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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 juillet 1862

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1861-1862)

(page 1785) (Présidence de M. Vervoort.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Thienpont, secrétaireµ, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Florisone donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.


M. Thienpont présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Jean-Joseph Beghin, sapeur-pompier, à Louvain, demande à recouvrer la qualité de Belge qu'il a perdue en prenant du service militaire à l'étranger. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le conseil communal de Rochefort demande l’établissement du chemin de fer de Liège à Givet par la vallée de l'Ourthe, Jemelle, Rochefort et Beauraing. »

M. de Moor. - Je prie la Chambre de bien vouloir ordonner le dépôt sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.

- Adopté.


« Le sieur Knape proteste contre l'abandon fait par M. Grangicr de ses droits à la concession du chemin de fer de Tamines à Landen, dont il s'était dessaisi précédemment au profit de la compagnie du chemin de fer Central-Belge. »

- Même décision.


« L'administration communale d'Ath prie la Chambre d'autoriser la concession, avec garantie d'un minimum d'intérêt, du canal d'Ath au Couchant de Mons. »

- Même décision.


« Le conseil communal de Limerlé prie la Chambre d'insérer dans le projet de loi des travaux publics, que le chemin de fer dit : jonction belge grand-ducale, partira de Spa, passera par Stavelot et Vielsalm pour atteindre la frontière Grand-Ducale, dans la direction de Weiswampach ou Clervaux ; que la ligne de Spa devra être exécutée en trois ans et demi, comme celle de l'Ourthe ; que la société concessionnaire devra avoir commencé les travaux avant le 1er janvier prochain sous peine de déchéance et que les 800,000 fr. de minimum d'intérêt seront répartis entre les lignes de Spa et de l'Ourthe proportionnellement au degré d'avancement des travaux sur chacune d'elles.

« Même demande des membres du comité institué pour poursuivre la réalisation du chemin de fer dit : jonction belge grand-ducale. »

- Même décision.


« Le conseil communal de Sart prie la Chambre de décréter que le chemin de fer dit : jonction belge grand-ducale sera établi par Vielsalm et Stavelot pour aboutir soit à la ville de Spa, soit directement à la ville de Verviers. »

- Même décision.

« Le conseil communal de Dour, des membres du conseil communal et des habitants de Pâturages, La Bouverie et le conseil communal d'Elouges demandent l'exécution du canal direct de Jemmapes à Ath. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal de Ciergnon demandent que la concession du chemin de fer dit : de la vallée de l'Ourthe. ne soit accordée à la compagnie du Grand-Luxembourg qu'avec la condition expresse de construire la ligne tout entière jusqu'à Givet dans un délai qui n'excédera pas trois ou quatre années. »

« Même demande des membres du conseil communal de Montgauthier, Bellefontaine, Houyet, des membres du conseil communal et d'habitants de Wavreille, Han-sur-Lesse, Serinchamps, Hogne, Heure, Sinsin. »

- Même décision.


« Le sieur Degrove, curé de Horpmael, demande que les curés du plat pays puissent se servir en tout temps du cheval qu'ils ont le privilège d'avoir sans en faire déclaration à l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jacques Gillis fait remarquer que l'ensablement de l'Escaut augmente tous les jours et il offre ses services pour remédier à cet état de choses. »

- Même renvoi.


« M. Moncheur demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Ce congé est accordé.

Projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux d’utilité publique

Discussion générale

M. Magherman. - Je constate avec regret qu'aucun crédit n'est porté dans la loi de travaux publics qui nous occupe, pour venir en aide aux parties du pays qui ne participent pas aux faveurs de ces lois.

Dans les lois antérieures qui consacraient une série de nouveaux travaux, on remarquait des crédits soit pour la voirie vicinale, soit pour les travaux d'hygiène, soit pour le raccordement des communes et des routes communales aux stations des chemins de fer de l'Etat et des lignes concédées. Ces crédits permettaient de faire quelque chose en faveur des localités les moins bien partagées dans l'ensemble des travaux soumis à la législature. La Flandre orientale entre autres concourt dans de bien minces proportions au partage des avantages à découler des lois qui nous sont soumises.

En fait de concession il y en a deux qui lui profitent : celle du chemin de fer de Gand vers Terneuzen, qui n'a qu'un parcours de deux à trois lieues sur notre territoire ; et celle de Saint-Nicolas vers Malines, dont le développement dans la Flandre orientale est également de peu d'importance.

Ces deux concessions se trouvent à l'extrémité nord de la province ; le centre et sa partie méridionale n'en tirent aucun avantage.

Quant à la loi de crédits pour l'exécution de travaux publics, les sommes pétitionnées par cette loi qui peuvent être utiles à la Flandre orientale sont loin d'être proportionnées à l'importance de cette province eu égard au chiffre total des dépenses.

Il y a d'abord le crédit de 100,000 francs pour l'achèvement du canal de Deynze à la mer du Nord. Mais il est à remarquer que ce crédit profite à trois provinces. : les deux Flandres et le Hainaut ; il y a ensuite 500,000 francs pour établir une branche de raccordement entre le canal de Bruges et le bassin de commerce à Gand.

Si la Flandre orientale est mal partagée dans cette répartition, l'arrondissement d'Audenarde en est entièrement exclu.

J'aurais donc vivement désiré qu'un crédit du genre de ceux qui figurent dans les lois de 1856, 1859 et 1861 eût permis au département des travaux publics de rétablir jusqu'à un certain point l'équilibre rompu au détriment des arrondissements totalement négligés dans les projets qui nous sont soumis.

Pour l'arrondissement d'Audenarde, je me serais permis d'appeler l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le prompt achèvement de la route de Renaix à Schoorisse par la nouvelle paroisse de Louise-Marie, route qui vient d'être reprise par l'Etat.

J'aurais également appelé son attention sur la nécessité de prolonger cette route à travers le populeux canton de Hoorebeke-Sainte-Marie, jusqu'à l’important bourg de Sottegem, et de rattacher ainsi les nombreuses populations de cette contrée d'une part aux stations du chemin de fer de Hainaut et Flandres à Renaix, Leupeghem et Audenarde ; d'autre part à la station de Sottegem, située sur le chemin de fer qui sera prochainement en construction de Braine-le-Comte à Gand.

En l'absence des crédits spéciaux sur lesquels la dépense de construction de ce complément de route puisse être imputée, je me bornerai à appeler l'attention spéciale des honorables ministres des travaux publics et de l'intérieur sur cet objet, afin qu'au moyen d'une entente entre eux ils tâchent d'atteindre ce résultat utile par des allocations sur leurs budgets respectifs.

La loi du 28 mai 1856 autorise le gouvernement à concéder un chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai. Ce chemin de fer a été concédé provisoirement : mais le concessionnaire n'ayant pu réaliser les capitaux, a encouru la déchéance.

Cependant ce chemin de fer présente des éléments de vitalité ; il rencontre sur son parcours des populations nombreuses, actives, industrielles, qui aspirent vivement à être reliées au réseau de nos chemins de fer en dehors lesquels la lutte industrielle devient excessivement désavantageuse, sinon impossible.

Ce chemin de fer est destiné à relier entre elles trois provinces : le Hainaut, la Flandre orientale et la Flandre occidentale ; il doit déverser dans ces deux dernières provinces les charbons du bassin du Centre et de Charleroi, ainsi que les autres produits pondéreux du Hainaut.

Il rencontre sur son parcours les villes d'Enghien, Lessines ou Grammont. ou un point intermédiaire entre ces deux villes qui permettrait de les desservir toutes deux ; enfin, la ville de Renaix, remarquable par son industrie et son commerce. En dehors de ces villes qui sont déjà rattachées au réseau national, il y a les importantes communes de Flobecq et d’Ellezelles, qui ont chacune une population d’environ 6,000 âmes ; les bourgs d’Avelghem et de Sweveghem, dont l’industrie et le commerce attendent impatiemment la jouissance de la rapide locomotion, dont peu de localités de cette importance se trouvent encore privées.

Ces éléments de succès doivent paraître suffisants pour stimuler l'esprit d'entreprise.

Mais dans notre pays en général, le capital est craintif ; il lui faut certaines garanties pour se risquer.

Le gouvernement ne pourrait-il pas faire pour cette ligne ce qu'il fait dans le projet de loi actuel pour les chemins de fer de la vallée de l'Ourthe et de Spa à la frontière du grand-duché de Luxembourg ? La compagnie de la Flandre occidentale jouit de la garantie d'un minimum d'intérêt pour plusieurs de ses sections.

La situation financière de ces sections s'améliore considérablement ; une grande partie de la garantie primitive n'est déjà plus nécessaire. Il serait de bonne administration d'appliquer à la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai la partie de la garantie d'intérêt dont la Flandre occidentale peut se passer. D'un autre côté, l'ouverture de cette nouvelle ligne aboutissant à Courtrai qui est la tête de tout le réseau de la Flandre occidentale, réagirait tellement sur la prospérité de ce réseau, qu'en peu de temps toute la garantie affectée à cette compagnie pourrait être reportée sur la ligne de Braine-le-Comte, et cette perspective, jointe à la part de garantie déjà libre aujourd'hui, engagerait certes les capitalistes à faire les fonds nécessaires à la construction et à l'exploitation de cette ligne.

Je convie instamment le gouvernement à entrer dans cette voie qui ne serait que l'application du système déjà admis pour les lignes du Luxembourg.

M. de Theux. - Messieurs, j'engage le gouvernement à saisir toutes les occasions d'imposer aux compagnies concessionnaires de chemins de fer les charges qu'il impose à sa propre exploitation de chemins de fer en ce qui concerne les élections. Ainsi, en toutes circonstances, le gouvernement prescrit à l'administration des heures d'arrivée et de départ pour les convois amenant et ramenant les électeurs ; il réduit aussi les prix de transport de moitié. Le gouvernement devrait imposer les mêmes conditions aux compagnies concessionnaires. Ces conditions ne sont pas onéreuses et aucune compagnie ne serait arrêtée dans sa demande par une charge aussi petite.

Quant aux lignes déjà faites, le gouvernement aura à tout moment l'occasion favorable de demander cette concession aux compagnies, et je suis persuadé que si le gouvernement s'adressait directement aux diverses compagnies, elles ne se refuseraient pas à accéder à cette demande.

J'appelle donc son attention toute particulière sur ce point. Il faut que dans le pays il y ait égalité de position entre tous les électeurs, autant que la chose est possible. Or, rien n'est plus facile que d'établir cette égalité pour toutes les localités qui ont des chemins de fer.

Messieurs, je félicite la compagnie du Grand-Luxembourg, à un double point de vue, d'abord, de pouvoir se passer de la garantie du minimum d'intérêt ; en outre, d'obtenir le transfert de cette garantie qui lui est devenue inutile, pour une autre ligne de l'exécution de laquelle elle peut se charger et de pouvoir communiquer également une partie de cette garantie à une autre ligne qui doit contribuer à sa prospérité.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une charge pour elle.

M. de Theux. - Je crois que l'on peut s'attendre à autant de résultats avantageux que de résultats désavantageux.

J'ai remarqué dans le rapport de la section centrale que l'on a demandé au gouvernement si ce même principe du transfert d'un minimum d'intérêt pourrait être attribué à d'autres sociétés concessionnaires. Le gouvernement a répondu ; mais dans mon opinion et la question et la réponse sont insuffisantes. Car qu'est-ce que c'est que la garantie d'un minimum d'intérêt transféré à d'autres lignes ? La compagnie n'abandonne cette garantie que quand elle lui est devenue inutile.

De sorte qu'en réalité, c'est un deuxième octroi d'un minimum d'intérêt à la même compagnie pour une autre ligne, si ce principe trouve faveur dans la Chambre.

Il est telle localité du pays qui n'a pas eu l'avantage d'obtenir une première garantie d'un minimum d'intérêt et qui cependant pourrait y avoir des titres.

Par le même motif qui porte le gouvernement, lorsque les travaux présentent un grand intérêt, à accorder le transfert, il faut aussi que l'on accorde la garantie d'intérêt à ceux qui n'en ont pas encore joui, lorsque les circonstances sont assez majeures pour y déterminer.

Le gouvernement, messieurs, dans son projet, a largement appliqué le principe du parcours le plus direct ou le moins long ; déjà plusieurs précédents ont été posés ; mais aujourd'hui le projet tranche la question, on peut le dire, dans son entier.

(page 1787) Il existe, cependant, une exception, c'est dans la province de Limbourg. Je me hâte de dire, messieurs, que je n'entends en aucune manière contrarier les avantages qu'obtient la compagnie de Bruyn pour les lignes de Tongres à Bilsen et de Tongres à Liège, auxquelles des garanties d'intérêt sont applicables ; mais il se présente ici une circonstance toute particulière : la compagnie de Bruyn qui a obtenu une garantie d’intérêt ne croit pas pouvoir soutenir la concurrence avec la compagnie Flechet si elle obtient la ligne d'Ans à Hasselt. La compagnie Flechet, au contraire, déclare n'avoir pas besoin de garantie d'intérêt et ne pas craindre la concurrence que la compagnie de Bruyn pourrait lui faire. Cependant chacune des deux compagnies prétend avoir le tracé le meilleur ; dans l'opinion de la compagnie de Bruyn, la compagnie Flechet n'aurait pas adopté une bonne direction ; celle-ci cependant ne demande rien, elle ne demande que la permission de faire. Il doit donc y avoir une erreur d'appréciation de la part de l'une ou de l'autre compagnie.

