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Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 25 novembre 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à la construction de routes
par l’Etat (de Longrée)
2) Projet
de loi octroyant un crédit au budget du département de la justice pour les
ateliers des prisons (Ernst, de Brouckere)
3) Prise
en compte de naturalisations (Pollénus, de Brouckere, Eloy de Burdinne, Desmanet de Biesme)
4) Projet
de loi relatif aux crimes et délits commis par des Belges à l’étranger. Code
pénal. Discussion générale (de Brouckere, Milcamps, Ernst, de Brouckere, Ernst, Liedts, de Brouckere, Ernst, Gendebien)
(Moniteur belge n°332, du 26 novembre 1836)
M. Verdussen fait l’appel nominal à 1 heure.
M.
Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en
est adoptée.
M. Verdussen présente l’analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le conseil
communal de Boussu demande qu’il soit établi dans cette commune une perception
de poste aux lettres. »
_______________
« Les
fabricants de bonneterie en laine et coton de la ville de Leuze demandent que
la bonneterie étrangère soit frappée d’un droit de 20 p. c. à l’entrée en
Belgique. »
_______________
« Le sieur Callens, chevalier de la croix
de fer, ex-employé au ministère de la guerre, demande un emploi ou une
gratification. »
_______________
« Le sieur Ch. Vanderstraeten, fils,
réclame de nouveau le paiement des quatre années de la pension arriérée due à
feu son père. »
_______________
« Les échevins, des membres du conseil et
notables de la commune de Marche-lez-Ecaussines réclament
contre la pétition de leur bourgmestre et de trois conseillers qui s’opposent
au projet de réunion de cette commune au canton de Soignies. »
_______________
« Le sieur Antoine-François Closset, né à Liége, contrôleur-général de la garantie,
demande à être nommé conseiller à la cour des comptes, en remplacement de M. Bareel, décédé. »
« L’administration communale de Bree
(Ruremonde) demande la construction de la route de Ruremonde à Beeringen. »
_______________
M. de Longrée. - Je demande que les deux
dernières pétitions dont l’analyse vient d’être lue soient renvoyées à la
commission des pétillons avec demande d’un prompt rapport.
- La proposition de
M. de Longrée est adoptée. En conséquence les pétitions qu’il a indiquées sont
renvoyées à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport. Les
autres pétitions sont renvoyées à la même commission purement et simplement.
_______________
M. Verdussen donne lecture d’une lettre de M.
F. de Sécus par laquelle il fait savoir que la perte douloureuse qu’il vient de
faire en la personne de son père le forcera de s’éloigner pour quelque temps
des séances de la chambre.
- Pris pour
notification.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- J’ai l’honneur de présenter, accompagné de l’exposé de ses motifs, un projet
de loi composé d’un article unique, ainsi conçu ;
« Article unique.
Il est ouvert à l’art. 6 du chapitre VIII du budget du département de la
justice pour 1836, un crédit supplémentaire de la somme de 145,000 francs, pour
tenir en activité les ateliers des prisons centrales, etc. »
J’ai eu l’honneur,
dans une circonstance semblable, de proposer le renvoi du projet de loi à la
section centrale chargée de l’examen de mon budget, comme étant encore plus au
courant de la matière. Je crois qu’il y aurait lieu d’ordonner le même renvoi,
le projet présentant une certaine urgence, puisqu’il s’agit de donner du
travail aux ateliers des prisons centrales.
M. de Brouckere. - Je ne m’oppose pas au
renvoi du projet à la section centrale chargée de l’examen du budget de la
justice ; mais je demande qu’il soit entendu que le projet est renvoyé à la
section centrale considérée comme commission et non comme section centrale. Je
fais cette observation de crainte qu’on n’adopte ceci comme antécédent, et
parce qu’une section centrale ne peut s’occuper comme telle que de ce qui a été
examiné par les sections. Au reste, je le répète, je ne m’oppose pas au renvoi
à la section centrale considérée comme commission.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est ainsi que le renvoi a été
prononcé l’année dernière après des explications analogues à celles qui
viennent d’être données par l’honorable préopinant.
- La chambre donne
acte à M. le ministre de la justice de la présentation du projet de loi et de
l’exposé des motifs, et en ordonne l’impression et la distribution, ainsi que
le renvoi à l’examen de la section centrale chargée de l’examen du budget du
ministère de la justice, considérée comme commission spéciale.
PRISE EN COMPTE DE NATURALISATIONS
- La chambre
s’occupe de la demande en naturalisation formée par M. de Jong, capitaine de
navire.
Dans la dernière
séance, un scrutin ouvert sur cette demande ayant été annulé parce que la
chambre n’était plus en nombre suffisant pour délibérer, on ouvre dans celle-ci
un autre scrutin sur cette même demande.
Nombre des votants,
65.
Boules blanches,
61.
Boules noires, 4.
La demande en
naturalisation est prise en considération.
M. Pollénus. - Parmi les demandes en naturalisation
il en est une dont il faudrait s’occuper sur-le-champ ; c’est celle formée par
M. Dezautis, procureur du Roi près le tribunal de
Ruremonde. M. le ministre de la justice et toute la chambre comprendront qu’il
y a des motifs d’urgence pour statuer promptement sur la requête d’un membre de
la magistrature.
M. de Brouckere. - J’appuierai la motion
faite par l’honorable membre, et je la généraliserai ; je crois que la chambre
doit statuer en cette séance sur trois requêtes en naturalisation formées par
des hommes qui appartiennent à la magistrature.
M.
le président. - Y a-t-il opposition ?
De toutes parts. - Non ! non !
M.
le président. - M. Dezautis, faisant fonctions
de procureur du Roi à Ruremonde, a fait une demande en grande naturalisation et
subsidiairement une demande en naturalisation ordinaire ; nous allons d’abord
ouvrir un scrutin relativement à la grande naturalisation.
Nombre des votants,
63.
Boules blanches,
31.
Boules noires, 32.
La demande en
grande naturalisation n’est pas prise en considération.
Un scrutin est
ouvert sur la demande en naturalisation ordinaire formée par le même M. Dezautis.
Nombre des votants,
61.
Boules blanches,
57.
Boules noires, 4.
La demande est
prise en considération.
_______________
Un scrutin est
ouvert sur la demande en naturalisation ordinaire formée par M. Leideman, commissaire de police à Audenaerde.
Nombre des votants,
63.
Boules blanches,
58.
Boules noires, 5.
La demande est
prise en considération.
Un scrutin est
ouvert sur la demande en grande naturalisation, formée par le sieur Bresson
(Jacques), huissier, à Bruxelles, habitant
Nombre des votants,
62.
Boules blanches, 37.
Boules noires, 25.
La demande en
grande naturalisation est prise en considération.
M. Eloy de Burdinne fait observer que sur la liste remise à la
chambre, concernant les naturalisations, il reste des demandes sur lesquelles
on pourrait statuer sur-le-champ.
M. Desmanet de
Biesme croit que la chambre est
assez fatiguée des petites promenades qu’elle a faites pour déposer des boules,
et qu’il conviendrait de s’occuper d’un autre objet à l’ordre du jour, sauf à
statuer sur les demandes en naturalisation à l’ouverture de la prochaine
séance.
