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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 mai 1838

(Moniteur belge, n°132, du 2 mai 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse de la pièce suivante adressée à la chambre.

« Les conseils communaux et un grand nombre d’habitants des communes de Kehlen, Bertrange et Mamers, protestent contre tout morcellement du territoire dans le traité à intervenir avec la Hollande. »

- Renvoyé à la commission des pétitions.


M. Eloy de Burdinne écrit à la chambre pour demander un congé.

- Accordé.


M. Pirson adresse la lettre suivante à la chambre :

« Messieurs les président et membres de la chambre des représentants.

« Messieurs,

« La nouvelle d’un attentat à l’honneur national est arrivée comme une bombe à la séance de samedi 28 de ce mois. A cette occasion il a été proposé un projet d’adresse au Roi, dont le but est la manifestation des sentiments qu’éprouve la chambre d’après les bruits qui annoncent la reprise prochaine des négociations relatives à notre séparation de la Hollande.

« Nous ne voulons plus du traité des 24 articles, en ce qui concerne, entre autres choses, l’abandon d’une partie du territoire belge, dont les habitants ont conquis avec nous l’intégrité.

« C’est aujourd’hui que cette nouvelle me parvient, c’est aujourd’hui que vous adopterez cette adresse à l’unanimité, et je ne pourrai arriver à temps ! Vous apprécierez tous mes regrets : vous vous rappellerez, j’espère, l’énergie toute particulière avec laquelle je me suis opposé à l’acceptation des 24 articles. Mes principes ne sont point changés. Je consens d’avance à tous les sacrifices pour en assurer le triomphe.

« J’ai été retenu ici par suite d’un dérangement de plusieurs jours, et puis la régence de Dinant est maintenant occupée de travaux, pour lesquels elle a réclamé ma présence. Je ne tarderai point à me rendre à mon poste à la chambre.

« Recevez, je vous prie. l’assurance des sentiments affectueux de votre collègue.

« Pirson. »

Projet de loi majorant les droits sur les bois étrangers

Discussion générale

M. F. de Mérode. - Messieurs, je suis venu plaider encore en faveur du trésor public, selon mon habitude, parce qu’on voudrait toujours beaucoup lui demander et très peu lui fournir, ce qui est impossible. Dans une de vos dernières séances on vous a réclamé une forte augmentation de personnel aux tribunaux de première instance. Probablement on a l’intention de payer aussi ces juges nouveaux, et ce ne sera certes point par souscriptions volontaires. On a voté récemment une loi sur les pensions militaires, on vient d’accorder les pensions des ecclésiastiques qui ont droit à la retraite ; il est inutile de répéter qu’on ne paye qu’avec les revenus de l’Etat, les charges de l’Etat. Et cependant, lorsqu’il existe des moyens faciles d’alimenter le trésor national sans formes vexatoires, on les néglige tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre. J’ai proposé d’appliquer le droit très modéré de 6 p. c. au bois de toute nature venant de l’étranger et servant aux constructions civiles ; on oppose à cette demande que je fais dans l’intérêt de nos finances, qu’il faut encourager les constructions. Or. messieurs, est-il bien vrai que la bâtisse soit en souffrance chez nous ? Au contraire elle est en grande activité, et j’ose dire hardiment qu’un droit de 6 p. c. sur les bois venant de l’étranger, ne peut la ralentir. Ce droit ne sera point un aliment pour la contrebande et ne tourmentera personne. Je conviens qu’il serait plus commode de ne pas le payer, mais le contribuable pauvre sur lequel le percepteur exerce le droit de contrainte, est plus à ménager encore que celui qui achète librement une marchandise un vingtième de plus que sa valeur intrinsèque. Si vous voulez encourager les constructions, vous pourriez supprimer le droit de barrières pour les matériaux destinés à la bâtisse, supprimer les droits de navigation pour les bateaux transportant la chaux de Tournay, rembourser aux constructeurs de maisons, la valeur de l’impôt payé par les bois indigènes. Vous prendriez là des mesures non moins favorables à ses intérêts et plus nationales que la dispense de solder un droit modique sur un produit étranger ; veuillez ne pas oublier qu’en France et en Angleterre on retire d’immense revenus pour le trésor de l’Etat, du sucre, du café et du tabac qui ne rapportent à notre trésor public qu’un très faible tribut : et cela parce que l’on veut user chez nous de tous les égards imaginables pour le commerce ; parce que d’autre part notre territoire est restreint et difficile à préserver de la contrebande. Cependant nous avons une armée nécessaire dans notre position politique, nous voulons des améliorations intérieures, routes, canaux, chemins de fer, transportant les voyageurs presque gratis.

Nous voulons des tribunaux au complet, un système d’instruction publique large et plus cher qu’ailleurs, à cause de son grand jury d’examen. Ainsi donc, messieurs, si j’insiste sur ma motion financière, c’est uniquement pour satisfaire à nos besoins sociaux qui réclament des voies et moyens équitablement répartis sur tous les objets imposables intérieurs et extérieurs ; 6 p. c. perçus sur les bois venant du Nord, avec exception pour les constructions navales seulement, puisqu’on a jugé à propos de leur accorder une prime, ne feront pas augmenter les arbres de nos forêts ; car malgré cette légère taxe, les poutres de sapin de Norwège seront encore d’un usage infiniment plus économique que les chênes du pays ; et puisque ceux-ci, produit indigène, sont imposés au profit du trésor belge par l’intermédiaire du sol soumis à la contribution foncière, les autres, produit étranger, doivent apporter leur quote-part au fisc, et ce n’est pas les surcharger que de leur demander 6 p. c.

Je me suis acquitté consciencieusement du devoir qui incombe à chaque membre de cette chambre, de procurer à l’Etat les revenus qui lui sotn nécessaires. Je ne faillirai jamais à ce devoir, parce qu’il est trop souvent perdu de vue.

M. de Langhe. - Messieurs, l’autre jour l’honorable comte de Mérode a provoqué l’hilarité de l’assemblée en prétendant que mon intention était d’empêcher la culture du houblon en France. en coupant aux Français les perches sous les pieds ; l’honorable membre doit m’avoir bien mal compris, ou bien il doit avoir voulu placer un bon mot ; je n’ai nullement eu l’intention d’empêcher la culture du houblon en France, car je sais fort bien que cela n’est pas en notre pouvoir ; je ne veux pas même empêcher les cultivateurs français de couper nos perches ; je demande seulement que ces perches leur reviennent un peu plus cher, et c’est pour cela que j’ai proposé un léger droit de sortie. Veut-on savoir à combien ce droit s’élèverait ? La valeur des perches est de 25 à 35 fr. les 100 ; on ne déclarera certainement pas plus de 25 fr. ; eh bien, messieurs, alors le droit sera de 1 fr. 25 c., ou 1 fr. 57 c. avec les additionnels. Je vous demande, messieurs, si un semblable droit est tellement fort qu’il puisse engager les cultivateurs de houblon à faire venir leurs perches de pays éloignés ? Au surplus, j’ai fait ma proposition parce que je la crois utile ; j’ai fait mon devoir, l’assemblée décidera.

Quant à l’amendement de l’honorable M. de Mérode, je pense comme cet honorable membre qu’il n’y a pas lieu à faire une exception pour les bois de construction civile, d’autant plus que très souvent ils sont très difficiles à distinguer d’autres espèces de bois. J’adopterai donc l’amendement.

M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, un honorable membre qui n’est pas aujourd’hui présent à la séance, et qui, dans une séance précédente, avait demandé la parole pour dire quelques mots sur l’amendement de l’honorable M. de Mérode, m’a prié de vous soumettre les observations qu’il voulait faire à la chambre : comme je les crois juste, je me charge avec plaisir de vous les soumettre.

Jusqu’à présent le droit sur les bois de construction venant du Nord a été perçu à la valeur, et il n’y avait à cela aucun inconvénient parce que le droit était très minime ; mais si l’amendement de l’honorable M. de Mérode était adopté, alors, le bois de construction se trouvant frappé d’un droit élevé, ce droit devrait être perçu à la dimension ; chacun sait qu’il y a une grande différence entre la valeur des diverses espèces de bois ; il est donc à craindre que si vous percevez un droit élevé à la valeur, on n’importe plus dans le pays que les plus mauvais bois. C’est cette considération qui a déterminé l’Angleterre à remplacer le droit à la valeur par un droit à la dimension. Vous voyez, messieurs, que ces observations ne s’appliquent qu’au cas où l’amendement de M. de Mérode serait adopté ; s’il l’était, je crois qu’il y aurait lieu de soumettre à la chambre une proposition tendant à établir le droit à la dimension.

M. Pirmez. - Je pense, messieurs, qu’il faut rejeter et l’amendement de M. de Mérode et la loi tout entière. L’honorable M. de Mérode présente la loi comme devant procurer des ressources au trésor ; mais c’est là une erreur ; du moins M. le ministre des finances ne considère pas la loi comme fiscale, il nous la propose uniquement comme une loi de protection ; il s’agit donc tout bonnement d’une loi destinée à avantager certains individus au détriment d’autres individus.

L’honorable M. de Mérode veut que le bois servant aux constructions civiles soit imposé, tandis que M. le ministre des finances, d’après les explications dans lesquelles il est entré, ne veut pas que ce bois soit frappé du droit. Je ne comprends pas trop ce qu’on entend par bois de construction civile et navale ; ce sont sans doute les sommiers, les planches, les gîtes, les poutres, etc. ; mais les bois qui servent à faire des meubles ne sont-ce pas aussi des bois de construction ? Je ne vois pas quel motif il y a d’imposer plutôt les uns que les autres ; si la nation a besoin de ces différentes sortes de bois, peu importe que ce soient celles-ci ou celles-là qu’on impose.

Mais remarquez, messieurs, dans quelle contradiction nous allons tomber si nous adoptons la loi : il y a quelques années, on a proposé à la chambre de frapper toutes les coupes de bois d’un droit de 2 p. c. ; la chambre a adopté cette mesure, mais le sénat l’a rejetée, et il a bien fait à mon sens, car il n’y avait pas plus de motifs alors pour imposer les coupes de bois qu’il n’y en a aujourd’hui pour favoriser les bois ; quoi qu’il en soit, lorsque la chambre des représentants voulait frapper nos bois d’un droit de 2 p. c,, le bois était de moitié meilleur marché qu’aujourd’hui ; cependant, on disait alors que ceux qui possédaient des bois pouvaient bien payer le droit dont il s’agissait ; aujourd’hui que les bois valent moitié plus, on vient dire que ceux qui en possèdent doivent avoir un privilège ! C’est là une étrange inconséquence.