Je ne viendrai pas proposer à la Chambre d'octroyer la concession à la compagnie Flechet... (Interruption.)

J'ai lu la réponse du ministre, mais elle ne m'a pas satisfait. On a accepté le précédent que pose le projet de loi, d'une deuxième ligne de Liège à Aix-la-Chapelle presque côte à côte avec la ligne actuelle. Le gouvernement concède une concurrence à sa ligne, qui a coûté de si grandes sommes.

On dit : Mais il y a là un grand intérêt.

On refuse à la compagnie Flechet parce que là l'intérêt n'est pas aussi grand. Je répondrai que s'il y a un intérêt moindre dans la ligne directe d'Ans à Hasselt, le préjudice qu'elle causerait à la compagnie de Bruyn serait aussi bien moindre que celui que causera à l'Etat la nouvelle ligne de Liège à Aix-la-Chapelle.

Considérant le tort très considérable que la ligne concurrente de Liège à Aix-la-Chapelle peut faire au chemin de fer de l'Etat, vous trouverez que véritablement il n'y avait pas de motifs plausibles pour refuser la concession à la compagnie Claes-Flechet, alors que la compagnie de Bruyn se trouverait toujours indemnisée par la garantie de l'Etat.

Du reste, je ne suis pas éloigné de croire que si la compagnie de Bruyn parvient à exécuter les travaux qu'elle projette tant vers la Hollande que vers le nord de la ville de Liège avec raccordement des lignes vers l'Allemagne par Visé, le gouvernement (si la compagnie ne le fait pas elle-même) en viendra à concéder le tracé direct d'Ans à Hasselt. Alors la compagnie, étant florissante par l'étendue de ses ramifications, pourra supporter ce petit préjudice sans avoir à se plaindre.

Mais ce qui serait préférable, c'est qu'elle tâchât de se mettre d'accord avec la compagnie Claes-Flechet pour que cette ligne directe soit exécutée. Que si on ne parvient pas à se mettre d'accord, je demande, en tout cas, que le principe de la libre concession soit réservé pour l'avenir. Jusqu'à présent, il n'a pas été stipulé d'exclusion, et personne ne songe sans doute à en introduire dans le projet de loi en discussion.

Messieurs, pour satisfaire à l'opposition émanée du chef-lieu de la province qui est le véritable centre industriel et commercial de cette partie du royaume, la compagnie De Bruyn a proposé diverses modifications tendantes à atténuer cette opposition.

Ainsi, elle consent à ce qu'on ne paye que sur le parcours calculé en ligne directe ; elle consent encore à rapprocher le chemin de fer de Tongres vers Hasselt, en aboutissant à Beverst, c'est-à-direi kilomètres plus près que par Bilsen.

A mon avis, la concession la plus importante que la compagnie ait souscrite et dont la section centrale n'a pas pris acte, parce qu'elle est postérieure, je pense, à la rédaction du rapport, est celle-ci. Je prie M. le ministre des travaux publics de faire attention au passage suivant de la pétition adressée à la Chambre ; c'est la compagnie de Bruyn qui parle :

« Nous organiserons, tant aux Guillemins qu'au quartier du Nord, des trains qui, sans transbordements, sans faire une seule fois changer de convoi, conduiront voyageurs, colis et marchandises, non pas à Hasselt, limite extrême de la ligne Claes-Flechet, mais à Eyndhoven même, au point de jonction au réseau néerlandais. »

J'espère que M. le ministre des travaux publics prendra note de cette déclaration et qu'elle sera transcrite dans le cahier des charges de la Compagnie.

C'est un point d'autant plus important que cette compagnie, dans ses exploitations, peut, si elle le veut, amener plusieurs transbordements : d'abord transbordement de la station des Guillemins à Ans ; puis à Beverst et à Bilsen, nouveau transbordement.

Ces circonstances rendraient le chemin de fer véritablement impraticable et en réduiraient pour ainsi dire l'utilité à zéro ; et s'il s'agit du parcours vers la Hollande, il y aurait là pour le commerce et pour les voyageurs une source de charges intolérables.

Je le répète donc, j'espère que cette condition sera transcrite dans le cahier des charges.

Messieurs, je ne pousserai pas plus loin mes observations. J'ai tenu à les présenter dès le début de la discussion, pour que le gouvernement puisse en tenir compte et rassurer en partie les intérêts de la ville principale de la province de Limbourg, qui n'a cessé d'adresser à la Chambre et au gouvernement les réclamations les plus instantes.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je viens appuyer le discours de mon honorable ami et collègue, M. Magherman, et dire quelques mots à propos du sort réservé à la province de la Flandre orientale dans le partage du projet des travaux publics.

Les arrondissements d'Audenarde, d'Alost et de Termonde ont été très mal partagés dans ce grand projet, et c'est l'arrondissement de Gand qui, seul, a été favorisé.

Je ne viens pas me plaindre, je ne récrimine pas, parce que j'espère que l'honorable ministre nous tiendra compte de cette circonstance dans un prochain projet de travaux publics.

Les intentions bienveillantes que l'honorable ministre nous a déjà exprimées nous autorisent à croire que nous obtiendrons plus tard un dédommagement pour ce que nous avons droit de réclamer et que nous n'avons pas obtenu.

Je ne veux pas faire un long discours, nais je me permettrai d'attirer l'attention de M. le ministre des travaux publics sur cette lacune ; il appréciera, comme toute la Chambre, que nous n'avons pas obtenu en cette occasion, nous province de la Flandre orientale qui paye sa grasse part et au-delà dans les charges et surtout dans les contributions foncières nous n'avons pas obtenu ce à quoi nous avions droit dans les dépenses considérables que la Chambre est appelée à voter en ce moment en faveur d'autres localités.

M. de Renesse. - Messieurs, le projet de chemin de fer de Tongres à Ans et à Liège, et de Hasselt à la frontière néerlandaise, actuellement soumis à nos délibérations, ayant rencontré une certaine opposition dans un canton très important de la province de Limbourg, celui de Looz, je crois devoir faire ressortir devant la Chambre les motifs d'un intérêt général qui ont dû nous guider dans l'appréciation du projet de Bruyn-Houtain-Delwart et Cie, et de celui de MM. Claes et Flechet, appuyé par le canton de Looz.

Vouloir concilier et satisfaire aux exigences contraires, n'était guère possible dans le cas actuel. D'un côté, la plus grande partie du Limbourg est vivement intéressée à l'exécution de la nouvelle ligue ferrée proposée par le gouvernement, qui réellement présente le plus d'avantages aux intérêts liégeois-limbourgeois, tandis que l'autre projet, recommandé par les honorables opposants, quoique raccourcissant un peu le parcours entre Liège et Hasselt, n'offre cependant pas un intérêt aussi général à ces deux provinces.

Pour le démontrer, il suffira d'émettre quelques courtes considérations sur la valeur relative des deux projets concurrents.

Lorsqu’en 1861, l'on décréta la construction de l'embranchement d'un chemin de fer partant de la ville de Tongres et sa dirigeant vers Bilsen, pour s'y raccorder à la voie ferrée de Maestricht à Hasselt, à l'effet de pouvoir relier plus directement les cantons du nord-est du Limbourg à leur chef-lieu judiciaire Tongres, et aux marchés si importants de cette ville et de Liège, il fut reconnu par les Chambres législatives et par le gouvernement que ce n'était que le premier jalon d'un railway international de l'importante cité industrielle de Liège à la frontière hollandaise.

Depuis plusieurs années l'on examinait non seulement à Liège, mais aussi dans le Limbourg, la question du meilleur tracé du chemin de fer liégeois-limbourgeois, et après mûres délibérations, tant du conseil communal de la ville de Liège, de la commission mixte, du comité du chemin de fer, et notamment après le grand meeting du 10 juin 1860, l'on dut reconnaître que le tracé partant du nord de Liège, par Vivegnies, Herstal, Glons, Tongres et Bilsen, offrait le plus d'avantages aux véritables intérêts liégeois-limbourgeois.

La nouvelle concession d'un chemin de fer de Liège vers la frontière néerlandaise, proposée par le gouvernement, complète ce projet, en fixant, en outre, un point de départ de la station d'Ans, se dirigeant par Glons et Tongres à Hasselt ; de cette manière, tous les grands intérêts industriels et commerciaux des provinces de Liège et de Limbourg se trouveront plus directement rattachés aux chemins de fer hollandais, dans la direction d'Eyndhoven ; et, en passant à travers ou à proximité de populations très industrieuses, l'on aura fait droit à de justes et anciennes réclamations, lorsque (erratum, page 1804) la section entre Hasselt et la Hollande, par la compagnie Limbourgeoise, aura été exécutée.

(page 1788) Par l'embranchement industriel que la société concessionnaire compte pareillement exécuter, on reliera plus directement au Limbourg et surtout à Hasselt, ville importante par ses nombreuses distilleries. les houillères du nord et du sud-ouest de Liège, dont les produits doivent faire actuellement de grands frais de détour par la Meuse ou par les canaux de la Campine, pour arriver à leur destination, soit dans le Limbourg ou dans les Pays-Bas.

La société de Bruyn-Houtain-Delwart et Cie, reconnaissant la nécessité d'attirer vers ce grand chemin de fer international le plus de trafic possible, et pour rendre le plus de services à presque tous les intérêts liégeois-limbourgeois, a pris l'engagement de ne percevoir, sur la ligne ferrée d'Ans par Glons à Tongres, et de là, par Bilsen à Hasselt, que les péages pour la courte distance, en sorte que le très léger détour d'environ 1,800 mètres, lorsque l'embranchement vers Beverst aura été exécuté, sera largement compensé par les nombreux intérêts industriels et commerciaux que ce railway est destiné à desservir sans aucune augmentation de charge pour les voyageurs ni pour les marchandises.

Des pétitions ont été adressées à la Chambre et au gouvernement, notamment par des communes du canton de Looz (Limbourg) et par des demandeurs en concession en faveur d'une ligne unique partant d'Ans directement à Tongres et de là, par Cortessem à Hasselt.

Pour appuyer cette voie ferrée dont la première station serait à Ans, (erratum, page 1804) à 9,000 mètres du centre de la ville de Liège, l'on s'étayait sur ce que le parcours par ce railway serait beaucoup plus court que par la ligne ferrée de la société de Bruyn et Cie.

Dans la requête de MM. Claes et Flechet, adressée aux membres des Chambres, ils déterminaient d'une manière par trop favorable les distances de leur projet, et l'on allongeait outre mesure celles de la ligne rivale de MM. de Bruyn et Cie.

Il fallait, d'après les réclamants, combattre cette ligne, mauvaise sous tous les rapports, par tous les moyens possibles, et l'on prétendait même que les voyageurs seraient obligés de changer plusieurs fois de convoi pour aller de Liège à Hasselt, et vice versa, tandis que par le cahier des charges de la prédite société de Bruyn, il est formellement stipulé que les transports s'effectueront sans transbordement, depuis Ans jusqu'à la frontière de Hollande, et la société déclare, en outre, que de là à Eyndhoven (Hollande), elle fera de même le service directement, sans transbordement aucun.

Voilà donc un point acquis, contrairement à l'assertion des opposants.

Si l'on a des objections à faire contre une ligne ferrée, il faut rester dans le vrai ; il faut surtout indiquer les distances réelles, il ne faut pas les inventer pour le besoin de la cause, ainsi que le font MM. Claes et Flechet.

En faisant des comparaisons entre des projets de chemins de fer, plus ou moins rivaux, il faut, en examinant les distances de part et d'autre, voir si l'intérêt général ne réclame pas parfois certaines modifications à des directions indiquées et s'il n'y a pas une plus grande utilité de faire une légère déviation, afin d'attirer le plus de trafic possible, de rattacher le plus de population à un railway international.

C'est donc sous ce point de vue que l'on doit examiner le projet patronné par MM. Claes et Flechet, et celui proposé par le gouvernement. En mettant ces deux projets en présence et en les comparant, il est incontestable que celui de la société de Bruyn-Houtain-Delwart et Cie offre non seulement aux grands intérêts industriels et commerciaux de la province de Liège, mais encore à la plus grande partie du Limbourg, la plus grande somme d'avantages ; et, en effet, l'importante cité industrielle de Liège se trouvera reliée au Limbourg par deux embranchements : l'un partant du nord de cette ville, et l'autre du quartier du sud, de la station d'Ans.