M. Gendebien. - Non ! finissons-en
; continuons les naturalisations ; il en reste deux sur la liste.
- La chambre, consultée,
décide qu’elle va procéder aux scrutins sur les demandes en naturalisation.
_______________
Demande en grande
naturalisation formée par M. le comte de Briey (Camille), habitant le
Luxembourg.
Nombre des votants,
60.
Boules blanches,
50.
Boules noires, 10.
La demande est
prise en considération.
_______________
Demande en grande
naturalisation formée par M. Gauthier, actuellement ingénieur à Arlon.
Nombre des votants,
56.
Boules blanches,
40.
Boules noires, 16.
Discussion générale
M.
le président. - M. le ministre de la justice ayant consenti à ce que
l’on considère comme proposition principale le projet de la section centrale,
auquel il se réserve de proposer des amendements, à mesure qu’on en discutera
les articles, la discussion est ouverte sur ce projet.
M. de Brouckere. - Messieurs, les lois
pénales qui régissent
« Tout
Français (je dirai tout Belge) qui se sera rendu coupable, hors du territoire
du royaume, d’un crime contre un Belge, pourra, à son retour en Belgique, être
poursuivi et jugé s’il n’a pas été poursuivi et jugé dans le pays étranger, et
si le Belge offensé rend une plainte contre lui. »
Cet article,
messieurs, renferme, comme je l’ai dit, une exception non seulement aux lois
qui régissent
En effet, elle
renferme deux lacunes ; elle ne prévoit pas le cas où un Belge se serait rendu
coupable d’un délit sur le territoire étranger, l’art 7 ne se servant que du
mot crime, et les lois pénales établissant une différence entre les crimes et
les délits ; or, je ne vois pas de raison pour qu’un délit commis à l’étranger
par un Belge reste plus impuni qu’un crime.
La seconde lacune
consiste en ce que l’article dont je vous ai donné lecture ne prévoit pas le
cas où un Belge se rend coupable à l’étranger d’un crime contre un étranger.
Je crois,
messieurs, qu’on a bien fait de chercher à combler ces deux lacunes, et
j’aurais regardé la loi que le gouvernement nous a présentée comme ne laissant
rien à désirer si elle avait été conçue comme suit :
« Tout Belge
qui se sera rendu coupable hors du territoire du royaume d’un crime ou d’un
délit contre un Belge ou contre un étranger, pourra, à son retour en Belgique,
être poursuivi et jugé, s’il pas été poursuivi et jugé à l’étranger, et si la
partie lésée porte plainte contre lui. »
Cette rédaction,
messieurs, que du reste je présenterai comme amendement, remplit les deux
lacunes que j’ai signalées ; mais on vous demande plus : on voudrait vous faire
adopter une disposition par suite de laquelle le ministère public en Belgique
pourrait poursuivre le Belge qui se serait rendu coupable à l’étranger d’un
crime ou d’un délit, alors même que la partie offensée n’aurait pas porté
plainte ; il faudrait en second lieu, d’après le projet qui vous est soumis,
que lorsqu’un crime ou un délit aurait été commis à l’étranger par un Belge, on
ne se contentât pas des poursuites qui auraient été dirigées contre lui dans le
pays où il se serait rendu coupable, à moins que ces poursuites n’aient lieu
contradictoirement, et qu’un jugement contradictoire ne soit intervenu.
Quant au premier
point, je vous avoue, messieurs, que j’ai eu beau m’interroger, je n’ai pu
découvrir la raison pour laquelle on dispenserait le Belge ou l’étrange,
victime d’un crime ou d’un délit commis sur le territoire étranger, de porter
plainte en Belgique s’il désire que le coupable y soit poursuivi.
Je sais très bien
qu’en règle générale le ministère public peut poursuivre les auteurs de crimes
commis sur le territoire du royaume, sans qu’il soit nécessaire que la partie
lésée porte plainte ; mais pourquoi ? C’est parce que les crimes ou les délits
portant toujours plus ou moins atteinte au bon ordre, à la tranquillité
publique du pays où ils sont commis, il est tout juste qu’on ne laisse à
personne le moyen d’assurer l’impunité à un acte de cette nature. Mais lorsque
le crime ou le délit a été commis à l’étranger, le bon ordre et la tranquillité
du royaume ne sauraient en être affectés. Que lorsque le Belge ou l’étranger
qui aura été lésé demande satisfaction, on lui fasse justice, je le veux aussi
bien que le gouvernement ; mais pourquoi lui donnerait-on satisfaction
lorsqu’il ne la demande pas ; quel est le motif qui nous engagerait à changer
la législation existante à cet égard ? J’ai examiné attentivement l’exposé des
motifs que nous a soumis M. le ministre de la justice, et je n’y ai point
trouvé une seule ligne qui justifiât l’innovation qu’il veut introduire.
D’ailleurs, messieurs, je vous prie de remarquer que si en règle générale une
plainte n’est pas nécessaire pour la poursuite des crimes et délits commis sur
le territoire du royaume, il est cependant des cas où il n’est pas exigé de
plainte : ainsi, par exemple, pour certains délits de chasse, certains délits
ruraux, et d’autres encore que je ne pourrais énumérer, le ministère public ne
dirige de poursuite que lorsqu’il y a plainte de la partie lésée, et cela parce
qu’on a regardé ces sortes de délits comme ne portant pas atteinte à l’ordre
public ; or si cela est vrai pour certains délits commis sur le territoire du
royaume, ce l’est à plus forte raison pour les crimes et délits commis à
l’étranger.
Remarquez,
messieurs, qu’un délit commis par un Belge à l’étranger peut être tellement
minime que la plus légère satisfaction donnée à la partie offensée lui fasse
désirer elle-même qu’aucune suite ultérieure n’y soit donnée. Eh bien, si vous
adoptez le projet qui vous est soumis, il ne dépendra pas même de la partie
offensée d’arrêter les poursuites du ministère public, qui pourra, s’il le
désire, faire une affaire sérieuse d’un simple délit qui ne valait pas la peine
d’être révélé au public et dont la partie offensée elle-même ne juge pas
nécessaire de demander satisfaction.
Mais pour qu’une
poursuite ne puisse pas être intentée en Belgique, faut-il qu’un jugement
contradictoire soit intervenu à l’étranger ? En d’autres termes, celui qui aura
été jugé par contumace à l’étranger pour un crime commis à l’étranger, peut-il
encore être jugé contradictoirement en Belgique pour le même crime ? Le
gouvernement nous dit par l’organe de M. le ministre de la justice que si vous
ne permettez pas de poursuivre les individus qui se sont rendus coupables d’un
crime à l’étranger, et qui n’y ont été jugés que par contumace, toute la loi
sera illusoire ; mais, messieurs, je ne vois pas que la loi serait pour cela
illusoire, car si le ministère public en Belgique veut exercer des poursuites
contre un coupable, il suffira qu’on en donne avis aux autorités du pays où le
crime a été commis, pour que ces autorités abandonnent toute poursuite par
contumace.