On a parlé de l’utilité qu’il y aurait à arrêter les coupes de bois ; mais, comme je l’ai déjà dit, la loi n’aura aucun effet sous ce rapport ; d’ailleurs, je ne vois pas quel intérêt le pays peut avoir à ce qu’on empêche les coupes de bois ; je crois qu’il faut laisser les propriétaires de bois user de leur propriété comme ils l’entendent.

M. F. de Mérode. - Je ne sais pas, messieurs, si l’honorable M. Pirmez s’est donné la peine d’écouter les observations que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre ; ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas répondu à une seule de ces observations. J’ai fait valoir l’intérêt du trésor ; il me semble que cet intérêt méritait bien que l’honorable membre s’en occupât, lui qui insistait, il y a quelques jours, pour obtenir l’augmentation du personnel du tribunal de Charleroy : s’il faut augmenter le personnel des tribunaux, il faut en même temps augmenter les ressources du trésor, car les juges qu’on nommera ne seront sans doute pas payés par le produit de souscriptions volontaires. L’honorable M. Pirmez parle de privilèges pour les propriétaires de bois ; il ne s’agit pas de cela : le sol qui porte les bois paie l’impôt comme celui qui porte du grain ou autre chose ; je vous au contraire qu’il existe maintenant un privilège en faveur des bois du Nord, qui ne paient rien au trésor, puisqu’ils ne croissent pas sur le sol belge ; je ne demande pas qu’on les frappe d’un droit exorbitant, je ne demande pas même qu’on les impose d’un droit équivalent à la moitié de celui que fournissent les bois indigènes, je demande seulement qu’ils rapportent aussi quelque chose.

Quand tous ces bois réunis paieraient 150,000 francs, je vous demande si ces 150,000 francs prélevés sur les bois étrangers destinés aux constitutions entraveraient le moins du monde la bâtisse dans le pays. Il me semble que cela est impossible.

J’ai ensuite fait observer que, dans notre pays, le sucre, le café, le tabac, toutes les substances enfin qui viennent de l’étranger, et qui rapportent énormément au trésor public dans d’autres pays, en France, en Angleterre, par exemple, sont d’un produit extrêmement faible chez nous, et cela par suite de circonstances que j’ai indiquées, et en première ligne desquelles j’ai placé la contrebande qu’un territoire restreint comme l’est le nôtre rend beaucoup plus facile. C’est donc là un motif pour chercher à percevoir, au profit du trésor public, et sans vexations, une légère rétribution sur des matières imposables qu’il est impossible de frauder. Il me semble que c’est là une considération qui n’est pas à négliger, et c’est à quoi M. Pirmez n’a pas songé.

M. Desmet. - Messieurs, si le projet de loi qui nous occupe a seulement pour objet de majorer nos contributions, comme le suppose l’honorable M. de Mérode, je dirai alors qu’on ne devait pas se borner aux bois de construction et aux autres bois dont l’industrie a besoin, mais qu’il fallait atteindre aussi les bois fins, tels que l’acajou, auxquels on n’a pas songé. Et vraiment c’est là un bois de luxe dont à la rigueur on peut se passer ; et sans doute ceux qui l’emploient peuvent très bien payer leur part, pour augmenter les contributions.

Mais si le projet de loi est seulement une loi à la protection, soit pour l’agriculture, soit pour l’industrie, je dois avouer que cette modification au tarif ferait plus de mal que de bien à nos établissements industriels. Et pourquoi ? Parce que j’envisage le bois du Nord comme une matière première indispensable : nous n’avons pas assez de bois de construction dans notre pays. Cependant, je remarque bien que dans le projet on fait une certaine différence entre les bois qui viennent par cargaisons fortes et les bois qui arrivent par petites quantités. Cette différence, à mes yeux, n’est pas assez claire. Je voudrais savoir si c’est le bois qui nous arrive de la Baltique, ce bois de sapin que nous recevons scié et non scié, qui pourra entrer comme aujourd’hui, et que vous ne voulez scié, attendu dans les modifications projetées, les bois qui pourraient nous arriver de la Hollande ou d’autres pays, venant du continent et qui pourraient faire du tort à nos scieries ; alors nous pourrions concevoir cette distinction.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est cela.

M. Desmet. - Si vous laissez entrer tous les bois sciés, je conçois votre projet ; je dis que les Hollandais ne peuvent nous faire du mal pour l’industrie du sciage. Cependant je crois que nous ne recevrons pas beaucoup de bois sciés de la Hollande ; je crois que la plus grande partie nous vient de la Baltique. Nous n’avons pas d’établissements à scier le bois, assez en nombre pour suffire à nos besoins, et vous le savez, messieurs, nous avons grandement besoin dans nos constructions et particulièrement dans celles des établissements industriels des planches de toute espèce de bois sciés, car la quantité qui entre du nord est très grande, et cependant il est toujours employé, les magasins sont toujours vides. Je le soutiens donc, aussi longtemps que nous n’aurons pas plus d’établissements à scier les bois, nous ne pouvons majorer les droits d’entrée sur les bois sciés du nord. Mais il n’en est pas de même en ce qui concerne les perches de sapin et les autres produits des sapinières. A cet égard, j’appuie le projet de loi : c’est une culture qu’il faut protéger, et vous savez tous que les terres qui sont propres à produire des sapins, ne sont pas propres à d’autres usages. Vous savez aussi que la concurrence de nos voisins pour nos sapinières est fort dangereuse ; sous ce rapport donc il y a lieu d’appuyer le projet de loi qui a été présenté.

L’honorable M. de Langhe a présenté un amendement en faveur de la culture du houblon. Certes, messieurs, la culture du houblon a besoin de protection. Mais je crains beaucoup que l’effet de cet amendement n’aura aucune influence sur la sortie des perches à houblon ; il n’en sortira ni plus ni moins, quoique ces perches ne soient pas extrêmement rares ; il est de fait cependant que les cultivateurs du houblon aux environs d’Alost, doivent chercher leurs perches dans la Campine, qui fournit toutes ces perches des houblonnières. Mais une chose que les cultivateurs du houblon réclament avec instance, c’est que notre gouvernement fasse des démarches auprès du gouvernement français, pour que nos houblons puissent entrer en France ; l’on sait que la France a besoin de nos houblons, et nous avons besoin de nous en défaire.

Je dis donc que si vous laissez entrer les bois du nord de toutes espèces, sciés ou non sciés, j’appuierai le projet de loi ; mais si vous faites une distinction entre les blocs et les planches et les madriers, je ne pourrai voter le projet, car j’augmenterai les droits d’entrée sur une matière première que nous n’avons pas en quantité suffisante, et dont nous avons un indispensable besoin.

M. Mercier. - Messieurs, pour apprécier l’amendement proposé par l’honorable comte de Mérode, il ne faut pas l’envisager isolément. On ne peut pas se borner à rechercher s’il y a de l’inconvénient à imposer le bois étranger ; si les propriétaires des forêts ont droit à de plus grands bénéfices.

Il faut, sous les différents rapports économiques et financiers, comparer les bois à d’autres objets de consommation indigène qui sont frappes de droits plus ou moins élevés.

La houille n’est-elle pas sous tous les rapports un objet bien plus nécessaire à notre industrie que le bois de construction ? Son prix élevé n’est-il pas en outre accablant pour le pauvre ?

Les cotons, les étoffes de laine ne sont-ils pas indispensables à nos vêtements, et les droits qui les frappent n’ont-ils pas pour effet d’augmenter leur prix ? Il est bien d’autres objets encore, indispensables à notre consommation, qui sont frappés de droits élevés à l’entrée uniquement parce qu’ils font concurrence avec la production ou l’industrie indigène.

Les produits de notre propre sol se trouvent aussi imposés par suite de la nécessité de satisfaire aux dépenses publiques.

Ainsi, non seulement une forte contribution foncière frappe la production du grain ; mais ce grain, lorsqu’il est transformé en bière, cette boisson si nécessaire à la classe ouvrière, est encore soumise à un impôt élevé.

Le sel, quoique moins imposé chez nous que chez la plupart des autres nations, est cependant une charge qui pèse encore fortement sur la classe pauvre.

Les droits imposés à l’entrée d’un produit quelconque, dans un pays, peuvent être divisés en trois catégories :

Ils sont élevés ou modérés, ou bien ils ne sont que la compensation d’un droit équivalent qui frappe le produit similaire dans l’intérieur du pays.

Les partisans de la liberté commerciale la plus illimitée ne peuvent certes aller au-delà de ce dernier système.

Eh bien, messieurs, si l’on comparaît le droit de 6 p. c. à la contribution foncière payée pendant le temps nécessaire à la croissance d’un arbre jusqu’au moment où il peut être abattu pour construction civile, : je vous le demande, le montant de cette contribution ne s’élèverait-il pas à bien plus de 8 p. c. à la valeur ? Admettre des produits étrangers, soit agricoles, soit manufacturiers, à un droit inférieur à celui qui pèse sur nos produits de même qualité, ce serait allouer une prime à l’industrie étrangère pour renverser l’industrie du pays.

On dit que les bois se vendent aujourd’hui à des prix élevés : cela est vrai ; mais ne voyons-nous pas défricher la majeure partie de nos forêts ?

Est-ce seulement le présent qu’il faut considérer dans une loi qui doit exercer son influence sur l’existence et la continuation de nos plantations ? Ne doit-on pas, au contraire, porter ses regards vers l’avenir ? Une forêt ne croît pas en une année comme une plante dans nos jardins ; ne se confectionne pas comme une pièce de drap, comme un verre de cristal : il faut cent ans pour produire ce qui est abattu en une heure.

Le prix de location des terres labourables et des prairies a fortement augmenté depuis quelques années : elles rapportent un revenu considérable au propriétaire. Celui-ci, consultant son intérêt, continuera, au moins, à mesure des coupes, à défricher ses forêts pour les convertir en terres labourables, s’il ne voit pas que la législation lui assure dans l’avenir des avantages à peu près équivalents à ceux qu’il retirerait de toute autre culture.

Ainsi, la question n’est pas de savoir s’il convient d’assurer de plus grands avantages aux propriétaires des forêts, mais bien s’il n’est pas nécessaire de prévenir l’entière disparition des forêts de notre sol ; et, pour atteindre ce but, ce n’est pas un droit protecteur élevé ou modéré qui est proposé ; mais on demande purement et simplement de rapprocher du droit qui frappe les bois indigènes celui qui sera perçu sur les bois étrangers.