Cette voie ferrée pourra peu après être reliée à la station de Longdoz et même aux Guillemins, et aurait alors pour affluents les chemins de Liège à Maestricht, de Liège à Namur, du plateau de Herve à Verviers ; ceux de Liège vers le Luxembourg, par Spa et la vallée de l'Ourthe, et par l'embranchement de Maestricht, par le camp de Beverloo, à Eyndhoven (Hollande), elle deviendra réellement la route ferrée la plus courte du royaume des Pays-Bas vers le grand-duché de Luxembourg, vers l'Allemagne du sud et la Suisse ; en outre, par les chemins de fer en projet de Tamines et de Namur vers Landen et Hasselt, les provinces de Hainaut et de Namur seront mises en relations directes avec cette nouvelle voie internationale de Liège par Hasselt vers la Hollande. Voilà donc une ligne ferrée, par ses nombreux et grands affluents, assurée de bonnes conditions d'existence.

Je suis autorisé, par la société de Bruyn et Cie de faire la déclaration à la Chambre, que le gouvernement hollandais a fait écrire officiellement à cette société, qu'il était disposé à lui accorder la concession, aux termes du cahier des charges annexé à la dépêche.

Cette société me donne aussi l'assurance que, par le concours de financiers, elle s'est assurée les moyens d'exécution, pour toute la ligne de Liège à Eyndhoven.

Si une grande partie de la province de Limbourg est plus particulièrement intéressée à la construction du railway soumis à nos délibérations, et que, sous ce rapport, le projet de Bruyn et Cie représente un intérêt plus général que le projet rival, il faut, cependant, reconnaître qu'il n'en est pas de même pour le canton de Looz, l'un des plus importants du Limbourg qui, pa rle projet de chemin de fer de MM. Claes-Flechet, aurait, en partie, à son extrémité, été rattaché plus directement à nos voies ferrées par la ligne de Tongres par Cortessem à Hasselt.

Ce canton, si riche, si populeux, n'a réellement, jusqu'ici, tiré aucune grande utilité des communications ferrées : le chemin de fer de Bruxelles à Liège longe cette partie du Limbourg, sans qu'il y ait la moindre station ou halte ; le chemin de fer de Landen à Hasselt traverse l'extrémité de ce canton avec une seule halte à Alken, tout contre la ville de Hasselt ; la majeure partie de cette contrée ne peut donc guère en profiter.

Pour que ce canton puisse réellement être rattaché avantageusement à notre réseau national, il serait à désirer que le projet de chemin de fer proposé dans le temps par M. l'ingénieur Stevens pût être repris ; une partie de ce projet tendait à combler la lacune de voie ferrée existant actuellement entre Tongres, Looz et Saint-Trond. Il y a dans cette partie du Limbourg entre Saint-Trond et Tongres une population très concentrée, de plus de 60,000 âmes ; cette contrée est très riche en produits agricoles de toute nature ; elle fait un commerce très considérable de fruits, bois, etc., et sous divers rapports, elle mérite d'attirer l'attention toute particulière du gouvernement et des Chambres.

Je dois encore faire observer que le canton de Looz, depuis 1830, n'a jamais eu la moindre part dans les grands travaux publics exécutés aux frais du trésor public. Il est en droit de réclamer la bienveillance du gouvernement, à l'effet d'obtenir aussi à son tour un railway qui le retirerait de son isolement, et lui donnerait une communication ferrée, si utile à tous ses intérêts. Je crois devoir appeler l'attention de l'honorable ministre des travaux publics sur la position tout exceptionnelle du canton de Looz ; l'occasion pourra peut-être se présenter de reproduire le projet de M. l'ingénieur Stevens, et en attendant que l'on puisse faire sous ce rapport droit aux justes réclamations de ce canton, je crois pareillement devoir signaler à M. le ministre une route à exécuter dans cette partie du Limbourg avec le concours de l'Etat et de la province : celle de Cortessem par Wellen, Ulbeek et Zepperen à Saint-Trond ; elle peut-être considérée comme un affluent assez important pour les stations de Saint-Trond et de Diepenbeek, sur le chemin de fer de Landen à Maestricht ; cette route a été vivement réclamée et a été recommandée, à plusieurs reprises, au gouvernement par le conseil provincial du Limbourg.

Par le grand et beau projet de travaux publics soumis actuellement à nos délibérations, le gouvernement a fait droit, en grande partie, à de justes et d'anciennes réclamations de plusieurs parties du royaume ; j'ose donc espérer que, par la solidarité qui doit exister dans un Etat et pour un intérêt de justice distributive, il pourra, dans un avenir rapproché, être fait droit à la réclamation si fondée du canton de Looz, d'être retiré de son isolement, d'obtenir aussi une juste part dans les grands avantages des voies ferrées.

M. Allard. - Messieurs, en 1856 une loi a concédé aux sieurs Maertens et Dessigny trois chemins de fer allant, le premier de Saint-Ghislain vers Gand, le deuxième vers Ath, le troisième vers Tournai, par Péruwelz.

La ligne de St-Ghislain à Gand est exécutée, mais les embranchements vers Ath et Tournai sont encore lettre morte.

Dans la quatrième section, dont je faisais partie, j'ai demandé que le rapporteur à la section centrale interpellât le gouvernement sur les motifs pour lesquels il n'insistait pas pour l'exécution de la ligne de Saint-Ghislain à Tournai.

M. le ministre des travaux publies a fait connaître à la section centrale que l'état précaire dans lequel se trouve actuellement la société Hainaut et Flandres l'empêchait de forcer cette société à exécuter immédiatement l'embranchement vers Tournai.

Je crois et je l'ai déjà dit à la Chambre que l'embranchement vers Tournai rapportera plus que la ligne principale. En effet, cet embranchement traversera toutes les carrières et minières des environs de Tournai.

(page 1789) Actuellement toute la chaux qui est transportée vers les Flandres est amenée par axe à la station de Tournai. Hier encore en partant de cette ville, j'ai constaté qu'il y avait dans la station un chargement de 30 à 35 waggons de chaux.

Voilà tous transports qui prendront nécessairement la ligne de Saint-Ghislain à Tournai.

De plus, comme je le disais tout à l'heure, le chemin de fer traversera des terrains contenant des minerais de fer. Ces minerais sont actuellement transportés par axe vers l'Escaut, où ils sont chargés dans des bateaux qui remontent l'Escaut et traversent les canaux d'Antoing, vers Pommerœul et Jemmapes pour arriver aux portes de Mons.

Là, on charge ce minerai sur waggons pour les envoyer aux hauts fourneaux du Centre, par la ligne de Mons à Manage. Eh bien, dès que la ligne de Saint-Ghislain vers Tournai sera exécutée, il n'y a pas de doute que c'est par là que le minerai sera transporté, et il en résultera un immense avantage pour les établissements métallurgiques intéressés, attendu qu'ils ne devront plus, dans la crainte notamment de la fermeture des canaux, avoir des approvisionnements considérables de minerai, approvisionnements qui montent parfois à quelques centaines de mille francs.

Les conseils communaux de Tournai, de Péruwelz, d'Antoing et d'autres localités intéressées ont adressé hier des pétitions à la Chambre pour demander qu'un minimum d'intérêt soit accordée à la compagnie du chemin de fer Hainaut et Flandres, pour la construction de cet embranchement vers Tournai.

Les pétitionnaires se fondent sur ce que l'Etat va transférer la garantie qu'il ne doit plus payer à la compagnie du Luxembourg sur d'autres lignes projetées.

Cette réclamation me paraît parfaitement juste et je demanderai au gouvernement s'il n'y aurait pas lieu d’y faire droit ; s’il ne serait pas possible d’accorder pour la ligne dont je m’occupe la garantie d’un minimum d’intérpet sur un capital de six millions, car il ne faudrait pas plus pour exécuter cette ligne qui sera très productive comme je viens de le démontrer.

Tout au moins, le gouvernement devrait-il, selon moi, rechercher le moyen d'accorder quelques avantages à la compagnie Hainaut et Flandres, par exemple en lui concédant une ligne de chemin de fer de Péruwelz vers la frontière française. Je sais particulièrement que la compagnie d'Anzin, si toutefois une pareille concession était accordée, s'empresserait de se relier à cette ligne vers Condé.

Le chemin de fer Hainaut et Flandres en retirerait immédiatement de grands avantages, attendu que cette ligne deviendrait le chemin le plus court de Gand vers Paris.

Une grande partie du chemin de fer Hainaut et Flandres, depuis Leuze jusqu'à Basècies, suit une route que l'on nomme encore l'ancien chemin de Gand vers Paris.

Ainsi, le chemin de fer Hainaut et Flandres trouverait immédiatement dans cette ligne un affluent qui lui permettrait de construire, dans un temps beaucoup plus rapproché, sa ligne de Péruwelz à Tournai.

La ville de Péruwelz serait de suite dotée d'un chemin de fer qui la retirerait de l'isolement dans lequel elle se trouve.

Cette ville de 10,000 âmes, qui possède beaucoup d'industries, qui est des plus intéressante sous tous les rapports, vaut bien la peine qu'on lui accorde l'avantage d'être reliée au réseau général de nos chemins de fer, d'autant plus qu'il n'en coûterait absolument rien au trésor.

Indépendamment des transports très considérables de marchandises qui seraient effectués par la ligne de Tournai à Péruwelz, il y circulerait également une quantité énorme de voyageurs ; car on doit actuellement, pour aller de Tournai à Mons, faire un détour des plus considérables.

Je suis parfaitement convaincu que les voyageurs qui de Lille voudraient se rendre à Valenciennes prendraient la ligne qu'on va construire de Lille à Tournai, puis celle de Tournai à Péruwelz, car ce serait la voie la plus courte, et par conséquent, préférée.

J'engage le gouvernement à examiner sérieusement les réclamations dont je viens de parler ; elles me paraissent parfaitement fondées et dignes de toute l'attention du gouvernement et de la législature.

- M. E. Vandenpeereboom remplace M. Vervoort au fauteuil.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, j'aurai naturellement très peu de mots à dire, la discussion générale s'étant bornée à quelques réclamations touchant des besoins qui n'auraient pas trouvé satisfaction dans le projet soumis à la Chambre. Ce projet n'ayant pas été attaqué dans son ensemble, à un point de vue général, je n'ai pas non plus à le défendre à ce point de vue.

Deux honorables députés de l’arrondissement d'Audenarde se sont plaints en particulier de ce que la Flandre orientale n'aurait pas sa part légitime dans la distribution des faveurs gouvernementales et spécialement de ce que l'arrondissement qu'ils représentent aurait vu ses droits méconnus.

Je ne puis pas accepter ce reproche ; je reconnais que la Flandre orientale a peu de chose dans le projet que nous discutons. Mais la question n'est pas là ; elle est de savoir ce que cette province a demandé, ce qu'elle a droit d'exiger et ce qui lui a été refusé. Si elle n'avait rien à demander au-delà de ce qui lui est attribué, il est évident que le projet de loi ne lue devait rien au-delà.

Or, je crois que les honorables membres n'ont rien indiqué, excepté deux points dont je vais dire un mot. L'honorable M. Magherman et à sa suite l'honorable M. Vander Donckt ont formulé une réclamation touchant une route d'Audenarde vers Sottegem ; mais cette route ne pouvait pas, je pense, prendre place dans un projet de loi de la nature de celui qui nous occupe ; c'est une simple question budgétaire, c'est si bien une question budgétaire que déjà l'arrondissement d'Audenarde a reçu en principe satisfaction pour cette petite affaire.

L'honorable membre vous a entretenus eu second lieu du chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai ; il vous a rappelé que ce projet a déjà fait l'objet d'une concession, mais que le concessionnaire, faute d'exécuter les obligations de son contrat de concession, avait encouru la déchéance,

A cela, le gouvernement ne peut rien ; le concessionnaire s'est trouvé dans les conditions ordinaires des contrats de concession, et s'il a laissé expirer les délais endéans lesquels il devait exécuter son chemin de fer, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même.

Le gouvernement n'a pas montré à son égard une sévérité exagérée, et ce n'est pas cette sévérité du gouvernement qui l'a empêché d'exécuter son contrat ; au contraire, le gouvernement a usé vis-à-vis de lui d'une complaisance, d'une mansuétude tout à fait exceptionnelle.

Voilà quant au passé, et quant au présent. L'honorable membre demande si, pour l'avenir, on ne pourrait pas mettre la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai dans la position de la ligne de l'Ourthe, lui accorder la réversion d'une garantie d'intérêt.

Le gouvernement a répondu sur ce point à la section centrale qui avait posé la même question.

- Un membre. - Pas relativement à ce chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La section centrale a posé la question d'une manière générale ; le gouvernement a répondu d'une manière générale ; je ne puis que répéter la déclaration que j'ai faite que, sous certaines réserves, le gouvernement n'a aucune objection en principe à faire à une réversion de garantie d'intérêt.

Mais que faut-il pour cela en fait ? Il faut qu'il y ait une garantie réversible ; et lorsque l'honorable membre demande si l'on ne pourrait faire pour la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai ce qui s'est fait pour la ligne de l'Ourthe, je dois demander à mon tour : où est la garantie que l'on pourrait reverser ? Où est la garantie que l'on offre de reporter sur la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai ? Jusqu'à ce qu'il soit satisfait à cette question, je suis en droit de répondre que la ligne de Braine-le-Comte à Courtrai ne se trouve pas dans les conditions où se trouve la ligne de l'Ourthe.

