Accueil
Séances plénières
Tables des matières
Biographies
Livres numérisés Bibliographie et liens
Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Congrès
national de Belgique
Séance du
mardi 28 juin 1831
Sommaire
1) Communications des pièces
adressées au congrès
2) Projets de décrets
relatifs à l’organisation provinciale (P. Claes)
3) Interpellation relative
au droit d’association d’une œuvre caritative (Ch. Vilain XIIII, de Sauvage, Ch. Vilain XIIII, de Theux)
4) Interpellation relative à
la situation de la garde civique dans le Limbourg (Jaminé, Ch. Coppens, Lebeau, Jaminé)
5) Rapport de la députation
du congrès à Londres (de Gerlache)
6) Rapport sur les négociations
avec la conférence de Londres (les dix-huit articles) (Lebeau, notamment
lecture des dix-huit
articles). Demande
d’un comité général (de Robaulx, Seron, Jottrand, Dehaerne, Helias d’Huddeghem, E. de Smet, Lebeau, A. Gendebien, Destouvelles, Van Snick, de Robaulx, Destouvelles, Jottrand, Van de Weyer, Lebeau, Van Meenen, de Robaulx, Jottrand, Van Snick, Lebeau, A. Gendebien, de Gerlache, Ch. de Brouckere, A. Gendebien, Ch. de Brouckere)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société
typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844,
tome 3)
(page 342) (Présidence de M. Raikem, premier vice-président)
- Un
public nombreux, attiré par la nouvelle du retour de la députation du congrès à
Londres, se presse dans les diverses tribunes.
La
séance est ouverte à une heure. (P. V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, lit le procès-verbal ; il est
adopté. (P. V.)
COMMUNICATION DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. d'Hanens-Peers annonce que la goutte
l'empêche de se rendre aux séances du congrès.
- Pris
pour notification. (M. B., 30 juin, et P. V.)
M.
Cellier adresse des observations sur l'article 21 du projet de loi concernant
les distilleries. (P. V.)
-
Renvoi à la section centrale chargée d'examiner ce projet. (P. V.)
M.
Xavier présente des observations sur les traitements et salaires des
fonctionnaires publics.
M. de
Peltier demande une augmentation de pension. (P. V.)
- Renvoi
à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de
l'intérieur, présente 1 ° un projet de décret tendant à empêcher la réunion des
états provinciaux qui devaient s'assembler le premier mardi de juillet ; 2° un
projet de décret sur l'organisation provinciale. Après en avoir exposé les
motifs, l'orateur fait observer que le dernier projet est fort long. Il demande
si le congrès veut en entendre la lecture. (Non ! non ! l'impression !) (M.
B., 30 juin.)
M. Claes (de Louvain) – J'en demande la lecture par
respect pour la publicité. (M. B., 30 juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Il n'y a rien à l'ordre du jour ; je
suis prêt à faire au congrès un rapport sur les négociations traitées à Londres
; mais, par respect pour les convenances, je pense que mon rapport doit être
précédé de celui de la commission que vous avez nommée. Elle est dans ce moment
occupée à rédiger le rapport, elle sera prête à le donner très peu de temps ;
en attendant il convient comme l'a dit le préopinant, par respect pour la
publicité, de donner lecture du projet. (M. B., 30 juin.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de
l'intérieur, donne lecture du projet de décret sur l'organisation provinciale. (M.
B., 30 juin.)
Des voix – L'impression
! l'impression ! (M. B., 30 juin.)
M. Alexandre
Rodenbach – Je demande qu'un exemplaire du projet soit envoyé à chaque
journal. (M. B., 30 juin.)
Un des secrétaires – Cela
se fait toujours. (M. B., 30 juin.)
-
L'assemblée ordonne l'impression et la distribution des deux projets de décret
présentés par M. le ministre de l'intérieur. (P. V.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII – Je demande la permission d'adresser une interpellation
à M. le ministre de l'intérieur sur un acte sorti de ses bureaux, et qui me
paraît fort inconstitutionnel. (M. B., 30 juin.)
M. le président – Vous avez la parole. (M. B., 30
juin.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII – Messieurs, vous savez qu'il existe à Bruxelles une
association patriotique, que cette association a son règlement, ses jours de
réunion, et que chacun de ses membres est astreint à une rétribution mensuelle.
Que penseriez-vous qu'elle fît si (page 343) M. le ministre de
l'intérieur lui enjoignait de lui communiquer son règlement, et de lui rendre
dans le plus bref délai un compte sévère de ses recettes et de l'emploi de ses
fonds ? Vous êtes persuadés, j'en suis certain, que l'association patriotique
renverrait à M. le ministre sa lettre sous enveloppe pour toute réponse. (On
rit.) L'association a bec et ongles pour se défendre (nouveau rire.),
aussi le ministre ne s'attaque pas à elle ; mais que direz-vous quand vous
saurez qu'il s'adresse a de pauvres filles dont toute la profession est la
prière et le soin qu'elles prennent des pauvres ; et qu'il les somme de
lui fournir les comptes du peu qu'elles possèdent et de l'usage qu'elles en
font ? Vous aurez de la peine à le croire ; eh oui, messieurs, on
s'adresse à de pauvres filles qui depuis trente ans sont vexées par tous les
ministres qui se sont succédé, à des filles qui ignorent peut-être jusqu'à
l’existence du congrès, qui ne connaissent du pouvoir que le ministre de
l’intérieur, qu'elles se représentent sans doute comme un ogre créé pour leur
tourment. (Hilarité générale et prolongée.) Ici, le ridicule cesse,
messieurs, et fait place à l’indignation. Je vous le demande, messieurs, quel
besoin M. le ministre a-t-il des règlements d'une maison de religieuses ? A
quoi s'occupe-t-il pendant que la nation se prépare à la guerre ? à faire des
collections de vies de saints (nouvelle hilarité), des vies de
saint Remi, de saint François , de saint Augustin. (L'hilarité va croissant,
M. le ministre de l'intérieur s'agite sur banc.) C'est pitoyable ! Mais ce
qui n'est pas pitoyable, c'est de voir qu'au mépris de la constitution que vous
avez proclamée, on vexe les Belges qui veulent jouir des libertés qu'elle
consacre. J’en viens à l'interpellation que je voulais faire à M. le ministre.