Si vous admettez,
messieurs, le principe du gouvernement, il en résultera que pour un seul et
même fait un individu pourra être condamné deux fois : une première fois par
contumace, et une seconde fois contradictoirement.
Il pourrait encore
en résulter d’autres inconvénients : un même fait pourrait, par exemple, donner
lieu à un acquittement à l’étranger et à une condamnation en Belgique.
Cependant, messieurs, je conviens que le projet de loi de la section centrale
remédierait à ce dernier inconvénient, puisque l’article 3 de ce projet est
conçu en d’autres termes :
« Les
dispositions ci-dessus ne seront pas applicables, lorsque le Belge aura été
poursuivi et jugé en pays étranger ; à moins qu’il ne soit intervenu une
condamnation, par contumace ou par défaut, auquel cas il pourra être poursuivi
et jugé en Belgique. »
Ainsi, messieurs,
d’après le projet de la section centrale, le coupable ne pourrait être
poursuivi que pour autant qu’il ne fût pas intervenu une condamnation par
contumace. Mais je signalerai des inconvénients qui ne peuvent manquer de se
présenter et que le projet n’a pas prévus. Par exemple, un meurtre aura été
commis en Prusse ; celui qui en sera prévenu sera poursuivi de ce chef par
contumace et en sera reconnu l’auteur, mais il sera établi en même temps qu’il
y a des circonstances très atténuantes, et le tribunal prussien n’appliquera
par conséquent que le minimum de la peine.
S’il est jugé pour le même fait en Belgique, le jury sera peut-être
d’une autre opinion, trouvera qu’il y a eu meurtre sans provocation, et
condamnera le prévenu aux travaux forcés à perpétuité. Voilà un Belge contre
lequel deux condamnations auront été prononcées simultanément par deux
tribunaux et pour le même fait ; en Prusse, par exemple, il sera condamné à un
mois de prison, et en Belgique aux travaux forcés à perpétuité. Je ne me
dissimule pas que les inconvénients dont il est parlé dans l’exposé des motifs
du projet du gouvernement sont assez graves ; mais je prétends que celui que
j’ai signalé et qui serait le résultat de l’adoption du projet de loi, tel
qu’il est conçu, présente un caractère plus grave, en ce qu’un Belge pourrait
être condamné deux fois et pour le même fait.
D’après ces motifs,
je déposerai sur le bureau l’amendement dont j’ai donné lecture à l’assemblée,
et qui me semble remplir suffisamment les lacunes que la législation existante
peut offrir sur la matière.
- L’amendement de
M. de Brouckere est appuyé.
M. Milcamps. - Messieurs, la lecture des projets
de loi relatifs aux crimes et délits commis par des Belges sur des territoires
étrangers m’a fait faire quelques remarques que j’éprouve le besoin de vous
soumettre.
En principe
général, le droit de poursuivre un crime ou un délit n’appartient qu’au juge du
territoire sur lequel le crime ou le délit a été commis.
A ce principe nos
lois actuelles apportent deux exceptions, qui sont renfermées dans les articles
5, 6 et 7 du code d’instruction criminelle.
Par les projets de
loi qui nous sont soumis, on ne touche point à l’exception posée dans les
articles 5 et 6 dudit code, mais on nous propose d’abolir l’art. 7, qui est
ainsi conçu :
« Tout
Français qui se sera rendu coupable, hors du territoire de l’empire, d’un crime
contre un Français, pourra à son retour en France y être poursuivi et jugé,
s’il n’a pas été poursuivi et jugé en pays étranger, et si le Français offensé
rend plainte contre lui. »
Vous remarquerez,
messieurs, ainsi que je l’ai fait, que si l’on nous propose d’abolir l’art. 7,
ce n’est pas parce qu’on en trouve la disposition trop rigoureuse. C’est au
contraire pour remplacer cet art. 7 par des dispositions plus larges.
L’art. 7 du code
d’instruction criminelle n’autorise l’exercice de l’action publique dans le cas
qu’il prévoit que lorsqu’il y a plainte de l’offensé, tandis que les nouvelles
dispositions qu’on nous propose n’exigent plus cette plainte. Je n’oppose rien
à ce changement qui ne fait que placer le prévenu dans le droit commun.
Mais le même art. 7
n’autorise des poursuites que contre le Belge qui s’est rendu coupable, hors du
territoire du royaume, du crime contre un Belge, tandis que les projets de loi
en discussion autorisent de plus des poursuites contre le Belge qui se sera
rendu coupable, hors du territoire, d’un crime contre un étranger. A la vérité,
dans ce dernier cas, il faut qu’il y ait plainte de l’étranger offensé ou avis
officiel des autorités du territoire sur lequel le crime a été commis.
Mais vous
remarquerez, ainsi que je l’ai également fait, que le Belge qui se rend coupable
d’un crime ou d’un délit sur un territoire étranger, en France contre un
Français, par exemple, est soumis aux tribunaux criminels de
Ainsi,
indépendamment de cette sujétion aux tribunaux criminels de
Je ne conteste pas
à la législature le droit d’accorder cette juridiction à nos tribunaux.
Admettons, avec l’honorable rapporteur de la section centrale, que chaque
nation a le droit de punir ses sujets qui, après s’être rendus coupables d’un
crime hors du territoire, sont arrêtés dans leur patrie. Mais, en partant de
ces idées, supposons que nos tribunaux aient prononcé l’acquittement d’un Belge
accusé d’un crime ou d’un délit commis sur un territoire étranger, contre un
étranger : ce Belge ne demeurera-t-il pas soumis à la juridiction du juge du
territoire sur lequel le crime ou le délit a été commis ?
N’exposerez-vous
pas cet accusé à subir deux jugements sur le même fait, contre la maxime
triviale, mais constante, « non bis in idem » ? Il n’existe, je pense,
à cet égard, aucun principe de nation à nation, ni aucune loi positive qui
affranchisse l’accusé des poursuites du juge du territoire ; cependant on peut
penser que le juge du territoire étranger sur lequel un crime aurait été
commis, n’en connaîtrait plus si le juge du lieu où le prévenu a été trouvé y
avait statué ; et cela par analogie d’une décision très ancienne, puisqu’elle
date du 31 août 1811, portant « qu’on ne peut se pourvoir en France pour raison
d’un crime commis en pays étranger, lorsque les juges du lieu du délit y ont
statué ; » et par analogie de l’art. 7 du code d’instruction criminelle,
qui a érigé cette décision en loi.
Mais si cette
objection ne doit pas faire impression, ne s’en présente-t-il pas d’autres ?
Ecoutons
l’honorable rapporteur de la section centrale. Ne serait-ce pas bouleverser
toutes les notions reçues, de permettre qu’on poursuive et qu’on punisse en
Belgique un fait commis par un Belge contre un étranger dans un pays où
peut-être ce fait n’est puni d’aucune peine, ou n’est puni que d’une peine
infiniment plus douce que celle comminée par nos lois ? Et cependant telle est,
dit le rapporteur de la section centrale, la portée du projet de loi présenté
par le gouvernement.