Donc le gouvernement n'a pas fait à la ligne de l'Ourthe des concessions qu'il refuserait à une autre ligne ; il n'a pas traité cette ligne de l'Ourthe avec une faveur spéciale.

C'est tout ce que je tiens à constater, et je dois conclure de cette petite discussion que si la Flandre orientale n'a pas plus obtenu., c'est qu'elle n'a pas eu plus à demander pour le moment, c'est qu'il n'y avait pas, en d'autres termes, pour la Flandre orientale, de projets à l'ordre du jour d'un intérêt général.

L'honorable M. de Theux a fait une observation sur l'octroi des concessions. Il a indiqué avec raison une clause qui figurerait avantageusement dans les divers contrats de concession : c'est que les électeurs seraient transportés sur les lignes concédées à prix réduit, comme ils sout transportés sur les lignes de l'Etat. Ce serait, en effet, une clause fort juste, mais je ne puis faire mon profit de l'indication de l'honorable membre que pour l'avenir. Les contrats faits, sont faits et nous ne pouvons rien y changer.

M. de Theux. - Mais quand on demande une modification quelconque aux conditions de concession, on peut saisir l'occasion.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Sans doute, de même que la Chambre aurait le droit de n'accorder les concessions proposées que sous le bénéfice de la clause indiquée par l'honorable comte de Theux. Mais je crois qu'il n'y a pas lieu de modifier les contrats de ce chef.

(page 1790) Remarquons, en effet, que les compagnies, même en dehors de toute clause formelle à cet égard, se conduisent généralement comme si cette clause existait ; elles se sont presque toujours prêtées avec beaucoup de complaisance aux demandes qui leur ont été faites par le gouvernement. Presque jamais le gouvernement ne s'est adressé en vain aux compagnies pour les concessions dont il prenait l'initiative en ce qui concerne le parcours sur ses propres lignes.

L'honorable M. de Theux a fait également une observation générale en ce qui touche le report des garanties de minimum d'intérêt. Il a appliqué spécialement son observation à l'opération faite avec la compagnie du Grand-Luxembourg.

Il n'est pas douteux, et nous aurons peut-être, dans le cours de la discussion, occasion d'entrer plus avant dans cette démonstration, que l'opération faite avec la société du Grand-Luxembourg est éminemment avantageuse à la chose publique.

Quand, par la garantie d'un minimum d'intérêt de 800,000 fr., on parvient à amener la formation d'un capital de 40 millions, on fait bonne et excellente chose. C'est chose qui est surtout bonne et excellente, quand les deux lignes nouvelles qui vont s'établir promettent pour l'avenir, et dans un avenir très prochain, des produits tels que l'on peut à peu près prédire dès aujourd'hui, que le sort des lignes nouvellement concédées sera le même que celui qui a été constaté pour le Grand-Luxembourg ; c'est-à-dire que c'est une garantie beaucoup plus nominale qu'effective.

Quoi qu'il en soit, l'honorable comte de Theux a prétendu que ce n'était pas en réalité un transfert de garantie que l'on opérait, mais une garantie nouvelle que l'on accordait.

Je ne veux pas disputer là-dessus ; la chose ne me paraît pas très importante en fait. Mais, en thèse abstraite, je ferai remarquer que, même dans le cas où il s'agit de transférer une garantie qui n'est plus payée, il n'est pas indifférent d'opérer le transfert de cette garantie ou d'en décréter une nouvelle. Pourquoi ? Parce qu'il se peut que cette garantie, qui n'est plus payée aujourd'hui, soit réclamée demain. Il n'est pas difficile d'imaginer des cas où les recettes d'une compagnie sont tellement en équilibre avec les dettes qu'elle a à payer, que le moindre recul dans ces recettes peut ramener, pour le gouvernement, l'obligation d'intervenir. N'est-il pas vrai de dire que, dans ces cas, le transfert d'une garantie fixe d'une manière beaucoup plus sûre que la création d'une garantie nouvelle, le montant des obligations générales du gouvernement ?

L'Etat doit aujourd'hui, en vertu de ses contrats, quelque chose comme 2 millions et demi de garantie. C'est le chiffre total de ses promesses.

En réalité, il ne paye que 800,000 à 900,000 fr., mais il a des obligations jusqu'à concurrence de 2 millions et demi.

Si l'on agit par voie de transfert, l'on peut faire successivement les opérations les plus utiles dans l'intérêt du pays. Si, au contraire, vous n'agissez pas par voie de transfert, si vous créez des garanties nouvelles, vous pouvez accumuler vos obligations, à ce point qu'à un moment donné, à une époque de crise industrielle par exemple, alors que vous croiriez n'être tenus que pour une somme minime, vous soyez en réalité obligés à payer une somme très forte.

Il n'est donc pas indifférent de limiter les obligations de l'Etat, ou de ne pas les limiter, d'accorder des garanties par voie de transfert ou d'accorder des garanties nouvelles.

Je ne veux pas dire que, pour un cas spécial où il serait impossible d'opérer par voie de transfert, on ne puisse plus accorder de garantie nouvelle de minimum d'intérêt.

Ce serait évidemment outrer le principe. Je veux seulement démontrer qu'il vaut mieux opérer par voie de transfert.

Je ne sais pas si je dois insister sur la demande de MM. Claes et Fléchet. La section centrale s'est occupée des pétitions développant les moyens que font valoir ces messieurs. J'ai eu l'honneur de répondre à la section centrale et de déduire les motifs pour lesquels le gouvernement, si même la demande de M. Flechet n'avait pas été tardive, aurait cru, en tout état de choses, devoir accorder la préférence à la concession qui figure au projet de loi.

Permettez-moi de vous exposer la situation en deux mots. Cette situation n'est pas neuve. Il n'y avait pas table rase lorsque MM. Claes et Flechet ont produit leur demande. S'il y avait eu table rase, nous pourrions discuter la question de préférence à accorder.

Mais il y avait fait accompli. Ce fait, c'est la construction, presque effectuée à l'heure qu'il est, de la section de Tongres à Bilsen. Eh bien, pouvez-vous, par une voie concurrente, ruiner, réduire à rien cette section ? Encore une fois, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire à la section centrale, je ne le crois pas. Je ne crois pas qu'il appartienne à la législature, sans motifs spéciaux, de ruiner une entreprise qu'elle a consacrée un an auparavant.

Quant à la section de Tongres à Ans, nous pouvons faire, en équité comme en droit, ce que nous voulons. Mais remarquez bien une chose, c’est que si la législature déclare accorder la préférence au tracé direct, la société de Bruyn, concessionnaire actuelle, est prête à se charger de la construction de cette ligne.

Ainsi, d'après moi, en équité nous ne pouvons admettre la compagnie Flechet pour la nouvelle section entre Tongres et Hasselt. En fait, pour la section entre Tongres et Ans, nous avons deux concessionnaires. Lequel devrait obtenir la préférence même pour la ligne directe ? Evidemment celui qui est en possession de la ligne de Tongres à Bilsen. La situation est de la plus grande simplicité.

Maintenant, faut-il, pour la section entre Tongres et Ans, admettre le tracé direct ou le tracé indirect ? Le tracé direct peut être plus agréable pour les concessionnaires, mais il n'en est pas de même pour les industries nombreuses et les populations qui se trouvent disséminées sur le tracé indirect dans la direction de Glons. C'est donc la ligne indirecte qui a la priorité au point de vue de l'intérêt public. Il faut en second lieu admettre en tout cas MM. De Bruyn et Cie comme concessionnaires, parce qu'en outre du chemin de fer direct ou indirect entre Tongres et Ans, ils s'offrent à construire la section d'Herstal sur Vivegnis, avantage notable que n'offre pas la compagnie Flechet.

Enfin, messieurs, et en dernier lieu, l'honorable M. Allard s'est occupé de la question des embranchements de Saint-Ghislain vers Ath et Tournai.

Il a demandé si l'on ne pourrait pas accorder une garantie d'intérêt pour la construction de ces embranchements. Je dois répondre d'une manière absolue qu'on ne le peut pas. On ne le peut pas pour plusieurs motifs, mais entre autres par celui-ci, c'est qu'on ne peut pas accorder une garantie d'intérêt à ces embranchements et refuser la même faveur à vingt autres chemins de fer que l'on offre tous les jours au gouvernement de construire dans ces conditions.

Pourquoi la garantie d'intérêt serait-elle accordée à ces embranchements plutôt qu'à telle ou telle des autres lignes auxquelles le gouvernement la refuse tous les jours ? Ce serait agir par caprice et d'une manière tout à fait arbitraire. Ce serait avoir deux poids et deux mesures.

Je crois, messieurs, que cette objection est suffisante pour que l'honorable membre veuille bien ne pas insister.

Du reste, j'ai eu avec l'honorable membre des conversations qui ont dû lui prouver que peut-être il existe d'autres combinaisons qui pourraient, dans l'avenir, assurer l'exécution de ces embranchements. Ce sont des combinaisons à examiner avec bienveillance, et le gouvernement promet qu'il fera ce qu'il pourra pour assurer, à des conditions vraiment équitables, la construction de la ligne de Saint-Ghislain à Tournai et particulièrement de la section de Basècles à Péruwelz.

M. de Decker. - Je regrette que l'honorable ministre des travaux publics n'ait pas daigné dire un mot de l'amendement qui a été présenté, au début de la discussion générale, par mes deux honorables collègues de Termonde et par moi.

Je serais désolé de détruire une illusion dans l'esprit de M. le ministre, qui croit qu'il n'y a dans cette enceinte que des députés satisfaits du projet de loi en discussion.

J'avoue que le nombre des satisfaits est très considérable ; cela est fort naturel : mais je dois à la vérité de déclarer qu'au milieu de ce concert d'éloges, il doit y avoir une voix quelque peu discordante, celle des députés de l'arrondissement de Termonde.

En effet, non seulement l'arrondissement de Termonde n'a rien reçu, mais parmi les travaux compris dans le projet de loi, il en est qui rendent impossible l'exécution des projets auxquels cet arrondissement attache un haut prix, tandis que d'autres travaux qui l'intéressent spécialement sont ajournés d'une manière indéfinie.

Ainsi, messieurs, vous êtes saisis d'une proposition relative à un chemin de fer de Gand à Terneuzen ; déjà cette question a été traitée une première fois devant la Chambre.

Le gouvernement avait à choisir entre trois directions, et je persiste à croire qu'au point de vue de l'intérêt général, la direction à préférer était celle de Lokeren à Termonde.

J'avoue que la position spéciale du ministre, comme député de Gand, ne lui laissait peut-être pas toute la liberté d'appréciation nécessaire, mais je suis convaincu que si M. le ministre n'avait pas été député de Gand il aurait donné la préférence à la section de Lokeren à Terneuzen.

Car enfin, abstraction faite des motifs de la préférence à accorder à l'un ou à l'autre tracé, il y avait pour le gouvernement un premier intérêt à sauvegarder en rendant productifs les travaux existants, onéreux aujourd'hui, Eh bien, le seul moyen de procurer du trafic à la section de (page 1791) Dendre-et-Waes dont l'exploitation est aujourd'hui assez onéreuse, c'était d'en favoriser le prolongement jusqu'à Terneuzen.

Je suis convaincu que l'intérêt du trésor exigeait la continuation du chemin de fer de Dendre-et-Waes jusqu'à Terneuzen, et je suis convaincu aussi que, si l'on n'avait pas admis aujourd'hui la ligne de Gand à Terneuzen, nous aurions vu se réaliser dans un prochain avenir le projet que j'indique.

Cela est d'autant plus fâcheux, que je doute fort que le chemin de Gand à Terneuzen s'exécute, et je voudrais bien savoir si M. le ministre lui-même a une parfaite conviction à cet égard. On prétend que le gouvernement hollandais tient absolument à ce que ce chemin de fer passe par Axel ; Axel est, en effet, le grand marché des polders qui doit donner la vie au chemin de fer.

Si donc on fait une ligne directe de Gand à Terneuzen, cette ligne n'a aucune chance d'avenir, et je doute beaucoup qu'elle s'exécute.

La proposition du gouvernement n'aura d'autre effet que de décourager ceux qui avaient en vue la réalisation d'un projet beaucoup plus utile au pays.

Il est un autre projet, messieurs, qui existe depuis un siècle et dont, par un concours fatal de circonstances, la réalisation a toujours été contrariée, je veux parler du canal de Jemmapes à Alost et à Termonde.

Le canal destiné à relier le bassin de Mons au bas Escaut, était déjà projeté avant la grande révolution française. Les Etats de Flandre et les Etats du Hainaut étaient sur le point de l'exécuter. C'est un des plus beaux travaux que l'on pût exécuter en Belgique et dont les résultats devaient être incalculables.

