce qui est rigoureusement nécessaire pour couvrir les frais d'administration et payer un intérêt modique aux déposants. Telle est la règle que nous voulons suivre. Mais comment arriver à formuler une disposition pratique, à traduire cette règle en un chiffre ? Comment pourrions-nous dire aujourd'hui que c'est un maximum de 3,000 francs, de 5,000 francs, de 10,000 francs qui assurera ce résultat ?

Personne ne saurait le dire à priori.

Qu'est-ce que je propose ? Au lieu de fixer un maximum arbitraire, qui exposerait l'institution, je dis que nous réviserons cette disposition dans un certain délai, que nous verrons par l'expérience s'il y a lieu d'introduire quelque autre règle que celle qui était d'abord stipulée dans le projet de loi. A une concession qui semble si raisonnable, quelle est l'objection ?

M. Coomans. - Ce n'est pas une concession, c'est de droit constitutionnel.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ceci est tout à fait neuf. Je ne savais pas que de droit constitutionnel les lois tombaient d'elles-mêmes.

M. Coomans. - Nous pouvons toujours les modifier.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a une grande différence entre dire qu'une loi est temporaire et dire qu'une loi peut être modifiée. Quand on veut qu'une loi soit nécessairement révisée, on dit qu'elle expirera après un délai déterminé : c'est ce qu'on a fait pour la loi sur les étrangers, pour la loi sur les jurys d'examen. Dans ce cas, le pouvoir de la Chambre renaît complètement, sans objection possible ; en toute autre circonstance elle peut user de son initiative, mais elle peut aussi rencontrer de l'opposition de la part d'une autre branche du pouvoir législatif. La proposition que je faisais me semblait donc extrêmement raisonnable.

On fait à cela une seule objection. On dit : Oh ! mais des intérêts pourront se créer, pourront naître de ce qui se pratiquera pendant le temps qui s'écoulera jusqu'au délai à l'expiration duquel la révision doit avoir lieu, et ces intérêts pourront être assez puissants pour empêcher la Chambre d'introduire dans la loi des améliorations utiles. Eh bien, messieurs, cela n'est pas admissible. Comment, des intérêts privés, qui compromettraient au plus haut point l'intérêt général, qui compromettraient en quelque sorte la sécurité de l'Etat, ces intérêts seraient assez puissants pour paralyser l'action de la législature ? Je dis qu'on ne peut écouter une pareille objection.

Si les honorables membres dont j'avais essayé de faire taire les scrupules, avec le désir de voir un plus grand nombre de voix adopter le projet de loi, si ces honorables membres ne veulent pas adopter cette proposition, il est inutile que je la présente. Leur amendement est maintenu, la Chambre statuera.

M. de Naeyer. - D'après toutes les nouvelles observations faites par M. le ministre et par M. le rapporteur de la section centrale, j'avoue, messieurs, qu'il me devient de plus en plus difficile de me faire une idée tant soit peu exacte de l'institution que l'on veut créer, en tant qu'elle n'aurait d'autre raison d'être que les justes et légitimes sympathies envers nos classes ouvrières.

Il y a quelques jours, on nous disait : « Pourquoi vous opposez-vous au projet ! Nous n'avons qu'un seul et unique but : c'est d'aller recueillir dans toutes les communes, dans tous les villages, dans les hameaux mêmes, les plus faibles parcelles des économies de l'ouvrier et du travailleur, afin que pas un seul pauvre franc ne reste improductif pour l'accroissement de la richesse publique. »

D'après le langage qu'on nous tient aujourd'hui, c'était là le côté poétique de la chose, car on nous dit assez clairement qu'en restant dans ces limites, le projet est irréalisable.

En effet, il est évident que si le gouvernement veut se donner la mission d'aller glaner les plus petites parcelles du capital social, il faudra une armée d'employés ; et je pense que les dépenses que ce service nécessiterait, absorberaient et au-delà les intérêts qu'on pourra retirer de ces capitaux.

Ce serait dépenser des francs pour un franc. A ce point de vue, l'accroissement de la richesse publique est donc un rêve.

M. le ministre des finances paraît être d'accord là-dessus avec moi, cela me parait résulter de ses dernières explications.

En parlant des services que l'institution doit rendre dans les communes rurales, l'honorable rapporteur a fait une sortie très éloquente contre les usuriers qui font beaucoup de mal dans les campagnes. Mais je ne sais ce que les usuriers ont à faire ici.

Si je ne me trompe, l'usure est le vice de celui qui prête de l'agent et qui exploite inhumainement les besoins de l'emprunteur ; or, il ne s'agit pas, pour le moment, du campagnard emprunteur, mais du campagnard prêteur.

Vous voyez donc bien que, pour me servir d'une expression de l'honorable membre, l'usurier exploitant le campagnard est un fantôme qui n'a aucun rapport avec le projet de loi.

Maintenant, en fait, qu'avons-nous ? que nous donne le projet de loi ? Suivant l'article premier, nous avons un bureau central à Bruxelles, c'est-à-dire qu'il y aura une nouvelle affluence de capitaux à Bruxelles où, comme vous savez, l'argent est si rare. Aux termes de l'article 3, on pourra aussi opérer des versements partout où il y a des agents de la Banque Nationale.

Mais aurez-vous, en outre, dans tous les villages, dans tous les hameaux, la main du gouvernement qui viendra recueillir les économies de l'ouvrier, en lui donnant sécurité complète, tout comme s'il donnait son argent à Dieu même... ? Pas du tout ; c'est encore de la poésie, et pas autre chose.

D'après l'article 2 il peut y avoir partout des succursales et des classes auxiliaires, mais cela est facultatif et cela ne peut être réalisé qu'avec le concours de personnes charitables, des communes ou des établissements publics.

Il y aura donc des succursales ou des auxiliaires dans quelques-unes des communes qui ne sont pas comprises directement dans le projet de loi, et qui, si je ne me trompe, sont au nombre de près de deux mille quatre cents. Mais pour cela il vous faut le dévouement de personnes charitables, le dévouement des communes, ou des établissements publics.