Vous
savez, messieurs, que le roi Guillaume avait permis à certaines associations de
charité d’exister. Il ne les avait pas reconnues comme personnes civiles, mais
il avait suspendu en leur faveur l'article du Code pénal qui défend de se
réunir au nombre de plus de vingt personnes. Le ministre de l'intérieur du roi
Guillaume exigeait que les règlements de ces associations lui fussent
communiqués, ainsi que les comptes de la maison. Le ministre de l'intérieur d'aujourd'hui
continue les errements du gouvernement hollandais. Il exige des sœurs noires et
des sœurs grises (hilarité) ce qu'on exigeait d'elles avant la
révolution. Voici sa circulaire aux gouverneurs des provinces :
« M.
le gouverneur,
« L'article
20 de la constitution, qui reconnaît aux Belges le droit de s'associer, ne
donne point aux associations qui seront formées en vertu de cette disposition,
dans un but religieux, philosophique, industriel, etc., le droit d'acquérir et
de transférer des biens, comme personnes civiles ; elle ne leur
confère aucun privilège semblable, et laisse entière la législation
préexistante à cet égard.
« Quant
aux associations précédemment reconnues comme personnes civiles, elles restent
soumises aux obligations que leur imposent les lois et règlements qui les
instituent.
« Elles
ne peuvent scinder les conditions de leur existence en cette qualité.
« L'arrêté
du gouvernement provisoire, en date du 16 octobre dernier (Bull., n° 12)
ne contient aucune disposition qui confère de plein droit aux associations, les
droits réservés par la loi aux personnes civiles, ou dispense des
obligations qui leur sont imposées les associations déjà existantes et auxquelles
ces droits sont attribués. Cet arrêté n'est donc en rien contraire aux
présentes instructions, que je vous prie, M. ]e
gouverneur, de suivre exactement, relativement aux associations déjà établies
ou qui se forment dans votre province.
« Agréez,
etc.
« Bruxelles,
16 avril 1831.
« Le
ministre de l'intérieur, E. DE SAUVAGE. »
Je ne
contesterais pas, reprend l'orateur, le système du ministre de l'intérieur si
ces congrégations voulaient se constituer personnes civiles. Mais cela n'est
pas ainsi, et il y a de sa part ou ignorance profonde de nos lois, ou volonté
perverse. Ignorance profonde s'il ne sait pas que la loi n'a rien à demander
aux associations qui ne sont pas constituées comme personnes civiles. Volonté
perverse si, connaissant la loi, il emploie un emberlificotage
administratif pour faire croire à de pauvres religieuses qu'elles sont
personnes civiles ! (M. B., 30 juin, et 1er juill.)
M. le chevalier de Sauvage,
ministre de l'intérieur – J'ai le droit de m'étonner,
messieurs, des reproches d'extrême ignorance ou de perversité qu'on m'adresse
en me faisant une interpellation qui pouvait m'être adressée sans l'emploi de
termes que je ne peux regarder que comme offensants. (M. B., 30 juin.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII – Si j'ai dit quelque chose d'injurieux, je le retire.
(M. B., 30 juin.)
(page 344) M. le chevalier de Sauvage,
ministre de l'intérieur – Que vous retiriez ou non des
qualifications injurieuses, je n'y répondrai pas ; je me contenterai de prouver
que vous avez tort et dans la forme et au fond. L'honorable préopinant,
messieurs, a mis la question où elle n'était pas. Je me souviens des
instructions qu'il vient de lire, et je me félicite d'en avoir conservé le souvenir
à travers une foule d'autres affaires administratives. La question qu'il s'agit
de poser est de savoir si parce que la constitution a proclamé la liberté
d'association, les congrégations religieuses doivent échapper à la surveillance
du gouvernement. Il s'agit encore de savoir s'il sera permis à des corporations
religieuses de posséder des biens sans que le gouvernement s'enquière de leur
usage. Je ne conçois pas qu'une corporation possède des biens autrement que
comme personne civile, et je nie que mes instructions aient été adressées à des
corporations qui ne possédaient pas des biens. Eh bien, messieurs, dans cette
hypothèse, je maintiens que j'aurais violé les lois existantes si je n'avais
pas donné ces instructions. L'honorable préopinant s'est mépris étrangement.
Qu'avez-vous dit dans la constitution ? Vous avez proclamé le droit
d'association, qui est le droit de la nature elle-même. Mais avez-vous rétabli
les corporations comme personnes civiles ? Non, mille fois non. L'ignorance
n'est donc pas de mon côté. Selon moi, vous n'avez pas dérogé par la
constitution ni le gouvernement provisoire par son décret du 20 octobre, au
décret de l'Empire de 1809 qui a créé des corporations comme personnes civiles.
Un contrat s'est formé en vertu de ce décret entre le gouvernement et les
corporations possédant des biens ; et je dis aux corporations qui sont dans ce
cas : Si vous possédez des biens, vous ne pouvez pas scinder les conditions de
notre contrat et refuser de vous soumettre à la loi que vous vous êtes imposée.
Voilà, messieurs, les raisons qui m'ont déterminé à donner les instructions
dont on se plaint, .et je ne pense pas avoir mérité aucun des reproches qui
m'ont été adressés. (M. B., 30 juin.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII – M. le ministre a déplacé la question.
Je ne demande pas que les corporations soient considérées comme personnes
civiles ; au contraire, je dis que les corporations ne sont pas des personnes
civiles et que ce n'est qu'un prétexte... (M. B., 30 juin.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de
l'intérieur – Ce n'est pas un prétexte ; je demande seulement si les corporations
auxquelles je me suis adressé ont des biens. Si elles ont des biens, et je
délie qui que ce soit de me dire en face qu'elles n'en ont pas, j'ai dû leur
faire les demandes que j'ai faites. (M. B., 30 juin.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII – M. le ministre demande si les corporations possèdent des
biens. je le renvoie pour toute réponse à ses bureaux
; qu'il voie les comptes rendus de ces corporations, il y verra une colonne
pour les biens et pour les revenus, et au-dessous des mots biens et revenus,
il y verra zéro. Il y a une colonne intitulée : charités publiques ; à
cette colonne il verra tant de florins.
(M. B., 30 juin.)
M.
le chevalier de Theux de Meylandt – je dois relever une erreur échappée à
M. le ministre. Il a dit que toute association qui possédait des biens était
personne civile. Je conteste une pareille assertion. Pour être personne civile,
il faut que la personne soit morte et que la société subsiste ; qu'au décès
d'une des personnes appartenant à l'association, ses parents n'en héritent pas,
mais la société. Des personnes peuvent s'associer et mettre leurs biens en
commun sans être personnes civiles ; il suffit pour cela que les parents
héritent des biens que le défunt avait mis dans la société. C'est ainsi que
vous l'avez entendu lors de la discussion de la constitution. (E., 30 juin.)