Mais comment cette
objection n’a-t-elle pas fait reculer la section centrale ?
Est-ce parce que le
projet du gouvernement ne fait aucune distinction des crimes et des délits,
c’est-à dire de leur gravité ?
Mais si, lorsqu’on
examine le projet du gouvernement, l’objection résultant de la diversité des
lois chez les deux peuples a de quoi effrayer, il en doit être de même
lorsqu’on jette les yeux sur le projet de la section centrale qui accorde à nos
tribunaux juridiction pour punir des crimes et des délits qui emportent la
peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, des travaux forcés à temps,
d’emprisonnement.
A mon avis,
l’objection présentée par M. le rapporteur et tirée de la diversité des lois me
paraît agir aussi puissamment contre le projet de la section centrale que
contre le projet du gouvernement, et elle subsiste dans toute sa force, car je
ne reçois pas pour réponse à cette objection la distinction des crimes qui, par
leur énormité, attaquent les fondements de la société ; le principe que chaque
nation a le droit de punir ses sujets qui commettent des crimes hors du
territoire et sur des territoires étrangers, pour empêcher qu’ils ne viennent
commettre les mêmes crimes dans leur pays, ce principe s’applique aussi bien au
projet du gouvernement qu’à celui de la section centrale. Je reconnais néanmoins
que le projet de la section centrale renferme des améliorations en ce qu’il
restreint la juridiction qu’il accorde à des crimes déterminés.
Mais il existe
d’autres objections.
Un Belge domicilié
en pays étranger, ou y résidant momentanément, s’y rend coupable d’un crime
contre un étranger ; il fuit les tribunaux de ce pays et revient dans sa
patrie. Sur la plainte de l’étranger offensé ou sur l’avis officiel des
autorités du pays de l’offensé, on commence des poursuites contre lui ; il
paraît devant ses juges et il leur dit : « Que me voulez-vous ? pourquoi m’enlevez-vous ma liberté ? me
suis-je rendu coupable de quelque forfait pendant le temps que j’ai vécu dans
ma patrie ? Si le crime dont je suis accusé, je m’en étais souillé dans ma
patrie, vous seriez mes juges naturels, mais il s’agit d’un crime commis à
l’étranger ; vous n’avez ni les mêmes lois, ni la même autorité, ni les mêmes
moyens de reconnaître l’innocence. Les témoins qui doivent prouver mon crime,
d’où les ferez-vous venir ? Les recevrez-vous de la main de mon accusateur ?
Les ferez-vous venir de l’étranger ? Mais comment pourrez-vous vous assurer, à
cette distance, que la main qui vous les présentera ne les aura pas corrompus ?
Mais puisque, dans les faits même qui se passent sous vos yeux vous voyez la
vérité s’égarer et se perdre dans les témoignages des hommes, comment osez-vous
espérer qu’elle arrivera pure et sans altération jusqu’a vous en traversant les
mers et les royaumes ? Quelle possibilité aurai-je d’opposer aux témoins qui m’attaquent
des témoins qui me défendent ? Mais les juges devant lesquels l’accusé tiendra
ce langage oseront-ils le condamner ?
Voila bien des inconvénients ; faut-il donc pour ces inconvénients
rejeter le projet de loi qui nous est soumis ? Je ne balancerais pas à voter le
rejet si notre constitution autorisait l’extradition d’un Belge qui aurait
donné en pays étranger le scandale d’un grand crime. L’extradition me paraît
plus dans la nature des choses. En mettant le pied sur le sol d’un empire
étranger, le Belge se soumet volontairement aux lois de police et de sûreté de
cet empire. C’est là le droit de tous les peuples. Mais la réciprocité dont
l’effet s’étend au droit et à la police d’un autre Etat, étant de convention,
et pareille convention, du moins en ce qui concerne l’extradition, ne nous
étant pas permise, je sens la nécessité d’une loi dans le sens de celle qu’on
nous propose ; mais, si j’y donne mon assentiment, c’est pénétré de cette idée
que la crainte des supplices empêche qu’il ne se commette une infinité de
crimes ; c’est parce que l’exercice des poursuites est facultatif ; c’est parce
qu’il existe des dispositions analogues dans d’autres pays ; c’est enfin parce
que la loi ne doit atteindre que des grands coupables.
Cependant je désire voir disparaître du projet de loi de la section
centrale les mots : « si l’étranger offensé rend plainte. » Je
n’admets point qu’un étranger puisse, par une plainte, saisir nos juges de la
connaissance du crime ou du délit commis par un Belge à son préjudice ; j’exigerais
seulement l’avis des autorités étrangères, qui, avant que de le donner, auront
probablement constaté le corps du délit et commencé une instruction. Ce sera là
une garantie qu’on ne fera pas peser légèrement sur le Belge accusé d’une
prévention de crime ou délit.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, comme la plupart des
observations qui viennent d’être faites se rapportent aux articles du projet de
loi, si la chambre le désire, j’attendrai que la discussion s’établisse sur les
articles.
M. de Brouckere. - Messieurs, il m’est assez
indifférent que M. le ministre de la justice réponde maintenant ou plus tard
aux observations que j’ai présentées. Je lui ferai seulement observer que, dans
mon intention, mon amendement doit remplacer tout le projet, c’est-à-dire ou
l’article unique du projet du gouvernement, ou les trois articles du projet de
la section centrale.
- La chambre passe
à la discussion des articles du projet de loi.
Discussion des articles
Article premier
« Article
premier. L’art. 7 du code d’instruction criminelle est abrogé et remplacé par
les dispositions suivantes :
« Tout Belge
qui se sera rendu coupable, hors du territoire du royaume, d’un crime ou d’un
délit contre un Belge, pourra, s’il est trouvé en Belgique, y être poursuivi,
et il y sera jugé et puni conformément aux lois en vigueur dans le
royaume. »
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je discuterai les
deux questions soulevées par l’honorable préopinant. Suivant lui, pour que la
poursuite puisse avoir lieu contre un Belge du chef d’un crime commis à
l’étranger, il est nécessaire qu’une plainte soit faite par l’individu offensé.
Je crois,
messieurs, qu’il est beaucoup plus conforme aux principes généraux du droit
pénal, plus conforme à l’intérêt de
Le gouvernement
vous l’a dit, messieurs, dans l’exposé des motifs du projet de loi :
« Les nations
sont solidaires pour la conservation des principes fondamentaux de la société
politique ; l’ordre public est essentiellement troublé par la présence
d’un homme souillé par un assassinat, et à qui la loi accorderait un brevet
d’impunité. »
Messieurs, ce n’est
pas une simple hypothèse : un individu qui avait commis un horrible assassinat
à Aix-la-Chapelle se trouve réfugié sur les frontières ; il y jouit d’une
scandaleuse impunité.
Pourquoi exiger une
plainte ? La poursuite du crime n’a pas lieu dans l’intérêt de l’offensé, mais
dans l’intérêt de la morale publique, pour prévenir les récidives et la
contagion du mauvais exemple.