Or, ce dévouement, vous en avez fait un bien faible éloge, vous l'avez même déclaré impuissant et stérile, c'est un des principaux arguments mis en avant pour justifier votre intervention gouvernementale.

On a donc beaucoup exagéré le côté philanthropique du projet de loi, et c'est sous ce masque de philanthropie apparente que l'on veut faire passer un établissement d'un tout autre genre.

J'en trouve une nouvelle preuve dans cette résistance opiniâtre du gouvernement à ce qu'on fixe un maximum.

Et puis, remarquez que là même où il ouvre des succursales et des caisses auxiliaires, la position des communes sera inférieure à celle de Bruxelles et des villes dotées d'agences de la Banque Nationale ; pourquoi ?

Parce que ces succursales et ces caisses auxiliaires devront diminuer l'intérêt que la caisse principale accorde, et cela, pour faire face à leurs dépenses et à leurs frais d'administration.

Il n'y a pas d'égalité sous ce rapport ; il y a une position d'infériorité pour les communes qui n'auront que des succursales ou des caisses auxiliaires, et même cet avantage moindre ne leur est aucunement assuré par le projet de loi sans le dévouement des personnes charitables ; un très grand nombre devront s'en passer.

Aurez-vous maintenant ce dévouement dont, l'autre jour, vous faisiez assez bon marché ? Eh bien, l'effet le plus désastreux de l'intervention du gouvernement, c'est de tarir la source des dévouements généreux et de paralyser les efforts des particuliers pour toutes les entreprises qui exigent des sacrifices, et cela par un motif assez simple : l'homme répugne naturellement au sacrifice, et il est assez porté à s'en dispenser.

Quand le gouvernement se mêle d'une entreprise, on se persuade facilement qu'il peut tout faire, par cela même qu'il remplit en quelque sorte le rôle de la Providence, et l'on reste ainsi les bras croisés ; puis le gouvernement demandant des sacrifices volontaires est généralement assez peu écouté parce qu'il est trop habitué à demander des sacrifices obligatoires et à employer la contrainte.

D'ailleurs, en matière de sacrifices volontaires il faut surtout, pour réussir, prêcher d'exemple, et quand le gouvernement parle de s'imposer des sacrifices, cela ne paraît pas sérieux, parce qu'on sait parfaitement qu'il n'agit qu'avec l'argent des contribuables.

Il y a donc une énorme exagération dans l'énumération des avantages en faveur des classes ouvrières, qu’on a fait constamment miroiter à nos yeux ; tout cela n'est pas réalisé par le projet de loi, et pour en obtenir la réalisation partielle, on est obligé d'invoquer les efforts des particuliers et des administrations locales, et cela après avoir proclamé leur impuissance.

Maintenant, pourquoi s'oppose-t-on si énergiquement à la fixation d'un maximum ?

(page 1595) On nous dit que c'est afin de mieux assurer le succès de l'entreprise ; en d'autres termes, on veut réussir, même au risque de dénaturer l'institution et de faire toute autre chose qu'une caisse d'épargne. Mais encore, pour savoir jusqu'où vont à cet égard les nécessités, il nous faudrait beaucoup d'éclaircissements qui nous manquent absolument, il faudrait que nous pussions nous fixer d'une manière plus ou moins approximative sur les besoins de l'établissement qu'il s'agit de créer.

Ainsi, par exemple, quel sera l'intérêt que l'on compte pouvoir accorder aux dépositaires ? et l'intérêt une fois fixé, sera-t-il susceptible d'être réduit pour les sommes déjà déposées ? Nous n'avons sur ce point aucune indication quelconque, et cela, cependant, est de la plus haute importance pour apprécier la position de l'institution projetée. Puis quelles sont les dépenses, quels sont les frais d'administration que les capitaux déposés auront à supporter ? Il y aura d'abord le traitement du directeur, il n'est pas indiqué ; il y aura aussi les frais de bureau, le traitement des employés travaillant sous les ordres du directeur général ; ici encore absence complète de toute indication, (Interruption.)

Vous vous récriez contre ces demandes d'explications ; et l'autre jour, n'êtes-vous pas venu nous communiquer un aperçu de la dépense reconnue nécessaire, en Angleterre, pour réaliser le projet d'une extension du service des caisses d'épargne ? Il s'agissait, si je ne me trompe, de faire des bureaux de poste, des espèces d'agences auxiliaires des caisses d'épargne. A cet égard vous nous avez donné des évaluations très détaillées, et pour un service à organiser en Belgique vous ne pouvez nous donner aucun aperçu.

Je demanderai encore ce que coûtera le concours de la Banque Nationale ? Probablement elle ne fera pas ce service gratis ; car le mot gratis ne se trouve guère dans le dictionnaire des banques.

On a insisté beaucoup sur cette circonstance, que pour le service de la caisse d'épargne le gouvernement pourra faire usage de plusieurs rouages administratifs dont il dispose aujourd'hui.

Mais dans l'état actuel des choses, ces rouages ne chôment pas, ils ont une besogne à remplir ; si vous voulez accroître cette besogne, il faudra donnera ces rouages une nouvelle extension, ce qui occasionnera nécessairement de nouveaux frais. Les dépenses qui en résulteront seront-elles supportées par les capitaux déposés ? ou bien le gouvernement les prendra-t-il à sa charge, et accordera-t-il ainsi à la caisse d'épargne un subside indirect, en d'autres termes une aumône déguisée ? Puis il y aura des jetons de présence pour les administrateurs. Quelle dépense cela occasionnera-t-il ? Le mot « jetons de présence » est assez vague et pourvu que les réunions soient un peu fréquentes cela pourrait fort bien signifier un traitement déguisé qui ne serait pas à dédaigner, d'autant plus que celui qui le percevrait aurait encore l'air de faire un acte de charité et de dévouement.

Sur ces différents points nous n'avons aucun renseignement, pas la moindre évaluation, nous discutons donc absolument dans le vague quand il s'agit de déterminer les besoins du nouvel établissement, et cependant, même dans le système mis en avant par l'honorable ministre, cette question est préalable à celle de savoir si l'établissement projeté peut réussir avec la fixation d'un maximum.