Du reste, messieurs, cette question est comprise par la plupart d'entre vous et je n'ai pas besoin d'insister. On sait parfaitement quels seraient les résultats de ce canal, comme économie de temps et économie de dépenses, pour le transport des houilles du couchant de Mons vers les Flandres et pour l'exportation de nos charbons vers la Hollande.

Si je suis bien informé, on a fait des instances pour obtenir la garantie d'un minimum d'intérêt en faveur de ce canal qui serait certainement un des travaux les plus importants qu'il fût possible d'exécuter en Belgique, et j'espère que les honorables députés de Mons auront un mot à dire pour défendre ce projet, à l'exécution duquel leur arrondissement est encore bien plus directement intéressé que celui de Termonde.

Pour comble d'infortune, non seulement ce travail ne se fait point mais les travaux de la Dendre canalisée ont été retardés de la manière la plus insolite depuis un grand nombre d'années. Nous sommes heureusement un peu rassurés aujourd'hui par la déclaration du gouvernement et nous espérons bien que les travaux de la Dendre canalisée seront désormais poussés avec activité.

Maintenant, messieurs, j'arrive à notre amendement. Il y a encore dans l'arrondissement de Termonde une lacune que nous conjurons le gouvernement de vouloir nous aider à combler : il s'agit d'une petite section de chemin de fer de Termonde en ligne droite à Saint-Nicolas par Hamme.

Vous savez, messieurs, quelle est l'importance, au point de vue de la population et de l'industrie, de la commune de Hamme.

On ne peut pas citer dans la Belgique entière un centre de population et d'affaires aussi important, qui, à l'heure qu'il est, ne soit pas relié au chemin de fer.

L'idée de ce chemin de fer n'est pas nouvelle. Depuis longtemps déjà, divers projets se sont produits ; mais ils ont échoué parce qu'on n'était pas d'accord sur la direction à donner à ce chemin de fer, de manière à desservir le plus grand nombre possible des communes populeuses de cette contrée.

Le premier projet, c'était un chemin de fer de Saint-Nicolas à Termonde, mais passant à la fois par Hamme et par Zèle.

Un autre projet conçu plus tard, c'était d'aller directement de Saint-Nicolas à Hamme et à Termonde et de faire aussi deux embranchements, l'un vers Waesmunster, l'autre vers Tamise.

C'est en présence de tous ces projets, dont la multiplicité prouve l'importance du travail à exécuter ; c'est en présence de tous ces projets que les députés de Termonde demandent que la Chambre veuille bien autoriser le gouvernement, si un concessionnaire se présentait dans les conditions ordinaires, à traiter avec lui de l'exécution d'un pareil travail.

Il me semble que les exigences de l'arrondissement de Termonde ne sont pas bien exagérées.

Nous nous croyons d'autant plus en droit de faire cette demande, que le chemin de fer de Malines à Saint-Nicolas va enlever à Termonde une partie de son transit de Bruxelles vers le pays de Waes.

A propos de ce chemin de fer compris dans le projet actuel, je crois devoir, en passant, faire mes réserves, au double point de vue de la navigation et du commerce et au point de vue de la défense du pays. Je ne sais pas si le gouvernement est parfaitement édifié sur les conséquences de la construction d'un pont sur l'Escaut à Tamise.

Termonde est une ville fortifiée et considérée comme un élément indispensable dans le système de notre défense nationale, parce qu'elle constitue le premier passage de l'Escaut et qu'elle est appelée à dominer l'accès du pays de Waes.

Désormais, ce premier passage sur l'Escaut, on va l'établir à Tamise. Exécutera-t-on d'importants travaux aux deux têtes de ce pont, et qui sera chargé de les exécuter ? Je n'en sais rien.

C'est une question qui a dû préoccuper le gouvernement et dont la solution sera sans doute communiquée à la Chambre.

Messieurs, quoi qu'il en soit de ces réclamations et de ces réserves, j'avoue que mon intention n'est pas de me placer à un point de vue égoïste et local et de voter contre le projet de loi.

La Chambre me rendra cette justice, que je n'ai pas l'habitude de sacrifier des intérêts légitimes à des considérations locales ou personnelles.

Je vois que les travaux que l'on projette ont un caractère évident d'utilité, et ce caractère ne me permet pas de m'opposer à leur adoption et à leur exécution. J'espère que le gouvernement croira de son devoir de faire, pour l'arrondissement de Termonde, tout ce que les circonstances lui permettront de faire dans un prochain avenir.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, l'honorable M. de Decker a mis en quelque sorte les députés de Mons dans l'obligation de prendre part à la discussion, en ce qui concerne le canal du couchant de Mons à la Dendre. Comme je pense qu'un débat spécial aura lieu sur ce point, je n'en dirai rien pour le moment dans ma réponse à l'honorable préopinant. Je m'occuperai exclusivement de l'amendement des honorables députés de Termonde, ainsi que de la question du chemin de fer de Lokeren à Terneuzen.

En ce qui concerne l'amendement consistant à introduire dans la loi l'autorisation de concéder un chemin de fer de Termonde à Saint-Nicolas par Hamme, ou de Termonde à Tamise, l'honorable M. de Decker a dit que je n'avais pas daigné faire connaître, à cet égard, l'opinion du gouvernement. La vérité est que je ne croyais pas que l'honorable membre s'attendît à ce que le gouvernement exprimât sa manière de voir dans la discussion générale ; je me réservais de m'expliquer à ce sujet dans la discussion des articles, notamment de l'article concernant le chemin de fer de Malines à ainSt-Nicolas, auquel je croyais que les honorables membres rattachaient leur amendement, si tant est que leur proposition soit un amendement.

Je mels toujours le plus grand empressement à répondre à toutes les interpellations qui me sont adressées par des membres de la Chambre, et je n'avais aucune raison pour ne pas agir de même dans cette circonstance.

Quoi qu'il en soit, invité, un peu hors de propos, à faire connaître immédiatement l'opinion du gouvernement, je déclare que je ne crois pas devoir me rallier à l'amendement.

Le gouvernement ne croit pas devoir se rallier à l'amendement pour différents motifs.

D'abord, ainsi que le fait observer à mes côtés l'honorable M. Henri Dumortier, ce n'est plus véritablement un amendement que la proposition dont il s'agit. C'est une disposition toute nouvelle qu'on veut introduire dans la loi, et de ce chef je pourrais déjà opposer la question préalable.

Mais je ne m'arrête pas à cette exception de procédure ; il y a surtout deux motifs qui engagent le gouvernement à ne pas accepter l'amendement.

Le premier motif, c'est que si le gouvernement accueillait un amendement de cette nature, il serait dans le cas peut-être d'en admettre une vingtaine.

Il est un grand nombre de membres qui m'ont annoncé leur intention de déposer des amendements de ce genre. La Chambre est saisie d'un projet de loi qui a été élaboré avec beaucoup de soin. Parmi les amendements qui peuvent surgir, il y en a sans doute qui sont parfaitement inoffensifs ; mais il y eu a d'autres qui pourraient avoir une portée très grande. Que voulez-vous que fasse le gouvernement ? Peut-il accepter l'un et ne pas admettre l'autre ? Est-ce une position défendable pour le gouvernement ? Je ne puis pas ici improviser une solution sur toutes els questions que d'honorables membres peuvent inopinément venir évoquer devant la Chambre.

En second lieu, ce à quoi le gouvernement tient essentiellement, c'est (page 1792) à vous présenter un concessionnaire et une convention en règle, à l'appui de chaque chemin de fer qu'il demande à la Chambre l'autorisation de concéder. Pourquoi ? Parce que beaucoup de lois qui ont autorisé le gouvernement à accorder des concessions de chemin de fer, alors que ces précautions préalables n'avaient pas été prises, sont restées sans exécution.

Qu'on remonte dans le passé, et on trouvera que tels ou tels chemins de fer ont fait l'objet de trois ou quatre dispositions législatives, dont aucune n'a jamais reçu exécution. Cela est fâcheux, cela jette le discrédit sur les lignes mêmes qui font l'objet de ces dispositions.

L'honorable M. de Decker me demande de consentir à ce que l'on introduise dans la loi l'autorisation de concéder le chemin de fer dont il parle.

Je lui demanderai à mon tour : Savez-vous s'il se présentera un concessionnaire ?

Le premier chemin de fer dont il ait été question, parmi ceux qui sont compris dans la loi actuelle, est précisément le chemin de fer de Malines à Saint-Nicolas.

Il y a des mois que la convention qui s'y rapporte a été passée. Pourquoi ne s'est-on pas assuré depuis ce temps, auprès du concessionnaire de la ligne de Malines à Saint-Nicolas, s'il ne se chargerait pas de la section de Saint-Nicolas ou de Tamise à Termonde ? Je ne puis que regretter que ce soin n'ait pas été pris.

Maintenant, j'en viens à l'affaire de Lokeren à Termonde.

Je ne puis pas évidemment remercier l'honorable M. de Decker des motifs qu'il assigne à l'exclusion de cette ligne de notre projet de loi : il a déclaré formellement que si la ligne de Lokeren à Terneuzen ne figure pas dans le projet de loi, c'est que le ministre des travaux publics est un des députés de la ville de Gand. J'en suis fâché pour l'honorable membre ; mais son accusation directe me force à m'expliquer devant la Chambré d'une manière très explicite.

Si la ligne de Lokeren à Terneuzen n'a pas été proposée par le gouvernement dans son projet, c'est qu'il ne s'est pas présenté de concessionnaire ; et s'il ne s'est pas présenté de concessionnaire, l'honorable M. de Decker me force à dire ce que je m'évertue depuis un an à taire dans l'intérêt même de la ligne qu'il préconise, c'est que la ligne est, d'après moi, mauvaise. Voilà pourquoi le projet de loi est muet sur cette ligne, et non parce que le ministre des travaux publics est député de Gand.

Je dis que la ligne de Lokeren à Terneuzen est mauvaise ; elle l'est parce qu'elle ne dessert qu'une zone très restreinte du territoire ; en dehors de cette zone très restreinte, c'est Gand ou Anvers qui sont placés de manière à pouvoir approvisionner le marché par des trajets plus courts, c'est-à-dire plus économiques.

La ligne de Lokeren à Terneuzen ne pourrait, elle, approvisionner que cinq ou six localités d'une importance très secondaire.

Voilà la vraie raison pour laquelle vous n'avez pas de concessionnaire pour cette ligne.

Quand je dis que vous n'avez pas de concessionnaire, ai-je recours à une invention ?

Avez-vous quelqu'un ? Nommez-le.

On a prétendu un instant, messieurs, qu'il y avait quelqu'un, et je n'ai pu éclaircir la question que dans ces derniers jours.

J'ai tenu à savoir ce qu'il en était. Eh bien, messieurs, c'était une illusion, il n'y avait personne.

Voici dans quelles conditions on a prétendu, dans ces derniers jours, qu'il y avait un demandeur en concession.

Il s'agissait d'un assez grand entrepreneur du pays qui, disait-on, avait posé pour condition de son intervention qu'on pût recueillir 600,000 fr. de souscriptions en argent. Si c’eût été la seule condition de cet entrepreneur, encore aurait-il fallu qu'elle fût réalisée pour qu'on pût sérieusement dire qu'il y avait un demandeur en concession, car 600,000 fr. en semblable circonstance quand il s'agit d'un chemin de fer n'offrant que des chances de succès problématiques, c'est un denier important ; mais il y avait une autre condition d'une plus grande importance.

C'est que la prétendue ligne de Lokeren à Terneuzen pût se borner à raccorder Lokeren à la ligne de Gand à Terneuzen qu'on supposait passer par Axel. Et voilà pourquoi l'on insiste tant pour le tracé par Axel, qui constitue pour la ligne de Gand un détour considérable.

M. de Naeyer. - Non !

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Non, dites-vous ? Cependant le demandeur en concession de la ligne de Gand à Terneuzen a très officiellement et très irrévocablement informé le département des travaux publics que s'il devait passer par Axel il renonçait à sa concession. Par conséquent, pour la ligne de Lokeren, nous avons un demandeur en concession qui ne s'était engagé qu'à établir une section de raccordement ; à quoi ? A une ligne chimérique.

Avais-jc raison de dire que ce n'est pas du mauvais vouloir, de la partialité du ministre des travaux publics que vient l'obstacle, mais qu'il vient de la force des choses ?

Il n'y a pas de demandeur en concession, et si les honorables membres veulent discuter la question de savoir s'il est probable qu'il s'en présente un dans l'avenir, je me mets à leur disposition. Je regrette de devoir dire que je ne le crois pas.

Je pense donc que dans ces circonstances, après ces explications, la Chambre reconnaîtra que j'ai agi dans cette affaire avec une parfaite loyauté et que je ne mérite point les accusations que l'honorable membre m'a adressées très gratuitement.

M. de Brouckereµ. - Messieurs, l'honorable M. de Decker dans le discours qu'il a prononcé tout à l'heure a dit quelques mots relativement au canal qui doit joindre la Dendre au couchant de Mons et il a fait un appel aux députés de l'arrondissement de Mons, arrondissement qui, comme il l'a dit, est plus intéressé encore que celui de Termonde à la construction de ce canal.