D’ailleurs, si
l’assassinat, si l’empoisonnement est consommé, la plainte de l’offensé est
impossible. Et il en résultera que plus le forfait est grand, plus il y aura de
garantie d’impunité. Car on a interprété l’art. 7 du code d’instruction
criminelle dans ce sens que la plainte ne peut être faite par la famille de la
victime.
Et quand même les
parents pourraient faire la dénonciation, si un homme qui est tombé victime
d’un assassinat appartient à une famille pauvre, ou indifférente, il n’y aura
ordinairement pas de plainte, par conséquent pas de poursuite, et les crimes
les plus atroces resteront impunis.
Ces motifs
acquièrent surtout la plus grande force quand on les applique à
« Quel serait
l’avenir d’un petit pays, composé presque exclusivement d’une lisière de
frontières, et dont le code proclamerait l’impunité des nationaux qui, après
avoir commis les crimes les plus noirs au-delà des limites du pays, viendraient
se réfugier en deçà ? »
C’est véritablement
parce que la nation belge se trouve incessamment confondue avec les nations
voisines, qu’il importe de poursuivre les crimes commis à l’étranger, qu’il y
ait plainte ou non.
On a prétendu que
le ministère public poursuivrait avec trop de facilité ; cette crainte ne
paraît pas fondée. Les officiers du parquet ne seront pas tentés de rechercher
les délits commis au-delà des frontières ; ces poursuites présentent beaucoup
d’embarras, à cause de l’éloignement des témoins, de la difficulté de réunir
tous les éléments de conviction. Qu’il me soit permis, messieurs, de rappeler
ce que j’ai dit à cet égard dans les motifs du projet :
« Dans tous
les cas, la poursuite sera purement facultative ; car s’il est d’une impérieuse
nécessité de réprimer les délits commis en Belgique, il n’en est pas de même de
ceux qui ont été commis à l’étranger. Si les faits ont peu de gravité, s’ils
sont restés longtemps inconnus, si la preuve est difficile et incertaine, s’il
n’y a ni plainte ni scandale, il n’y aura pas de poursuite. »
Je passe à la
deuxième question posée par l’honorable préopinant.
Le condamné par
contumace en pays étranger pourra-t-il être jugé en Belgique ?
Je défends
l’affirmative avec la section centrale.
Un Belge a commis
un crime dans un pays voisin ; il a été condamné par contumace dans ce pays ;
eh bien ! cette condamnation est à son égard comme si elle
n’existait pas, car il n’est pas à supposer que le coupable retourne dans un
pays où l’attend la punition de son crime ; il restera donc impuni ; et
pourquoi ? parce qu’il a été appelé devant la justice
et qu’il ne s’y est pas présenté.
Si l’accusé était
arrêté sur le territoire où il a commis le crime, il serait jugé une seconde
fois contradictoirement. De quoi aura-t-il donc à se plaindre si on le poursuit
en Belgique ? Il sera jugé dans le pays, par ses pairs et sous la garantie des
formes protectrices de nos lois.
L’on peut dire avec
fondement qu’on rendrait la loi illusoire, en permettant qu’une condamnation
par contumace à l’étranger effaçât toute possibilité de poursuite dans le pays.
Quelle satisfaction avons-nous donc, à l’égard de l’assassin dont j’ai parlé,
qu’une condamnation par contumace ait été prononcée contre lui à quelques
lieues de l’endroit où il est actuellement réfugié ? La condamnation par
contumace est une présomption de culpabilité, et l’impunité serait d’autant
plus scandaleuse.
Il ne tient qu’à
lui d’effacer cette présomption en se présentant devant ses juges naturels. Il
sera défendu, les preuves seront produites, les témoins seront entendus, ce qui
n’a pas eu lieu lors de la condamnation par contumace.
Qu’importe qu’il y ait une différence entre la peine prononcée par
contumace et celle prononcée par le jugement contradictoire ? Il serait
extraordinaire que le même jugement intervînt dans les deux cas, puisque dans
l’un, dans le jugement par contumace, il n’y a pas eu, pour ainsi dire, de
débats. Car on sait ce que c’est qu’un jugement par contumace. On n’entend ni
témoins ni défense. On nous objecte qu’il est encore d’autres cas où on ne peut
atteindre les coupables. Mais permettez-nous au moins de réprimer les crimes
quand rien ne s’y oppose. S’il y a prescription, il faut bien que les
magistrats se taisent ; si le coupable a été condamné contradictoirement en
pays étranger et parvient à s’évader, nous ne pouvons pas le poursuivre. Je le
reconnais, ce cas ne m’a pas échappé ; je voudrais que pour ce cas la justice
ne fût pas désarmée, je voudrais que ce coupable ne pût pas rester impuni.
J’ai retourné la
question sous toutes ses faces ; je n’ai pas trouvé de moyen pour atteindre un
scélérat condamné à l’étranger, qui serait parvenu à s’évader. Mais quand le
coupable a été condamné par contumace, je ne vois aucun motif pour ne pas le
poursuivre en Belgique.
M.
Liedts, rapporteur. - Messieurs, je vois avec plaisir que personne
n’attaque les principes de la loi. C’est qu’en effet il est impossible d’en
contester l’utilité. On conçoit qu’on puisse se passer d’une loi semblable dans
un grand pays comme
Un pays comme
celui-là ne serait pas destiné à vivre. Il ne serait pas digne de figurer parmi
les nations de l’Europe.
M. le ministre de
la justice, dans son projet, met sur la même ligne le crime commis à l’étranger
par un Belge sur un compatriote ou sur un étranger. La section centrale, comme
vous avez pu le voir, a établi une distinction entre ces deux cas.
Quand un Belge a
commis, au préjudice d’un Belge, un crime ou un délit, la section centrale veut
que le Belge accusé puisse, à son retour, être poursuivi en Belgique, s’il n’a
pas été jugé dans le pays où le crime a été commis. L’honorable M. de
Brouckere, se rapprochant en cela du projet du gouvernement, veut que dans tous
les cas où il n’y a pas eu jugement dans le pays où le fait s’est passé, le
Belge accusé puisse être poursuivi à son retour dans son pays, que la victime
soit Belge ou étrangère.
Pourquoi doit-on
établir une différence entre le cas où l’individu lésé est un Belge et celui où
c’est un étranger ? Pour moi, je trouve plus d’un motif ; ils n’ont pas échappé
à la section centrale.
Quand c’est un
Belge qui a été victime du crime ou du délit commis à l’étranger par un Belge,
Quand c’est un
étranger qui est victime du crime ou du délit commis à l’étranger par un Belge,
ce n’est plus tant de punir l’outrage commis vis-à-vis de l’étranger que la loi
a en vue mais d’éviter le scandale d’un assassin, d’un grand coupable venant
après son crime se promener impunément au milieu de nous.
Un second motif qui
me paraît déterminant pour établir la distinction que propose la section
centrale, c’est que si on ne l’admettait pas, on serait plus soigneux de la
propriété des étrangers que de la propriété et de la personne des indigènes. En
effet, la loi d’extradition ne permet d’extrader que dans les cas qu’elle
détermine.