Si vous n’en agissez pas ainsi, messieurs, la Belgique se verra successivement dégarnie de toutes ses forêts. Arrive alors une guerre, une interruption dans la navigation, elle se trouvera sans ressources pour ses constructions civiles et maritimes, ses fortifications et ses établissements industriels. Je crois donc que, sous le rapport politique, il est sage, il est prudent de faire en sorte que les bois indigènes jouissent au moins de la même faveur que les bois étrangers.

Comment, messieurs, on veut des droits prohibitifs sur les draps, sur la bonneterie, sur la verrerie, sur les tissus de coton, sur le bétail, ainsi que sur bien d’autres objets, et l’on refuserait sur les bois une simple compensation du droit payé en Belgique ! Cela est-il conséquent ? On conçoit difficilement que ceux-là s’opposent à un tel droit, qui ont réclamé des protections démesurées, soit pour la draperie, soit pour la bonneterie, soit pour le raffinage du sucre, ou pour toute autre industrie, c’est ce qu’il me paraît impossible de concilier avec leurs opinions précédentes.

Mais, messieurs, à quoi se réduit après tout ce droit sur les bois servant aux constructions civiles ?

Une habitation de 40 à 50 mille fr. exigera environ pour 8,000 fr. de bois matière brute.

J’admets que la moitié des bois employés dans nos constructions consiste en bois étranger. Le droit de 6 p. c. sur une valeur de 4,000 fr. s’élèvera, avec les centimes additionnels, à 271 fr. 20 c.

C’est là une fraction imperceptible de la valeur de l’habitation.

Voilà, messieurs, les considérations qui me font désirer qu’il soit établi un droit convenable à l’importation des bois servant aux constructions civiles : mais comme le bois n’arrive pas façonné en Belgique, il est impossible de distinguer cette qualité de bois de celle qui est employée pour les constructions navales : il faut donc nécessairement la soumettre au même droit, et je vais déposer un amendement à cette fin. Mais comme je veux avoir égard aux motifs puissants qui ont été allégués en faveur des constructions navales, et que ma proposition, en ce qui les concerne, n’est appuyée que sur l’impossibilité d’établir une distinction entre des bois qui sont de même espèce à leur entrée dans le pays, je demande que la prime accordée pour construction de navires soit augmentée de tout le montant de la majoration du droit. Il sera très facile au gouvernement d’établir une base de prime équivalente à cette restitution de droit, et au besoin je prends l’engagement formel de soumettre cette mesure à la chambre si, contre mon attente, le gouvernement ne prenait pas l’initiative. C’est là, messieurs, une disposition bien simple et de facile exécution.

Je n’ai entendu parler, messieurs, que des bois de construction civile et navale arrivant de la Norwége, de la Baltique et de la Russie, par cargaisons complètes, parce qu’en effet, la question n’a d’importance qu’à l’égard de ces bois : les importations d’autres provenances sont tellement insignifiantes, que j’attache un bien faible prix à l’adoption ou au rejet d’une loi qui ne les concerne pas.

De nombreuses réclamations ont été formées par les propriétaires des scieries de bois, et souvent j’ai entendu dans cette chambre professer le principe qu’il faut encourager la main-d’œuvre dans le pays : ce principe, je l’admets aussi quand il est bien entendu, et qu’il n’est pas poussé jusqu’à l’exagération ; je voudrais donc qu’un faible avantage fût offert aux scieries indigènes, et que le droit sur les bois sciés fût augmenté de 2 p. c. Ainsi le droit serait de 6 p. c. sur le bois non scié, et de 8 p. c. sur le bois scié.

Mais, messieurs, les bois du Nord arrivant en fortes parties et pour des valeurs considérables, il serait impossible aux employés des douanes de faire usage du droit de préemption : le droit serait donc illusoire, s’il n’était établi à la mesure. Dans l’amendement que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre, j’ai suivi ce mode de tarification : j’ai aussi maintenu dans une moindre proportion le droit différentiel qui existe actuellement en frappant d’un droit moins élevé, les bois qui arrivent directement du Nord.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Mercier :

« Toute espèce de bois propre à la construction civile et navale, arrivant de la Norwége, de la Baltique et de la Russie, par cargaisons complètes :

« Le mètre cube : brut, équarri ou scié, de plus de 8 centimètres d’épaisseur, fr. 2 50 ; scié, de moins de 8 centimètres d’épaisseur, fr. 3 50.

« Importé en détail, soit par mer, par rivière ou par terre ;

« Brut, équarri ou scié, de plus de 8 centimètres d’épaisseur, 8 p. c. ;

« Scié, de moins de 8 centimètres d’épaisseur, 10 p. c. (Le reste, comme au projet du gouvernement.) »

M. Pirmez. - Il paraît que l’on s’obstine à présenter la loi actuelle comme une loi fiscale. Je dois répéter pour la troisième fois que ce n’en est pas une. Si le projet avait été une loi destinée à procurer des ressources au trésor, le ministre aurait dit : Cela doit rapporter autant ; et la discussion se serait établie là-dessus. Mais ce n’est pas là une ressource fiscale, c’est une mesure de protection.

L’honorable M. Mercier a comparé la loi sur les bois avec les lois d’accise.

M. Mercier. - Et avec les lois de douane.

M. Pirmez. - Soit ; si c’est une loi de douane, si vous voulez en faire une ressource pour le trésor, vous devez dire au moins combien cela produira ; c’est alors là-dessus que la discussion s’établira. Mais il n’en est rien ; tout prouve que la loi qui nous occupe est purement une loi protectrice.

L’honorable M. Mercier a mis les industries qui sont protégées en regard avec les bois ; puisque les industries sont protégés, les lois méritent aussi protection. L’honorable membre a cité et les draperies et les bonneteries, et une infinité d’autres industries ; il vous a dit : Ce sont des industries qu’on protège, par conséquent il faut aussi protéger les bois.

Mais, messieurs, nous avons toujours fait la part des droits acquis à ces industries, quand nous les avons protégées, et nous avons eu égard aux circonstances dans lesquelles ces industries se trouvaient, lorsque nous avons voulu les protéger. Mais n’est-ce pas un véritable abus de mots que d’appeler la croissance des bois une industrie ? Car la croissance des bois n’est-ce pas ce qu’il y a de plus contraire au travail ?

L’honorable M. Mercier a dit que nos forêts s’anéantiraient si l’on ne s’y opposait. J’ai déjà répondu à cette observation ; j’ai dit que nous ne devions pas, dans l’intérêt du trésor, pousser à planter des bois, et qu’on trouvera moins d’avantage à planter du bois qu’à semer autre chose ; car le bois est le produit agricole qui rapporte le moins. Ainsi, lorsqu’un pays est réduit à planter du bois, c’est un pays misérable. Les pays les plus pauvres du monde sont couverts de bois ; de manière que chercher à faire couvrir un pays de bois, c’est vouloir absolument que ce pays se fasse pauvre.

Je crois que l’honorable M. Mercier a dit que nous risquions de n’avoir pas de bois pour notre navigation. Mais les peuples les plus navigateurs n’ont pas de bois. L’Angleterre avec ses mille vaisseaux n’a pas de bois. La Hollande, à l’époque la plus prospère de sa navigation n’avait pas de bois.

Ainsi pourquoi voudriez-vous faire pousser du bois sur votre territoire pour protéger votre navigation ?

On a dit aussi que le bois étranger ne payait pas d’impôt. Mais quand vous avez construit une maison avec du bois tiré de l’étranger, est-ce que cette maison ne paie pas d’impôt ? Lorsque du bois étranger entre dans la construction d’une maison et que cette maison donne huit à dix p. c. d’impôt, croyez-vous que ce bois ne supporte pas une partie de l’impôt foncier et de l’impôt sur le mobilier à la confection duquel il a servi ? Ne dites pas que vous favorisez le trésor par votre élévation de droit, car, au contraire, en facilitant la bâtisse des maisons et des objets mobiliers, le trésor percevrait dix fois plus qu’en faisant pousser des forêts au milieu de la Belgique.

Je ne sais si M. Mercier n’a pas dit qu’il voulait, en augmentant le droit sur les bois étrangers, augmenter les primes pour construction de navires. Mais alors vous vous appauvririez de deux manières ; d’abord en augmentant la prime pour la construction de navires : cela a été prouvé dans la discussion de la loi concernant cette prime ; et en second lieu vous vous appauvrissez de tout l’enchérissement donné au bois par l’augmentation du droit. Je ne conçois pas un pareil système.

M. Desmanet de Biesme. - Si, dans les amendements proposés, le but est d’augmenter le revenu du trésor, je le conçois. Si on veut également favoriser les propriétaires de bois, je le conçois encore. Mais qu’on vienne dire que cela empêchera le défrichement de nos forêts, je ne l’admets pas. La conservation de nos forêts est une chose intéressante : je crois à cet égard devoir émettre quelques idées autres que celles énoncées par les préopinants.

Le défrichement de nos forêts est un malheur, mais il ne vient pas du bas prix de la futaie, car il va tous les ans en augmentant. Depuis 25 ans, j’assiste à des ventes de bois, et tous les ans il a subi des augmentations. Cette différence est telle que les petits particuliers ont assez de peine pour se procurer le bois dont ils ont besoin pour construire leurs habitations. La cause du défrichement est tout autre que celle qu’on a avancée.

Sous l’ancien gouvernement autrichien, il y aurait eu une tendance à défricher, si la conservation des forêts n’avait pas été favorisée ; les bois payaient un impôt très minime, ce qui engageait à les conserver. Le gouvernement pensait qu’il était avantageux à un pays d’avoir des bois, et il employait les moyens nécessaires pour les faire conserver. Le gouvernement français interdisait le défrichement des forêts. Sous ce gouvernement on n’a pas défriché. Sous le gouvernement hollandais, on exigeait une autorisation pour les défrichements. Aujourd’hui qu’un nouveau mode de fabrication du fer est intervenu, c’est le peu de valeur de la raspe qui fait qu’on défriche. On a de beaux chênes qui sont un capital à réaliser, et comme dans ce siècle on est pressé de jouir, on calcule que la croissance de ces chênes ne peut pas donner un intérêt aussi haut que tout autre placement, et on les abat. Voilà pourquoi on défriche les forêts. Vous auriez beau augmenter le prix de la futaie, qu’on ne défricherait pas moins ; car c’est au bas prix de la raspe que cela tient ; il en résulte qu’actuellement il ne peut plus y avoir de bois que dans les très mauvais terrains, non susceptibles de donner d’autres produits agricoles.