M. Jaminé – Je demande la parole. Messieurs, si le
ministre de la guerre était à la séance, je lui adresserais une interpellation
importante ; mais comme je n'ai pas l'honneur de le voir ici, pour lui éviter
la peine de faire le trajet de son hôtel jusqu'au palais National, je vais
faire mon observation, que le bureau voudra bien lui transmettre. Il est
incontestable, messieurs, qu'en cas de guerre, le Limbourg est de nos provinces
plus exposée aux irruptions de l'ennemi. Sur toute la ligne il n’y a pas un
soldat, et au centre de cette ligne cependant se trouvent six mille hommes de
troupes ennemies : je veux parler de la garnison de Maestricht qui, je pourrais
aisément le prouver, augmente de jour en jour. Cependant, l'enthousiasme
révolutionnaire n'est pas éteint dans le Limbourg. Grâce aux administrateurs
des districts, la garde civique est partout organisée ; le premier ban est
entièrement habillé, et en cas de guerre, la patrie peut compter sur les braves
qui le composent ; mais qu'on les arme, car jusqu’ici il y a à peine de quoi
armer un bataillon.. On n’a envoyé à Hasselt et à Ruremonde que neuf cent mille
fusils, on en a réclamé en vain un plus grand nombre ; le ministère a été sourd
à ces réclamations. Si le Limbourg avait des moyens de publicité, je me
tairais, parce que les plaintes consignées dans les papiers publics seraient
arrivées (page 345) jusqu'au congrès, et auraient excité sa sollicitude.
A défaut d'autres moyens de publicité, j'ai dû faire mon observation : j'espère
que le ministre de la guerre en fera son profit. (M. B., 30 juin.)
M. le président – Vous n'avez pas fait de proposition
écrite, je n'ai rien à mettre aux voix. (M. B., 30 juin.)
M. Jaminé – C'est une simple observation je fais.
D'ailleurs les journaux rendront compte de ma réclamation, ainsi mon but se
trouve atteint. (M. B., 30 juin.)
M. Charles Coppens – Je demande
que M. le ministre de la guerre soit invité à se rendre le sein du congrès.
J'ai plusieurs interpellations importantes à lui adresser. (M. B., 30 juin.)
- De
Ce moment quelques membres de la députation envoyée à Londres entrent dans la
salle. MM. de Gerlache, Van de Weyer, Destouvelles, le baron Osy, etc., serrent
la main à plusieurs de leurs collègues. (M. B., 30 juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Messieurs, je ne m'opposerai jamais comme député à ce que le congrès
appelle dans son sein les ministres, pour leur faire les interpellations qu'il
jugera convenables ; les ministres du régent s'empresseront toujours de déférer
aux vœux de l'assemblée, et je ne pense pas que les ministres, : quels qu'ils
soient, aient montré si peu d'empressement d'assister à nos séances pour
légitimer les observations amères qui viennent d'être faites en l’absence d'un
ministre, qui devrait, pour assister toujours à nos séances, abandonner des
travaux qui exigent tous ses moments. J'ajouterai en outre que si on a des
interpellations à faire au ministre de la guerre, il serait imprudent de les
faire en séance publique. (Rumeur.) S'il n'y avait que des Belges dans
cette enceinte, je n'y verrais aucun inconvénient ; mais songez que chacune des
paroles qui retentit dans cette enceinte est rapportée à La Haye ; or,
convient-il de faire connaître par des interpellations indiscrètes nos
ressources au roi de Hollande ? (M. B., 30 juin.)
M. Jottrand – Il les connaît mieux que vous. (M.
B., 30 juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – S’il les connaît mieux que moi, ce
n'est pas par l’indiscrétion du ministère. Du reste, si on veut tirer des
interpellations au ministre de la guerre, qu'on le fasse avertir, mais je ne
doute pas que le congrès ne trouve prudent de l'interroger en comité général. (M.
B., 30 juin.)
M. Jaminé – Je ne sais pourquoi M. le
ministre des affaires étrangères ou le député Lebeau a cru devoir faire sur mon
interpellation au ministre de la guerre des observations qui, selon lui, sont
amères. Je crois avoir suivi l'usage pratiqué jusqu'ici lorsqu'on a voulu faire
des observations à un ministre. J'ai fait observer à celui de la guerre qu'il
fallait des armes pour la garde civique, et ce n'est pas la première fois
qu'une telle demande part du sein de cette assemblée. J'ai ajouté que la ligne
de
M. le président – La parole est à M. de Gerlache. (Vif
mouvement de curiosité, profond silence.) (M. B., 30 juin.)
M. de Gerlache, président de la députation du congrès à
Londres –
Messieurs, j'aurais désiré avoir quelques moments de loisir pour me recueillir,
avant de vous faire mon rapport sur la haute mission dont vous nous avez
chargés. Mais l'impatience bien naturelle que manifestent le congrès et le
public nous détermine à vous faire immédiatement part des pièces dont nous
sommes porteurs. Nous avons été reçus avant-hier seulement chez S. A. R. le
prince de Saxe-Cobourg, entre neuf et dix heures du soir, à l'effet de lui
présenter l'acte solennel du 4 du présent mois, qui l'appelle à régner sur
J'aurai
l'honneur de vous donner lecture, d'abord de la réponse de Son Altesse Royale,
qui accepte le trône aux termes qui vous seront communiqués par les organes du
ministère chargés de négocier avec la conférence de Londres ; et 2° de la
réponse du prince à une lettre de M. le régent. Nous avons cru devoir vous
communiquer cette réponse, parce que Son Altesse Royale y annonce positivement
l'intention de se rendre immédiatement en Belgique, dans le cas où les
propositions de la conférence seraient acceptées par vous.