Or, un étranger
pourrait commettre à l’étranger un délit au préjudice d’un Belge sans pouvoir
être livré aux tribunaux de son pays. Je suppose, par exemple, qu’un étranger
ait fait des blessures à un Belge, ce qui n’est qu’un délit, si ces blessures
n’ont pas occasionné une incapacité de travail de 20 jours, eh bien, cet
étranger pourra, en se sauvant en Belgique, obtenir l’impunité, car vous ne
pouvez pas ordonner une extradition pour ce simple délit. D’un autre côté, vous
ne pourrez pas le punir en Belgique, parce qu’il est étranger.
Ainsi, d’après
l’amendement de M. de Brouckere, le délit commis par un Belge vis-à-vis d’un
étranger serait puni, tandis que le délit commis par un étranger vis-à-vis d’un
Belge resterait impuni. Car vous ne pourriez le livrer aux tribunaux du lieu où
le délit a été commis ; la loi d’extradition s’y oppose, et vous ne pourriez le
livrer à nos tribunaux, puisque nos lois ne lui seraient pas applicables.
Il faut qu’il y ait
égalité parfaite, que la personne et les biens des nationaux soient autant
protégés par notre loi que la personne et les biens des étrangers.
Il importe peu que
la loi s’occupe de simples délits dont des étrangers auraient à se plaindre ;
car souvent ce qui est délit dans un pays n’est pas défendu dans un pays
voisin. Le projet de M. de Brouckere présente cette anomalie qu’un Belge
pourrait être puni en Belgique pour un fait qui y est défendu, et qui est
permis dans le lieu où il s’est passé.
Par exemple, ici
nul ne peut chasser sans permis de port d’armes ; eh bien, si un Belge allait
chasser sur les terres d’un seigneur de Prusse où le port d’armes n’est pas
exigé, ce Belge pourrait être puni pour avoir chassé sans port d’armes hors des
frontières. Je sais que telle n’est pas l’intention de l’honorable préopinant,
mais c’est là que conduirait le texte de son amendement.
Je crois que la
section centrale a fait sagement d’établir une distinction entre le cas où
l’individu lésé est Belge et celui où il est étranger.
Quand c’est un
Belge qui a été victime du crime ou du délit commis par un Belge à l’étranger,
l’auteur est aussi coupable que si le fait s’était passé dans le pays même ;
pour être hors des frontières, il n’en reste pas moins soumis aux lois de son
pays, de même que le Belge lésé reste sous leur protection. Le coupable doit
donc, dans ce cas, être puni de la même manière que si le crime ou délit avait
été commis en Belgique.
Vous avez vu que
l’honorable M. de Brouckere exige dans tous les cas une plainte pour qu’on
exerce des poursuites. Pourquoi, dit-il, exiger cette plainte quand c’est un
étranger qui est victime, et ne pas l’exiger quand c’est un Belge ? Je pourrais
faire à l’honorable membre la même réponse que tout à l’heure. C’est que, dans
le second cas, il s’agit d’actes commis par un Belge vis-à-vis d’un Belge et
que les lois doivent dans ce cas recevoir leur exécution comme si les faits
s’étaient passés à l’intérieur.
Si nous ne
punissons pas les méfaits de cette nature tant que leur auteur reste en pays
étranger, c’est parce que nous sommes dans l’impossibilité de le faire ; mais
quand l’auteur de ces faits revient au milieu de ses compatriotes, la justice
ordinaire doit avoir son cours.
Un autre motif,
pour ne pas exiger de plainte dans ce cas, c’est que lorsqu’un Belge a été, en
pays étranger, victime d’un crime ou d’un délit commis par un de ses
compatriotes, il y a souvent impossibilité pour lui de porter plainte aux
autorités de son pays. Supposé qu’un Belge ait été assassiné par un Belge à
l’étranger, D’après la proposition de l’honorable membre, il devrait porter
plainte. Mais la plainte est impossible. Les autorités belges doivent donc
poursuivre d’office.
Quand c’est un
étranger qui est victime du fait imputé à un Belge, on peut espérer que si
l’offensé est dans l’impossibilité de se plaindre, les autorités locales donneront
avis du crime ou délit aux autorités belges, et cet avis officiel suffit,
d’après l’article 2, pour autoriser les poursuites en Belgique ; mais lorsque
l’offensé est un Belge, les autorités du pays où le fait se serait passé
pourraient être peu soigneuses de porter à la connaissance des autorités
judiciaires de notre royaume qu’un Belge a été victime d’un crime ou délit
commis par un de ses compatriotes.
Ces considérations
vous prouvent, messieurs, qu’il y a des motifs pour exiger la plainte dans un cas,
et pour ne pas en faire une condition dans l’autre.
Enfin il a paru à votre section centrale que quand c’était vis-à-vis
d’un Belge qu’un crime aurait été commis, il ne pouvait pas dépendre de
l’auteur de ce crime, s’il était riche et puissant, d’arrêter par son crédit ou
son argent le cours de la justice. Supposez qu’un Belge ait commis hors du pays
un crime d’assassinat ou d’empoisonnement envers un Belge, et qu’en prodiguant
l’or à l’offensé, il parvienne à arrêter les plaintes à la justice belge : la
morale publique ne s’offenserait-elle pas de voir cet homme promener son
impunité au milieu de nous ? L’ordre public n’exige-t-il pas que l’autorité
poursuive l’auteur de ce crime comme s’il l’avait commis dans le pays ?
L’honorable M. de
Brouckere a présenté sur l’art. 3 des observations auxquelles je répondrai
quand nous serons arrivés à cet article. Je crois avoir répondu à toutes celles
dont l’article 1er a été l’objet.
M. de Brouckere. - Il ne me semble pas qu’on
ait opposé des objections sérieuses au projet que j’avais proposé de substituer
aux projets du gouvernement et de la section centrale. Il est vrai qu’on s’est
servi de grands mots, mais je ne pense pas qu’ils ont fait grande impression
sur vos esprits. J’ai entendu parler de grands crimes, d’empoisonnements, de
scélérats ; mais ce ne sont pas là des arguments.
Il n’est pas
seulement question de crimes dans la loi. Il s’y agit aussi de délits
d’escroquerie, vols, etc. Ce n’est donc pas seulement avec de grands mots qu’on
détruira mes arguments, j’attends qu’on y oppose des arguments solides. Ce que
je dis ici s’adresse plus particulièrement à M. le ministre de la justice.
Je répondrai en
quelques mots aux principales considérations qu’on a fait valoir. Je pense moi,
et je m’en suis expliqué, que quand un crime ou délit a été commis à
l’étranger, on ne peut poursuivre ce crime ou délit que quand il y a plainte.
M. le ministre de la justice objecte qu’il est peu conforme aux principes
généraux du droit d’attendre qu’il soit porté plainte. Je répondrai en disant
que nous sortons ici des principes généraux du droit pénal ; car, d’après les
principes généraux du droit pénal, on ne doit pas poursuivre les crimes commis
à l’étranger, les lois ne pouvant exercer leur empire que relativement au
territoire où elles sont en vigueur. Nous sortons donc des principes généraux
du droit.