Les grandes sociétés seules et quelques riches particuliers, pour leur agrément personnel, pourront conserver des forêts. Les sociétés, je ne crois pas qu’elles aient le droit de défricher comme elles l’entendent. Comme une autorisation était nécessaire pour défricher, je suis tenté de croire que quand on a concédé les forêts à ces sociétés, c’était avec l’intention qu’elles fussent conservées et non défrichées. Mais dans la situation actuelle, pour augmenter le prix du bois, c’est à vous de voir si vous voulez favoriser les propriétaires ou augmenter les produits du trésor ; mais vous n’arrêterez pas le défrichement. C’est ce que pourront certifier les personnes habitant les pays où il reste encore des forêts.

J’appuierai l’amendement de M. Mercier, en ce qui concerne la substitution de la dimension à la valeur, pour la base de la perception ; mais je ne pense pas qu’il faille augmenter le droit sur le bois étranger parce que nous sommes au moment de ne pouvoir pas nous en passer et que c’est un objet de première nécessité.

M. Mercier. - On s’est plaint souvent des vices de notre système de finances ; mais, avant de supprimer des ressources que nous considérons comme trop onéreuses pour les contribuables, il faut en créer d’autres. Si on veut des réductions sur certains objets, il faut augmenter l’impôt sur d’autres qui sont plus susceptibles de le supporter. Je n’ai pas comparé les droits sur les bois à des droits d’accises seulement, ainsi que le suppose un honorable orateur, mais aussi à des droits de douane ; j’ai envisagé la question sous le rapport économique et sous le rapport financier. Sous le rapport économique, j’ai cité des objets plus essentiels à l’industrie que le bois et sur lesquels on a établi des droits, j’ai cité entre autres la houille qui est frappée de droits élevés. S’il fallait choisir, il vaudrait mieux imposer le bois à construire que la houille.

J’ai dit ensuite que ce n’était pas un droit que nous proposions d’établir sur le bois, et ceci mérite d’être pris en sérieuse considération, mais qu’il ne s’agissait que de la cessation d’une prime accordée à un produit étranger, au préjudice d’un produit indigène. Nos bois sont soumis à la contribution foncière ; les partisans les plus exagérés de la liberté commerciale devraient se rallier à un amendement qui a pour objet d’imposer un produit étranger à l’égal d’un produit similaire indigène. On ne dévierait pas des principes les plus absolus de liberté commerciale en adoptant un semblable amendement.

Quant à la majoration des primes pour constructions navales, elle serait la conséquence de l’augmentation du droit que j’admets sur les bois servant aux constructions maritimes comme pour les bois destinés aux constructions civiles, parce qu’il serait impossible de distinguer les uns des autres au moment de leur importation. Cette impossibilité entraîne donc la nécessité de les frapper d’un même droit. Mais pour laisser les choses dans leur position actuelle, il faut augmenter la prime pour les constructions navales de tout le montant du droit perçu. Il sera facile au gouvernement de proposer un projet de loi pour régler cette prime dans le sens que je viens d’indiquer.

Le droit proposé sera de 300 fr. au plus sur une maison de 40 mille fr. environ, cela n’est pas de nature à arrêter l’élan des constructions civiles... J’entends que ces calculs sont contestés ; je déclare qu’ils reposent sur des données positives dont il résulte que, dans une maison de 40 mille francs environ, il entre pour 8 mille francs de bois brut. J’ai eu aussi sous les yeux des états publiés par le préfet du département de la Seine en France, qui renseignent que dans les constructions d’habitations d’une valeur de 40 à 60,000 francs, le bois brut n’entre que dans la proportion d’un sixième ou d’un septième. Voilà des proportions qui se rapprochent et se justifient réciproquement.

Remarquez que je ne parle que de la valeur du bois brut, car le bois travaillé acquiert une bien plus grande valeur.

L’honorable M. Desmanet de Biesme a fait observer que le prix de la futaie va toujours en augmentant. J’objecterai que le prix de location des terres labourables va aussi en augmentant et dans une bien plus forte proportion. Si nous voulons conserver les bois de haute futaie, comme les autres bois, il faut assurer quelque avantage aux propriétaires de forêts ; s’ils trouvent plus de bénéfice à les convertir en terres labourables, ils les défricheront, c’est ce qui arrive encore tous les jours ; car, nous voyons les hautes futaies coupées avant d’être arrivées à leur croissance, et vendues comme bois à brûler.

M. Desmet. - On ne veut pas comprendre qu’en ce moment, en Belgique, le bois de construction du Nord est une matière indispensable. On veut frapper d’impôt une matière première qui manque dans le pays. Je parle ici en faveur de l’industrie. Quand on voit la quantité énorme de bois étranger qui entre dans le pays et qu’on emploie dans les établissements industriels, on peut dire qu’il en manque. J’ai pris des renseignements dans des magasins de Bruxelles, pour savoir si on pouvait modifier le tarif ; on m’a répondu que non, et on m’a cité un exempte. On voulait avoir quelques pieds de chêne sec, on n’a pas pu s’en procurer 400 pieds ; A combien Presque à un franc le pied.

Le bois de chêne de construction est plus cher aujourd’hui que l’acajou commun, et quelquefois le double ; c’est pour cela que je crois qu’il faudrait modifier le tarif à cet égard puisqu’il s’agit d’une matière première indispensable.

Je demanderai à M. le ministre des finances s’il compte remplacer tout le tarif par les deux disposition proposées.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Non, sans doute ; le dernier article porte le contraire.

M. Desmet. - C’est ainsi que je l’entendais ; je ferai remarquer qu’il y a une modification qui concerne le bois de hêtre dont on a besoin dans le pays, non seulement pour les constructions, mais encore pour l’ébénisterie.

Relativement à la proposition de M. Mercier, je dirai que personne plus que moi n’aime à favoriser le système de la perception du droit au poids quand il est nécessaire, quand je crois qu’en percevant à la valeur on pourrait diminuer le droit établi par la loi ; mais ici ce n’est pas le cas ; rien n’est plus facile que d’évaluer les bois qui entrent dans le pays : tous ces bois se vendent publiquement, on en connaît le prix, et il est impossible de frauder les bois. Si la disposition était admise, les bois recherchés qui n’entrent pas en grande quantité, les bois qu’emploie le riche, paieraient de faibles droits, et on ferait payer les bois gros qui sont plus communément employés et qu’emploie le pauvre.

M. Mercier devrait indiquer le tantième du droit qui résulterait de sa proposition ; je demande qu’il veuille bien nous dire quel droit à la valeur résulterait de cette même proposition. Je crois que dans tous les cas il n’y a pas lieu d’établir le mode de la perception au poids, puisque tout le monde connaît la valeur du bois, et que rien n’est plus facile que de l’établir ; car le droit ne doit être établi au poids que quand on ne peut établir la valeur et diminuer les quantités.

Revenant sur la proposition, je dis que nous devons être assez prudents pour ne pas augmenter les droits d’entrée sur une matière aussi nécessaire que les bois de constructions venant de la Belgique.

M. Mercier. - Je ferai observer à l’honorable M. Desmet que la presque totalité des bois introduits dans le pays consiste en bois de sapin. Le droit résultant de ma proposition serait de 6 p. c. à la valeur sur le bois non scié, et de 8 p. c. sur le bois scié. Voilà les renseignements que désirait M. Desmet . Cet honorable membre désirerait que le droit fût établi à la valeur, mais j’ai expliqué pourquoi ce serait impossible. Quand on introduit en un seul jour 100,000 fr. de bois par un seul bureau de douane, on ne peut croire que les employés préempteront une valeur aussi considérable ; il est donc nécessaire que les droits soient établis d’après la mesure métrique, et non à la valeur.

M. F. de Mérode. - On vient toujours vous dire qu’il faut favoriser l’industrie ; certes, je suis du même avis que ceux qui veulent que l’industrie soit protégée. Dans tous les pays on veut que l’industrie soit favorisée ; en Angleterre, il en est ainsi : dans ce pays où il y a autant d’industrie qu’en Belgique et où il n’y a pas autant de bois, on impose cependant les bois étrangers, on pense qu’ils doivent payer au trésor comme tout autre objet ; mais si vous voulez favoriser toutes les industries, supprimez toutes contributions ; alors l’industrie sera plus favorisée, mais alors aussi vous vivrez comme vous pourrez comme société.

Je ne parle pas dans l’intérêt des propriétaires de bois, car pour moi je voudrais qu’on n’eût plus la liberté de défricher les bois. Dans quelques années, on ne trouvera plus de bois pour les cuves des houillères. On vous a dit que le gouvernement autrichien exemptait les bois de construction de toute contribution ; que, sous le gouvernement français, on ne pouvait pas défricher ; que, sous le gouvernement hollandais, il y avait une restriction, puisqu’il fallait une autorisation pour défricher ; aujourd’hui on a supprimé tout cela, on laisse toute liberté aux propriétaires de bois.

Les bois sont extrêmement chers, et il est probable que cette cherté ira croissante. Ce n’est donc pas dans l’intérêt des propriétaires de bois que je demande qu’on impose les bois étrangers, c’est pour qu’ils rapportent au trésor comme tout autre objet. Quand je demande par quel impôt on remplacerait celui-là, on ne me répond rien. On demande toujours des dégrèvements, et jamais on ne songe à rien produire au trésor public. Si c’est ainsi qu’on veut mener les affaires financières du pays, on en est libre ; quant à moi je n’admettrai jamais un tel système.

M. Brabant. - L’auteur de l’amendement qui a donné lieu à cette discussion laisse subsister le taux actuel du droit existant sur les bois servant aux constructions navales, parce qu’il ne veut pas supprimer la faveur accordée à ces constructions par une loi de l’année dernière. Mais s’il s’était reporté un peu plus loin, il aurait vu que l’augmentation de droit sur les bois servant aux constructions civiles détruisait, non l’ouvrage de l’an dernier, mais l’effet d’une loi portée dans un temps où on avait besoin d’argent, en 1826, loi qui exemptait de contributions pour 6 ou 8 ans les maisons nouvellement construites.

M. Mercier vous disait tout à l’heure que dans une construction de 40,000 fr., les bois n’entrent guère que pour 8,000 fr., c’est-à-dire pour un cinquième. J’ai quelque expérience des constructions ; je me suis trouvé très souvent avec des architectes et des ingénieurs ; mon expérience et celle de mes amis, encore plus au courant que moi des constructions, m’ont appris que le bois chez nous, où il est moins cher que dans d’autres parties du pays, entre dans les constructions de maisons pour un tiers des sommes qu’elles coûtent.