Quant
à ces propositions elles-mêmes, comme elles n'ont été signées qu'avant-hier assez
tard dans la soirée, à peine les membres de la députation ont-ils eu le temps
d'en prendre connaissance. Je regrette l'absence forcée de quelques-uns de (page
346) nos collègues, qu'une extrême fatigue retient chez eux. Mais au jour
que vous aurez fixé pour la discussion, chacun d'eux s'empressera de rassembler
tous les renseignements qu'il aura pu recueillir pendant son séjour à Londres,
et de vous le communiquer,
Vous
voyez, messieurs, que si nous vous avons laissés jusqu'aujourd'hui dans une
complète ignorance des résultats de notre mission, c'est que nous avons été
nous-mêmes dans une grande ignorance et dans une extrême perplexité jusqu'au
dernier moment. Les seuls faits dont nous ayons eu connaissance tout en
arrivant, et que nous avons individuellement transmis à quelques-uns de nos
collègues, c'est le désir du prince de se rendre au vœu des Belges ; le vif
intérêt, la part personnelle qu'il prend à nos affaires ; les qualités aimables
et estimables qui le distinguent ; cette haute capacité qui comprend les
besoins d'un peuple ami de tous les genres de libertés : tous les membres de
votre commission ont été unanimes sous ce rapport. Avant de vous donner
connaissance de la réponse du prince, je vous demande la permission de vous
répéter les paroles adressées par le président de la députation à Son Altesse
Royale, au nom de ses collègues.
« Discours
adressé à d S. A.
R. le prince Léopold de Saxe-Cobourg
« Monseigneur,
» La
révolution belge est un fait accompli, ce fait a été reconnu par les grandes puissances,
qui ont proclamé l'indépendance d'une nation réunie, contre sa volonté, à une
nation étrangère. Les Belges, en se constituant, ont voulu fonder au dedans les
libertés conquises au prix d'une lutte courageuse, et montrer à l'Europe, par
le choix du souverain destiné à garantir leur existence politique, le vif désir
de concourir à la conservation de la paix générale. Désormais, rendus à
eux-mêmes, invinciblement attachés à leur patrie, au gouvernement qu'elle s'est
donné, ils opposeront une barrière redoutable à quiconque attenterait à leurs
droits, comme nation, et ils contribueront aussi au maintien de l'équilibre
européen.
« C'est
un rare et beau spectacle dans les fastes des peuples que l'accord de quatre
millions d'hommes libres déférant spontanément la couronne à un prince né loin
d'eux et qu'ils ne connaissaient que par ce que la renommée publiait de ses
éminentes qualités. Votre Altesse Royale est digne de cet appel, digne de
répondre à cette marque de confiance. Le bonheur de
« Au
nom et d'après les ordres du congrès national, la députation belge a l'honneur
de remettre à Votre Altesse Royale l'acte solennel du 4 du présent mois, qui
l'appelle au trône de
« DÉCRET
D'ÉLECTION.
« AU
NOM DU PEUPLE BELGE,
« Le
congrès national
« Décrète
:
« Art.
1er. S. A. R. Léopold-George-Chrétien-Frédéric,
prince de Saxe-Cobourg, est proclamé roi des Belges, à la condition
d'accepter la constitution telle qu'elle est décrétée par le congrès national.
« Art.
2. Il ne prend possession du trône qu’après avoir solennellement prêté, dans le
sein du congrès, le serment suivant :
« Je
jure d'observer la constitution et les lois du peuple belge, de maintenir
l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. »
« Charge
le pouvoir exécutif de l'exécution du présent décret.
« Bruxelles,
au palais de
« Le
président du congrès national, E. C. DE GERLACHE,
« Les
secrétaires, membres du congrès national, LIEDTS, NOTH0MB, Vicomte VILA.IN
XIIII, HENRI DE BROUCKERE. »
Réponse
de S. A. R. le
prince Léopold de Saxe-Cobourg
«
Messieurs, je suis profondément sensible au vœu dont le congrès belge vous a
constitués les interprètes.
(page
347) « Cette marque de
confiance m'est d’autant flatteuse qu'elle n'avait pas été recherchée par moi.
« Les
destinées humaines n’offrent pas de tâche plus noble et plus utile que celle
d'être appelé à maintenir l'indépendance d'une nation, et à consolider ses
libertés.
« Une
mission d'aussi haute importance peut seule me décider à sortir d'une position
indépendante, et à me séparer d'un pays auquel j'ai été attaché par les liens
et les souvenirs les plus sacrés, et qui m'a donné tant de témoignages de
sympathie.
«
J’accepte donc, messieurs, l'offre que vous me faites, bien entendu que ce sera
au congrès des représentants de la nation à adopter les mesures qui seules
peuvent constituer le nouvel Etat, et par là lui assurer la reconnaissance des
Etats européens.
«
C’est n’est qu'ainsi que le congrès me donnera faculté de me dévouer tout
entier à
Lettre
de S. A. R. le
prince de Saxe-Cobourg à M. le régent de
« Monsieur le régent,
« C’est
avec une sincère satisfaction que j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite,
datée du 6 juin (L’ouvrage
d’E HUYTTENS reprend en note de bas de page le contenu de cette lettre. Il
n’est pas repris dans la présente version numérisée). Les circonstances qui ont retardé
ma réponse vous sont trop bien connues pour avoir besoin d'une explication.
« Quel
que soit le résultat des événements politiques relativement à moi-même, la
confiance flatteuse que vous avez placée en moi m'a imposé le devoir de faire
tous les efforts qu'il a été en mon pouvoir, pour contribuer à mener à une fin
heureuse une négociation d'une si grande importance pour l'existence de
« La
forme de mon acceptation ne me permettant pas d'entrer dans les détails, je
dois ici ajouter quelques explications. Aussitôt que le congrès aura adopté les
articles que la conférence de Londres lui propose, je considérerai les
difficultés comme levées pour moi, et je pourrai me rendre immédiatement en
Belgique.
« Actuellement,
le congrès pourra d'un coup d'œil embrasser la position des affaires. Puisse sa
décision compléter l'indépendance de sa patrie, et par là me fournir les moyens
de contribuer à sa prospérité avec le dévouement le plus vrai.
« Monsieur
le régent, veuillez agréer l'expression de mes sentiments distingués.
« Londres,
le 26 juin 1831.
« LÉOPOLD.
» (A. C.)
Plusieurs voix – L'impression
! (M. B., 30 juin.)
(page
348) L'assemblée ordonne l'impression du rapport de M. de Gerlache, ainsi
que des pièces qui l’accompagnent. (P. V.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères,
monte à la tribune (profond silence) – Messieurs, par votre décret du 2
juin courant, vous avez adopté les résolutions suivantes :
« Art.
2. Le gouvernement est autorisé à ouvrir des négociations pour terminer toutes
les questions territoriales au moyen de sacrifices pécuniaires, et à faire des
offres formelles dans ce sens.