Mais examinons de plus près les motifs qui déterminent le gouvernement à exiger l'autorisation de recevoir les capitaux sans limite aucune. On a commencé par proclamer bien haut que les caisses d'épargne doivent être attribuées au gouvernement, parce qu'il s'agit d'une entreprise qui est essentiellement étrangère au domaine de l'activité privée, car, dit-on. une caisse d'épargne restant caisse d'épargne, est nécessairement en perte.

Or, l'activité privée n'admet pas d'une manière normale des entreprises qui ne peuvent se suffire à elles-mêmes

J'ai réfuté l'autre jour cet argument, en disant qu'il est absurde d'exclure du domaine de l'activité privée les actes charitables, les actes de dévouement envers les classes inférieures de la société. Mais n'insistons plus sur ce point.

Vous prenez donc à vous les établissements dont il s'agit, parce que, en restant dans leurs véritables limites, ils sont constitués en perte, et cependant, vous avez la prétention de les faire fonctionner sans perte ; vous ne voulez, dites-vous, imposer aucune dépense au trésor public.

Voilà l'impossibilité contre laquelle vous venez vous heurter, et comment essayez-vous de surmonter cette impossibilité ? Mais en faussant le véritable caractère de ces établissements, en faisant ce qui est possible, ce qui se pratique même dans le domaine de l'activité privée sans perte sans sacrifice ?

Je l'ai expliqué l'autre jour, les caisses d'épargne peuvent être desservies sans perte lorsqu'elles forment un trafic additionnel, quand elles ne sont qu'une dépendance d'un établissement financier, d'une maison de banque constituée sur d'assez larges bases.

Or le gouvernement veut faire 1'accessoire et il n'a pas le principal.

Que faire donc ? Mais créer avant tout le principal, ériger une maison de banque sur de larges bases, faire appel à tous les capitaux sans distinction et sans limite. Voilà la véritable signification de cette opposition opiniâtre à ce qu'un maximum soit fixé.

Ce n'est pas plus malin que cela, et voilà pourquoi je n'ai cessé de dire que la caisse d'épargne n'est qu'un masque destiné à cacher une institution d'un tout autre genre. A ce point de vue on peut dire que l'article que nous discutons est en quelque sorte la pierre de touche de tout le projet. Il s'agit véritablement de décider ici, si c'est la Banque gouvernementale qui dominera ou bien la caisse d'épargne.

Maintenant si le gouvernement a besoin de créer une grande banque et de faire affluer vers lui des capitaux considérables qui n'appartiennent en aucune manière aux classes ouvrières, afin de pouvoir faire accessoirement le service des caisses d'épargne, je ne vois pas comment son intervention serait justifiée, car enfin cela existe aujourd'hui par l'action de l'industrie privée et cela se développerait incontestablement dans de larges proportions si le provisoire, dans lequel nous languissons depuis 14 ans, venait à cesser. On serait presque tenté de croire que ce provisoire n'a duré si longtemps que pour avoir un prétexte à une large intervention gouvernementale.

(erratum, page 1612) En résumé, l'amendement de l'honorable M. Tack décide la question de savoir si votre établissement sera une grande banque ou aura au moins, comme caractère principal, celui d'une caisse d'épargne.

L'honorable ministre nous dit : La seule règle raisonnable qu'on puisse prescrire est celle-ci : c'est que les capitaux qui n'appartiendront pas à la classe ouvrière, qui, par leur importance ne semblent pas émaner de cette classe, nous ne les recevrons que dans la mesure de ce qui sera nécessaire pour que l'établissement puisse marcher sans perte.

Je ne sais pas si c'est sérieusement que M. le ministre appelle cela une règle, car qu'entend-il par la mesure de ce qui sera nécessaire pour éviter des pertes ?

Je crois que cela peut aller très loin. Si l'on donne, par exemple, un intérêt un peu élevé aux déposants, vous pourrez être dans la nécessité de donner une grande extension à vos opérations et vous serez probablement forcé d'élever l'intérêt afin de pouvoir disposer de capitaux assez considérables pour compenser vos frais d'administration et vos autres dépenses par la masse des affaires.

Vous ne dites donc absolument rien en posant votre règle.

Jusqu'à quelles limites irez-vous ? Quelle est l'importance des capitaux que vous recevrez dans vos caisses et qui appartiennent à d'autres classes de la société que les classes ouvrières ?

Vous n'en savez rien. Vous ne semblez pas même admettre comme limite le chiffre de 10,000 fr.

Direz-vous que quand un établissement reçoit des sommes de cette importance d'un certain nombre de déposants, il s'agit encore là d'une caisse d'épargne ?

Pourrions-nous encore parler de cette institution comme d'un établissement exclusivement créé dans l'intérêt des classes ouvrières ?

Mais celui qui a 10,000 fr., qu'il soit ouvrier, petit bourgeois, ou qu'il appartienne à toute autre classe de la société, ne manque pas de moyens de placement.

Vous ne pouvez pas dire que les sommes de cette importance ou même d'une importance beaucoup moindre, restent aujourd'hui oisives, improductives. Cela ne serait pas sérieux. Sous ce rapport donc, vous n'utiliserez pas des épargnes aujourd'hui improductives, mais vous donnerez une autre direction aux capitaux, vous les détournerez de leur cours naturel et normal.

Voilà le grand bienfait que vous allez réaliser, vous allez jeter une véritable perturbation dans les lois du crédit.

Si vous, gouvernement, par cette garantie qu'on fait passer en quelque sorte pour la garantie de la divinité, si vous dites : Confiez-moi vos capitaux, comment voulez-vous que cela ne jette pas la perturbation dans les conditions normales du crédit ?

M. le ministre nous disait encore : Pourquoi a-t-on dans les autres pays fixé un maximum ? Pour éviter les pertes.

Chose assez étrange, et en Belgique on ne veut pas de maximum, afin de ne pas avoir de perte.

Je sais bien que vous allez me dire que vous avez un autre système, que vous aurez des placements variés.

Vous croyez ainsi que ce qui serait une cause de perte ailleurs, pourrait devenir une cause de bénéfice en Belgique.

(page 1596) Mais ces placements variés auront probablement un autre inconvénient, celui de présenter un caractère plus aléatoire.