Messieurs, les députés de Mons sont bien décidés à signaler à la Chambre les lacunes que présente, selon eux, le projet de loi qui nous a été présenté par le gouvernement dans la séance du 14 juin ; mais ils pensent que le canal du couchant de Mons à la Dendre se rattache plus directement au second projet de loi, celui sur lequel l'honorable M. Sabatier a fait rapport et ils se proposent d'entretenir la Chambre de ce canal lorsque nous en serons venus à ce projet de loi.

Si cependant la Chambre n'était pas de cet avis, nous sommes parfaitement prêts à nous expliquer ; mais, je le répète, je crois que le moment n'est pas venu ; je me réserve, en ce qui me concerne, et je crois pouvoir faire la même réserve pour mes collègues de Mons de m'expliquer sur ce point quand nous en serons venus à la discussion du second projet de loi.

Non seulement nous ferons les observations que nous croirons devoir présenter, mais, s'il y a lieu, nous présenterons à la Chambre une proposition sur laquelle elle pourra prendre une résolution.

M. Vermeire. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque l'honorable ministre des travaux publics a déclaré qu'il ne pouvait pas accepter l'autorisation de concéder un chemin de fer qui n'est pas demandé et pour lequel il n'y a pas de convention signée.

Dans le projet de loi qui nous est présenté, je trouve à la fin de l'article premier que le gouvernement demande l'autorisation de concéder un chemin de fer de Furnes à la frontière de France, aux clauses et conditions ordinaires.

Ces clauses et ces conditions ordinaires ainsi que le cahier des charges, je les ai vainement cherchés et je voudrais bien que M. le ministre m'indiquât à quelle page je puis me renseigner à cet égard.

Ce que nous demandons, ce n'est pas que le gouvernement s'engage d'une manière inconsidérée à accorder le travail que nous demandons et que nous croyons d'une utilité générale, d'une utilité d'autant plus générale que les populations verront encore aggraver leur position par l'établissement du chemin de fer projeté de Malines à Saint-Nicolas par Tamines.

En effet, nous pouvons encore aujourd'hui transporter nos produits en une seule marée d'Anvers à Hamme ; mais par suite des obstacles que l'établissement d'un pont à Tamise va susciter à la navigation, ces mêmes bateaux auront besoin de deux marées pour faire le même trajet.

Ainsi, au lieu d'avoir une faveur, nous serons dans une position pire que celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui .

Nous ne demandons pas, je le répète, que le gouvernement s'engage d'une manière inconsidérée. Nous demandons seulement que lorsqu'un concessionnaire se présente pour faire ce travail, le gouvernement soit autorisé par la Chambre à accorder la concession à des conditions qu'il déterminera lui-même, pour en assurer la construction et l'exploitation.

En effet, messieurs, que voyons-nous aujourd'hui ? C'est qu'on réclame partout des travaux d'utilité publique, et que l'on croit que tous les travaux de ce genre sont assez productifs pour pouvoir dispenser le gouvernement d'accorder un minimum d'intérêt.

Nous voyons que le minimum d'intérêt est réclamé pour certaines sociétés ; que d'autres sociétés reçoivent une rente à la condition que leurs lignes seront exploitées par l'Etat. Nous voyons d'autre part des transferts de minimum d'intérêt.

On nous a dit tantôt qu'il était plus avantageux de transférer un minimum d'intérêt que de donner une garantie nouvelle.

Enfin dans l'ensemble des travaux qu'on nous présente l'on va (page 1793) accorder des subsides directs de l'Etat, et je crois qu'il y a deux chemins de fer pour lesquels on accorde 800,000 fr. (Interruption.)

Mais il me semble que, quand l'Etat intervient d'une manière aussi directe pour certaines parties du pays, il pourrait bien prendre sur lui l'autorisation qu'on veut lui donner de concéder ce chemin de fer aux conditions qu'il déterminerait et qui assureraient l'exécution de ce travail utile,

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable membre m'a fait remarquer qu'il n'avait pas rencontré la convention de la concession de la ligne de Furnes à la frontière française que le gouvernement demande l'autorisation d'accorder.

II n'y a pas, en effet, de convention pour cette ligne et c'est la seule qui offre cette particularité, parmi toutes celles qui se trouvent comprises dans notre projet.

Mais ce n'est pas parce qu'il n'y aurait pas de demandeur en concession pour cette ligne.

Je crois au contraire qu'il pourrait bien y en avoir deux et je suis toujours bien sûr d'en avoir un.

Voici comment cette affaire se présente.

Cette ligne se compose d'une section française et une section belge, car il s'agit d'un chemin de fer, non pas de Furnes à la frontière française, mais de Furnes à Dunkerque.

Eh bien, la concession française, qui est déjà octroyée, porte qu'elle ne deviendra définitive que si, dans un délai déterminé, le concessionnaire français obtient la concession de la ligne belge. Maintenant, dois-je, pour mener cette affaire à bonne fin, accorder cette concession au concessionnaire de la ligne française ?

La compagnie de Lichtervelde à Furnes ne demande pas autre chose que le prolongement de sa ligne. Dois-je agir ainsi ? Je ne le sais pas, mais c'est possible ; et c'est parce que je ne le sais pas et parce que je crois que c'est possible, que je n'ai voulu poser aucun acte quelconque auprès du concessionnaire français, avant que la législature m'eût octroyé l'autorisation de concéder.

Je n'ai aucun renseignement à cet égard, mais si le concessionnaire français venait à nous faire défaut, j'ai un concessionnaire belge tout prêt, qui est la compagnie de Lichtervelde à Furnes. Elle est disposée à signer demain un contrat aux conditions ordinaires.

L'honorable membre, en ce qui concerne son amendement, n'a rien dit de l'objection que je lui ai présentée en lui faisant remarquer que nous ne pouvons pas sans imprudence accueillir ainsi un amendement qui se produit à l'improviste dans le cours de la discussion. Cette objection est cependant très sérieuse ; mais il en est une autre qui ne l'est pas moins . c'est qu'on ne nous présente pas de demandeur en concession pour la ligne qu'on sollicite. Et y eût-il un demandeur en concession j'ajoute que cela ne suffirait peut être pas. Croit-on que pour toutes les lignes qui sont comprises au projet de loi, j'aie accepté comme concessionnaires les premiers venus ? Non, messieurs ; j'ai voulu, avant de rien décider, m'entourer de toutes les garanties possibles, je me suis assuré que les demandeurs en concession possédaient, outre leur cautionnement, une partie plus ou moins notable du capital jugé nécessaire ; j'ai pris toutes les précautions imaginables pour qu'aucune affaire soumise à la Chambre n'échouât.

J'ai agi ainsi, messieurs, parce qu'une concession mise maladroitement en œuvre finit le plus souvent par tomber à la charge du gouvernement. On commence l'exécution d'un chemin de fer ; arrivé à un certain degré dans l'exécution, les ressources font défaut ; on s'adresse au gouvernement et c'est au gouvernement alors à parfaire l'œuvre sous une forme ou sous une autre et le plus souvent sous la forme d'une garantie de minimum d'intérêt. C'est ce qui aura lieu notamment pour plusieurs concessions, octroyées par la loi de 1851.

Eh bien, le gouvernement doit y regarder de plus près à l'avenir ; il a acquis une expérience suffisante dans le passé pour ne plus se jeter à l'aventure dans des entreprises de ce genre.

- La discussion générale est close. L'assemblée passe à la discussion des articles.

Discussion des articles

Article premier. Paragraphe A

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à concéder :

« A. Un chemin de fer d'Anvers à Hasselt, par Lierre, Aerschot et Diest, aux clauses et conditions de la convention et du cahier des charges du 7 mai 1862. »

M. Coomans. - Messieurs, on a adressé un reproche assez juste au réseau de chemins de fer belge : c'est d'avoir été créé sans vues d'ensemble, sans vues d'avenir.

Ce reproche est particulièrement applicable au paragraphe que nous avons à examiner en ce moment.

En effet, la ligne projetée d'Anvers par Lierre, Aerschot et Diest à Hasselt n'est qu'un remaniement incomplet, insuffisant, de la première ligue d'Anvers vers le Rhin.

Depuis de longues années, le commerce anversois s'est plaint (et il a démontré à suffisance le fondement de ce grief) de n'avoir pas une voie de communication assez directes, assez économiques vers le Rhin.

En effet, le détour par Liège (nous le faisons depuis 20 ans) a été malheureux, si malheureux que la Chambre serait effrayée si on lui mettait sous les yeux le compte des pertes financières, commerciales et industrielles qui ont été la conséquence de ce chemin de fer. Depuis de longues années aussi, la faute a été si unanimement reconnue, que les Chambres et le gouvernement ont pris quasi l'engagement de rectifier cette ligne, de faciliter nos relations vers le Rhin dans la double direction de Cologne et de Ruhrort.

Aujourd'hui, le gouvernement vient nous proposer une ligne nouvelle qui est évidemment une amélioration, une sorte de réparation, mais dont l'insuffisance me paraît démontrée. Je ne me propose pas d'être long ; aussi ne crois-je pas devoir répéter les arguments qui ont retenti cent fois dans cette Chambre à l'appui de la thèse que je viens soutenir.

Non seulement la ville d'Anvers, mais tous les hommes qui se sont occupés de nos voies ferrées ont reconnu qu'il serait hautement désirable que nous eussions une grande ligne ferrée directe d'Anvers sur l'Allemagne et Dusseldorf. La construction de cette ligne serait très économique, attendu que les travaux d'art seraient presque nuls et que l'expropriation des terrains se ferait à bon marché.

D'honorables députés d'Anvers, notamment l'honorable M. Loos, ont si bien démontré les avantages dont je parle, que je crois ne devoir pas les répéter ici.

Messieurs, si, au lieu de cette ligne d'Anvers à Hasselt, qui, je le répète, ne donnera qu'une satisfaction très incomplète aux grands intérêts en lutte ; si, au lieu de cette ligne, le gouvernement avait cherché un concessionnaire pour établir une voie directe d'Anvers par Herenthals, Moll, Bourg-Léopold vers Ruremonde et Gladbach, les recherches du gouvernement n'auraient pas été longues, car il est impossible que des capitalistes sérieux ne se présentent pas pour une si belle opération.

A ce propos je dois faire une observation générale et exprimer le vif regret que j'éprouve, lorsqu'il s'agit de créer de nouvelles voies de communication, de voir que le gouvernement ne publie pas un an ou deux d'avance son programme, afin d'informer de ses projets tous les capitalistes, tous les ingénieurs et tous les intéressés, et afin aussi de se ménager un plus grand choix et des avantages plus certains, plus grands, pour lui comme pour le public.

Si je venais proposer cette ligne directe d'Anvers vers Ruremonde et Gladbach, je n'obtiendrais que peu de succès, je le sais ; aussi ne prendrais-je l'initiative de cette proposition que dans l'hypothèse peu probable qu'un grand nombre de membres l'appuieraient.

Si nous nous trouvions dans la situation parlementaire où nous étions il y a dix ans, je ne doute pas qu'il ne se trouvât une majorité très considérable pour appuyer la ligne directe d'Anvers à Dusseldorf et pour imposer cette ligne au gouvernement.

En vain l'honorable ministre nous a-t-il dit tantôt qu'il ne peut pas admettre d'amendement parce que s'il en admettait un, il devrait en admettre vingt et qu'il ne veut admettre que des amendements derrière lesquels se trouvent des concessionnaires sérieux ; en vain vous a-t-il présenté cette doctrine un peu crue et rétrograde, elle ne me touche pas ; si cette doctrine était fondée, que ferions-nous ici, messieurs, si nous n'avions pas d'observations à présenter, à formuler sous forme d'amendement ?

Si nous ne pouvions pas nous éclairer mutuellement, la discussion serait inutile ; il faudrait reconnaître que le roi Guillaume Ier avait mille fois raison d'avoir proscrit les amendements.

A cette époque, il y a 40 ans, c'est pour cela que je qualifie de rétrograde la doctrine énoncée par le ministre ; à cette époque, dis-je, on saisissait les Chambres de projets plus ou moins compliqués, et on avait soin de les avertir qu'elles n'y pouvaient rien modifier ; le droit d'amendement était interdit ; on pouvait (cela se présente encore dans d'autres gouvernements qui ne sont pas des modèles à suivre), on pouvait rejeter le tout, mais on ne pouvait pas trier, amender, choisir, (Interruption.)

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Vous avez le droit d'amender.

M. Coomans. - Ce n'est pas mon droit que je cherche à démontrer, je le connais parfaitement ; je cherche à démontrer que la doctrine du ministre n'est pas bonne, que ses arguments pour repousser nos amendements sont inadmissibles en Belgique et en 1862. Vous dites que vingt membres sont disposés à présenter des amendements, et que vous n’en accueillerez aucun. A votre place, j’inviterais tous les porteurs d’amendements à les exhiber, je ne me croirais pas obligé à en accepter vingt, parce que j’en aurais admis un.