« Art.
Le
terme du 30 juin ainsi fixé ne m'a point paru exclure la faculté de vous
présenter auparavant le rapport dont parle le décret ; et j'ai cru de mon
devoir de n'apporter aucun retard à des communications que l'état du pays
réclame si vivement.
En
exécution du décret précité, j'ai proposé à M. le régent l'arrêté dont la
teneur suit :
« AU
NOM DU PEUPLE BELGE,
« Nous
baron Surlet de Chokier, régent de
« Sur
le rapport du ministre des affaires étrangères ;
« Le
conseil des ministres entendu ;
« Vu
l'art. 2 du décret du congrès national du 2 juin 1831 ainsi conçu : « Le
gouvernement est autorisé à ouvrir des négociations pour terminer toutes les contestations
territoriales au moyen de sacrifices pécuniaires, et à faire des offres
formelles en ce sens, »
« Avons
arrêté et arrêtons :
« Art.
1er. Sont nommés commissaires près de la conférence de Londres : MM. Paul
Devaux, membre du congrès national et du conseil des ministres, et Nothomb,
membre du congrès national et secrétaire général du ministère des affaires
étrangères.
« Art.
2. Le ministre des affaires étrangères est chargé de l'exécution, etc.
« Bruxelles,
le 4 juin 1831.
« E.
SURLET DE CHOKIER.
« Par
le régent :
« Le
ministre des affaires étrangères, LEBEAU. »
Les
pouvoirs suivants ont été donnés à MM. les commissaires :
« Bruxelles,
le 5 juin 1831.
« Messieurs,
« Le
congrès national, par un décret solennel, a élu comme roi des Belges S. A. R. le
prince de Saxe-Cobourg.
« Une
députation choisie par l'assemblée constituante et législative s'est rendue à
Londres pour offrir au prince la couronne que lui décerne l’immense majorité
des représentants du peuple, interprètes fidèles de l'opinion publique et des
vœux de la nation.
« L'article
2 du décret, en date du 2 juin, autorise le gouvernement à ouvrir des
négociations pour terminer, par des sacrifices pécuniaires, toutes les
contestations territoriales qui existent entre
« Les
cinq grandes puissances de l'Europe représentées par Vos Excellences, réunies à
Londres, n'ont cessé d'interposer leurs bons offices, depuis le mois de
novembre, pour que la révolution belge se terminât sans une nouvelle effusion
de sang, au moyen d'une médiation amicale et bienveillante. La conférence a
ouvert des voies pacifiques où les Belges espèrent que bientôt ils ne
rencontreront plus d'obstacles ; c'est encore par vous, messieurs, que seront
communiquées aux deux parties belligérantes les propositions qui peuvent amener
la conclusion d'un traité définitif.
« M.
le régent de
« J'ai
l'honneur, messieurs, de vous donner connaissance officielle de cet arrêté du
chef de l’Etat, et de vous inviter à vouloir bien donner une entière créance à
tout ce que vous diront MM. Devaux et Nothomb, dans la limite de l'autorisation
contenue en ce décret du congrès national. Ils feront toutes offres de
sacrifices pécuniaires pour obtenir ou conserver la paisible possession des
parties contestées du territoire qui doit composer le royaume de
« Je
prie Vos Excellences d'agréer l'assurance de ma haute considération.
« Le
ministre des affaires étrangères, LEBEAU. »
A
LL. EE. MM. les ambassadeurs et ministres d'Autriche, de France, de
Les
commissaires ont eu différents rapports, tant avec le ministre des affaires
étrangères de
Le 26
juin, les commissaires ont reçu la lettre suivante :
A
MM. Devaux et Nothomb, etc.
« Ministère des affaires étrangères, 26
juin 1831.
« Messieurs,
« J'ai
l'honneur, d'après le désir de la conférence, de vous transmettre une lettre
adressée par la conférence à M. Lebeau, en réponse à la communication de M.
Lebeau à la conférence, communication que vous avez remise entre mes mains il y
a peu de jours.
«
J’ai l'honneur d'être, messieurs, votre très obéissant et humble serviteur,
« PALMERSTON. »
Ils
ont accusé réception de cette lettre dans les termes suivants :
« Londres,
26 juin 1831.
« Milord,
« Nous
avons l'honneur de vous accuser réception de la lettre cachetée que vous avez
bien voulu nous transmettre de la part de la conférence. Nous aurons soin, à
notre arrivée en Belgique, de la remettre à M. le ministre des affaires
étrangères, à qui elle est adressée.
« Agréez,
milord, l'assurance de la haute considération avec laquelle nous avons
l'honneur d'être vos très humbles serviteurs,
« P.
DEVAUX. NOTHOMB.»
A
cette lettre était joint un paquet cacheté à mon adresse, contenant les deux
pièces dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture :
«
Monsieur,
« Nous
avons eu l'honneur de recevoir la lettre, en date du 5 juin, que MM. Devaux et
Nothomb nous ont remise de votre part, et nous croyons devoir vous adresser en
réponse les articles ci-joints que la conférence de Londres vient d'arrêter,
pour être communiqués aux deux parties intéressées. .
« La
conférence considérera ces articles comme non avenus, si le congrès belge les
rejette en tout ou en partie.
« Agréez,
monsieur, l'assurance de notre considération très distinguée.
« Londres,
26 juin 1831.
« ESTERHAZY.
WESSENBERG., TALLEYRAND, PALMERSTON, BULOW, MATUSZEWIC. »
« La conférence, animée du désir de concilier les
difficultés qui arrêtent encore la conclusion des affaires de
» Art.
1er. Les limites de
« Art.
2.
» Art.
3. Les cinq puissances emploieront leurs bons offices pour que le statu quo dans
le duché de Luxembourg soit maintenu pendant le cours de la négociation
séparée, que le souverain de la (page 350) Belgique ouvrira avec le roi
des Pays-Bas et avec la confédération germanique, au sujet dudit Grand-Duché ;
négociation distincte de la question des limites entre
« Il
est entendu que la forteresse de Luxembourg conservera les libres
communications avec l'Allemagne.
« Art.
4. S'il est constaté que la république des Provinces-Unies des Pays-Bas
n'exerçait pas exclusivement la souveraineté dans la ville de Maestricht en
1790, il sera avisé par les deux parties aux moyens de s'entendre à cet égard
sur un arrangement convenable.
« Art.