Maintenant, messieurs, voici l'inconvénient qu'il y aurait à adopter la proposition de M. le ministre, c'est qu'admettre dans la caisse d'épargne tous les capitaux qui peuvent facilement trouver un placement ailleurs, c'est dénaturer le véritable caractère de ces institutions, celui qu'on peut sérieusement défendre ; c'est en faire une grande banque, et ce n'est plus du tout une caisse d'épargne.

Quand vous aurez fait cela pendant cinq ans, comment pourrez-vous le changer ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du jour au lendemain.

M. de Naeyer. - S'il vous est prouvé alors que vous ne pouvez continuer en limitant les capitaux, en un mot que pour vous aussi une caisse d'épargne proprement dite serait onéreuse, que ferez-vous ?

Consentirez-vous à supprimer l'établissement, renoncerez-vous à être banquier ? Il est évident que non. Vous aurez commencé par fausser l'institution et vous voudrez la maintenir.

Vous savez, messieurs, combien il est difficile de supprimer un établissement du gouvernement ; il faut pour cela plus que des abus ; et je crois que jusqu'ici ce phénomène ne s'est pas encore manifesté.

Voici l'énorme différence qu'il y a entre le gouvernement et un particulier. Si un particulier fait une entreprise qui ne réussit pas, il y renonce, car il y est forcé par la loi, si puissante, de son intérêt. Pour le gouvernement, cette considération n'existe pas, ou elle est loin d'exercer la même influence, parce que le gouvernement s'appuie sur la caisse des contribuables. L'on invoque, d'ailleurs, l'honneur, la dignité du gouvernement pour prétendre qu'il y a lieu de continuer ce qui a été commencé et de faire au moins de nouvelles expériences, et c'est ainsi que les abus se perpétuent et que, le premier pas étant fait, il devient en quelque sorte, impossible de reculer. La proposition de l'honorable ministre ne présente aucune garantie quelconque.

En pareille matière il faut commencer avant tout par établir l'œuvre sur de bonnes bases ; car si l'on procède autrement, il est toujours fort difficile, sinon impossible de revenir sur ce qui a été fait au début.

Messieurs, en deux mots, j'appuierai l'amendement de l'honorable M. Tack, parce que, bien qu'adversaire déclaré de l'intervention du gouvernement, je veux cependant faire tout ce qui est en mon pouvoir, afin que cette intervention, étant admise par la majorité, reste au moins dans les limites des principes qui l'ont fait admettre.

On n'a cherché à justifier l'intervention gouvernementale qu'en invoquant l'intérêt des classes laborieuses. Je veux que l'établissement que l'on va ériger conserve ce caractère, mais ne fonctionne pas pour des gens qui peuvent disposer de plusieurs milliers de francs.

Ceux-là ne sont pas embarrassés pour placer leurs capitaux, ils n'ont aucun droit quelconque à un placement privilégié, ils peuvent même parfaitement et utilement pratiquer le principe des placements variés. Ainsi, l'ouvrier même qui a quelques milliers de francs, pourra les appliquer d'une manière très utile à l'achat d'une maison.

En un mot, il est évident que les sommes s'élevant à quelques milliers de francs, on peut parfaitement les faire fructifier aujourd'hui et il est incontestable qu'on les fait fructifier. Vouloir créer pour cela un nouvel établissement avec l'intervention du gouvernement, en vérité, cela ne serait pas sérieux ; et ce serait jeter la perturbation dans ce qui existe, dans ce qui a été créé par l'industrie privée.

Le but de l'institution serait donc faussé si elle devait servir à recueillir de gros capitaux, et la loi porterait un titre trompeur. L'amendement de l'honorable M. Tack a pour objet de prévenir un pareil abus. Je voterai pour.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous ne réussirons pas à nous entendre avec l'honorable préopinant. L'honorable préopinant est l'adversaire déclaré, absolu, du projet de loi ; quoi que l'on fasse, il n'est point de modification à y introduire qui puisse la faire accepter par l'honorable membre.

Je crois qu'il est assez inutile, par conséquent, de chercher à faire droit aux observations de l'honorable membre, puisque, même après y avoir fait droit, on n'obtiendrait pas encore son vote en faveur de la loi.

M. de Naeyer. - Cela ne prouve rien.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela prouve que ceux qui sont partisans du projet de loi doivent se charger de le rédiger conformément à leurs vues, et que vous qui n'en voulez pas...

M. de Naeyer. - Je raisonne d'après les principes du projet.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh bien, permettez-moi de vous dire que vous n'en raisonnez pas correctement.

Ainsi, vous dites que tout ce qui est annoncé est une véritable fantasmagorie, et vous vous exprimez ainsi à propos de la promesse de recueillir les petites épargnes sur tous les points du territoire. Le projet de loi, selon vous, ne produira rien de semblable ; c'est le côté poétique, imaginaire de notre argumentation. Mais, en réalité, il ne s'agit que d'établir une caisse à Bruxelles, et tout sera dit.

M. de Naeyer. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez commencé par dire précisément cela. Vous avez bien admis que nous disposerions des agences de la Banque Nationale ; mais, selon vous, nous ne trouverons rien au-delà.

A la vérité, dites-vous, on nous a bien parlé de l'article du projet de loi qui promet l'érection de succursales ; mais comme il faut attendre le concours de personnes charitables, d'établissements de bienfaisance et des communes, vous êtes persuadé que nous n'obtiendrons pas ce concours.

Eh bien, je crois que c'est là une appréciation très inexacte.

En effet, nous commencerons, dès que la loi sera mise à exécution, par obtenir trente caisses d'épargne parfaitement organisées.

M. de Naeyer. - Je l'ai dit moi-même.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le redis à mon tour, et j'ajoute que c'est un premier résultat assez significatif.

Mais nous comptons en outre sur le zèle des communes, des administrations de bienfaisance et des personnes charitables.

L'honorable membre prétend que nous avons accusé leur impuissance, que nous nous en prévalons pour agir à leur place et qu'il y a dès lors contradiction à compter maintenant sur leur zèle et leur concours dévoué.