Les amendements ne se tirent pas aveuglément dans un sac ; on les choisit, on prend les bons, on laisse de côté les mauvais.

Je regrette très vivement que la ligne directe vers l’Allemagne ne soit pas décrétée par la législature. Cette ligne est la seule raisonnable ; c’était aussi une sorte de réparation due à la ville d’Anvers qui, dans ces derniers temps, n’a pas eu trop à se louer de nos votes.

Puisque les arguments militaires sont ici en faveur, j'en présenterai un, avec prière, M. le ministre des travaux publics, de le transmettre à M. le minière de la guerre.

La ligne projetée par le gouvernement d'Anvers à Hasselt par Lierre à Aerschot et Diest est parallèle, étroitement parallèle à la ligne de Malines à Louvain et en cas de siège d'Anvers les communications entre Anvers et l'Allemagne seront instantanément interrompues sur l'une et l'autre ligne. Si vous l'aviez placée trois ou quatre lieues plus au nord, en arrière de Diest, au milieu des bruyères de la Campine, vous auriez eu beaucoup plus de chances de garder libres vos communications militaires et commerciales avec l'Allemagne.

Il y a bien d'autres arguments encore à faire valoir, s'il est vrai que la ligne que le gouvernement nous présente favorise les relations d'Anvers avec l'Allemagne, cela n'est vrai que dans une mesure assez restreinte, et seulement en ce qui concerne Cologne, mais cela ne raccourcit pas la ligne pour le Bas-Rhin, pour Düsseldorf, tandis que la ligne directe d'Anvers vers Dusseldorf réalisait de grandes économies de temps et d'argent.

Bref, je prie l'honorable ministre de vouloir bien me donner une ou deux bonnes raisons, motivant le rejet de la ligne directe d'Anvers au bas Rhin. Je n'en ai pas trouvé une seule dans les documents qui nous ont été communiqués ; et j'ai été singulièrement, désagréablement surpris qu'aucune observation, dans le sens de mes paroles, n'ait été formulée en section centrale.

Je demande aussi aux députés d'Anvers pourquoi cette ligne en faveur de laquelle nous avons rompu ensemble tant de lances depuis 1-2 ans est abandonnée par eux. Pour moi, je ne puis accepter aucune part de responsabilité dans cette faute, et c'est pourquoi je réitère mes vœux et mes protestations des sessions précédentes.

Quant à moi, je n'hésite pas à abandonner les idées que l'on me prouve n'être pas bonnes ; mais comme j'ai très présents à l'esprit les arguments excellents, selon moi, qu'on a fait valoir jadis en faveur de cette ligne, je désire connaître ceux qu’on y oppose et qui ont fait adopter par le gouvernement la grave mesure que je suis forcé de critiquer aujourd'hui.

Il va sans dire, messieurs, que, dans ma pensée, en supposant la ligne vers Gladbach adoptée, celle de Hasselt à Bourg-Léopold ne devrait pas moins se faire.

La ligne de Hasselt vers Diest et Aerschot et vers Lierre s'exécuterait également. Ce sont des lignes que je qualifierai de forcées ; disons-le une fois pour toutes.

J'attache assez peu d'importance à toutes ces questions de rivalité entre chemins de fer ; tous les chemins de fer que l'on repousse aujourd'hui se feront plus tard, et je suis très convaincu que d'ici à 15 ou 20 ans nous serons fort étonnés de lire dans le Moniteur l'opposition qui aura été faite à telle ou telle voie ferrée. Je suis convaincu que quelque avancée que soit déjà matériellement la situation de la Belgique, nous aurons doublé notre réseau actuel d'ici à 25 ans.

Je n'ai jamais voté, je m'en vante, contre un seul chemin de fer. On peut en proposer qui soient un peu prématurés ; je ne suis pas bien sûr, par exemple, que le chemin de fer de Lokeren à Terneuzen par Axel est indispensable en ce moment, mais je suis très convaincu qu'il s'exécutera un jour.

Seulement comme nous avons des moyens limités, je désirerais que l'on commençât par les plus urgents et par les plus importants, par ceux devant lesquels l'initiative privée recule trop prudemment peut-être ; c'est pour ces grandes lignes que je comprends et que je désire surtout l'intervention du gouvernement.

Le gouvernement devrait peu se préoccuper de toutes les petites lignes qu'il nous présente ; puisqu'il nous les offre, je les accepte des deux mains mais j'aurais voulu que sou initiative s'attachât surtout à cette grande, à cette noble ligne d'Anvers à Düsseldorf.

Encore une fois, messieurs, je demande les raisons qui ont fait abandonner par le gouvernement la grande ligne d'Anvers au bas Rhin et qui semblent avoir engagé plusieurs honorables collègues à se résigner à l'ajournement indéfini de cette voie ferrée.

M. Loos. - Je remercie l'honorable M. Coomans de l'appui qu'il vient de prêter à Anvers pour l’exécution de la ligne directe vers Düsseldorf, Seulement, je regrette de devoir dire qu'à mes yeux c'est l'honorable M. Coomans et ses amis qui sont cause que cette ligne n'existe pas à l'heure qu'il est.

Je suis aussi, messieurs, grand partisan des chemins : je ne le suis pas, cependant, au même degré que l'honorable M. Coomans, qui n'a jamais voté contre un seul chemin de fer. Je m'accuse d'avoir voté contre un chemin de fer, parce que précisément ce chemin de fer me paraissait devoir mettre obstacle à l'exécution de la ligne directe d'Anvers vers le Rhin ; je veux parler du chemin de fer de Turnhout tel qu'il était proposé par l'honorable M. Coomans et ses amis.

J'ai combattu alors non pas cette ligne en elle-même, mais le tracé que l'on proposait. Le tracé que j'aurais préféré eût été en quelque sorte le commencement de la ligne directe vers Düsseldorf ; au lieu de cela, on a adopté une direction qui n'est bonne ni pour Turnhout, ni pour nos relations avec l'Allemagne, ni pour nos relations avec la Hollande.

J'établissais, moi, une ligne directe, sans passage d'eau sur la Hollande par Turnhout et puis je marchais en ligne droite sur Ruremonde ; j'embranchais Turnhout à la ligne de Düsseldorf et le chemin était ainsi plus court pour cette ville. Eh bien, ce qu'on n'a pas voulu comprendre alors s'est réalisé, c'est que le malencontreux chemin de fer de Turnhout a empêché l'établissement d'une ligne tout à fait directe d'Anvers vers Düsseldorf. Si à cette époque l'honorable M. Coomans avait exprimé l'opinion qu'il exprime aujourd'hui, je crois que la ligne directe vers Düsseldorf existerait.

Anvers a beaucoup perdu de ses relations avec l'Allemagne, et s'il ne se présente pas de concessionnaires, c'est à cela qu'il faut l'attribuer.

Je crois que le gouvernement devrait faire la ligne lui-même et je suis persuadé qu'elle se fera un jour.

Aujourd'hui le gouvernement des Pays-Bas fait une ligne directe de Flessingue à Düsseldorf ; quand elle existera, Anvers s'en servira pour ses expéditions vers le bas Rhin et alors le gouvernement, voyant disparaître tous ses transports vers cette partie de l'Allemagne, se décidera probablement à faire la ligne directe ; mais je crains, messieurs, qu'alors il ne soit trop tard ; les relations qui existent aujourd'hui seront peut-être perdues tant pour Anvers que pour le gouvernement.

M. Coomans. - Messieurs, je n'ai qu'un point à relever dans les observations que vient de présenter l'honorable M. Loos, mais ce point est des plus graves. C'est moi qui aurais empêché l'exécution d'une ligne que je demande depuis 13 à 14 ans !

Messieurs, il n'en est rien. Lorsque j'ai appuyé de toutes mes forces la ligne de Lierre à Turnhout, je me trouvais dans la situation où M. le ministre des travaux publics dit se trouver aujourd'hui, c'est-à-dire que je me trouvais devant un concessionnaire en chair et en os. J'ai pensé alors qu'il était sage de commencer par prendre ce qu'on nous offrait, sauf à demander plus et mieux lorsque l'occasion serait favorable. Du reste, M. Loos diminue trop la valeur du chemin de fer de Lierre à Turnhout.

Si je n'avais pas accepté à cette époque la ligne de Lierre à Turnhout, je n'aurais rien eu du tout. Cela est si vrai, que la grande ligne dont l'honorable M. Loos vient, avec beaucoup de raison, d'énumérer tous les avantages est encore à l'état latent.

La ligne de Lierre à Turnhout va devenir la principale ligne entre la Belgique centrale et la Néerlande, puisque la construction de l'embranchement de Louvain par Aerschot à Herenthals va mettre la plus riche de nos provinces, le Hainaut, en communication directe avec le Brabant septentrional.

Messieurs, il n'est pas vrai que le chemin de fer de Lierre à Turnhout ait fait un seul instant obstacle à l'établissement de la grande ligne d'Anvers au Rhin.

Je vous le demande, messieurs ; comment une ligne verticale peut-elle faire concurrence à une ligne horizontale ?

La ligne d'Anvers au bas Rhin va de l'ouest à l'est ; celle de Lierre à Turnhout va du midi au nord ; cela forme une croix et j'engage l'honorable M. Loos à faire une croix sur ces arguments.

L'honorable M. Loos se trompe, lorsqu'il dit que j'ai combattu la grande ligne du bas Rhin.

Quand l’honorable M. Loos soutenait qu'Anvers devait avoir cette ligne plutôt que toute autre, j’applaudissais et je lui disais : Trouvez un concessionnaire, je serais très heureux de voter cette grande amélioration dans notre réseau.

Mais, messieurs, il n'y avait pas de concessionnaire, et le gouvernement, imbu alors comme aujourd'hui, de quelques idées rétrogrades, ne voulait à aucun prix exécuter cette ligne ; il n'aurait pas même voulu la (page 1795) laisser laisser exécuter par l’industrie privée, de crainte qu'elle ne nuisît aux recettes du réseau de l'Etat, comme si les chemins de fer étaient un moyen de battre monnaie.

Mais il n'en est rien, messieurs, ce sont de grandes améliorations spéciales, de grands instruments de civilisation, presque aussi nécessaires que toutes les autres dépenses qu'un gouvernement fait et doit faire. Je prétends que s'il était démontré qu'une communication ferrée est, non pas nécessaire, mais seulement utile, et que l'industrie privée ne peut pas s'en charger, le gouvernement serait forcé de la faire, de même que nos aïeux construisaient une foule de routes qui ne rapportaient pas le quart des dépenses qu'elles nécessitaient.

Si l'on devait se placer à un point de vue étroit et calculer d'avance par sous et deniers le revenu d'un perfectionnement social, on ne pourrait pas faire un pas en avant, on resterait éternellement stationnaire.

Si nos pères avaient agi ainsi, nous vivrions encore dans les marais et dans les bois, il n'y aurait pas eu de routes construites, pas de canaux creusés. Que les concessionnaires se préoccupent du côté financier de la question des chemins de fer, mais le gouvernement doit se placer à un point de vue plus élevé.

Maintenant, messieurs, j'attends les explications du gouvernement ; j'avoue que celles de l'honorable M. Loos ne m'ont pas satisfait. Il n'a point dit pourquoi il abandonne en ce moment la ligne directe d'Anvers à Düsseldorf.

Cette ligne est indispensable, et je défie qui que ce soit de démontrer qu'elle trouve un obstacle dans la ligne de Lierre à Turnhout.

M. Loos. - Je ne suis pas disposé, messieurs, « à faire une croix » sur mes arguments parce qu'en définitive ils sont vrais et sont restés debout. Lorsque l'honorable M. Coomans et ses amis ont appuyé d'une manière si chaleureuse le chemin de fer de Lierre à Turnhout, j'appuyais une autre direction plus courte et par conséquent plus avantageuse pour la Campine ; eh bien, si la malheureuse ligne qui a été adoptée alors n'existait pas, il est bien certain qu'on adopterait aujourd'hui celle que je proposais.

L'honorable M. Coomans me demande pourquoi je renonce à la ligne directe. Je n'y renonce pas, mais elle ne nous est pas proposée. On vous propose une ligne plus directe que celle qui existe, et je crois que nous aurions grand tort de la refuser ; je l'accepte au contraire des deux mains en attendant que nous obtenions une ligne directe d'Anvers à Düsseldorf.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est uniquement pour donner tout de suite satisfaction à l'honorable M, Coomans, que je demande à parler avant l'honorable M. B. Dumortier.

L'honorable M. Coomans se montre très pressé d'avoir la réponse du gouvernement à la question qu'il a posée et qui est celle-ci : Pourquoi le gouvernement a-t-il exclu la véritable ligne directe d'Anvers vers l'Allemagne, la ligne vers Gladbach ? L'honorable membre a demandé une ou deux bonnes raisons ; je profiterai de la latitude qu'il me laisse et je n'en donnerai qu'une.