5. Comme il résulterait des bases posées dans les art. 1 et 2 que
« Art.
« Art.
7. Il est entendu que les dispositions des art. 108 jusqu'à 117 inclusivement
de l'acte général du congrès de Vienne, relatifs à la libre navigation des
fleuves et rivières navigables seront appliquées aux fleuves et aux rivières
qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge.
« La
mise à exécution de ces dispositions sera réglée dans le plus bref délai
possible.
« La
participation de
« L'usage
des canaux de Gand à Terneuze et de Zuid Willems'Vaart, construits
pendant l'existence du royaume des Pays-Bas, sera commun aux habitants des deux
pays ; il sera arrêté un règlement sur cet objet.
« L'écoulement
des eaux des Flandres sera réglé de la manière la plus convenable, afin de
prévenir les inondations.
« Art.
8. En exécution des art. 1 et 2, qui précèdent, des commissaires démarcateurs hollandais et belges, se réuniront, dans le
plus bref délai possible, en la ville de Maestricht, et procéderont à la
démarcation des limites qui doivent séparer
« Ces
mêmes commissaires s'occuperont des échanges à faire par les pouvoirs
compétents des deux pays par suite de l'art. 5.
« Art.
9.
« Art.
10. Par une juste réciprocité,
« Art.
11. Le port d'Anvers, conformément à l'art. 15 du traité de Paris du 30 mai
1814, continuera d'être uniquement un port de commerce.
« Art.
12. Le partage des dettes aura lieu de manière à faire retomber sur chacun des
deux pays la totalité des dettes qui originairement pesait, avant la réunion,
sur les divers territoires dont ils se composent, et à diviser, dans une juste
proportion, celles qui ont été contractées en commun.
« Art.
13. Des commissaires liquidateurs nommés de part et d'autre se réuniront
immédiatement ; le premier objet de leur réunion sera de fixer la quote-part
que
« Art.
14. Les prisonniers de guerre seront renvoyés de part et d'autre quinze jours
après l’adoption de ces articles.
« Art.
15. Les séquestres mis sur les biens particuliers dans les deux pays seront
immédiatement levés.
« Art.
16. Aucun habitant des villes, place, territoires, réciproquement évacués, ne
sera recherché ni inquiété pour sa conduite politique passée.
« Art.
17. Les cinq puissances se réservent de prêter leurs bons offices lorsqu'ils
seront réclamés par les parties intéressées.
« Art.18.
Ces articles, réciproquement adoptés, seront convertis en traité définitif.
« Signé,
ESTERHAZY, TALLEYRAND, PALMERSTON, BULOW, MATUSZEWIC.
« Pour
copie conforme :
« PALMERSTON.
»
Les
commissaires ont eu aussi des rapports fréquents avec le prince ; les détails
de ces rapports trouveront leur place dans un comité général, que le congrès
jugera sans doute nécessaire de fixer à un bref délai.
(M. le
ministre descend de la tribune. Une longue agitation succède à son rapport.)
(M. B., 30 juin, et A. C.)
Des voix – L'impression ! l'impression ! (M.
B., 30 juin.)
M. Alexandre Gendebien
– Je demande
l’impression très prochaine des articles de la conférence sur lesquels surtout
doit porter notre discussion. (M. B., 30 juin.)
M.
Brabant – Je demande qu'on imprime en même temps les articles du
congrès de Vienne auxquels les articles de la conférence se rapportent (M. B.,
30 juin.)
-
L’impression du rapport et des pièces est ordonnée. (P. V.)
M.
le président – Veut-on faire le comité général à midi ? (M. B., 30 juin.)
Plusieurs voix – A demain ! à demain ! (M. B., 30
juin.)
M.
de Robaulx – Je déclare protester contre toute proposition de nous réunir en comité
général. Les communications à faire touchent de trop près les plus chers
intérêts de la patrie, pour que nous devions craindre de les entendre en séance
publique ; et, pour ma part, je déclare ne pas vouloir accepter la
responsabilité d'une décision qui amènerait un comité secret. (Appuyé !
Bravos dans les tribunes publiques.) (E., 30 juin.)
M. Seron, M. Jottrand, M.
l’abbé Dehaerne, M. Helias d’Huddeghem et M.
Eugène de Smet protestent aussi contre la proposition d'un
comité général. (E., 30 juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Il s’agit, en ce moment, non de juger de l'utilité du comité secret, mais
de poser deux questions : Y aura-t-il comité secret ? Quand aura-t-il lieu ?
Pour la date, je me permettrai seulement de faire une observation. {Plusieurs
voix : Le comité de suite ; d'autres voix : Pour demain.) Mon
observation porte sur ce point que plusieurs de nos collègues étant absents,
précisément parce qu'ils ne s’attendent à un rapport que pour le 30, et que,
sans doute, ils ont fixé leur retour pour cette époque, il convient de fixer à
jeudi, 30 juin, le comité général. (E., 30 juin.)
M.
Alexandre Gendebien – Je m'oppose aussi au comité général, parce qu'aux termes où
les négociations en sont arrivées, il ne s'agit plus de communications
mystérieuses ; il faut que la public puisse savoir
d'après quelles indications nous émettrons nos votes. (E., 30 juin.)
M.
Destouvelles, membre de la députation du congrès – Les communications qui doivent
vous être faites sont de telle nature, que le comité
général est nécessaire. D'ailleurs, si après le comité général, le congrès
estime que les communications sont telles qu'elles puissent être rendues
publiques sans danger, il peut ordonner que la séance soit rendue publique. Si
le comité secret n'a pas lieu, le congrès peut être privé de communications
intéressantes. (J. B., 30 juin.)
M. Van Snick – Il ne s'agit
pas de savoir maintenant quels seront nos votes, dont aucun de nous n'entend décliner
la responsabilité ; mais seulement d'entendre des communications qui pourront
peut-être jeter quelques lumières sur la discussion qui devra avoir lieu
publiquement ; discussion à la suite de laquelle nous ferons aussi connaître
publiquement nos votes. (E.. 30 juin.)