Je suppose qu’on construise une maison coûtant 21,000 fr. ; elle ne sera ni bien grande, ni bien belle ; eh bien il y entrera pour 7,000 fr. de bois. Le droit sur ce bois, à raison de 6 p. c., sera de 420 fr. Le revenu de cette maison sera évalué par le cadastre à 300 fr. environ. La contribution foncière, en supposant qu’elle soit de 10 p. c. du revenu net, sera de 30 fr. ; supposez l’exemption de contributions de 8 années, ce qui est le plus long terme, cela donnera une somme de 240 fr. Eh bien, maintenant on paierait presque le double de cette somme par suite de l’augmentation des droits que l’on voudrait établir sur la matière première.

Nous devons encore chercher à arriver au but qu’on se proposait en 1826, car c’est un malheur dans un grand nombre de nos villes que la disette des maisons, la difficulté qu’ont les ouvriers à se loger, et le haut prix auquel ils sont obligés de payer de misérables tanières.

Les lois de douane, comme on les envisage généralement, c’est-à-dire comme lois de protection, doivent être des lois d’expédients ; il est inutile de venir en aide à ceux qui sont fort à l’aise ; les propriétaires de bois de construction n’ont jamais été dans une position aussi favorable. J’ai des relations avec beaucoup de personnes qui font le commerce des bois ; il y en a de fort âgées qui m’ont affirmé que jamais le bois de chêne de construction n’a été aussi cher qu’aujourd’hui. C’est à tel point que nous qui sommes situés dans des pays de bois, nous sommes obligés de faire venir du sapin malgré le haut prix de voiture qu’il nous coûte. Il faut songer en outre que ce bois de sapin qu’on veut fortement imposer devient nécessaire dans une industrie très importante pour la Belgique, qui commence à exporter considérablement et qui exporte précisément dans les pays d’où nous tirons le bois : je veux parler de l’industrie des machines. Le bois de sapin est fortement demandé pour les modèles. Je sais tel établissement où dans une année il en a été consommé pour 500,000 fr. Ainsi, il est évident que le droit de 5 p. c., qui est peu de chose en apparence, serait sensible pour cette industrie. Cette industrie est dans des conditions prospères, il est probable qu’elle consommera chaque année une plus grande quantité de bois de sapin ; vous allez donc lui faire porter un très lourd fardeau.

M. Angillis. - Messieurs, j’ai entendu dire que la loi que nous discutons était une loi de protection ; si on l’envisage sous ce rapport, il faut la rejeter ; et je dirai pourquoi.

En général, on fait passer toutes les lois de douane pour des mesures de protection ; et le fisc se fait payer largement cette prétendue protection qui rapporte des millions au trésor.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Ce n’est pas le cas ici.

M. Angillis. - J’ai dit que vous devez rejeter la loi si vous l’envisagez commue protectrice. En effet, les propriétaires de bois n’ont pas besoin de protection ; jamais, à aucune époque de ma vie, je n’ai vu les bois de construction à un prix aussi élevé : il est tellement élevé que nous ne pourrions nous passer des bois étrangers.

A l’appui de la loi, on a cité les houilles qu’on impose à l’entrée : mais pourquoi les impose-t-on ? C’est parce que nous en avons assez, si même nous n’en avons pas de trop ; il n’en est pas ainsi pour les bois.

On a cité d’autres marchandises : Mais si on les frappe de droits, c’est que nous trouvons assez de marchandises similaires dans nos fabriques, et que pour encourager notre industrie nous devons rendre la concurrence étrangère moins nuisible. Il n’y a pas de motifs semblables pour les bois ; je ne saurais trop le répéter.

M. de Langhe voudrait faire augmenter le droit à la sortie sur les perches et le bois qui servent à la culture du houblon : je m’opposerai à son amendement. On ne peut vendre les perches chez nous ; on nous en offre actuellement un tiers moins qu’il y a deux ans ; est-ce là le cas d’empêcher leur exportation ?

Non seulement je rejette l’amendement de M. de Langhe ; mais je rejetterai la loi entière.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je m’aperçois que plusieurs membres ne comprennent pas bien la portée du projet, car ils semblent croire qu’il va imposer considérablement les bois destinés aux constructions ; or, c’est là une erreur que je vais tâcher de rectifier.

Veuillez faire attention, messieurs, que d’après le projet :

« Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié, autre toutefois que les bois de construction civile et navale, que le tarif actuelle admet au droit de 25 cents par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames » paierait 6 p. c. à l’entrée » ; et quels sont ces « autres bois ? » Ce sont à peu près tous les bois de construction importés en Belgique. Cela est prouvé par les chiffres des importations présentés à l’appui du projet de loi, lesquels démontrent que tous les bois propres aux constructions navales et civiles, arrivent de la Norwège, de la Baltique et de la Russie, par cargaison complète, et par conséquent ne seront pas soumis à des droits plus élevés que par le passé.

Nous avons reconnu, en combinant la loi en discussion, que le prix des bois, en Belgique, était assez élevé en ce moment ; nous avons reconnu en outre que les constructions prenaient, au grand avantage du pays, un développement qu’il importait de ne pas entraver, que dès lors il était utile de faire exception dans l’augmentation du tarif, en faveur des bois nécessaires aux constructions civiles et navales. C’est aussi ce que nous vous demandons. On a donc tort de prétendre que nous voulons augmenter l’impôt sur cette sorte de bois. A la vérité, plusieurs membres de cette chambre ont pu être induits en erreur, parce que dans le second numéro du projet, il est dit :

« Planches, solives, poutres, madriers et tout autre espèce de bois scié, entièrement coupé ou non, et autres, » mais il y est ajouté : « autres toutefois que les bois de constructions compris dans l’exception ci-dessus et que les bois feuillards. »

Il ne s’agit donc d’imposer plus fortement qu’aujourd’hui que les planches, solives, etc., qui arrivent d’autres pays que la Russie, la Norwège ou la Baltique. Ces planches, solives, du reste, sont distinguées dans le tarif actuel ; nous maintenons cette distinction, en proposant de les assujettir à 10 p. c. au lieu de 6 p. c. de la valeur.

Le troisième article concerne les gaules, perches et lattes de sapin ; il est le but principal de la loi ; et je suis surpris que M. Angillis n’ait pas appuyé le projet d’après les prémisses qu’il a posées.

La Campine et d’autres portions de notre territoire sont improductives, si ce n’est pour les plantations de sapin, qui semblent destinées à faire des progrès, surtout si l’on stimule quelque peu ce genre de culture. C’est là le but de notre projet et non un but fiscal.

Nous avons déjà plus de perches qu’il ne nous en faut, a dit l’honorable M. Angillis, on ne sait où les vendre ; il aurait donc dû conclure avec nous qu’il convient d’entraver les importations de cette sorte de bois.

Vient un quatrième article, qui maintient le tarif actuel pour toutes les autres espèces de bois ; cet article porte :

« Bois pour caisses à sucre, bois de chauffage, bois feuillard, osiers, saules, cercles, cerceaux, douves et autres subséquemment désignés au tarif général comme au tarif actuel. »

Cette disposition comprend les bois d’ébénisterie, l’acajou, le cèdre, et les autres bois que notre sol ne produit pas.

Vous le voyez, messieurs, on s’est exagéré la portée du projet ; nous avons fait une exception toute spéciale en faveur des constructions civiles et navales, et nous laissons imposés de faibles droits qui existent actuellement, tous les bois qui sont en réalité matière première.

M. le comte de Mérode demande un droit de 6 p. c. à la valeur sur les bois de construction civile, et un autre membre demande que ce même droit soit établi à la mesure ; si la chambre admettait cette majoration, je donnerais la préférence au mode de la mesure, attendu que les importateurs pourraient impunément faire de fausses déclarations à la valeur, parce que la préemption deviendrait impossible pour les employés, lorsqu’il s’agirait de fortes cargaisons. Ce n’est pas, cependant, que le mode de perception au cube ne présente des inconvénients ; le droit reste ainsi toujours le même sur des bois différents entre eux ; il y a des sapins qui valent beaucoup plus que d’autres ; mais cet inconvénient me paraîtrait moindre que celui qu’entraînerait la perception d’un droit important à la valeur qui ne reposerait sur aucune sanction réelle.

L’honorable M. Mercier propose du reste de distinguer les bois en grume ou en grosses pièces, des bois sciés, et de frapper plus fortement les derniers ; ceci est rationnel, car ils ont plus de valeur ; et en outre, il convient de protéger la main-d’œuvre du sciage en Belgique.

Pour me prononcer sur l’amendement dont il s’agit, je dirai que si les bois de haute futaie n’avaient pas actuellement une aussi grande valeur et que si les constructions entreprises ne s’étaient pas autant multipliées, j’adopterais la proposition de MM. de Mérode et Mercier, parce qu’il ne faut pas manquer l’occasion d’augmenter les revenus du trésor quand on rencontre des matières imposables, non sujettes à la fraude ; par conséquent, sans combattre, en principe, cette proposition, je crois que pour le moment, il ne faut pas l’admettre.

M. de Langhe. - Je dois répondre un mot à l’honorable M. Desmet, qui dit que le droit de sortie proposé sur les perches à houblon n’aura aucune influence sensible sur le prix de ces perches ; je pense aussi, messieurs, que mon amendement n’aura pas pour effet d’augmenter notablement le prix des perches, et c’est précisément pour cela que je le propose, car je n’ai jamais eu l’intention de sacrifier une culture à une autre ; seulement je désire que nos perches soient un peu plus cher pour les Français que pour les cultivateurs indigènes, et que la différence ne soit pas assez grande pour empêcher qu’on n’achète les perches en Belgique plutôt que de les faire venir de pays éloignés ; ce but sera parfaitement atteint par un amendement, car les frais de transport sont beaucoup plus élevés que le droit que je propose.

L’honorable M. Angillis dit que nous avons plus de perches à houblon que nous ne pouvons en consommer ; cela est possible pour la localité qu’il habite, mais dans beaucoup d’autres localités ; il est certain que les perches ne sont pas en abondance.