Nous avons dit, messieurs : Ces personnes charitables, ces établissements publics, ces communes, sont, à cause de la situation même où nous nous trouvons, dans l'impossibilité d'établir des caisses d'épargne, et de rendre productifs les fonds qu'on y déposerait ; mais si nous nous adressons aux personnes charitables, aux communes, aux établissements de bienfaisance, et si nous leur disons : Organisez des caisses d'épargne, recueillez les fonds, délivrez les livrets, versez les dépôts chez nous, nous nous chargeons de les faire fructifier et d'en payer les intérêts ; comme, dans ces conditions, il n'y a aucune difficulté à surmonter, aucun risque sérieux à courir, nous avons la ferme espérance d'être secondés dans l'œuvre que nous entreprenons.

Que voyons-nous aujourd'hui et pourquoi les caisses d'épargne locales sont-elles si rares ? Supposons un village de 10,000 âmes ; comment voulez-vous qu'on y établisse une caisse d'épargne, dans l'état actuel des choses ?

M. de Naeyer. - Et vous y parviendrez ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je l'espère, car il suffira de trois personnes animées de bonnes intentions pour obtenir ce résultat.

Quel est l'obstacle aujourd'hui ? Que trois personnes veuillent organiser une caisse d'épargne dans une localité d'une dizaine de mille âmes, comment parviendront-elles à la faire fonctionner ? Cela n'est guère possible, parce qu'elles seront constamment dominées par la crainte d'être impuissantes à remplir leurs obligations à certains moments donnés.

Mais si vous dites à ces personnes : Votre zèle, vous pouvez l'exercer d'une manière utile, sans risque pour vous, car votre responsabilité à l'égard des tiers avec lesquels vous aurez contracté, sera couverte par les obligations que l'institution prendra envers vous. Si vous parvenez ainsi à les rassurer, n'est-il pas à prévoir que ces personnes s'abandonneront en toute sécurité et avec un entier dévouement au zèle qui les anime pour les classes laborieuses ?

Voilà ce que n'a pas vu l'honorable membre et c'est là que gît l'erreur de son raisonnement.

Maintenant l'honorable membre ne sait pas une foule de choses.

Il dit : Est-ce que l'intérêt pourra être élevé ou abaissé ? Qui fixera l'intérêt ? L'honorable membre a vu, par le projet, que c'est le conseil général qui fixera l'intérêt. (Interruption.)

M. de Naeyer. - Mais je n'en connais pas le taux.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous ne connaissez pas l'intérêt, mais vous connaissez ceux qui le fixeront. Je voudrais savoir si l'honorable membre serait disposé à fixer dans la loi un taux d'intérêt invariable. Ce taux sera celui qui sera possible ; cela dépendra de l'état du marché ; si le taux de l'intérêt s'abaisse d'une manière générale, il faudra bien sans doute qu'il s'abaisse à la caisse d'épargne ; de même qu'il devra y être élevé s'il monte ailleurs. Aujourd'hui les unions de crédit, des maisons de banque, la Banque de Belgique reçoivent, à 3 p. c., les plus fortes sommes, qu'on peut retirer à quelques jours de vue.

Comment voulez-vous qu'on dépose à la caisse d'épargne des fonds qu'on ne peut retirer qu'en prévenant six mois d'avance et qu'on en (page 1597) obtienne un même intérêt ? N'est-ce pas là un signe que le dépôt ne peut pas être ainsi opéré, qu'il y a une facilité plus grande sur le marché général ?

Mais, objecte encore l'honorable membre, comment la Banque opérera-t-elle ? son concours sera-t-il gratuit ? Dans le domaine banquiste, on ne connaît pas ce mot : « gratuit ». Eh bien, dans ce domaine banquiste, nous aurons cependant un concours gratuit par la raison bien simple que je l'ai stipulé dans la loi de 1850, qui institue la Banque Nationale ; l'obligation du service de la caisse d'épargne est une condition onéreuse de son institution : elle doit en supporter les frais.

Il ne s'ensuit pas cependant qu'elle soit obligée d'organiser des caisses d'épargne partout ; la disposition ne peut s'appliquer qu'aux localités où elle a des agences ou des comptoirs. (Interruption.) C'est le service de la caisse d'épargne, la délivrance des livrets sous sa responsabilité, qu'elle doit délivrer gratuitement. Vous avez donc déjà, par ces explications, une satisfaction qui a son importance. Mais vous me dites maintenant : Les placements !

Eh bien, les placements doivent donner lieu à un arrangement entre la caisse d'épargne et la Banque, non pas qu'elle ne puisse être tenue de faire le service des placements sans indemnité, cela fait partie du service : mais la caisse d'épargne doit trouver les moyens d'opérer en toute sécurité. A l'aide de certains arrangements, la Banque deviendra ducroire de la caisse d'épargne.

J'ai expliqué comment les comptoirs pourraient opérer pour le compte de la caisse d'épargne, comme pour la Banque Nationale elle-même ; il y a des genres d'opérations que la Banque peut faire et d'autres qu'elle ne peut pas faire.

Pour les opérations que la Banque peut faire, rien de plus facile que de concerter l'opération entre la caisse d'épargne et la Banque ; par cela seul que la Banque lui passera la valeur, elle sera garantie.

Pour les opérations qu'elle ne peut pas faire, elle ne peut pas être ducroire.

Pour les effets qui ne sont pas commerciaux, dans le sens rigoureux du mot, il y aura des mesures à prendre pour obtenir la sécurité.

Mais, dit l'honorable membre, vous voulez créer une institution que vous déclarez ne pas pouvoir subsister par elle-même, comme opération financière, et c'est pour cela que vous voulez en réalité instituer une banque.

Est-ce que la difficulté a été dissimulée ? Avons-nous un instant dissimulé ce que nous voulions faire ? Nous l'avons dit au début, dans l'exposé des motifs, nous l'avons répété sans cesse : l’institution d'une caisse d'épargne est en soi une opération qui n'est pas productive ; il faut chercher les moyens de couvrir les frais d'administration et de payer les intérêts.

Or, vous ne pourrez pas couvrir ces frais, ni acquitter ces intérêts, si vous n'avez pas des dépôts qui soient fructueux. Il faut donc absolument en avoir dans la mesure de ce qui est nécessaire pour rendre la caisse indemne de toute perte.