M. de Robaulx – Je pose en fait que ce n'est pas au
moyen d'un comité général que nous arriverons à la décision que le pays réclame
; et d'ailleurs nous avons pour nous l'expérience : nous savons où nous ont
conduits non seulement les comités secrets ; mais encore les réunions tenues
hors de cette enceinte. Nous, députés, nous avons été leurrés, et, par un
malheur plus grand encore, la nation peut être victime de ce leurre. On nous a
fait, dans des circonstances que vous vous rappellerez tous, des communications
officieuses, des semi-révélations ; et que s'en
est-il suivi ? que des insinuations ont été faites, et que le mécanisme des
votes travaillé dans les comités généraux n'ont pas toujours été connus. Et
d'ailleurs, des députés ont été par nous envoyés à Londres, ils ne sont que
l'émanation du congrès, qui, lui-même, représente la volonté nationale. La
nation a donc le droit de connaître les communications que notre députation
peut avoir à nous faire, et comme certainement elle n'aura pas agi
contrairement aux intérêts du pays, elle n'a pas de raison pour redouter la
publicité des détails qu'elle a sans doute à nous offrir, surtout lorsqu'ils
sont inhérents à une décision qui importe au plus haut degré la cause de la
patrie. (E., 30 juin.)
M.
Destouvelles, membre de la députation du congrès – J'espère que personne dans cette
assemblée ne nous supposera l'intention de leurrer le congrès, et je pense que
cette expression est échappée à la vivacité d'un collègue que j'estime.
(page
352) Nous avons rempli de notre mieux la mission que vous nous avez
confiée, et notre intention n'est pas de nous écarter de la ligne d'honneur que
nous nous sommes tracée.
De
quoi est-il question ? d'un comité secret. Le règlement l'autorise. Aux termes
de l'article 14 de ce règlement, il suffit que vingt membres le demandent pour
qu'on ne puisse le refuser. Toute la question est donc de savoir s'il y a vingt
membres. Dans ce cas la décision est prise. L'assemblée décidera ensuite si son
intention est que la séance soit rendue publique sur le même sujet qui aura
occupé le comité secret.
En
agissant ainsi, ce ne sera pas leurrer l'assemblée, ce sera exécuter le
règlement.
Songez,
messieurs, que certaines communications peuvent être de nature à ne pas
permettre la publicité. Sans doute, chacun de nous est prêt à prendre la
responsabilité de son vote ; mais l'exécution de l'article 14 du règlement
n'exclut pas cette responsabilité.
Je
persiste dans ma demande d'un comité secret, que je désire voir fixé à jeudi.
(E., 30 juin.)
M.
Jottrand – Je me fais cette demande de savoir s'il y aura dans l'assemblée vingt
membres qui demanderont un comité secret. Quel sera le but d'une pareille
réunion ? de nous donner quelques détails, quelques renseignements
particuliers, je pourrais presque dire d'intérieur sur le prince Léopold ou sur
des personnages diplomatiques qu'on aura vus à Londres. Tout cela est inutile.
L'expérience
des huit mois passés ne nous a que trop prouvé que les actes officiels sont les
seuls à consulter, les seuls qui restent, les seuls conséquents avec eux-mêmes,
et que ne viennent jamais détruire aucunes pièces officieuses.
Cela
posé, il y aurait danger à nous obliger de ne pas tout dire dans la discussion
publique. Il y aurait danger qu'une majorité qu'on peut former, liât dans un
vote secret la minorité de manière à l'empêcher d'émettre solennellement les
motifs de son vote.
J'adjure
les vingt membres qui pourraient se lever pour le comité secret, je les adjure,
par égard pour la minorité, de renoncer à ce projet. (E., 30 juin.)
M. Van de Weyer, membre de la députation du congrès – J'ai donné des garanties de mon
amour pour la publicité, mais je pense que la nature des communications que
nous pouvons faire nous impose la loi de demander le secret.
Si ce
que nous avons à dire était tout à fait officiel, à l'instant même nous
monterions à la tribune, et nous n'aurions pas de raison pour retarder la
publicité.
Mais
nous avons pu recueillir des choses qui sont de nature à jeter quelques
lumières sur votre délibération. En ce moment nous sommes seuls juges du degré
de mystère dont elles doivent être enveloppées. Quand vous les connaîtrez, vous
resterez maîtres de les tenir secrètes ou de les rendre publiques. (E., 30
juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères – Je sais qu'il y a toujours de l'impopularité attachée à la demande du
secret, cependant je ferai remarquer que ces réunions particulières sont
facilement admises en Angleterre et en France (Dénégation.) C'est sur
l'Angleterre que je m’appuie surtout.
Messieurs,
il y a des intérêts étrangers que notre discussion pourrait avertir ; il y a telle
clause sur le sens de laquelle, dans une assemblée secrète, nous pourrons
insister, faire voir la ressource que nous en pourrons tirer ; et sans aucun
doute il y aurait inconvénient à donner connaissance de ces motifs à un cabinet
dont on demande l'acquiescement aux mêmes dispositions.
Je
regarde, comme vous le voyez, au-delà de la frontière.
Par
ces motifs, j'appuie la demande d'un comité général. (E., 30 juin.)
M. Van Meenen – Je
conçois un comité secret, j'en admets même la nécessité dans cette
circonstance. Mais je n'admets pas qu'on puisse imposer la loi de conserver le
secret ; chacun doit rester libre de communiquer ce qu'il peut avoir entendu
dans un comité secret. (E., 30 juin.)
M.
de Robaulx – Vous vous rappelez ici, messieurs, que dans toutes les circonstances je
me suis élevé contre cette manie de comités secrets ; et quelquefois peut-être
vous eu ai-je préservés. Vous vous rappelez que j'ai déclaré que la majorité
pourrait prendre des décisions et les faire exécuter, mais qu'elle n'aurait
jamais la puissance de m'imposer un secret contre ma volonté.
Dans
votre dernier comité encore, quand je tenais à peu près ce même langage, que
m'a-t-on répondu ? que m'a répondu surtout M. Lebeau, que j'interpelle
formellement ici ? Que si je ne voulais pas promettre de garder un secret
absolu, il ne ferait pas au congrès les communications importantes dont il
était maître ; communications qui se sont trouvées n'être que des futilités.
Mais peu importe. Vous avez alors décidé, contrairement à l'opinion qu'émet
aujourd'hui M. Van Meenen, vous avez décidé que le secret serait gardé ; et
vous (page 355) êtes parvenus à mettre ainsi un éteignoir sur ma pensée.
Et qu'est-il arrivé ? Une députation qui était allée à Londres pour préparer
l'élection, nous a fait des quasi-révélations ; elle nous a raconté des
conversations ; et ensuite, lié par ma promesse, je n’ai pas osé réfuter à la
tribune publique les futilités, je dirai presque les niaiseries dont
aujourd’hui nous sommes dupes ; et malheureusement non pas nous seulement,
mais le pays avec nous (Adhésion et applaudissements.)