M. Desmet. - Messieurs, d’après la déclaration que vient de faire M. le ministre des finances, il paraît qu’il ne veut pas modifier le tarif en ce qui concerne les bois venant du nord, soit sciés, soit non sciés, ils peuvent entrer sur le pied du tarif actuel ; alors je ne m’opposerai pas au projet ; mais aussi, je ne vois de quelle utilité peut être le projet, pour les bois de construction, car je ne sache point qu’il nous arrive d’autres bois de cette espèce, que ceux que nous recevons de la Baltique ; il est vrai, nous recevons bien quelque bois de chêne du Rhin, mais c’est bien peu, et nous pouvons dire que tout nous arrive du nord.

L’honorable M. Mercier voudrait établir la perception à la dimension ; je suis partisan du mode de perception à la douane au poids et à la mesure quand il y en a besoin, quand on ne peut pas apprécier la valeur d’un produit ; mais ici, ce n’est pas le cas, il n’y a rien de plus connu que la valeur des bois du nord, c’est une évaluation qui est très facile, et d’ailleurs il y a 9 ou 10 espèces différente de bois de sapin, les prix en varient depuis 5 jusqu’à 50 centimes le pied carré, et quand l’honorable membre dit qu’il n’y a que des bois de sapin qui entrent, ne sait-il donc pas que ces bois ont beaucoup de variétés d’espèces : vous avez le sapin roux, le sapin blanc, ceux de Riga, ceux de Memel ; et comme je vous le dis, ils diffèrent beaucoup de qualité.

Si vous adoptez le système de M. Mercier, vous allez imposer le sapin qui sert à l’industrie, tandis que vous n’imposez pas celui qui est employé par les riches, car il m’étonne qu’on ne sache point que le bon bois de sapin rouge de Riga est tellement élevé en prix qu’il y a impossibilité de l’employer dans nos constructions des établissements industriels. C’est un bois dont on ne fait usage que pour les planchers des maisons et des châteaux des riches, et les bois ne seraient pas imposés ou de bien peu de chose, tandis que vous ferez payer tout le droit par ceux qui ont besoin d’employer des bois communs et particulièrement pour les constructions industrielles ; et quand il vous dit qu’on ne pourra préempter une cargaison de bois trop bas déclaré, mais c’est encore là une erreur grave, car s’il y a un objet facile à préempter et dont la douane pourra toujours se défaire, ce sera des bois fins du nord qui seraient déclarés trop ; d’ailleurs, messieurs, on ne risque jamais de faire sa déclaration trop basse, car les prix sont trop bien connus !

M. Andries. - Remarquez, messieurs, que l’amendement de l’honorable M. de Langhe serait surtout favorable à la culture du houblon, qui a fait longtemps la richesse des Flandres ; maintenant le houblon se cultive aussi dans le département du Nord, et le gouvernement français a regardé cette culture, qui n’existe que dans un seul département, comme assez importante pour mériter une grande protection ; il a frappé nos houblons d’un droit de 6 fr. par 100 kil.

Une voix. - C’est 100 p. c.

M. Andries. - Oui, c’est 100 p. c. ; et il est bien naturel qu’un droit aussi énorme engage les habitants du département du Nord à cultiver le houblon ; aussi cet état de choses fait beaucoup de tort à nos cultivateurs, qui sont encore condamnés à voir les Français enlever chez nous les perches qui sont indispensables à la culture dont il s’agit.

L’amendement de M. de Langhe aurait pour effet de protéger tant soit peu les cultivateurs indigènes et de favoriser même dans la suite les producteurs de perches ; car si l’on cultive plus de houblon, les perches seront plus recherchées, et par conséquent on en obtiendra un meilleur prix.

Je sais bien que cet amendement n’aura pas un effet bien considérable, mais il produira toujours quelque bien, et ce bien il ne faut pas le repousser ; espérons qu’ensuite, dans les négociations qui auront lieu entre la France et la Belgique, nous parviendrons à déterminer cette première puissance à réduire le droit dont elle frappe nos houblons ; si ce droit pouvait être baissé jusqu’à 60 fr. au lieu de 65, ce serait là pour nos cultivateurs un encouragement beaucoup plus efficace que l’amendement de M. de Langhe ; néanmoins, puisque cet amendement peut produire quelque bien et qu’il ne fera certainement aucun mal, je pense que la chambre doit l’adopter ; puisqu’en France, où la population est de près de 34 millions d’âmes, on a bien, dans l’intérêt d’un seul département, frappé nos houblons d’un droit de 100 p. c. il me semble qu’il ne serait pas non plus contre la dignité de la chambre de s’occuper tant soit peu des intérêts de plusieurs localités très importantes.

M. Dumortier. - Il me paraît, messieurs, qu’il faut absolument adopter une disposition telle que tous les bois étrangers, quel que soit l’usage auquel ils sont destinés, soient imposés ; si vous n’agissez pas de la sorte, vous frapperez les bois qu’on emploie dans telle province et vous ne frapperez pas ceux qu’on emploie dans telle autre province ; ce serait là une mesure injuste, inique. Ce motif m’encouragera à adopter les amendements de M. de Mérode et de M. Mercier.

Toutes les industries nationales méritent protection, et la plantation des bois doit trouver autant d’appui dans cette enceinte que les industries manufacturières : je ne sois pas pourquoi l’on refuserait aux cultivateurs de bois un encouragement qu’on accorde aux fabricants de toiles, de coton et de toutes autres marchandises.

Maintenant, messieurs, si vous n’adoptez pas l’amendement de M. de Mérode et celui de M. Mercier, certaines provinces seront frappées par la loi, tandis que d’autres ne le seront pas ; le Hainaut, par exemple, devra payer des droits élevés pour les bois dont il fait usage, tandis qu’au contraire ceux qu’on emploie dans les Flandres et dans la province d’Anvers ne seront pas imposés. Est-ce là de la justice distributive ? Est-ce là de l’égalité de tous devant la loi ?

D’ailleurs, messieurs, ce que nous ne devons pas non plus perdre de vue, c’est l’intérêt du trésor, et je le demande, y a-t-il au monde un droit plus modéré, plus facile à percevoir qu’un droit de 6 p. c. sur le bois de construction ?

Remarquez en outre que ceux qui exploitent des forêts paient un droit bien considérable, l’impôt foncier ; faudra-t-il que le bois étranger qui n’a rien payé à l’Etat vienne concourir avec les bois indigènes en franchise de toute espèce de droit ? En vérité, messieurs, ce serait se jouer des intérêts du trésor et des intérêts de l’industrie nationale.

Je ne puis partager en aucune manière l’opinion de l’honorable député de Charleroy, qui pense que les bois ne sont pas utiles à un pays ; je sais qu’il est des circonstances où la culture des bois est moins productive que telle autre, mais il est aussi des circonstances où la culture des bois est très avantageuse. Dans tous les cas un pays doit toujours conserver une certaine quantité de bois, pour tout événement, et cela et tellement vrai qu’en Angleterre, où certes on entend bien l’économie politique, après avoir supprimé la plupart des forêts, on a distribué des médailles d’or à ceux qui semaient du gland. Partout on reconnaît la nécessité d’avoir des forêts ; je ne prétends pas qu’il faille les conserver toutes ; il ne faut pas tomber dans les extrêmes ; mais il faut accorder aux personnes qui désirent conserver leurs bois, la protection à laquelle elles ont droit d’après les principes que nous avons admis dans toutes les lois relatives aux intérêts matériels. Vous accordez à toutes les industries des droits protecteurs, vous devez agir de la même manière envers ceux qui exploitent des forêts ; vous ne pouvez pas avoir deux poids et deux mesures.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, le projet de loi, tel qu’il a été présenté par le gouvernement, n’a pas, selon moi, une très grande portée, puisqu’il maintient les dispositions actuelles quant aux neuf-dixièmes peut-être des importations qui se font en fait de bois étrangers. Mais il n’en est pas de même de l’amendement qui a été déposé par l’honorable M. de Mérode, et sous-amendé, je pense, par l’honorable M. Mercier.

Là, l’exception disparaît, et réellement le projet acquiert une très grande importance ; car toutes les importations en bois étrangers sont frappées ; dans ce système le droit qui est minime devient réellement considérable.

Messieurs, je ne partage pas l’opinion de mon honorable ami qui a parlé avant moi, et je me prononcerai contre les amendements de MM. de Mérode et Mercier.

Avant d’adopter une modification aussi grave dans le tarif, il faut, me paraît-il, en justifier la nécessité. On ne doit pas, sans une nécessité bien prouvée, modifier, et modifier d’une manière notable, le tarif qui est actuellement en vigueur. Quels sont donc les motifs de la modification réclamée par MM. de Mérode et Mercier ? On en allègue deux. On a dit, d’une part, qu’il fallait protéger la production indigène contre l’importation étrangère ; d’autre part, qu’il fallait saisir l’occasion de faire entrer de l’argent dans le trésor public.

Eh bien, il me paraît résulter de la discussion que l’un et l’autre motif viennent à manquer au cas actuel ; que le premier motif est aussi mal fondé que l’autre. On a démontré, par des raisons qui n’ont pas été réfutées, que la production indigène n’a pas besoin maintenant de protection. Le droit à l’importation étrangère a été minime pendant le temps où les bois étaient à bas prix, la production indigène pouvait souffrir. Mais à l’heure qu’il est, par cela même que le prix du bois est élevé, la production indigène ne souffre en aucune manière ; et c’est lorsque la production indigène n’est nullement en souffrance, que vous voulez appliquer le remède. Mais c’est de la déraison, c’est plus que de l’absurdité.

Les bois sont une matière première pour les constructions civiles et navales. Cette matière première est à très haut prix, et c’est ce moment que vous voulez choisir pour l’augmenter encore, pour accroître en quelque sorte un mal : ce qui, je le répète, me paraît déraisonnable.

Ainsi, dans mon opinion, la production indigène n’a actuellement besoin d’aucune protection, et les amendements qui ont été proposés sont tout au moins inopportuns ; mais maintenant apprécions l’autre motif : il a été réfuté d’une manière qui m’a frappé bien plus encore. On a dit : Vous voulez faire entrer de l’argent dans le trésor ; mais des lois fiscales qui ont été faites pour procurer de l’argent au trésor, ont précisément créé une exception pour les constructions civiles, et ces constructions donnent lieu à exemption de contribution. On a reconnu qu’elles avaient besoin d’être protégées, de sorte que vous allez contrarier par la loi actuelle ce qui est établi par d’autres lois actuellement en vigueur.