M. Coomans. - Si elle est bonne, elle me suffit.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je crois qu'elle est excellente : si la ligne de Gladbach ne figure pas dans le projet de loi, c'est que personne ne s'est offert pour la construire. Si une offre était faite, je m'empresserais de l'accepter. Voilà ma déclaration et ma réponse.

Je pense que je ne puis pas tenir un meilleur langage. Se présentera-t-il quelqu'un ? Ceci est une seconde question ; et à cette seconde question je me sens impuissant à répondre. Cela dépend des appréciations des spéculateurs.

L'honorable membre a reconnu le fondement de la thèse soutenue par le gouvernement, à savoir qu'il n'y a pas incompatibilité entre la ligne qui est concédée aujourd'hui et la ligne dont il parle. Laissez faire, dit-il, la véritable ligne directe, et vous n'en aurez pas moins une concession pour réunir Hasselt à Diest, Diest à Aerschot et Aerschot à Lierre. Mais je puis rétorquer la proposition, l'inverse est vrai ; il n'y a pas d'exclusion pour la ligne de Gladbach, celle de Hasselt étant construite, pas plus que la ligne de Gladbach étant construite, il n'y aurait, d’après l'honorable M. Coomans, exclusion pour la ligne de Hasselt.

Je le répète, dans l'opinion du gouvernement, la ligne dont parle l'honorable membre n'est pas incompatible avec la concession qui est comprise dans le projet de loi.

Si un concessionnaire se présentait dans les conditions requises, le gouvernement s'empresserait de soumettre à la législature les propositions nécessaires pour accorder la concession. Quant à la question de savoir si un concessionnaire se présentera, j'ai déclaré déjà que j'étais dans l'impossibilité d'y répondre.

Quelles sont les probabilités ? Je l'ignore. Sur quelles recettes cette ligne pourrait-elle compter ? De même que la ligne de l'Est, de même que la ligne que nous demandons l'autorisation de concéder, la ligne de Gladbach aurait une double source de recettes, d'abord son trafic local, puis une portion du trafic de transit.

Quelle est l'importance du trafic de transit ? Avant la réforme des tarifs que j'ai introduite l'année dernière, l'importance totale du trafic de transit de marchandises entre Anvers et l'Allemagne par la ligne de l'Est de l'Etat, dans toutes les directions, comportait 300,000 francs doerecette pour le chemin de fer.

J'ai abaissé le tarif de transit parce que la ville d'Anvers se plaignait et qu'elle imputait au gouvernement le déclin de son commerce de transit.

Quoique je ne crusse pas à l'efficacité de la mesure, mais pour prouver à la ville d'Anvers que le gouvernement ne demandait pas mieux que de lui donner satisfaction dans les limites du possible, j'ai réduit le tarif de transit de 40 p. c, réduction énorme.

Mais la recette actuelle du transit d'Anvers vers toutes les parties de l'Allemagne, nord, centre, midi, par Cologne, apportait une somme de 300,000 francs au chemin de fer de l'Etat, avant l'abaissement du tarif ; eh bien, c'est cette recette que les diverses lignes vers l'Allemagne auront à se partager, en ce qui concerne le trafic de transit, à moins que le transit ne prenne un grand accroissement ; elles auront de plus le trafic local. (Interruption.)

Malgré la réduction du tarif, l’importance du trafic de transit est restée stationnaire ; nous attendrons ce qu'une plus longue expérience doit nous apprendre à cet égard ; mais je crains bien que le gouvernement n'ait raison dans la thèse qu'il a soutenue que le déclin du trafic de transit n'est le fait ni des tarifs, ni de l'absence d'une ligne directe, mais celui de l'établissement de voies concurrentes plus courtes à l'étranger, situation contre laquelle nous ne pouvons rien. Quoi qu'il en soit, résumons la situation en deux mots : le gouvernement, en ce qui concerne sa propre ligne, a réduit le tarif d'une manière très notable. Aujourd'hui il concède une ligne plus directe, celle d'Anvers sur Hasselt, et il se déclare prêt à concéder une ligne plus directe encore, si un concessionnaire se présente...

M. Loos. - Je prends acte de votre déclaration.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Quant à la probabilité d'un concessionnaire pour la ligne de Gladbach, je viens d'indiquer la difficulté résultant de la faiblesse du transit.

Il y a un autre point qu'il ne faut pas perdre de vue et qu'il appartient au demandeur éventuel en concession d'aplanir.

Il faut qu'il se présente muni de l'autorisation du gouvernement des Pays-Bas de passer par le territoire néerlandais. Nous attendrons donc l'avenir : et nous verrons s'il s'offrira quelqu'un, pourvu des capitaux nécessaires et muni de l'autorisation du gouvernement néerlandais. En cas d'affirmative, le gouvernement, tel qu'il se présente aujourd'hui devant vous, s'empressera d'accueillir le concessionnaire à bras ouverts.

M. B. Dumortier. - Messieurs, l'honorable M. Loos, dans le discours qu'il vient de prononcer, a accusé mon honorable ami M. Coomans et mes autres honorables amis d'avoir provoqué un fait qui, à ses yeux, serait la cause du dépérissement de la ville d'Anvers. C'est, d'après l'honorable membre, au parti conservateur que l'on doit imputer que la ville d'Anvers ne jouit pas jusqu'ici de l'avantage d'une communication directe avec le Rhin.

Je crois que l'honorable membre a la mémoire un peu courte ; sinon, il devrait se rappeler que le premier tracé qui a été fait, d'un chemin de fer d'Anvers vers le Rhin, a été présenté par mon honorable ami, M. de Theux, au mois de mars ou d'avril 1832, c'est-à-dire il y a plus de trente ans.

Ainsi, ce n'est pas sur nos bancs que l'on s'est opposé au développement du commerce d'Anvers ; tout au contraire, c'est sur nos bancs qu'on a cherché à le favoriser. Ce fait est hors de doute ; chacun de vous peu s'en assurer ; les documents sont déposés à la bibliothèque.

Il est bien vrai que le tracé n'a pas été exécuté ; mais veuillez bien remarquer que c'est à ce tracé qu'a succédé le tracé actuel du chemin de fer par la vallée de la Vesdre, tracé dont l'exécution a coûté d'énormes dépenses, et tout cela nécessairement dans l'intérêt de la ville d'Anvers.

Pour mon compte, j'ai été jusqu'ici, et je ne m'en cache pas, très opposé au redressement dont il s'agit.

J'ai fait remarquer plusieurs fois à la Chambre que ce redressement offrait un grand danger et qu'il diminuerait le revenu du chemin de fer de la Vesdre. Mais aujourd'hui la situation est bien changée. Depuis les concessions qui ont été faites, par Landen, par Hasselt et par Maestricht, (page 1796) il est certain que nous perdons une grande partie du revenu que ce réseau du chemin de fer de l’Etat nous procurait auparavant.

D'un autre côté, M. le ministre des travaux publics vient de nous dire que le trafic de transit ne représente pas un chiffre aussi considérable que nous aurions pu le croire.

Dès lors, l'opposition faite à ce redressement cesse pour mon compte, et je crois pouvoir ajouter, pour mes honorables amis. Nous avions en vue l'intérêt public, et certes si l'Etat a sacrifié au-delà de 30 millions pour la construction du chemin de fer de la Vesdre, nous devions désirer que ce chemin de fer ne fût pas infructueux.

Je me home à ce peu de paroles. Je répète en terminant qu'il est parfaitement injuste d'accuser l'honorable M. Coomans et mes autres honorables amis d'avoir nui aux intérêts de la ville d'Anvers, puisque c'est de nos bancs qu'est venu le premier tracé destiné à relier la ville d'Anvers avec le Rhin.

M. Orts. - Messieurs, un mot seulement, et ce mot je crois devoir le dire dans l'intérêt de tous. J'ai entendu M. le ministre des travaux publics avancer que l'opposition du gouvernement des Pays-Bas à une concession de chemin de fer ou d'autres voies de communication destinés à relier la Belgique à l'Allemagne, en empruntant le territoire hollandais, serait un obstacle à la réalisation de ces projets.

Je crois que le gouvernement néerlandais, s'il manifestait pareille opposition sans motifs légitimes, serait parfaitement dans son tort et commettrait une violation évidente des traités qui ont constitué la nationalité belge en 1831 et en 1839. Ce gouvernement ne peut pas s'opposer à un travail d'utilité publique, à la création d'une voie de communication navigable ou autre empruntant le territoire limbourgeois pour passer de Belgique en Allemagne.

M. Coomans. - Notre droit est stipulé dans le traité.

M. Orts. - Je crois avec l'honorable interrupteur que notre droit est positivement stipulé dans les traités, et c'est contre l'abandon de ce droit que je veux faire, sinon une protestation, au moins une réserve pour qu'il ne soit pas dit que les paroles du gouvernement n'ont rencontré aucune contradiction dans cette enceinte.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable membre n'a pas besoin de faire une réserve. Je n'ai pas dit ce qu'il me reproche d'avoir dit.

Il voudra bien convenir que lorsque le concessionnaire d'un chemin de fer belge veut obtenir l'autorisation de prolonger sa voie sur le territoire néerlandais, il y a quelque formalité à remplir vis-à-vis du gouvernement des Pays-Bas.

J'ai dit que le concessionnaire doit se présenter au gouvernement belge muni de l'autorisation du gouvernement hollandais.

M. Coomans. - C'est à vous de faire valoir vos droits de gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est autre chose.

M. de Boe. - Messieurs, l'heure est avancée, je ne dirai que quelques mots.

Si nous demandons la construction d'un chemin de fer direct d'Anvers vers le Rhin, c'est précisément dans le but de relever ce transit, qu'on dit être si peu considérable, entre Anvers et l'Allemagne. On dit que la totalité de ce transit ne s'élève pas à 300,000 francs par an.

J'ai tout lieu de croire que si nous avions une ligne plus directe vers l'Allemagne, le transit se relèverait rapidement ; je n'en veux pour preuve que le chemin de fer que le gouvernement hollandais construit de Flessingue vers l'Allemagne, et qui serait à peu près parallèle à celui dont nous demandons la construction.

Or, si le gouvernement hollandais fait construire une semblable ligne, c'est qu'il espère qu'elle sera alimentée par un transit rémunérateur.

A diverses reprises nous avons demandé la construction de cette ligne. Cela a fait partie du programme de mesures qu'il y a deux ou trois ans nous avions indiquées à la Chambre comme devant être prises dans l'intérêt d'Anvers, comme pouvant seules relever son commerce.

Je regrette qu'à cette époque comme plus tard lorsque nous sommes revenus sur cette question si importante pour la métropole commerciale de la Belgique, nous n'ayons pas rencontré plus de concours sur les bancs où siègent l'honorable M. Coomans et ses amis.

Je me rappelle qu'il y a deux ans à peine j'ai entendu dire à mes oreilles, surtout du côté de la droite, que la ville d'Anvers demandait beaucoup trop.

M. Coomans. - Jamais je n'ai dit cela.

M. de Boe. - J'espère que l'honorable M. Coomans persistera dans les bons sentiments qu'il vient d'exprimer à l'égard d'Anvers et que lorsque nous discuterons la proposition relative aux servitudes militaires il nous prêtera son appui.

M. Allard. - Il l'a dit assez haut à Anvers.

M. de Theux. - Messieurs, je suis bien persuadé que rien n'empêche que la Belgique construise un chemin de fer dans la direction de Sittard, et que le gouvernement des Pays-Bas ne ferait aucune opposition à l'exécution de cette ligne, d'autant plus qu'il s'est montré très accommodant pour toutes les jonctions de communications internationales.

La meilleure preuve en est la construction du chemin de fer de Maestricht vers Hasselt.

C'est cette direction qui avait été indiquée par le Roi dès son arrivée en Belgique ; c'est celle qui avait été acceptée par les ingénieurs.

Ce seul fait détermine d'une manière assez claire les intentions du gouvernement des Pays-Bas, de sorte que lorsqu'on fera construire un chemin de fer direct d'Anvers à Dusseldorff, on ne rencontrera aucune opposition.

M. Orts. - Messieurs, je n'ai pas dit que M. le ministre avait paru considérer l'opposition du gouvernement des Pays-Bas comme un obstacle insurmontable.

J'ai dit, et je répète, que cette opposition serait, de la part de ce gouvernement, une violation complète de ses obligations de droit des gens, une violation flagrante des traités que nous avons conclus avec lui, que l'on nous avait imposés à tous les deux dans un intérêt européen avant que nous les signions.

Nous avons le droit incontestable de sortir de cette enclave que les traités des 18 et des 24 articles ont créé autour de nous, par l'abandon forcé d'une partie de notre territoire national.

Nous avons ce droit comme tout propriétaire enclavé a le droit de sortir de chez lui pour arriver aux grandes voies de communication générale, et nous l'exerçons d'autant plus équitablement que la barrière à franchir a été violemment distraite de notre légitime propriété.

- La discussion est close.

Le littera A de l'article premier est adopté.

M. le président. - Le bureau a reçu divers amendements qui seront imprimés et distribués.

- La séance est levée à 5 heures.