Je
crains qu'aujourd'hui il n'en soit de même, et qu’une fois engagé dans le
comité secret, on ne prétende encore me faire une loi du silence. Quel est le
but de ce comité secret ? ne vous y trompez pas, c’est de nous habituer à ces
pièces qu'on vient de nous lire, et que je ne peux qualifier autrement que
comme résumé de tous les protocoles que nous a envoyés la conférence. (Adhésion
très prononcée.)
Je me
résume : puisque quelques-uns d'entre désirent un comité général, je ne m'y
opposerai pas, si on l'entend comme vient de le faire M. Van Meenen,
c'est-à-dire si chacun reste maître de ce qu'il aura appris. Mais autrement je proteste
contre de toutes mes forces. (E., 30 juin.)
M.
Jottrand – La publicité ainsi que l'appel nominal ont été
ordonnés dans un but utile. Ce but est que le vote ne puisse pas être
accompagné de restrictions. Si vous ne voulez pas annuler complètement cette
intention, il faut que dès à présent et en même temps qu'on décidera le comité
secret, il faut, dis-je, qu'on décide que la minorité ne sera pas obligée au
secret. (E., 30 juin.)
M. Van Snick déclare que,
tout en demandant le comité secret, il considère les membres de la minorité
parfaitement libres de communiquer tout ce qu'ils y apprendront. (E., 30 juin.)
M. le président demande si vingt membres veulent
faire inscrire leurs noms pour le comité secret. (E., 30 juin.)
M.
Claes (de Louvain), le baron Joseph d’Hooghvorst, Van Hoobrouck de Mooreghem, Marcq, Trentesaux, Picquet, le
baron de Sécus (père), le marquis de Rodes, Gustave de Jonghe, Destouvelles, le
baron de Leuze, le comte Werner de Mérode, Fransman, Delwarde, de Nef, Le Bon,
Van Meenen, Thienpont, Domis et l'abbé Boucqueau de Villeraie, se font
inscrire pour le comité général ; il est décidé qu'il aura lieu. (P. V.)
M.
de Robaulx demande qu'il ait lieu demain. (E., 30 juin.)
M. Lebeau, ministre des affaires
étrangères désire
que ce ne soit qu'après-demain 30. Il se fonde sur ce que plusieurs membres du
congrès ne seraient à Bruxelles que pour ce jour-là. (E., 30 juin.)
M.
A. Gendebien – Nous sommes aujourd'hui cent quarante. Demain nous serons cent quatre-vingts
; et comme il ne s'agit que de recevoir des communications officieuses, nous
saurons bien les transmettre aux quinze ou vingt de nos collègues qui
n'arriveraient que le jour suivant. (E., 30 juin.)
M. de Gerlache, président de la députation du
congrès –
Il faut bien nous donner le temps d'examiner les pièces importantes que nous
vous rapportons. Remarquez que nous n'avons pu en prendre qu'une lecture rapide
à La Haye (on rit)... je veux dire à Londres. Et ce n'est pas
trop de prendre quarante-huit heures. (E., 30 juin.)
M.
de Brouckere – On vient de nous dire que l'objet est grave, et qu'il faut prendre le
temps de méditer et de se préparer ; mais on devrait réfléchir qu'en comité il
n'y a pas de discussion. Quant à moi, j'écouterai et ne dirai pas un mot. Et
effectivement notre rôle devra être de recevoir des communications, de prêter
l'oreille, et rien de plus. Et cela est si vrai, que nous pourrions y procéder
de suite, si ce n'était la fatigue de ces messieurs. Il ne peut être question
de discussion qu'en séance publique. (E., 30 juin.)
M. de Gerlache insiste pour le renvoi jusqu'à
après-demain. (E., 30 juin.)
M. Van
Meenen accède au délai. (E., 30 juin.)
M.
Gendebien prend
de nouveau la parole pour s'y opposer. On fait valoir, dit-il, l'absence de
deux ou trois membres de la députation, mais à coup sûr ils n'ont rien à
apprendre de leurs compagnons de voyage. Et s'ils ont quelque chose à nous
dire, quoique je n'attache aucune valeur à ces communications officieuses, ils
pourront bien nous le dire après-demain.
J'insiste
donc pour que le comité secret ait lieu demain. (E., 30 juin.)
M. le président consulte l'assemblée.
-
L'épreuve est douteuse. (M. B., 30 juin.)
Plusieurs voix – L'appel nominal ! (M. B., 30
juin.)
- On
procède à l'appel nominal ; 142 membres y prennent part : 77 se prononcent pour
que le comité général ait lieu jeudi, 65 pour qu'il ait lieu mercredi
; en conséquence il est fixé à jeudi. (P. V.)
Ont
voté pour que le comité général ait lieu demain mercredi : MM. Watlet, Le
Bègue, Liedts, Joos, Eugène de Smet, Jaminé, Ooms, Jean Goethals, le baron
d'Huart, Dams, Teuwens, Alexandre Rodenbach, Jacques, Vergauwen-Goethals,
Defacqz, Charles Coppens, Drèze, Pirson, Verwilghen,
(page 354), Demelin, de Labeville, de Roo, Bischoff,
Cauvin, Isidore Fallon, le chevalier de Theux de Meylandt, de Robaulx, Geudens,
Camille de Smet, Roeser, Blargnies, Thonus, Jottrand, l'abbé Van de Kerckhove,
l'abbé Dehaerne, Du Bois, Masbourg, Charles de Brouckere, Henri de Brouckere,
d'Elhoungne, Claes (de Louvain), Helias d'Huddeghem, Du Bus, Jean-Baptiste
Gendebien, Delwarde, Beaucarne, de Tiecken de Terhove, Rosseeuw,
Marlet, Brabant, Vander Belen, Fleussu, Claes (d'Anvers), Speelman-Rooman, Van
Snick, Alexandre Gendebien, Maclagan, Louis Coppens, le baron de Sécus (père),
Seron, Picquet, le comte de Robiano, de Nef, Meeûs,
Bredart. (M. B., 30 juin.)
M.
Charles de Brouckere demande que la discussion publique sur l'état des
négociations ait lieu vendredi. (P. V.)
-
Cette proposition est adoptée. (P. V.)
La
séance est levée à cinq heures. (P. V.)