Quant aux constructions navales, l’honorable M. Mercier a reconnu lui-même qu’elles ont besoin de protection ; que le renchérissement du bois étranger irait en sens inverse de cette protection. Mais, dit-il, si je ne les comprends pas dans ma proposition, c’est qu’il serait très difficile, si pas impossible, d’apprécier à l’importation si les bois sont destinés à des constructions navales ou à des constructions civiles ; mais, ajoute-t-il, j’augmenterai la prime à la sortie ; le trésor restituera d’une main ce qu’il obtiendra de l’autre. De sorte qu’en définitive le trésor est destiné à ne rien percevoir de ce chef.

Quant aux constructions civiles, ce sera la même chose. Vous détruisez tout à fait un encouragement accordé par nos lois actuelles qui ont reconnu la nécessité d’encourager les constructions civiles. En vertus de ces lois, toute maison nouvellement construite donne lieu à une exemption de contribution foncière pendant six ou huit ans. Eh bien tandis que l’exemption est estimée à une somme de 200 fr., par exemple, le droit à imposer sur les bois étrangers augmentera peut-être leur prix de 400 fr. ; de sorte que vous ferez payer au double, à ceux qui construiraient des maisons, un avantage qui leur a été assuré par cette exemption de contribution. Mais je ferai cette question : Y a-t-il lieu à continuer d’encourager les constructions civiles, et à maintenir l’exemption qui est établie dans la loi sur la contribution foncière ? Si le maintien n’en est pas nécessaire, le parti que vous avez à prendre, c’est, non pas d’établir un droit à l’entrée sur les bois étrangers, mais d’abroger l’exemption dont il s’agit. Mais si vous croyez que cette exemption soit encore nécessaire, vous allez en ce moment directement contre votre but, en établissant un droit d’entrée qui augmente la dépense de construction d’une somme double du montant de cette exemption. Cela me paraît de toute évidence.

Il me semble donc qu’il n’y a rien à répondre aux réfutations qui ont été produites, et que les amendements qui ont été présentés ne peuvent réellement pas être acceptés. Le gouvernement ne vous demande pas ces dispositions ; la section centrale ne vous les demande pas non plus ; elle a proposé purement et simplement l’adoption du projet de loi. Ce seraient des amendements, en quelque sorte improvisés, qui amèneraient un changement très notable dans notre tarif. Je crois que nous devons nous garder d’entrer dans cette voie.

M. Mercier. - Messieurs, je m’aperçois que l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer a peu de chances d’être admis par la chambre. Cependant j’éprouve le besoin de répondre quelques mots à l’honorable M. Dubus.

D’abord il ne s’agit pas, comme je l’ai déjà fait remarquer plusieurs fois, d’une protection à accorder aux propriétaires des forêts ; mais bien de frapper les bois étrangers d’un droit équivalent à celui qui atteint les bois indigènes. Ce que je trouve absurde, pour me servir des expressions de l’honorable orateur, c’est de donner indirectement une prime aux produits étrangers au détriment des produits indigènes.

C’est là une absurdité inconcevable consacrée dans notre tarif. Ordinairement on fait le contraire, ce sont les produits indigènes qui sont gratifiés d’une prime, système auquel je me suis plusieurs fois opposé. Mais enfin ce sont du moins des produits indigènes ; mais accorder une prime aux produits étrangers, voilà une chose qui ne se voit que dans cette circonstance.

On dit que les bois se vendent bien maintenant ; cela est possible ; mais, en pareille matière, ce n’est pas le moment actuel qu’il faut considérer, c’est l’avenir. Il est certain que les propriétaires ne trouvent pas dans la culture du bois les mêmes revenus que ceux que procurent les terres labourables. S’il en est ainsi, il faut encourager la culture du bois.

On dit encore que si la loi est destinée à devenir une ressource fiscale, le but est manqué. Il est évident, messieurs, qu’il en résultera une augmentation de recette pour le trésor. Je sais bien que l’exemption de la contribution foncière est acquise pendant un certain nombre d’années aux maisons nouvellement construites ; mais il entre dans la construction de ces maisons d’autres matières que le bois.

La houille frappée d’un droit d’importation élevé n’est-elle un agent indispensable pour la formation du fer et des briques ? Ces matières ne sont-elles pas ainsi véritablement soumises à l’impôt ? Sans doute, et cet impôt existe réellement, tandis qu’en ce qui concerne les bois, il ne s’agit que de la cessation d’une prime au profit de l’étranger. Qu’on ne s’imagine pas d’ailleurs que le bois renchérisse du tout le montant du droit, ce serait une erreur, et l’on doit admettre au contraire que la différence du prix ne sera que d’environ la moitié de ce droit par suite de la concurrence du bois indigène qu’on emploiera plus qu’on ne le fait aujourd’hui.

M. Dumortier. - Messieurs, j’avais demandé la parole pour faire à peu près les mêmes observations qui viennent d’être faites par l’honorable M. Mercier, et pour repousser le reproche de déraison et d’absurdité que mon honorable ami a articulé contre les observations que j’avais présentées, et que d’autres membres avaient fait valoir comme moi.

Voici quelle est l’argumentation de mon honorable ami. La production indigène, dit-il, n’a pas besoin de protection, parce que le prix des bois est actuellement aussi cher que les propriétaires de bois peuvent le désirer.

La production indigène n’a pas besoin de protection !... Mais c’est là, me paraît-il, résoudre singulièrement la question par la question. La production indigène n’a pas besoin de protection !... Et pourtant il est de fait qu’on défriche, parce que le bois ne rapporte pas assez. Pourquoi le prix du bois est-il augmenté ? C’est à cause des nombreux défrichements qui ont eu lieu, et d’où résulte que ce qui reste de bois ne satisfait pas aux besoins. C’est là l’unique cause du renchérissement momentané du bois. Si le bois a augmenté de valeur, c’est uniquement à cause de la détresse réelle dans laquelle se trouvent les propriétés boisées. Eh bien, s’il y a quelque chose d’absurde, c’est de considérer ce renchérissement momentané du bois comme un motif de ne pas accorder de protection à la production indigène. Je le répète, cette augmentation n’est autre chose que le résultat de la détresse qui existe dans les propriétés boisées, et qui en a fait détruire une immense partie.

Un fait que personne ne conteste, c’est que les forêts ne rapportent plus en proportion des terres labourables, et c’est cette considération qui a provoqué le défrichement d’une grande partie des forêts du pays.

Il est donc évident que si une industrie quelconque est réduite à devoir se supprimer de plus de moitié dans beaucoup de provinces, cette industrie, loin d’être propice, est dans un état de crise. Il est donc certain que si vous voulez encourager la production des bois indigènes, vous devez leur accorder un droit protecteur contre les bois étrangers qui viennent lutter avec eux sur les marchés intérieurs. Que propose-t-on ? Un droit de 6 p. c. Est-ce là un droit bien exagéré ? Il s’agit de savoir maintenant si nous élèverons plus ou moins le droit pour certaines catégories de bois.

Eh bien, on n’a pas répondu à l’argument que j’ai eu l’honneur de développer : qu’en frappant les bois qui arrivent par petite quantité, on frappe les constructions dans certaines provinces, tandis que la forêt de Mormal sera frappée d’un droit, tandis que dans les Flandres, où l’on fait des planchers de sapin, on ne paierait pour les bois qu’on emploierait aucun droit, parce que ces bois arrivent par cargaison pleine. Est-ce là de la justice ? Non ; pour moi je ne puis voir une bonne justice distributive dans une mesure qui frappe d’un droit élevé le bois qui entre par petite partie et ne frappe pas celui qui entre par grande partie, Si certaines catégories de bois doivent être frappées vous devez étendre la mesure.

Pour repousser le droit proposé sur le bois de construction, on a invoqué l’exemption d’impôt foncier pendant six années, qu’on accorde aux constructions nouvelles. Mais je ferai observer que quand cette disposition a été établie, le trésor n’était pas dans la position où il est actuellement ; il ne fallait pas constamment rechercher de nouvelles ressources. Du reste, il y a une grande différence entre un droit une fois payé et un impôt qui se prélève pendant six années, et il faudrait des exceptions excessivement rares pour que le droit sur le bois fût plus élevé que l’exemption d’impôt foncier. D’ailleurs, maintenant nous avons besoin de fonds pour le trésor public ; tous les ans on parle de déficit ; il faut imposer les objets de première nécessité, rien de plus rationnel que d’imposer les bois à bâtir. Que celui qui veut bâtir paie le droit sur la bâtisse. Cela vaut mieux que les droits sur le sel, et même le café, qui sont des objets de première nécessité pour les pauvres. Les droits sur les bois de construction frapperont des personnes riches. Par ces motifs, je voterai pour leur adoption.

M. Pirmez. - Après ce que vous a dit M. Dubus, je pensais qu’il n’y avait plus rien à ajouter pour faire repousser les propositions de MM. Mercier et de Mérode. Cependant on est encore venu les défendre. Voilà la singulière argumentation qu’on vous a présentée : Nous voulons établir un droit sur les bois, pour conserver les forêts, parce que sans cela le bois deviendrait excessivement cher dans l’avenir ; nous voulons, en établissant un droit, le rendre cher maintenant, dans l’espoir de le faire devenir bon marché à l’avenir. Nous voulons encourager l’industrie des forêts. Comme si une forêt était une industrie !

Je vous demande si on peut accepter de pareils arguments !

Si on défriche les forêts, c’est parce qu’on a plus d’avantage à cultiver les terres. Les forêts, on ne les cultive pas, elles croissent naturellement. C’est le propre des pays sauvages d’avoir des forêts.

On défriche chez nous, parce que nous sommes civilisés et que nous retirons plus de fruit de la terre en la labourant qu’en la laissant produire du bois. En remettant les terres labourables en bois, vous appauvririez de toute la différence entre le produit de la terre labourable et le produit de la terre boisée.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est le propre d’un pays barbare d’être couvert de forêts. La Russie est couverte de forêts ; croyez-vous qu’il ne lui serait pas plus avantageux d’avoir de riches campagnes comme les nôtres ? Si on parvenait à défricher ces forêts, diriez-vous qu’elles sont dans la détresse ? Oui, les forêts seraient dans la détresse, mais le pays s’enrichirait. Je suis persuadé que la Russie, la Suède et la Norwège seraient enchantées de la détresse de leurs forêts si elles pouvaient les changer en campagnes ; loin de s’en plaindre, elles s’en applaudiraient.