Mais, dit le
ministre de la justice, il est plus conforme à l’intérêt de
Mais si un Belge a
commis un assassinat à coups de hache à Aix-la-Chapelle, d’après ma
proposition, quand un Belge aura porte plainte, les poursuites se feront.
M. Demonceau. - Le mort portera plainte !
M. de Brouckere. - Si un assassinat a été
commis, et que la mort s’en soit suivie, assurément ce n’est pas la victime de
l’assassinat qui portera plainte, mais ce seront les héritiers, les
représentants du mort. C’est ainsi que la disposition doit être entendue ; et
s’il y a quelque doute à cet égard, on peut ajouter un paragraphe dans ce sens
à la disposition que j’ai proposée, et tout doute sera levé.
Maintenant j’aborde
la deuxième question traitée par M. le ministre de la justice. Il persiste à ne
voir aucun inconvénient à ce qu’un même individu soit pour un même fait
condamné en pays étranger et en Belgique. Pourquoi ? rien
de plus simple, dit-il. Quand un individu est condamné par contumace, il est toujours
soumis à un deuxième jugement. Sans doute. Mais M. le ministre de la justice
aurait dû ajouter que quand le contumace est jugé
contradictoirement, la condamnation par contumace tombe d’elle-même.
Permettez-moi de le
faire remarquer pour réparer l’oubli de M. le ministre de la justice. Jamais un
individu ne peut être condamné pour le même fait, par deux tribunaux
différents. Si un individu (je m’en tiens à l’exemple que j’ai cité) est
condamné, pour un fait commis à Aix-la-Chapelle, par le tribunal d’Aix-la-Chapelle,
et qu’il soit ensuite condamné en Belgique pour le même fait, à 20 ans de
travaux forcés, puisqu’on a parlé de scandale, je ne crains pas de dire qu’il y
aurait là scandale ; car assurément c’est dans le pays où le crime a été
commis, qu’on en peut le mieux apprécier la gravité et l’importance. Eh bien,
il pourra arriver que pour un meurtre commis à Aix-la-Chapelle, la cour
d’assises d’Aix-la-Chapelle reconnaissant qu’il y a eu provocation de la part
de la victime, ne condamne le contumace qu’à six mois de prison, et que ce même
individu, pour le même fait, à cause des circonstances dont on aura jugé qu’il
était accompagné, soit condamné à vingt ans de travaux forcés. Bien plus : cet
homme rentrant en Prusse, après avoir subi en Belgique 20 ans de travaux
forcés, sera obligé de subir la peine à laquelle il a été condamné en Prusse.
Je demande, à M. le ministre de la justice si ces cas-là ne peuvent pas se
présenter. Ces inconvénients sont donc évidents.
Maintenant j’ai
deux mots à répondre à M. le rapporteur de la section centrale. Cet honorable
membre pense que le Belge qui a commis un crime contre un étranger, sur le
territoire étranger, peut être poursuivi à son retour en Belgique. Il pense
qu’il n’en est pas de même pour les délits. Ainsi, un Belge pourra, selon le
rapporteur de la section centrale, commettre impunément certains délits à
l’étranger, rentrer en Belgique et n’être soumis à aucune poursuite. C’est
l’état de la législation actuelle. Mais j’avoue que j’y trouve un vice.
J’ai exercé les fonctions du ministère public dans un arrondissement où
il y avait de 15 à 20 lieues de frontière. J’ai vu dans cet arrondissement des
gens faisant profession d’aller commettre des délits sur le territoire de
D’après cela vous
voyez que j’applaudis au projet de loi présenté par le gouvernement. Je crois
que cette loi aura une grande utilité ; seulement je ne suis pas d’accord avec
le gouvernement en ce qui concerne les délits. Je veux qu’il y ait plainte en
toute occasion, et je ne veux pas qu’il y ait deux condamnations contre un même
individu pour un même fait. La chambre décidera laquelle des deux propositions
(de celle du gouvernement ou de la mienne) doit prévaloir.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant dit à
l’appui de sa proposition que le Belge jugé par contumace à l’étranger et
condamné ensuite contradictoirement en Belgique, pourrait être forcé de subir
sa peine à l’étranger après avoir satisfait à la justice de son pays. Mais,
m’adressant à l’honorable membre, je lui demanderai si ce cas ne peut pas se
présenter dans le système qu’il propose. Si l’individu qui a commis un crime à
l’étranger, est condamné en Belgique et qu’après avoir subi sa peine, il
retourne dans le pays étranger, ne peut-il pas y être condamné et puni ? Mais
il ne faut pas se livrer à des hypothèses invraisemblables et il est naturel de
supposer que dans le premier cas comme dans le second, on laisserait en paix
l’homme qui a été puni d’après les lois de son pays.
M. de Brouckere. - Je sais très bien qu’à la
rigueur le jugement prononcé en Belgique n’a pas en Prusse autorité de force
jugée. Mais je pense que nulle part un individu ayant subi une peine, dans son pays,
pour un crime commis à l’étranger, ne sera jamais soumis, pour ce même crime, à
de nouvelles poursuites à l’étranger.
Je m’adresse à la
bonne foi de M. le ministre de la justice. Je suppose qu’un individu ayant subi
une condamnation en Prusse pût être poursuivi une seconde fois pour le même
crime en Belgique ; donnerait-il l’ordre de faire les poursuites ? Je ne pense
pas que cela puisse entrer dans les intentions d’aucun magistrat quel qu’il
soit.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant réplique
que dans l’hypothèse que j’ai indiquée on ne poursuivrait pas a l’étranger, je
l’admets ; mais il n’est pas moins vrai qu’on aurait le droit de le faire. De
son côté il devra convenir aussi qu’on n’appliquerait probablement pas dans le
pays étranger la peine infligée par contumace au Belge qui a subi la peine à
laquelle il a été condamné contradictoirement dans sa patrie.
Je dois dire qu’en
Belgique on ne poursuivrait pas du chef d’un crime pour lequel il y a eu
condamnation contradictoire à l’étranger. Un pareil cas s’est présenté, et j’ai
ordonné de ne pas poursuivre.
J’ajouterai que si
un individu jugé par contumace en Belgique, condamné ensuite contradictoirement
en pays étranger et y ayant subi sa peine, revenait sur notre territoire, je ne
le ferais pas punir en Belgique, et que si je ne trouvais pas dans les lois
ordinaires le moyen de le soustraire aux effets de sa condamnation, je
n’hésiterais pas à présenter une demande en grâce.
M. de Brouckere. - Je réponds à
cela qu’il ne dépend pas de M. le ministre de la justice de ne pas faire
exécuter les jugements ; et M. le ministre de la justice le sent si bien qu’il
dit qu’il présenterait à S. M. une demande en grâce. Mais je ne sais pas si
dans d’autres pays on accorde les grâces aussi facilement. Nous savons qu’il
est des pays où l’on est très avare de grâces. Un individu condamné dans de
tels pays, condamné ensuite en Belgique et ayant subi sa peine, risquerait de
subir encore la condamnation prononcée contre lui à l’étranger, parce que le
droit de grâce y est exercé par le souverain seul et qu’il en est fait un usage
très rare.