L'honorable membre me dit : Ce n'est pas une règle, un principe ; il faut imposer une règle, sinon, la caisse excédera ses pouvoirs.

A cet argument, je réponds par une question : Comment pouvez-vous affirmer que ce sera votre maximum de 3 mille ou de 5 mille francs, qui suffira à couvrir les frais d'administration et à payer les intérêts ?

Vous ne le savez pas, vous ne pouvez pas le savoir, et, dès lors, vous ne pouvez pas fixer de maximum dans la loi. Sur l'observation que j'avais faite qu'on pourrait réviser la loi dans un certain délai, on n'avait pas fait d'objection ; mais M. de Naeyer vient d'en faire une : Quelle que soit, dit-il, la situation, il faudra faire disparaître l'établissement ; mais on ne le fera pas, et la mesure que vous proposez sera inefficace.

Cette objection n'est pas sérieuse. A l'expiration du délai fixé pour la révision, on sera à même de constater s'il y a eu des abus dans les opérations faites ; on examinera si on peut sans inconvénient réduire les dépôts et fixer un maximum ; il n'en résultera aucune perturbation ; on dira simplement : Désormais le maximum des dépôts sera de tant, au lieu d'illimité qu'il était auparavant.

On ne renversera pas pour cela l'institution, et on ne portera pas atteinte à des droits acquis, en révisant la loi dans le délai que j'avais indiqué.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. de Naeyer. - Je désire répondre au ministre, je demande la parole pour cinq minutes. (La clôture ! la clôture !)

M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. Il est impossible de clore sur une pareille question.

- Un membre. - On la discute depuis huit jours.

M. B. Dumortier. - Quand on la discuterai depuis huit jours, il est impossible de clore un pareil débat après avoir entendu M. le ministre.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

MpVµ. - Je mets aux voix l'amendement de M. Tack, ainsi conçu :

« La caisse est tenue, après en avoir prévenu les propriétaires, de convertir en fonds publics belges toutes les sommes nécessaires pour réduire les livrets d'un seul déposant à une somme de trois mille francs, non compris les intérêts.

« En aucun cas les livrets d'un seul déposant ne pourront, même avec les intérêts cumulés, excéder cinq mille francs.

« La caisse peut agir, etc. »

- Des voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

- Cet amendement est mis aux voix par appel nominal.

70 membres prennent part au vote.

49 votent contre l'amendement.

21 votent pour.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté contre l'amendement : MM. Debaets, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, de Bronckart, de Brouckere, De Fré, de Moor, de Paul, de Ridder, de Rongé, Devaux, de Vrière, H. Dumortier, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jamar, M. Jouret, Kervyn de Volkaersbeke, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Moreau, Mouton, Muller, Nélis, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Renynghe, Allard, Coppens, David et Vervoort.

Ont voté pour : MM. de Haerne, de Montpellier, de Naeyer, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Terbecq, B. Dumortier, Le Bailly de Tilleghem, Notelteirs, Rodenbach, Tack, Thienpont, Van Bockel, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Overloop, Verwilghen, Wasseige et Coomans.

- L'article 26 est mis aux voix et adopté.

Article 27

« Art. 27. L'actif de la caisse est divisé en trois catégories :

« 1° Le fonds de roulement ;

« 2° La part destinée à des placements provisoires ;

« 3° La part destinée à des placements définitifs.

« Le fonds de roulement reste dans la caisse de la Banque Nationale. »

- Adopté.

Article 28

« Art. 28. La part de l'actif destinée à être placée provisoirement, est utilisée d'une des manières suivantes :

« 1° Escompte de traites belges ou étrangères ;

« 2° Avances sur droits de commerce, bons de monnaie ou d'affinage du pays ou de l'étranger ;

« 3° Avances sur marchandises, warrants ou connaissements ;

« 4° Avances sur fonds publics belges ou des Etats étrangers, des communes ou des provinces, actions ou obligations de sociétés belges.

« Ces placements et la réalisation se font par les soins et à l'intervention de la Banque Nationale, qui en tient des comptes et des portefeuilles distincts et indépendants des siens. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je propose au n°1° de remplacer les mots : « escomptes de traites belges ou étrangères, » par ceux-ci : « escompte de lettres de change et de billets à ordre. » Ce sont les termes légaux.

De ce qu'il n'y a pas d'exclusion, cela comprendra nécessairement les traites belges ou étrangères.

Au n°2°, je propose de dire : « avances sur effets de commerce, bons de monnaie ou d'affinage du pays ou de l'étranger. »

Au n°3°, je propose de dire : « Avances sur warrants, » en retranchant les mots : « marchandises et connaissements. » Après avoir réfléchi, je crains qu'il n'y ait quelque difficulté dans des avances sur des marchandises ou des connaissements. Nous restreignons les avances à faire aux warrants seulement. Ils seront bien déterminés par la loi qui sera votée prochainement ; l'affaire sera simple pour la caisse d'épargne.

M. B. Dumortier. - Messieurs, j'avais réclamé la parole sur cet article, précisément pour proposer la suppression des mots « marchandises et connaissements », que M. le ministre des finances vient de vous demander. Cela prouve, messieurs, que nous n'avons pas tout à fait tort quand nous prenons la parole dans cette discussion. Bien que nous soyons opposés au projet de loi, nous pouvons quelquefois dire des choses qui ne sont pas dépourvues de sens. Car j'avais déjà eu l'honneur de faire remarquer à l'assemblée que ces mots constituaient l'Etat en un véritable lombard, en un véritable bureau de prêts sur gages.

(page 1598) M. le ministre des finances disait tout à l'heure à mon honorable ami, M. de Naeyer, que les membres de la Chambre qui ne veulent pas du projet, devraient s'abstenir de prendre la parole,

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela !

M. B. Dumortier. - Vous avez dit que nous devrions nous abstenir de présenter des amendements et laisser faire la loi par ceux qui veulent la voter. (Interruption.) Cela vient d'être dit ; c'est tout chaud. (Nouvelle interruption.)