M. Dubus (aîné). - Mon honorable ami s’est trompé quand il a pensé que j’aurais taxé ses observations de déraisonnables et d’absurdes. Je n’ai pas dit cela ; j’ai dit que ses observations étaient inapplicables à l’amendement proposé ; mais j’ai dit qu’il était déraisonnable et qu’on pourrait même ajouter absurde de protéger une industrie qui était en prospérité. Du reste, si je n’ai pas rencontré toutes les raisons qu’a données mon honorable ami, c’est que je n’ai pas voulu répéter des arguments qui déjà avaient été produits, mais j’estime que toutes ces raisons avaient été réfutées d’avance ; et notamment celle qu’il a tirée de la tendance au défrichement avait été réfutée par des faits produits par l’honorable député de Namur, M. Desmanet de Biesme . Il vous a démontré que, quelle que soit la loi que vous adoptiez, vous n’empêcheriez pas le défrichement ; il vous en a signalé la cause, il vous a dit qu’un propriétaire ne planterait pas de la haute futaie qui ne donnerait de produit que dans un siècle, un siècle et demi, et que quant aux taillis qui donnent des produits annuels, ces produits étaient si faibles qu’on aimait mieux défricher.

Voilà des raisons auxquelles on n’a rien répondu. Ainsi, vous augmenterez le tarif, qu’on défrichera comme auparavant. Cela sera sans aucun effet sur les prix de ventes périodiques de taillis ; on n’attendra pas un siècle, un siècle et demi, pour obtenir un produit en hante futaie.

Du reste, messieurs, je ferai cette simple question : Pense-t-on que le prix des bois de construction n’est pas assez élevé ? Tout le monde répondra qu’il est au contraire plutôt trop élevé. Vous voulez favoriser la production indigène ? Il faut supposer que les producteurs de bois, en présence de la concurrence étrangère, ont de la peine à place leurs produits parce que ces produits sont à trop bas prix.

Tout le monde vous dira qu’au contraire rien n’est plus facile que de placer à des prix élevés les bois, soit pour constructions navales, soit pour constructions civiles.

Encore une fois, à quoi sert votre loi puisque les bois indigènes peuvent se placer facilement à des prix élevés ? Vous n’avez donc pas besoin de leur donner de protection. Je réduis la question à cela. Il n’y a rien à répondre.

Mon honorable ami a dit que l’exception étant restreinte aux importations de bois du Nord par cargaison complète, il en résulte que les provinces qui s’approvisionnent par terre ou par cargaison incomplète paient un droit que ne paient pas les autres provinces.

Je répondrai qu’elles ont la faculté d’employer les mêmes bois, et que même si cette raison est bonne, il doit tendre à élargir l’exception ; que ce n’est pas un motif pour la faire disparaître. Si vous voulez qu’il soit aussi avantageux d’employer le bois de la forêt de Moumal, qu’on étende l’exception à ce bois, je ne m’y opposerai pas. Mais vous vouiez supprimer l’exception établie pour les bois du Nord, quand vous les obligez de reconnaître que les propriétaires placent constamment leurs produits à des prix très élevés. Quant au trésor, il n’a aucun intérêt à percevoir un droit plus élevé sur les bois de construction, alors qu’on est obligé de conserver dans nos lois une exemption d’impôt foncier pour les constructions civiles.

- La discussion générale est fermée.

Discussion de l'article unique

Article unique

« Article unique. Par modification au tarif des douanes, en ce qui concerne les espèces de bois étrangers ci-après spécialement désignées, les droits d’entrée et de sortie sur ces espèces sont fixés comme suit :

« Les droits auxquels sont actuellement soumises les autres espèces de bois mentionnés aux tarifs existants, sont maintenus.

« (N°1) Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié, autre toutefois que les bois de construction civile et navale, que le tarif actuel admet au droit de 25 cents par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames. A la valeur : droit actuel : à l’entrée, 2 1/2 p. c., à la sortie, 1 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 6 p. c., à la sortie 1 p. c. »

- L’amendement de M. Mercier est mis aux voix et n’est pas adopté.

Celui de M. de Mérode est également repoussé.

Le n°1 du projet est adopté.


« (N°2) Planches, solives, poutres, madriers et toute autre espèce de bois scié, entièrement coupé ou non, et autres, autres toutefois que les bois de construction compris dans l’exception ci-dessus et que les bois feuillards. A la valeur : droit actuel : à l’entrée 6 p. c., à la sortie, 1/2 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 10 p. c., à la sortie 1/2 p. c. »

- Adopté.


« (N°3) Gaules, perches et lattes de sapin. A la valeur : droit actuel : à l’entrée 2 p. c., à la sortie, 1 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 10 p. c., à la sortie 1 p. c.

M. le président. - M. de Langhe a proposé sur ce paragraphe 3 un amendement par lequel il propose de fixer le droit de sortie à 5 p. c.

M. Gendebien. - Je crois qu’on ne peut douter que ce paragraphe 3 s’applique seulement aux perches de sapin ; je prierai cependant M. le ministre des finances de s’expliquer sur ce point.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est, en effet, seulement aux gaules, perches et lattes de sapin que la disposition doit s’appliquer ; elle a été restreinte ainsi pour ne pas gêner l’importation des perches d’autres essences dont on a grand besoin pour les houillères dans le Hainaut.

Puisque j’ai la parole, je dirai deux mots sur l’amendement de M. de Langhe. Il propose un droit d’exportation de 5 p. c. sur les perches et gaules par les frontières de France qui joignent les Flandres ; car c’est à ces gaules-là que son amendement devrait seulement s’appliquer selon son intention ; il fait cette proposition pour augmenter indirectement le prix du houblon en France. Je pense que cette entrave à la sortie d’une production de notre sol tournerait contre nous ; les Français n’emploieraient plus nos perches, ils en feraient venir par Dunkerque, de l’intérieur de la France ou d’autres pays, ce qui équivaudrait à une prohibition de l’exportation des perches de sapin qui, ainsi que l’a dit l’honorable M. Angillis, sont très abondantes chez nous.

Dans tous les cas, un fort droit d’importation à côté d’un droit élevé d’exportation constituerait deux dispositions contraires qui ne sauraient coexister dans un tarif. Mais on voudrait que le droit de sortie ne s’appliquât qu’aux frontières de France, joignant les Flandres ; eh bien, ce serait là une disposition exceptionnelle, hostile, et nous avons admis le principe, récemment encore, qu’il ne faut traiter aucun pays d’une manière exceptionnelle, parce que de telles mesures sont toujours mal vues et provoquent des représailles. La disposition ne saurait donc être que générale, or, elle serait évidemment défavorable à la Campine, à la province d’Anvers d’où l’on ne pourrait plus exporter le sapin, attendu que les Hollandais de la frontière auraient avantage à se le procurer dans l’intérieur du Brabant septentrional.

L’amendement de M. de Langhe ne me paraît donc point admissible, quelle que soit la forme qu’on lui donne.

M. de Langhe. - Je ne comprends pas comment la légère augmentation du droit de sortie, que je propose sur les gaules, perches et lattes de sapin, pourrait préjudicier à la Campine qui n’en a pas à exporter.

M. Andries. - Si la chambre rejetait un amendement qui tend à favoriser l’industrie de la culture du houblon, cela ferait un singulier contraste avec la conduite de la chambre française qui a voté un droit énorme pour protéger une industrie qui n’existait que dans un seul département.

Il est évident que la disposition proposée protégera indirectement les propriétaires de perches ; car elle en augmentera le débit, puisqu’elle aura un effet favorable sur la culture du houblon.

Aujourd’hui, en transportant quatre cents perches, on paiera 5 fr. ; avec les centimes additionnels on paiera en tout 6 fr. environ ; cela fera mal au cœur à nos cultivateurs, qui verront les perches de sapin s’en aller à l’étranger.

M. Brabant. - La discussion qui se présente nous montre ce que c’est que les droits protecteurs, L’origine de la proposition qui nous est faite se trouve dans une pétition des producteurs de houblon d’un certain canton, lesquels se plaignaient de ce que les cultivateurs français, leurs voisins, faisaient obstacle au placement de leurs produits : ils demandaient qu’on facilitât l’exportation du houblon, et en outre qu’on mît des entraves à sa culture en France, en empêchant la sortie des perches de sapin.

Mais si le producteur de houblon a droit à la protection, le producteur de perches a droit aussi à la protection. On espère, en rendant plus difficile l’entrée des perches en France, y porter obstacle à la culture du houblon, et l’on demande en même temps des facilités pour exporter nos houblons ; mais les producteurs français représenteront à la chambre des députés que les Belges ne méritent pas la protection qu’ils sollicitent.

Si les producteurs de houblon sont intéressés à le voir hausser de prix, il est d’autres producteurs qui ne sont pas de cet avis. Les producteurs de bière ne peuvent appuyer la proposition qui vous est faite. Restons dans les vrais principes ; accordons la plus grande liberté possible au commerce et à l’industrie. Je ne réclamerai pas de protection pour mon industrie ; et je repousserai toute demande de protection qui s’effectuerait par des entraves apportées à l’industrie des autres.

M. Andries. - Il est certain que les intérêts des propriétaires de sapinières sont les mêmes que ceux des cultivateurs de houblon.

La proposition de M. de Langhe mise aux voix n’est pas adoptée.

« (N°3) Gaules, perches, et lattes de sapin, 10 p. c. à l’entrée, 1/2 p. c. à la sortie. »

- Adopté.


« (N°4) Bois pour caisses à sucre, bois de chauffage, bois feuillard, osiers, saules, cercles, cerceaux, douves et autres subséquemment désignés au tarif général : comme au tarif actuel. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Vote sur l’ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

58 membres sont présents.

39 votent l’adoption.

19 voient le rejet.

En conséquence, la loi est adoptée et sera transmise au sénat.

Ont voté l’adoption : MM. Andries, Coppieters, de Behr, de Florisone, de Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, d’Huart, Dubus (aîné), Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pollénus, Raikem, Scheyven, Simons, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Van Hoobrouck, Vergauwen, Wallaert.

Ont voté le rejet : MM. Brabant, Corneli, de Brouckere, Demonceau, Dequesne, de Sécus, Dolez, Dumortier, Gendebien, Lardinois, Maertens, Pirmez, Troye, Van Volxem, Verdussen, Verhaegen. Vilain XIIII.

Projet de loi ouvrant un crédit au département des travaux publics, applicable à l'acquit de diverses dépenses de l'exercice 1835 et années antérieures

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) dépose sur le bureau de la chambre un projet de loi portant ouverture d’un crédit de 105 mille francs pour acquit de diverses dépenses de l’exercice 1835 et années antérieures.

- Sur la demande de ce ministre, le projet est renvoyé à la section centrale qui a été chargée d’examiner le budget des travaux publics, cette section considérée comme commission spéciale.

La séance est levée à 4 heures et demie.