Dans notre pays
rien n’est plus facile. On y fait un usage sage et modéré du droit de grâce.
Lorsque des plaintes se sont élevées dans la chambre à cet égard, j’ai été le
premier à soutenir qu’en général on n’avait pas abusé du droit de grâce. Mais
il est des pays où le souverain fait un usage très rare de ce droit de grâce.
M. Gendebien. - Je présenterai quelques
observations, auxquelles on pourra répondre demain et qui pourront être l’objet
d’un amendement que je propose dès aujourd’hui à vos méditations.
D’abord je suis
d’avis avec mon honorable collègue M. de Brouckere qu’il faut une plainte. La
seule objection que l’on fasse est qu’en jurisprudence la plainte doit émaner
de la personne offensée. Vous ne devez pas admettre cette jurisprudence. Je ne
conçois pas comment vous pourriez l’admettre, car elle est absurde.
Il résulterait de
là que les plus grands crimes resteraient impunis à défaut de plaintes. Un
homme empoisonné, assassiné, la victime étant morte, ne pourra porter plainte.
Ces crimes et tous ceux qui auraient pour résultat la disparition de la
victime, resteraient donc impunis ? Cela serait absurde. Je demande que l’on
ait égard à ces observations ; et je pense qu’on reconnaîtra qu’il est
essentiel d’admettre la plainte, et qu’il est plus dangereux qu’utile
d’admettre les avis ou réquisitions officiels. D’après d’autres considérations,
je ne saurais adopter la rédaction de l’art. 2. On y dit :
« Tout Belge
qui se sera rendu coupable hors du territoire du royaume … pourra, s’il se
trouve en Belgique, y être poursuivi … » Selon notre constitution on peut
faire grâce de la peine, mais on ne peut pas abolir les poursuites ; notre
constitution repousse formellement ces anciennes prétentions du pouvoir absolu.
Dès lors, je ne sais comment on peut, dans un article de loi, rendre cette
poursuite facultative ; il faut dire : « sera, s’il se trouve en Belgique,
jugé et puni conformément aux lois, etc. » Car d’après le code de 1810, la
cour d’appel peut contraindre le ministère public à poursuivre ; si on rendait
la chose purement facultative dans la loi, il en résulterait pour le pouvoir
exécutif une autorisation, un droit légal de poursuivre ou de ne pas poursuivre
selon son bon plaisir. En un mot, voilà un point constitutionnel qui exige une
correction dans la loi et qui appelle tout au moins vos méditations.
J’ai écouté attentivement
la discussion qui s’est élevée au sujet du jugement par contumace dont il est
fait mention à l’article 3 ; quant à moi, je pense que l’on ne peut pas
poursuivre en Belgique un Belge condamné par contumace à l’étranger, à moins
qu’il n’y consente, on plutôt qu’il refuse à purger sa contumace dans le pays
où il a commis le crime dont on l’accuse.
En voici la raison.
C’est qu’il peut se présenter beaucoup de faits punis à l’étranger de faibles
peines et qui le seraient en Belgique de peines plus fortes ; or c’est la
société au milieu de laquelle le crime a été commis qui a été offensée ; et
comme dans ses lois elle a apprécié l’offense et proportionné la peine au
délit, au scandale, vous devez appliquer la peine comminée à l’étranger contre
le fait dont la perpétration a eu lieu dans ce pays, et non le punir comme le
prescrivent les lois belges qui ont pu apprécier autrement le délit, le
scandale et la peine qu’ils entraînent.
Parmi les
différents exemples que l’on pourrait citer à l’appui de ce que je dis, je
citerai le suivant qui se présente le premier et le plus saillant à mon esprit.
On peut commettre des crimes contre la sainteté des lieux consacrés aux cultes,
contre la vénération acceptée et érigée en culte de certains sacrements ; en
France, il y avait une loi très rigoureuse sur cet objet ; c’est la loi du
sacrilège ; on ne pouvait commettre dans ce pays de crime plus grand, parce que
tout ce qui concerne le culte y était considéré comme qu’il y a de plus sacré ;
cependant pour d’autres pays, ces crimes ne sont pas considérés comme étant
aussi scandaleux ; ils sont presque partout rangés dans la classe ordinaire des
délits. Ceci prouve qu’un même fait, apprécié diversement selon les contrées, ne
peut être jugé et puni, si l’accusé l’exige, que conformément aux lois, aux
mœurs et usages de la société qui se croit offensée, et demande justice. En
conséquence de cette observation que je crois juste et incontestable, il y a
lieu à amender l’article 3.
Cet article est
ainsi conçu :
« Les
dispositions ci-dessus ne sont pas applicables lorsque le Belge a été poursuivi
et jugé en pays étranger, à moins qu’il ne soit intervenu une condamnation par
contumace ou par défaut ; auquel cas il pourra être poursuivi et jugé en
Belgique. »
Je demanderai
premièrement que le mot « pourra » soit remplacé par le mot
« sera » ; et que le mot « poursuivi » soit effacé.
Je demanderai
secondement qu’à l’article 3 on ajoute la disposition suivante :
« A moins
qu’il ne préfère purger sa contumace ; dans ce cas, il sera remis à l’autorité
étrangère. »
On me dit à voix
basse : « Cela ne peut-il ? » Je demanderai moi : pourquoi cela ne se
pourrait-il pas ? C’est la meilleure réponse que je puisse faire.
M. F. de Mérode. - Cela se peut très bien !
M. Gendebien. - Voilà les observations que la
discussion m’a suggérées ; je n’ai pas eu le temps d’examiner autrement le
projet. Il faut faire imprimer les amendements, et d’ici à demain on pourra se
former une opinion sur les divers systèmes présentés. Voici enfin les
amendements tels que je les propose :
« Art. 2. Tout
Belge qui se sera rendu coupable, hors du territoire du royaume, contre un
étranger, d’un crime ou d’un délit prévu par l’art. 1er de la loi du 1er
octobre 1833 (Bulletin officiel, n° 1195), pourra, s’il se trouve en Belgique,
y être poursuivi, et il y sera jugé et puni conformément aux lois en vigueur
dans le royaume, si l’étranger offensé rend plainte ou s’il y a un avis
officiel, donné aux autorités belges, par les autorités du territoire où le
crime ou le délit aura été commis.
« La présente
disposition n’est pas applicable aux délits politiques ni aux faits connexes à
un semblable délit, à moins qu’il ne soit dirigé contre
« Art. 3. Les
dispositions ci-dessus ne sont pas applicables, lorsque le Belge a été
poursuivi et jugé en pays étranger, à moins qu’il ne soit intervenu une
condamnation par contumace ou par défaut, auquel cas il sera poursuivi et jugé
en Belgique à moins qu’il ne préfère purger sa contumace. Dans ce cas, il sera
remis à l’autorité étrangère. »
- La séance est
levée à quatre heures et demie.