Eh bien, si nous nous abstenions complètement, c'est-à-dire si nous nous retirions, vous ne seriez pas en nombre et vous ne sauriez pas faire la loi. Vous voulez de notre présence pour vous aider à faire la loi, et vous ne voulez pas que nous prenions part aux délibérations, que nous intervenions dans la discussion.

Messieurs, je reconnais volontiers que la suppression de l’avance sur marchandises et sur connaissements à l'article 28, est une amélioration dans la loi ; je dis volontiers le bon et le mauvais d'un projet. Je reconnais que c'est là une amélioration, parce qu'en définitive l'Etat cesse de faire des avances sur gages, l'Etat cesse d'être un vaste mont-de-piété, où tout le monde aurait pu aller dépose ses marchandises et ses connaissements.

Mais le reste de l'article constitue toujours l'Etat en banquier, c'est-à-dire en véritable maltôtier, et pour ma part je regarde cette disposition comme extrêmement dangereuse.

Vous venez d'écarter une des dispositions les plus salutaires, la disposition qui avait été présentée par mes honorables amis et qui avait pour but d'appliquer à la Belgique ce qui se fait en France et en Angleterre. On vante les lois françaises et anglaises et quand nous en demandons l'application, on la repousse parce qu'elle est contraire au système que l'on veut établir et qui constituera l'Etat en une vaste Banque. Eh bien, je déclare qu'il m'est impossible de donner mon adhésion à toutes ces dispositions.

Ici le gouvernement, par une des modifications qu'il présente, élargit considérablement encore la sphère des opérations de la Banque. Dans le principe, il n'était question que de l'échange des traites, voilà maintenant qu'il est question de l'échange de toutes les obligations commerciales. Ainsi, messieurs, il s'agit d'une institution qui va réellement tenir les cordons de la bourse de toute la Belgique, et quant à moi, je ne puis voir avec satisfaction le gouvernement devenir le gérant de la fortune des individus.

Les individus qui ont une fortune à gérer n'ont qu'à la gérer eux-mêmes.

Si l'on veut faire quelque chose, qu'on le fasse pour le peuple, pour les ouvriers. C'est ce qu'on a fait depuis trente ans et ce que l'on peut continuer à faire sans amener l'Etat dans une voie pernicieuse, qui présente de très grands dangers.,

Je voudrais bien savoir d'ailleurs si les caisses d'épargne qui existent aujourd'hui dans plusieurs de nos communes, comme celle de Tournai, par exemple, si ces caisses vont disparaître, si elles vont être absorbées par lo gouvernement.

Je voudrais savoir si le gouvernement supprime l'article de la loi communale qui ordonne l'établissement de caisses d'épargne par les communes. (Interruption.)

Lorsque vous aurez fait de votre institution non pas le banquier du pauvre, le banquier du petit commerce, mais le banquier du riche, vous arriverez à avoir des sommes considérables, des sommes énormes que M. le ministre des finances a évaluées lui-même à 100 ou 150 millions, je voudrais bien savoir par quels moyens vous rembourserez ces sommes qu'on viendra vous réclamer précisément au moment où vous aurez besoin de toutes vos ressources pour les autres besoins de l'Etat !

M. Coomans. - L'honorable ministre des finances qui vient, avec une modestie si exemplaire, proposer trois amendements à sa proposition primitive, pourrait bien en proposer un quatrième. Je me hasarderai à le présenter moi-même ; on nous permettra au moins de proposer une rectification grammaticale tout à fait inoffensive.

il est dit dans l'article :

« 1° Escompte de traites belges ou étrangères. »

« 2° Avances sur traites de commerce, bons de monnaie ou d'affinage du pays ou de l'étranger. »

Je crois qu'il s'agit de traites belges et étrangères de bons de monnaie etc., du pays et de l'étranger.

La même chose se reproduit dans les deux paragraphes suivants, il y a toujours « ou » au lieu de « et ».

Je propose de remplacer partout le mot « ou » par le mot « et ».

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois dire en toute humilité que j'ai une préférence pour le mot « ou », dans le cas particulier dont nous nous occupons.

D'abord le mot n'existe plus dans le n°1°, dont parle l'honorable membre ; mais si je n'avais pas proposé à cet article l'amendement que j'ai soumis à la Chambre, j'aurais maintenu le mot « ou », car si l'on disait : « Escompte de traites belges et étrangères » on pourrait prétendre, avec un peu de bonne volonté, que cela signifierait que les traites doivent être à la fois belges et étrangères. Il en est de même des autres dispositions de l’article.

M. Coomans. - Si vous maintenez le mot « ou », on pourrait dire que vous devez choisir, que vous ne pouvez pas cumuler.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est assez de plaisanteries ; je crois que tout le monde admettra le mot « ou ».

M. Coomans. - Je maintiens mon amendement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On ne s'est pas occupé, messieurs, de l'article 28 dans la discussion qui vient d'avoir lieu ; l'honorable M. Dumortier a discuté autre chose. Il a demandé si la caisse d'épargne de Tournai allait être supprimée.

Mais depuis très longtemps il est question de cela ; il y a très longtemps qu'on a essayé de persuader aux gérants de la caisse de Tournai qu'elle allait être dévorée par le monstre qu'on appelle l'Etat, et l'honorable M. Dumortier devrait savoir que, depuis lors, il a été dit que si la caisse d'épargne de Tournai voulait cesser ses opérations, je ferais tous mes efforts pour l'engager à se maintenir, soit qu'elle voulût rester, comme aujourd'hui, dans les conditions d'une complète indépendance, soit qu'elle trouvât avantage à s'affilier à la caisse centrale, ce que j'accepterais bien volontiers si cela devait faciliter les opérations de cette caisse et en étendre les opérations.

MpVµ. - M. Coomans, est-ce que vous maintenez votre amendement ?

M. Coomans. - Je crois très consciencieusement qu'il faut « et ».

M. Jamar. - L'honorable M. Dumortier prétend que la caisse d'épargne ne sera pas, en définitive, la Banque des ouvriers ; quant à moi, messieurs, je considère, au contraire, le mode de placement proposé comme la conception la plus heureuse du projet.

Dans notre pays, où le capital manque plus au travail que le travail au capital, les épargnes de l'ouvrier sont aujourd'hui complètement stériles ; attirées par la garantie de l'Etat et les facilités offertes pour en opérer le dépôt, ces épargnes qui, considérées au point de vue de chaque individu, sont infimes, formeront, réunies, des capitaux considérables, qui, mis dans de sages limites à la disposition du commerce, de l'industrie et de l'agriculture, imprimeront à ces branches de l'activité nationale une impulsion nouvelle.

Non seulement l'ouvrier en retirera un bénéfice immédiat, direct par sa part de profit sous forme d'intérêt, mais il obtiendra un avantage indirect bien plus considérable ; l'augmentation naturelle du travail élèvera son salaire et assurera ainsi doublement son bien-être et celui de sa famille.

Quant aux dangers de ce mode de placement dont l'honorable M. Dumortier paraît s'alarmer si vivement, je dis que pour tous ceux qui ont fait une étude approfondie du projet de loi, qui ont étudié les vicissitudes nombreuses, les péripéties pleines de dangers que l'institution des caisses d'épargne a traversées depuis trois ans, il est évident que le fractionnement des placements, consacré par le projet de loi, est le plus sûr moyen d'annihiler complètement tous les dangers auxquels les caisses d'épargne ont été exposées jusqu'à ce jour.

Qu'une crise éclate avec des placements opérés conformément à l'article 28, le crédit de l'Etat pourrait être ébranlé, le sort de nos grands établissements financiers pourrait être compromis sans que la caisse d'épargne fût dans l'impossibilité de remplir ses engagements. La nature de ses placements la mettrait à même de rembourser toutes les sommes immédiatement exigibles et présenterait aux déposants des gages de sécurité tels, qu'ils préviendraient et rendraient impossibles ces paniques soudaines qui constituent le plus grand danger pour les caisses d'épargne quand quelque trouble ébranle le crédit de l'Etat dans les pays où ce crédit est le seul gage des déposants.

On a dit, messieurs, que nous entrons dans une voie nouvelle. Je le concède bien volontiers, mais je ne crains pas d'affirmer que c'est une voie dans laquelle ne tarderont pas à s'engager tous les Etats, toutes les provinces, toutes les communes qui prêtent une garantie quelconque aux caisses d'épargne.

M. B. Dumortier. - Je crois que l'honorable préopinant est complètement dans l'erreur, quand il dit que les épargnes de l'ouvrier sont aujourd’hui tout à fait stériles. (Interruption.) Mais que deviennent alors les capitaux accumulés dans les 37 caisses d’épargne qui existent en Belgique ? Que deviennent tous les emprunts à petites coupures de 100 et (page 1599) de 50 francs qui sont généralement possédées par les ouvriers et les petits boutiquiers ? Que deviennent tous ces capitaux ? Détrompez-vous ; tout cela n'est pas stérile. Je l'ai dit dans une séance précédente ; une révolution complète s'est opérée depuis dix ans dans l'épargne de l'ouvrier. Jadis, l'ouvrier ne pouvait pas acheter des coupures d'emprunts, parce que les coupures étaient trop considérables ; mais aujourd'hui, dans les chemins de fer, dans des institutions de tout genre, vous avez de petites coupures de 200, 100, 50 et même de 20 francs. Ne venez pas nous dire que l'épargne de l'ouvrier est parfaitement stérile ; l'ouvrier a mille moyens pour faire fructifier son épargne ; et quand l'ouvrier, le petit boutiquier ou le petit commerçant prend ces emprunts si fortement divisés, il fait en cela la meilleure des épargnes.

Et remarquez que, quoi qu'en dise l'honorable membre, le crédit public profite nécessairement de tous ces capitaux d'ouvriers, il en profite comme si ces capitaux étaient versés dans votre caisse d'épargne.

Mais, dit l'honorable membre, les fonds de la caisse d'épargne sont fractionnés, et par cela même qu'ils sont fractionnés il n'y a aucun danger.

En 1839, j'ai vu de la maison que j'habite encore aujourd'hui à Bruxelles, j'ai vu pendant quinze jours faire queue jusque chez moi aux bureaux de la Société générale pour demander le remboursement des sommes versées à la caisse d'épargne. Vous avez beau fractionner les fonds ; ne croyez pas que vous vous mettrez au-dessus des paniques, quand ces paniques sont fondées sur des crises politiques.

A cette époque, il n'y avait pas de limites aux dépôts ; le montant des sommes versées s'élevait à 60 millions de francs.

On a cru alors devoir prescrire une limite de 3,000 francs par livret, et néanmoins, les dépôts se sont encore élevés à une somme de 30 millions environ.

Je le répète, ne venez pas nous dire que les moyens pour l'ouvrier de placer son épargne n'existent pas aujourd'hui ; ils existent, au contraire, sur une très grande échelle, et cela sans la responsabilité et la garantie du gouvernement.

L'épargne se fait aujourd'hui en Belgique beaucoup mieux qu'à aucune autre époque. L'instrument qu'on veut créer n'a pas un but réel, un but sérieux, comme le disait avec raison mon excellent ami, M. de Naeyer, l'épargne de l'ouvrier se fait aujourd'hui par tous les moyens que j'ai indiquée ; mais on veut créer un vaste dépôt financier, afin d'en faire une seconde entreprise, comme celle de la Banque Nationale ; on veut exposer le pays à devoir, dans les circonstances graves, ouvrir la caisse du trésor public afin de faire face aux obligations que vous aurez contractées, et l'on ne craint pas d'affronter ces risques, alors que l'épargne se fait aujourd'hui en Belgique d'une manière telle, qu'aucun autre pays ne peut soutenir la comparaison avec nous à cet égard !

- La discussion est close.

L'amendement de M. Coomans consistant à substituer le mot « ou » au mot « et » dans deux paragraphes de l'article 28 est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 28, avec les modifications qui ont été proposées, dans le cours de la séance, par M. le ministre des finances, est ensuite mis aux voix et adopté.

Projet de loi accordant des crédits au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. de Paul. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'ouvrir des crédits supplémentaires et extraordinaires au budget de l'intérieur, exercice 1861.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

La séance est levée à 4 heures 3/4.